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Au hasard des soldes, un merveilleux CD Apex « Stravinsky – Bartok » du plus-que-parfait Dezsö Ranki : son admirable parfaite ligne claire dans Bartok…

04juil

Au hasard des soldes, et grand amateur surtout de Bartok, je suis tombé ce matin sur un CD Apex 0927 40911-2 « Stravinsky – Bartok » _ un CD Apex paru en 2006, mais enregistré bien auparavant ! _ du plus-que-parfait Dezsö Ranki, un pianiste singulier que j’admire et révère tout spécialement ;

un CD qui à l’écoute sur ma platine s’est révélé tout simplement merveilleux…

Qu’on en juge ici même avec cette miraculeuse vidéo (d’une durée de 9′ 13) de la Suite Op. 14, Sz 62 de Bela Bartok _ né le 25 mars 1881 à Nagyszentmiklós en Autriche-Hongrie (aujourd’hui Sânnicolau Mare, en Roumanie) et mort le 26 septembre 1945 à New-York _, composée en 1916 :

et admirez ici donc la perfection de la ligne claire et absolument impeccable _ idoinement bartokienne ! _ de ce pianiste génial qu’est Dezsö Ranki (né à Budapest le 8 septembre 1951)…

On peut trouver aussi, par ce même Dezsö Ranki presque l’intégralité, par lui, des œuvres pour piano seul de Bela Bartok _ soient les CDs 9 à 12 _ dans le splendide coffret Warner Classics 0190296729317 (de 20 CDs) « Bela Bartok – The Hungarian Soul » :

quelle aubaine, là aussi !..

Une merveille !

Ce jeudi 4 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Elisabeth Joyé justement saluée pour la ligne claire et sublimement poétique de son parfait album « Miscellanées », sur trois superbes instruments : un virginal, une épinette et un clavecin…

09juin

Le 11 décembre dernier, il y a 6 mois,  en mon article « « , je saluais comme il convient la grâce splendide de la chère Elisabeth Joyé en son merveilleux album Encelade ECL 2204 « Miscellanées » _ un titre lui-même très discret… _, enregistré les 22, 23 et 24 avril 2022 au Temple protestant de la Rencontre, à Paris…

Et voici que ce dimanche 9 juin 2024, et sur le site de ResMusica, c’est Matthieu Roc qui, sous le titre un peu tarabiscoté _ avec un adjectif bien peu heureux ! _ de « Dans le salon sélect de la claveciniste Elisabeth Joyé« , vient à son tour rendre un très bel hommage, bien détaillé, à l’art si juste et délicat, raffiné, de la chère Elisabeth…  

Dans le salon select de la claveciniste Elisabeth Joyé

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Elisabeth Joyé enregistre peu de récitals, et après celui consacré à Johann Caspar Ferdinand Fischer pour le même label, c’est un plaisir _ assurément ! _ de la retrouver dans un parcours de compositeurs très choisis, dans l’Europe des XVIe, XVIIe  _ surtout _ et _ tout _ début XVIIIe siècle.

Figure majeure _ oui ! _ mais discrète _ en effet _ du clavecin français, Elisabeth Joyé a eu des maîtres prestigieux (Gustav Leonhardt _ oui _, Bob van Asperen…) et a formé à son tour de grands interprètes, comme _ le merveilleux _ Benjamin Alard _ et c’est parfaitement juste… C’est sans doute sa discrétion _ mais aussi son goût très assuré ! _ qui lui fait choisir des petites pièces peu connues, parmi celles qui l’ont accompagnée pendant sa pratique pédagogique, car riches en couleurs _ oui ! _, et qu’elle a sélectionnées pendant le confinement _ voilà ! _, comme elle l’aurait fait des perles les plus fines choisies dans un trésor. Pas de virtuosité creuse _ oh que non… _ qui cherche à impressionner, et pas non plus de grande construction architecturale qui ferait perdre la magie du détail _ excellemment soigné… Ici, c’est pièce après pièce, bijou après bijou _ oui ! _  qu’Elisabeth Joyé déploie ses petites merveilles, selon un parcours certes varié, mais aussi simplement chronologique. Ces bijoux, elles les éclaire, les fait miroiter avec tendresse _ oui _, et nous pouvons ainsi profiter de toutes les irisations de chromatisme, de tous les raffinements de contrepoint. On peut, à la limite, regretter ce choix du florilège, et effectivement, il aurait été intéressant d’entendre chacune des deux chaconnes de Fischer incluse dans sa Suite respective entière, mais tel qu’il est, ce pot-pourri est délicieux _ tout simplement ! _ et se laisse écouter avec joie _ idoinement joyesque…

Ce programme, composé avec délicatesse _ oui, à nouveau oui _, permet une belle progression de Gibbons à Böhm et Fischer, mais aussi de subtiles oppositions de caractère, comme La Drollerie de De Chambonnières et la Plainte de Fischer _ et cela dans la plus pure ligne de la Suite à la française… Il permet aussi de plaisanter un peu avec l’auditeur, et de lui laisser le soin de deviner lequel des trois instruments _ mentionnés dans le livret _ est joué. Est-ce le Virginal, l’épinette ou le clavecin ? On ne prétendra pas donner les réponses qui ne sont pas apportées dans la notice. On se laissera simplement séduire _ tout simplement _ par le son cristallin des Préludes de Gibbons et le cuivré de l’intonazione d’Organo de Gabrieli. Si les chaconnes sont déconnectées de leurs Suites d’origine, elles n’en sont pas moins l’occasion d’apprécier leurs dynamiques internes, et la façon magistrale avec laquelle Elisabeth Joyé les fait respirer et s’épanouir _ tout cela est très bien observé. Surtout, la clarté et la netteté de son jeu _ à la française !!! _ nous permettent d’entendre très lisiblement _ dans le parfait esprit de la kigne claire française… _ le contrepoint de ces pièces très brèves de Gibbons ou de l’Aria de Frescobaldi, qui sont magnifiques _ oui. Avec cette grande dame du clavecin _ voilà _, tout devient simple et transparent _ sublimement naturel et évident, avais-je ainsi écrit… Du grand art _ sans jamais se pousser du col _, et de jolies pépites _ de musiques _ à découvrir !

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Orlando Gibbons (1583-1625), Giovanni Gabrieli (1557-1612), Tarquinio Merula (1595-1665), Andrea Gabrieli (ca.1533-1585), Jan-Pieterzsoon Sweelinck (1562-1621), Doctor Bull (ca.1562-1628), François Roberday (1624-1680), Jan-Henry D’Anglebert (1629-1691), Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Johann Jakob Froberger (1616-1667), Louis Couperin (ca.1626-1661), Estienne Richard (ca.1621-1669), Jacques Champion de Chambonnières (ca.1602-1672), Luigi Rossi (1597-1653), Johann Caspar Ferdinand Fischer (1656-1746), Georg Böhm (1661-1733) : œuvres diverses pour clavecin.

Elisabeth Joyé, claveciniste, sur un « virginal italien » 2008/1626, une « épinette polygonale à la quarte » ND /1560, et un « clavecin à l’octave » 2021/1543.

1 CD L’Encelade enregistré du 22 au 25 avril 2022 au Temple protestant de la Rencontre, à Paris.

Notice de présentation en français et en anglais.

Durée : 62 min.

