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Le plus qu’admirable art de dire (et chanter) de Julian Prégardien, avec l’admirable art de l’accompagner au piano de Kristian Bezuidenhout, en un admirable très marquant CD Harmonia Mundi « Die schöne Müllerin » de Franz Schubert…

27août

Ne manquent certes pas d’innombrables interprétations au CD de « Die schöne Müllerin » de Franz Schubert D. 795 ;

et je n’énumérerai pas, pour commencer ici, celles de ma  discothèque personnelle…

Mais il me faut absolument insister, d’entrée, sur le niveau de choc d’admiration éprouvé dès la première écoute de cet extraordinaire CD Harmonia Mundi HMM 902739, par la grâce de Julian Prégardien, ténor, et Kristian Bezuidenhout à un fortepiano de Christoph Kern, de 2019, d’après un Conrad Graf, à Vienne, en 1825, en un enregistrement réalisé à Stuttgart en novembre 2023…

A-t-on déjà joui d’un tel degré de perfection de l’art du dire et du chanter, et du jouer, dont font ici preuve et Julian Prégardien et Kristian Bezuidenhout ?..

Je ne peux donc qu’abonder pleinement dans ce qu’en commente en son article de Discophilia le cher Jean-Charles Hoffelé en son article de vendredi 23 août dernier « Aède« ,

que voici :

AÈDE

Julian Prégardien le sait bien, le narrateur-acteur de La Belle meunière _ de Franz Schubert, D. 795, sur un poème de Whilhelm Müller… _ est un poète, qualité qui le destine plus encore aux ténors qu’aux barytons, Aksel Schiøtz, Ernst Haefliger, Fritz Wunderlich l’ont prouvé chacun dans leurs nuances. Celles du nouveau venu sont emportées par cet élan _ oui _ que le timbre, toujours juvénile _ Julian Prégardien est né à Francfort le 12 juillet 1984 _, autorise : la passion le brûle, la désillusion le détruira, tant de drame qui font le mot égal de la note _ voilà, voilà ! _, et la note elle-même soumise à un espressivo qui pimente le texte, dans le soutien exact et lui aussi très orné de la belle copie d’un Graf que touche _ admirablement, lui de mêmeKristian Bezuidenhout _ né, lui, en 1979, en Afrique du Sud _ avec cet alliage de brio et de sensible _ oui _ qu’il mettait déjà à ses autres Schubert pour Mark Padmore.

Voyage fascinant, et qui renouvelle _ vraiment, en effet ! _ une œuvre courue, écoutez seulement le récit _ sublimissime, oui _ de Morgengrüss _ à défaut, regardez ici la vidéo (de 0′ 58) de cet extrait de « Der Neugierige« , à la plage 6 du CD… _, cet art de faire entendre différemment, plus encore par une volonté artistique que par le simple recours aux ossias.

Troublant au possible, comme le sera son Possente spirto où il ose la même intensité, le même espressivo, mais d’un chant à revers des virtuosités voyantes d’un Nigel Rogers. La prière au bord des Enfers se déploie à la lisière de l’espoir et de la fureur, cette fureur qu’il aura laissé exploser dans un Tu sei morta d’anthologie. Musique de mort, quel contraste avec son ivresse encore si proche qui lui faisait oser un Vi ricorda o bosch’ombrosi d’une folle insolence.

De Schubert à Monteverdi, il n’y aurait donc qu’un pas pour cette voix dont l’art est tout espressivo ? Cela pourra sembler vertigineux à certains, mais offre un portrait du poète monteverdien saisissant, rappelant l’audace mêlant chant noble et douleur humaine qu’y avait osé Eric Tappy, posant alors un modèle inaltéré.

Autour de Julian Prégardien, Stéphane Fuget dresse plus que des décors : la narration est dans son orchestre sombre, intense, qui, atteint au sublime pour les Enfers, et ose toutes les fantaisies des deux premiers actes. Il sait marier les fêtes madrigalesques des bergers à leurs lamentations, encorbelle les amours d’Orfeo et Euridice avec des myriades de timbres subtils, détaille les débats des Enfers (la Proserpine de Marie Perbost proche du sublime, mais tous font un quatrième acte exceptionnel), conduit à l’élévation finale dans cette alliance de la douleur et de la consolation qu’apaise le dialogue déchirant entre le père (Cyril Auvity, quel Apollon) et le fils.

Gravure magique, portée par une équipe de chant qui magnifie le second volume de cette trilogie Monteverdi de première force. Que nous réservera L’incoronazione di Poppea ? En attendant, je vais reprendre leur version d’Il ritorno d’Ulisse in patria.

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LE DISQUE DU JOUR

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Franz Schubert (1797-1828)


Die schöne Müllerin, D. 795

Julian Prégardien, ténor
Kristian Bezuidenhout,
pianoforte
Un album du label harmonia mundi HMM902739

Claudio Monteverdi (1567-1643)


L’Orfeo,
SV 318

Julian Prégardien, ténor (Orfeo)
Gwendoline Blondeel,
soprano (La Musica, Euridice)
Marie Perbost, soprano (Ninfa, Proserpina)
Eva Zaïcik, mezzo-soprano (Messaggiera, Speranza)
Cyril Auvity, ténor (Apollo, Eco, Un pastore, Un spirito)
Luc Bertin-Hugault, baryton-basse (Plutone, Un pastore, Un spirito)
Luidi De Donato, basse (Caronte, Un spirito)
Vlad Crosman, baryton (Un pastore, Un spirito)
Paul Figuier, contre-ténor (Un pastore)

Les Epopées (Chœur & Orchestre)
Stéphane Fuget, direction


Un album du label Château de Versailles Spectacles CVS103

Photo à la une : le ténor Julian Prégardien – Photo : © DR

Tout simplement admirable !

Ce mardi 27 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un passionnant et intense « Labo du chanteur » (= travail de mise en place d’une interprétation musicale) de Thomas Dolié, baryton, avec Stéphane Trébuchet au piano, autour des deux premières « Chansons madécasses » (1925) de Maurice Ravel : une assez singulière beauté à attraper…

12mai

Assister, voire participer si peu que ce soit

_ pour ma part je me souviens tout spécialement des séances d’enregistrement à l’abbatiale de Saint-Michel-en-Thiérache, l’été 1995, pour le CD EMI-Virgin « Un Portrait musical de Jean-de-La-Fontaine« , sous la direction formidablement compétente (et magnifiquement exigeante !) de Nicolas Bartholomée à la table numérique, dans la sacristie ; un CD dont, « conseiller artistique » d’Hugo Reyne et La Simphonie du Marais, j’étais le co-auteur du programme (ainsi que de 90% du texte de présentation du livret), à partir d’un an de passionnantes recherches sur l’œuvre intégral (en deux volumes de La Pléiade) de Jean de La Fontaine, eainsi que sur l’œuvre musical de Marc-Antoine Charpentier ; cf mon article du 3 jullet 2020 : « «  _

au travail de mise en place, en vue d’un concert et plus encore d’un enregistrement discographique,

est absolument passionnant :

nous pénétrons alors au plus vif et sensible, frémissant (et fragile) de la chair la plus intime des œuvres qu’il s’agit d’interpréter, porter, et servir au mieux…

Or c’est exactement à cela que hier à 17 heures, à la Machine à Musique – Lignerolles, Thomas Dolié _ cf ici la merveilleuse vidéo (de 3′ 21) du final délicieusement somptueux autant que malicieux de « L’Heure espagnole«  sous la direction de François-Xavier Roth, dans lequel (« Un financier et un poète« …) est ô combien manifeste le génie éclaboussant de Ravel ! : Thomas Dolié y est Ramiro, le brave muletier qui « dans les déduits d’amour a (lui aussi, mais oui) son tour«  _ a généreusement et très simplement, et même très humblement, convié à assister le public pour son « Atelier du chanteur » _ cf cette vidéo de présentation (de 1′ 58), enregistrée le 24 février 2020 _, avec le pianiste Stéphane Trébuchet, en son exigeante  préparation, en cours, d’un enregistrement des 3 « Chansons madécasses » (avril 1925 – avril 1926) de Maurice Ravel, dans le cadre d’une très prochaine Intégrale discographique de la musique avec piano de Ravel par François-Xavier Poizat (Grenoble, 18 août 1989), à paraître cette année-ci, 2024, pour l’excellent label Aparté, que dirige l’excellent Nicolas Bartholomée…

« Les Chansons madécasses » ne sont certes ni le plus couru, ni le plus aisé non plus, des recueils de mélodies de Maurice Ravel :

commandé par l’américaine Elisabeth Sprague Coolidge (Chicago, 30 octobre 1864 – Cambridge, 4 novembre 1953), cette œuvre singulière et audacieuse de Maurice Ravel _ réalisée d’avril 1925 à avril 1926 : la troisième pièce a même dû être rajoutée afin d’adoucir l’effroi de l’impression produite par les deux premières ; et selon les termes de la commande passée, pour Elisabeth Sprague Coolidge par le violoncelliste Hans Kindler, l’effectif assez singulier de la pièce (d’une durée d’environ 10′), devait comporter, en plus de la voix, un violoncelle, une flûte et un piano : ce fut donc là la base même de ce travail très original de composition de Ravel qui a aboutira aux 3 « Chansons madécasses« , ce chef d’œuvre tout à fait singulier, j’y insiste, de Maurice Ravel, selon ses propres dires… _, a été composée sur un choix bien précis par Ravel lui-même de 3 poèmes en prose _ mais oui ! parmi les tous premiers… _ d’Évariste de Parny (Saint-Paul, La Réunion, 6 février 1753 – Paris, 5 décembre 1814), de 1787 : pour répondre à l’effectif même, très original donc, de la commande …

Cf déjà, ici, la très précieuse note, à la page 1009 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, se référant ici au très précieux « Maurice Ravel » de Roland Manuel _ à la page 118 de l’édition de 1948 dont je dispose ; dans l’édition originale de 1938, c’était à la page 166.

Et c’est Roland-Manuel lui-même que je lis donc ici, en son récit de 1938 :

« Amateur décidé des bibelots façonnés sous la Révolution, le Directoire, l’Empire et la Restauration, Ravel avait acquis, lors de son installation à Montfort, entre une pendule gothique de 1820 et une théière étrusque, les œuvres complètes d’Évariste Parny en édition princeps. Comme il feuilletait le poème des Fleurs :

L’Ognon préfère un sol épais et gras,

Un sol léger suffit à la semence.

Confiez-lui votre douce espérance

Et de vos fleurs les germes délicats…

il reçut d’Amérique un câblogramme du violoncelliste Kindler qui lui demandait de composer, à l’intention de Mme Elisabeth S. Coolidge, un cycle de mélodies avec accompagnement, « si possible » de flûte, de violoncelle et de piano« .

Et Roland-Manuel alors de poursuivre :

« Toujours heureux, en bon mozartien, de se plier à un jeu dont une volonté étrangère avait fixé les règles, le musicien poursuivit bravement sa lecture de Parny, bien décidé à imposer aux chants du « Tibulle français » la compagnie d’un piano, d’une flûte et d’un violoncelle. Séduit par un exotisme très particulier et de tout point conforme à ses goûts, puisque la couleur locale en est quasiment absente, son choix s’arrêta sur les cinquième, huitième et douzième chansons madécasses.

De cette gageure est née la meilleure musique de chambre qui soit sortie de ses mains depuis la guerre : « Les trois Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau, dramatique _ voire érotique _, qu’y a introduit le sujet même des chansons de Parny. C’est une sorte de quatuor où la voix joue le rôle d’instrument principal. La simplicité y domine. L’indépendance des parties [s’y affirme] que l’on trouvera plus marquée dans la sonate [pour violon et piano] » _ très précieux extrait de l’Esquisse biographique dictée par Ravel à ce même Roland-Manuel, à Monfort-l’Amaury, le 10 octobre 1928 (note de Manuel Cornejo à la page 1437 de son indispensable édition de l’Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel).

 Réduite ici à ses éléments essentiels, primitifs, mélodie, rythme et timbre, la musique échappe complètement à la tyrannie des accords. Et pendant que Ravel s’amuse à faire à rebours le chemin parcouru par les compositeurs de jazz ; pendant qu’il y découvre la musique nègre en partant du rythme syncopé et de la juxtaposition des médiantes majeure et mineure ; pendant que son violoncelle se divertit à contrefaire la calebasse en sons harmoniques pizzicato, son lyrisme, amoureux de la belle Nahandove, quitte un instant pour cette Vénus exotique les enchantements de la féérie, les tréteaux de la comédie et chante pour une fois l’ardeur des voluptés terrestres« …

Cf aussi le très détaillé chapitre intitulé « Désaveux » que, aux pages 576 à 590, en son admirable et inégalé « Maurice Ravel » _ paru aux Éditions Fayard en octobre 1986 _ consacre à ces « Chansons madécasses » Marcel Marnat (Lyon, 6 juillet 1933 _ Marcel Marnat a maintenant 90 ans)…

Sur les péripéties à rebondissements de la composition et création de ces 3 « Chansons madécasses » de Maurice Ravel, on peut aussi s’attacher au très intéressant détail résumé en cette notice :


Maurice Ravel 1925

Les Chansons madécasses sont un cycle de trois mélodies (NahandoveAouaIl est doux) composées par Maurice Ravel entre 1925 et 1926 pour voix moyenne (mezzo ou baryton), flûte, violoncelle et piano, sur des poèmes en prose éponymes, les Chansons madécasses d’Évariste de Parny.

Elles sont dédiées à Elizabeth Sprague Coolidge, mécène américaine du musicien. Le compositeur, à la fin de sa vie créatrice, répéta à plusieurs reprises que de toutes les œuvres qu’il avait composées, c’est de ces Chansons qu’il était le plus fier. L’œuvre porte la référence M.78, dans le catalogue des œuvres du compositeur établi par le musicologue Marcel Marnat. La durée d’exécution de l’œuvre oscille entre treize et quatorze minutes.

Histoire de l’œuvre

La création s’est faite en plusieurs étapes : tout d’abord, la seule seconde des Chansons madécasses, Aoua, a été donnée lors de deux auditions privées organisées par la commanditaire et dédicataire Elisabeth Sprague Coolidge, le 24 mai 1925 à l’Hôtel Majestic de Paris, puis le 28 mai 1925 à Londres, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Maurice Ravel en personne au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle _ Hans Kindler, l’intermédiaire d’Elisabeth Sprague Coolidge pour cette commande à Maurice Ravel. Lors de l’audition parisienne, le compositeur Léon Moreau a protesté à haute voix contre les paroles _ violemment anticolonialistes (nous ne sommes pourtant qu’en 1787 !) du poème en prose du réunionnais Parny : celui-ci donnant ici la parole à des indigènes vivant « libres« , mais prévenant leurs frères « habitants du rivage«  de la menace d’« esclavage«  que feront peser sur eux de prochains colonisateurs blancs : « Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage«  _ de la mélodie, pourtant bissée par les interprètes.

L’année suivante, une fois achevées les 1ère et 3ème Chansons madécasses _ « Nahandove«  et « Il est doux« ...  _, le cycle entier a été donné lors d’auditions privées pour les invités de la mécène Elizabeth Sprague Coolidge, le 8 mai 1926 à l’Académie américaine de Rome, puis le 21 mai 1926 au Palais d’Egmont de Bruxelles, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Alfredo Casella au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle ; et aussi le 13 juin 1926 à la Salle Érard de Paris, avec les mêmes interprètes à une exception près, le flûtiste, Urbain Baudouin qui remplaça Louis Fleury, initialement prévu mais décédé entre-temps prématurément _ le 10 juin 1926.

La première audition publique des trois Chansons madécasses date du 15 octobre 1926 à la Salle Érard à Paris, lors d’un « Festival Maurice Ravel » organisé par la Société musicale indépendante (SMI), avec pour interprètes Joy Mac Arden au chant, Vlado Perlemuter au piano, Gaston Blanquart à la flûte et Tony Close au violoncelle.

La première édition chez Durand est accompagnée de gravures de Luc-Albert Moreau.

Le premier enregistrement connu est celui _ pour le label Polydor _ de Madeleine Grey, cantatrice très estimée du compositeur, en 1932 :

« Depuis la création parfaite de Jane Bathori, il y a déjà bien des années _ 1925 et 1926 _, cette œuvre fort difficile _ sic _ a été reprise par beaucoup d’artistes, et non des moindres : aucune, sinon M. G. [Madeleine Grey], n’en a rendu aussi fidèlement le caractère _ voilà ! C’est elle que j’ai choisie récemment lorsque la Société Polydor m’a demandé d’enregistrer ces 3 pièces en me laissant le choix des interprètes« , a écrit Ravel le 5 janvier 1933 (in l' »Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, page 1301.

Musique

 

Ravel _ bibliophile éminent et passionné ! _ s’enthousiasma pour les poèmes _ publiés d’abord en 1787 _ de Parny dont le contenu était conforme à ses propres convictions _ anticolonialistes, sinon érotiques… Le style extrêmement dépouillé _ oui _ qu’il adopta pour cette musique s’inscrit dans la suite de sa Sonate pour violon et violoncelle _ créée le 6 avril 1922. Dans cet esprit, cette œuvre n’est pas sans rappeler la Sonate pour flûte, alto et harpe de Claude Debussy, composée quelque dix ans plus tôt.

« Les Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau – dramatique voire érotique – qu’y a introduit le sujet même de Parny. C’est une sorte de quatuor _ voilà ! _ où la voix joue le rôle d’instrument principal _ c’est très clairement affirmé là. La simplicité y domine. L’indépendance des parties _ et c’est bien là un point en effet capital ! Et qu’ont fort bien souligné Thomas Dolié et Stéphane Trébuchet dans leur travail de mise en place des deux premières mélodies… _ s’y affirme. » (Maurice Ravel, Esquisse biographique, 1928 _ disponible en entier aux pages 1437 à 1441 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo _)

La chaleur et l’érotisme _ insidieusement torride _ de Nahandove et de Il est doux et la virulente dénonciation _ on ne peut plus claire et directe _ du colonialisme de Aoua font des Chansons madécasses une œuvre engagée _ assurément ! _ de Maurice Ravel, en même temps que sa meilleure réussite dans le genre.

Fin de citation de cette commode notice de Wikipédia.

À mes modestes oreilles et goût personnel,

l’interprétation la plus juste et séduisante _ jusqu’ici du moins ; et j’ai ré-écouté pas mal d’interprétations présentes en ma discothèque personnelle : de Gérard Souzay à Jessye Norman et Christa Ludwig ; et je mets à part ici la vraiment excellente, d’intelligence de ces mélodies, Janet Baker, avec le Melos Ensemble conduit par Bernard Keeffe, en 1966 : écoutez ce podcast _ de cet assez malaisant, intriguant et déroutant recueil de 3 mélodies (« Nahandove« , « Aoua« , de 1925, et « Il est doux« , de 1926) des « Chansons madécasses« , est celle, superbe de netteté et expression directe _ très justement dénuée d’affèteries : ouf ! _, du baryton Stéphane Degout _ une fois encore parfait d’intelligence et de la musique et des paroles du texte qu’il chante ! Quel mélodiste ! _, dans le très beau CD « Histoires naturelles » B-Records LBM 009, avec le piano de Cédric Tiberghien, le violoncelle d’Alexis Descharmes et la flûte de Matteo Cesari _ enregistré live à Paris, au Théâtre de l’Athénée, le 23 janvier 2017.

On trouve aussi et surtout sur le Net une magnifique vidéo (de 15′ 23) de ces interprètes dans ces, toujours très surprenantes, « Chansons madécasses«  _ sauf que, lors de ce concert, superbe lui aussi !, donné au Théâtre de la Bastille, à Paris, le 27 mai 2015, le piano était cette fois tenu, non par Cédric Tiberghien, mais par Michaël Guido.  Qu’on en juge ici même

Au terme du travail de cette soirée, hier, de mise en place de « Nahandove » et « Aoua« ,

la performance de Thomas Dolié (et Stéphane Trébuchet assumant au piano les trois parties de flûte, violoncelle et piano) était impressionnante de finesse-subtilité, fluidité dans la tenue de souffle de la courbe mélodique, puissance de projection, parfaite intelligibilité, bien sûr, et, au final, majestueuse et intense intime expressivité et beauté : assez singulière en sa redoutable exigence pour parvenir à vraiment bien l’attraper et porter…

En somme,

un très fructueux travail dont nous avons été les très humbles spectateurs-témoins admiratifs…

Ce dimanche 12 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pourquoi si peu de réussites discographiques de la Messe en ut mineur K. 427 de Mozart ? Minkowski, après Harnoncourt. Ou Fricsay…

03oct

Á plusieurs reprises déjà,

j’ai recherché une interprétation discographique vraiment réussie de la Messe en ut mineur K. 427 de Mozart.

Pour quelles raisons celle-ci est-elle donc si malaisée à vraiment « attraper« 

et « rendre » à la perfection

par ses interprètes ?..


Cf par exemple mon article du 19 mai 2020 « « …

Hier, 2 octobre, sur son site Discophilia,

et sous le titre « Baroque« ,

Jean-Charles Hoffelé a donné un compte-rendu

de l’interprétation que vient de donner de cette mozartienne Messe en ut mineur K. 427

Marc Minkowski,

à la tête de ses Musiciens du Louvre,

pour le label Pentatone _ soit le CD PTC 5186812.

Voici cet article :

BAROQUE

Sombre Kyrie ! Avant qu’Ana Maria Labin n’entonne son Kyrie, Marc Minkowski donne une couleur tragique à la grande Messe en ut, soupesant ses ombres, affirmant un sens du discours qui entend bien immerger l’œuvre dans une esthétique baroque _ voilà le parti pris. Tout ne sera qu’expression _ quasi expressionniste… _, la liturgie de la messe devenant une petite passion _ voilà : au sens de la psychologie de l’affectivité _ où les sentiments s’expriment avec une intensité d’autant plus prenante qu’elle est contenue _ un bel oxymore _, le chef maîtrisant le temps avec un art certain _ et c’est une forme de compliment.

Le petit chœur – neuf chanteurs – s’accorde à rejoindre dans des fondus assez inouïs la palette _ volontairement _ obscure des Musiciens du Louvre, l’équilibre se trouvant moins aisément dans les tonnerres du Gloria, mais que la douceur revienne, et comme tout cela prie et émeut _ soit un nouvel oxymore !

En majesté, le Credo rayonne, avant que l’émotion de l’Et incarnatus est _ un hapax de climax _ ne vienne vous saisir, ce mystère où Mozart aura écrit l’une de ses plus belles mélodies de soprano _ c’est très juste, en effet, anecdotiquement, mais tout de même un tantinet réducteur quant à la portée de l’œuvre elle-même…

L’approche de Marc Minkowski est si singulière _ voilà _ dans ce pan du répertoire mozartien qu’elle pourrait apporter l’éclairage nouveau _ seulement une démarque de marché ? _ que celui-ci attendait _ discographiquement _ depuis le geste de Nikolaus Harnoncourt. En poursuivra-t-il l’exploration ?

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)
Messe en ut mineur, K. 427

Ana Maria Labin, soprano I
Ambroisine Bré, soprano II
Stanislas de Barbeyrac, ténor
Norman Patzke, basse
Les Musiciens du Louvre
Marc Minkowski, direction

Un album du label Pentatone PTC5186812

Photo à la une : le chef Marc Minkowski – Photo : © DR

Ce samedi 3 octobre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chanter Schubert (suite) : Markus Schäfer, dans le Schwanengesänge, avec Tobias Koch _ une révélation…

22jan

Un nouveau superbe CD de Lieder de Schubert,

après les deux marquantes réussites récentes des Winterreise

de Ian Bostridge (avec Thomas Adès)

_ cf mon article  du 8 janvier dernier, pour le CD Pentatone PTC 5186 764 _

et Pavol Breslik (avec Amir Katz)

_ cf mon article  du 19 janvier dernier, pour le CD Orfeo C 934 191 _ :

le CD Schwanengesänge du ténor Markus Schäfer,

accompagné _ superbement _ par l’excellent pianiste qu’est Tobias Koch…

_ soit le CD CAvi-music 8553206.

Certes le timbre de la voix de ce ténor qu’est Markus Schäfer

n’a pas le miel tendre _ mozartien _ de celle de Pavol Breslik,

mais plutôt celle _ plus âpre _ du regretté Peter Schreier,

mais son art de dire (et chanter) les Lieder de Schubert

a aussi quelque chose de l’art si magnifiquement expressif _ et poétique _ de Ian Bostridge.

Sur ce très beau CD de Markus Schäfer et Tobias Koch,

lire aussi cet article de Jean-Charles Hoffelé sur son blog Discophilia,

le 17 janvier dernier,

intitulé Chant du cygne :

CHANT DU CYGNE

Quel joli _ ce n’est pas l’adjectif que j’aurais personnellement choisi… _ disque ! Tobias Koch _ un parfait magicien du clavier ! _ touche un beau pianoforte de Friedrich Hippe, subtil, feutré _ oui ! _, sur lequel Markus Schäfer distille avec subtilité sa singulière voix de ténor de caractère _ voilà ! et non de charme… _ : je n’imaginais pas forcément son timbre, assez proche _ mais oui ! _ de celui de Peter Schreier, idéalement apparié à la lyrique schubertienne qui appelle plus naturellement des ténors Mozart _ voilà ! _, Haefliger, Dermota, Wunderlich, Breslik aujourd’hui.

