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Un début de portrait de Paul Bonopéra, en son avis de décès paru le 20 janvier 1916, dans Le Progrès d’Orléansville

11mar

Pour commencer à nous faire une petite idée de la personnalité de Paul Bonopéra _ Miliana, 1er octobre 1856 – Orléansville, 18 janvier 1916 _,

voici la teneur, presque entière, de l’avis de son décès, survenu à Orléansville le mardi 18 janvier 1916, tel qu’il a été publié par Le Progrès d’Orléansville, le jeudi 20 janvier suivant :

« Mardi soir, notre ami Paul Bonopéra, qui la veille encore était des nôtres plein de bonhomie, a succombé des suites d’une cruelle maladie ; la nouvelle se répandait en ville en y provoquant l’émotion la plus vive.

Bonopéra s’était créé dans notre cité, par sa nature droite, par son ferme bon sens, par son travail opiniâtre, des amitiés franches et solides. Le destin aveugle s’est plu à l’arracher brutalement à l’affection de son épouse et de ses enfants, dont la douleur ne supporte pas d’atténuation.

Sur sa tombe, M. Louis Clément, maire, prononça quelques paroles sur la vie pleine de labeur de Bonopéra. Il dit combien est pénible pour le chef de la municipalité de saluer l’excellent homme dont nous avons apprécié la belle humeur, la parfaite loyauté et une compétence d’un précieux concours.

Après avoir rappelé les dix années du défunt au conseil municipal, M. Clément s’exprima ainsi. Nous n’oublierons pas à l’hôtel de ville le bon collègue, le bon camarade, enlevé trop tôt à notre amitié ; et je suis l’interprète de tous ceux qui ont connu notre collègue, en disant nos regrets, en exprimant à sa veuve et à sa famille, l’hommage de nos sentiments attristés.

Le Progrès prie sa veuve, ses enfants, ainsi que toutes les familles que cette mort met en deuil, d’agréer l’assurance de ses condoléances profondément émues et sincèrement attristées .« 

À comparer avec la sévère sobriété _ plutôt questionnante _ du communiqué de « Remerciements » publié par la famille du défunt, une semaine plus tard, le 27 janvier, toujours sur Le Progrès d’Orléansville :

« Madame Veuve Bonopéra, ses enfants et leurs familles remercient bien sincèrement les personnes qui leur ont témoigné leur sympathie à l’occasion du décès de

Monsieur Paul BONOPERA

décédé à Orléansville le 18 janvier 1916, à l’âge de 60 ans« … 

Dès l’année 1903,

le nom de Bonopéra apparaissait dans la chronique orléansvilloise du quotidien des jours de la cité, dans l’édition du 23 juillet 1903,

avec, cité dans le Palmarès de la fin d’année scolaire 1902-1903 de l’Ecole de garçons, pour la 1ère classe, celle de 2ème année du cours complémentaire, le nom de « Julien Bonopéra » _ il a 16 ans _ ;

et deux ans plus tard, le 2 novembre 1905, et toujours à propos du jeune Julien Bonopéra, ce bref avis-ci : « Examen des Postes et Télégraphes du cadre algérien : Julien Bonopéra, fils de M. Bonopéra, propriétaire à Orléansville : nommé commis stagiaire à Orléansville, après deux mois d’instruction à Alger »

Plus tard, on peut remarquer les trois élections successives, en 1907, 1908 et 1912, de M. Paul Bonopéra comme conseiller municipal d’Orléansville :

_ le 17 juillet 1907, lors d’élections municipales complémentaires pour 6 postes à pourvoir, est notamment élu Paul Bonopéra (51 ans).

_ l’année suivante, dès le premier tour du 7 mai 1908, sont élus 19 des membres de la liste républicaine de M. Paul Robert ;

sur 476 suffrages exprimés, Paul Robert, le mieux élu, obtient 470 voix ; Louis Clément le suit, avec 433 voix ; et immédiatement après _ troisième mieux élu des 19 de ce premier tour _ Paul Bonopéra, 423 voix.

Je remarque, au passage, que Emile Wachter, qui s’était présenté, a obtenu 97 voix, et n’a pas été élu.

Les deux derniers sièges, en ballottage, seront pourvus au second tour, le dimanche suivant.

_ aux élections municipales du 12 mai 1912, la liste républicaine conduite par M. Joseph Robert, banquier, sera élue en entier dès le premier tour.

Sur 652 votants, Joseph Robert obtient 406 voix ; M. Paul Bonopéra, propriétaire, 397 ; et M. Ramon Sanchez, propriétaire, 393…

Sans commentaire.

Ce jeudi 11 mars 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Les rencontres heureuses et la vitalité généreuse d’une attentive vraie, Danièle Sallenave : l’état (= bilan provisoire) de sa « Vie éclaircie » _ somptueuse lumière d’un livre majeur !

29déc

Je tiens à saluer,

et comme il le mérite _ c’est-à-dire grandement ! _,

le livre absolument magnifique que nous offre,

en la jeunesse robuste et vive, et toujours si _ formidablement _ immensément joyeuse, de ses soixante-dix printemps

_ mais le passage du temps sur son indéfectible jeunesse (de cœur et d’esprit, d’abord !) est totalement imperceptible ! si ce n’est par un toujours surcroît de plénitude !… _,

Danièle Sallenave,

une vraie attentive

autant qu’une attentive (constamment et surabondamment…) vraie !

l’exemple même, si l’on veut, de l' »honnête homme » aujourd’hui,

et de la « belle personne »,

_ et cela indépendamment de la question, trop souvent parasite désormais, du « genre« , du sexe, de la sexuation : elle-même sait fort bien écarter, ici (au chapitre V, « Femmes, hommes« , aux pages 177-205 de ces passionnants  « entretiens » : avec Madeleine Gobeil, et avec elle-même : sur la page d’écran de l’ordinateur, à corriger pour préciser et creuser, approfondir, déployer bien de l’implicite...),

écarter, donc,

un tel parasitage… ; cf cette réflexion-ci, page 195, en réponse à la question (de Madeleine Gobeil) : « Les hommes et les femmes aiment-ils différemment ?« … :

« A mon sens, hommes et femmes aiment ou aimeraient exactement de la même façon, s’ils se souciaient _ d’abord et essentiellement _ d’être des individus, et non de se conformer, même à leur insu, à l’idée qu’ils se font, ou que l’époque se fait _ voilà ! tel est le poids exténuant (la « pesanteur sociologique« , si l’on préfère…) de la pression des clichés ! _, « des hommes » et « des femmes » !« … ;

et il faudrait ainsi que l’on « transgresse l’opposition rigoureuse hétéro/homosexualité.

C’est _ précise-t-elle bien vite, page 203 _ l’idée qu’un être, avant d’être sexué, est d’abord un individu au sens plein du terme

_ en son intégrité et unicité ; ainsi qu’en la conscience même (d’abord opaque, aussi…) de cette intégrité et de cette unicité, en soi : nécessairement singulières ! les deux (l’intégrité comme l’unicité) ! et cela, pour chacun (en son pour soi ! déjà ; ainsi qu’en un « chacun pour soi«  : bien trop souvent exacerbé…) par rapport à lui-même et son (propre : opaque ! non-transparent ! l’accomplissement et la découverte de soi constituant un long et complexe parcours…) soi ! _,

un individu au sens plein du terme, donc,

qu’on aime _ lui _ comme individu _ en son intégrité et unicité singulières ! elles aussi _, par-delà son sexe » même, ajoute très justement Danièle Sallenave, page 203, donc ;

et de commenter encore cela ainsi, dans la foulée, pages 203-204 :

« Pour un ou une « hétéro », ce n’est pas _ cette bisexualité rencontrée alors, non sans une certaine surprise… _ de l’indifférence à la différence sexuelle, qui continue _ elle, et bel et bien _ d’exister et de concentrer sur l’« autre sexe » les fantasmes de désir, de séduction… c’est comme une trouée dans un paysage, par où d’autres paysages se dévoilent _ alors : en perspective s’élargissant… La « bisexualité » _ puisque c’est à cela que l’auteur fait alors allusion, via sa fiction de La Fraga qu’elle commente alors _, c’est alors comme un complément _ voilà _ d’être, une manière de vouloir se saisir et de saisir l’autre _ en l’expérience vécue d’un tel désir amoureux ouvert sans considération dominante (et intimante !) du genre de l’aimé _ dans une liberté que rien n’entrave _ plus, du moins à cet égard de la spécification (carrée !) du genre de l’autre… _, aucune considération de sexe ou du genre. C’est la manifestation d’une liberté conquise«  : contre (et par-dessus) ses propres préjugés, qui avaient fini par s’incruster… _,

celle-là même qui dit,

page 40 de sa Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil (qui paraît cet automne 2010 aux Éditions Gallimard),

avoir, de ses parents _ un couple d’instituteurs de Savennières, sur les rives (et juste au-dessus des « levées« ) de la Loire, non loin d’Angers _, « hérité aussi« 

