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« Austérité et sensualité, rigueur et liberté » : les oxymores de la musique de César Franck, en un nouveau singulier CD (PDD 033) du Palais des Dégustateurs, de l’ami Eric Rouyer…

30oct

Outre la qualité de son oreille musicale, la fidélité amicale et musicienne est une des vertus d’Éric Rouyer,

l’âme éditoriale du passionnant label, toujours exigeant, Le Palais des Dégustateurs…

Ce mois d’octobre-ci 2023, paraît le CD PDD 033 de ce label, consacré à « César Franck et Blanche Selva« , par le piano toujours délié de Jean-Claude Vanden Eynden…

Outre un article très positif sur ce CD sous la plume de Jacques Bonnaure, à la page 82 du numéro 257 du Classica de ce mois de novembre, dont je retiens les excellentes expressions de « austérité et sensualité, rigueur et liberté » pour caractériser la singularité musicale de César Franck,

voici deux autres commentaires très laudatifs,

l’un de Michel Tibbaut :

« Bien cher Éric,

Votre CD Franck – Selva – Vanden Eynden est une pure merveille ! Aucune interprétation du Prélude, Choral et Fugue ne me satisfaisait vraiment entièrement… jusqu’à l’écoute de cette miraculeuse version ! Les tempos sont idéaux, ce qui est essentiel dans cette œuvre. Quant à l’émotion…
Les deux pages de Blanche Selva m’ont rappelé que Déodat de Séverac était son musicien de cœur » ;

et l’autre de Jean Lacroix _ dont on apprécie la plume et le jugement en ses articles de Crescendo _ :`

« Cher Monsieur Rouyer,

Après audition du disque de Jean-Claude Vanden Eynden, je partage tout à fait l’avis de Michel Tibbaut.
Le pianiste donne de Franck une magistrale vision personnelle, qui fouille la partition jusque dans son âme même, avec une sonorité ample et chaleureuse. Il y a beaucoup de sincérité chez Vanden Eynden, et l’on sent, comme il le dit dans sa note du 5 octobre, qu’il a une réelle intimité avec l’œuvre et que son interprétation résulte d’une véritable recherche de sens.
Le plaisir est grand aussi de découvrir sa lecture de Blanche Selva que je connais bien grâce, notamment, à Monsieur Guy Selva, avec lequel j’ai des échanges depuis quelques années déjà. Non seulement la transcription des Trois Chorals est éloquente, mais le charme de ses deux pièces ajoutées agit à plein régime.
Voilà un très beau CD, que je ne manquerai pas de saluer comme il le mérite dans mon futur texte sur le Palais des Dégustateurs. »
Ainsi que le podcast d’un entretien (de 31′ 28) entre Jean-Claude Vanden Eynden et Éric Rouyer, dans l’émission « Isère classique » de RCF radio, diffusée le 22 octobre dernier…

Une très belle réalisation discographique, donc…

Ce lundi 30 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour le piano de Ravel, un Philippe Bianconi idéalement idoine, « expressivo » en la pudeur et discrétion magnifiques de l’exigeant envers lui-même et la musique compositeur merveilleux…

27sept

C’est un Ravel parfaitement idoine que Philippe Bianconi vient de nous donner en son parfait double album « Ravel – L’œuvre pour piano » (la dolce volta LDV 109.0), en 143′, enregistré dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes du 11 au 28 avril 2022, sur un piano Steinway D-274.


Bien sûr, le piano de Ravel a été d’assez nombreuses fois parfaitement servi déjà _ ainsi les Intégrales de Robert Casadesus (en 1951), Walter Gieseking (en 1954), Samson François (en 1967), Vlado Perlemuter (en 1973), Dominique Merlet (en 1991), Alice Ader (en 2002), Roger Muraro (en 2003), Alexandre Tharaud (en 2003), Jean-Efflam Bavouzet (en 2003), Steven Osborne (en 2011), Bertrand Chamayou (en 2016), et probablement quelques autres, moins bien rangées et mieux cachées, figurent-elles en ma discothèque personnelle… _ ;

il n’empêche, le piano de Ravel de Philippe Bianconi est ici idéalement réussi, en une justissime adhésion à l’alpha et omega de l’esprit du compositeur discret et pudique en sa vie, mais extrêmement exigeant envers lui-même et la musique en son œuvre, parfaite.

