L’excellent altiste anglais Timothy Ridout (né à Londres en 1995) nous régale avec ses CDs _ pour Harmonia Mundi _ sur les traces de son excellent confrère altiste Lionel Tertris (West Hartlepool, 29 décembre 1876 – Londres, 22 février 1975),
avec d’abord le CD « Elgar, Viola Concerto – Bloch, Suite for viola and orchestra » _ le CD HMM 902618 _, avec Martyn Brabbins dirigeant le BBC Symphony Orchestra _ enregistré à Londres au mois d’avril 2022 _,
suivi du double CD « Timothy Ridout – A Lionel Tertris Celebration – original works and transcriptions for viola and piano of works of Lionel Tertris, Ludwig van Beethoven, Felix Mendelssohn, Robert Schumann, Johannes Brahms, Gabriel Fauré, William Wolstenholme, Cecil Forsyth, Ralph Vaughan Williams, Fritz Kreisler, William Henry Reed, Frank Bridge, John Ireland, York Bowen, Rebecca Clarke et Eric Coates » _ le double CD HMM 905 376.77 _, avec les seuls pianistes Frank Dupree et James Baillieu _ enregistré à Londres aux mois de janvier et d’avril 2023…
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Sur Timothy Ridout, sur Lionel Tertris et l’alto, et plus précisément sur ces deux (ou trois) passionnants CDs,
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Jean-Charles Hoffelé, à l’excellente oreille musicale, a bien su focaliser notre attention avec ses articles « Timothy » du 7 janvier 2023,
et « Portrait complet » du 16 mai 2024 :
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Passons à pieds joints sur le tour de force parfois pénible des Nuits d’été selon Michael Spyres : si son « baryténor » lui permet d’offrir chaque mélodie dans sa tonalité originale, les dotant d’un français plus étudié que naturel, comment ne pas entendre que les notes lui résistent pourtant, plus que les sentiments d’ailleurs : Sur les lagunes est vraiment bien senti, et évidemment John Nelson met à son orchestre une poésie, un art d’évoquer qui suffisent à rendre l’écoute attractive.
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Pourtant, lorsque l’alto de Timothy Ridout murmure la première méditation de Byron de son archet diseur, soudain ce personnage qui manquait aux Nuits d’été parait. Il ne quittera plus l’auditeur au long de cet Harold en Italie débarrassé de toute grandiloquence jusque dans les tonnerres de l’orgie de brigands, voyage dans des paysages dont l’orchestre de peintre rêvé par Berlioz s’incarne enfin avec toutes ses subtilités : décidément les Strasbourgeois y sont étonnants, tout comme hier dans la Messe Glagolitique de Janáček. Mais c’est d’abord la sonorité ambrée du jeune altiste anglais qui vous cueillera _ voilà.
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Cet ambre des cordes, ce fluide de l’archet, quel altiste les aura possédés avant lui ? Lionel Tertis, et comme Tertis Timothy Ridout sait ce que chanter suppose _ voilà ! _, le phrasé, les mots imaginaires derrière les notes, les couleurs pour les émotions. Justement, il grave la transcription que Tertis réalisa à son usage _ d’altiste ! _ du Concerto pour violoncelle d’Elgar, le compositeur l’ayant adoubée jusqu’à diriger la création de ce que l’altiste espérait _ avec sa transcription du violoncelle à l’alto… _ comme un ajout majeur _ oui ! _ au répertoire de l’instrument.
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Las, cette mouture singulière ne s’imposa pas, affaire de sonorité certainement, l’alto de Tertis était un mezzo haut et sa transcription tire à l’aigu, mais justement la sonorité claire de Timothy Ridout retrouve l’esprit _ voilà ! _ de celle du transcripteur et dans l’orchestre savamment allégé par Martyn Brabbins donne à l’œuvre une couleur nostalgique émouvante _ qui nous touche très en profondeur, en effet…
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Contraste total _ oui… _ avec la Suite pour alto et orchestre aux couleurs extrêmes orientales que Bloch composa en 1919. C’est l’univers balinais qui ouvre le voyage (initialement Bloch avait intitulé le premier mouvement « Jungle »), le compositeur emportant son alto dans un orchestre hautement évocateur.
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L’œuvre est demeurée rare, même au disque, elle culmine dans les lacis vénéneux d’un Nocturne ténébreux, moment magique où le jeune altiste déploie une incantation inquiète, phrasée pianissimo, d’une poésie fascinante, hypnose et sortilèges. Quelle œuvre ! _ absolument ; Ernest Bloch est un immense compositeur…
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LE DISQUE DU JOUR
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Hector Berlioz (1803-1869)
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Les nuits d’été, Op. 7, H. 81
Harold en Italie, Op. 16, H. 68
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Timothy Ridout, alto
Michael Spyres, ténor
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
John Nelson, direction
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Un album du label Erato 5054197196850
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Sir Edward Elgar (1857-1934)
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Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur, Op. 85 (arr. pour alto : Lionel Tertis)
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Ernest Bloch (1880-1959)
Suite pour alto et orchestre, B. 41
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Timothy Ridout, alto
BBC Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction
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Un album du label harmonia mundi HMM902618
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Photo à la une : l’altiste Timothy Ridout – Photo : © Kaupo Kikkas
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Qui connaît encore Lionel Tertris _ 1876 – 1975 _ ? L’alto solo de Sir Thomas Beecham, dont la sonorité légendaire produite par le grand instrument (43 cm de long) inspira tant de compositeurs _ voilà _ possédait d’abord un art du chant _ voilà ! _ comme venu d’un autre temps. Un altiste ? Une mezzo-soprano quasiment _ et c’est cela qui nous touche….