_ outre leur passion (germinative !) de la curiosité

(« Curiosité«  était « le maître-mot«  de ses parents, rapporte-t-elle, page 39, à propos des élèves qui leur étaient confiés : « Il n’a pas de curiosité ! » leur était, se souvient-elle, « un jugement sans appel« …),

leur passion de l’écoute

(un enseignant doit savoir aussi et avant tout apprendre à écouter au plus près ceux qu’il entreprend d’instruire-enseigner-éduquer ! car est là un rapport décisif ultra-sensible ! ;

et Danièle Sallenave de se remémorer ici cette « très belle chose«  « dans un texte de Jean Starobinski« , page 40, en suivant : « Il ne faut pas que l’immense bruit qui nous entoure _ et prolifère _ diminue nos facultés d’écoute _ attentives : activement réceptrices. C’est à les accroître ou du moins à les maintenir _ à rebours des anesthésies de toutes sortes ! se généralisant… _ que j’espère avoir travaillé« , écrivait Jean Starobinski, l’auteur de Largesse, dans L’Invention de la liberté…) ;

ainsi que celle, chevillée au corps et au cœur, elle aussi

_ car Danièle Sallenave vibre (toujours !) de la passion (éminemment porteuse : enthousiasmante !) de la générosité _

de l’inlassable « instruction« 

dont ceux-ci, ses parents, avaient fait leur métier,

au service du « métier de vivre« , de (« grandes« ) « personnes«  (que ces enfants « devaient«  être en train de devenir…), à aider à se former, des enfants qui leur étaient confiés,

du temps de ce qui était encore une « Instruction publique« , et fut, ensuite, une « Éducation nationale«  : en quoi est-elle donc, celle-là, en train de se métamorphoser, quand ses présents ministres ont été mis à pareille « place«  pour avoir su se faire d’assez efficaces « Directeurs de Ressources humaines«  d’entreprises (ô combien privées !) telles que L’Oréal !..  : « parce que que vous le valez bien« , qu’ils avancent comme appels d’achat de leurs « produits«  (séducteurs…) de « maquillage«  !.. ;

et sur la cosmétique, relire les mots toujours aussi brûlants de vérité de Socrate (dans l’indispensable Gorgias de Platon _ ou « contre la rhétorique«  !..)… _

celle-là même, Danièle Sallenave, qui dit avoir « hérité aussi« , donc, de ses parents,

une profonde mélancolie«  :

celle, du moins

_ cf Aristote, la Poétique, et Rudolf Wittkower : Les Enfants de Saturne.., mais cela à dose homéopathique, il me semble, pour ce qui la concerne singulièrement, elle, Danièle Sallenave, étant donné les inlassables trésors, bien plus manifestes (que ces tendances à l’acédie mélancolique !), eux, de la vitalité ! dans lesquels elle puise toujours et encore… _,

celle _ « mélancolie« , donc _ qui _ par la conscience d’un certain « tragique«  de la vie même, éphémère… _ « ouvre des horizons immenses« , page 40 :

ceux, et à perte de vue, de la profondeur (et de l’intensité maîtrisée : toute de classicisme !) de champ (de perceptions : diverses…) ;

c’est-à-dire le « relief« 

vrai

et parlant en pure vérité

_ d’un timbre de voix, seulement, un peu grave et à peine rugueux, en dépit de sa suavité (et chaleur même) de ton  ; tel un accent, à peine un brin voilé, mais de fond

à peine perceptible : tout simplement… ; mais qui « éclaire«  loin et profond ! voilà ! _

c’est-à-dire le « relief«  vrai et parlant en pure vérité, donc

_ et peut-être baroque ;

de ce Baroque qui sait parler et chanter à Danièle Sallenave ; et qui l’a tellement touché, elle aussi, à Rome et à Prague, notamment (comme il m’a personnellement touché, en ces lieux, et via quelques voix de personnes : ainsi, Elisabetta Rasy, à Rome ; Vaclav Jamek, à Prague…) _

le « relief » _ baroque, si l’on veut ! _ du tragique

consubstantiel de l’existence

« fragile » _ voilà ! et combien précieuses par là ! irremplaçables ! ces profondeur et intensité-là,

devant (et face à) cette fragilité vitale (en son éphémère)… _ de nos vies

effectivement passagères : l’automne et le crépuscule ne manquant pas

_ en général du moins : quand,

accomplissant l’espérance vitale (« et les fruits passeront la promesse des fleurs« ),

il s’avère, magnifiquement, que

« une rose d’automne est plus qu’une autre exquise« _

l’automne et le crépuscule ne manquant pas

_ pour certains, du moins, qui ont su vivre avec succès le « dur désir de durer » un peu (plus que d’autres) et, surtout, assez : pour bien l’« expérimenter« 

(tel un Montaigne en la « vieillesse«  relative, toujours, de ses cinquante ans)… _

d’advenir…

Ce n’est pas non plus sans émotion que j’ai découvert, in fine, page 247, les paroles de conclusion de ce magnifique livre d' »entretiens » (avec Madeleine Gobeil) :

« La seule vie, c’est la vie au présent,

cette vie-là !

Il faut en cultiver sur terre

_ c’est là la leçon, à la lumière de la rigueur d’Épicure, du sublime dernier chapitre des Essais de Montaigne, « De l’expérience« , sous lequel ce bilan (provisoire !) joyeux de Danièle Sallenave me semble venir se placer _


toutes les caractéristiques divines,

dont l’allégresse !

J’aime bien ce mot d’allégresse,

il me paraît correspondre tout à fait au sentiment que donne la musique

_ celle de Felix Mendelssohn, par exemple, héritier, en cela, via son maître Zelter, de l’Empfindsamkeit renversante et nourricièrement énergétique, en ses tourbillons de légèreté grave, profonde, du très grand Carl-Philipp-Emanuel Bach !..

De ce Mendelssohn-ci,

écouter la folle énergie du double concerto pour violon et piano dans l’interprétation sublimée de Gidon Kremer et Martha Argerich (un CD Deutsche Grammophon) ; ou l’Octuor dans l’enregistrement live qu’emmène Christian Tetzlaff pour le « Spannungen Chamber Music Festival«  de Heimbach (un CD Avie)… _,

Ce mot d’allégresse me paraît correspondre tout à fait

au sentiment que donne la musique

plus que n’importe quel art. (…) La musique est l’art divin.

J’ai beaucoup aimé parler de musique _ continue et achève de dire : ce sera là tout simplement la conclusion de cette Vie éclaircie, page 247… _ dans l’émission de Claude Maupomé Comment l’entendez-vous ?.

On écoutait le morceau en entier ; celui-ci terminé, le silence revenu _ celui qui permet à la pensée d’aller un pas plus loin ! _, on se regardait ; « alors ? », disait-elle, de sa belle voix _ un peu grave, elle aussi ; et magnifiquement posée.

Il y avait la pénombre du studio, les techniciens derrière la vitre ; et j’avais souvent la gorge nouée d’émotion avant de pouvoir parler et donner suite _ voilà ! _ au chant… _ inspirateur… :

sur l’« acte esthétique« ,

je renvoie une fois de plus à la scène initiale, à la tombée du soir, et en compagnie de deux amis, à Syracuse, de l’ouverture si subtilement juste du (sublime !) essai de Baldine Saint-Girons, L’Acte esthétique (aux Éditions Klincksieck) ;

cf mon article du 12 octobre 2010, à propos de l’opus suivant de Baldine Saint-Girons, Le Pouvoir esthétique (aux Éditions Manucius) : les enjeux fondamentaux (= de civilisation) de l’indispensable anthropologie esthétique de Baldine Saint-Girons : “le pouvoir esthétique”

L’écoute de la musique

procure un bonheur complet. Le temps n’est plus suspendu,

mais son mouvement _ allant : se chargeant, en la grâce porteuse de son déploiement, de toute une plénitude : comblante ! _

se charge de signification ;

il vous fait _ comme _ participer à la grâce souveraine du calcul,

à l’ordre mathématique

_ tant de la mélodie (horizontale) que de l’harmonie (verticale) ; en une inspiration possiblement leibnizienne ; ou bachienne ;

pour ma (modeste et humble) part, je serais tenté de faire un brin plus confiance à l’aventure un peu plus hasardeuse de ce qu’on pourrait nommer « inspiration« , s’élançant dans l’air, et avançant toujours un peu à l’aveuglette, en se fiant à la chance de ce qui va être rencontré, et respiré : à la façon de Domenico Scarlatti en ses 555 sonates, quasi indéfiniment re-tentées, par exemple... _

Le mouvement du temps vous fait participer à l’ordre mathématique, donc,

et joyeux du monde.« 

Car je me suis alors souvenu

que c’est peut-être lors d’une émission

de Claude Maupomé, « Comment l’entendez-vous ?« , sur France-Musique, quand la radio (de Radio-France) parlait un peu plus souvent vraiment vrai _ au lieu de ne se faire bientôt presque plus que propagande et publicité !_,

que j’ai fait la connaissance, par la voix, la parole, et la conversation vivante _ émue et émouvante, en sa vérité ! _ et vraie

de Danièle Sallenave _ et d’autres, tels, parmi d’autres passionnants, Pascal Quignard, ou le peintre de Montpellier Vincent Bioulès… _

commentant la musique aimée…

Voici, pour finir cette présentation-évocation

de La Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil,

la parlante quatrième de couverture :

« Madeleine Gobeil m’a proposé il y a quelques années de réaliser avec elle une interview par courriel. J’ai longuement développé _ en les travaillant : à la Montaigne, dirais-je… _ mes réponses ; et ce livre en est sorti. L’enfance, la formation (I), les livres (II), le théâtre (III), les amitiés, les amours (IV _ « L’Histoire, les intellectuels, la vie sensible » _ & V _ « Femmes, hommes »), les voyages (VI _ Les voyages, l’Art, le temps), la politique (de ci, de là)… Progressivement, une définition se dégage : écrire, c’est essayer d’ouvrir des brèches, des trouées

_ dans lesquelles une pensée peu à peu, à l’œuvre, et en s’aventurant (c’est le travail exploratoire du génie même de l’imagination…) se déploie : se précise et s’accomplit ; page 75, Danièle Sallenave cite Hegel : « C’est dans le mot que nous pensons«  ; et elle ajoute fort justement, dans l’élan : « Et dans l’articulation des mots, qui constitue des phrases, des énoncés, et pour finir ce qu’on appelle le discours« , selon ce que Chomsky nomme magnifiquement la « générativité«  du discours par la parole… ; le reste, privé de cela, c’est « ce qu’Adorno appelle « la vie mutilée » : coupée en ses élans généreux… Cela chez les privilégiés (« socio-économiques« , ajouterais-je !) comme chez ceux qui ne ne le sont pas. Un « privilégié » qui ne lit rien d’autre que ses dossiers, des ouvrages d’économie, ou sur la résistance des matériaux, et qui ne compte que sur Internet pour sa formation générale, vit aussi pour moi (et pour moi-même aussi !) d’une « vie mutilée »… » ; et Danièle Sallenave de citer encore à la rescousse, page 24, l’excellent Marc Fumaroli, en la préface de ses Exercices de lecture : « Passer par _ voilà ! _ les livres, c’est accéder à une certaine « forme d’intelligence », « que donne de soi-même et des hommes en général la fréquentation assidue _ oui : en mosaïque… _ des œuvres littéraires les plus diverses et d’époques différentes » et qui prépare et éclaire _ c’est cela ! _ celle que donne  _ à l’aveuglette, sinon _ l’expérience » _ individuelle empirique seulement. Comme le commente alors excellemment Danièle Sallenave : « Tout est là : préparer et éclairer l’expérience, qui est forcément _ d’abord : animalement et inculturellement : l’enfance, c’est la « neuveté«  ignorante, d’abord ; surtout privée du désir de plus profondément connaître… _ limitée. Et il ajoute : la lecture « lui donne des ailes _ voilà ! _, elle la prévient contre le rétrécissement _ ou du moins l’étroitesse à jamais _ triste »« , pages 74-75 _,

pour mieux voir, mieux comprendre, mieux sentir. C’est une manière de vivre. D’unifier, d’éclaircir la vie » _ en apprenant à démarquer ainsi le « relief«  même de l’essentiel… Alain dit ainsi : « Apprendre à bien penser, c’est apprendre à s’accorder avec les hommes les plus éminents, par les meilleurs signes »

Ce qui est dit de l’écrire est, en sa parfaite modestie (et justesse !), passionnant !

Magnifique !!!

Les rencontres que la vie,

un peu de chance,

et aussi parfois un brin de courage _ pour savoir saisir, et, plus encore, « cultiver« , en apprenant à soigner et entretenir, avec des trésors de délicatesse, les opportunités du hasard objectif ! _

ont ménagé à Danièle Sallenave,

sont plus passionnantes encore : je n’en dis rien ici ;

je laisse le soin de les découvrir au fil de la lecture

de ces pages infiniment précieuses et riches…

Cette Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil n’est qu’un « état des lieux » provisoire _ à la Montaigne, ou à la Proust : « tant qu’il y aura de l’encre et du papier » !.. _, mais sachant se concentrer de mieux en mieux, et avec générosité, sur l’essentiel, de la part de Danièle Sallenave,

car celle-ci est très loin de penser, comme celle à laquelle elle a consacré un panorama biographique, Castor de guerre, qu’à soixante ans, « il n’y avait plus rien à vivre, sauf l’attente de la mort« …

Cette Vie éclaircie

se trouve donc, par là, aux antipodes du Tout compte fait de Simone de Beauvoir,

dans lequel cette dernière lâchait mélancoliquement : « J’ai le goût du néant dans les os« …

Œcuméniquement, en quelque sorte

_ eu égard, peut-être, à une partie de dette (d’auteur) de Danièle Sallenave à cette formidable énergique qu’a d’abord su être presque tout le long de sa vie Simone de Beauvoir ; cf aussi le très beau portrait qu’a offert de celle-ci, récemment, ce livre très important (à de multiples égards) qu’est Le Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann _,

Danièle Sallenave ose alors, page 243, un :

« Chacun trouve ses propres chemins,

ceux qui lui conviennent » ;

aussi « faudrait-il arriver à considérer l’« âge »

_ mot que je préfère à celui de « vieillesse » (précise Danièle Sallenave) _

autrement que sous l’angle de la mort annoncée« …

_ lire ici (et relire souvent, sinon toujours !!!) le merveilleux Montaigne sur le temps et le vivre, au final de son dernier essai, « De l’expérience«  (Essais, III, 13) !

L’« âge »

et même le « grand âge » tant que le corps tient le coup _ et le détail importe, certes ! _,

c’est aussi _ en effet ! pleinement ! _ un âge de la vie ;

il devrait donc être vécu en tant que tel _ avec visée, toujours, de plénitude ! _,

et non sous la menace du temps qui rétrécit _ et attriste, par la même : cf les analyses très détaillées du très beau (et si juste ! un très grand livre !) La Joie spacieuse _ essai sur la dilatation de Jean-Louis Chrétien…

Car la jeunesse ne se résume pas _ certes : à chacun, au plus vite, de l’apprendre et d’en faire son miel ! _ uniquement à la quantité de temps qu’on suppose _ à la louche ! pas à la pipette (qui n’existe pas pour cela, en dépit des efforts de tous les prévisionnistes très, très intéressés… _ avoir devant soi…

Encore moins à l’idée qu’il est _ biologiquement _ infini _ inépuisable : prolongeable à volonté et sur commande…

Ou le rêve de Faust ;

et le piège de Méphisto…

Cf ici le mot (terrible) de Staline à De Gaulle, à Moscou, en 1945 : « A la fin, c’est la mort qui gagne » ;

à comparer au « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! » de l’Ivan Karamazov de Dostoïevski…

Danièle Sallenave poursuit, elle,

à propos des divers âges de la vie,

ceci,

aux pages 243-244 :

« J’ai toujours su que mon temps _ de vie (mortelle)… : et la rareté fait beaucoup, sinon tout (pas vraiment, non plus !), du prix ! _ était compté, même quand je n’avais que dix ans !

Et dans le même mouvement, je pensais que « j’avais tout mon temps » _ à condition de savoir apprendre à (et de pouvoir) aussi « le prendre« 

J’ai très tôt senti _ mais peut-on vraiment « penser«  si peu que ce soit et ressentir autrement que cela, et ainsi ?.. _ quelles infinités _ mais oui ! « Inextinguibles« , dit même Theodor Adorno, en son (merveilleux) essai sur L’essai comme forme, en ses Notes sur la littérature _ chaque âge

et chaque moment _ même _ de l’âge

recelait.


Mais ce n’est pas la littérature qui me l’a fait découvrir : c’est l’ayant découvert que je me suis mise à écrire.
« 


Et de préciser aussitôt : « Car je ne m’« abrite » pas derrière les mots ;

je ne cherche pas dans l’écriture _ à la façon de l’admirable Philippe Forest dans ce chef d’œuvre des chefs d’œuvre dont la plupart de ses lecteurs potentiels ne réussissent pas à supporter d’affronter de bout en bout la lecture : le sublime terrible Toute la nuit !.. _, à calmer l’angoisse _ ici, pour elle _ de devoir disparaître«  _ mais c’est là un B-A BA de l’apprendre à « exister«  de tout un chacun !..

Et d’y répondre, page 244 :

« Quand je suis en train d’écrire un livre,

pendant que je rédige ma réponse à vos questions _ chère correspondante : chère Madeleine Gobeil, en l’occurrence _,

je ne ressens plus le temps _ physique et physiologique _ comme un pur écoulement _ en vertu des lois mécaniques générales (et sans la moindre exception) de l’entropie de la thermodynamique, si l’on veut… _, au sens où on dit qu’un liquide s’écoule, qu’un corps se vide _ irréversiblement et irrémédiablement…

Quelque chose se dissipe _ en effet ; certes _, se consomme _ physiologiquement est transformé, assimilé, avec des déchets rejetés _, se consume _ et se dissout en nuées _ ;

mais rien _ de substantiel _ ne m’a été _ par cette alchimie-là _ ôté ;

au contraire, c’est de l’énergie _ voilà ! _ qui se régénère«  _ et même davantage que cela : « se sublime«  ! _ en se dépensant _ sur cette « sublimation économique« -là, lire Georges Bataille : La Part maudite

Car : « C’est le mouvement de l’écriture qui fait naître _ du moins la capte  et la « sublime«  ! avec un minimum de micro « déchets«  physiologiques ; rien qu’une micro fatigue enthousiasmante ! _ l’énergie _ même _ dont il a besoin _ pour cette gestique : minimale en moyens ; optimale en résultats (= œuvres : au départ et à l’arrivée de simples phrases ; mais quel envol ! parfois, au moins, de « pensée«  ; et quel surcroît, par ces voies-là, d’épanouissement de soi…)…

Alors là , oui, en ce sens

_ et il me semble qu’un Philippe Forest même, lui si hyper-épidermiquement réservé (= écorché vif ! hyper-« grand brûlé«  ! et quel immense écrivain !) quant à d’éventuelles fonctions cathartiques de l’écriture, consentirait lui aussi à pareille formulation… _,

la littérature, l’écriture m’ont aidée.

Elles m’ont donné de la force«  _ celle des écrivains (majeurs, du moins, surtout, mais même aussi les autres, quand ils « avancent«  ainsi…), des penseurs et philosophes, des artistes ; et de tous les « créateurs » en général…

C’est ce processus même de transfiguration qu’analyse si magnifiquement Spinoza dans tout le déploiement de son Éthique,

ce processus qui permet à celui qui parvient à donner réalisation à ses potentialités en apprenant à se connaître (Spinoza le nomme, pour cela, « le sage«  !),

de s’extraire, d’une certaine façon (seulement ! certes !), de la seule temporalité (de sa vie mortelle), à laquelle de toutes les façons il n’échappera pas biologiquement ! ;

de s’en extraire cependant sub modo aeternitatis : en « sentant et expérimentant«  alors,

en ce « passage«  de ses potentialités naturelles (de départ) à « une puissance supérieure« ,

ressenti comme un surcroît d’intensité ;

en « sentant et expérimentant«  alors que,

tout en demeurant un animal temporel (en tant que vivant mortel : la mortalité étant la rançon (biologique) de l’individualisation des membres d’une espèce sexuée ! et cela, naturellement !, sans la moindre exception !),

quelque chose _ de soi ; en soi ; et par soi, aussi… _ accède cependant et aussi alors à une autre dimension de l’être que les seules dimensions du temps et de la temporalité,

c’est-à-dire aussi alors

à de l’éternité

_ l‘éternité : en tant que l’autre même du temps ;

en tant que ce qui excède, au sein même de

(et en plein dedans : bien sûr _ et forcément !),

au sein même de

la temporalité et de la vie (merci à elle !) ;

en tant que ce qui excède (et vient excéder, profusément, mais aussi intensivement !) la temporalité ;

ce qui, d’une certaine façon, lui échappe (en tant qu’autre, simplement, qu’elle ! ; en tant que son autre : le « face«  de son « pile«  ! si l’on veut…) ;

et que le reste de la vie, et, en particulier, ou surtout, l’événement (bref _ un instant ! _ unique et irréversible) de la mort _ pfuitt… : le souffle s’en est allé… _ ,

n’a nul pouvoir d’effacer ;

d’empêcher le fait que « cela« , ce « passage » d’instant-là (avec son intensité a-temporelle !),

a (bel et bien !) été

(ainsi qu’été vécu, ressenti, et même « expérimenté«  !) ;

que cette dimension-là, de l' »exister«  (de l’individu),

a été atteinte et éprouvée, de facto, un moment (de plénitude) ! par lui (non, il n’a pas « rêvé«  !)

La modalité (affective) de ce « sentir et expérimenter » (« que nous sommes éternels« )

étant le ressentir de la (pure et vraie) joie

_ ne pas la confondre avec la sensation (passive, contingente, et trop souvent simplement factice !) du malheureux « plaisir«  (là-dessus lire les beaux et justes arguments de Socrate face à la naïveté trop courte de Calliclès dans le décisif Gorgias (ou « contre la rhétorique« ) de Platon… ;

méditer aussi sur les (très) cruelles impasses (jusqu’au sadisme !) du dilettantisme (le plaisir, oui, mais sans nulle douleur !) à la Dom Juan (cf la très belle analyse qu’en donne l’excellent Étienne Borne (1907-1993) en son Problème du mal_,

le ressentir de la (pure et vraie) joie

comme sublime épanouissement,

pour l’individu qui en est affecté, l’éprouve et le ressent (et l’« expérimente«  même !),

de ses capacités personnelles naturelles de départ…

A l’inverse,

qui n’éprouve jamais pareille vraie (et pure) joie (d’éternité de quelque chose de soi advenant ainsi en lui _ ainsi que par soi…) ; mais demeure scotché dans la seule (et unique) temporalité de sa vie (et en sa dimension exclusive (!) de mortalité, qui plus est…),

celui-là (le « non-sage« ), Spinoza le nomme « l’ignorant » :

ignorant faute de suffisamment prendre (et apprendre (!) à prendre) conscience

et, assez vite, alors, vraiment connaissance ;

et surtout faute _ grâce à cette connaissance vraie, alors, de cette « vocation« -là ! _, de passer

à l’acte de l’effectuation-réalisation _ un peu pleine !.. Spinoza a grandement foi dans l’apport et l’aide de la connaissance !.. Freud aussi, après lui, en un semblable mouvement thérapeutique… _ de ses potentialités naturelles de départ : en germes seulement, d’abord (à l’état en quelque sorte de « vocation« ), pour tout un chacun : telle est la donne (à assumer, au-delà du « dur désir de durer«  lui-même…) de tout vivant sexué, pour commencer ; cf là-dessus, de François Jacob, Le Jeu des possibles;

et qui resteront, ces « potentialités« , à ce stade (infertile !)

de rien que « germes«  (!),

chez celui _ l’« ignorant« , donc ! _ qui ne les aidera pas (mieux !) à passer en toute effectivité

de la potentialité à l’acte,

du stade (inférieur) de « seulement potentiel«  (ou virtuel)

au stade (supérieur _ il s’agit d’un différentiel ! en soi… pas par rapport à d’autres ! Bourdieu, par exemple, étant ici superficiel !.. car seulement « social«  !) _ de « réellement actuel« ,

en une effectuation-actualisation qui serait, elle, réellement (et vraiment !) effective : Hegel parlera ici, lui, de wirklichkeit… _ ;

et, à la toute fin (lumineusement flamboyante : il s’agit, au livre V, de la description du bonheur comme « béatitude«  !) de l’Éthique,

Spinoza met en comparaison la mort de cet « ignorant« -ci

et la mort de ce « sage« -là :

du point de vue _ physico-biologique _ de la vie et de la temporalité,

ces deux morts-là sont équivalentes,

mourir étant pour l’individu (des espèces sexuées) le tout simple subir la dispersion à jamais des parcelles d’atomes (tant de l’âme que du corps) dont il était (circonstanciellement en quelque sorte) la réunion temporelle (vivante et mortelle) : éphémère (et provisoire, au fond : si l’on veut…), par là… L’espèce, elle, se perpétuant (avec une relative ténacité, au moins statistique…) par le renouvellement (sexué) de ses membres, en tant que maillons constitutifs (nécessaires reproducteurs en cela…) de la chaîne des générations se succédant et se remplaçant, en quelque sorte (même s’ils accèdent peut-être, ces « maillons« , à une relative singularité : à voir !)…


Mais il n’en est pas ainsi du point de vue de l’éternité :

à laquelle l’un, l’« ignorant« , le « non-sage«  _ ne parvenant jamais à prendre véritablement consistance ; à réaliser pleinement ses potentialités d’épanouissement ; à accéder, à quelques moments, à la pure et vraie joie active (bien différente du plaisir subi, lui, passivement et par pure contingence !) _ n’aura pas (= jamais !) « accédé«  (n’en ayant, probablement, même pas le moindre petit début d’idée…) ;

tandis que l’autre, le « sage«  _ y accédant à certains moments d’épanouissement effectif de ses potentialités _, a connu (= très effectivement « senti et expérimenté«  : pas seulement passivement subi !), lui, cette modalité du hors-temps (ou « éternité« ) :

au point que l’événement brutal et irréversible de sa mort physique

ne peut tout bonnement plus (= est impuissante à) empêcher, au sein même de son effacement, alors (et irréversiblement), du règne des individus vivants,

le fait _ à jamais, lui ! _, d’avoir goûté,

connu,

et d’avoir (à jamais) accédé _ en personne ! ainsi… _ à

ce réel plus réel et plus plein _ conférant une infinie, inaliénable et irréversible « consistance« … _,

éternel, donc,

offert dans le jeu même de ce qui vit (dans l’éphèmère même du temps donné et imparti à vivre biologiquement)…

Soit une « vocation«  à un certain degré déjà remplie :

cf le cantique de Siméon,

par exemple, en sa version musicale bachienne, le BWV 82 (pour basse) : Ich habe genug (« Je suis comblé« ) ; pour la fête de la purification de Marie, le 2 février…


Sur la joie,

outre cette grandissime leçon de l’Éthique de Baruch Spinoza,

consulter aussi l’admirable travail d’analyse magnifiquement détaillée de Jean-Louis Chrétien, en son lumineux La Joie spacieuse _ essai sur la dilatation ;

ainsi que les sublimissimes remerciements à la vie

de Montaigne :

« J’ai un dictionnaire tout à part à moi : je « passe » le temps, quand il est mauvais et incommode ; quand il est bon, je ne le veux pas « passer », je le retâte, je m’y tiens. Il faut courir le mauvais et se rassoir au bon. Cette phrase ordinaire de passe-temps et de passer le temps représente l’usage de ces prudentes _ telle est la douce ironie montanienne… _ gens, qui ne pensent _ = croient ! bien illusoirement ! _ point avoir meilleur compte de leur vie _ reçue : avec ingratitude ainsi… _ que de la couler et échapper, gauchir, et, autant qu’il est en eux, ignorer et fuir _ quel gâchis ! _, comme chose de qualité _ objectivement ! _ ennuyeuse et dédaignable. Mais je la connais _ singulièrement ! _ autre, et la trouve et prisable et commode, voire en son dernier décours _ ce que Danièle Sallenave vient de qualifier, elle, de « l’âge«  ! _ où je la tiens ; et nous l’a Nature _ très objectivement ! _ mise en main, garnie de telles circonstances et si favorables, que nous n’avons à nous plaindre qu’à nous _ voilà ! _ si elle nous presse et nous échappe inutilement. Je me compose pourtant à la perdre _ cette vie en voie de se terminer, de s’interrompre… _ sans regret, mais comme perdable de sa condition _ générale ! _, non comme moleste et importune. Aussi sied-il proprement bien _ = de droit _ de ne se déplaire à mourir qu’à ceux qui se plaisent à vivre _ comme c’est sensé ! Il y a du ménage _ = de l’art ! _ à la jouir, et je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance dépend du plus ou moins d’application _ voilà ! _  que nous y prêtons _ très activement ! Principalement à cette heure _ la vieillesse (ou l’« âge«  !) de Montaigne a débuté pour lui avant ses cinquante ans ! _, que j’aperçois la mienne si brève en temps _ vraisemblablement !.. Ce sont des probabilités presque calculables ! et d’aucuns, aujourd’hui, ne s’en privent pas ! _, je la veux étendre en poids _ en « consistance«  vraie ! _ ; je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie, et par la vigueur de l’usage _ Danièle Sallenave est elle aussi de ce tempérament (et de cette sagesse) -là ! _ compenser la hâtiveté de son écoulement. A mesure que la possession du vivre est _ probablement, en terme de prévision de probabilités _ plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine«  _ voilà ! C’est d’une lucidité dirimante ! _ ;

et une page à peine plus loin,

cet acmé de la « profession de foi«  finale de Michel de Montaigne :

« Pour moi donc, j’aime la vie

et la cultive _ tel est le concept décisif ! _

telle _ c’est la sagesse (= art de bien vivre !) que tout un chacun doit apprendre à savoir (enfin !) reconnaître ! Ce n’est même pas une affaire d’invention !.. _

qu’il a plu à Dieu nous l’octroyer«  ;

dans l’ultime essai de récapitulation de ce que Michel de Montaigne a appris de la vie : « De l’expérience« , Essais, Livre III, chapitre 13…

Fin de l’incise sur l’apport nourricier de la vraie joie.

Et retour aux dernières pages des méditations de Danièle Sallenave,

pages 244 à 247…

« la littérature,

l’écriture m’ont aidée. Elles m’ont donné de la force. Le temps que je passe à écrire ne me retire pas de lavie,

il m’en donne.

Pas en longueur

_ nous retrouvons ici les intuitions de Montaigne : « à cette heure, que j’aperçois la mienne _ de vie _ si brève en temps, je la veux étendre en poids«  ; et « à mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine« _,

mais en intensité ».

Et d’ajouter
,

mais peut-être un peu trop vite, cette fois :

« Et la vie intense,

c’est de l’immortalité «  :

en écrivant « immortalité » au lieu d' »éternité« , quand les distingue si justement un Spinoza !


Suit alors, page 245, une très judicieuse précision

à propos de ce qui a pu opposer d’abord, un peu grossièrement, sans assez de précision, les convictions athées de Danièle Sallenave

à certaines manières de pratiquer certaines fois religieuses ;

je cite :

« J’ai enfin compris, justement avec l’expérience de l’« âge »,

ce qui me paraissait _ depuis longtemps _ le plus regrettable dans la foi, dans l’espérance religieuse _ du moins celles insuffisamment « pensées« 

Ce n’est pas qu’elles consolent,

on a _ tous et chacun : très humainement… _ des heures de détresse, et bien peu de leçons _ en effet ! _ à donner là-dessus.

Ce n’est pas non plus que beaucoup confondent l’existence _ objective _ de Dieu

avec le besoin _ tout subjectif _ qu’ils en ont.

Non, ce que je regrette,

c’est qu’en proposant _ un peu trop fantasmatiquement _ la vie éternelle _ en fait : le fantasme de l’immortalité biologique, bien plutôt ! _,

les religions _ en ces interprétations insuffisamment « pensées«  (ou méditées), du moins, me permettrais-je de préciser… _ nous empêchent de mener jusqu’à son terme, si on le peut,

le grand travail sur soi _ voilà : c’est cela que nous devons apprendre à « cultiver« , pour reprendre un autre mot décisif de Montaigne ! _

qu’imposent tous les âges,

mais aussi le vieillissement _ le vieillir, déjà : permanent ! _,

la vieillesse _ installée, finalement _

et la perspective _ rétrécissante ! _ du néant.« 

Et c’est aussi le travail sur lequel s’est focalisé un Michel Foucault durant les dernières années de sa vie,

tant dans ses Cours au Collège de France (L’Herméneutique du sujet, Le Gouvernement de soi et des autres, Le Courage de la vérité…)

que dans ses derniers livres publiés (Histoire de la sexualité _ Le Souci de soi…)…

Ce « grand travail« 

à « mener » tout personnellement « sur soi » :

« C’est une ascèse,

une ascèse gaie,

qui ne suppose aucune macération, aucune délectation morose ;

mais,

comme disait Montaigne _ celui-ci est donc bien très présent dans la méditation de Danièle Sallenave : cette Vie éclaircie (et éclairée !) étant, en quelque sorte, comme son (tout provisoire encore) De l’Expérience à elle ! _,

l' »absolue perfection, et comme divine, de savoir _ l’ayant peu à peu appris et forgé : tout personnellement, et à son corps défendant (comme tout ce qui importe vraiment !)… _ jouir loyalement