Voici ce qu’en a finement chroniqué, il y a 3 jours, en un très juste et fin article intitulé « Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre« , Jean Lacroix, sur le site de Crescendo :

Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre

LE 24 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Maurice Ravel (1875-1937) : L’œuvre pour piano seul ; Ma mère l’Oye pour piano à quatre mains.

Philippe Bianconi ; Clément Lefebvre (pour Ma mère l’Oye).

2022.

Notice en français, en anglais et en japonais.

143’00’’.

Un album de deux CD La Dolce Volta LDV 109.0. 

Formé au Conservatoire de Nice, sa ville natale, Philippe Bianconi (°1960) participe très jeune à des concours, sous l’impulsion de Pierre Cochereau, alors directeur de l’institution.  Il remporte un premier prix à Belgrade (il a 17 ans), puis à Cleveland en 1981, avant de se classer deuxième, quatre ans plus tard, au Concours Van Cliburn, remporté par le Brésilien José Feghali, le Britannique Barry Douglas étant troisième. A son programme, Bianconi a déjà inscrit un extrait des Miroirs de Ravel. Dès 1987, il se produit à Carnegie Hall, sa carrière internationale est lancée. Il se révèle aussi un accompagnateur de premier ordre en signant avec Hermann Prey les trois grands cycles de lieder de Schubert au milieu des années 1980 (Denon). Bientôt, il se produit dans le monde entier et ses disques, y compris de musique de chambre, sont applaudis. Entre 2015 et 2021, il est gratifié à trois reprises par des Jokers de Crescendo pour des récitals, déjà parus à La Dolce Volta, consacrés à Chopin, Schumann et Debussy.


Près de trois décennies se sont écoulées depuis que Philippe Bianconi a proposé une première intégrale de l’œuvre pour piano seul de Ravel chez Lyrinx. Du 11 au 18 juin 2022, il a remis le couvert dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes. Dans un copieux entretien qui sert de notice, Bianconi explique le sens de sa démarche actuelle : Ce nouvel enregistrement a rendu plus fort et plus personnel _ voilà _ le rapport que j’ai depuis toujours à l’œuvre de Ravel. J’ai redécouvert le bonheur du son ravélien, mais j’ai également pris la mesure de la face sombre _ oui _ de sa musique. Avec le temps, et lors de cette année que j’ai passée à travailler avant l’enregistrement, j’ai réalisé que je l’avais auparavant perçue de façon plutôt univoque : irradiante, diurne et claire _ lumineuse, oui. On lira avec le plus grand intérêt la dizaine de pages dans lesquelles le pianiste évoque une série de thèmes, comme la part de solitude _ oui _ que l’on peut percevoir chez le compositeur, notamment dans l’Alborada del gracioso ou dans Une barque sur l’océan, le terme « expressif » _ voilà ! _ que l’on trouve de façon récurrente dans ses partitions, la pudeur, la rigueur _ alliées, unies, en une forme d’oxymore…  _, la sensualité, le lyrisme, la couleur pianistique ou la richesse de ses petites pièces. Bianconi souligne encore la nécessité _ absolue _ du tact _ le plus fin qui soit _ et de la subtilité _ bien sûr _ nécessitée par des inflexions très fines _ finesse est un des mots cruciaux ravéliens _, et insiste sur la liberté _ aussi ! _ de l’interprète qui, dans un tel contexte, veillera à ne pas appuyer ou rechercher les effets, à laisser la phrase s’épanouir, la laisser respirer tout en s’efforçant d’être expressif _ voilà, voilà…