Mais Schäfer, formé au répertoire baroque _ il chante Johann Christian Bach… _ qui a remis en prééminence les mots dans la musique, chante son Schubert intime, distille les poèmes _ oui : à la Bostridge _, refuse les effets _ et c’est tant mieux ! Pour la lyrique effusive de tout ce qui dans l’assemblage du Schwanengesang vient des poèmes de Rellstab, cela sonne d’évidence, mais lorsque l’on passe chez Heine, Schäfern’hésite pas un instant à corser son timbre _ oui _, et pour le trio Die Stadt/ Am Meer/ Der Döppelgänger où les fantômes paraissent _ oui _, le timbre soudain évoque Julius Patzak. _ parfaitement !

En plus de nous faire un Schwanengesang si singulier _ mais oui ! _, dont il assombrit le propos en choisissant les ossias _ passages alternatifs _ graves, il ajoute quelques lieder _ en effet _ subtilement appariés aux opus ultimes, le Schwanengesang de Senn, Winterabend, le saisissant Die Sterne, Herbst et cette merveille qu’est Auf dem Strom où les rejoint le cor naturel de Stephan Katte : soudain le paysage s’ouvre, moment magique _ oui. Ils devraient bien _ en effet ! _ nous tenter Winterreise.


LE DISQUE DU JOUR


Franz Schubert
(1797-1828)

Schwanengesang, D. 744
Winterabend, D. 938
Die Sterne, D. 939
Auf dem Strom, pour ténor, cor et piano, D. 943
Herbst, D. 945
Schwanengesang, D. 957
Die Taubenpost, D. 956A

Markus Schäfer, ténor
Tobias Koch, piano
Stephan Katte, cor

Un album du label AVI 8553206

Photo à la une : le ténor Markus Schäfer – Photo : © DR

Ce mercredi 22 janvier 2010, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’excellence expressive de Christian Tetzlaff (suite)

07nov

Une nouvelle fois

Christian Tetzlaff se signale à notre admiration

avec son interprétation

des Concertos pour violon et orchestre de Beethoven et Sibelius

_ en un brillant CD Ondine ODE 1334-2 _,

avec le Deutsches Symphonie Orchester de Berlin,

dirigé par Robin Ticciati.

Voici ce qu’en dit ce jour Jean Charles Hoffelé

sur son blog Discophilia

en un article intitulé Serioso :

SERIOSO

Le couplage peut étonner : Beethoven et Sibelius, mais pourtant Christian Tetzlaff n’est pas le premier à l’oser, et il a sa raison. En leurs époques respectives, les opus de Beethoven et de Sibelius marquèrent une révolution _ musicale voilà, en 1806 et en 1905 _, Beethoven dégageant le violon de son rôle de donneur de sérénades, le faisant personnage dramatique et héros pour les concertos du romantisme à venir, Sibelius, lui, tordant le coup – justement – à la tradition romantique, mais aussi à celle du violon virtuose et du concerto de parade réinventé par Paganini dont le modèle était les opus du baroque tardif italien, ceux de Tartini essentiellement.


Mais entre les deux opus existe pourtant un abîme de style _ certes _ que Christian Tetzlaff enjambe crânement. Avec son Peter Greiner si singulier, il tend _ voilà _ les lignes classiques du Concerto de Beethoven, dédaigneux du beau son _ oui _, mais preste à un espressivo ravageur _ c’est cela _ que je n’y avais plus entendu depuis Josef Wolfsthal.


Ce violon parle, et dans le Larghetto prie. Robin Ticciati fait tout un orchestre de théâtre qui pourra surprendre, mais il sait bien que son violoniste est devenu plus qu’un acteur, un personnage _ en son entièreté.

Le Sibelius est inouï et pourtant très étrange, Tetzlaff le joue comme un barde, non, il ne le joue pas, il le dit _ ici encore _ et parfois même malgré les limites de l’instrument que le Finale, si difficile à faire sonner, met un peu à mal. Peu importe, l’Allegro ténébreux, l’Adagio sinistre, mortifère, garantissent assez d’émotions _ ici aussi expressives.

LE DISQUE DU JOUR


Ludwig van Beethoven(1770-1827)


Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61


Jean Sibelius (1865-1957)


Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47


Christian Tetzlaff, violon
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Robin Ticciati, direction

Un album du label Ondine ODE 1334-2

Photo à la une : le violoniste Christian Tetzlaff – Photo : © Giorgia Bertazzi

 

Ce jeudi 7 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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