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Sur la magnifique « Exposition » de Nathalie Léger, Prix Lavinal 2009 : l’exposition de la féminité et l’exhibition (sans douceur, ni charme = sans joie) comme privation de l’intime

14juin

Pour rendre compte

et du délicieux moment, jeudi soir, de la remise du Prix Lavinal à Nathalie Léger, pour « L’Exposition« , aux Editions POL _ Jean-Paul Hirsch, directeur commercial des éditions POL et bras droit de Paul Otchakovsky-Laurens, était lui aussi présent à la fête _, au village de Bages, au milieu des vignes dominant la Gironde du château Lynch-Bages, en cette fin d’après-midi ensoleillée et agrémentée de brises, en ce Médoc très agréablement policé, désormais _ aux allures d’une un peu inattendue très douce Toscane atlantique, en quelque sorte… _,

et de la magnifique conférence _ quelle précision et quelle délicatesse dans l’analyse des nuances du qualitatif ! _ donnée par Nathalie Léger, vendredi soir, dans les salons Albert-Mollat (en dialogue avec Bernard Laffargue, qui avait très soigneusement préparé son programme de « questions« )

et de ma lecture enchantée de « L’Exposition« , plus encore

_ un très grand livre, léger et profond ! quelle maîtrise de l’expression comme des nuances les plus subtiles (et surtout justes !) du penser : une écriture classique « vibrante«  : celle qui a fait dire, à qui ? à André Gide ? en tout cas à Henri Maldiney (en « Regard, parole, espace » _ aux Éditions « L’Âge d’Homme« , en 1973 _que vient citer, à son tour, Francis Ponge dans « Pour un Malherbe« ) : « le classicisme n’est que la corde la plus tendue du baroque« … _,

je m’autorise à citer cette série de messages par courriels que je viens d’adresser :

à l’éditeur ;

et à l’auteur elle-même (en deux fois)…

Les voici dans l’ordre chronologique des envois ;

et selon la « méthode » même qui ouvre « L’Exposition » elle-même :

je lis, page 9 :

« S’abandonner, ne rien préméditer, ne rien vouloir, ne rien distinguer ni défaire

_ face à l’objet à découvrir : ici ce que je désire signifier plus ou moins vaguement à mon correspondant ; c’est un peu moins exigeant, quoique…, qu’une chose-objet à identifier et connaître, en dehors de soi, en son altérité objective (d’objet) qui vous résiste ! _,

ne pas regarder fixement »

_ mais en flux, plutôt, mouvant ; et de biais, qui plus est : sous des facettes variées, diverses et multipliées _ ;

voilà pour les consignes négatives (= ce qu’il faut éviter) ;

et maintenant voici les conseils positifs et dynamiques proposés (« plutôt« , avance avec délicatesse et modestie vraie l’auteur) :

« plutôt déplacer, esquiver, rendre flou

et considérer en ralentissant _ beaucoup de la réussite passe, en effet, par ce chemin-là _,

la seule matière qui se présente comme elle se présente _ simplement : c’est déjà bien assez complexe « à démêler« _, dans son désordre _ apparent _, et même dans son ordre » _ qui a bien du sens, si l’on essaie aussi de le déchiffrer…

Telle est l’ouverture _ fort éclairante, si l’on y fait assez bien attention, et si l’on y revient, à la « relecture » _, de « L’Exposition« … : c’est de l’inspiration et de la méthode, tant de l’écrire que du penser, le plus probe, que nous parle ici, en ouverture de son récit

_ je ne le qualifierai pas de « roman » : ne s’agissant pas ici de ce qu’Aragon, assez expert, lui, en la chose, a pu qualifier de « mentir vrai« … _

l’auteur magnifique, Nathalie Léger, de cette « aventure » d’un « motif« , à l’occasion

_ telle est la circonstance de départ, l' »accident« , on ne peut plus contingent, en sa « rencontre » avec l’auteur, qui met en branle la poursuite de ce « motif » (qui vient « boulotter » _ cf pages 15 et page 17 _ celle qui s’y livre) _ d’une proposition de création (avec « carte blanche« …) ;

à l’occasion d’une proposition (de monter une exposition)

de la part du département « Patrimoine » du Ministère de la Culture…

« Carte blanche » qui sera finalement, au bout du compte (et au vu de l’aboutissement de la recherche) retirée, la liberté des uns nuisant aux ambitions des autres :

cf là-dessus la (superbe de vérité) lettre lue (« par quelqu’un« , dans les services ; pas par « le chargé de mission » qui était le commanditaire du projet : injoignable, lui…) au téléphone, page 149 :

« Enfin, pour être tout à fait explicite, non seulement le projet ne me semble pas conforme à la sensibilité du public _ bien pensant… _ de notre musée _ de « C…« , il faut l’indiquer : une cité riche en souvenirs de Napoléon III, et du Second Empire… _,

mais, de surcroît, l’abjection

_ le projet initial portait très explicitement « sur les ruines« , page 13 ;

et « il était question dans la commande de « sensibilité de l’inappropriable », d’« effacement de la forme », de « conscience aigüe d’un temps tragique » (sic)…, toujours page 13 _

mais de surcroît l’abjection ne rentre pas dans l’idée que nous nous faisons de la mise en valeur de notre patrimoine » _ au-delà de la ville de « C… » même : des querelles à propos des états d’esprit « attendus«  des destinataires (et « publics« ) d’expositions…

Fin de l’incise.