Tout est dit dans cet entretien passionnant, dont on salue l’initiative de l’éditeur (ce n’est pas la première fois : le Debussy de 2020 en proposait un autre). Ce que nous résumons, brièvement, des propos de Bianconi se trouve mis en évidence à chaque instant de ce remarquable album de deux disques qui donne de l’œuvre pour piano seul de Ravel une vision d’une élégance exemplaire _ élégance est aussi un mot-clé ravélien… Celle-ci se manifeste dès les Jeux d’eau transparents qui ouvrent le programme, avant des Miroirs au sein desquels les remarques relevées dans l’entretien (ah ! ces Oiseaux tristes !) sont appliquées, entre austérité et sensualité _ toujours l’oxymore atteindre sans la moindre lourdeur. La Pavane pour une infante défunte étale sa grâce, la Sonatine se déroule entre ravissement et générosité. Et quelle beauté dans la sonorité ! _ oui. On apprécie hautement les _ admirablesValses nobles et sentimentales dont les deux adjectifs sont signes de sensibilité et d’émotion. Elles sont investies de moments entre lumière et ombre que Gaspard de la nuit va porter à son paroxysme _ à l’acmé du soutenable / insoutenable _ : une Ondine cristalline, un Gibet blafard, un Scarbo qui effleure le fantastique, sans sombrer dans la tentation _ qui serait grossière et malvenue _ de la virtuosité. Quant au Tombeau de Couperin, il est chargé de pudeur _ encore un mot-clé ravélien _ , alors que le Menuet antique respire la fluidité _ à mille lieues de la moindre lourdeur.

Chaque approche de Bianconi se révèle d’un grand équilibre _ oxymorique. Il souligne aussi, dans l’entretien, le fait que son caractère ne le pousse pas à l’extravagance, défaut que Ravel craignait _ oui _ en raison des tempéraments parfois trop envahissants des interprètes de son époque. Son parcours captive en raison d’un style assumé entre intensité et délicatesse _ voilà _, qui trouve aussi son épanouissement dans la série de petites pièces, qualifiées par Bianconi de bijoux. Il les cisèle avec un art consommé, entre saveur de l’instant, charme fugace et lyrisme prenant _ toujours le périlleux mais discret défi de l’oxymorique… En complément de l’intégrale, on découvre une délicieuse _ oui _ version à quatre mains de Ma mère l’Oye, partagée avec Clément Lefebvre, lauréat du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2019, qui a gravé lui-même un récital Ravel en 2021 chez Évidence _ cf mes articles «  » et «  » des 18 novembre et 30 décembre 2021.

Cette intégrale démontre à quel point Philippe Bianconi a poursuivi une longue réflexion sur ce corpus de Ravel. Son intelligence sensible, la maturité de son approche, entre lumière et ombre, le tout servi par une technique de haute volée, avec un jeu de pédales savamment dosé, place cet album indispensable et superbement présenté sur le premier rayon moderne de toute discothèque ravélienne _ c’est dit et parfaitement dit.

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix

Le Ravel de Bianconi nous comble.


Ce mercredi 27 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Francesco Piemontesi une fois encore au sommet : en un magistral double album Pentatone « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata » _ ou la perfection de l’interprétation la plus subtilement incarnée d’un immense compositeur…

19sept

Le merveilleux pianiste Francesco Piemontesi _ né à Locarno le 7 juillet 1983  _ nous conduit à nouveau au sommet en un magique magistral double album Pentatone PTC 5187 052 « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata« , enregistré à Lugano en avril-mai 2021,

et tout juste paru le 1er septembre dernier…

Les titres de mes 6 précédents articles sur le génie _ mais oui ! _ d’interprétation de Francesco Piemontesi témoignent de ma constante superlative admiration pour son piano, dans Mozart, Schubert, comme Liszt _ et aussi Debussy _ :

_ le 26 décembre 2018 : «  » ;

_ Le 6 juin 2019 : «  » ;

_ le 27 juin 2019 : «  » ;

_ le 25 septembre 2019 : «  » ;

_ le 29 octobre 2019 : «  » ;

_ et le 24 octobre 2020 : «  » ;

C’est l’article de Jean Lacroix, très justement intitulé « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , paru avant-hier 17 septembre, sur le site de Crescendo, qui m’a appris l’existence _ ignorée jusqu’alors ! _ de ce double CD publié par l’excellent label Pentatone ; et m’a fait me précipiter chez mon disquaire préféré  pour me le procurer _ ce double CD « Liszt – Transcendantal Etudes & Piano Sonata – Francesco Piemontesi«  du label Pentatone, d’ailleurs, ne se trouvait pas sur la table des nouveautés, mais était tout simplement rangé, et en tête, sur une étagère au rayon « Liszt«  ; je n’ai donc pas eu de peine à le dénicher…

Voici donc cet article efficace et très juste, « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , de Jean Lacroix :

Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source

LE 17 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Franz Liszt (1811-1886) :

Études d’exécution transcendante S. 139 ; Sonate pour piano en si mineur S. 178.

