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OPA et titrisation réussies sur « l’art contemporain » : le constat d’un homme de goût et parfait connaisseur, Jean Clair, en « L’Hiver de la culture »

12mar

Avec L’Hiver de la culture, qui paraît ce début mars aux Éditions Flammarion (dans l’incisive collection Café Voltaire !),

Jean Clair nous livre un aussi sobre que brillantissime constat

en même temps qu’un lumineux et essentiel historique, parfaitement informé, et plus encore d’une admirable justesse !

de ce qu’est devenu, pour le principal, à partir d’une OPA rondement menée et admirablement réussie, l’actuelle titrisation de l' »Art contemporain«  _ de marque certifiée (et dûment estampillée !) conforme ! _ au sein des Arts plastiques

_ pas mal ravagés, en effet : beaucoup d’« artistes«  vrais (!), eux, ayant « disparu« , « sacrifiés«  à « la circulation et la titrisation d’œuvres (…) limitées à la production , quasi industrielle, de quatre ou cinq «  hyper-habiles faiseurs triés par « l’oligarchie financière mondialisée«  qui en « décide«  : ces expressions-clé se trouvent, elles, à la page 104 ; « morts sans avoir été reconnus« , et « désespérés souvent de cette ignorance« , conclut son rapport sur l’état présent de l’« art contemporain«  Jean Clair, page 141, terminant le livre par : « c’est pour eux que ce petit livre aura été écrit«  _,

aujourd’hui :

le « constat« 

_ soit une « promenade d’un amateur solitaire à travers l’art d’aujourd’hui, ses manifestations, ses expressions. Constat d’un paysage saccagé, festif et funèbre, vénal et mortifiant« , ainsi que le présente excellemment la quatrième de couverture !!! _,

d’un homme de (vrai) goût, parfait connaisseur, et on ne peut plus et mieux expert de ces « affaires« ,

est tout bonnement implacable

en sa complète justesse _ hélas : quant à l’imposture parfaitement (= machiavéliennement ! re-lire toujours les fondamentaux, dont Le Prince…) réalisée il y a déjà quelque temps et plus que jamais en vigueur aujourd’hui… _,

qui nous met sous le nez, et imparablement soumet et montre à notre regard _ qui n’en peut mais, il n’y échappe pas… _ de lecteur, l’essentiel !


Ce petit livre de 141 pages est ainsi décisif :

le roi (des affaires ! _ de ce marché (lui aussi très juteux pour qui sait y bien opérer-manœuvrer) qu’est « la culture« , ici en la branche des « Arts plastiques« ) est _ bel et bien _ nu !

A poil !

Sans le moindre appareil _ qui (nous) dissimulerait encore quoi que ce soit de sa peau ainsi dé-masquée…

Un peu à la façon, à la fin de Gorgias

_ aux pages 303 à 311 de l’édition Garnier-Flammarion en la traduction de Monique Canto-Sperber ; voici le texte (assez parlant !) de la quatrième de couverture : « Sans doute le plus animé et le plus féroce des dialogues platoniciens dans lequel Platon s’attaque au fondement de la démocratie et esquisse une nouvelle forme de pouvoir. Il se veut le protocole éthique _ voilà ! _ d’un engagement politique _ qui soit mieux fondé ! que celui qui a présentement cours… _ et débat donc des conditions  _ vraies _ du gouvernement de soi et des autres. Le ton du Gorgias est particulièrement violent, et pas seulement à l’égard de la rhétorique. Le dialogue formule une des critiques les plus radicales qui aient été adressées à la démocratie athénienne, à ses valeurs dominantes et à sa politique de prestige. En effet, Socrate s’en prend à tous les aspects de cette politique, du plus concret au plus idéologique. Mais l’essentiel de la critique vise la condition qui donne à la démocratie athénienne ses principaux caractères. Or cette condition est la même que celle qui assurait l’influence de la rhétorique. Il s’agit de la foule comme sujet dominant de la scène politique _ en son ignorance et sa crédulité… Le gouvernement de la liberté est un gouvernement de la foule, c’est-à-dire de l’illusion, du faux-semblant et de la séduction _ voilà ! La critique de la rhétorique débouche donc directement sur la critique de la démocratie« … _,

de Platon nous faisant montrer par Socrate, le jugement dernier (des âmes), outre-tombe, au royaume des morts : jugés et juges (Minos, Rhadamante et Eaque, tous trois rien moins que fils de Zeus…) sont, tous et également, nus : « rien qu’une âme qui juge une âme« , dit Zeus, ayant « laissé sur la terre » tout le « décorum«  qui « impressionne les juges » ordinairement… : car « c’est _ un tel dé-pouillement _ le seul moyen pour que le jugement soit juste« …

Quant aux « ravages » accomplis,

je relèverai simplement la très simple et retenue _ sans pathos _ conclusion de Jean Clair, à l’avant-dernier alinéa, page 141 :

« Les gesticulations convenues des gens d’Église et des fonctionnaires d’État admirant _ volontiers très publiquement assez fréquemment _ l’« art contemporain » _ objet du tout dernier chapitre, « Les Deux piliers de la folie« , pages 127 à 141 _, si contraires à leurs fonctions et à leur mission _ officiellement de fondation-légitimation, et civilisatrices _, évoquent les pantomimes burlesques des Fêtes des Fous lorsque le Moyen Âge touchait à sa fin.« 

Et Jean Clair alors de splendidement _ et douloureusement _ conclure, au dernier alinéa, tout l’essai _ et voici, cette fois, la phrase en son entier _ :

« Cela aurait peu d’importance _ en matière de fond (des choses) !

Mais entre-temps _ et en partie en conséquence plus ou moins directe de cela : un point à un peu mieux établir… _, combien d’artistes, dans le siècle qui s’est achevé et dans celui qui commence,

incomparablement plus maltraités _ via le baillon du silence-radio de toutes les presses, d’abord… _ que leurs compagnons _ d’infortune _ de la fin de l’autre siècle qu’ont avait appelés _ presque aussitôt _ des artistes « maudits »,

ont-ils disparu _ voilà ! : dans le gouffre-vortex du néant de la renonciation aux œuvres, tout d’abord, de leur part : et là, est bien le premier rédhibitoire ! hélas… : s’arrêter, pour un artiste vrai, d’œuvrer ! _,

sacrifiés _ voilà ! _,

dans l’indifférence _ voilà !.. _ des pouvoirs supposés les aider,

morts sans avoir été reconnus _ des autres _,

désespérés trop souvent _ tous n’ayant pas, en effet, la rare force d’âme du génial Lucien Durosoir (1878-1955), musicien plus qu’indifférent, lui (carrément immunisé contre…), à l’exécution en concert de ses compositions, se contentant de (et se concentrant à…) parfaire chaque œuvre sur le papier de son écriture, et remisant, admirablement confiant, les manuscrits (très) achevés en son « tiroir« , pour une postérité un peu plus curieuse et soucieuse seulement de la qualité de l’Art (l’œuvre !) ; et non plus du (misérable !) savoir-vendre de l’artiste !.. Sur Durosoir, cf mes précédents articles ; par exemple celui-ci, du 25 janvier 2011 : Les beautés inouïes du “continent” Durosoir : admirable CD “Le Balcon” (CD Alpha 175) _ de cette ignorance _ les rongeant, à détruire certains d’entre d’eux.

C’est pour eux que ce petit livre aura été écrit« …

Voilà pour cette introduction à ce livre imparable, en la justesse et la force de sa lumière,

de Jean Clair…

Le chapitre crucial de l’essai

est très probablement, à mes yeux, le chapitre VII, pages 95 à 109 : « La Crise des valeurs » _ loin de n’être qu’« esthétique«  ; ou circonscrite aux Arts, cette « crise«  !.. Et c’est là un élément on ne peut plus décisif du « constat«  (éclairant !) qu’est ce livre : quant au « sens«  même du « vivre«  : rien moins !..

Car c’est bien, en effet, du « sens » même du « vivre« , de l' »exister », du « faire » et du « sentir« , humainement ou in-humainement _ voilà ! _, qu’il s’agit,

soit affronter et renverser le nihilisme !,

en cette question de la hiérarchie des « valeurs« , et de leur « crise » actuelle (et indurée)…

La référence, page 102-103 au Schaulager de Bâle

_ « Le Schaulager de Bâle (…) n’est pas une collection au sens propre, c’est-à-dire un ensemble à peu près fixe et inventorié, mais plutôt un stock d’œuvres qui varie, s’agrandit ou se vide. Une exposition publique mais discrète permet chaque année à quelques invités de découvrir les modèles dont l’obscurité du bâtiment garde les prototypes. Parallèlement la Foire de Bâle, dont on ne peut comparer les stands qui se succèdent qu’aux présentations d’été des grands couturiers, montre des productions voisines mais de plus grande série et plus facilement portables. Les responsables de la Foire, au long des années, ont d’ailleurs fini par éliminer de leur sélection les galeries dont l’orientation esthétique n’était pas jugée assez proche de ce qui peut se voir dans le Schaulager. Le système _ c’est est un ! fort cohérent ! _ a été verrouillé« _,

reprend l’analyse de cette institution (très discrète) , entamée page 20,

alors à travers la question de l’architecture muséale :

dans le cas de la forme architecturale du bâtiment de ce Schaulager bâlois,

il s’avère qu’il s’agit d’une forme architecturale « simple, sévère et fonctionnelle, sans presque aucune ouverture sur l’extérieur comme il se doit : ce lieu qui n’est « ni » ceci _ « ni un musée«  _ « ni » cela _ « ni un entrepôt«  : selon le discours officiel de cet « établissement privé«  sur son propre statut… _, mais qui se referme et sur le secret de ses trésors et sur la discrétion de ses opérations« ,

une forme qui « ne pouvait qu’adopter la géométrie des coffres bancaires« , lit-on au final de la page 21 _ dès le tout premier chapitre de l’essai, intitulé « Les Instruments du culte » ;

cf, ceci, page 10 :

« Églises, retables, liturgies, magnificence des offices : les temps anciens pratiquaient la culture du culte.

Musées, « installations », expositions, foires de l’art : on se livre aujourd’hui au culte de la culture.

Du culte réduit à la culture _ d’abord _,

des effigies sacrées des dieux aux simulacres de l’art profane _ ensuite, en la modernité _,

des œuvres d’art aux déchets des avant-gardes _ maintenant, en la post-modernité _,

nous sommes en cinquante ans _ soit de 1960 à 2010-11… _,

tombés

dans « le culturel » :

affaires culturelles, produits culturels, activités culturelles, loisirs culturels, animateurs culturels, gestionnaire des organisations culturelles, directeurs du développement culturel, et, pourquoi pas ? : « médiateurs de la nouvelle culture », « passeurs de création », et même « directeurs du marketing culturel »

Toute une organisation complexe _ sur modèle ecclésial : en visée de gestion d’un sacré de substitution, en quelque sorte… _ de la vie de l’esprit, disons plutôt des dépouilles de l’ancienne culture,

avec sa curie, sa cléricature, ses éminences grises, ses synodes, ses conclaves, ses conciles, ses inspecteurs à la Création, ses thuriféraires et ses imprécateurs, ses papes et ses inquisiteurs, ses gardiens de la foi et ses marchands du temple.

Au quotidien,

comme pour faire poids à cette inflation du culturel,

on se mettra à litaniser _ voilà, en cette novlangue que sut admirablement pointer, dès 1948, George Orwell, in 1984 _ sur le mot « culture » : « culture d’entreprise », « culture du management » (dans les affaires) _ etc. : j’abrège…

Cent fois invoqué, le mot n’est plus que le jingle _ voilà ! _ des particularismes, des idiosyncrasies, du reflux gastrique,

un renvoi de tics communautaires,

une incantation des groupes, des cohortes ou des bandes qui en ont perdu l’usage _ voilà le retournement basique de la novlangue !

Là où la culture prétendait à l’universel,

elle n’est plus que l’expression de réflexes conditionnés _ très basiquement pavloviens ! _,

de satisfactions zoologiques«  : nous y reviendrons (ce point-là étant loin d’être marginal) ; fin de l’incise ;

revenons à l’institution du Schaulager bâlois, page 21 :

« Le Schaulager à Bâle est un vaste bunker de béton, édifié dans les faubourgs de la ville patricienne, qui abrite quelques milliers d’œuvres d’« art contemporain », sélectionnées et calibrées _ voilà ! _ comme des légumes d’élevage.

C’est un établissement privé _ oui ! _ qui affirme n’être « ni un musée ni un entrepôt » _ voilà pour le ni-ni !.. _, mais pourtant se dédier _ noblement, sinon sacralement !.. _ « à la créativité et à la transmission _ voilà surtout… _ de l’art contemporain ».

De fait, c’est sa mission,

mais elle s’accomplit sur un mode discret.

Il ne se visite pas,

sinon par autorisation spéciale, délivrée principalement à des professionnels du milieu de l’art _ j’adore cette expression.

Cela explique qu’on en parle si peu _ dans les médias :  comme on parle très peu de tout pouvoir réel : le silence et l’ombre sont les conditions (cf la leçon machiavélienne de pragmatisme…) de l’agir efficace _, alors qu’il est devenu _ très vite _ un rouage essentiel _ tout fonctionnant ainsi _ du marché  _ nous y voilà ! Vive la Suisse et son secret bancaire… N’est-ce pas, Jean Ziegler ?

Il est à l’art _ voilà ! ce Schaulager-ci… _ ce que la banque est à l’argent,

un saint des saints où quelques initiés décident _ voilà : un lieu de pouvoir ! _ des cours et des investissements«  _ à la jointure de l’économique et de l’artistique : voici l’étalon-or (et/ou nerf de la guerre) au centre névralgique, ou plutôt cérébral, de toute cette « affaire«  !..

Jean Clair,

au-delà de ce cas très discret, mais bien plus qu’exemplaire, révélateur !, de ce qui se décide et se fait très effectivement en matière d’affaires d' »art contemporain« ,

du Schaulager de Bâle,

souligne excellemment qu’un tournant du devenir des musées (et du choix de leurs fonctions) s’accomplit _ très vite, déjà _ « en cinq ou six années » (page 32, dans le chapitre « Le Musée explosé« ) peu après Mai 68, en France :

« Mai 68 ne marquait pas l’avènement _ désiré par quelques uns _ d’une société égalitaire et fraternelle, exaltant une pensée populaire grâce à laquelle les musées devaient, comme l’avaient voulu les artistes d’avant-garde, exploser et s’ouvrir à la vie. Il ne provoqua _ de fait, voilà… _ que le charivari _ seulement réactif : un symptôme !.. _ qui, dans les sociétés traditionnelles, accompagne les nouveaux mariés. Mais, cette fois, le mariage _ en voie (déjà avancée) de consommation dès cette décennie des années 60, donc… _ unit la société française _ et ses représentants politiques dans les institutions de pouvoir de l’État : les Georges Pompidou, et Valéry Giscard d’Estaing, au premier chef, avant bien d’autres : le premier créa ce qui fut baptisé après sa mort « Centre Pompidou«  ; le second, le musée d’Orsay… _ au capitalisme international. (…) C’est le monde ancien tout entier, rural et ouvrier, qui fut emporté _ voilà ! _ en cinq ou six années« .., pages 31-32…


Que cherche alors, désormais _ et à l’autre bout de la chaîne de l’Art… _, « le pèlerin moderne, le gyrovague artistique,

l’automate ambulatoire qui itinère _ de musée en musée, d’abord… _ du Louvre jusqu’à Metz, de Londres à Bilbao et de Venise _ ville d’où je reviens du colloque « Lucien Durosoir« , au Palazzetto Bru-Zane les 19 et 20 février derniers : mais, de fait, je préférai, lors de mon temps libre à Venise, arpenter et parcourir les divers quartiers (surtout ceux vierges de foule de touristes), et découvrir l’intérieur (presque trop riche) des églises, plutôt que de suivre le rituel assez ennuyé des visiteurs de musées… _ au MoMA,

celui qu’incarnaient jadis, au mieux, Ruskin ou Byron,

ou bien, à présent, les passagers des tour operators,

que cherche-t-il ?

Quel salut _ le mot parle ! _

de la contemplation _ qui s’y adonne ? qui s’en donne le vrai temps ? _ d’œuvres

qui seraient, à elles seules _ dans quelle mesure (hors mesure !) ?.. _, la récompense _ en effet : tel un gain substantiel (et vrai ! par un effet profond, « comblant« , et durable de « présence«  incorporée !..) d’humanité ! _ de ces migrations ? « , page 53 ;

avec cette réponse, page 54 :

« On y découvre _ en ces musées de par le monde (contemporain) _ un désarroi commun, une solitude augmentée _ chez la plupart des visiteurs _, quand la croyance a disparu«  _ dans la désertification en expansion continue (cf Nietzsche : « Le désert croît« …), sinon irrésistible (Nietzsche en appelait, lui, au sursaut du sur-humain, en son Zarathoutra, un livre pour tous et pour personne…), du rouleau-compresseur du nihilisme… La beauté ne devenant plus qu’un vague décorum esthétique : réduit en quelque sorte à l’ordre seulement de l’agréable… Cf ici Kant (qui ne se faisait pas à la réduction du beau à l’agréable !), et sa Critique de la faculté de juger

Jean Clair commentant cette situation-là

ainsi, toujours page 54 :

« Ainsi des religions quand elles se mouraient,

dont les pèlerinages n’étaient plus là que pour cacher _ encore un peu _ le vide de leur liturgie et la pauvreté de leur consolation.

La multiplication de ces brimborions _ voilà ! ridicules ! et il faut en rire publiquement ! Comme l’enfant des Habits neuf du roi d’Andersen… _ de l’art contemporain

qui envahissent à présent les châteaux de Versailles

_ cf mon article du 12 septembre 2008 à propos de l’installation Jeff Koons à Versailles : Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling ; mais aussi celui du 2 septembre 2008 sur la cohabitation de Ben et de Cézanne à l’Atelier Cézanne du chemin des Lauves, sur les hauteurs d’Aix… : Art et tourisme à Aix _ la “mise en tourisme” des sites cézanniens (2)… ; et aussi celui-ci, du 10 septembre 2008 : De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles _

et les palais de Venise _ le Palazzo Grassi ; La Dogana di mare… _,

est à la modernité finissante

ce que l’imagerie sulpicienne fut

au christianisme moribond _ parfaitement ! de sinistrement tristounets clichés…

Le musée semble _ ainsi _ offrir le parfait objet de cette croyance _ vacillante, faiblarde _ universelle, identique en tout lieu, prête à offrir le salut _ d’une émotion seulement « esthétique«  ; jointe à l’agrément du tourisme (international, mondialisé !) plus ou moins balisé et formaté, avec ses paraît-il must !.. _ à tous et dans l’instant _ ce point est essentiel ; du fait que non seulement pour la plupart d’entre nous désormais time is money ; mais aussi et surtout que tout s’accélère… ; cf l’excellent Accélération de Hartmut Rosa, paru en traduction française aux Éditions La Découverte… _,

et qui remplacerait la patiente instruction _ formatrice du goût, elle ; et de l’aptitude à « sentir«  et « expérimenter«  (dans le temps de la vie : mais en est-il donc d’autre, de temps ?) l’éternité, aussi ! selon la leçon magnifique et essentielle (!) de l’Éthique de Spinoza… _ qui ne se donnait qu’à ceux _ ne cessant, toute la vie durant, de « se cultiver« , avec patience, voire passion vraie… _ qui respectaient la lenteur des règles et la diversité des multiples langues _ constituant, en effet, une vraie « culture«  : incorporée !..

A l’inverse des mots _ et des phrases, en leur générativité : qui prennent toujours un minimum de temps (à la différence des envois de SMS) ; lire ici le grand Chomsky… _, toujours soupçonnés d’imposer un ordre _ « fasciste« , a-t-il malencontreusement échappé, un jour à Barthes, qui s’est, plus heureusement, repris plus tard là-dessus… _ et de réclamer un sens _ mais c’est bien le moins !.. _,

l’œuvre _ des arts plastiques, tout au moins (et « d’art contemporain« …) : Jean Clair en distingue, au chapitre VI, « L’action et l’Amok », les cas des œuvres de musique et de danse, davantage « incorporatrices« … ;

pour la photo, je renvoie à l’« incorporation«  de la vie et de ses mouvements, mais oui !, dans l’œuvre (jusqu’au flou…) de mon ami Bernard Plossu ; cf, par exemple, mon article du 27 janvier 2010 sur le livre (aux Éditions Yellow now) et les expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison de mon amie Michèle Cohen, à Aix-en-Provence), admirables !, Plossu Cinéma : L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma_,

plutôt qu’un savoir à acquérir _ et « incorporer« , donc _,

posséderait le privilège, le pouvoir, la magie de se livrer sans peine _ au dilettante : l’adepte du plaisir sans peine : surtout jamais la moindre « peine«  ! _,

dans une profusion de significations possibles et contradictoires _ ludiquement ! quelle fête !.. Quelle caricature-là de « liberté«  ! à pleurer de cette fausseté ! _

qui répond au goût contemporain d’abolir _ sociologiquement, du moins : à la Bourdieu… _ les distinctions, les hiérarchies et les frontières _ au profit de la nuit dans laquelle toutes les vaches sont noires…

A quoi bon l’histoire, la géographie,

à quoi bon la lecture ?

A quoi bon tant d’efforts

quand tout paraît _ bien illusoirement : ici, lire Freud, L’Avenir d’une illusion _, comme ici, livré _ et sans le moindre effort de soi _ d’un coup ?

Le monde ancien _ celui de la culture : humaniste… _ était lent et discursif. Le monde moderne _ ou post-moderne _ en une seconde prétend s’ouvrir _ de lui-même _ aux yeux _ bonjour les gogos ! Triomphe de la photo, de l’écran, de l’affiche, du schéma, du diagramme, du plan _ du moins de leurs usages immédiats paresseux et lâches…

Au mot, qui était mémoire et mouvement _ voilà ; cf Chomsky ; et Bernard Stiegler : passim… _, on substitue, impérieuse, immédiate, immobile, imposée _ surtout : à la passivité anesthésiée _, l’image _ cf ici l’admirable travail de la chère Marie-José Mondzain : Homo spectator Là où il y a un tableau, il n’y aurait plus besoin de mots. Ce qui est vu efface _ voilà ! _ ce qui est lu ; pire encore, se fait passer _ on ne peut plus mensongèrement _ pour ce qui est su. Le tableau dresse un écran que l’on voudrait protecteur entre le monde _ et le réel, donc ! tenu à distance, et demeurant inconnu : c’est bien là un dispositif efficace d’obscurantisme !.. _ et soi « , pages 54-55,

au sein du chapitre IV, « Les Abattoirs culturels » ;

la formule donnant son titre à ce chapitre étant empruntée à l' »érudit libertin » et « créateur du musée, aujourd’hui disparu, des Arts et Traditions populaires« , Georges-Henri Rivière, au début des années soixante-dix ; et la citation se trouve au final du chapitre, aux pages 59-60 :

« Le succès _ vrai ! _ d’un musée ne se mesure pas au nombre de visiteurs qu’il reçoit, mais au nombre de visiteurs auxquels il a _ vraiment _ enseigné _ non superficiellement _ quelque chose. Il ne se mesure pas au nombre d’objets qu’il montre, mais au nombre d’objets qui ont pu être _ vraiment _ perçus par les visiteurs dans leur environnement humain _ vrai. Il ne se mesure pas à son étendue, mais à la quantité d’espace que le public aura pu raisonnablement _ = vraiment _ parcourir pour en tirer un véritable _ voilà le concept décisif ! il est de l’ordre du qualitatif, pas du quantitatif ! _ profit. Sinon, ce n’est qu’une espèce d' »abattoir culturel » »  _ voilà !..

Il existe aussi des personnes qui osent dire la vérité ;

et pas seulement rien que des carriéristes inféodés à leurs (tout) petits et misérables ! intérêts..,

après lesquels _ « Après nous, le déluge !«  ; ou encore les vacances ad vitam aeternam aux Seychelles… _ le monde peut bien, à la Néron incendiant Rome, disparaître : tout entier et à jamais…

Le chapitre V, « Le temps du dégoût« , montre, alors, excellemment comment les objets de rebut, les excrétions digestives, ont fait leur entrée en fanfare (ou bling-bling) dans les lieux et milieux les plus prestigieux ;

page 64 : « Les institutions muséales les plus prestigieuses, le Louvre et Versailles, en premier lieu, devaient _ dans la course au succès ! et aux revenus du tourisme : quelle industrie prospère ! et au si bel avenir… _ devenir des galeries _ d’exposition up to date_montrer _ aussi ! _ la création « vivante ». Dans un élan conjoint, ces lieux de mémoire qui avaient fini par perdre leur sens en oubliant leurs origines, tentèrent _ donc : pour un pari juteux (du moins pour les quelques « initiés«  qui allaient s’en mettre plein les poches : mais y a-t-il autre chose que cela qui « vraiment«  les « intéresse » ?.. _ de suivre une cure de rajeunissement en imposant, contre tout bon sens, l’idée que les créations les plus audacieuses, les plus choquantes, les plus immondes, les plus idiotes souvent de l’art d’aujourd’hui s’inscrivaient, sous la griffe distinctive _ voilà le truc : la marque, le logo ! _ d’« art contemporain », dans l’histoire des chefs d’œuvre d’autrefois. A défaut de pouvoir continuer sa propre histoire, qui était, on l’a vu, forclose, le musée devint ainsi l’agent, le promoteur, l’impresario d’une histoire fabriquée » _ mensongère, falsifiée autant que falsificatrice (de l’Art et de la culture) : page 64, donc….

Et Jean Clair de prendre alors l’exemple d’un Jeff Koons : après son mariage, puis sa séparation d’avec la fameuse Cicciolina

_ « Cicciolina est le surnom donné à une jeune fille rose et fondante, mais qui désignait peut-être plus précisément une partie de son anatomie qu’elle exposait sans gêne _ voilà ! un exhibitionnisme : vendeur… _ et qu’en latin, vu son apparence, on appelait souvent le petit cochon. La Cicciolina fit la fortune de l’homme avec qui elle s’affichait alors _ cf le livre très important de Michaël Foessel, La Privation de l’intime ; plus mon article du 11 novembre 2008 : la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie : ces phénomènes font système !.. _, dans les années quatre-vingt, un certain Jeff Koons, dadaïste attardé, qui se plaisait à façonner de petits cochons roses en porcelaine. La Cicciolina fut élue député au Parlement de Rome ; puis, devenue mère, coule aujourd’hui, retirée du monde, des jours de mamma comblée » ; fin de l’incise « Cicciolina« , page 65.

« Jeff Koons est entre-temps _ en effet _ devenu l’un des artistes les plus chers _ nous y voici ! _ du monde. La mutation s’est faite à l’occasion des transformations d’un marché d’art _ voilà ce dont il s’agit ! _ qui, autrefois réglé par un jeu subtil de connaisseurs, directeurs de galeries d’une part et connaisseurs _ vrais _ de l’autre, est de nos jours _ désormais _ un mécanisme _ très finement huilé et hyper-efficace _ de haute spéculation financière _ ici aussi ! _ entre deux ou trois _ guère plus ! _ maisons de vente et un _ tout _ petit public de nouveaux riches _ acheteurs, vendeurs et revendeurs : sur ces marchandises-là aussi…

Jeff Koons s’affiche _ l’image (= le logo identifiable) est le medium privilégié (en puissance d’extension, mondialisée, comme en rapidité de transmission !) de la publicité ; et l’exhibition simplifiée jusqu’à la caricature facilite l’identification du spectateur attrapé (médusé) : la plus rudimentaire et grossière possible, pour l’immédiateté du réflexe conditionné de peu regardants peu regardeurs !.. _ aujourd’hui,

non plus échevelé comme les artistes romantiques,

moins encore nu et ensanglanté comme les avant-gardistes des années soixante-dix,

mais comme un trader de la City, attaché-case à la main et rasé de frais, _ parfaitement _ adapté _ voilà _ à son nouveau public _ et clientèle ! _ et totalement fondu en lui comme un homo mimeticus » _ ce qui favorise, nous y voici, l’élémentaire (= simpliste) identification, vite fait, bien fait (et mortifèrement ludique ! cf ici les fortes intuitions de Philippe Muray : un bien festif « Après nous le déluge !«  ; cf en particulier, de Muray, le fort réjouissant Festivus festivus…) a minima _, page 65.

C’est que « la consécration _ lui _ était venue _ mutation d’image magique ! par adjonction d’« onction«  d’aura archi artificielle !.. _ par Versailles. On l’y exposa, on l’y célébra, on l’y décora ; demain peut-être on l’y vendrait _ on va (et très vite) y venir : on commence déjà à vendre des morceaux immobiliers de ce patrimoine national…

Jeu spéculatif à l’accoutumée : des galeries et des intérêts privés financent _ oui : ils « investissent » !.. _ une opération _ promotionnelle, (hyper-luxueux !) marketing aidant… _ dont une institution publique comme Versailles semble _ bien sûr : la confiance (des gogos = la crédulité !) est nécessaire à ce (gros) jeu-là… _ garantir le sérieux ; on gage des émissions éphémères et à haut risque _ tout de même ! _ sur une encaisse-or qui s’appelle le patrimoine national«  _ résultat des courses : ni vu, ni connu, l’opérateur, en cette nuit (de l’art) où toutes les vaches sont devenues semblablement (= également !) noires ! par un tel tour de passe-passe « égalisateur« , ici à très haut prix (de vente) !.. ; page 66.

Et « Koons à Versailles ou à Beaubourg n’est que l’exemple _ en effet ! _ d’une longue série de phénomènes _ de sur-cotation (astronomique : jusqu’au vertige ; pour les autres, surtout, qui n’ont pas ces moyens : ils en sont ébaubis…) ! _ semblables. (…) Pas moyen, naguère, de visiter une exposition au musée d’Orsay sans se voir imposer _ par toute simple (= toute bête) contigüité ! il suffisait donc d’y penser… _ l’œuvre d’un minimaliste pour vous convaincre _ ou persuader _ que Böcklin ou Cézanne n’avaient jamais fait que l’annoncer _ ah ! les « précurseurs«  en Art : tout se tient ; pourvu qu’on y ait été un minimum « initié«  (…) Le Louvre a cédé son nom _ son logo : cf le livre de Naomi Klein, No logo, la tyrannie des marques... Encore fallait-il qu’il fît la preuve que ce nom _ cette marque, ce logo bien identifié et excellemment reconnu (l’« Art » !) sur la place des valeurs (d’abord marchandes : vive la confusion !) : ici le nom « Musée du Louvre«  _ était devenu la griffe des produits de la plus haute modernité«  _ puisque tel est ici le nec plus ultra

« Jeff Koons n’est que le terme d’une longue histoire de l’esthétique moderniste qu’on appelle aujourd’hui le décalé » _ sur un marché sur lequel il importe de « se distinguer«  (un minimum…) des concurrents ; ensuite, il ne suffit pas de « se décaler«  pour accéder, rien qu’ainsi, à une vraie « singularité«  de l’œuvre même ! à un (« vrai« ) style d’auteur ! C’est que la probité joue encore, et résiste, plus que jamais, ici ; à l’inverse des modes, versatiles, elles… _, page 67.

« L’usage du mot « décalé » dans la langue de la publicité _ voilà : nous sommes dans le petit monde de la communication et du marketing : strictement (et petitement) commercial ! _ est apparu il y a sept ou huit ans. Rien d’intéressant _ pour le vulgum (ou pas !) pecus du « public« , surtout un peu « branché«  ! Il a bien sûr ses organes (efficaces) de presse et ses médias _ qui ne soit « décalé » » _ sur le marché de l’art, quand les produits à vendre (acheter et re-vendre, du point de vue des acheteurs) sont en terrible concurrence… Et c’est alors (et dès lors) « le monde à l’envers donc. L’âne qui charge le maître de son fardeau et qui le bat ; le professeur traduit en justice pour avoir giflé l’élève qui l’insultait ; le bœuf découpant son boucher au couteau ; les objets de Koons déclarés _ voilà ! et « crus«  par des ignorants bien peu « regardant(s) » !.. _ « baroques » _ vive la confusion ! _ appendus dans les galeries royales. Fin d’un monde«  : page 67.

« Tout cela, sous le vernis festif _ le feu des ors (vrais, eux) des Palais _, a un petit côté, comme à peu près tout désormais en France, frivole et funèbre, dérisoire et sarcastique, goguenard et mortifiant _ comme c’est magnifiquement juste ! Sous le kitsch des petits cochons roses de Jeff Koons, la morsure de la mort. Sous la praline, le poison«  _ du nihilisme, et de son sado-masochisme insidieux (et même de plus en plus carrément décomplexé ! pourquoi donc si peu que ce soit se gêner ?!..) : page 69.

C’est que « l’œuvre d’art, quand elle est l’objet d’une telle manipulation financière, et brille d’un or plaqué dans les salons du Roi-Soleil, a plus que jamais partie liée avec les fonctions inférieures _ excrémentielles _, illustrant les significations symboliques que Freud _ cf le stade sadique-anal de la sexualité infantile ! Nous y passons tous, mais aussi nous le dépassons ; sauf fixations névrotiques, précisément… _ leur prêtait. On rêve de ce que Saint-Simon, dans sa verdeur _ en effet : celle qu’aimait tant Proust _, aurait pu écrire de ces laissées de marcassins déposées à Versailles. Elles lui eussent rappelé peut-être la mauvaise plaisanterie du Chevalier de Coislin : « Je suis monté dans la chambre où vous avez couché, j’y ai poussé une grosse selle tout au beau milieu sur le plancher »... » _ in les Mémoires (1691-1701) de Saint-Simon, La Pléiade, 1983, page 596.

Et Jean Clair de rappeler, page 70 :

« J’ai autrefois tenté de relier entre eux les multiples aspects, dans une époque qu’on appelle désormais « post-human », d’une « esthétique du stercoraire » :

« Le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût.

Exhibition du corps, désacralisation, rabaissement de ses fonctions et de ses apparences, morphings et déformations, mutilations et automutilations, fascination pour le sang et les humeurs corporelles, et jusqu’aux excréments, coprophilie et coprophagie : de Lucio Fontana à Louise Bourgeois, d’Orlan à Serrano, de Otto Muehl à David Nebreda, l’art s’est engagé dans une cérémonie étrange où le sordide et l’abjection écrivent un chapitre inattendu de l’histoire des sens. Mundus immundus est ?«  _ in Jean Clair, De Immundo, Éditions Galilée, 2004.

Et c’est sur cet aspect-là (un peu trop de complaisance au trash !) de la contribution de Julia Peker à son livre commun _ très éclairant ! _ avec Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (aux Presses Universitaires de France), que Francis Lippa avait émis une réserve lors de son entretien avec Fabienne Brugère le 23 novembre 2010 ; cf mon article du 26 novembre : Dialogue sur le penser des Arts : lire le “Philosophie de l’art” de Fabienne Brugère et Julia Peker, ou comment apprendre des avènements progressifs des Arts, aujourd’hui ; ainsi que le podcast de cet entretien…

« Il y a une dizaine d’années _ poursuit Jean Clair, pages 70-71 _, à New-York, une exposition s’était intitulée Abject Art _ Repulsion and Desires. On franchissait là un pas de plus dans l’immonde, dans ce qui n’appartient plus à notre monde. On n’était plus dans le subjectus du sujet classique, on entrait dans l’abjectus de l’individu post-humain.

C’était beaucoup plus que la « table rase » de l’Avant-Garde qui prétendait desservir l’apparat dressé pour le festin des siècles. L’art de l’abjection nous entraîne dans l’épisode suivant, le post-prandial : ce que le corps laisse échapper de soi quand on a digéré. C’est tout ce qui se réfère à l’abaissement, à l’excrétion.

On se demande _ très pragmatiquement _ si un tel art peut avoir droit de cité _ de facto ? ou de jure ? Bien démêler la confusion… Et comment obtenir _ de facto, donc _, non seulement l’accord _ effectif _ des pouvoirs publics, mais leur _ encore plus effectif ! _ appui financier et moral _ les deux : chacun des deux épaulant adroitement l’autre ! _, puisque c’est _ de facto ! _ un art qui se voit _ désormais _ dans toutes les grandes manifestations _ et cette « grandeur« -là est indispensable à la réussite pratique de telles opérations : le « petit«  n’ayant pas la moindre aura ! et donc nulle retombée financière effective ! Donc plus ce sera gros, plus (et mieux) ça passera ! _, à Versailles comme à Venise ? » _ où règne encore (et vient moult se visiter, ou « consommer« , touristiquement : même à dose infinitésimale…) la « grandeur«  magnifique d’un éclatant passé qui continue de briller un peu : en un monde de plus en plus uniformément gris, lui ;

cf ici, la prolifération (calamiteuse !) de la banlieue de par le monde entier, sur le modèle de l’american way of life ; on peut lire là-dessus les travaux de Bruce Bégout (par exemple Zéropolis, l’expérience de Las Vegas ; ou Lieu commun, le motel américain ; ou encore L’Éblouissement des bords de route…) ; ou mon article du 16 février 2009 sur le passionnant livre de Régine Robin, Mégapolis (ou les derniers pas du flâneur…) : Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin

« Pourquoi _ continue Jean Clair, page 73 _ le socius a-t-il besoin de faire appel à ce ressort (dit) esthétique _ voilà : ici lire l’ami Yves Michaud : L’art à l’état gazeux, essai sur le triomphe de l’esthétique _ quand son ordre n’est plus assumé ni dans l’ordre du religieux, ni dans l’ordre du politique ? Est-ce le désordre scatologique, qui s’étale et qui colle, qui peut nous assurer de cette cohésion ? » _ question que je me posais hier, en faisant la queue aux caisses d’un grand supermarché de la « culture« , entre deux piles d’un livre (à la couverture couleur rouge sang) intitulé « Vie de merde » ; et à peine me disais-je cela, que les deux jeunes filles (collégiennes probablement) qui me précédaient dans la file d’attente à la caisse, se précipitaient sur un ses exemplaires… Je n’ai pu m’empêcher de leur dire : « quel titre appétissant !«  ; ce qui ne les a pas du tout dissuadées de le prendre… Soit, le monde comme il va désormais

Et Jean Clair, revenant « à la vieille distinction d’Aristote entre zoe et bios : bios, la vie intelligente, la vie des êtres logiques ; et zoe, la vie primitive, la vie animale, la vie bestiale« , de (se) demander, page 74 :

« Ne vivrions-nous pas actuellement une régression vertigineuse _ voilà ! _

du bios à la zoe ?

N’y aurait-il pas là quelque chose qui ressemblerait au sacer

_ cf de Giorgio Agamben, le cycle de l’Homo sacer _

tel que le monde antique l’envisage,

fascination et répulsion mêlées,

tabou et impunité à la fois ?« …

Ainsi _ conclut-il, pages 75-76 _, « dans l’art actuel,

ce n’est pas d’un certain goût que nous ferions l’apprentissage,

mais de l’abandon au contraire du dégoût inculqué dans l’enfance, quand les parents tentaient de nous faire comprendre que la maîtrise des sphincters était importante.

On reviendrait ainsi à la position du primate qu’évoque aussi Freud : quand on rabaisse vers le sol un organe olfactif pour le rendre à nouveau voisin des organes génitaux,

alors que tout l’effort de l’homme a été d’adopter la station debout pour s’en éloigner et s’en épargner les odeurs ».

« Prostate des civilisations fatiguées. Débâcle« , conclut ici Jean Clair

_ « nihilisme« , dit, quant à lui, Nietzsche…

On en arrive alors au chapitre-clé, le chapitre VII, « La crise des valeurs« ,

de ce « constat« 

de l’OPA de l' »oligarchie financière« 

sur l' »art contemporain« .

Page 99 : « Les procédés _ commerciaux _ qui permettent de promouvoir et de vendre _ le but principal demeurant, somme toute, le profit (financier) au final des manœuvres spéculatives (financières, est-il besoin de le spécifier ?) de quelques margoulins, mais de haut vol… _ une œuvre dite d’« art contemporain »,

sont comparables à ceux qui, dans l’immobilier comme ailleurs, permettent de vendre n’importe quoi et parfois même, du presque rien«  _ mais pas tout à fait ici dans l’acception (ultra-fine, elle) qu’en fait un Vladimir Jankélévitch…

Page 99-100, un exemple : « Soit un veau coupé en deux dans sa longueur et plongé dans un bac de formol. Supposons à cet objet de curiosité un auteur _ Damien Hirst, pour ne pas (alors) le nommer _, et supposons du coup que ce soit là une œuvre d’art, qu’il faudra _ voilà l’objectif _ lancer _ voilà…

Quel processus _ factuel : à monter et mettre en œuvre… _ justifiera _ du moins en apparence ! de facto ; et non de jure ! _ son entrée _ effective : nous avons affaire à des réalistes hyper-pragmatiques ! pas à de doux rêveurs « bohèmes« _ sur le marché ?

Comment, à partir d’une valeur nulle, lui assigner un prix et le vendre _ de facto _ à quelques millions d’euros l’exemplaire, et si possible _ quelle magique multiplication ! c’est la formule même (et le filon !) du « veau d’or«  !.. _ en plusieurs exemplaires ? Question de créance _ voilà !!! _ : qui fera crédit à cela ; qui croira _ voilà ! _ au point d’investir ?«  _ tel est bien l’enjeu de fond et fondamental, en effet ! de cette « opération commerciale«  ambitieuse

« Hedge funds et titrisations _ boursières _ ont offert un exemple parfait _ nous y voici ! _ de ce que la manipulation financière pouvait accomplir _ en création de plus-value ! _ à partir de rien _ en l’absence d’œuvre qui soit réellement tangible, même parfois… On noiera d’abord la créance douteuse dans un lot de créances un peu plus sûres. Exposons le veau de Damien Hirst près d’une œuvre de Joseph Beuys, ou mieux de Robert Morris _ œuvres déjà accréditées, ayant la notation AAA ou BBB sur le marché des valeurs, un peu plus sûres que des créances pourries. Faisons-la entrer par conséquent dans un circuit de galeries privées, limitées en nombre et parfaitement averties _ condition sine qua non, mais qui se trouvent ! _, ayant pignon sur rue, qui sauront _ habilement _ répartir les risques encourus _ il y en a toujours un minimum… Ce noyau d’initiés, ce sont les actionnaires, finançant le projet, ceux qui sont là pour « éclairer », disent-ils : spéculateurs de salles de vente ou simples amateurs, ceux qui prennent les risques. Ils sont au marché de l’art ce que sont les agences de notation financière mondiale, supposés guider _ de leurs conseils d‘ »experts«  hyper-compétents et avérés… _ les investisseurs, mais qui manipulent en fait _ eh ! oui … _ les taux d’intérêt et favorisent _ très efficacement, en sous-main _ la spéculation.

Promettons par exemple un rendement d’un taux très élevé, vingt à quarante pour cent à la revente, pourvu que celle-ci se fasse, contrairement à tous les usages qui prévalaient dans le domaine du marché de l’art fondé sur la longue durée _ certes _, à un très court terme, six mois par exemple. La galerie pourrait même s’engager, si elle ne trouvait pas preneur sur le marché des ventes, à racheter l’œuvre à son prix d’achat, augmenté d’un léger intérêt.

On obtiendra enfin
_ but not at least _ d’une institution publique, un grand musée de préférence, on l’a vu, une exposition _ bien médiatisée _ de cet artiste : les coûts de la manifestation, transport, assurances, catalogue, mais aussi les frais relevant de la communication et des relations publiques (cocktails, dîners de vernissage, etc.) seront discrètement _ toujours… _ couverts par la galerie ou le consortium qui le promeuvent.

Mais surtout _ clé de voûte de l’opération _ (…), c’est le patrimoine des musées, les collections « nationales » exposées ou mises en réserve, comme l’or de la Banque est gardé en ses caves, qui sembleront _ voilà : la clé du succès est dans le jeu de perspective (de l’ingénieux trompe-l’œil)… _ selon cet ingénieux stratagème _ voilà, voilà _ garantir _ = le socle de la confiance ! _ la valeur des propositions _ au départ très virtuelles et éminemment volatiles… _ émises sur le marché privé » _ avec ce tour de passe-passe (magistral) et confusion (de prestidigitation) du (secteur) « public«  (il conserve donc de l’utilité !) et du (secteur) « privé« , le tour (auprès de l’acheteur-spéculateur) est joué ! : au jeu (embrouilleur virtuose) du bonneteau…

« Bien sûr, le terme de « valeur » ne signifiera jamais valeur esthétique _ mais qui s’en soucie, ici ? Chacun (et tous) a (et ont) bien mieux à faire ! (que cette ringardise…)… _,

qui ressortit à la longue durée,

mais valeur _ marchande (ou d’échange : financière) _ du produit _ le terme d’« œuvre«  n’a plus cours ! Et le qualificatif « d’art«  devient un pur effet de marque, c’est-à-dire de standing social… _ comme « performance économique » _ = profit (en espèces sonnantes et trébuchantes !) à la re-vente _, fondée sur le court terme ; d’un mot, « performance », qui a pris lui aussi , cependant, un sens figuré d’ordre artistique.

Ce n’est en rien la « valeur » _ ni en soi, ni d’usage _ de l’œuvre,

c’est seulement le « prix » de l’œuvre _ en fait un pur et simple « produit« , voire un quasi rien, passant de main en main, de coffre en coffre et compte en compte… _

qui est pris en compte _ c’est le cas de le dire ! _,

tel qu’on le fait _ si habilement ! _ monter dans les ventes« .

Et Jean Clair de citer en note de bas de page ici, page 101,

le « principe _ sans prix; et donc à jamais impayable ! _ de dignité« ,

énoncé par Kant en ses Fondements de la métaphysique des mœurs, en 1785 :

« Tout a, ou bien un prix, ou bien une dignité.

On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ;

en revanche, ce qui n’a pas de prix, et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède une dignité« …


Et Jean Clair de conclure le raisonnement , page 101-102, par cette conséquence

notable :

« Bien sûr aussi, comme dans la chaîne _ ou « pyramide »_ de Ponzi,

le perdant _ car il y en a toujours en ces tractations (de crédulité, qui plus est) !.. _ sera celui qui, dans ces procédés de cavalerie _ voilà le fond de la tractation ! _ ne réussira pas à se séparer de l’œuvre _ tel un mistigri poisseux et collant _ assez vite pour le revendre : le dernier perd tout« …

Nous sommes là bien au cœur de la mise en lumière par Jean Clair,

en cet essai lucidissime qu’est L’Hiver de la culture,

des malversations _ rien moins ! même si très légalement contractuelles _ en jeu ici,

en bien des pratiques dominantes _ même si elles ne sont pas absolument généralisées _ de l' »art contemporain« ,

et de leur participation active _ oui, oui : elles ont des effets idéologiques non négligeables ; quant aux procédures d’« autorité«  de fait, sinon de droit, ayant cours : en les échanges sociaux entre personnes… _ au système nihilisme-cupidité…

Page 102, Jean Clair déduit (et synthétise) donc cette (très réelle) histoire-ci :

« Du culte à la culture

de la culture au culturel,

du culturel au culte de l’argent,

c’est tout naturellement, on l’a vu, qu’on était tombé

au niveau des latrines :

Jeff Koons, Damien Hirst, Jan Fabre, Serrano et son Piss Christ ;

et, avec eux, envahissant, ce compagnon accoutumé, son double sans odeur : l’or,

la spéculation,

les foires de l’art,

les entrepôts discrets façon Schaulager,

ou les musées anciens changés en des show rooms clinquants, façon Palais Grassi,

les ventes aux enchères, enfin, pour achever le circuit,

_ faramineuses, obscènes… »

Et « au-dessus des corps réels _ et du travail ! _ de l’économie réelle

plane l’image désincarnée

des échanges virtuels,

d’une économie volatile

sortie du monde des idées pures«  _ où règne l’intelligence opérationnelle aux manettes (conceptuelles) de la manœuvre… _,

page 104 .

Résultat (fort concret, mais discret _ pas trop affiché au plein jour… _) :

« Une étrange oligarchie financière mondialisée,

comportant _ en ces circuits dominants d’« art contemporain » dans les arts plastiques… _

deux ou trois galeries parisiennes et new-yorkaises,

deux ou trois maisons de vente,

et deux ou trois institutions publiques responsables du patrimoine d’un État,

décide ainsi de la circulation et de la titrisation d’œuvres d’art

qui restent limitées _ « réservées« , ainsi, en un quasi monopole de ce marché : efficacement dissuasif pour la plupart des autres !.. _ à la production, quasi industrielle, de quatre ou cinq artistes…

Cette microsociété d’amateurs prétendus _ ce n’est qu’une posture (d’imposture !!! voilà !) _

ne possède rien, à vrai dire _ voilà le propos de base, l’alpha et l’oméga (de l’amateur homme-de-goût et connaisseur vrai qu’il est !) de Jean Clair ! _,

sinon des titres immatériels ;

elle ne jouit _ mais non… _ de rien,

n’ayant _ en vérité _ goût à rien _ sinon à ce jeu (pervers : sadique, ou plutôt sado-masochiste, plus profondément…) de pouvoir…

Elle a remplacé l’ancienne bourgeoisie riche et raffinée

qui vivait _ elle, vraiment _ parmi les objets d’art, les tableaux et les meubles qu’elle se choisissait _ pour cadre au quotidien de sa vie ; et la nimbant de leur aura _

et dont elle faisait parfois don à la nation :

les Rothschild, les Jacques Doucet, les Noailles en France,

comme les Hahnloser en Suisse, les Stein en Amérique, les Tretiakov en Russie.

Mais surtout société cultivée

qui prenait son plaisir _ vrai : de la joie ! _ à fréquenter, à côtoyer, à devenir à l’occasion l’amie _ vraie, et non factice _,

non d’un homo mimeticus, trader ou banquier lui-même,

qui lui aurait renvoyé au visage sa propre caricature _ voilà la situation de l’impérialisme du mensonge, et de la tyrannie ! _,

mais d’un homme différent d’elle,

étrange _ vraiment (= réellement) singulier ; et pas idéologiquement (= en posture factice) décalé _,

un artiste _ voilà ! _,

un « original » _ au double sens du mot _,

dont elle appréciait l’intelligence et le goût,

comme Ephrussi, Manet.

Cette histoire-là,

qui conclut celle qui commence lorsque Léonard meurt dans les bras de François Ier  

et se continue lorsque Watteau s’éteint entre les bras du marchand Gersaint,

cette longue histoire des protecteurs et des créateurs,

des mécènes et des bohèmes,

des connaisseurs et des artistes

_ voilà ce que fut la richesse culturelle (civilisationnelle) de tels échanges personnels artistiques ; pas de tractations d’ectoplasmes

comptabilisateurs de (pauvres : misérables !) rien que comptes en banque financiers : à pleurer !.. _,

a été l’histoire de l’art de notre temps _ = les « Temps modernes« 

Elle est finie.« 

Et Jean Clair d’y méditer, page 105 :

« C’est là où l’art

peut apporter une lumière décisive sur le sens d’une crise

qu’on dit économique

mais qui est réalité morale et intellectuelle » _ en effet, cher Jean Clair !

Car « l’art produit

non des idées,

non des transactions électroniques,

non des valeurs virtuelles,

mais des objets _ éminemment _ matériels, physiques, substantiels.

Et ces objets _ ce sont des œuvres ! _ ne relèvent pas d’un capital intellectuel ou cognitif,

mais d’un capital spirituel _ voilà ! _,

terme désuet qui ne se rencontre pas dans le vocabulaire de l’économie de l’immatériel »,

page 105

« Un artiste qui meurt

laisse après lui un vide _ de création ! vraiment sans-pareille ! et « incorporée«  à lui, en son « vivant«  plus activement vivant que celui des autres, par la qualité spécifique (élaborée le long de son œuvre) de son « sentir«  _

bien différent

de celui que laisse un autre homme, quelle qu’ait été son importance _ pratique _ dans la société.

La mort de l’homme du commun, vous et moi,

provoque la souffrance de ses proches, de ses amis.

Mais la mort d’un artiste _ vrai ; pas celle d’un imposteur ! _

est plus irréparable

car elle endeuille _ en puissance effective ! et à dimension, non de postérité, mais d’éternité… _

tous les hommes ».


Car : « c’est tout un monde
_ voilà : un « monde«  humain,

via une aisthesis qui s’est élaborée en son rapport au monde (singulier : poétique !) de créateur (vraiment original : pas décalé !) d’œuvres « vraies«  ! ce qui n’est ni immédiat, ni facile : c’est l’aventure longue, patiente et complexe, très fine et très riche, en la finesse infinie de son détail, de l’œuvre (d’Art) d’une vie d’un artiste « vrai«  : pas un vulgaire commercial !!!.. _

qui disparaît avec lui.

Sans doute _ aussi _ laisse-t-il une œuvre _ « vraie« , donc _,

là où d’autres, bien plus célèbres _ car mieux identifiés, ceux-là, de la plupart des autres, en leur « commun« , faute d’une telle singularité (de créateur d’œuvres d’art)… _ de leur vivant,

hommes politiques, leaders d’opinion, chefs d’entreprise, patrons d’industrie,

ne laisseront rien » _ de cette qualité-intensité d’éternité vraie : vraiment singulière !..

« Il _ l’artiste qui meurt _ laisse des objets

auxquels on _ certains « amateurs«  un peu mieux attentifs et lucidement sensibles (que d’autres), ceux-ci… _ attribuera,

un peu légèrement sans doute _ par confusion avec l’« éternité«  : lire ici Spinoza ; et Deleuze… _, la vertu de l’immortalité,

mais des objets pourtant _ soient des œuvres ! _ qui, sans utilité, sans usage _ immédiatement pratique à l’évidence commune, rudimentaire, du moins… _,

sortis du circuit commercial _ c’est-à-dire du profit spéculatif _,

sont des témoins uniques et admirables,

dans leur fragilité et leur vulnérabilité _ du profond à découvrir, délicatement, de la vraie « humanité«  : qualitative, elle ; pas comptable ! _,

empreints de ce sens, comme les vases de Babylone, d’un certain sacré » _ celui, « sens« , et celui, « sacré« , auquel accèdent (seuls, sans doute…) les créateurs d’œuvres d’art « vraies«  _, page 106.

Voilà pourquoi la cupidité nihiliste

qui mène principalement le monde maintenant

est une nef des fous-aveugles

entraînant _ en une régression sadique-anale perverse ?.. _ le reste de la chaîne des non-voyants _ à la Breughel _ vers l’abîme

misérable

du _ merdiquement ! _ rien… 

Voilà donc une contribution admirable à la civilisation humaine non-in-humaine

que cet incisif et lucidissime Hiver de la culture

de Jean Clair,

aux Éditions Flammarion, dans la collection Café Voltaire :

nous y parle très directement une lucidité vraie, de très haute tenue, en sa profonde et essentielle probité

de ce qui fait vraiment (= sensiblement) « monde » pour des humains

non encore in-humains,

en une aisthesis à partager

et cultiver…

Merci d’un tel livre si important !

Titus Curiosus, le 12 mars 2011

Sur la magnifique « Exposition » de Nathalie Léger, Prix Lavinal 2009 : l’exposition de la féminité et l’exhibition (sans douceur, ni charme = sans joie) comme privation de l’intime

14juin

Pour rendre compte

et du délicieux moment, jeudi soir, de la remise du Prix Lavinal à Nathalie Léger, pour « L’Exposition« , aux Editions POL _ Jean-Paul Hirsch, directeur commercial des éditions POL et bras droit de Paul Otchakovsky-Laurens, était lui aussi présent à la fête _, au village de Bages, au milieu des vignes dominant la Gironde du château Lynch-Bages, en cette fin d’après-midi ensoleillée et agrémentée de brises, en ce Médoc très agréablement policé, désormais _ aux allures d’une un peu inattendue très douce Toscane atlantique, en quelque sorte… _,

et de la magnifique conférence _ quelle précision et quelle délicatesse dans l’analyse des nuances du qualitatif ! _ donnée par Nathalie Léger, vendredi soir, dans les salons Albert-Mollat (en dialogue avec Bernard Laffargue, qui avait très soigneusement préparé son programme de « questions« )

et de ma lecture enchantée de « L’Exposition« , plus encore

_ un très grand livre, léger et profond ! quelle maîtrise de l’expression comme des nuances les plus subtiles (et surtout justes !) du penser : une écriture classique « vibrante«  : celle qui a fait dire, à qui ? à André Gide ? en tout cas à Henri Maldiney (en « Regard, parole, espace » _ aux Éditions « L’Âge d’Homme« , en 1973 _que vient citer, à son tour, Francis Ponge dans « Pour un Malherbe« ) : « le classicisme n’est que la corde la plus tendue du baroque« … _,

je m’autorise à citer cette série de messages par courriels que je viens d’adresser :

à l’éditeur ;

et à l’auteur elle-même (en deux fois)…

Les voici dans l’ordre chronologique des envois ;

et selon la « méthode » même qui ouvre « L’Exposition » elle-même :

je lis, page 9 :

« S’abandonner, ne rien préméditer, ne rien vouloir, ne rien distinguer ni défaire

_ face à l’objet à découvrir : ici ce que je désire signifier plus ou moins vaguement à mon correspondant ; c’est un peu moins exigeant, quoique…, qu’une chose-objet à identifier et connaître, en dehors de soi, en son altérité objective (d’objet) qui vous résiste ! _,

ne pas regarder fixement »

_ mais en flux, plutôt, mouvant ; et de biais, qui plus est : sous des facettes variées, diverses et multipliées _ ;

voilà pour les consignes négatives (= ce qu’il faut éviter) ;

et maintenant voici les conseils positifs et dynamiques proposés (« plutôt« , avance avec délicatesse et modestie vraie l’auteur) :

« plutôt déplacer, esquiver, rendre flou

et considérer en ralentissant _ beaucoup de la réussite passe, en effet, par ce chemin-là _,

la seule matière qui se présente comme elle se présente _ simplement : c’est déjà bien assez complexe « à démêler« _, dans son désordre _ apparent _, et même dans son ordre » _ qui a bien du sens, si l’on essaie aussi de le déchiffrer…

Telle est l’ouverture _ fort éclairante, si l’on y fait assez bien attention, et si l’on y revient, à la « relecture » _, de « L’Exposition« … : c’est de l’inspiration et de la méthode, tant de l’écrire que du penser, le plus probe, que nous parle ici, en ouverture de son récit

_ je ne le qualifierai pas de « roman » : ne s’agissant pas ici de ce qu’Aragon, assez expert, lui, en la chose, a pu qualifier de « mentir vrai« … _

l’auteur magnifique, Nathalie Léger, de cette « aventure » d’un « motif« , à l’occasion

_ telle est la circonstance de départ, l' »accident« , on ne peut plus contingent, en sa « rencontre » avec l’auteur, qui met en branle la poursuite de ce « motif » (qui vient « boulotter » _ cf pages 15 et page 17 _ celle qui s’y livre) _ d’une proposition de création (avec « carte blanche« …) ;

à l’occasion d’une proposition (de monter une exposition)

de la part du département « Patrimoine » du Ministère de la Culture…

« Carte blanche » qui sera finalement, au bout du compte (et au vu de l’aboutissement de la recherche) retirée, la liberté des uns nuisant aux ambitions des autres :

cf là-dessus la (superbe de vérité) lettre lue (« par quelqu’un« , dans les services ; pas par « le chargé de mission » qui était le commanditaire du projet : injoignable, lui…) au téléphone, page 149 :

« Enfin, pour être tout à fait explicite, non seulement le projet ne me semble pas conforme à la sensibilité du public _ bien pensant… _ de notre musée _ de « C…« , il faut l’indiquer : une cité riche en souvenirs de Napoléon III, et du Second Empire… _,

mais, de surcroît, l’abjection

_ le projet initial portait très explicitement « sur les ruines« , page 13 ;

et « il était question dans la commande de « sensibilité de l’inappropriable », d’« effacement de la forme », de « conscience aigüe d’un temps tragique » (sic)…, toujours page 13 _

mais de surcroît l’abjection ne rentre pas dans l’idée que nous nous faisons de la mise en valeur de notre patrimoine » _ au-delà de la ville de « C… » même : des querelles à propos des états d’esprit « attendus«  des destinataires (et « publics« ) d’expositions…

Fin de l’incise.

Voici, et dans l’ordre chronologique des envois, ces courriels :

De :   Titus Curiosus

Objet : Sur le portrait (et l’exposition) + blog de Titus Curiosus
Date : 12 juin 2009 08:49:08 HAEC
À :  Editor

Merci de votre conseil de lire « La Cause des portraits » de Jean-Louis Schefer.

Le numéro de juin de la « Revue des Deux Mondes » est intitulé « Actualité du portrait« …
J’y ai, personnellement, tout particulièrement apprécié l’article (pages 152 à 159) que Jean-Pierre Naugrette consacre à Lucian Freud
« Lucian Freud, ou la surprise des corps« 
,
avec en exergue cette parole de Lucian Freud :
« En ce qui me concerne, la peinture n’est autre que la personne. Je veux qu’elle travaille pour moi
comme fait la chair
« .


Soit, ce superbe « travaille pour moi« , le concept « légérien » du « motif qui boulotte«  (pages 15 & 17) :

avec cette parole (à la radio _ page 15) de Jean Renoir, parlant de « La Règle du jeu » :
« Le sujet m’a totalement boulotté !
Un bon sujet, ça vous prend toujours par surprise, ça vous amène
« 


Nathalie Léger a l’art (très précis _ via l’IMEC ?..) des citations magnifiquement éloquentes
parce que de la plus grande justesse !


Nathalie Léger a appris
et « que le sujet, c’est justement lui qui vous tient«  _ au lieu que vous vous le teniez !
et que, ce « sujet« , « il peut ne tenir à rien«  _ c’est-à-dire à apparemment « pas grand chose«  _ ;
« d’apparence ténue le plus souvent, un détail, un vieux souvenir, pas grand chose« ,
il « vous prend et, inexorablement, vous confond en lui
pour régurgiter lentement quelques fantômes inquiétants,
des revenants égarés mais qui insistent
« …

D’où, à l’occasion de la réponse « à une carte blanche sur la ruine«  (page 17),
le « sujet« 
_ mais pas si contingent que cela, nous allons le découvrir, à la suite de l’auteur elle-même en son travail d’« écrire«  _
de « la vie de cette femme, la Castiglione« 
(qui « se fait photographier pour construire, sous l’apparence de la frivolité, ce que Poe appelait « l’habitacle de la mélancolie »  » _ page 92) :

« J’ai été happée, gobée par ce sujet-là.
J’ai tout fait pour le sauver,
c’est-à-dire tout fait pour m’en débarrasser,
mais j’étais déjà subrepticement boulottée par lui…
« 


Et,

le « sujet » devenant dynamiquement « motif« ,
cf le génie (sublimissime) de Cézanne, pages 26-27 :

« Pour en parler,
mieux vaudrait s’en tenir à ce qu’en disent les peintres :

« Je tiens mon motif »
, dit Cézanne à Gasquet _ cf Joachim Gasquet : « Cézanne« , aux Éditions Encre Marine ; et « Conversations avec Cézanne« , aux Éditions Macula. Qu’est-ce que le motif ? « Un motif, voyez-vous,
c’est ça… », dit Cézanne en serrant les deux mains. Il les rapproche, lentement les joint, les serre,
les fait pénétrer l’une dans l’autre, raconte Gasquet.
C’est ça.
« Voilà ce qu’il faut atteindre. Si je passe trop haut ou trop bas, tout est flambé »« .