Voici, et dans l’ordre chronologique des envois, ces courriels :

De :   Titus Curiosus

Objet : Sur le portrait (et l’exposition) + blog de Titus Curiosus
Date : 12 juin 2009 08:49:08 HAEC
À :  Editor

Merci de votre conseil de lire « La Cause des portraits » de Jean-Louis Schefer.

Le numéro de juin de la « Revue des Deux Mondes » est intitulé « Actualité du portrait« …
J’y ai, personnellement, tout particulièrement apprécié l’article (pages 152 à 159) que Jean-Pierre Naugrette consacre à Lucian Freud
« Lucian Freud, ou la surprise des corps« 
,
avec en exergue cette parole de Lucian Freud :
« En ce qui me concerne, la peinture n’est autre que la personne. Je veux qu’elle travaille pour moi
comme fait la chair
« .


Soit, ce superbe « travaille pour moi« , le concept « légérien » du « motif qui boulotte«  (pages 15 & 17) :

avec cette parole (à la radio _ page 15) de Jean Renoir, parlant de « La Règle du jeu » :
« Le sujet m’a totalement boulotté !
Un bon sujet, ça vous prend toujours par surprise, ça vous amène
« 


Nathalie Léger a l’art (très précis _ via l’IMEC ?..) des citations magnifiquement éloquentes
parce que de la plus grande justesse !


Nathalie Léger a appris
et « que le sujet, c’est justement lui qui vous tient«  _ au lieu que vous vous le teniez !
et que, ce « sujet« , « il peut ne tenir à rien«  _ c’est-à-dire à apparemment « pas grand chose«  _ ;
« d’apparence ténue le plus souvent, un détail, un vieux souvenir, pas grand chose« ,
il « vous prend et, inexorablement, vous confond en lui
pour régurgiter lentement quelques fantômes inquiétants,
des revenants égarés mais qui insistent
« …

D’où, à l’occasion de la réponse « à une carte blanche sur la ruine«  (page 17),
le « sujet« 
_ mais pas si contingent que cela, nous allons le découvrir, à la suite de l’auteur elle-même en son travail d’« écrire«  _
de « la vie de cette femme, la Castiglione« 
(qui « se fait photographier pour construire, sous l’apparence de la frivolité, ce que Poe appelait « l’habitacle de la mélancolie »  » _ page 92) :

« J’ai été happée, gobée par ce sujet-là.
J’ai tout fait pour le sauver,
c’est-à-dire tout fait pour m’en débarrasser,
mais j’étais déjà subrepticement boulottée par lui…
« 


Et,

le « sujet » devenant dynamiquement « motif« ,
cf le génie (sublimissime) de Cézanne, pages 26-27 :

« Pour en parler,
mieux vaudrait s’en tenir à ce qu’en disent les peintres :

« Je tiens mon motif »
, dit Cézanne à Gasquet _ cf Joachim Gasquet : « Cézanne« , aux Éditions Encre Marine ; et « Conversations avec Cézanne« , aux Éditions Macula. Qu’est-ce que le motif ? « Un motif, voyez-vous,
c’est ça… », dit Cézanne en serrant les deux mains. Il les rapproche, lentement les joint, les serre,
les fait pénétrer l’une dans l’autre, raconte Gasquet.
C’est ça.
« Voilà ce qu’il faut atteindre. Si je passe trop haut ou trop bas, tout est flambé »« .