Un pur délice d’interprétation justissimement poétique…

Ce dimanche 9 juin 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une enthousiasmante nouvelle intégrale des Symphonies de Beethoven par l’épatant Yannick Nézet-Séguin à la tête du Chamber Orchestra of Europe ! Ou l’exaltation emballante de la vie même…

27déc

La nouvelle Intégrale _ absolument emballante de vivacité _ des Symphonies de Beethoven que propose Deutsche Grammophon, en un coffret de 5 CDs 486 3050, par Yannick Nézet-Séguin à la tête du Chamber Orchestra of Europe,

est tout simplement magnifique de vie !

Soit l’exaltation de la vie même !

Et j’apprécie, pour ma part, les interprètes qui font valoir le flux le plus vivace de la vie dans Beethoven,

tels, par exemple, les pianistes Stephen Kovacevich ou Ronald Brautigam, qui jouent Beethoven comme si celui-ci, avec la passion intense et exaltante qui l’anime, improvisait au piano…

J’abonde absolument, par conséquent, dans le sens de l’article de Christophe Huss, intitulé « «Beethoven. The Symphonies»: Yannick Nézet-Séguin surprend dans Beethoven« , paru dans Le Devoir, le 9 juillet 2022 :

Yannick Nézet-Séguin et une partie des musiciens de l’Orchestre de chambre d’Europe offrent une somme cohérente, tonique, chambriste, soudée, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven.
Photo: Michael Gregonowits Yannick. Nézet-Séguin et une partie des musiciens de l’Orchestre de chambre d’Europe offrent une somme cohérente, tonique, chambriste, soudée _ oui _, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven _ absolument…

La réputée étiquette Deutsche Grammophon fera paraître, le vendredi 15 juillet, une nouvelle intégrale des Neuf Symphonies de Beethoven. Le successeur de Herbert von Karajan, Karl Böhm, Leonard Bernstein et Claudio Abbado en la matière au sein de ce catalogue n’est nul autre que Yannick Nézet-Séguin. Le chef québécois y dirige l’Orchestre de chambre d’Europe. Le Devoir a écouté, savouré, puis discuté avec le chef.

Lorsque la photographie de couverture du futur coffret des Neuf Symphonies de Beethoven chez DG avec Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de chambre d’Europe a commencé à circuler au printemps, les traditionnels « encore ? » et « à quoi bon ? » n’ont pas tardé à émerger sur les réseaux sociaux.

L’auditeur, qui aujourd’hui, en écoutant les Symphonies, de la Première à la Neuvième, suit le parcours musical du chef et de ces musiciens qui, il y a trente ans, marquèrent la discographie Beethoven dans l’intégrale dirigée par Nikolaus Harnoncourt, aura-t-il vraiment encore l’outrecuidance de poser ces questions ? _ Non !

L’individu

La pertinence esthétique _ voilà ! _, la cohérence et la singularité de cette nouvelle intégrale apparaissent très vite _ mais oui. Yannick Nézet-Séguin et une équipe de musiciens offrent une somme cohérente, tonique _ oui _, chambriste _ à très juste titre ! _, soudée, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven  _ oui _ et, orchestralement, nous sommes proches du modèle français, avec des vents mis en valeur _ voilà ; et avec la lumineuse ligne claire, chambriste, des Français….

« Si j’avais à décrire l’Orchestre de chambre d’Europe (COE) en une phrase, l’idée des individualités dans le collectif, c’est ce que j’avancerais, nous confie Yannick Nézet-Séguin. C’est ce qui les rend uniques dans le paysage musical et qui fait que j’adore faire de la musique avec eux. Il faut savoir tirer parti de cette qualité. Ces musiciennes et musiciens, qui se retrouvent quelques fois dans l’année, jouent Beethoven par ailleurs avec leurs orchestres respectifs. Mon rôle est de réveiller cette flamme en eux. » _ la flamme, voilà. Le chef tient à ce que les instrumentistes ne cherchent pas à retrouver leurs habitudes, par exemple dans l’équilibre entre les bois et les cordes.

« Qui fait quoi et comment organise-t-on la hiérarchie, dans des symphonies qui ont reposé tant d’années sur la suprématie de cordes ? », se demande le chef, qui se souvient de sa première 9e de Beethoven à Philadelphie en 2012 : « Je me suis dit : il va falloir trouver un terrain d’entente ». Il était conscient du chemin, mais se déclare très satisfait de la récente intégrale en concert avec son orchestre américain à Philadelphie et à New York.

L’équilibre, dans Beethoven, pour Yannick Nézet-Séguin, « ce n’est pas qu’une question de nombre, c’est vraiment dans l’écoute. Dans Beethoven, ce qui m’intéresse ce n’est pas que la mélodie, c’est tout ce qui se passe au milieu, les détails du 2e mouvement de Pastorale. Nous sommes allés loin dans la caractérisation des figures d’accompagnement. »

Yannick Nézet-Séguin souligne le défi physique de l’enregistrement, sur deux semaines _ certes _ : « La partie des deuxièmes violons étant beaucoup plus exigeante que celle des premiers violons, dans la moitié des symphonies les premiers jouent la partie des seconds. » Avantage collatéral : sortir les musiciens de leur zone de confort. Quant à la présence de trompettes naturelles, elle change la couleur, et c’est un hommage à Nikolaus Harnoncourt, qui avait fait ce choix.

Nouveau texte

……

Pour plus de contact avec l’action musicale, DG a opté pour un son compact et dense, qui ne se dilue aucunement dans une réverbération factice : « C’est un gros sujet de travail avant, pendant et après, qui s’étend sur plusieurs années. La salle de Baden-Baden a un son très neutre. C’est une qualité. Mon idée était d’aller chercher les timbres de la manière la plus vraie possible, et je voulais une impression de proximité. C’est un travail énorme, surtout en postproduction, pour tirer le meilleur de chaque timbre. Je ne suis pas très control freak comme chef, mais quand il s’agit d’enregistrements j’aime participer au processus. »

Deutsche Grammophon a cherché à donner une autre valeur ajoutée et légitimité à l’entreprise. L’intégrale Nézet-Séguin est la première réalisée à partir de la nouvelle édition _ voilà _ des partitions publiée chez Breitkopf. Il s’agit, pour être précis, de la « Neue Gesamtausgabe » (nouvelle édition complète) des œuvres de Beethoven, publication musicologique (dite « Urtetxt ») de partitions par les Éditions G. Henle. Breitkopf & Härtel est l’éditeur du matériel d’orchestre et de la partition de direction.

L’éditeur des disques espère que cette première entraînera un effet de curiosité. Cela dit, on a déjà largement fait le tour de l’univers de Beethoven. Il s’agit surtout pour Henle et Breitkopf de « reprendre la main » sur leur concurrent Bärenreiter, qui accapare le marché depuis vingt ans avec une édition critique, dite « édition Del Mar », du nom du musicologue chargé du projet.

La grande révolution de l’édition Del Mar avait été d’imposer de jouer le 2e mouvement de Pastorale avec des sourdines. Il y avait aussi un gros travail sur la notation de l’accentuation des notes, Beethoven utilisant tantôt des traits tantôt des points.

La question des partitions pose problème au critique puisque à défaut de les avoir — certaines ne sont pas encore disponibles, et Breitkopf ne consent qu’à fournir au commentateur la préface et le commentaire critique de la Neuvième et d’une symphonie de son choix ! — il est quasiment impossible de savoir si telle originalité que l’on entend est une intuition du chef ou un changement induit par la partition nouvellement utilisée.

EN CONCERT

Beethoven dans Lanaudière

Grand week-end Beethoven en vue au Festival de Lanaudière. L’Akademie für Alte Musik Berlin vient donner trois concerts les 15, 16 et 17 juillet. Le principe est le même que dans les enregistrements parus chez Harmonia Mundi : les Symphonies nos 3, 5 et 6  seront mises en regard d’œuvres de leur temps véhiculant les mêmes idées : Grande symphonie caractéristique pour la paix de Wranitzky avec l’Héroïque, 1re Symphonie de Méhul avec la Cinquième, et Le portrait musical de la nature de Knecht, modèle avéré de Pastorale.

Yannick Nézet-Séguin et l’OM cet été

Yannick Nézet-Séguin dirigera l’Orchestre Métropolitain dans la 5e Symphonie de Beethoven au pied du Mont-Royal le 2 août à 20 h. Le tandem se produira avec le même programme au Festival des arts de Saint-Sauveur le 5 août à 20 h. Dans les festivals, Le Domaine Forget accueillera l’OM, son chef et Antoine Tamestit le 23 juillet, et le Festival de Lanaudière prendra fin avec deux concerts les 6 et 7 août, présentant notamment le 1er Acte de La Walkyrie et le Concerto pour piano de Schumann avec Hélène Grimaud.

En résumé, les modifications du texte musical touchent surtout des articulations. Les deux modifications qu’on remarque le plus sont un doublement à l’octave par les trompettes de certaines ponctuations du finale de la 7e Symphonie (ça fait pouet pouet, et c’est étrange) et l’ajout d’un contrebasson dans le final de la 9e. Côté idées particulières de Yannick Nézet-Séguin, la plus saisissante est l’emballement conquérant _ voilà _ à 3 minutes 49 secondes du final de l’Héroïque.

Au-delà de la musicologie

La question de l’utilisation d’une nouvelle partition pose cependant une question de philosophie interprétative. Lorsque l’édition Bärenreiter était sortie, la première intégrale, celle de David Zinman _ excellente ! _, était comme une carte de visite sonore de cette édition. Le chef d’orchestre ne perd-il pas sa liberté d’expression à s’engager dans un tel projet ? « C’était le piège dans lequel j’ai essayé de ne pas tomber », avoue Yannick Nézet-Séguin. « L’idée de l’intégrale avec l’Orchestre de chambre d’Europe date d’il y a environ 10 ans, donc bien avant l’existence de nouvelles partitions, et ce que j’ai à dire dans ces symphonies avec cet ensemble dépasse l’édition. Nous avons respecté les quelques différences et les avons fait valoir, mais il s’agit de détails, des changements d’articulation notamment. » Yannick Nézet-Séguin considère que le nouveau texte « simplifie certaines questions » : « Il y a certains moments où Del Mar, à force de mettre des chevrons partout et des parenthèses, nous perd. Cette édition Breitkopf simplifie les solutions en étant moins obsédée à nous livrer toutes les pistes. »

Au-delà de la musicologie, Yannick Nézet-Séguin opte surtout pour des solutions pragmatiques. Pour lui, le tempo de marche du solo de ténor dans la Neuvième est dicté « par ce qu’il y a après » : « La fugue est d’une qualité incroyable, Beethoven s’envole _ voilà _ avec son désespoir. Alors on trouve le bon tempo de la fugue et on recule. Le tempo de la marche découle de cela. »

Dans l’ensemble, l’intégrale COE/Nézet-Séguin est une somme très pertinente qui, 30 ans après Harnoncourt, repositionne l’Orchestre de chambre d’Europe dans le champ des éminents contributeurs à la cause beethovénienne, et efface, chez DG, la catastrophe industrielle de l’intégrale Nelsons-Vienne de 2019, qui venait après une désastreuse intégrale studio Abbado-Berlin (1999), si insignifiante que le chef l’avait fait retirer et remplacer par les bandes sonores de concerts donnés à Rome en 2001.

Dans l’esthétique Nézet-Séguin, le seul concurrent direct est l’intégrale de Paavo Järvi avec la Deutsche Kammerphilharmonie chez RCA.

Beethoven. The Symphonies

Siobhan Stagg, Ekaterina Gubanova, Werner Güra, Florian Boesch, Accentus, Orchestre de chambre d’Europe, Yannick Nézet-Séguin. DG, 5 CD, 486 3050. Parution le 15 juillet.

Et aussi ce très juste article en date du 22 juillet 2022, sous la plume de François Hudry, intitulé « Le nouveau Beethoven de Nézet-Séguin » :

Le nouveau Beethoven de Nézet-Séguin

Par François Hudry |

Le chef canadien Yannick Nézet-Seguin signe une impressionnante _ et jubilatoire _ intégrale des symphonies de Beethoven reposant sur une nouvelle édition critique. Passionnant _ oui !

Voilà longtemps que les partitions des neuf symphonies de Beethoven font l’objet de soins attentifs de la part des chefs d’orchestre et des musicologues. Ensemble, ils ont édité des « éditions originales » venant corriger les éditions fautives accumulant les erreurs à la suite de l’inattention des premiers éditeurs et des mauvaises interprétations des manuscrits quelquefois indéchiffrables. Ils sont remontés aux sources en s’aidant notamment des partitions utilisées à l’époque de leur création.

En 1982, le chef d’orchestre Igor Markevitch avait déjà publié une édition rigoureuse et documentée à la tête d’une équipe de musicologues chevronnés, puis ce fut le tour de Norman Del Mar de diriger une nouvelle édition chez Bärenreiter en 1997. Aussitôt enregistrée par David Zinman à la tête de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, cette intégrale d’une grande valeur musicale _ oui ! _ passa malheureusement presque inaperçue _ pas tout à fait : ainsi mon disquaire préféré, Vincent Dourthe _ à côté des nouvelles versions « historiquement renseignées » qui avaient alors le vent en poupe.

C’est maintenant au tour de Yannick Nézet-Seguin de proposer chez Deutsche Grammophon une intégrale reposant sur une toute nouvelle édition critique, la New Beethoven Complete Edition, dans laquelle on trouve de menus détails d’articulation et d’expression. Ce qui compte en définitive dans ce nouvel enregistrement, réalisé au cours de quatre concerts donnés _ en suivant _ en juillet 2021 avec l’Orchestre de Chambre d’Europe, c’est la position historique d’un jeune chef très doué et ayant parfaitement assimilé les modes de jeux et le style retrouvés par ses aînés, notamment Nikolaus Harnoncourt dont l’intégrale à la tête de ce même orchestre avait fait sensation _ en effet _ lors de sa parution en 1990 (Teldec).

..;

Moins radical que ses prédécesseurs, Harnoncourt, Brüggen ou Norrington, le chef canadien recherche avant tout à souligner « la manière dont la musique de Beethoven peut nous surprendre _ et nous toucher au cœur _ aujourd’hui. » Ses tempos sont souvent vifs _ oui _, les articulations saillantes, sans emphase ni ego surdimensionné _ c’est cela. C’est une approche enjouée, humble et vivante _ oui, oui, oui _ qui rend à Beethoven toute sa brûlante actualité _ en sa flamme lumineuse _ avec un classicisme _ oui _ d’où toute excentricité _ d’un quelconque maniérisme _ est _ très heureusement _ bannie.

Voici aussi, encore, le bel article, intitulé « Renouveau« , de Jean-Charles Hoffelé, sur son excellent site Discophilia, le 24 décembre dernier,

et qui m’a incité à me procurer illico presto cette très réjouissante nouvelle Intégrale par Yannick Nézet-Séguin,

qui tout simplement m’emballe et m’enchante ! :

RENOUVEAU

Londres, début des années 1980, Michael Tilson Thomas, prenant de cours les adeptes de l’interprétation beethovénienne historiquement informée, enregistrait avec l’English Chamber Orchestra, dans les studios d’Abbey Road, une intégrale des Symphonies rendue à l’effectif des orchestres viennois de son temps _ une très judicieuse initiative !

Stupeur et tremblement dont l’écho se prolonge jusqu’à nos jours. David Zinman en reprendra _ non moins excellemment _  l’esprit sinon la lettre, aujourd’hui Yannick Nézet-Séguin, dans un beau coffret trop peu discuté chez nous _ depuis sa parution, le 15 juillet dernier _, ressuscite la lettre et l’esprit de cet acte pionnier, y ajoutant son tempérament si physique, idéalement marié à la grammaire beethovénienne _ mais oui _  et rappelant que oui, dans les temps de révolution, la lettre est bien l’esprit.

Écoutez comment fuse le Finale de la Quatrième, l’articulation du quatuor qui crépite chaque note, et puis, immédiatement le mouvement impérieux qui emporte la Septième Symphonie, ce Vivace cravaché.

Tout ici renouvelle l’écoute jusque dans une Neuvième fabuleuse (avec une partie de contrebasson retrouvée, tendez l’oreille !), vrai cosmos de sons qui ouvre sur de nouveaux mondes ; mais écoutez d’abord le con fuoco de la 8e (pas entendu ainsi depuis Scherchen), les idylles et les orages de la Pastorale dont le verni est ôté, l’élan épique de l’Eroica, fusant, irrésistible.

Alors oui, vous saurez que cette intégrale ne doit pas vous manquer _ en effet.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven(1770-1827)


Les Symphonies (Intégrale)


No. 1 en ut majeur, Op. 21
No. 2 en ré majeur, Op. 36
No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55
« Eroica »

No. 4 en si bémol majeur, Op. 60
No. 5 en ut mineur, Op. 67
No. 6 en fa majeur, Op. 68
« Pastorale »

No. 7 en la majeur, Op. 92
No. 8 en fa majeur, Op. 93
No. 9 en ré mineur, Op. 125 « Chorale »


Siobhan Stagg, soprano – Eketarina Gubanova, mezzo-soprano – Werner Güra, ténor – Florian Boesch, basse – Accentus

Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction

Un coffret de 5 CD du label Deutsche Grammophon 4863050

Photo à la une : le chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin – Photo : © Michael Bode

Bravissimo, donc, maestro Nézet-Séguin !

Et merci !

Ce mardi 27 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et pour un palmarès-bilan discographique de l’année 2022 (suite) : le double coffret « Paul Paray – Detroit Symphony Orchestra – The Mercury Masters (1953-1957 et 1958-1962″, de 45 CDs ; ou le triomphe serein de la ligne claire française…

03déc

Et pour un palmarès-bilan discographique de l’année 2022 (suite) :

le double coffret « Paul Paray – Detroit Symphony Orchestra – The Mercury Masters (1953-1957 et 1958-1962« , de 45 CDs _ Mercury Eloquence 484 2318 et 484 3318 _ ;

ou le triomphe serein et lumineux de la ligne claire française...

Pour reprendre et confirmer-amplifier encore mon tout simple article «  » du vendredi 9 septembre dernier

_ cf aussi l’article de ResMusica paru le 1er décembre dernier, sous la signature de Jean-Claude Hulot : « Eloquence réédite enfin les légendaires gravures Mercury de Paul Paray à Detroit« … 

 

Ce samedi 3 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Call me by your name : le captivant film de Luca Guadagnino

12mar

J’ai pu voir cette fin de matinée le film de Luca Guadagnino Call me by your name, en version originale _ mêlant anglais, italien et français, en fonction des  adresses à leurs divers interlocuteurs des divers personnages du film : ainsi, par exemple, la mère d’Elio, Annella Perlman, étant à demi-italienne (par son père, prénommé déjà Elio ; et juif…) et à demi française (par sa mère), s’adresse à Elio en français ; de même que c’est en français que conversent Elio et sa bientôt petite amie Marzia ; etc. D’autant que les interprètes de ces divers personnages d’Annella (Amira Casar), Elio (Timothée Chalamet) et Marzia (Esther Garrel) sont au moins eux-mêmes à moitié français. De même, d’ailleurs, et c’est un élément très important, que le réalisateur lui-même, Luca Guadagnino, par sa mère, elle-même à moitié algérienne et française, est imprégné de cette perception française (soit un certain tropisme classique : à la Ravel, disons…) de son esprit et de ses goûts, du moins me le semble-t-il… Une certaine culture française imprègne donc pas mal (et irradie sur) ce film, en plus d’une certaine culture juive, d’une culture italienne, bien sûr, et même de ce que j’oserai qualifier de « culture gay » : un éloge du métissage, de l’ouverture, et de l’accueil à l’altérité des minorités (âmes en peine des déplacés et errants)… Et je n’ai même pas parlé de la très importante part française, aussi, de ce juif italo-turc francophone venu d’Alexandrie qu’est André Aciman, l’auteur du roman de départ du scénario, Appelle-moi par ton nom

D’abord, voici, à titre d’introduction ici,

et précédant ma vision du film

une présentation _ il s’agit à l’origine d’un courriel : j’aime m’adresser à un interlocuteur particulier, et en rien anonyme _ préliminaire, factuelle, à propos de ce que j’ai pu, de bric et de broc, reconstituer tant bien que mal de la genèse _ assez longue et tortueuse _ de la conception, puis fabrication du film :

Ce matin,
je vais pouvoir aller voir Call me by your name en salle _ n’allant que très rarement au cinéma ; seulement quand un film me fait vraiment envie. Ce qui renforce mon désir du film…
Et cela, afin de confronter à la réalité du film en son entièreté les premières impressions _ forcément très partielles _ issues des clips fragmentaires et divers commentaires et interviews nécessairement partiels.

Même si celle-ci n’est qu’anecdotique, l’histoire de la gestation du film en amont de sa réalisation est assez intéressante.

L’achat des droits d’auteur en vue de la réalisation à venir d’un film
précèderait même, paraît-il _ mais oui ! aussi étrange que cela puisse paraîttre !!! _, la sortie (en 2007 et aux États-Unis _ en anglais, donc _) du livre d’André Aciman !!!
Ah ! ah !

C’est en effet une équipe _ solide, soudée _ de producteurs (homosexuels et juifs californiens _ installés à Los Angeles-Hollywood _) autour de Peter Spears (né en 1965) et Howard Rosenman (né en 1945),
ainsi que de l’agent des stars _ dont le jeune Timothée Chalamet… _ Brian Swardstrom (né en 1962 ; et compagnon de Peter Spears),
qui ont réalisé en 2007, il y a 11 ans !, l’achat de cette option sur une adaptation cinématographique à réaliser du livre même pas encore paru _ mais on devait déjà en parler ! : il faudrait creuser cela plus avant… _ d’Aciman.

Ainsi, pour le projet de ce film,
et au sein de cette équipe de producteurs _ californiens, à Hollywood _ possédant les droits d’adaptation du roman,
l’italien Luca Guadagnino a-t-il été _ la précision des dates serait ici pour sûr intéressante _ successivement consultant _ probablement au triple titre, aux yeux de l’équipe des producteurs réunie autour de Peter Spears, d’italien (ayant une bonne du terrain, en l’occurrence les divers lieux en Italie évoqués parfois très allusivement dans le roman), de cinéaste, bien sûr, et enfin de gay… _, puis producteur exécutif, puis co-scénariste (avec le grand James Ivory), et enfin le réalisateur unique _ on imagine le terreau riche de conflits de toutes sortes (et concurrentiel) qui constitue le contexte de gestation de ce passionné et de très longue haleine projet cinématographique, avec les rivalités de conception qui n’ont pas manqué de l’entourer-constituer, au long de ses diverses péripéties à rebondissements… Au point qu’on pourrait presque s’étonner, au su de cette genèse cahotée, de son résultat apollinien si abouti, si maîtrisé, si apaisé…

Avant Luca Guadagnino_ l’heureux réalisateur in fine _,

avaient été successivement pressentis à cette réalisation, avant de s’en retirer _ pour des raisons que j’ignore _ : Gabriele Muccino, Sam Taylor-Johnson, puis James Ivory.
Et sont cités aussi _ sans préciser leur part d’investissement (ou pas) au travail collectif _ les noms de Ferzan Oztepek et Bruce Weber…

De fait, James Ivory a travaillé 9 mois à l’adaptation du roman d’Aciman : de septembre 2015 à mai 2016.
Et ce serait, semble-t-il, principalement son âge (approchant les 90 ans _ il est né le 7 juin 1928 _) qui l’aurait fait exclure par certains des financeurs de la production (notamment français)
de la tâche de réalisation du film ;

ainsi laissée à Luca Guadagnino _ le réalisateur d’Amore (sorti en 2009) et A Bigger splash (sorti en 2015)..

Le tournage, autour de chez lui à Crema, en Lombardie _ non loin de Crémone _,

Crema où réside Luca Guadagnino,

eut lieu en moins de six semaines, du 11 mai au 20 juin 2016 _ et chaque soir du tournage, le réalisateur-maître d’œuvre du film, rentrait dormir dans son lit, a-t-il raconté, en riant, à diverses reprises…

Timothée Chalamet, quant à lui, était venu plus tôt séjourner à Crema : 5 semaines avant ce début du tournage, soit à partir du 6 avril 2016, en se mêlant (incognito !) aux jeunes de son âge de la petite ville, à travailler à s’imprégner de son personnage d’Elio, et, à raison de une heure et demi chaque séance (soit quatre heures et demi en tout), à parfaire sa connaissance du piano, à apprendre à jouer de la guitare, et maîtriser sa pratique de la langue italienne ; cf cet article du Los Angeles Times du 17 novembre 2017 : Timothée Chalamet is Hollywood’s next big thing with ‘Call Me by Your Name’ and ‘Lady Bird’  ; ou celui-ci de Libération du 26 février 2018 : Timothée Chalamet, appelez-le par son nom… Fin de l’incise.


On voit par là combien Luca Guadagnino a fait de ce film une affaire toute personnelle !!!

Et cette intimité-là, avec son équipe de tournage comme avec ses acteurs, se ressent très positivement à la vision fluide et intimiste, sereine et heureuse, du film…

« J’ai trouvé Elio ! », déclara l’agent des stars Brian Swardstrom à son compagnon le producteur Peter Spears, à propos de Timothée Chalamet (qu’il avait vu dans la saison 2 de Homeland en 2012), dont il devient tout aussitôt l’agent _ Timothée Chalamet avait alors 16 ans ; c’était donc en 2012, puisque Timothée est né le 27 décembre 1995.
Et c’est en 2013 que Swardstrom présente Timothée Chalamet à Luca Guadagnino, qui l’intègre aussitôt au casting du film à venir.

Quant à Armie Hammer,
c’est Luca Guadagnino _ tombé amoureux de lui (dixit le réalisateur lui-même) en voyant The Social Network (de David Fincher), en 2010 : Armie Hammer y tient avec maestria les rôles de deux jumeaux : Cameron et Tyler Winklevoss _ qui l’intègre au casting du film en 2013, lui aussi, après l’avoir vu dans The Lone Ranger (de Gore Verbinski)_ le film est sorti sur les écrans américains le 3 juillet 2013…

Dernière chose sur ce très remarquable et magnifique acteur, lui aussi :
Armie Hammer a une superbe voix grave, profonde et très ductile à la fois ;
et les extraits de sa lecture du roman d’Aciman auxquels on peut accéder, sont carrément impressionnants ! : nous tombons immédiatement sous le charme ;
l’acteur est donc vraiment très bon,

et n’est pas seulement

_ et l’article, en anglais, auquel envoie ce lien quasi anodin (!!), est le plus juste de tous ceux que j’ai lus jusqu’ici sur ce film !!! _  

juste un beau gosse _ une expression que je n’aime pas _, ou un bel homme pour l’affiche…

Le contraste, d’ailleurs,

entre son interprétation magistrale et parfaitement évidente du très fin et élégant, ainsi que retenu et secret _ sans, par son naturel éminemment fluide et sobre, en donner le moindre soupçon : si c’est une certaine partie de son jeu qu’il cache, ce n’est certes pas la plus grande partie de son corps exposé au soleil  _ personnage d’Oliver _ son seul moment d’un peu d’extraversion, avant les moments de relations plus intimes avec Elio (mais très discrètement filmés, avec pudeur et sans exhibitionnisme, par le réalisateur), est la sublime séquence (de 44 ‘) dans laquelle, yeux et poings fermés, Oliver se lâche presque dionysiaquement sur la piste du dancing de Crema, sur le rythme lancinant de Love my Way _,

et ses prestations extraverties d’acteur faisant la promotion du film,

est, lui aussi, marquant : c’est dire combien la direction d’acteurs de Luca Guadagnino est elle aussi excellente ; autant que sont vraiment parfaits ses acteurs dans l’incarnation subtilissime des moindres nuances de leurs personnages !!!

A nous, aussi, de bien les percevoir…

Ainsi, dans la gestation de ce film,

le choix, au casting, des titulaires _ Armie et Timmy, donc _des deux principaux protagonistes _ Oliver et Elio _, dès 2013,

précède-t-il donc _ il faut le noter _ celui, final, de Luca Guadagnino comme réalisateur,
même si celui-ci a fait très tôt partie de l’équipe aux commandes _ la date en serait à préciser, ainsi que son pourquoi et son comment… _ dans ce projet _ au long cours et à rebonddissements divers _ de production : d’abord comme consultant.

Tout cela est donc assez intéressant ; même si cela reste malgré tout anecdotique par rapport au principal : la valeur artistique du film…
Je vais bien voir !

A suivre…
Je pars au cinéma…

P. s. :

Timothée Chalamet :


Timothée Hal Chalamet naît le 27 décembre 1995 dans le quartier de Hell’s Kitchen, à New York. Il est le fils du français Marc Chalamet, ayant travaillé _ comme éditeur _ pour l’UNICEF, et de l’américaine Nicole Flender _ née en 1960 _, diplômée de Yale, actrice, danseuse à Broadway, puis agent immobilier. Il étudie au lycée LaGuardia pour jeunes artistes, d’où il sort diplômé en 2013. Il a une sœur aînée, Pauline, une actrice qui vit à Paris.


Depuis son enfance, Timothée Chalamet et sa famille ont régulièrement passé des vacances _ l’été _ au Chambon-sur-Lignon _ haut-lieu de la résistance civile (protestante) au nazisme ! cf l’admirable travail de Jacques Sémelin : Persécutions et entraides dans la France occupée : comment 75 % des Juifs en France ont échappé à la mort ; et mon article du 30 juin 2013 : « …  _, en Haute-Loire, dans une maison où habitaient son grand-père paternel Roger Chalamet, pasteur _ voilà ! _, et sa grand-mère Jean, une canadienne _ née Jean Elizabeth Asthworth, et décédée en octobre 2010.


La famille de sa mère, d’origine juive russe et autrichienne _ tiens, tiens ! _, est très présente dans le cinéma : son grand-père maternel est le scénariste _  new-yorkais, né dans le Bronx _ Harold Flender (1924 – 1975), son oncle Rodman Flender _ né le 9-6-1962 _ est réalisateur et producteur, et sa tante Amy Lippman, épouse de celui-ci, également productrice _ et dialoguiste.


De nationalité américaine et française _ les deux ! _, il parle couramment l’anglais et le français _ dont acte.

Puis, ce courriel à un ami, cet après-midi, à mon retour du cinéma :

Cher …,

tu serais, je pense, bien plus critique que je ne le suis à l’égard de ce film _ attentif aux chicanes de premiers émois amoureux au moment de l’entrée dans l’âge adulte _ : je suis, en effet, assez bon public _ au moins a priori : la critique est plus aisée et prompte que l’art ! L’œuvre, que ce soit de cinéma, de littérature, de musique, ou toute autre, a besoin d’abord être accueillie et reçue avec un minimum d’attention bienveillante (et d’appétit…) ; le regard critique ne doit pas être un a priori fermé et massif comme un coup de gourdin ; mais ne venir qu’après, avec finesse et à bon escient ; soucieux de ce qu’on peut estimer constituer les visées de fond de l’œuvre en question… Du moins quand, public, nous avons fait l’effort d’aller à la rencontre de cette œuvre-ci : en l’occurrence nous déplacer jusqu’à la salle de cinéma… Et je remarque, qu’au cinéma, les projections des subjectivités des spectateurs, se déchaînent sans vergogne ! Les unes et les autres reprochant au film de ne pas leur offrir ce qu’eux, tout spécialement et très égocentriquement, les spectateurs se trouvent parfaitement légitimes d’en attendre ! C’est le monde à l’envers ; et c’est infantile… Il faut commencer par accepter de décentrer son regard de ses habitudes subjectives. Et accueillir vraiment l’altérité de l’objet offert…

Le point de vue privilégié par le réalisateur du film _ Luca Guadagnino, à la suite, et dans les pas, du point de vue choisi par le romancier, André Aciman _ est celui du regard, mi-neuf, mi-perspicace (en analyses de signes à décrypter : Aciman a dû lire le Proust et les signes de Deleuze…), du jeune garçon _ vierge, puceau (au moins quant à l’homosexualité : il vient juste de faire l’amour avec Marzia…) _ de 17 ans, Elio, face au très séduisant inconnu, Oliver, qui débarque au mois de juillet dans la demeure familiale _ ouverte et accueillante (même si discrète, par tradition familiale, en Italie, sur sa judéité) _, près de Crémone,

et auquel, en la fougue de ses élans pulsionnels adolescents, le très fin, intelligent, sensible et cultivé, Elio est assez vite _ à condition, bien sûr, de se voir vraiment agréé aussi, et non rudement refusé, par l’aimé _ prêt à se livrer _ corps et âme… Mais les signaux, les feux verts, et cela des deux côtés, manquent encore de clarté, ainsi que de constance : d’où des blessures (réciproques) et des retards par divers malentendus et quiproquos successifs…
Nous sommes en 1983 _ a choisi le réalisateur Luca Guadagnino, plutôt qu’en 1987, à l’origine dans le roman d’André Aciman _, dans une Italie d’avant Berlusconi _ c’est le moment, confus, de Benito Craxi _, et d’avant le Sida…

Le choix de ce point de vue du regard d’Elio

facilite, bien sûr, l’identification avec le personnage d’Elio _ très brillamment interprété par le merveilleusement  expressif (ses regards !) Timothée Chalamet _, de pas mal des spectateurs _ à commencer, bien sûr, par le vaste public (visé ?) des jeunes ; mais pas seulement lui : il est bien connu de tous que, quand on aime, on a toujours vingt ans ; et c’est vrai ! L’élan est puissant.

L’astuce romanesque _ du film comme du roman _,

c’est que le bel objet désiré, le splendide _ mais pas que _ universitaire américain _ il enseigne déjà à Columbia et publie ses livres : et c’est précisément pour préparer l’édition en traduction italienne de son travail sur Héraclite (dit l’Obscur) qu’il est venu en Italie, et chez le Professeur Perlman, cet été là, au moment de ses propres vacances universitaires : il s’est d’abord rendu en Sicile, puis va passer un mois et demi (soit quasiment la même durée que le tournage !) dans la résidence d’été du Pr. Perlman et sa famille _, Oliver,

qu’interprète avec beaucoup d’élégance et brio et finesse, Armie Hammer,

use de pas mal d’artifices de fuite (later, later, ne cesse-t-il de répéter pour se défiler des approches _ il les voit, bien sûr, venir ! _

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et tentatives d’emprise sur lui du jeune Elio… _ et le titre du roman choisi lors de sa première parution en français, en 2008, aux Éditions de l’Olivier, était Plus tard ou jamais ; de même que le titre de la première partie du roman  d’Aciman est Si ce n’est plus tard, quand ? ; c’est à relever… Il y comme de l’urgence dans l’air ; le temps leur est compté… _ ) ;

mais longtemps dans le film, nous non plus, n’en pénétrons pas bien les raisons…


Á la suite d’Elio,

dont nous ne cessons à nul moment de partager et suivre le regard, l’angle de vue, le cadrage, au présent de la survenue frontale des événements (et non rétrospectivement, au filtre de la mémoire),

nous aussi, spectateurs, nous sommes souvent déroutés par le comportement d’Oliver…

Et c’est là un élément décisif _ voulu par le réalisateur, à la suite du choix, aussi, du romancier _ de notre perception de l’intrigue  !!!

Ce sont donc ces yeux-là d’Elio,

non seulement hyper-curieux, mais aussi extrêmement inquiets car follement épris et séduits,

que nous, spectateurs du film, avons sans cesse

pour le beau et très retenu, et discret _ à l’exception de sa plastique exposée au soleil _, sinon secret, Oliver !

Et ce ne sera qu’a posteriori _ après le retour chez lui aux États-Unis d’Oliver, une fois son stage de six semaines auprès du Professeur Perlman terminé, et le texte de sa traduction en italien scrupuleusement revu et achevé _,

in extremis donc,

que nous comprendrons que ces diverses esquives _ arrogance ? timidité ? goujaterie ? s’était-on demandé _ et mesures dilatoires _ later, later... _ du bel Oliver

étaient, tout au contraire, chargées d’infiniment d’égards et de délicatesse _ protectrice ! _ envers le jeune Elio _ de 17 ans ; et le contraste physique entre eux deux est très net ! _,

eu égard aux obstacles auxquels lui-même, Oliver, s’était, en sa récente adolescence _ lui-même n’a, après tout que 24 ans ! _, heurté et durement blessé,

et probablement se blessait maintenant encore, chez lui aux États-Unis (à commencer en son milieu familial)

_ fort discret (c’est-à-dire prudent ! : larvatus prodeo…), Oliver parle d’autant moins de lui-même, nous semble-t-il, que c’est seulement via le regard d’Elio que nous, spectateurs, dans le film, avons accès à lui, c’est-à-dire à ses gestes et expressions, mais pas à ses sentiments et pensées : à cet égard le film, moins bavard (et cahoté) quant aux élucubrations du garçon ne sachant jamais sur quel pied danser avec Oliver, est beaucoup mieux réussi que le roman !)  ; Elio ne cessant passionnément d’essayer (non seulement il est d’un naturel extrêmement curieux de tout, mais il est surtout très épris !), de percer à jour d’abord ce que ressent l’apparemment versatile Oliver, mais ensuite surtout peut-être le tréfonds de ses secrets… _ :

afin de tempérer (un peu) et filtrer (sinon les refroidir vraiment, car le désir, nous le découvrirons, est bel et bien _ mais à partir de quel instant ? c’est très difficile à situer en regardant pour la première fois le film, assez subtil en cela… _ réciproque…) les fougueuses ardeurs du jeune garçon, Elio :

d’où la succession de péripéties à rebondissements de l’intrigue _ retournements de situations, surprises après atermoiements, révélations, semblants de démentis, prises de conscience… _ survenant _ et nous surprenant, nous aussi ! _ le long des 2 heures du film.