Pour « faire un motif«  (page 27), « il faut par les mots
_ dans le cas de l’écrivain : les mots sont sa matière, ses moyens d’atteindre la chair,
et de la faire pétrir
_,
rapprocher lentement, conjoindre, faire pénétrer » des détails qui vont se mettre enfin à parler vraiment (= sortir de leur mutité coutumière)

Mais c’est très précisément là aussi le travail de celle qui conçoit et construit une exposition _ sur la Castiglione, par exemple _ ;
et doit « résister » aux conseils et pressions diverses (dans l’épisode du « conservateur en chef » du Musée de C…, pages 68 à 71 ; avant la lettre « coup-de-grâce » au ministère, des pages 149-150)…

Grande chose, donc, _ et sur l’inspiration ! de l’auteur, de l’artiste ! _ que ce petit livre de 157 pages qu’est « L’Exposition » :
l’exposition de soi (à commencer par leur corps), d’abord, de quelques femmes,
dont
,
outre, pages 37 à 39, Isabelle Huppert, par exemple
cf mon article à propos du film (et du roman) « Quignard versus Simenon au schibboleth de la vraisemblance (du “monde” créé) : “Villa Amalia” / “La fuite de Monsieur Monde” »

ou, page 40 (puis page 75), Marilyn Monroe,

la mère de la narratrice (passim

_ et c’est elle le pivot, bien involontaire, de sa part, certes, de ce grand livre _ ;

mais cf d’abord cet extraordinaire épisode de la photo à la plage, page 75 :

« Je me souviens de ma mère, l’été, décidant finalement de quitter sa serviette pour aller se baigner ; (…) elle s’y rend à contrecœur, le corps légèrement ployé à partir d’un point précis, le ventre, le sexe sans doute, se replier sur lui pour le dissimuler et dans cette discrète et pudique inflexion en profiter pout tout effacer, pour tout annuler, son corps, impossible à exposer, ce corps _ impossible d’y consentir« ) ;

mais aussi sa grand-mère (la mère de sa mère : « au corps souverain et idéalement conformé« , lui, page 74 ;

et dont « l’ombre portée » fait fléchir et ployer sa fille : « elle si tendre, si aimante, si confiante » dont le « fléchissement« , le « repli du corps sur lui-même« , « est bien la honte, le mot est comme une tombe« , page 74) ;

cette mère de sa mère, page 153, « le visage féroce et lumineux, cette allure étonnante, ce don d’élégance, le raffinement avec lequel, plus âgée, elle portait des perles en plastique achetées au Prisunic de la rue Gioffredo, l’évidence lorsqu’elle paraît dans l’image _ c’est-à-dire la photographie _, cette certitude » : que d’autres n’ont pas…

Dans un des articles de mon blog « En cherchant bien… »

consacré à cet immense livre qu’est « Zone » de Mathias Énard
« Emérger enfin du choix d’Achille !.. »

repris dans un second : « Le miracle de la reconnaissance par les lecteurs du plus “grand” roman de l’année : “Zone”, de Mathias Enard  »
je reprends l’expression de Mathias Énard de « la pyramide des pères«  _ et de l’injonction qu’elle comporte : au « choix d’Achille » _ :

Il y a donc aussi une « pyramide des mères« ,
mais en creux, elle, « invaginée« …


Ce que figure excellemment dans le livre l’épisode (pages 74 à 77) de la contemplation d’une photo de la mère de la narratrice à la plage _ je le relis :

« Je me souviens de ma mère, l’été, décidant finalement de quitter sa serviette pour aller se baigner« …
à l’eau « si fraîche » alors que « il fait si chaud » :
« pourtant elle s’y rend à contrecœur,
le corps légèrement ployé
à partir d’un point précis, le sexe sans doute,
se replier sur lui pour le dissimuler
et dans cette discrète et pudique inflexion
en profiter pour tout effacer, pour tout annuler,
son corps, impossible à exposer,
ce corps _ impossible d’y consentir
 » (page 75).

Souvenir doublement confronté
à des photos de Marilyn Monroe par Bert Stern
et à la toile « Phryné devant l’Aréopage » de Jean-Léon Gérome :
à leur commun geste
de « cacher son visage » (page 75).
« Ma mère, pour aller à l’eau, aurait dû se mettre son maillot sur la tête« … (page 77) !!!

C’est que les femmes entre elles, elles aussi, sont « terribles » ; et se font « honte« , en une « guerre » dans laquelle il s’agit de mettre « les autres (beautés) en déroute«  (page 10) devant soi…

Je vais achever ma lecture de « L’Exposition » : j’en suis à la page 92 _ c’était le vendredi matin, juste avant que je termine le livre…

Ravi de vous avoir rencontré.

Titus Curiosus


Ensuite, ces deux courriels adressés à l’auteur, Nathalie Léger,

hier soir et ce matin :

De :   Titus Curiosus

Objet : Sur l’exposition de la féminité
Date : 13 juin 2009 18:41:27 HAEC
À :   Nathalie Léger

Bravo pour votre présentation-commentaire, hier soir, de « L’Exposition« .

Le moment du village de Bages, ce quasi soir d’été, parmi ces belles vignes du Médoc, était, en effet, un moment de grâce (infiniment légère : zéphyrée…) :
c’était la joie d’une certaine reconnaissance (des autres : lecteurs…), pour celle qui fut très probablement une jeune fille timide, un peu incertaine d’elle-même :
avant cette « réalisation » en des œuvres
qui en sont vraiment

_ j’ai aussi jeté un œil sur « les Vies silencieuses de Samuel Beckett » ;
de même que je connais votre travail sur et pour Barthes !!!

« Journal de deuil« 

(cf mon article du 4 mars 2009 : « Lire ou pas “Journal de deuil” de Roland Barthes : chagrin à mort versus travail de deuil« ) ;

et « La Préparation du roman I & II« …

Merci de tout cela…

Et hier soir, le dispositif des salons Albert-Mollat a permis de parfaitement bien entendre et goûter la qualité
(de précision, délicatesse et infinie justesse) de votre penser et parler

_ en plus de celle de l’écrire : mais peut-on les disjoindre ?..

Jeudi soir, et non sans mauvaise conscience, je n’avais pas encore achevé la lecture de « L’Exposition« , entamée le matin seulement :
je m’étais procuré le livre dès réception de l’invitation de Denis Mollat
à être de la petite fête de Bages. Je m’en voulais un peu de ne pas avoir eu le temps _ par charge du travail professionnel _ d’aller au point final,
qui, donc, allait être « l’Inexorable« 
(page 157).
Soit ce qui met fin, en « coupant » ses derniers « possibles« , au « destin » d’une vie…
Avec sa théâtralité grandiloquente qui n’échappe pas complètement au ridicule, Malraux l’a formulé ainsi : « la mort transforme la vie en destin« …
Mais le « baroqueux » que je suis
n’est pas indifférent du tout au « memento mori«  : l’expression vient sous votre plume, page 149…

Au passage,
j’ai rédigé le texte de présentation du livret du CD de la déclamation, par Eugène Green, du « Sermon sur la mort » de Bossuet (CD Alpha 920, paru en 2002 & « Sermon sur la mort » de Bossuet) ;
dont le titre est « Lecture de Bossuet : la traversée du mystère, le singulier du Présent » ;
et les titres des sous-parties : « Dans le siècle et au milieu du monde _ chronique du temporel » ;
et « Poétique baroque de la présence : la fraîcheur du vent dans les plis« …

Ce que, page 44 de « L’Exposition« , vous dites de l’absence de vision _ par quiconque (un homme pour une femme, en l’occurrence) _ de « vacillement« ,
de
« tremblante lueur dans ses yeux brillant, comme une flaque de soleil à la surface des eaux » (in Ovide) : le « vacillement » de la joie vraie,
me semble éclairer la sécheresse de cœur de bien des personnes
,
au-delà du cas, ici (assez « gratiné« , il est vrai), de la « marmoréenne » comtesse de Castiglione :
du rivage de sa maison de famille de La Spezia, ne peut-on pas entrevoir les montagnes de marbre de Carrare ?..

Et qu’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit pas, pour ce « vacillement« , de « la fonction de l’orgasme«  (comme la nomme doctoralement Wilhelm Reich),
mais du « vent d’éternité » (irréversible, lui) d’un amour partagé, tout simplement.
Ce qui a fait dire à Spinoza _ un maître de la joie et de la béatitude _ que, parfois, « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels«  :
quand la joie ressentie témoigne effectivement de l’actualisation de notre puissance…

C’est pour cela que je pense qu’une des clés de « L’Exposition » se trouve à la page 111 :
« Et moi qui voulais écrire sur la joie, sur l’ondée intérieure, le froissement là, très haut, saisissant à la gorge, un ravissement, le bonheur,
encore raté
« 

_ la Castiglione mettant son cœur décidément « un peu (trop) bas« …

(ainsi qu’elle se l’entend signifier par l’impératrice elle-même, au bal du ministère des Affaires étrangères, en février 1857 : page 124).

Non : vous dites simplement, dans « L’Exposition » de quelle base il nous faut, chacun d’entre nous, nous élever (nous défaire ; voire nous arracher)
pour atteindre cette rive _ décisive, alors _ de la joie vraie…

Vous en donnez en quelque sorte le « négatif » (photographique).

Et pour des photos de la joie _ et leur flou : la joie est toujours en mouvement (et d’expansion : cf Jean-Louis Chrétien : « La Joie spacieuse« )… _, je vous recommande l’œuvre de mon ami Bernard Plossu…
Il ne fige rien…

Je vais écrire un article sur « L’Exposition » (demain matin, sans doute) ;
que je place à hauteur du roman qui m’avait le plus impressionné, cette saison 2008-2009,
« Zone » de Mathias Énard : en un tout autre style ;

j’aime les deux…

Voici l’article sur « Zone » _ du 3 juin 2009 : reprenant un précédent (dès septembre : le 21; le jour de l’automne), à l’occasion de l’attribution du « prix du livre Inter » à ce roman… _ « Le miracle de la reconnaissance par les lecteurs du plus “grand” roman de l’année : “Zone”, de Mathias Enard »
qui justifie ma comparaison :
dans « L’Exposition« , c’est l' »invagination » _ en pyramide inversée _ des filles par rapport à toutes les mères dont elles sont issues,
qui se met en miroir
de la « pyramide des pères » qui accable les fils, en « Zone » (selon « le choix d’Achille« )…


Enfin
_ et vous pardonnerez peut-être cette prolixité gasconne… _,
je vous recommande l’œuvre de Daniel Mendelsohn, centrée sur la construction (très riche, et ouverte) de l’identité,
à partir d’une démarche d’enquête pleine de probité (et de persévérance) _ comme la vôtre…


Voici ce que j’en ai écrit sur mon blog « encherchantbien » en deux articles, les 8 et 9 février derniers, à propos de « L’Etreinte élusive » : « Désir et fuite _ ou l’élusion de l’autre (dans le “getting-off” d’un orgasme) : “L’Etreinte fugitive” de Daniel Mendelsohn » &, commentant le précédent, « Daniel Mendelsohn : apprendre la liberté par l’apprendre la vérité : vivre, lire, chercher »

Il faut lire aussi le plus admirable encore (que « L’Etreinte élusive« ) « Les Disparus« …
Vous découvrirez l’importance qu’y prennent les photos !!!

Mais pas pour « se dégoûter » (ni dégoûter les autres) « de la figure humaine« , comme vous le relevez, page 94, dans le délicieusement vénéneux « La Curée » _ de Zola : une cuvée délectissime, en effet…
Si vous ne le connaissez pas, essayez de jeter un œil sur le film (excellent) qu’en a tiré Roger Vadim, en 1965…

Et de cette enquête sur le chantier complexe et riche de l’identité personnelle,
Daniel Mendelsohn achève, en ce moment même en France et à Paris, le troisième volet :
sur ce que la culture (et la littérature) française(s) a (et ont) apporté au déploiement _ non achevé : le processus se poursuit… _ de son identité.

Bien à vous,

Titus Curiosus


P-s : j’espère que Monteverdi vous a mise en joie ;
il y a quelques années,
j’avais été comblé par un admirable « Retour d’Ulysse dans sa patrie« , dirigé par William Christie,
sur cette scène splendide du Grand-Théâtre (de Victor Louis : de 1776, il me semble)…

Suivi, ce matin à l’aurore de cet autre courriel, complétant le premier :

De :   Titus Curiosus

Objet : et l’exhibition comme « privation de l’intime »
Date : 14 juin 2009 07:43:17 HAEC
À :   Nathalie Léger

Suite à mon mail d’hier soir :

Et le contrepoint de « l’exposition » instrumentalisante (de soi ; ainsi que de rapports à d’autres que soi),
est

ce que le philosophe Michaël Foessel appelle très justement : « la privation de l’intime« .

Nous sommes alors aux antipodes de ce « charme« , de cette « douceur » vraie du regard, qui font si cruellement défaut à la Castiglione… :
en plein dans la « guerre » de ces armes que sont les apparences organisées
(de soi et de quelques autres, s’y prêtant),
celle qui vise la « déroute » des adversaires : sur un certain marché des séductions (et des images)…

Voici, si vous avez un peu de temps, ma réflexion (en un article de mon blog, le 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« ) sur ce phénomène d’instrumentalisation et de pouvoir
bien à l’envers (et aux antipodes) de la joie
:
cette « joie » espérée, dites-vous en un éclair (qui illumine beaucoup des ténèbres arpentées dans « L’Exposition » !) : « l’ondée intérieure« , « un ravissement, le bonheur« , dites-vous si éloquemment page 111.

Mais si c’est « encore raté«  (dites-vous, page 111) cette-fois-ci,
ce n’est que pour l’objectif d’écriture
_ la « joie » ; et non pas « l’abjection« , après la « férocité«  _ de ce récit-ci (de « L’Exposition« ) : autour du projet
(= « une carte blanche proposée par la direction du Patrimoine« , page 13 ;
et pour la réalisation de laquelle on vous « proposait le Musée de C… » ) ;

autour du projet d' »exposition » sur le motif de la « ruine« 
_ qui ne se réalisera finalement pas,
suite au « refus » de votre « choix de la photo du reliquaire » par « le conservateur général du musée de C…« , ayant « écrit au ministère » son (vif ; et acerbe) mécontentement (page 149) ;
et
« le chargé de mission«  au département du « Patrimoine » du Ministère de la Culture devenant soudain injoignable : «  »sa mission est achevée », me dit-on« , page 150 ;
et par là-même s’est achevé le projet de l’exposition « sur les ruines » (page 13)… _

autour du mystère
de la férocité du regard

_ ainsi que de la très durable (jusqu’à sa mort) fascination pour sa propre image (photographique) :
« elle  se fait construire, sous l’apparence de la frivolité, ce que Poe appelait « l’habitacle de la mélancolie »«  ( page 92) _
de la Castiglione :

dont vous finissez (pages 142-144) par dégager sans doute le « secret » (« elle se saoule d’abjection« ) dans l’image que vous finissez par exhumer, « dans les sous-sols du musée de C… » :

« Voilà. C’est elle« , page 142 ; « je sais que c’est celle-là« , page 144)
la photographie du « reliquaire » au « chien mort«  (page 142) :
« autour de la dépouille de son chien mort _ « Sandouya » ? « Kasino » ? (page 50) _, la vieille Castiglione (…) s’agenouille la tête dans les mains et rejoue la scène de la déploration.
Elle devient chose parmi les choses, corps putréfié parmi la pourriture, seul tombeau possible pour son ineffable beauté, enfin
«  (page 142) ;

et encore ceci :
« Après l’enivrement de sa beauté, après l’extase,
elle se saoule d’abjection
« 
(page 143).


Car « ce » n’est pas du tout « raté« 

dans la vie qui est la vôtre,
puisque,

si vous savez dire (page 111) avec autant de sérénité que vous désiriez écrire « sur la joie » (et « le bonheur » qui en émane),
on sent bien que vous en avez une expérience précise de la réalité

et de la valeur

_ et combien, a contrario, le cas de la Castiglione en constitue le contre-exemple monstrueux…

De même que c’est une absolue réussite (d’écriture et de pensée)
que ce récit si juste
sur l' »exposition » de soi aux autres

en confrontant, même si c’est fort discrètement, l’histoire de votre mère

_ cette dernière aux prises avec sa propre mère, avec son fiancé et mari, et avec « Lautre » ;
ainsi, même si c’est très discret, qu’avec vous-même, sa fille : mais en contrepoint heureux, cette fois !.. :

« étant moi-même à ses côtés (et non « contre » elle), la soutenant, l’aimant, et elle, si tendre, si aimante, si confiante« , dites-vous de vous deux, très brièvement, page 74 ;

et vous lui rendez par là, et très discrètement, un magnifique hommage :

elle qui fut tout à la fois « joyeuse _ revoilà donc l’élément décisif ! _, scrupuleuse et songeuse« , dites-vous d’elle (et c’est presque la fin du récit de « L’Exposition« , à la page 156)…

en confrontant, donc, l’histoire de votre mère

_ mais aussi celle d’une Isabelle Huppert ou d’une Marilyn Monroe, face à l’exposition à la photo _

avec celle de la Castiglione ;

que constitue cette « Exposition » de 157 pages parue chez POL… :
et dont témoigne la réception (heureuse !) par les lecteurs (et ce prix Lavinal)…

Voici donc cet article (du 11 novembre 2008) sur l’analyse de Michaël Foessel de « La Privation de l’intime » : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« …

Bien à vous,
et en osant espérer n’être pas trop importun par cette prolixité chronophage
(de gascon :

je suis aussi cousin avec Adolfo Bioy Casares ; ma mère _ qui a 91 ans _ est née Bioy ; d’une vieille famille béarnaise d’Oloron…)

Titus Curiosus

Ps :
j’ai adoré, sur le rapport avec sa mère, le livre d’Elisabetta Rasy, « Entre nous » (« Tra noi due« , en italien).
Et Elisabetta Rasy est devenue une amie.

En 2004-2005 et 2005-2006, j’ai fait travailler les élèves de mon atelier littéraire et photographique « Habiter en poète » sur le regard sur Rome d’Elisabetta Rasy dans ce roman (mâtiné d’autobiographie), « Entre nous » ;
qui est un « tombeau » à la mère ; de même que son roman « Pausilippe » était un tombeau au père : les deux sont parus en traduction française aux Éditions du Seuil…

L’enjeu de notre atelier (avec le photographe bordelais Alain Béguerie) étant d’aller en huit jours à Rome tenter de « saisir » et « restituer » par l’activité photographique (« inspirée » et persévérante ; ainsi que chanceuse…) le regard sur sa ville d’un grand écrivain contemporain…

En 2002-2003 et 2003-2004, nous avons accompli le même « travail » (merveilleux !) avec _ et dans _ la Lisbonne d’Antonio Antunes en son « Traité des passions de l’âme« .
Mais je n’irai pas jusqu’à dire que j’entretiens les mêmes rapports amicaux avec Antonio Lobo Antunes qu’avec Elisabetta : même si chacun d’eux a bien voulu échanger avec nous durant presque deux heures…

Alors, je me demandai :
comment interpréter vos dernières pages, après l’échec de l’exposition Castiglione-Musée de C… ?
Qui prononce, page 153, les paroles (mises en italiques) : « Or, un soir de novembre, peu de temps après la mort de ma mère, je rangeais des photos » ?
Est-ce votre mère ?..

Et qui dit  (page 154) :
« Certains jours, je suis comme cette vieille qui pleure assise devant les photos qu’elle fait glisser sur la toile cirée avec des gestes trop grands » ;
en présence de
« l’infirmière« 
(?) qui commente « cette manie qu’ont les vieux _ pas tous _ de pleurer dès qu’ils se souviennent« , « en rangeant les photos« ,
si ce n’est vous-même, cette fois :

« je suis comme cette vieille femme, je regarde les visages de ceux qui ont disparu,
je continue à faire glisser les images,
j’arpente le couloir
_ de la vie de chacun ? _ lente, penchée, misérable« 

En 2006, j’ai perdu mon père, né le 11 mars 1914

(en une cité au pied des Carpates, chef-lieu d’arrondisement du Bolechow du grand-oncle Shmiel Jäger de Daniel Mendelsohn, qui le fait revivre dans « Les Disparus« ) ;

homme particulièrement silencieux, avec lequel j’ai toujours eu des rapports assez peu faciles.
Il est mort après 6 mois d’Alzheimer en une maison de retraite à 5oo mètres de chez nous ; plus mutique que jamais.

Et depuis je suis dans un travail de deuil qui me fait, comme vous, « rebattre les cartes« …

Votre pudeur (de fille de votre mère), dans cette « Exposition« , est magnifique.

Outre les livres de Mendelsohn,
je vous recommande, donc, aussi, ces deux livres d’Elisabetta Rasy : « Entre nous » et « Pausilippe » : les photos aussi y sont présentes, et importantes.

Quant à moi, je ne prends personnellement jamais de photos _ je laisse faire mes trois filles…
Et je suis ami avec des photographes : Alain Béguerie ; Bernard Plossu.

Cf mon article, encore : « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra »

« L’Exposition » de Nathalie Léger : un très grand livre, dense et léger (= intense, précis, et sans pathos), de 157 pages ;

comme l’a bien souligné Jean-Michel Cazes au village de Bages, lors de la cérémonie solennelle d’intronisation (« Nathalie Léger à la lumière du Médoc« ) de Nathalie Léger et Jean-Paul Hirsch au sein de la joyeuse et sérieuse Commanderie du « Bontemps, Médoc, Graves, Sauternes et Barsac« …

Titus Curiosus, ce 14 juin 2009

Art et tourisme à Aix _ et ailleurs (4)

07sept

Enfin, un essai de synthèse de réflexion _ sur « Art et Tourisme » _, après ces diverses impressions de « terrain » sur quelques uns des sites cézanniens d’Aix
ainsi que sur Aix-en-Provence elle-même,
et, en particulier, aussi, la fréquentation à toute heure très importante de l’Office de Tourisme,
à la Rotonde sur laquelle débouche la promenade archi-fréquentée, et belle, du cours Mirabeau…

Aix dispose d’un remarquable patrimoine artistique
architectural
_ pour commencer : celui de cette très, très jolie ville provençale _,

mais aussi avec sa large collection de Musées
_ et pas seulement le très riche et nouvellement splendidement ré-aménagé Musée Granet
(avec sa magnifique exposition rétrospective « François-Marius Granet » ;
après la très importante « Cézanne en Provence« , en 2006 ;
et avant une exposition, pour l’été 2009, « Picasso-Cézanne« ) :
le Musée du Vieil Aix,
le Musée des Tapisseries,
le Musée Paul Arbaud,
les Fondations Vasarely et Saint-John Perse,
etc…


ainsi que son si justement célèbre festival de musique…

Autant d’atouts
qui,
en plus du nom de Cézanne et des sites cézanniens
et de la « figure de proue »
de la montagne Saint-Victoire
dominant la ville ;

qui attirent en permanence des flots de touristes
qui viennent y passer et séjourner,
faisant affluer une importante manne
financière ;
à savoir « gérer »


De fait,
l’Office de Tourisme d’Aix
aide à organiser et répartir
, géographiquement ou urbainement, la demande « touristique » d’Art
de la part de ses visiteurs
de satisfaisante manière pour les demandes variées, forcément _ à commencer en fonction de la durée prévue du séjour (notamment hôtelier) dans la ville _,
des uns
et des autres…


Tels ceux, par exemple, qui se satisfont d’un circuit commenté par haut parleur
en petit train roulant

à travers les ruelles de la vieille ville…

Ou ceux qui ont une demande plus « ciblée » :
mettre leurs pas
dans ceux des mieux connus des aixois,
tels Paul Cézanne ;
ou Émile Zola.

Pour lesquels ont été rédigés _ par Michel Fraisset pour l’Office de Tourisme d’Aix _ d’excellents fascicules, avec plans de la ville,
« Sur les pas de » :

« Sur les pas de Cézanne » ; « Sur les pas de Zola« …

Il se trouve que
désirant connaître les auteurs de l’excellent diaporama du Grand-Salon du « Jas de Bouffan »,
j’ai été acheminé par les très serviables hôtesses de l’Office de Tourisme
vers le bureau de la responsable de la communication,
Bernadette Marchand, qui m’a très gentiment fourni le renseignement (« Gianfranco Iannuzzi », auteur de ce passionnant _ très instructif et très beau _ diaporama) que je désirais obtenir pour rédiger mon article ;

et que, lui signifiant mon haut degré de satisfaction des visites des sites cézanniens,
je lui ai indiqué l’unique point qui m’y avait un peu « gêné » _ le panneau « L’art m’emmerde«  (selon Érik Satie ; et Ben !…)
se balançant à la brise juste à l’entrée de l' »Atelier Cézanne » ; de la responsabilité de Ben, donc ;
ainsi qu’une expo Ben
dans l’appentis adjacent à la bâtisse de l' »Atelier« 
_ ;

il se trouve que
le responsable de l’initiative d’accueillir une expo Ben en ce lieu (de pélerinage cézannien) _ Directeur de l' »Atelier Cézanne », ainsi qu’Adjoint de Direction et Responsable de la Communication
de l’Office de Tourisme _,
Michel Fraisset,
se trouvait présent en ce même bureau de l’Office de Tourisme…


Nous avons donc pu, Michel Fraisset et moi-même, échanger _ très aimablement _ un peu,
là-dessus…


Donner à connaître (si peu que ce soit ; ou, plus encore, donner _ ou alimenter _ le désir de mieux connaître) d’autres artistes
à ceux qui viennent « sur les pas de » Cézanne

_ tel un Jean Amado : passionnant ! cf mon article « Parcours d’Art à Aix _ préambule » _ est excellent ;

mais je ne suis pas certain qu’un Benjamin Vautier, en l’occurrence,
« agisse » dans une catégorie (d’Art) du même ordre (d’authenticité et de valeur
_ objective !)
qu’un Cézanne
;

ce qui pose la question de ce qu’il en est,
depuis Marcel Duchamp
, en 1914,
de l’art dit « contemporain » ;

parmi des impostures…

Sur ce point-là,
je me situerai personnellement
, en tant que « spectateur »-« amateur d’Art »,
plutôt dans la mouvance d’un Jean Clair,
l’auteur exigeant de « Malaise dans les musées » (en septembre 2007)
et « Journal atrabilaire » (en janvier 2006) ; « Lait noir de l’aube » (en mars 2007) ; « Autoportrait au visage absent _ Ecrits sur l’art 1981-2007 » (en mars 2008) :
ainsi que de « La barbarie ordinaire _ Music à Dachau » (en avril 2001)…

Bref,
les mal (ou contre) façons d’Art
agacent

_ un brin _
mon épiderme (de curieux d’Art vrai)

La question _ de fond _ devient alors
comment satisfaire la « demande »
_ qualitativement variée _
de ces divers « clients »…


Je reprends ici, et à la lettre près, le très précis paragraphe intitulé « Les Faits »
_ page 178 de la contribution « Aujourd’hui, l’Atelier Cézanne… » de l’album si riche « Atelier Cézanne » (en 2002, chez Actes-Sud) _
sous la plume de Michel Fraisset :

« Comment l’Atelier Cézanne est-il devenu le musée le plus visité des Bouches-du-Rhône en 1999 et le second en 2000 derrière la Vieille -Charité de Marseille ?
Cette augmentation considérable de la fréquentation
et des recettes engendrées
est bien entendu l’effet
d’actions mises en œuvre dès 1998

_ « l’équipe mise en place par l’Office de Tourisme d’Aix arrive _ à l' »Atelier Cézanne » _ fin 1997 » (page 177) _
et largement développées les années suivantes. »

Michel Fraisset précise alors :
« Ces actions peuvent se regrouper autour de quatre pôles :
La communication, l’animation, la gestion, la commercialisation.
En premier lieu, l’idée même du « musée » au sens traditionnel est abandonnée.
On ne parle plus du
« Musée Atelier Cézanne »,
mais de l’
« Atelier de Cézanne »
,
lieu de mémoire et d’histoire,
mais surtout lieu de convivialité, de partage et d’émotions.
Il n’y a plus de
« conservateur »,
ni de
« gardiens »,
ni de
« droits d’entrée »,
vocabulaire impropre pour un lieu
ce culture ouverte.


Les visiteurs
sont aussi
des clients

_ voilà le point crucial.

Dès lors leur satisfaction
doit être prise en compte.
 »
Fin de ce paragraphe,
page 178 d' »Atelier Cézanne » (publié aux Editions Actes-Sud en 2002 par la « Société Paul Cézanne »).

« Être prise en compte » : mais comment ?
Financièrement ? _ et seulement financièrement ?..

Et les « satisfactions » des uns
« équivalent-elles »
_ par quels circuits ? _ à la « satisfaction » _ ou « insatisfaction » _ des autres ?..

Sur quels critères les évaluer ? Est-ce bien de l’ordre _ quantitatif (et visible) _ du « mesurable » ?…

Comment pèsent ici les diverses _ et peu « homogènes » _ « demandes » :
« demandes d’Art »
et « demandes de Tourisme » ?


La « demande » de ceux qui empruntent le petit train parcourant les ruelles de la Cité aixoise _ un semblable petit train est apparu récemment à Bordeaux _ en écoutant le déroulé
du discours pré-enregistré,
est-elle « équivalente »
à la « demande » de ceux qui se mettent « sur les pas » du créateur Cézanne ?..
Ou du créateur Émile Zola ?..

« Sur les pas » étant le titre même

des remarquables fascicules _ avec plans _ diffusés par l’Office de Tourisme d’Aix, rédigés _ fort pertinemment dans le détail même des renseignement fournis et des localisations données avec beaucoup de précision _ par Michel Fraisset lui-même…

Chacun _ « acteur æsthétique » (cf l’excellent livre de Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique » ; ou le tout aussi nécessaire « Homo spectator » de Marie-José Mondzain) _ peut, bien sûr, en « avoir » « pour sa mise » ; ou « pour son argent »
_ voire pour son désir : même si, là, pour le cas du « désir », c’est considérablement moins facilement,

et encore ! c’est un euphémisme,

calculable et encore moins réalisable « à coup sûr » ;
au contraire, même :

n’est « agréé » et « reçu » _ et au centuple, qui plus est ! _, ici,
que ce qui n’était _ même pas _ demandé !..

prévu, prémédité, imaginé, rêvé !..

Ah! ce qui peut être rêvé sur le seul nom d’une ville !…

Sur cela, lire Proust, la « Recherche« …


La seule précaution à (essayer de) prendre _ pour les metteurs en place des « dispositifs » d’organisation des « visites » _
étant
que ne se gêne (pas trop) la « cohabitation » des uns et des autres
;

et en espérant, même _ peut-être avec l’appoint d’un minimum de « pédagogie », mais pas trop « didactiquement » non plus, qui aurait, cette trop didactique pédagogie, le désastreux effet (de fuite) inverse ! _

que
les « touristes » de passage
deviendront
des « ravis »
d’une véritable « émotion »
(= « æsthétique« ) d’Art ;

et plus de simples consommateurs de « clichés » touristiques

_ de type « on connaît ! on vient, même, pour çà !.. »


En cela,
le « système » des « réservations » à l’Office de Tourisme
constitue un utile sas
_ un commode et précieux « goulot d’étranglement », en amont des « flux » d' »inondation »… _
à l’égard des risques de « bouchons » (de foule)…

J’ai en souvenir, par exemple,
le nombre faramineux d’autobus
affluant (et s’alignanten kyrielles) aux (immenses) parkings du château de Chenonceaux
pour y mener des charters entiers de visiteurs de jusque l’autre côté de la planète ;
quand d’autres lieux (tout aussi beaux et tout proches de Chenonceaux, en Touraine)
sont encore préservés de ces foules « consommatrices » bruyantes _ et assez peu « vraiment curieuses » _,

sur le circuit international

des « tour operators« …


Qui a vraiment « intérêt » à cela ? et à « faire du chiffre » ?..


Ou, encore, à Venise, autre exemple, le contraste entre le secteur, passablement encombré (de touristes), entre la Place Saint-Marc et le Pont du Rialto, d’une part,
et Dorsoduro, si tranquille _ lire le merveilleux livre du dorsodurien Pier Maria Pasinetti (1913-2006) : « De Venise à Venise » (« Dorsoduro » étant le titre original de ce livre, en italien)…

Comment éviter que l’afflux en grand nombre
gâte
la rencontre « personnelle »
_ et singulière : c’est un « acte esthétique », pas si fréquent, jamais « normalisé », ni, a fortiori, « formaté »… _
avec l’œuvre
_ en un Musée, ou en une église _
ou avec le lieu…

Se reporter sur ce point

(de la rencontre-découverte : avec une œuvre ou avec un lieu)

au magnifique premier chapitre ( intitulé « La paix du soir _ au risque d’halluciner« )

aux pages 39 à 66 de « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons,

à Syracuse,

décrivant par le détail ce qu’elle qualifie si justement d’« expérience forte« , indiquant même : « Toute expérience forte est nécessairement datée et localisée : c’était le 29 avril 2005 à Syracuse, à la fin d’une journée intense«  (page 42) ; « j’étais en compagnie d’amis siciliens, tous deux aussi émus que moi par ces hasards objectifs _ l’expression est aussi superbe que magnifiquement juste ! _ : mon collègue _ philosophe _ Giovanni Lombardo, et le jeune Emilio Tafuri » _ car les autres participent pour beaucoup aux rencontres et des lieux, et des œuvres… « Nous cheminions sul longomare, las et heureux. Moins directement heureux peut-être que sensibles à un accord musical inattendu surgi entre le monde et nous : nos sentiments et nos pensées nous semblaient atteindre à l’unisson, malgré des destins séparés. « La paix du soir », ai-je alors murmuré, comme si cette expression m’avait été soufflée. Une douce émotion nous envahit tous les trois. Impossible, semblait-il, de ne pas la reconnaître : elle nous enveloppait et nous absorbait, tissant entre nous un double lien, substantiel et musaïque » (page 43).