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C’est à ce vocaliste des cordes _ belle expression _ que Timothy Ridout rend un hommage aussi éloquent que parfait _ oui, oui, vraiment ! _, n’hésitant pas à éditer voir à compléter certaines partitions, illustrant le répertoire romantique que Tertis remit au goût du jour, piochant dans les nombreux arrangements pour son instrument que Tertis réalisa durant l’entre-deux-guerres, période féconde qui verra aussi la floraison d’œuvres suscitée par son art.
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Pure merveille _ oui ! _, la Sonate de Bowen qui ouvre l’album, les deux pièces brèves de Bridge, la Suite en folksongs de Vaughan Williams où l’archet du jeune homme chante à tue-tête, nuance les phrasés, arde les rythmes _ voilà, voilà…
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On goûtera sa touche subtile dans les deux Kreisler, son art diseur dans la splendide Rhapsody de William Henry Reed, dans tant d’autres pages qui seront autant de révélations, mais courrez à la géniale _ oui, oui ! _ Sonate de Rebecca Clarke qui referme ce voyage dans une alliance subtile, entre l’archet véloce du jeune homme et le piano orchestre de James Baillieu _ que j’ai personnellement découvert accompagnant Martin James Bartlett…
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LE DISQUE DU JOUR
A Lionel Tertis Celebration
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CD 1
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York Bowen (1884-1961)
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Sonate pour alto et piano
No. 1 en ut mineur, Op. 18
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Lionel Tertis (1875-1975)
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Sunset
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Frank Bridge (1879-1941)
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Pensiero, H. 53/1
Allegro appassionato, H. 82
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Johannes Brahms (1833-1897)
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Minnelied, Op. 71 No. 5 (version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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Robert Schumann (1810-1856)
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Romance en fa dièse majeur, Op. 28 No. 2 (version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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Gabriel Fauré (1845-1924)
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Élégie en ut mineur, Op. 24 (version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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William Wolstenholme (1865-1931)
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Allegretto en mi bémol majeur, Op. 17 No. 2
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Fritz Kreisler (1875-1962)
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Liebesleid (version pour alto et piano : Timothy Ridout)
Praeludium et Allegro dans le style de Pugnani (version pour alto et piano : Alan Arnold & Timothy Ridout)
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CD 2
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William Henry Reed (1876-1942)
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Rhapsody
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Eric Coates (1886-1957)
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First Meeting (Souvenir)
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Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
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Six Studies in English Folk Song
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Cecil Forsyth (1870-1941)
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Chanson celtique
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John Ireland (1879-1962)
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The Holy Boy (No. 3, extrait des « Preludes for Piano » ;
version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
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Lied ohne Worte, Op. 19b No. 1. Andante con moto, MWV U 86
(version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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Lionel Tertis (1875-1975)
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Hier au soir
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William Wolstenholme (1865-1931)
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The Question, Op. 13 No. 1 (version pour alto et piano : Lionel Tertis)
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York Bowen (1884-1961)
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Obbligato to Beethoven’s « Moonlight » Sonata
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Rebecca Clarke (1886-1979)
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Sonate pour alto et piano
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Timothy Ridout, alto
Frank Düpree, piano (CD 1)
James Baillieu, direction (CD 2)
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Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM905376.77
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Photo à la une : l’altiste Timothy Ridout – Photo : © Jiyang Chen
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Un voyage chantant de l’alto qui fait beaucoup de bien…
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Ce lundi 20 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
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Immense merci pour cette belle et utile recension.
Je recommande pour ma part la sublimissime (et inégalée) interprétation du « Concerto pour violon, piano et Orchestre à cordes en ré mineur » par Gidon Kremer, Martha Argerich et l’Orpheus Chamber Orchestra (DG 427 338-2, paru en 1989) ;
ainsi que toute la musique de piano par Roberto Prosseda (au moins 10 CDs Decca, entre 2005 et 2015), le meilleur, et de loin…
_ cf mon blog Mollat « En cherchant bien », avec en dernier lieu mon article du 3 mars 2018 : « Ecouter une interprétation parfaite, par Roberto Prosseda, des Lieder ohne Worte, de Felix Mendelssohn »…
Ainsi que le très beau CD de Cyril Huvé (Paraty 208.106, paru en 2009).
Francis Lippa
vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux