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L’enchantement de l’océanique « Funérailles », Suite pour grand orchestre (1930), de Lucien Durosoir : un chef d’oeuvre de paix bouleversant

11nov

J’attendais depuis un certain temps d’écouter enfin

_ je n’avais pu me rendre à la première audition mondiale de l’œuvre à Pau, à l’auditorium du Palais Beaumont, le 19 novembre 2014, par l’Orchestre de Pau et des Pays de l’Adour dirigé par Fayçal Karoui (l’œuvre y avait été donnée aussi les 20, 22 et 23 novembre suivants) _,

Funérailles, Suite pour grand orchestre, de Lucien Durosoir,

 

que le compositeur lui-même considérait comme son grand œuvre !

_ et dont la composition, à Bélus, ce hâvre paisible, dura de 1927 à 1930.

Un hommage, dix ans après sa fin,

aux morts _ à tous les morts _ de la Grande Guerre.

Voici que le CD comprenant Funérailles

(avec Sous la pluie de feu, de Philippe Hersant _ une œuvre commandée en célébration des commémorations de la Grande Guerre de 1914 – 1918 ; et Philippe Hersant ayant assisté à la création de Funérailles à Pau le 19 novembre 2014 _

paraît :

ce CD Hortus 736 conclut ainsi en resplendissante beauté la collection « Les Musiciens et la Grande Guerre« , dont c’est là le volume 36 et dernier ;

et j’en suis ébloui !

et comblé !

Mieux qu’enchanté ! Transporté en quelque Eden de musique…

Funérailles est interprété

_ magnifiquement : quelle ampleur ! quel souffle ! quel extraordinaire rendu de la complexité des voix qui s’entrecroisent !

_ par le Taurida International Symphony Orchestra,

en résidence à Saint-Petersbourg, Russie,

et sous la direction de son chef Mikhail Golikov ;

l’enregistrement a eu lieu à Saint-Pétersbourg au mois de juillet 2017.

Une merveilleuse impression de paix

_ d’après la bataille, et le champ de ruines et de morts qui repose, après le fracas des armes et leur œuvre de destruction : à la Tolstoï de Guerre et paix _,

et de joie _ mais oui : la sérénité du travail du deuil ayant triomphé dans l’âme de celui qui se souvient, et compose cet hymne de reconnaissance et hommage _, s’en dégage,

en ces 40 minutes que dure cette Suite symphonique « pour grand orchestre« ,

avec une musique, comme toujours chez Durosoir, d’une incroyable _ profuse et lumineuse _ richesse, 

en l’entrecroisement complexe et pourtant suprêmement évident de ses voixinstrumentales _,

avec ses ruptures, ses surprises renouvelées permanentes,

et le profond sentiment de paix, proprement océanique

_ l’adjectif m’est plusieurs fois revenu pour rendre justice à l’idiosyncrasie de Lucien Durosoir ! _,

qui se dégage de ce maelstrom tellement paisible, ou mieux : apaisé, de musique-là.

Avec, aussi, une étrange et magnifique,

même si quasi imperceptible _ mais l’art de Durosoir est formidablement présent là… _

note, ici _ pour la première et unique fois en tout son œuvre, désormais accessible en CDs… _, que j’oserai dire _ iconoclastiquement, j’en ai conscience _ « américaine« , « jazzy » _ mais oui _, bienheureuse, conquise _ mais sans rien qui marque un effort… Le maelstrom de la paix conquise, en toute plénitude, règne, par-delà les chocs des flux qui le composent…

Et en contraste avec les citations de Jean Moréas (1856 – 1910)

_ cf ma seconde contribution au colloque Un musicien moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955), au Palazzetto Bru-Zane à Venise le 20 février 2011 :   _

placées en exergue de chacune des quatre parties de Funérailles :

_ « Roses de Damas, où sont vos parfums ?« 

_ « Je me souviens…« 

_ « Voix qui revenez... »

_ « Toc, toc, toc, le menuisier des trépassés…« 

Une merveille !

Quel compositeur est Lucien Durosoir !

Et quel singulier et rasséréné chef d’œuvre que cet océanique Funérailles

Il me faut encore ajouter aussi qu’à la toute première audition de ce CD,

j’ai été surpris de la succession de ces deux œuvres de Lucien Durosoir et Philippe Hersant, Funérailles et Sous la pluie de feu :

une Suite et un Concerto ;

j’ai bien eu conscience qu’un changement _ mais en quoi plus précisément ? _ venait de se produire,

et je me suis tout simplement demandé si la plage qui survenait alors

constituait une nouvelle partie de Funérailles, mais oui !

Même si j’avais bien conscience d’un certain allègement de la pâte orchestrale _ que je percevais, et qui venait ainsi, justement, me questionner… _ ;

toutefois la parenté musicale _ voilà ! _ des plages musicales qui se succédaient

me frappait tout autant !

et m’émerveillait même _ voilà…

Et je dois dire que Sous la pluie de feu, double concerto pour violon et violoncelle, de Philippe Hersant (2018)

_ une commande de Radio-France, de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn et de l’Orchestre National de Lorraine _,

est aussi une œuvre splendide,

donnée ici en ce CD dans l’enregistrement-live (le 16 novembre 2018, à l’Auditorium de Radio-France) de sa création,

par Hélène Collerette, violon, Nadine Pierre, violoncelle, l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, sous la direction de Pascal Rophé.

L’esprit de l’œuvre de Durosoir est en effet très sensiblement présent _ voilà ! continué, renaissant, à mon oreille… _ dans la création de Philippe Hersant ;

le violon, ici, étant celui de Lucien Durosoir lui-même,

et le violoncelle, celui de son camarade des tranchées Maurice Maréchal…

Quelle fécondité  musicale est ainsi celle de Lucien Durosoir ;

et alors même que Funérailles est d’une singularité

ultra-puissante

qui empêche de rattacher cet opus maximum à quelque œuvre musicale que ce soit !

À rien de connu jusqu’ici !

C’est un inouï absolu !

D’une totale, éblouissante et merveilleuse unicité !

 

Une pierre de touche essentielle de la création musicale du XXème siècle, donc,

vient ici de surgir et se révéler à nous.

« Un continent« , avais-je dit dès la première audition du CD Alpha 125 des 3 Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima _ cf mon article du 4 juillet 2008 : .

Je ne me déjuge certes pas !

Et maintenant,

voici ce chef d’œuvre absolu qu’est la Suite pour grand orchestre Funérailles :

quel immense cadeau fait là

à la musique universelle !

Ce lundi 11 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une curiosité : les Sonates pour clavecin et orgue de Benedetto Marcello (1686 – 1739)

29juil

Le Conservatoire de musique de Venise

porte le nom du compositeur Benedetto Marcello,

membre d’une éminente famille patricienne ;

et lors de mon séjour à Venise en février 2011

pour le colloque « Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955)« ,

qui s’est tenu au Palazzetto Bru-Zane,

nous logions en un des palais Marcello _ somptueux _ :

l’hôtel Al Sole, Fondamenta Minotto, dans le sestier de Santa Croce.

Je viens de tomber sur un coffret Brilliant de 3 CDs _ 95277 _,

intitulé « Complete Sonatas for Organ and Harpsichord » de Benedetto Marcello (1686 – 1739),

interprété par Chiara Minali, à l’orgue,

et Laura Farabollini, au clavecin.


Benedetto Marcello est aussi l’auteur d’un très célèbre pamphlet :

Le Théâtre à la mode au XVIIIe siècle.

Benedetto Marcello : un compositeur vénitien

exact contemporain d’Antonio Vivaldi (1678 – 1741).