_ voilà le critère montanien majeur ! en toute vérité et dignité ! sans trucage ! _

de son être »… »…

« Ce qu’elle espère atteindre, cette ascèse

_ donc ; qui ne débouche « pas sur une « autre vie après la mort », certes,

mais sur « une vie dans la vie » : une vie apaisée, transformée« , aussi page 246… _,

est sans prix : le prix est dans l’ascèse _ toute personnelle, donc _ elle-même,

un exercice libre et joyeux de l’attention _ voilà ; lire là-dessus tous les derniers livres de l’ami Bernard Stiegler : Prendre soin 1 _ de la jeunesse et des générations ; et le tout récent Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue _ de la pharmacologie !.. (aux Éditions Flammarion, les deux)… _,

une attention au présent,

à chaque moment, à chaque instant » _ jusque selon, peut-être, les modalités montaniennes indiquées en son « dictionnaire à part soi« 

Et Danièle Sallenave de se remémorer alors Pindare :

« N’aspire pas à la vie éternelle _ ou immortelle ?.. _,

mais épuise le champ du possible«  :

« C’est ce que chantait Pindare dans ses Pythiques, il y a deux millénaires et demi, un peu avant le siècle _ classique _ de Périclès. »

« On le cite souvent. Qui le pratique vraiment ?
Tout est à relire et à méditer chez les sages de l’Antiquité, ses poètes, ses philosophes,

car, ainsi que le dit _ le regretté _ Pierre Hadot :

« La philosophie antique n’est pas un système ; elle est un exercice préparatoire à la sagesse _ très activement désirée _ ; elle est un exercice spirituel » _ voilà !

Nous avons _ un peu trop _ perdu ce sens-là de la philosophie« , page 246…

Le paragraphe final de ces méditations de l' »âge«  _ qui n’est pas du tout celui de la mélancolie ! _ que forme cette belle Vie éclaircie (et éclairée !) de Danièle Sallenave

évoque, je l’ai déjà mentionné un peu plus haut, « le bonheur complet« 

que « procure » à l’auteur « l’écoute de la musique« 

et « la participation

à la grâce souveraine du calcul,

à l’ordre mathématique et joyeux

du monde« ,

et cela, au rythme du « mouvement » même « du temps« 

« chargé » alors _ comme électriquement : qualitativement, et non quantitativement ou mécaniquement... _ « de signification » :

c’est en effet là une « grâce » artiste…

Titus Curiosus, le 22 décembre 2010

de quelques symptômes de maux postmodernes : 1) en Italie, selon Erri De Luca

28avr

Deux forts articles de journaux, encore : afin d’un peu bien « décrypter » et « mettre à (un peu meilleure) lumière du jour » les impostures _ graves ! _ du « monde comme il va« ,

et depuis pas mal de temps, maintenant ; ou ce que Nietzsche appelle _ le présent lui convient toujours ! _ la « maladie«  _ endémique ; et suicidaire _ du nihilisme :

une (magnifique !) interview d’un Erri De Luca dans un très grand jour, descendu, exprès de la région du lac de Bracciano, où il vit désormais, en un café_ soit le Café Rosati ; soit le Caffè Canova : ils se font face sur la Place… _ de la Piazza del Popolo, à Rome, se prêter à un « entretien » avec le journaliste d' »El Pais« , Miguel Mora : « Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« ,

à l’occasion de la parution de la traduction espagnole (« El día antes de la felicidad« , paru aux Éditions Siruela le 22 avril 2009) de son « Il giorno prima la felicita«  (paru, lui, aux Éditions Feltrinelli le 1er janvier 2009) ;

dans « El Pais » du samedi 25 avril ;

et une « tribune libre » : « L’Etat français : dernier refuge de la « culture du résultat » ?..« , du philosophe Michel Feher dans « Le Monde » du dimanche 26 avril 2009.

« Une interview très intéressante : remarquable même !..
Erri de Luca était dans un très bon jour, ce jour-là, à ce moment-là,
Piazza del Popolo, en dégustant (au Rosati ? au Canova ?) un excellent café
_ même si pour ma part, je préfère prendre le café au Sant’Eustachio
ou à Tazza d’Oro, les deux tout à côté du Panthéon…
Ou à Campo dei Fiori !

En italien, le livre dont il s’agit s’appelle « Il Giorno prima la felicita«  »…

Titus

écrivais-je sur l’instant à l’ami Bernard Plossu en découvrant (puis en le lui adressant illico presto) cet article-ci d' »El Pais » :

ENTREVISTA : LIBROS – Entrevista Erri de Luca

« Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« 


MIGUEL MORA 25/04/2009

Ex militante revolucionario y ex obrero de Fiat, el autor italiano ha obtenido con sus obras anteriores el aplauso de la crítica y hoy le llega el del público con « El día antes de la felicidad« .

Erri de Luca es un tipo misterioso. Tiene cara de lord inglés, pero es napolitano y viste como un agricultor. Traduce obras del hebreo antiguo y del yiddish, pero asegura que tampoco es judío y que lo aprendió para leer la poesía de primera mano. Su cara de no haber roto un plato encubre un pasado agitado y comunista : fue militante revolucionario en Lotta Continua, y dice no arrepentirse en absoluto de haber vivido « el tiempo en que los obreros follaban« . Sus manos enormes y curtidas remontan también a ese momento : él mismo fue obrero en Fiat (montaba motores de camiones), y albañil, aunque sostiene que llegó tarde a la fiesta.

« En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia »

Hoy, a los 58 años, De Luca es un escritor, poeta y cuentista fuera de normas y etiquetas con títulos como « Aquí no, ahora no » _ « Une fois, un jour » _ y « Montedidio« . Alpinista ocasional, vive en el campo, cerca del lago de Bracciano, a 50 kilómetros de Roma. Su última novela encabeza la lista de los libros más vendidos del país. Es « El día antes de la felicidad«  (Siruela) _ on traduit donc Erri De Luca bien plus vite _ 1er janvier – 22 avril !!! _ en espagnol qu’en français !.. Es un relato sencillo y poético, con toques de historia y de humor napolitanos. Narra la educación sentimental de un joven huérfano, que crece en los años sesenta protegido por un portero de finca. Don Gaetano, sabio y memorioso, le explica cómo escondió a un judío durante la ocupación nazi, cómo fue la revuelta y la liberación. Mientras le escucha, el héroe va forjándose un carácter; el amor y el futuro los encontrará lejos.
La protagonista es Nápoles, ciudad de la que De Luca se largó a los 18 años. Hoy ha bajado a Roma, y llega antes de la hora a su café preferido _ le Rosati ? le Canova ? _ de Piazza del Poppolo.

PREGUNTA. ¿ Se siente italiano o napolitano ?

R. Como escritor y hablante, vivo en la lengua italiana. La lengua italiana es mi patria, pero no tengo sentimientos patrióticos respecto a mi país. Si suena el himno no se me acelera el pulso, con la bandera tampoco. Pero la lengua me gusta. Nací y crecí en napolitano y me convertí en un escritor en italiano. No soy un escritor italiano, sino en italiano. Acabé dentro de la lengua de mi padre.

P. ¿ Cambió de patria ?

R. De lengua. Mi padre pretendía que en casa hablásemos italiano sin acento. La mamma hablaba en napolitano. Ella era el lugar, era Nápoles.