Il s’agit donc ici, d’abord _ mais immédiatement derrière, même si c’est habilement et très discrètement suggéré, sont tapis les secrets de la vie (passée, présente, mais à venir aussi…) d’Oliver : car celui-ci a des projets, tant professionnels que personnels (voire conjugaux et de paternité aussi), déjà en voie de formation, et à mener à long terme… _,

de la première (mais décisive) éducation sentimentale _ qualifions-la ainsi ! _ d’Elio _ pour la vie ! : avec une dimension verticale (et fondamentale !) d’éternité. Qu’en adviendra-t-il donc ? Et pour l’un, et pour l’autre ?..

Pour la vie est aussi _ il faut le noter _ le mot d’Elio lui-même pour sa proclamation _ émue et parfaitement sincère _ d’amitié envers Marzia, sa petite amoureuse _ très joliment interprétée par Esther Garrel _, une fois que celle-ci a bien compris, et osé très ouvertement le lui déclarer, que c’était d’Oliver qu’Elio était vraiment épris, et non d’elle _ qui ne l’en aimait pas moins, pour autant !.. Car Elio est fondamentalement honnête ! S’il lui arrive _ souvent désemparé qu’il se trouve, bousculé par ce qui survient de non anticipé par lui, pourtant si réfléchi _ d’être indécis et partagé, Elio n’a rien d’un traitor

Car il se trouve, aussi, qu’ici nul des protagonistes _ pas un seul ! _ n’a de mauvaises, ni a fortiori perverses, intentions ! Pas un seul méchant ou salaud…

Même ceux qui sont déçus ou blessés :

tous ceux qui s’expriment à propos de leurs relations inter-personnelles, sont ce qu’on appelle maintenant _ même si je n’aime pas du tout cette expression _ de belles personnes

Et cela agace, voire irrite, certains spectateurs, soucieux de davantage de réalisme cinématographique.

Et reste _probablement pour les faire davantage encore enrager de trop de concentré de beauté ! _,

au dessus de tout, la sublime lumière _ magnifiée par le doigté magique du chef opérateur d’Apichatpong Weerasethakul : Sayombhu Mukdeeprom ! C’est mon amie Marie-José Mondzain (cf le podcast de mon entretien avec elle sur ce livre, le 16 mai 2012) qui me les a fait découvrir et connaître en son Images (à suivre) _ de la poursuite au cinéma et ailleurs _

qui nimbe la luxuriance tranquille des verts paysages de Lombardie _ y compris Bergame et la montagne bergamasque, pour les Alpi Orobie, à la fin du séjour italien d’Oliver, en grimpant vers les cimes, à la montagne… _ en ce si bel été qui va être brutalement interrompu.


Ainsi que l’intérieur du très beau palazzo de la Villa Albergoni, à Moscazzano, dans  la province de Crémone…

Et avant le vespéral paysage de neige de la nuit de décembre, le soir de Hanouka,

à la fin du film…

Le point culminant du film est probablement la double réaction finale _ chacun de son côté, et en deux temps nettement séparés, au mois d’août, puis au mois de décembre _ des deux parents d’Elio :

d’abord, et immédiatement, au mois d’août, le regard et les gestes compréhensifs et très tendres de sa mère (la très belle, et toujours parfaite, sublime, Amira Casar), au moment du départ _ pour jamais ? _ du bel américain, lors du parcours du retour en voiture d’Elio, en larmes _ telle Ariane abandonnée de Thésée à Naxos _, à la maison ;

et plus encore le sublime discours détaillé (et les confidences très personnelles à son fils) de son père, le Professeur Perlman (Michaël Stuhlbarg, d’une splendide humanité !), révélant à Elio, six mois plus tard, en hiver, tout à la fin du film, son admiration _ admiration tue de sa part, il le lui dit, à tout autre que lui, Elio : y compris son épouse Annella… _ pour la chance qu’Elio, lui et au contraire de lui-même, en sa propre jeunesse _, a su _ not too late !!! sur cela, et pour célébrer cette fois le miracle de la naissance d’une amitié (et pas d’un amour), cf en mon Pour célébrer la rencontre rédigé au printemps 2007, ma référence au divin Kairos et à l’impitoyable châtiment (de la main coupée !) infligé à ceux qui (too late !) ont laissé passer leur chance et voulu, mais trop tard, la ressaisir… _ courageusement saisir à la volée _ au contraire de lui-même, donc ; avec les regrets qui lui en demeurent encore maintenant, mais oui !, et il le confie alors, magnifiquement, à son fils _, et lui conseillant d’en tirer (sans amertume ou aigreur, ni oubli _ ou refoulement _ non plus) le meilleur pour la suite de sa vie adulte qu’adviendra-t-il donc de la vie amoureuse future d’Elio ?.. Le film, à très bon escient, en restera là…

Mais des suites viendront, très probablement, dans quelques années : le passage du temps ayant fait son office…


Soit, ici avec ce père intelligent si magnifiquement humain… _ une autre identification possible pour les spectateurs de ce film.

Et je suppose que c’est bien pour faciliter ces diverses identifications des spectateurs à ces divers personnages du film, face à la relative énigme _ qui demeure en grande partie à la fin du film (et à la différence du roman) _ du personnage d’Oliver

_ bien différent en cela de l’ange terrible qu’incarne Terence Stamp dans le brûlant Théorème de Pasolini _,

que,

prenant en mains la réalisation du film,

Luca Guadagnino a choisi de renoncer au procédé du commentaire _ rétrospectif, mélancolique, un peu trop auto-centré sur les regrets du narrateur : passéiste ; à rebours des très vifs effets de présent recherchés en ses spectateurs par le cinéaste !.. _

par une voix-off,

qu’avait d’abord retenu James Ivory !

Et c’est probablement le jeu très précis, subtil et infiniment nuancé _ leur incarnation de ces nuances complexes de leurs personnages est vraiment magnifique ! _ des acteurs

qui produit _ en plus de cette merveilleuse lumière qui nimbe les paysages de l’été italien _ le principal impact,

émotivement très puissant,

de ce si émouvant et si beau film.


La poursuite de ce décryptage par le spectateur de ces images en mouvement que sont un film _ mieux capter chacune de leurs nuances furtives, à l’instar du regard scrutateur et interrogatif d’Elio lui-même _ accroît ainsi

l’urgence d’aller revoir un tel film,

avec un nouveau surcroît d’attention de notre regard

pour le moindre de ses détails qui nous aura échappé…

Tu vois comme je suis gentil.