Ce lundi 29 juillet 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Les exercices spirituels de Jean Clair : à l’inlassable écoute des voix du silence de quelques lieux et personnes tendrement aimés

27juil

Le 20 mai 2011, j’ai eu l’immense privilège de m’entretenir une bonne heure durant _ un de mes deux entretiens les plus extraordinaires ! Somptueux !!! _ avec le merveilleux Jean Clair à propos de deux de ses livres d’alors : Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture (cf mon article du 16 juillet 2011 : ).

Et ces derniers temps, je m’inquiétais un peu de ne pas avoir pu accéder ces années-ci _ depuis 2015 _ à un nouvel ouvrage de lui dans la série _ qui m’agrée tant ! et me donne, même indirectement (il est très discret), quelques petites nouvelles de lui… _ dite par lui-même des Écrits intimes :

Journal atrabilaire (2006), Lait noir de l’aube (2007), La Tourterelle et le chat-huant (2009), Dialogue avec les morts (2011), Les derniers jours (2013), La Part de l’ange (2015) :

_ ainsi le dimanche 5 mai, lors de l’inauguration à Bélus (Landes) du monument-hommage à Lucien Durosoir, à laquelle présidait son ami Benoît Duteurtre, m’enquérais-je auprès de ce dernier de la santé de Jean Clair (cf mon article du 9 mai dernier : ) ; j’appris alors qu’il allait bien ; et qu’ils s’étaient rencontrés récemment à la Fondation Singer-Polignac _ cela m’a rassuré _ ;

_ et plus récemment encore, le 3 juillet dernier, je me suis permis d’adresser à Jean Clair – le Vénitien la série des articles que je venais de consacrer à ma lecture enthousiaste du Venise à double tour de Jean-Paul Kauffmann :

C’est donc avec un immense plaisir que je viens de lire et relire _ trois lectures à ce jour : le sillon d’écriture de Jean Clair en ces écrits intimes est si riche que la relecture attentive en est immensément féconde ; Jean Clair fait partie de ces assez rares auteurs dont la lecture offre au lecteur authentique un réel entretien infini avec l’auteur ; à l’image d’un Montaigne, en ses Essais ; mais ces Exercices-ci de piété, puisque tel est le sous-titre de cet essai, sont à la fois des essais à la Montaigne, et des exercices spirituels, à la Ignace de Loyola !  _ ce nouveau volume d’approfondissement de ce penser sien toujours en alerte de déchiffrement des signes les plus parlants du réel _ du réel déplorable ! et à pleurer vraiment ! pour ce qu’il détruit, ce nihilisme barbare, de ce qui, civilisé, cultivé vraiment, avait consistance de présence élévatrice de l’humain vrai… ; c’est au « dernier homme » de l’admirable Prologue de l’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche que nous sommes sans cesse confrontés, même si le nom même de Nietzsche n’est que rarement prononcé… _ qu’est, aujourd’hui, son Terre natale _ Exercices de piété _ le livre est paru le 27 juin dernier.

Presque quatre ans se sont donc écoulés entre ce volume-ci, Terre natale _ Exercices de piété _ paru le 27 juin 2019 _, et le précédent de ses « écrits intimes« , La Part de l’ange _ Journal, 2012-2015, paru le 14 janvier 2016 :

probablement à cause d’une maladie qui s’est déclarée lors d’un voyage à Jérusalem _ aisément datable, celui-ci, puisque l’auteur nous dit, absolument incidemment, page 320

(et ces repères de biographie personnelle sont fort rares en cet essai qui est, on n’y insistera jamais assez, aux antipodes (exacerbés !) d’une égologie : cf à la page 292, à propos de l’effarante pandémie des selfies et de la touristification de masse: « Quand l’État interdit « l’ostentation des signes religieux », les touristes _ nous y voilà _ multiplient l’ostentation des selfies. (…) Là où l’oculaire du selfie ne fait que dérober au regard la présence _ fondamentale _ du réel« ; et, aux pages 292-293 : « Les Québécois appellent le selfie un égoportrait. L’homme des temps chrétiens, pendant un millénaire, a vécu sous le regard de Dieu. L’homme vit aujourd’hui, jour après jour, sous le regard de son selfie. Indifférencié, interchangeable, membre de l’Internationale planétaire des bataillons sans passé et sans histoire, le touriste se reconnaît de loin à ses tatouages, à sa démarche et sa tenue militaire. Il se répand partout, marée brune et bruyante, de Paris à Venise, de Florence à Madrid, et recouvre _ et noie _  peu à peu les merveilles qu’il est venu conquérir. Se sentant perdu, il saisit son selfie et, le haussant au-dessus de son front, se met à opérer une sorte de transfusion mystique entre lui et ce qui l’entoure, un sacrifice païen où ce n’est plus le pain et le vin qui se transformeront en chair et sang divin dans l’ostensoir du prêtre, pareillement élevés par-dessus son front pour qu’ils soient adorés des fidèles, mais un bout de réalité, indifférent et triste, auquel il va coller les traits de sa propre apparence, pour se donner, dans le cliché, l’illusion _ mortelle _ de se survivre. La distraction _ car ce n’était que cela _ finie _ elle n’a pris que quelques secondes _, ils se rassemblent derrière leur guide, en grand fracas, anxieux de reconnaître les ficelles, les fanions, les fétiches, les fanfreluches, les floches et les faluches noués au bout du bâton de leur accompagnateur. Le photostick coincé sous le bras, débris d’une armée déroutée« … ; cf aussi, à la page 204, ceci : « le tatouage est devenu le rituel banalisé d’une _ misérable et ridicule _ affirmation de soi et, dans l’absence de toute norme religieuse ou politique, d’un _ atterrant _ narcissisme de masse _ voilà ! _, que vient compléter la manie du selfie machinal« …)

lors d’un voyage à Jérusalem _ aisément datable puisque l’auteur nous dit, absolument incidemment, page 320 (au chapitre XIX, « Athènes et Jérusalem« ), que cet accident de santé advint au moment des obsèques de Shimon Pérès, décédé le 28 septembre 2016 : « Arrivé à Jérusalem, et dans l’urgence de devoir être hospitalisé _ voilà ! _, il me fallut rebrousser chemin, sans avoir eu le temps de pénétrer dans la vieille ville. Les funérailles de Shimon Pérès bouclaient la cité, les routes étaient fermées, il convenait de rentrer d’urgence _ le terme « urgence«  est donc répété. De Jérusalem, je ne verrais que des quartiers sans grâce, les plus récents (…). Et je n’eus pas la possibilité de vérifier que le Sépulcre existe bien« 

Et à l’instar de notre très cher Montaigne,

Jean Clair ne cesse, en ses propres « essais intimes«  _ ou/et « exercices de piété«  _, de labourer et approfondir son propre sillon musical de penser _ auquel préside, pour lui aussi, comme pour Montaigne (cf le final sublime des Essais), la grâce non servile des Muses ! ainsi, et c’est bien sûr à noter, que l’espiègle et impérieux Kairos, offreur, certes, mais aussi coupeur (au rasoir terriblement effilé) de fil, pour qui a tardé à saisir et recevoir au vol ce que généreusement, et sans compter, il offrait ;