P. Sé que murió hace unos días y vivía con usted. ¿ Tenían buena relación ?

R. Una relación tardía, adulta, pero buena, fuerte. Vinieron los dos a vivir conmigo porque no les llegaba el dinero.


P. ¿ Cómo era Nápoles cuando se fue ?

R. Una ciudad del sur del mundo. Tenía la más alta mortalidad infantil y la más alta densidad de Europa, vivíamos apezuñados. Era una ciudad tomada por los americanos, la sede de la VI Flota _ ce que raconte magnifiquement Ermanno Rea, à propos de la vie et de la mort de la militante Francesca Spada-Nobili, dans « Mystère napolitain » ; ou Domenico Starnone, à propos de ses parents, dans « Via Gemito » : deux grands livres sur la Naples d’alors… _ y estaba siempre abierta y vendida para las salidas de los miles de militares americanos, que eran la mayor fuente de renta. Vendida porque, si cometían un delito, respondían ante sus jueces militares. Era una ciudad entregada. Se parecía a Manila, a Saigón…

P. Una colonia…

R. Con toda la ilegalidad secundaria que eso comporta. Era el mayor burdel del Mediterráneo y el centro del contrabando europeo. Hoy es uno más entre tantos matices del norte, aunque sigue siendo una ciudad poco italiana, más bien española _ les Napolitains continuant superbement d’ignorer que leur chère « Via Toledo«  porte depuis pas mal de temps officiellement le nom de « Via Roma«  Los españoles estuvieron mucho tiempo _ avec les Aragon, les Habsbourg, puis les Bourbon _ y se hicieron napolitanos _ comme le troisième fils de Carlos III, Ferdinando ; son père (un grand roi !) parti occuper le trône de Madrid, en 1759, à la mort de son frère aîné, le roi Fernando VI… Et laissant le trône de Naples (ou plutôt « du Royaume des Deux-Siciles« ) à ce troisième fils… Los reyes que triunfaban hablaban el dialecto. Nápoles es _ en conséquence (peut-être ?..) en partie de quoi… _ anárquica y monárquica. Siempre le gustó tener un rey para los domingos _ c’est largement assez !.. Los otros seis días le gusta estar a su aire y que el rey _ suffisamment bonasse _ deje hacer.

P. ¿ La Camorra _ là-dessus, cf le grand « Gomorra« , de Roberto Saviano (ainsi que le tout récent « Le Contraire de la mort _ Scènes de la vie naplitaine« , du même Saviano… _ es española o americana ?

R. La palabra es española, la práctica es toda nuestra. Nada que ver con la Mafia, no tiene unidad de mando. Son 200 familias que se reparten el terreno en pequeños trozos, en permanente bronca entre ellas. Por eso es ingobernable. Existía con los españoles, se adaptó a los americanos, y cuando se fueron los americanos se volvió a adaptar.

P. ¿ Quién le contó la ocupación nazi ?


R. Mi madre. La historia la contaban las mujeres porque los hombres o estaban en el frente o en la cárcel o emboscados. Nápoles fue la ciudad más bombardeada de Italia. En ese momento en que se preparaba la batalla militar entre los alemanes y los norteamericanos surgió la insurrección, por pura acumulación de tensión. Fue una mezcla de pequeñas historias _ cf aussi Curzio Malaparte : « La Peau« 

P. ¿ Alguna heroica ?


R. En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia. Fue una combinación de miedo, cotilleos y cosas cómicas. Todo junto les hizo vencer _ la force (de vie comme de destruction) de Naples est terrible…


P. ¿ Por qué contó la historia a través de Don Gaetano ?


R. Porque uno escucha a las mujeres pero aprende de los hombres. Las mujeres son la fuente de información, pero la herencia _ surtout au Sud ?.. _ es un acto masculino, paterno. Es el padre el que transmite y entrega la pertenencia a un lugar. A través de ese relato masculino el chico se da cuenta de no ser un huérfano sino el hijo de una ciudad _ oui… _ de la que debe aprender a marcharse.

P. ¿ Nápoles es padre o madre ?

R. En mi caso fue una ciudad-causa. Fui consecuencia de ella, me transmitió una precisa educación sentimental nerviosa. Aprendí los sentimientos constitutivos del hombre, la cólera, la compasión y la vergüenza. Y me templó el sistema nervioso una octava por encima de lo normal _ ou le « tempérament », pas seulement musical, en l’occurrence… En eso Nápoles se parece a Jerusalén. Tiene esa misma tensión nerviosa. Disimula, no quiere escrutarte, finge ignorarte, pero en realidad te percibe _ toi… _ con todos los demás sentidos, con el olfato, las orejas, la vibración del cuerpo…

P. ¿ Sintió pena al irse ?

R. Me despegué como pude _ c’est là le drame de la plupart (tel Domenico Starnone, qui me l’a personnellement confié, en son passage à Bordeaux) des Napolitains qui doivent absolument la fuir pour respirer vraiment et pouvoir créer (à la notable exception près d’un Giuseppe Montesano : cf ses très beaux « Dans le corps de Naples«  et « Cette vie mensongère« ). Tenía encima una mole que me expulsaba. Me arranqué como un diente de una encía _ la formule est parlante ! Luego no pude reimplantarme _ vraiment _ en ningún sitio. Cuando me fui supe que no volvería, pero allí no podía seguir _ c’était l’asphyxie. Estaba solo. Luego _ juste après 68 _ encontré a mi generación _ pas tout à fait une famille _ en la calle, rebelde primero y revolucionaria después, y ahí sentí otra pertenencia, en vez de a un lugar, al tiempo _ c’est-à-dire « l’époque«  ; l‘ »esprit du temps«  Soy _ en cela _ un producto del tiempo, del 900 _ le XXème siècle.


P. Y de la revolución fallida.


Ici, on passe à l’après-Naples d’Erri de Luca, les
« années 68« 

R. Fui revolucionario a tiempo completo todo el decenio de los setenta. Milité en « Lotta Continua » hasta 1976, y cuando acabó me hice obrero y seguí _ dès lors _ solo. Fue la herencia del tiempo, y hoy lo veo con lealtad _ une vertu assurément importante. No me gusta la nostalgia, pero soy leal _ sans reniement _ con las razones de aquel tiempo. Pienso que aquel hombre joven que fui reconocería en mí a la continuación de sí mismo _ ce n’est certes pas rien ! Quiero pensarlo.

P. ¿ Hizo la cosa justa ?

R. Cuando las cosas hay que hacerlas, justo o injusto, no hay elección.

P. Pero no tomaron el poder.

R. Era una revolución rara. Era más cuestión de entorpecer al poder y hacer crecer a la sociedad _ que de prendre le pouvoir. No fue inútil. Fue necesario, y dio resultados _ sans précision de plus. No en las vidas personales, ahí lo pagamos caro porque fuimos la generación más encarcelada de la historia, incluida la que vivió el fascismo.


P. ¿ Usted hizo cárcel ?

R. Poca y muy temprano, en 1968 o 1969.

P. ¿ Y lucha armada ?

R. Prefiero no contestar _ les plaies demeurent ouvertes ; et pas seulement du fait du pouvoir de la droite italienne (Sivio Berlusconi, Gian-Franco Fini, etc…). Pero toda revolución prevé recurrir a las armas.

P. ¿ Defiende todavía el 68 ?

R. La historia la escriben los vencedores, no los condenados _ certes ; mais il faut aussi voir à long terme…. El 68 fue sólo _ et pas davantage _ el momento de la salida, la campana que sacó a los estudiantes de clase _ pour une brève récréation ? Era el periodo en que los obreros follaban. Ser obrero era una posición social de prestigio _ en effet. Eran un punto de referencia _ une sorte d’aristocratie (du travail). La vanguardia. Tenían poder y encanto _ soit du prestige et du charme…

P. ¿ Usted folló mucho ?

R. Yo no, me hice obrero tarde. Y entonces no teníamos derecho al amor, el amor era… un pretexto para retirarse.

P. ¿ Fue una guerra civil ?

R. No desde el punto de vista de las pérdidas, pero sí de las condenas : 5.000 condenados por banda armada. No existía la responsabilidad individual. Por eso esa generación hizo los hijos muy tarde. Yo ni eso, porque soy estéril como un mulo. Pire : Muchos compañeros míos se mataron con la heroína para ajustar cuentas rápido. Y unos pocos se hicieron periodistas o cambiaron de chaqueta _ sans commentaire.

P. ¿ Usted ajustó las cuentas ?

R. Hay todavía prisioneros, las cuentas sólo están suspendidas.

P. ¿ Y no piensa que Berlusconi es en parte consecuencia de esa lucha ?

R. No, es la alegre consecuencia de que hemos pasado de ser un país de emigrantes a un país de propietarios de casas, primera y segunda. Italia es un país de nuevos ricos, con todos los tics del nuevo rico. Por eso elige como primer ministro al más rico _ Silvio Berlusconi à trois reprises (1994-1995 ; 2001-2006 ; et depuis 2008) _, como presidente de la República _ Carlo Azeglio Ciampi (de 1999 à 2006) _, a un ex dirigente del Banco de Italia _ de 1979 à 1993 _, y como opositor, a un profesor de economía _ Romano Prodi. Italia ha idolatrado la economía, sólo piensa en el dinero. Es como Suiza, pero con más gente.

« El día antes de la felicidad« . Erri de Luca. Traducción de Carlos Gumpert. Siruela. Madrid, 2009. 132 páginas. 13,90 euros.