Francesco Piemontesi, piano. 2021.

Notice en anglais et en allemand.

96.00.

Un album de deux CD Pentatone PTC 5187 052.

Depuis sa troisième place au Concours Reine Elisabeth 2007, remporté cette année-là par Anna Vinnitskaya, le pianiste suisse Francesco Piemontesi (°1983) a fait son chemin, ô combien ! Né à Locarno, il a étudié à Hanovre avec Arie Vardi, mais a aussi pu travailler avec Alfred Brendel, Murray Perahia ou Alexis Weissenberg. Crescendo a suivi son parcours de façon régulière (lire l’entretien avec Pierre-Jean Tribot du 21 octobre 2020 _ publié sous le titre « Francesco Piemontesi, pianiste réflexif et discophile« … _). Piemontesi a enregistré pour plusieurs labels (Avanti, Naïve, Claves), notamment des pages de Mozart, Debussy, Dvořak ou Schumann. Pour Pentatone, il a gravé des œuvres de Schubert, un « Bach Nostalghia », ou un programme qui regroupait Schoenberg, Messiaen et Ravel. Avec ce dernier label, il prolonge son exploration du répertoire de Liszt, entamée avec brio pour Orfeo en 2017 _ cf mes propres articles des 26 décembre 2018 et 6 et 27 juin 2019 auxquels je viens de donner ci-dessus les liens… _ par les deux premières Années de pèlerinage et Deux Légendes, deux albums élégants agrémentés par des DVD, dont un documentaire aux superbes images, signé par Bruno Monsaingeon. Le nouveau programme Pentatone est non seulement alléchant, il est aussi audacieux.

La genèse des Études d’exécution transcendante s’étend sur près de vingt-cinq ans, cinq lustres au cours desquels, au fil du temps, Liszt a creusé la technique, fait des choix et insisté sur le développement. La vision aboutit en 1851 à un résultat fascinant : ces douze pages sont devenues un redoutable exercice de virtuosité, nourri du bagage littéraire et poétique que le génie hongrois du piano a accumulé. Tout ici est de haut vol _ et pas seulementent l’exécution qu’a en donner l’interprète… _, des frénétiques et mystérieux Feux follets (n° 5), à une valeureuse Chasse sauvage (n° 8) aux rythmes syncopés, ou encore, aux Harmonies du soir (n° 11). C’est l’étude la plus célèbre du recueil, une véritable incarnation poétique remplie de paix, de bonheur spirituel, de cohérence contemplative qui fait penser à la plénitude lamartinienne ; une musique d’une grande pureté _ voilà. On n’oubliera pas non plus la quatrième étude, Mazeppa, dédicacée à Victor Hugo, magistrale _ oui _ évocation d’un poème des Orientales ; très dramatique, c’est la substance du futur poème symphonique du même titre, et d’une version pour deux pianos et à quatre mains. Avant la découverte de l’ensemble sous les doigts de Piemontesi, il faut aller en plage 11 du premier disque et s’enivrer de ces Harmonies du soir pour se persuader que le pianiste suisse, technicien impeccable, possède le sens de la couleur, la fluidité des accents habités, l’élégance généreuse et la capacité expressive, le tout mêlé à une concentration de jeu phénoménale _ tout cela est de la plus haute justesse.

En 1964, lorsqu’il écrivait sa biographie sur Liszt pour les éditions Seghers (n° 5 de la collection « Musiciens de tous les temps »), Alfred Leroy avait souligné à quel point les Études d’exécution transcendante sont redoutables pour ceux qui s’affrontent à ce monument d’une durée dépassant l’heure : Elles doivent être exécutées avec un art fait de sensibilité, de nuances, de demi-teintes habilement ménagées, de grandioses orchestrations et de colorations délicates. Point d’acrobaties spectaculaires et vaines, point d’inutiles et fausses apparences, mais une pénétration de tout ce que ces Études enclosent de raffinement et de subtilité _ oui. À cette ligne directrice, qui convient tout à fait _ parfaitement _ à la vision de Piemontesi, le musicologue aurait pu ajouter, s’il avait connu le Suisse, des qualités qui sont les siennes : l’art des contrastes qui apparaît dès le Prélude et le Molto vivace qui suit, le dépouillement tendre ou rêveur _ c’est là un trait de jeu très présent chez ce subtil et magistral interprète _ qui parcourt le Paysage (n° 3) ou la Vision (n° 6), l’atmosphère entre ombre et lumières, proche de l’improvisation _ oui _, qui saupoudre la Ricordanza (n° 9). Piemontesi invite l’auditeur à un parcours exaltant, avec un piano très présent, capté à Lugano au printemps 2021 dans l’Auditorium Stelio Molo de la Radio Suisse Italienne (RSI). Lorsque le voyage s’achève sur le Chasse-neige, ce tableau d’un lyrisme si parfait qui marque la fin d’une aventure vécue intensément avec un artiste à la sensibilité épanouie _ oui ! _, on éprouve une vraie tristesse à le quitter… On n’oublie pas les versions déjà historiques de Claudio Arrau, Lazar Berman, Alfred Brendel ou György Cziffra, pour ne citer qu’elles, ni des signatures plus récentes, celles de Bertrand Chamayou, Marie-Claire Le Guay, Vesselin Stanev ou Gabriel Stern. Mais la vision de Francesco Piemontesi ne peut que susciter d’absolus éloges _ parfaitement ! Notre plaisir d’écoute est de cette hauteur d’intimité et grandeur à la fois…

Autre monument, autre réussite, la Sonate en si mineur, achevée à Weimar le 2 février 1853, qui occupe seule le deuxième disque _ écouter et regarder aussi cette superbe prise vidéo (d’une durée de 29′ 35) de Francesco Piemontesi interprétant cette célèbre Sonate en si mineur en concert à Prague le 1er novembre 2020, au magnifique Rudolfinum ; le double CD Pentatone, lui, a été enregistré, 6 mois plus tard, à l’Auditorio Stelio Molo de la Radiotelevisione Svizzera (RSI) à Lugano en avril et mai 2021… La dimension introvertie _ assez stupéfiante ! _ avec laquelle Piemontesi entame _ et l’oreille et le goût doivent aussitôt s’y adapter !.. _ ce long propos met en place une architecture qui va peu à peu _ oui _ installer un climat où la virtuosité, la véhémence, la dynamique et la netteté _ elle est très importante, et m’enchante dans le jeu d’interprète ultra-exigeant envers le respect le plus grand de la partition qui est celui de Francesco Piemontesi… _ vont s’imposer. Cette musique à couper le souffle _ en effet _ prend sous les doigts du pianiste suisse un caractère qui allie la sidérante beauté plastique _ voilà _ imaginée par le génie lisztien à une tension qui ne se relâche pas _ voilà. Ce piano peut se nimber d’une grande pudeur _ oui, et tendresse _, comme se réclamer d’un appel à une dimension grandiose _ vers le sublime _ au sein de laquelle la démesure _ aussi _ se laisse libre cours. Mais Piemontesi n’oublie jamais, et c’est en cela qu’il nous séduit, de veiller à conserver une sonorité qui sait combiner le murmure (Andante sostenuto) à une intense réflexion _ oui. Il manie les plans sonores avec une habile science des contrastes _ jamais artificielle ni poussée _ et une noble sensibilité _ c’est essentiel ! _, qui va conclure la sonate comme si elle s’effaçait, à la manière d’un baisser de rideau.

Ici aussi, la discographie est riche. On chérit les grandes réussites d’Argerich, Arrau, Brendel, Cziffra, Horowitz et ses sorcelleries, Pogorelich, Pollini, Richter, Rubinstein trop oublié, Zimerman… Mais on s’attarde aussi à de plus proches de nous : Colom _ cet immense pianiste catalan que j’apprécie énormément (c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir et adorer la merveilleuse musique à nulle autre pareille de Manuel Blasco de Nebra ; et écouter un Mompou aussi beau qu’interprété par Federico Mompou lui-même : cf notamment mon article « «  du 23 avril 2022…) _, Dalberto, Grosvenor, Hamelin, Hough ou Yundi Li. Francesco Piemontesi rejoint cette pléiade qualitative en servant _ voilà ! _ Liszt avec toute la passion et la grandeur qu’il mérite. Pour la petite histoire, on signalera que la notice de ce superbe _ oui, oui, oui _ double album est signée par Nike Wagner, arrière-arrière-petite-fille de Liszt et fille de Wieland Wagner _ en effet.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

À nouveau,

une merveilleuse et indispensable réalisation discographique du décidément parfait, chaque fois, Francesco Piemontesi.

Ce mardi 19 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir au CD les Mélodies de Weinberg (II) : une réalisation hélas frustrante…

08juin

En quelque sorte en réponse détaillée à mon bref article du lundi 24 avril dernier «  « ,

ce très juste _ hélas ! _ article-ci, « Mélodies et romances de Weinberg : une frustrante première discographique« , ce jeudi 8 juin 2023, sous la plume de Jean Lacroix, sur le site de Crescendo,

avec lequel je ne puis que me trouver en plein accord, de A jusqu’à Z…

Mélodies et romances de Weinberg : une frustrante première discographique

Le 8 juin 2023 par Jean Lacroix

Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) :

Acacias, six mélodies sur des poèmes de Julian Tuwim, pour soprano et piano op. 4 ; La Bible bohémienne, sept romances sur des poèmes de Julian Tuwim, pour mezzo-soprano et piano op. 57 ; Souvenirs, cinq mélodies sur des poèmes de Julian Tuwim, pour mezzo-soprano et piano op. 62 ; Lettres anciennes, huit romances sur des poèmes de Julian Tuwim, pour soprano et piano, op. 77.

Aleksandra Kubas-Kruk, soprano ; Anna Bernacka, mezzo-soprano ; Monika Kruk, piano.

2022.

Notice en polonais et en anglais.

71.44.

Dux 1874.

Un enregistrement de mélodies et de romances de Weinberg en première mondiale ? On ne pouvait _ a priori _ que se réjouir de cette initiative qui allait permettre de découvrir _ voilà ! _ un aspect complémentaire de la création de ce compositeur enfin reconnu à sa juste place _ oui, oui, oui. Hélas _ trois fois hélas ! _, il faut déchanter face à ce _ bien _ décevant produit polonais qui donne une fâcheuse impression d’inachevé, ou en tout cas de travail éditorial lacunaire _ ainsi que de trop médiocre interprétation… Comme on le constate à la lecture du programme du présent album, tous les textes mis ici en musique par Weinberg proviennent _ en effet _ d’un seul et même auteur, Julian Tuwim. Mais la notice se limite à de trop brèves allusions concernant cet écrivain : Weinberg n’a pas arrêté de répéter que son influence a été aussi grande pour lui que son amitié avec Chostakovitch ; sur son bureau, la photographie du poète voisinait avec celle du compositeur russe. Voilà de bien maigres informations pour un mélomane non polonais, qui ignore probablement tout de Tuwim et son œuvre. Il est donc nécessaire de d’abord combler la carence de la présentation.

Né à Lodz, le poète polonais d’origine juive Julian Tuwim (1894-1953) est l’une des grandes figures de la littérature de son pays au XXe siècle. Après des études universitaires entamées à Varsovie en 1916, mais inachevées, il est cofondateur, avec d’autres poètes expérimentaux, du groupe Skamander qui veut s’éloigner définitivement de l’influence symboliste et met en évidence le vitalisme et l’activisme. Devenu traducteur de textes lyriques russes, français, américains et latins, reconnu comme auteur d’ouvrages pour l’enfance et la jeunesse, éditeur d’ouvrages qui s’attardent aux curiosités littéraires, dont le fantastique, il crée une œuvre personnelle dans une série de recueils qui glorifient la vie urbaine et sa quotidienneté. Il manie la satire et se présente comme un habile artisan de la langue. Contraint de quitter son pays en 1939, on le retrouve à Paris, puis au Brésil, avant d’aboutir aux Etats-Unis en 1942. Il est de retour en Pologne dès 1946.

L’importance de Tuwim pour Weinberg s’est concrétisée de façon magistrale dans sa Symphonie n° 8 « Fleurs polonaises » op. 83 (1964). Weinberg s’inspire de ce que l’on considère comme l’œuvre la plus importante de Tuwim, écrite pendant la guerre et publiée en 1949. Dans son recueil du même titre, l’écrivain en exil exalte la beauté des paysages polonais, évoque le passé douloureux de son pays et son futur menacé, mais aussi la cruauté de la guerre qui provoque d’incommensurables inégalités. Le tout s’achève sur une note d’espoir en une vision finale éloquente et expressive. Cette Symphonie n° 8 est sans doute l’une des meilleures voies d’entrée dans l’œuvre passionnante de Weinberg. A la tête de la Philharmonie de Varsovie, Antoni Wit a donné une superbe version, en première mondiale (Naxos, 2013 _ je possède ce CD _), de cette fresque symphonique de près d’une heure, qui nécessite la présence de trois chanteurs solistes (soprano, baryton, alto) et de chœurs.

Les quatre cycles vocaux proposés _ ici _ par Dux confirment cet attrait de Weinberg pour la poésie de Tuwim. Mais le label s’entête dans la difficulté d’une réelle connivence avec le monde de l’écrivain en ne reproduisant, pour chacun des vingt-six textes de l’affiche, que son seul titre (traduit en anglais, maigre consolation), mais sans la moindre reproduction de contenu. C’est particulièrement frustrant _ en effet ! _ quand il s’agit de comprendre la portée de la pensée ou des intentions de Tuwim, ou la transposition musicale qu’en fait Weinberg. A la place de ce qui apparaît comme fondamental, le label impose au mélomane un large portrait du parcours des trois interprètes formées à Wroclaw, initiative qui aurait vraiment pu être réduite. Il faut donc se contenter d’un descriptif de chaque cycle en quelques lignes, dont nous nous inspirons.

Le programme s’ouvre par les Acacias de 1940, dédiés de façon anonyme (« A Elle ») à une femme dont on ignore l’identité. Il s’agit de six poèmes miniatures qui évoquent l’amour de façon déclamatoire et émouvante dans un style simple ; ils sont énoncés par une soprano, l’autonomie du piano faisant un contrepoint délicat avec le texte. Le cycle _ plus consistant _ de sept romances La Bible bohémienne op. 57 de 1956, réservé à une mezzo, est inspiré par divers éléments de la culture juive et de la musique populaire. Des effets sonores sur la base d’onomatopées sont introduits à plusieurs reprises, apportant une touche originale à un ensemble qui se révèle parfois austère, mais aussi subtilement varié, y compris au piano.

Les Souvenirs op. 62, composés en 1957/58, consistent en cinq chants, encore pour mezzo, traversés par le doute, la mélancolie et l’inquiétude, avec des traits quelque peu satiriques et un piano qui peut se révéler ascétique. Cinq ans plus tard, Weinberg s’empare des Lettres anciennes pour les huit romances de son opus 77. La soprano fait son retour pour ces morceaux plus complexes où l’on retrouve des accents sentimentaux ou humoristiques, des accompagnements en ostinato tristes ou ironiques et le souvenir d’un passé heureux, avant l’acceptation du destin.

Cet album, dont nous déplorons la légèreté éditoriale, n’est hélas pas racheté _ il est même plombé… _ par des interprétations tout à fait convaincantes. La soprano Aleksandra Kubas-Kruk ne semble pas dans un très bon jour _ et c’est peu dire… Son timbre se révèle _ rédhibitoirement _ criard (un effet de la prise de son ?), acide _ c’est dit ! _ et parfois instable, avec un vibrato prononcé. Les cycles les plus émouvants lui sont réservés, mais on ressent une certaine neutralité dans son expressivité. Quant à la mezzo Anna Bernacka, en meilleure forme _ oui _, elle se voit confier La Bible bohémienne et les Souvenirs. Dans le cycle spécifiquement juif, elle affronte les côtés originaux de l’œuvre avec un certain investissement. Au piano, Monika Kruk fait de son mieux pour animer les univers variés de l’inspiration du compositeur. Mais tout cela ne suffit _ en effet _ pas pour procurer un vrai plaisir d’écoute.

Si le principe de l’intérêt de découvrir ces mélodies et romances de Weinberg ne peut être mis en cause, il faut tenir compte des réserves que nous avons énoncées. Les mélomanes polonais y trouveront peut-être, du moins s’ils fréquentent la poésie de Tuwim, une satisfaction minimale. Pour tous les autres, cet album fera office d’apport documentaire _ seulement ! _ à la discographie du compositeur. On ne peut qu’espérer que, dans le futur, ces cycles susciteront d’autres intérêts discographiques _ voilà ! On pourrait alors _ bien mieux _ évaluer leur présence dans le répertoire de Weinberg.

Son : 7  Notice : 3  Répertoire : 8  Interprétation : 5

Jean Lacroix

Ce jeudi 8 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir au CD une oeuvre opératique de Nicola Porpora, la Sérénade « L’Angelica », créée à Naples le 4 septembre 1720 ; avec cette merveille qu’est l’air (avec accompagnement de violoncelle seul), de Medoro : « Bella diva all’ombre amiche »…

07juin

En poursuivant ma découverte-exploration de l’œuvre musical de Nicola Porpora (Naples, 1686 – Naples, 1768),

 

j’ai pu me procurer le double CD de la Sérénade pour six voix et instruments, sur un livret _ pour sa toute première réalisation… _ de Métastase (Rome, 1698 – Vienne, 1782), et créée à Naples au palais du prince Antonio Carmine Caracciolo, le 4 septembre 1720, intitulée « L’Angelica » _ ou bien encore « Angelica e Medoro« , d’après l’Arioste (Reggio Emilia, 1474 – Ferrare, 1533)… _,

soit le double CD Dynamic CDS 7936.02…

Et je tiens à mettre en valeur ici qu’à la plage 20 du second CD de ce double album Dynamic,

se découvre un air absolument sublime, « Bella diva all’ombre amiche« , d’une durée de 11′ 19, du personnage de Medoro, interprété ici par Paola Valentina Molinari, avec un sidérant accompagnement de violoncelle _ mais le livret n’indique hélas pas le nom du violoncelliste… _ qui illustre magnifiquement le très éminent savoir du violoncelle qui caractérise Nicola Porpora.

Voici quatre articles,

en date respectivement

du 2 août 2021 pour celui de Maurice Salles « L’Angelica — Martina Franca » sur le site de ForumOpera,

du 20 août 2021 pour celui de Gilles Charlassier « L’Angelica de Porpora, arc-en-ciel pastoral et vocal à Martina Franca » sur le site de PremièreLogeOpéra _ avec cette expression-ci, que je relève : « Paola Valentina Molinari confie à Medoro tous les charmes et les délicatesses du lyrisme, portés par  une évidente beauté dans le chant » : absolument !.. _,

du 13 février 2023 pour celui de Pierre Degott « En première mondiale, L’Angelica de Porpora en DVD » sur le site de ResMusica,

et du 2 avril 2023, pour celui de Jean Lacroix « L’Angelica de Porpora, première mondiale en vidéo » sur le site de Crescendo _ avec cette conclusion-ci : « Etant une première en vidéo, L’Angelica de Porpora mérite l’attention. Mais on pourrait très bien se passer de l’aspect visuel, sans pour cela moins apprécier la sérénade. Il faut savoir que, simultanément à cette parution, le label Dynamic a mis sur le marché cette même production sous la forme d’un coffret de deux CD. Il est donc tout à fait possible de savourer l’œuvre en se contentant de l’audition sans images. Le choix est laissé au mélomane » Et pour ma part, j’ai choisi « l’audition sans images« _,

permettant de préciser diverses réceptions _ en live, à la scène, par le DVD ou par le CD… _ de cette « Angelica e Medoro » de Nicola Porpora… 

Et, surtout,

voici, enfin déniché, un lien au podcast de l’interprétation de cet admirable air de Medoro, « Bella diva all’ombre amiche« , superbement interprété par Paolina Valentina Molinari, sous la direction de Federico Maria Sardelli, tel qu’enregistré live au Festival de Martina Franca, lors de ces représentations de « L’Angelica » du 30 juillet au 3 août 2021…

Ce mercredi 7 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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