Je poursuis ma lecture : « Devait-elle davantage sa force à un état du monde ou au vocable ? Quels rôles fallait-il attribuer respectivement à la perception mondaine _ syracusaine, ici et alors _ et à sa formulation ? Silencieux et retenant notre souffle, nous croyions bien « entendre » la respiration du cosmos, miraculeusement pacifiée : n’était-ce pas le monde qui nous parlait diirectement à travers l’équilibre éphémère du crépuscule, alors que le jour le cédait au soir ? N’entendions-nous pas cette voix de façon quasi endophasique, presque comme une hallucination verbale ? Pourtant quelque chose de nouveau se produisit, dès lors que nous nommâmes « la paix du soir » ; la force poétique du phénomène du monde sembla décupler«  (page 44).

Et l’analyse se poursuit… Page 64, Baldine Saint-Girons pose la question : « L’acte esthétique peut-il se programmer ? » ; et elle y répond positivement : « Programmer des actes esthétiques nous est essentiel » (page 65) ; mais cet art demeure, toutefois, extrêmement subtil : « il suffira _ dit optimistement Baldine Saint-Girons _ de se déprendre de toutes choses _ qui retiennent et alourdissent _, de se faire bohémien, de se mettre en voyage _ combien, partis hors et loin de chez eux, y parviennent « vraiment », réellement ? _ : l’ailleurs s’ouvrira« , pose-t-elle, alors, page 65… Soit un acte d’ouverture à une réceptibilité ;

et à une réception effective, quand celle-ci advient, comme en réponse à quelque demande informulée, forcément, de notre part.

Et elle conclut ce beau chapitre liminaire de « L’Acte esthétique » par ces mots : « La « vraie vie » dont l’absence nous taraude serait-elle à notre portée grâce à l’acte esthétique, qui suppose un sujet tourné vers le dehors et un monde réenchanté ? Plus on y songe, plus on se demande si le véritable savoir, celui qu’il est inutile d’arborer, mais qui aide à vivre, n’est pas le savoir esthétique. « La paix du soir » pourrait s’élever de la sorte au rang de mathème, mais de mathème secret, dont la force opérative ne se révèlerait qu’à celui qui vacille sous l’aiguillon de l’æsthesis«  _ qu’il nous faut apprendre, avec délicatesse, à « recevoir » et « accueillir » : avec la plus pure _ épurée _ simplicité… Voilà tout ce qui peut se préparer _ sur (voire contre) soi _, mais ne se produit certainement pas _ jamais, du côté de la rencontre avec l’altérité _ sur commande… Ni ne s’achète ! par conséquent…

Sans compter que la ville, elle-même, doit demeurer vivante ;
pas rien qu’un « conservatoire de patrimoine »,

(ou une accumulation de boutiques de « marques » interchangeables, hélas, d’une ville à une autre)
pour visiteurs étrangers pressés
consommateurs de « clichés » seulement
parmi lesquels ils « se figurent » « reconnaître » quelque chose d' »attendu », déjà, d’eux, sans jamais rencontrer quelque altérité _ objective, et non pas fantasmée, ou virtuelle _ que ce soit !.. C’est qu’elle pourrait bien les « effrayer », pareille altérité…

Car une ville est tissée aussi, et consubstantiellement, de ses propres habitants…


Soit une question que se pose aussi, pour le devenir de sa ville,

l’excellent maire (et philosophe) de Venise,
Massimo Cacciari (de lui, en français, on peut lire : « Le Dieu qui danse« )…

Des questions pour non seulement
l’Office de Tourisme _ et la Ville _ d’Aix-en-Provence,

mais pour les mairies de villes à important capital patrimonial artistique
_ telle la mairie de Bordeaux ;

à l’heure de la candidature au label de
« capitale européenne de la culture »
pour 2013.

Titus Curiosus, ce 7 septembre 2008

Art et tourisme à Aix _ à la recherche du « Terrain des Peintres » (3)

05sept

Toutefois,
avant cette réflexion de synthèse,
sur « Art et tourisme à Aix »
_ et la « mise en tourisme » des « sites cézanniens » d’Aix,

un petit détour
sur ma « recherche »
du « Terrain des Peintres »
sur la colline des Lauves,
au-dessus de l' »Atelier de Cézanne« 

le 21 juillet dernier…

La visite du « Jas de Bouffan » m’avait littéralement « enchanté » :
d’abord, la bâtisse _ ou « bastide » (du XVIIIème siècle) : splendide _ déjà, par elle-même, est magnifique ;

et le domaine,
du moins ce qui en demeure
_ contre les constructions et l’autoroute péri-urbaine qui assaillent et ont déjà considérablement « rogné » ses « terrains » _
est comme miraculeusement « intact », « conservé », « protégé »
_ telle quelque « oasis »
luxuriante, fraîche, « ravissante »
au milieu d’un désert
(de modernité pas aussi belle) « qui croît »…
..
Dès le portail d’entrée du domaine,
et passé l’enclos (de protection),
s’ouvre la perspective de la maison,
en son ordonnance classique tranquille
,
servie
_ pour le regard du visiteur s’avançant _
par la perspective du triangle (s’ouvrant, à mesure des pas) du gazon, entre la (récente) allée rectiligne de peupliers qui s’élargit vers la maison : magnifique.

En cet espace d’accueil,
les œuvres temporairement exposées
_ et triangulairement, elles aussi _
de Jean Amado,
sont « comme à leur place »
_ comme en ce qu’Aristote nomme un (et leur) « lieu naturel« …
La paix du lieu, la fraîcheur du matin déjà tranquillement entamé, vers 10 heures,
le peu de monde
_ un couple seulement est déjà là
(et nous avons trois-quart d’heure d’avance sur le moment de la visite _ fixé par la « réservation ») _ :

tout concourt à une fête de « rencontrer » quelque chose de Cézanne présent
_ toujours peut-être (à qui le « perçoit ») _
en ce lieu…


Et de fait, le Grand Salon (du « Jas »)
qui fut déjà le premier immense atelier de Paul Cézanne
_ avant l’aménagement _ au second étage _ de l’atelier à la haute verrière
(en partie supprimée depuis : comme en témoigne une photo ancienne) _ ;

le Grand-Salon désaffecté de cet ancien usage sien _ d’accueil, réception, séjour _ du temps des Cézanne,
étant alors _ seulement _  un entrepôt de fruits (des vergers),

est émouvant dans son délabrement ;

« aggravé » encore
par le fait que lui ont été ôtées, décollées, arrachées, les peintures que Paul Cézanne y avaient apposées, déposées,

avec l’autorisation, sans doute arrachée elle-même, et non sans quelque lutte, à son banquier (ayant spectaculairement « réussi », lui…) de père…

Le lieu encore désaffecté ainsi
(et même _ ou surtout _ « dépouillé » des « œuvres » du jeune et maladroit _ et « couillard« , selon sa propre expression _ Paul Cézanne)
émeut profondément :

nous sommes invités à pénétrer non pas en un Grand Salon d’apparat,
mais en une sorte de « remise » (ou grenier) littéralement « désaffectée »…

A cet égard,
les images _ accompagnée d’une musique prenante, qui leur convient excellemment _ du diaporama de Gianfranco Iannuzzi
font (re-) vivre, en leur mobilité _ et leur propre « disparition » _ le « génie » mouvant de celui
qui y exerça son activité tâtonnante et fébrile
de créateur _ de peinture, de couleurs vives…


Puis,
le grand jardin _ ou « parc » _ derrière ;
la marre rectangulaire au lion et dauphin de pierre ;
et l’allée de marronniers :
Cézanne est à 1000%
là pour nous…


A l' »atelier gris«  _ ainsi que le nomme Vincent Bioulès _ du chemin des Lauves,
Cézanne est aussi encore présent ;

avec ses vêtements, suspendus à des patères,
ses instruments (de peinture),
ses « motifs » de natures mortes
_ que Marcel Provence
a scrupuleusement « conservés », (r-) ajoutés, mis en scène ;
puis John Rewald et James Lord (et le « Cézanne Mémorial Committee« , en 1954) ;
et Marianne Bourges (« de 1965 à 1996« )…

Le lieu a quelque chose, en effet d’un « sanctuaire« 
_ selon l’expression choisie de Bruno Ely,
intitulant (page 152) sa troisième très précise (et par là très précieuse) intervention _ pages 152 à 165 d' »Atelier Cézanne » (d’Actes-Sud, en 2002) _
concernant la période 1951 (« Mort de Marcel Provence » et « Achat de l’atelier 1951-1954« )
– 1969 (« De l’Université à la Ville d’Aix : 1954-1969« ) :
« Du sanctuaire
au tourisme culturel
« …


Même encore pour nous, visiteurs aujourd’hui, en 2008…

Et on peut comprendre par là la tentation malicieuse
d’un Ben
(« l’art m’emmerde« …)
sous l’autorité _ cependant ! _ de la signature _ ah ! mais… _ d’un « Érik Satie« …

De fait, les visiteurs
_ même en petit nombre (du fait de l' »écrémage » sévère de la « réservation ») _ ;

de fait, les visiteurs
tournant en rond, telles des mouches devant une vitre,
face à ce bric-à-brac (hagiographique) sur lequel ils ne cessent de faire « circuler » leur regard,
de l’un à l’autre objet, puis au suivant,
forment un dispositif de « visite » un peu agaçant et frustrant…

Aussi,
sortir de l’atelier,
et partir
à la recherche des lieux _ un peu plus en hauteur sur la colline _ sur lesquels Cézanne plantait son chevalet face au « motif » de la Sainte-Victoire
est séduisant
:
le dépliant de l’Office de tourisme « Sur les pas de Cézanne » indique
sur un plan baptisé « Les Paysages de Cézanne »
cette mention-ci : « Les Lauves » : « Terrain des peintres« ,
« à deux kilomètres » (de l' »Atelier de Cézanne »)
_ une citation d’Emile Bernard, de février 1904, le formule même, aussi, en toutes lettres :

Sainte-Victoire Pins

« C’était à deux kilomètres de l’atelier en vue d’une vallée, au pied de Sainte-Victoire,
montagne hardie
qu’il ne cessait de peindre à l’eau et à l’huile
(sic),
et qui le remplissait d’admiration« …

Le dépliant rédigé par Michel Fraisset lui-même commente cette expression
(« En février 1904, Emile Bernard accompagne Cézanne « sur le motif » « )
je cite :

« Cézanne s’installe face à la montagne avec son chevalet _ il fallait le transporter _
sa boîte à peinture, sa palette et ses pinceaux.
Il se protège du regard des indiscrets à l’abri d’ombrelles de paysagistes
« …

« A quelques mètres de là, il peint le cabanon de Jourdan« .

Qui ne sait que
« le 15 octobre 1906,
un orage éclate. Cézanne reste plusieurs heures à peindre sous la pluie. Une syncope le foudroie
 » ?..
ainsi que l’énonce (et rappelle) ici Michel Fraisset…

Qui cite encore ceci :
« On l’a ramené rue Boulegon _ son dernier domicile, au numéro 23 _ sur une charrette de blanchisseur
et deux hommes ont dû le monter dans son lit.
Le lendemain, dès le grand matin

_ fidèle à son habitude : vers les quatre heures du matin !!! _,
il est allé au jardin de l’atelier des Lauves travailler à un portrait de Vallier _ son jardinier _ sous le tilleul.
Il est revenu mourant
« …
Fin de la citation par Michel Fraisset ; qui poursuit :
« Cézanne voulait mourir en peignant.
Il s’éteint une semaine plus tard, dans la nuit du 22 au 23 octobre 1906 _  « le décès est enregistré à 7 heures du matin« , est-il précisé en commentaire de l’adresse du 23 rue Boulegon _, des suites d’une pleurésie. »

Avec cet ultime paragraphe de Michel Fraisset
en précision en quelque sorte du titre (du dépliant _ remarquable !!! autant qu’utile) « Sainte-Victoire vue des Lauves » :

« Dans le cadre de sa politique de mise en valeur des sites cézanniens,
la Ville d’Aix-en-Provence a procédé à l’aménagement du
« terrain des peintres »,
aujourd’hui inscrit dans le périmètre du Domaine de la Marguerite.


Face à la  montagne qui, depuis ce panorama, devient
_ en effet
(cf l’œuvre « Le doute et la pierre » de Jean Amado
_ qui était cet été exposée, splendidement, sur le parterre d’entrée du « Jas de Bouffan » ;
et pourrait y demeurer !..) _ ;

Sainte-Victoire Cézanne

face à la  montagne qui, depuis ce panorama, devient
figure de proue,
10 panneaux reproduisent les principales
« Montagne Sainte-Victoire » peintes par Cézanne
depuis le chemin de Marguerite.
« 


Pour ma part,
j’ai suivi avec un immense profit (de joie !),
ce lundi 21 juillet autour de 15 heures,
le chemin de la Marguerite
_ jusqu’au petit square aménagé en bordure d’une route passagère, vers l‘oppidum d’Entremont, et juste avant l’autoroute _,
avec une série de très belles « vues » sur la montagne ;

Sainte-Victoire Trois Arbres

j’ai même félicité une dame sortant de sa villa pour le spectacle permanent dont elle bénéficiait de sa demeure ;

mais je n’ai pas découvert ce lieu « aménagé » (= le-dit « Terrain des Peintres« …) ;

faute d’indications assez précises ;
tant sur le terrain lui-même
(et d’abord, bien sûr !
en dépit de quelques « panneaux », mais insuffisants…) ;
que sur les divers plans disponibles à l’Office de Tourisme d’Aix…

Ici, chez moi, et maintenant,
à tête reposée (et sans urgence) ;
en re-« cherchant » mieux,
je découvre un « numéro 5« 
faisant suite, mais sans commentaire, lui (!)
aux numéros « 1 » (« Musée Granet« ),
« 2 » (« les carrières de Bibémus« ),
« 3 » (« le Jas de Bouffan« ),
et « 4 » (« l’Atelier de Cézanne« , ou « Atelier des Lauves« ) ;

légendé seulement, ce « numéro 5 »
(en un encadré sur la gauche d’un plan général d’Aix
sur le dépliant « Plan Guide _ Aix-en-Provence _ Source d’inspiration » ;
et non pas sur le dépliant ( » Sur les pas de Cézanne« )
;

légendé seulement
« Terrain des Peintres« 
en un emplacement situé entre les Avenues Paul Cézanne, à l’est, Léo Lagrange, au nord, Philippe Solari, à l’ouest,
et la traverse des Capucins
, au sud

En revanche,
j’ai pu, ce 21 juillet-là,
guidé par des panneaux indicateurs, sur la route,
suivre le chemin de la Marguerite ;
m’ y abreuver à une fontaine ;
et croiser d’autres admirateurs de Cézanne,
dont plusieurs japonais et anglais, à la recherche de ce

à quoi se mesurait, pinceau à la main, l’œil de Cézanne…

La prochaine fois,
je me repérerai mieux ;
et

découvrant ces « 10 panneaux
reproduisent les principales
« Montagne Sainte-Victoire » peintes par Cézanne
depuis le chemin de Marguerite
« ,

je pourrai me confronter au « motif »
tel que Cézanne passionnément
s’y confrontait
en ses ultimes années de vie « pour la peinture » (1902-1906)…

Voilà pour cette étape _ sur le chemin de la Marguerite,
et tout près du « Domaine de la Marguerite« , pas encore assez bien indiqué… _ ;

et avant ma synthèse sur « Art et Tourisme à Aix » _ et ailleurs…
J’y viens…


Titus Curiosus, ce 5 septembre 2008

Photographies : Sans Titre, © Bernard Plossu

Art et tourisme à Aix _ la « mise en tourisme » des sites cézanniens (2)

02sept

Et maintenant, le récit de ma seconde visite aux sites de « création » cézanniens à Aix : celle de l’atelier du chemin des Lauves ;

en commençant par ce que je découvre sur le seuil de ce « dernier atelier » de Paul Cézanne ;
ce qui peut se voir dans le jardin ;
ainsi que ce que recèle
, ce mois de juillet-ci, le petit appentis adjacent au bâtiment _ sur deux niveaux _ de l’atelier (« de Cézanne ») lui-même…

avant la découverte de l’atelier en tant que tel,
à la très grande verrière ouverte sur le ciel…

En effet, la « réservation »
_ prise, le matin, à l’Office de Tourisme de la Rotonde _
prévoit que la visite
_ de l’atelier proprement dit, qui occupe, à l’exception de l’arrivée de l’escalier, tout l’étage _
commencera à 13h 30 :
les visiteurs _ il est 13h 20 _ patientent donc sur la petite terrasse bien ombragée devant l’entrée,
qui, assis sur des chaises devant quelques tables de jardin _ en train de « rédiger » quelques cartes postales, ou de se restaurer d’un sandwich ou de fruits _,
qui, assis sur la petite murette surplombant la partie (très arborée) du jardin qui s’étend en contrebas, vers le canal du Verdon qui longe _ toujours _
la propriété, un peu plus bas…
A l’ombre, les visiteurs récupèrent un peu de leur montée de la colline sous le soleil…

Juste devant la porte d’entrée du rez-de-chaussée du (petit) bâtiment,
se balance _ à la légère brise _ un panneau de plexiglas avec l’inscription :
« L’art m’emmerde » « Érik Satie« …
Tiens, tiens !!!