+ , en bonus, un article :

« La felicidad del héroe sin batallas » sur ce même livre (« El día antes de la felicidad« ) dans « Publico » (22 avril 09)

La felicidad del héroe sin batallas

El escritor italiano Erri De Luca cuenta en ‘El día antes de la felicidad’ la pérdida de la inocencia de un huérfano en plena Segunda Guerra Mundial

y participa hoy en un espectáculo sobre don Quijote.

El escritor italiano cree que la felicidad es pasajera.

REYES SEDANOPEIO H. RIAÑO – Madrid – 22/04/2009 22:59

Los invencibles se levantan una y otra vez, visten con camisa a cuadros y tienen manos tan grandes como sus botas para caminar por la montaña. Los invencibles son quijotes que lucharon en 1969, como Erri De Luca, que a los 18 años formaba parte de una generación insubordinada y rebelde a la que acompañó dentro del movimiento « Lotta Continua » hasta que fueron conscientes de que no podían cambiar el mundo. Un héroe que durante 39 años creyó que la revolución se hacía en la calle hasta que escribió, hace ahora 20 años, su primera novela, « Aquí no, ahora no » (Editorial Akal) _ en français « Une fois, un jour« , peut-être son plus beau livre (aux Éditions Verdier) _, acerca de su infancia napolitana.

Desde entonces, su arma cambió ; y esas manos gigantes que se frotan una contra otra con detenimiento y fruición, como buscando forzar sus pensamientos, se empeñan en predicar que la enseñanza es la base de la libertad de los pobres, de los trabajadores, porque como dice uno de los personajes de su nuevo libro « El día antes de la felicidad » (Siruela) : « La instrucción nos daba importancia a nosotros los pobres. Los ricos se habrían instruido de todas las formas. La escuela daba peso a quien no lo tenía, lograba la igualdad. No abolía la miseria, pero entre sus muros permitía la igualdad« .

Esas palabras que Erri De Luca pone a la deriva en el relato de una Nápoles convulsa y rebelde contra la ocupación alemana, donde un muchacho huérfano aprende a trompicones entre las enseñanzas de don Gaetano ; y el encuentro con el primer amor ; y la huida de su ciudad, también son las del propio autor. « En mi ciudad después de la guerra, la escuela pública era el lugar donde sucedía la igualdad« , explica el escritor a Público, en el Círculo de Bellas Artes de Madrid, a donde ha llegado para presentar hoy un espectáculo « Don Quijote y los invencibles« .

A fuerza de cultura

Una biblioteca nutrida consigue que el ciudadano llegue a otras posibilidades que no le estaban pronosticadas : « Fuera de la escuela, todo eran opresores y oprimidos, uno sobre el otro. Pero en la escuela todos estábamos juntos, los hijos de la burguesía con los hijos de la pobreza que no marchaban a trabajar. Es así como un chico pobre puede asumir una nueva condición y abrirse un nuevo camino que cuestione los confines designados por los avatares de la vida. »

« La felicidad es un golpe imprevisto, una cita sin preparar« 

Algo así buscó don Quijote, un personaje que Erri De Luca (Nápoles, 1950) considera irreductible, porque tras encajar reiteradas derrotas jamás se rinde, ni se acobarda. Por eso el homenaje en escena, por eso Don Quijote y los invencibles, con una puesta en escena en la que él cuenta las historias de un ser que jamás ganó una batalla, pero que no se dejó de plantear seguir peleando por el mundo que había imaginado, junto con un guitarrista y cantante y un clarinetista.

« ¿ Que por qué darle carne al relato y hacer teatro ? Porque yo soy un tipo que cuenta historias y las cuento oralmente y también por escrito« , explica para aclarar que los tres se benefician del noble lugar del teatro, pero simplemente se sitúan en torno a una mesa, hablando y cantando. « No hay ninguna otra acción« .

« Invencible » es una de las palabras que persiguen a alguien que ha luchado toda su vida por imponerse a su destino. De Luca es un Quijote sin batallas en su haber, porque como él mismo dice « los invencibles no son los que ganan las batallas, sino aquellos que continuamente derrotados, nunca dejan de levantarse para afrontar otra batalla« . Los invencibles tienen otra virtud, que les hace moverse sin tener nada fijo, sin saber qué será de ellos, y es que buscan la felicidad aunque son conscientes de que si llegan a conocerla alguna vez, deberán olvidarla inmediatamente. Esa es la esencia de la novela « El día antes de la felicidad« .

Esto de la felicidad

Erri de Luca se recoge las mangas de su camisa azul y blanca a cuadros, vuelve a frotarse las manos y explica que la felicidad « es un golpe imprevisto« . Esa es la razón por la que no se puede contar con ella para nada, « porque a lo sumo es un empujón de alegría« . De hecho, está convencido de que la mayor parte de las veces que pensamos en la felicidad es para referirnos al pasado, como memoria. « La felicidad es una cita para la que uno nunca está preparado, aunque sabe que la va a tener« , remata.

« En la escuela pública es el  lugar donde sucede la igualdad »

Aparentemente « El día antes de la felicidad » es el diario de alguien que recuerda su historia en un « cuaderno de rayas mientras el barco se encamina hacia la otra punta del mundo« . El personaje en esta maravillosa novela lucha por tratar de reconocer la felicidad, pero el autor le hace pasar por agravios que le harán comprobar en sus carnes que hay que olvidarla tan rápido como llegue, « porque como viene se va« .

En ese sentido, podríamos entender que toda una vida es el día antes de la felicidad, siempre a la espera de su aparición. Pero Erri De Luca lo niega: « No, porque si no sería como una zanahoria delante del caballo. Y eso no es la felicidad« . De hecho, el autor italiano se emplea a fondo en sus imágenes, en las que hay siempre un sentido poso autobiográfico: « El día antes de la felicidad yo era un alpinista que derrapaba en el descenso« , le hace decir al protagonista.

Diálogo en las cumbres

La referencia a la montaña en la anterior cita no es casual. Erri De Luca es un apasionado montañero, que ya ha dejado testimonio en algunos relatos como los que componen « El contrario de uno » (2005) _ « Le Contraire de un » _  y en « Tras la huella de Nives » (2006) _ « Sur la trace de Nives » _, donde se metió en la mochila las reflexiones de la alpinista Nives Meroi (Bérgamo, 1961) _ una de las tres mujeres que han ascendido siete de los catorce ochomiles _, con quien habló de la fascinación del alpinismo, de la aventura, la muerte… el viaje sin fin.

« El terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika »

« En realidad mi escritura tiene poco que ver con mis paseos por el monte. Sí compararía mi relación del monte con la lectura más que con la escritura« , nos cuenta. Hablamos de la naturaleza y es inevitable ver en su cara morena y afilada las huellas de un gran paseo reciente. Sus pequeños y audaces ojos azules se mueven con tranquilidad, charla pausado. « Me gusta ver en la montaña cómo sería el mundo sin nosotros _ dice dibujando un lugar sin habitantes. Allí escasea el hombre y además se acentúa la sensación de estar de pasada, de no habitar. Porque subir una cumbre es como dar un paseo en el desierto.« 

Curiosamente, Erri relaciona esos paseos solitarios con sus lecturas diarias del « Antiguo Testamento » al amanecer. « Entro no como creyente, sino como transeúnte ; y salgo con las mismas. Así hago en la montaña, entro y salgo« .

Terrorismo y revolución

No podemos dejar de preguntarle por la posibilidad de llevar adelante hoy una revolución por las generaciones más jóvenes, hay motivos. Él es rematadamente franco : « Podríais hacer la revolución, pero no queréis« . « El siglo XIX fue un siglo de revoluciones, de insurrecciones del pueblo que cambiaron las relaciones de fuerza entre opresores y oprimidos. Yo provengo de este siglo, donde la Historia aplastó las historias personales y dividió familias, separó pueblos… Fue un siglo muy invasivo« , recuerda.

Es pesimista con nuestras responsabilidades. « Hoy no veo ninguna solidaridad con la insurrección. Cuando nosotros, Occidente, invadimos Irak, Afganistán… no pasa nada, no veo entre los jóvenes la solidaridad con las luchas independentistas armadas de estas culturas islámicas que no quieren que nosotros vayamos a arreglar nada. Todo viene tachado como terrorismo y nadie quiere entender nada, ni oponerse a esa definición« , afirma. Para Erri De Luca, que conoce los relatos de Nápoles, la ciudad más bombardeada de Italia en la Segunda Guerra Mundial, terrorismo es un bombardeo sobre civiles. Por eso dice que « el terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika. »

La suite de cette réflexion, (sur quelques symptômes de maux postmodernes)

en un second volet : 2) « de quelques symptômes des maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher« …

Titus Curiosus, ce 28 avril 2009

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