cf à la page 181 : « la mèche qui orne l’arrière _ non : le devant : le front ! _ de la tête du Kairos, le petit dieu grec de la Fortune. Ce n’est plus alors lui qui sauve les hommes, mais les hommes qui doivent se montrer assez rapides pour saisir la Chance par les cheveux, à l’instant où elle fuit » _ non : juste avant, quand celle-ci nous croisait ; car c’est à l’instant même où celle-ci vient juste de passer que c’est, et irrémédiablement, trop tard… Sur sa nuque, Kairos est en effet complètement chauve ; et donc insaisissable… Trouver le mot, le bon mot, la parole juste, le kairos. Enfui, le mot ne se retrouvera pas, et sa dérobade _ qui nous laisse sans ressource face à ce fil coupé… _ nous rapproche un court instant de la mort, rompu le fil des mots » ; Jean Clair nous révèle ici, au chapitre La Chevelure, un des secrets (de prestesse, vivacité ; et musicalité…) de la justesse-grâce d’écriture ; j’y reviendrai ; car c’est là une des séquences les plus lumineuses (et aux conséquences éminemment pratiques !) de cet immense livre ! aux pages 354-355-356 (au chapitre La Fugue) à propos de ce qui distingue, selon Jean Clair, et c’est splendide !, l’écriture de la littérature et l’écriture de la musique… ; se reporter aussi au merveilleux passage autour de l’expression « passer le temps«  du sublime tout dernier chapitre, De l’expérience, du livre III des Essais de Montaigne :

« J’ay un dictionaire tout à part moy : je passe le temps, quand il est mauvais et incommode; quand il est bon, je ne le veux pas passer, je le retaste, je m’y tiens. Il faut courir le mauvais, et se rassoir au bon. Cette fraze ordinaire de passe-temps, et de passer le temps represente l’usage de ces prudentes gens, qui ne pensent point avoir meilleur compte de leur vie que de la couler et eschaper, de la passer, gauchir, et, autant qu’il est en eux, ignorer et fuir, comme chose de qualité ennuyeuse et desdaignable. Mais je la cognois autre, et la trouve et prisable et commode, voyre en son dernier decours, où je la tiens; et nous l’a nature mise en main, garnie de telles circonstances, et si favorables, que nous n’avons à nous plaindre qu’à nous _ voilà ! _ si elle nous presse et si elle nous eschappe inutilement. Stulti vita ingrata est, trepida est, tota in futurum fertur. Je me compose pourtant à la perdre sans regret, mais comme perdable de sa condition, non comme moleste et importune. Aussi ne sied-il proprement bien, de ne se desplaire à mourir qu’à ceux qui se plaisent à vivre. Il y a du mesnage _ voilà _ à la jouyr ; je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance _ et de cela Montaigne est un immense maître ! _ depend du plus ou moins d’application, que nous y prestons. Principallement à cette heure que j’aperçoy la mienne si briefve en temps, je la veux estendre en pois ; je veux arrester la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma sesie _ voilà l’attitude à apprendre à prendre avec Kairos ! _, et par la vigueur de l’usage _ oui _ compenser la hastiveté de son escoulement ; à mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine » _ :

c’est un enchantement que de nous entretenir, nous les modestes lecteurs de Montaigne et de Jean Clair _ pas trop indigents, espérons-le ! Relisons l’Adresse au lecteur des Essais _ avec leur écriture si inventive et rigoureuse, si éprise _ à l’infini : tant qu’existeront encre, papier, et souffle de vie ! _ de la plus grande justesse…


À suivre…

Ceci n’est même pas un prologue…


Ce samedi 27 juillet 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

A découvrir : le piano de Jean Roger-Ducasse (1873 – 1954) par Patrick Hemmerlé

23juil

Parmi les musiciens français

contemporains de Lucien Durosoir (1878 – 1955) :

Jean Roger-Ducasse (1873 – 1954).

Et son œuvre de piano _ entre 1906 et 1921 _

interprétées par Patrick Hemmerlé :

un CD Melism MLS-CD 013.


Une découverte !


Le 18 juin dernier, sur son site Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé

m’avais mis la puce à l’oreille,

avec son article Le Piano de Pan.


LE PIANO DE PAN




Un mystère : la musique de Jean Roger-Ducasse reste le secret le mieux gardé _ en tout cas l’un d’entre ces derniers _ du piano français, connu d’une poignée de mélomanes qui savent ses somptuosités _ oui. Dominique Merlet aura tenté de lui rendre la place qu’il mérite aux côtés de Fauré, Debussy et Ravel, Martin Jones, encyclopédiste comme il sait l’être, l’aura gravée intégralement, mais il fallait probablement ce disque entêtant comme un parfum _ voilà _ pour en révéler enfin toute les splendeurs _ oui.