Je découvre alors qu’à l’appentis attenant, sur la gauche, au bâtiment de l’atelier lui-même,
« se tient » une exposition Ben
_ dont se reconnaît le graphisme
qui lui sert, en effet, de marque d’identification _ ou d’ersatz de « logo » ;
et ça marche, la preuve !.. Esse est percipi… _ visibilité, audibilité : le B-A BA de la « com » (audio-visuelle)…

Et, en parcourant la terrasse et ses environs immédiats,
je découvre bientôt d’autres panneaux en plexiglas se balançant légèrement, eux aussi, à la  brise,
dont celui-ci, toujours signé « Érik Satie » : « Si je rate, tant pis !.. C’est que j’avais rien dans le ventre !..«  (sic)…

Cela m’évoque le mot de Beckett, « tout frais » rapporté
_ juste d’hier, en mon petit voyage marseillais _,
en son atelier _ lui aussi !!! _, par Patrick Sainton _ me présentant son travail pictural personnel :
« Rater mieux« …

Une formule (oxymorique) autrement élégante
_ que celle de Satie (et de Ben Vautier…) _,
chez ce virtuose (Samuel Beckett) des formules elliptiques :
« Bon qu’à çà… »
avait été, en effet, sa fulgurante _ mémorable _ réponse
à l’enquête de Jean-François Fogel et Daniel Rondeau
pour un « supplément » _ qui a fait date _ au quotidien Libération :
« Pourquoi écrivez-vous ?« , en 1985…

Bref, « le style, c’est l’homme même« , retient-on de Buffon : celui de Ben,
et celui de Satie,
est assurément distinct
de celui de Beckett
et de Patrick Sainton ;
ainsi, à mon appréciation, que de celui de
Cézanne…

Bref, je préfère, à titre d' »exposition-animation » complémentaire à la visite _ attractive à Aix : un must ! _ de l’atelier de Cézanne, les pièces sculpturales de Jean Amado
réunies ici encore, dans le jardin de l' »Atelier Cézanne », comme à l’entrée de la bastide du « Jas de Bouffan »,
en un « Parcours d’Art » (selon une « idée » d’Alain Paire) :
« La Bogue« , « Le Manège« , « La Mama« , « Le Gardien« , « Le Château d’ocre« , « Vaugeisha« …

bref, je préfère les sereines _ et idiosyncrasiques _ pièces (de sculpture) de Jean Amado à ces provocations _ « conceptuelles » » ? _ de potache
de l’initiative du sieur Benjamin Vautier,
afin de « casser »
ce que pourrait avoir d' »hagiographique »
un « pélerinage » (« culturel » !), cézannien,
ici,
comme il put y avoir un « pélerinage wagnérien »
à Bayreuth _ cf Albert Lavignac : « Le Voyage artistique à Bayreuth« , publié en 1897 à la Librairie Delagrave…

A 13h30, les visiteurs gravissent le petit escalier conduisant à l’atelier proprement dit
occupant
presque tout l’étage.

L’atelier _ « un lieu de vérité« , intitule superbement Bruno Ely sa première très riche contribution (pages 26 à 41) _ est constitué d’une vaste pièce _ « de 8 mètres de long, 7 mètres de large et son plafond sur corniche se trouve à 4,50 mètres de haut » (page 36) _ aux murs « gris clair«  _ selon Marcel Provence ; ou « un gris neutre, indique Gerstle Mack » (toujours page 36) _
qu’inonde de lumière (et de ciel _ et du vert de l’olivette « presque de plain-pied » ; surtout depuis que les oliviers ont pris de l’ampleur : « certes taillée et entretenue, mais qui ne pouvait qu’avoir une incidence sur la lumière« ) une immense verrière _ de « 5 mètres de long sur 3 mètres de haut » (toujours page 36) _ ;
avec, à l’extrémité « droite de celle-ci« , une très haute fente : « une fente verticale, protégée par un portillon blindé, ménagée dans l’épaisseur du mur, permettait de passer les toiles de grands formats comme les « Grandes Baigneuses »… » (page 36) _ cf aussi l’article de Joseph J. Rishel « Verrière et fente à l’Atelier« , pages 70 à 73 de ce même album (du centenaire : 1902-2002) « Atelier Cézanne« , édité par la Société Paul Cézanne et Actes-Sud, en 2002 _ ;

fente
destinée
, donc, à laisser passer au dehors les toiles de très grand format
_ « monumentales« 
: 127,2 x 196,1 cm pour la toile de la National Gallery de Londres, par exemple _ qu’étaient les différentes « Grandes Baigneuses » de Cézanne :
« trois peintures tardives ont nécessité un tel aménagement pour leur permettre entrée et sortie de l’atelier sans qu’il fut nécessaire de les détacher de leur châssis et de les rouler » (page 72) ;

et qui « se trouvent respectivement maintenant à Philadelphie (NR 857),
à la collection Barnes de Marion (NR 856), Pennsylvanie ;
et à la National Gallery de Londres (NR 855)
 » : trois sommets de l’œuvre cézannien…


Joseph J. Rishel en conclut :
« Voilà au moins une référence datée (septembre 1902
_ achèvement de la construction de l’atelier du chemin des Lauves)
permettant d’attester qu’en s’installant à l’atelier des Lauves, le peintre planifiait les grandes œuvres
que dorénavant nous connaissons.
Peut-être avait-il déjà engagé un tel travail :
ne pouvant le poursuivre nulle part

_ pas à l’atelier, plus exigü, de la rue Boulegon _,
il envisagea l’atelier _ du chemin des Lauves _ avec cette fente pour un projet monumental. »

Quant à Philip Conisbee,
au chapitre « L’Atelier des Lauves »
du si beau _ et indispensable à tout « cézannien » ! _ « Cézanne en Provence« 
(livre _ publié par la RMN _
et expo : à la National Gallery de Washington, du 29 janvier au 9 mai ; et au Musée Granet d’Aix-en-Provence, du 9 juin au 17 septembre) de 2006 _
réalisé par Philip Conisbee et Denis Coutagne,

il précise et résume magnifiquement ainsi _ page 259 _ le développement _ pages 252 à 259 _ qu’il vient de consacrer à ces « Grandes Baigneuses » :

« « Les Grandes Baigneuses » sont les plus importantes œuvres provençales de Cézanne,
en raison des souvenirs, des émotions et des désirs qu’elles impliquent

_ voilà qui,
sans entrer dans quelque chose comme des implications (et arcanes) psychanalytiques,
mériterait certainement un commentaire (et une recherche) plus fouillé(s)… _,

peintes comme elles l’ont été dans l’atelier spécialement construit pour elles sur son sol natal.

Elles furent ce dont il rêvait,
une fusion harmonieuse d’un désir érotique incarné dans les figures humaines d’imagination
_ et non d’après modèles (nus) vivants… _ peintes de façon luxuriante
et placées dans un paysage présent et senti

_ dans une lumière doublement radieuse ! si je puis me permettre d’ajouter…

Ces peintures pleines de lumière
_ c’est même un euphémisme ; la lumière venant aussi de l’artiste lui-même, et pas seulement du ciel d’Aix ! _,
montrent comment Cézanne assimilait les leçons apprises alors
_ c’est-à-dire tout au long d' »une vie » (de soixante-trois ans en 1902),
elle aussi (telle la vie de Granet), cher Denis Coutagne,
« une vie pour la peinture« … _ ;

comment Cézanne assimilait les leçons apprises alors
d’après nature

_ le point est, lui aussi, crucial ! _,
par exemple durant ses visites au bord de l’Arc,
où il saisit l’éclat d’un reflet lumineux dans une aquarelle telle que
« Le Pont des Trois Sautets » (cat. 130 _ page 276 de l’album : dépourvue de personnages ; ni baigneuses, ni baigneurs…),
pour l’adapter à une rayonnante aquarelle représentant des nus jouant,
« Baigneurs sous un pont » (cat. 131 _ page 277, en vis-à-vis : le titre étant, alors, « Baigneuses sous un pont« ).

L’impression ouverte et aérée des « Grandes Baigneuses » de Philadelphie (fig. 13) _ poursuit Philip Conibee page 259 _,
avec son
_ = du tableau _ lumineux ciel bleu pâle,
doit sans doute beaucoup aussi

_ et voilà le point qui concerne notre atelier,
sa (grande) verrière et sa (haute) fente ! _

à la possibilité qu’avait le peintre de le _ = ce tableau ! _ faire entrer et sortir de l’atelier,
au point qu’on pourrait dire qu’elle
_ = cette œuvre-ci _ réconcilie parfaitement ses activités _ = de l’artiste peignant _ dans l’atelier avec celles _ toujours peignant _ de plein air,

son imagination et son expérience
_ « expérience » tout uniment d’homme et d’artiste, si intimement mêlés et tissés, l’homme et l’artiste, en cette vie si riche d’attention (« æsthétique », dirais-je, un peu pléonastiquement),
par les œuvres, par les pinceaux s’exerçant par « application » des touches de couleur sur la toile _ ;

son imagination et son expérience _ donc _ de la lumière dans la nature«  (page 259).

Pénétrer ainsi dans l’atelier « gris » _ cf Vincent Bioulès « L’Atelier gris de Cézanne » _
permettant _ au visiteur de l’atelier du chemin des Lauves _ de s’en rendre (si peu que ce soit) compte, d’une irremplaçable _ et mémorable, du moins je le suppose _ façon…

Tel me paraît être ici le « véritable » enjeu _ en un tel « lieu de vérité« , pour reprendre le si juste titre donné à la première (des pages 26 à 41) de ses trois contributions par Bruno Ely… _ d’un juste regard æsthétique, pour qui passe en un tel site…


Alors, comment s’est déroulée cette seconde _ après celle du « Jas de Bouffan » : la chronologie cézannienne étant même respectée _ ;
cette seconde « visite » ?

Au lieu du diaporama passionnant (et accompagné d’une très belle musique) de Gianfranco Iannuzzi,
et des interventions vivantes de la guide-conférencière Christiane,
deux jeunes filles
_ qui « surveillent » aussi ce lieu, dans lequel Marcel Provence a « religieusement  » « conservé » ce qui demeurait là de Cézanne
(après le décès de celui-ci, le 23 octobre 1906
et l’achat, en 1921, de l’atelier qui lui fut cédé par le fils unique du peintre, Jean-Pierre Cézanne ;
et une fois récupéré par la famille le plus précieux des œuvres et des objets personnels de Paul Cézanne) ;

quand, en 1921, Marcel Provence obtint de « veiller » _ sa vie durant (1892 – 1951) : ce qui fera trente ans _ au souvenir de ce génie aixois, si mal reconnu jusque là par les concitoyens de sa ville ;

deux sympathiques jeunes filles, donc, proposent de « répondre » à vos éventuelles questions,
en vous laissant le soin de regarder vous-même

tout seul

le bric-à-brac conservé et/ou accumulé ici,
qui peut vous « parler » de ce que « faisait » (= « créait ») ici même le peintre ;

pour peu que vous vous penchiez sur lui, ce bric-à-brac d’objets divers, et l’interrogiez  _ sinon, il demeure(ra) muet…

De fait, les amoureux de Cézanne « re-connaîtront » maint ustensile peint par le « maître »,
à commencer par le petit « Amour » de plâtre qui a pu être dit « de Puget« 
_ ce géant baroque marseillais (Pierre Puget : 1620 – 1694
cf l‘expo rétrospective de Marseille, au Centre de la Vieille Charité et au Musée des Beaux-Arts, en 1994-1995 : « Pierre Puget, peintre, sculpteur, architecte _ 1620-1694« , publié à la RMN) _ ;

« l’Amour en plâtre plusieurs fois peint par Cézanne, particulièrement vers 1895« ,
précise à propos de cet « Amour » Bruno Ely, page 106,
en sa seconde remarquable contribution, elle aussi, « L’Atelier au temps de Marcel Provence » (pages 78 à 117 de l' »Atelier Cézanne« )
_ cf par exemple « L’Amour en plâtre » (conservé à Londres, au Courtauld Institute), page 107,
ou « L’Amour en plâtre » (conservé au Nationalmuseum de Stockholm), NR 782, page 140 de l’album de l’expo de 2006, « Cézanne en Provence« …

« ce plâtre d’après Duquesnoy avait été attribué à Pierre Puget _ précise encore Bruno Ely, page 106 _ dont Gasquet fait dire à Cézanne : « il y a du mistral _ plutôt, me semble-t-il qu’avec une majuscule : « Mistral » !.. _ dans Puget »… » Et « le moulage de l’atelier est signé « François » _ le prénom de Duquesnoy (1597-1643) _ sur le socle » (toujours page 106 de l' »Atelier Cézanne« ).

Il n’empêche…
le regard se perd un peu
dans ce vénérable bric-à-bac cézannien _ peu ou prou _ ;

faute d’assez de « focalisation »
de notre part de « regardeur »-spectateur ;
pas assez « actif » ici
;

alors que nous aidaient à le devenir _ « regardeur-spectateur » en acte (et « en actes » ; les deux …) _
et le brillant, détaillé et judicieux diaporama (de Gianfranco Iannuzzi),
et les échanges vivants avec la guide conférencière (Christiane)
effectuant, par sa parole mobilisée, un riche mouvement de va-et-vient
entre les éléments physiquement présents du site
(du « Jas de Bouffan »)
et les œuvres de Cézanne élaborées ici même, en leur temps
;
dont la guide-conférencière recherchait, manuellement,
en tournant les pages de son cahier d’œuvres du maître ;
et nous montrait alors, les images

à regarder d’autant mieux…

Artisanalement,
et au rebours d’un produit « tout-fait » _ « packaged » _ se « déroulant » mécaniquement…

Il ne faut pas que tout soit trop « fini » _ cf le mot de Flaubert : « la bêtise, c’est de conclure » ;

et l’Art, nous en préserve, mieux que bien des « savoirs » trop _ faussement _ certains (= « arrêtés »), eux…


L’important, pour le voyageur-visiteur _ qui y passe, « itérativement », un minimum de temps _ est de passer
de la passivité consumériste
(mécanique _ comme sur des roulettes ou des tapis roulants : ce qu’offrent les technologies « automatisées » d’aujourd’hui ; quand il suffit de se brancher sur le disque ou le film, qui se déroule au rythme pré-programmé, c’est-à-dire sans nous…) ;
à l’activité (de son esprit, sollicité, et mobilisé, lui) ;

afin de (re-)prendre en quelque sorte, à son tour, le chemin
de l’œil _ face au motif _
et de la main _ face à la toile _
de l’artiste créant…


Comme ac-compagnant, alors, au présent de son « at-tention »

_ et si possible « intensive », « intensément » _

le « génie » _ tâtonnant _ du créateur que, lui-même, plus ou moins fébrilement, alors « cherchait »
en sa gestique
(assez cahotante et risquée :
Cézanne est connu pour avoir lacéré des toiles : à Bibémus, par exemple…) ;


cela nous renvoyant, encore une fois, à nouveau,
aux problématiques æsthétiques
de « L’Acte esthétique » selon Baldine Saint-Girons ;
et de l' »Homo spectator« selon Marie-José Mondzain…

Après ces deux _ petites _ analyses d' »impressions »
de deux visites de sites de création cézanniennes à Aix
, ce 21 juillet-ci, en l’occurrence,

il me reste à mener
_ en un 3ème et dernier volet de cet article _
une réflexion (de conclusion) un peu plus synthétique
et générale _ voire universelle _
sur Art et Tourisme
aujourd’hui…

Et qui pourrait « intéresser » les villes
_ dont Bordeaux et Marseille
(« avec » le pays d’Aix ;
ainsi que Toulouse et Lyon) _
encore en lice
pour le « label » de « capitale européenne de la culture » en 2013


Titus Curiosus, ce 2 septembre 2008

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