Parmi les critiques du film que j’ai lues _ aucune de très subtile ni de vraiment fouillée jusqu’ici ; mais je ne m’abreuve probablement pas aux meilleures sources !

Cf cependant celle-ci, par Isabelle Régnier, dans Le Monde du 28 février dernier : « Call Me by Your Name » : entre ombre et secret, l’été amoureux de deux garçons … ;

ou celle-là, quoique un peu trop contournée pour mon goût, par Johan Færber, dans la revue Diacritik du 27 février :  Call Me By Your Name : l’académisme est un sentimentalisme… _,

certaines trouvent au film trop de longueurs ;
alors que, à l’inverse, d’autres se plaignent que le film _ d’une durée paraît-il de 4 heures en sa toute première version _ souffrirait un peu trop des ellipses _ notamment concernant les personnages secondaires _ résultant des coupures opérées au montage pour améliorer le rythme du récit.

Pour ma part, je n’ai éprouvé aucune de ces deux impressions ; et j’ai regardé le film avec une forme d’empathie _ la mienne a priori quand (et puisque) je décide d’aller voir un film, de lire un livre, d’écouter un CD : la critique sera seulement a posteriori ; je me répète… _ pour les divers protagonistes, très humains _ chacun à sa manière… _ de cette intrigue…

Lequel d’entre nous _ qui sommes sexués _ ne tombe pas un jour amoureux ?.. et passera complètement à côté d’émotions questionnantes de ce genre ?..

Ou ignorera complètement les chagrins d’amour ?


Et cela, ici, à la vision de ce film, avec un très grand plaisir : celui de baigner pleinement par le regard dans les parfums, saveurs et couleurs d’une Italie aimée ;

tout en sachant aussi que l’Italie est certes loin de se réduire à ces images idylliques _ ce qui ne manque pas d’agacer, voire irriter, certains des spectateurs du film, jugé par eux trop idyllique…


De même que semblent, malgré tout, encore assez menues, et surtout peut-être réparables, les blessures infligées _ par de tels chagrins _ à la personnalité des principaux personnages, notamment le jeune Elio…

Mais là je suis peut-être un peu trop optimiste…

D’abord, en effet, un premier amour n’a pas de substitut ! Sa marque, oui, indélébile, est et demeure pour toujours la référence…

Ici, je repense, a contrario, à l’humour acéré et absolument terrible de Pasolini (Théorème _ en 1968 _)…
Ou à la verve pleine de charge comique très incisive d’un Fellini (Amarcord _ en 1973 _)…

Mes références _ et alors que je suis d’abord un très fervent antonionien (Par delà les nuages, Identification d’une femme, L’Eclipse, sortis respectivement en 1995, 1982 et 1962…) _ seraient plutôt ici les auras solaires d’un Bertolucci (La Luna _ en 1979 _) ou d’un Rosi (Trois frères _ en 1981 __ qui me comblent aussi ; même si, à la revoyure de ces films, je m’aperçois bien que chacun d’eux et tous comportent une dose très importante de réalisme tragique ; aucun d’eux n’est vraiment idyllique…

Mais le tragique, ici, est d’un autre ordre.

Bref, j’y ai éprouvé du plaisir.
Comme celui pris aux films _ Chambre avec vue, Maurice, Retour à Howard Ends, en 1985, 1987 et 1992… _ de James Ivory : est-ce un hasard ?

Francis

P. s. :

Je viens de lire une interview particulièrement niaise (et donc agaçante) d’André Aciman _ vaniteux, pour aggraver son cas _, dans En attendant Nadeau _ il me faudra lire le roman afin d’être plus juste envers lui !..

Enfin,

existe en audio-livre, la lecture _ en anglais, bien sûr _, par le magnifique Armie Hammer

_ quelle spendide voix ! et quelle merveilleuse lecture ! Quel grand acteur il est donc !!! Et aurait-il pâti jusqu’ici, en sa carrière d’acteur (il est vrai à Hollywood surtout) de sa trop manifeste beauté ?.. Que l’on se donne la peine de revoir la scène magnifique (de 44 ‘) de sa danse presque sauvage, yeux et poings fermés, aux prises peut-être, seul avec quelque fantôme de son histoire, au milieu de la piste du dancing à Crema… ; et que l’on écoute, à côté, ses confidences amusantes (1 et 2) d’acteur sur les circonstances particulièrement « uncomfortable«  pour lui du tournage de cette sublime hyper-sensuelle séquence… _

du roman Call me by your name, d’André Aciman ;

la lecture _ splendide par cette voix si bien timbrée et si juste en ses intonations comme en sa fluidité ! _ dure 7 h 45 _ en existait bien un podcast, mais le lien en a été, depuis ma mise en ligne, effacé !

C’est superbe !

La principale question que pose toute rencontre, surtout, bien sûr, toute rencontre heureuse,

est celle de son devenir, par delà tout ce qui peut la menacer, corroder, ruiner ;

de son suivi, de ses suites ;

de la dynamique _ à inventer davantage qu’à subir _ de sa poursuite-perpétuation-renouvellement d’enchantement…

Et c’est bien ce qu’il y a de terrible

dans le dernier regard _ mouillé, car très probablement se sentant coupable de partir ainsi, sans projet de vraiment revenir bientôt (ou jamais) ; et le sentiment non dilatoire, cette fois, de quelque too late !.. _, dans le compartiment du train _ qui démarre et s’en va _, du personnage d’Oliver en direction du personnage d’Elio ;

Elio, demeuré, lui _ abandonné, telle Ariane à Naxos… _ à quai,

comme plombé, là, par la peine-douleur de cette séparation, sur le quai de cette toute petite gare de Clusone, au pied des Alpi Orobie livré, totalement, là en vrac, à son impuissance d’agir face au train qui imparablement éloigne Oliver vers Milan et les Amériques. Elio (qui va entrer en classe Terminale) n’a pas pu retenir Oliver, qui rentre (sans nul retour ?) chez lui, aux États-Unis, retrouver son travail et sa carrière à l’université, sa famille, ses projets déjà formés, etc. _ ;

et très bientôt en larmes.

Elio, totalement désemparé par cette séparation _ sans remède ? à jamais ? _ d’avec son amant de ces quelques journées volées au reste du monde, 

Elio, va, au téléphone public de cette gare perdue de Clusone _ n’existaient pas encore, en 1983, les telefonini dont vont très vite raffoler les Italiens _, prier sa mère de bien vouloir venir en voiture jusque là _ c’est assez loin de Crema : à plus d’une heure de route… _ le récupérer et le ramener chez eux…

Mais s’ensuivra, encore _ ultime rebondissement du lien (puissant…) entre Elio et Oliver dans le film _ la séquence finale du coup de fil d’Oliver à Elio, le soir de Hanouka, le 6 décembre 1983.

On comprend aussi combien est intelligent le choix

_ de classicisme et de ligne claire : à la française ; et à la Ravel, donc… _

de Luca Guadagnino

d’avoir interrompu à ce moment précis le récit des rapports entre Elio et Oliver,

sans le prolonger sur ce qui les suivra bien plus tard

_ mais ce sera là matière, pour plus tard, pour un ou plusieurs autres films, quand se retrouveront, et en quel état, à l’aune de l’éternité (car tel est là le critère !), Elio et Oliver _,

comme l’a fait André Aciman dans le roman.

C’est bien l’aune de l’éternité, en son impact _ hyper-puissant _ sur les personnages,

qui doit prévaloir

et triompher…

Ce lundi 12 mars 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

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