Le piano de Jean Roger-Ducasse n’est que panthéisme _ voilà _, paysages sonores où l’harmonie se sature et s’envole, les doigts rêvent, les notes sont des impressions de senteurs. Inimaginable poésie des timbres qui produit une musique aussi addictive par son imaginaire sonore que peuvent l’être les œuvres de piano de Georges Enesco._ c’est tout dire ! Si les pianistes les fréquentent peu, c’est parce qu’elles sont difficiles, pour les doigts certes, mais plus encore pour la mémoire : Roger-Ducasse divague, déteste les thèmes et les repères _ tel Debussy _, détruit l’harmonie de l’intérieur comme le faisait l’ultime fauréen, et dans les moments les plus sombres – qui n’abondent pas – fait toujours pénétrer cette lumière de soir d’été.


Il faut un poète pour saisir tout cela, et un sacré pianiste, Patrick Hemmerlé sur un magnifique Bechstein qui chante loin et mordore ses timbres, en éclaire toutes les complexités, élance les myriades de notes en scintillements d’étoiles (écoutez la première Etude !), modèle les rythmes fuyants (l’Etude en sixtes), fait entrer dans ces univers clos tout un jardin dans le vent (les sublimes Rythmes de 1917).


Il a en plus construit un programme parfait, herborisant uniquement dans les chefs-d’œuvre de ce compositeur que je n’en finis pas de découvrir, en m’émerveillant. Impossible de ne pas vous laisser fasciner par ce disque _ probablement _ vampirique.


LE DISQUE DU JOUR


Jean Roger-Ducasse (1873-1954)



Barcarolle No. 1 en ré bémol majeur
Etude No. 1 en sol dièse mineur
Etude No. 2 en la bémol majeur
Etude en sixtes en sol bémol majeur
Arabesque No. 1 en fa dièse majeur
Arabesque No. 2 en ut majeur
Rythmes en sol bémol majeur
Sonorités en la bémol majeur
Barcarolle No. 2 en sol bémol majeur
Barcarolle No. 3 en fa majeur


Patrick Hemmerlé, piano

Un album du label Melism MLS-CD-013



Photo à la une : le pianiste Patrick Hemmerlé – Photo : © Jean-Baptiste Millot


Ce mardi 23 juillet 2019, Titus-Curiosus – Francis Lippa

Le monument Durosoir à Belus, par Aitor de Mendizabal

09mai

L’édition d’hier mercredi 8 mai de Sud-Ouest Sud des Landes

a témoigné de l’inauguration, dimanche 5 mai, à 11 heures,

du monument élevé, tout à côté de la mairie de Belus, et face aux Pyrénées,

à Lucien Durosoir, compositeur (1878 – 1955),

par le sculpteur plasticien Aitor de Mendizabal…

Un monument pour un musicien engagé


A LA UNE, LANDES, BÉLUS

Publié le 08/05/2019 à 3h51 par Maïté Labeyriotte.


Un monument pour un musicien engagé

Un monument pour un musicien engagé


Les intervenants de la matinée devant le monument Durosoir.

PHOTO M. L.


Dimanche, a eu lieu la rencontre sublime de deux talents. L’un, Lucien Durosoir, fut un violoniste de renommée internationale, avant de devenir compositeur. Il s’installa à Bélus _ en 1926 _, où il mourut en 1955. L’autre, Aitor de Mendizabal, est un artiste peintre et sculpteur espagnol reconnu dans le monde entier. Il vécut quelque temps à Bélus avant de rejoindre son cher Pays basque _ Arcangues, ce n’est pas loin _, récemment.
On doit à Luc Durosoir, le fils du compositeur, et à Georgie, son épouse, d’avoir remis en lumière les œuvres de Lucien Durosoir et d’avoir proposé, avec l’association Megep (Musiciens entre guerre et paix), d’ériger un monument pour rappeler l’engagement du musicien pour la mémoire des soldats de la Grande Guerre, mais aussi pour la paix. Pour cela, ils ont fait appel à Aitor, artiste qui partage ces mêmes valeurs.

On a donc procédé, dimanche, à l’inauguration de ce monument symbolique, en présence du député Boris Vallaud et de Pierre Ducarre, président de la Communauté de communes d’Orthe et Arrigans. Daniel Dufau, le maire _ de Bélus _, s’est félicité de l’adhésion de la municipalité à ce projet, le monument étant implanté sur un terrain communal, entre le tilleul, arbre de la liberté planté en 1989, et les plants de vigne en hommage à François Baco _ longtemps instituteur à Bélus.
Rachel Durquéty, vice-présidente en charge de la culture au Conseil départemental – représentant Xavier Fortinon, président – mais surtout Bélusienne attachée à son village, s’est exprimée « avec une émotion particulière et encore plus d’humilité que d’habitude, en ce moment particulier qui se joue dans un petit village de moins de 700 habitants. » Elle a souligné l’importance de l’art dans notre époque et le choix du Département de « sanctuariser » le budget consacré à la culture et au patrimoine.
Enfin, le Megep avait confié à trois invités le soin de raconter les parcours de ces deux talents honorés ce jour-là. Alain Faber, président de l’association Mémoires du Mont-Valérien, a situé sa rencontre (posthume) avec Lucien Durosoir et son œuvre à travers son compatriote havrais, André Caplet, qui appartenait au groupe de musiciens Le Quintet du général, pendant la Grande Guerre.


Liens franco-espagnols


Son Excellence Alvaro Alabart, consul général d’Espagne à Bayonne, a salué son compatriote Aitor _ de Mendizabal _ et a retracé sa carrière, son « voyage à l’Italie de la Renaissance », à l’instar des grands artistes de l’histoire, où il s’est formé à l’École de Rome, à Carrare. Dès 1979, il gagne, à Saint-Sébastien, le prix des Jeunes sculpteurs et, en 2007, engagé aux côtés de son peuple, il remporte le prix de la Ville de Saint-Sébastien pour son monument en hommage aux victimes du terrorisme.
Alvaro Alabart a consacré une partie de son intervention aux liens qui unissent la France et l’Espagne, avec plus de 11 millions de touristes français chaque année en Espagne et plus de 3 millions d’hispanophones dans le système scolaire français.


Le mot de la fin est revenu à Benoît Duteurtre, écrivain et spécialiste musical (tenant aussi une rubrique sur France Musique _ l’excellente émission hebdomadaire de 90′, le samedi matin, de 11 heures à 12 h 30, consacrée à la chanson française et l’opérette _) qui a fait partager sa connaissance de la musique de l’époque de Lucien Durosoir, rappelant _ au passage _ ses liens avec le monde musical allemand d’avant-guerre _ avant 1914. Il rappela aussi que Lucien Durosoir ne fit pas jouer ses œuvres _ en partie _ inspirées par sa période de guerre _ effectuée dans les tranchées _ et que l’on doit à son fils _ Luc Durosoir ; et à sa belle-fille, Georgie Durosoir _ de les avoir sorties de l’ombre. Une affirmation gravée sur le monument, avec ces mots de Saint-Exupéry : « Mais n’espère rien de l’homme s’il travaille pour sa propre vie et non pour son éternité ».

Cette cérémonie d’hommage à Bélus

a été accompagnée par la publication d’un très beau livre _ aux Éditions FRAction _,

La Chaîne de création Lucien Durosoir – Aitor de Mendizabal 1919 – 2019

et du premier CD d’œuvres symphoniques de Lucien Durosoir,

Dejanira, soit le CD Cascavelle VEL-1568.

Cf mes deux articles : 

et

Ce jeudi 9 mai 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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