Pour « faire un motif«  (page 27), « il faut par les mots
_ dans le cas de l’écrivain : les mots sont sa matière, ses moyens d’atteindre la chair,
et de la faire pétrir
_,
rapprocher lentement, conjoindre, faire pénétrer » des détails qui vont se mettre enfin à parler vraiment (= sortir de leur mutité coutumière)

Mais c’est très précisément là aussi le travail de celle qui conçoit et construit une exposition _ sur la Castiglione, par exemple _ ;
et doit « résister » aux conseils et pressions diverses (dans l’épisode du « conservateur en chef » du Musée de C…, pages 68 à 71 ; avant la lettre « coup-de-grâce » au ministère, des pages 149-150)…

Grande chose, donc, _ et sur l’inspiration ! de l’auteur, de l’artiste ! _ que ce petit livre de 157 pages qu’est « L’Exposition » :
l’exposition de soi (à commencer par leur corps), d’abord, de quelques femmes,
dont
,
outre, pages 37 à 39, Isabelle Huppert, par exemple
cf mon article à propos du film (et du roman) « Quignard versus Simenon au schibboleth de la vraisemblance (du “monde” créé) : “Villa Amalia” / “La fuite de Monsieur Monde” »

ou, page 40 (puis page 75), Marilyn Monroe,

la mère de la narratrice (passim

_ et c’est elle le pivot, bien involontaire, de sa part, certes, de ce grand livre _ ;

mais cf d’abord cet extraordinaire épisode de la photo à la plage, page 75 :

« Je me souviens de ma mère, l’été, décidant finalement de quitter sa serviette pour aller se baigner ; (…) elle s’y rend à contrecœur, le corps légèrement ployé à partir d’un point précis, le ventre, le sexe sans doute, se replier sur lui pour le dissimuler et dans cette discrète et pudique inflexion en profiter pout tout effacer, pour tout annuler, son corps, impossible à exposer, ce corps _ impossible d’y consentir« ) ;

mais aussi sa grand-mère (la mère de sa mère : « au corps souverain et idéalement conformé« , lui, page 74 ;

et dont « l’ombre portée » fait fléchir et ployer sa fille : « elle si tendre, si aimante, si confiante » dont le « fléchissement« , le « repli du corps sur lui-même« , « est bien la honte, le mot est comme une tombe« , page 74) ;

cette mère de sa mère, page 153, « le visage féroce et lumineux, cette allure étonnante, ce don d’élégance, le raffinement avec lequel, plus âgée, elle portait des perles en plastique achetées au Prisunic de la rue Gioffredo, l’évidence lorsqu’elle paraît dans l’image _ c’est-à-dire la photographie _, cette certitude » : que d’autres n’ont pas…

Dans un des articles de mon blog « En cherchant bien… »

consacré à cet immense livre qu’est « Zone » de Mathias Énard
« Emérger enfin du choix d’Achille !.. »

repris dans un second : « Le miracle de la reconnaissance par les lecteurs du plus “grand” roman de l’année : “Zone”, de Mathias Enard  »
je reprends l’expression de Mathias Énard de « la pyramide des pères«  _ et de l’injonction qu’elle comporte : au « choix d’Achille » _ :

Il y a donc aussi une « pyramide des mères« ,
mais en creux, elle, « invaginée« …


Ce que figure excellemment dans le livre l’épisode (pages 74 à 77) de la contemplation d’une photo de la mère de la narratrice à la plage _ je le relis :

« Je me souviens de ma mère, l’été, décidant finalement de quitter sa serviette pour aller se baigner« …
à l’eau « si fraîche » alors que « il fait si chaud » :
« pourtant elle s’y rend à contrecœur,
le corps légèrement ployé
à partir d’un point précis, le sexe sans doute,
se replier sur lui pour le dissimuler
et dans cette discrète et pudique inflexion
en profiter pour tout effacer, pour tout annuler,
son corps, impossible à exposer,
ce corps _ impossible d’y consentir
 » (page 75).

Souvenir doublement confronté
à des photos de Marilyn Monroe par Bert Stern
et à la toile « Phryné devant l’Aréopage » de Jean-Léon Gérome :
à leur commun geste
de « cacher son visage » (page 75).
« Ma mère, pour aller à l’eau, aurait dû se mettre son maillot sur la tête« … (page 77) !!!

C’est que les femmes entre elles, elles aussi, sont « terribles » ; et se font « honte« , en une « guerre » dans laquelle il s’agit de mettre « les autres (beautés) en déroute«  (page 10) devant soi…

Je vais achever ma lecture de « L’Exposition » : j’en suis à la page 92 _ c’était le vendredi matin, juste avant que je termine le livre…

Ravi de vous avoir rencontré.

Titus Curiosus


Ensuite, ces deux courriels adressés à l’auteur, Nathalie Léger,

hier soir et ce matin :

De :   Titus Curiosus

Objet : Sur l’exposition de la féminité
Date : 13 juin 2009 18:41:27 HAEC
À :   Nathalie Léger

Bravo pour votre présentation-commentaire, hier soir, de « L’Exposition« .

Le moment du village de Bages, ce quasi soir d’été, parmi ces belles vignes du Médoc, était, en effet, un moment de grâce (infiniment légère : zéphyrée…) :
c’était la joie d’une certaine reconnaissance (des autres : lecteurs…), pour celle qui fut très probablement une jeune fille timide, un peu incertaine d’elle-même :
avant cette « réalisation » en des œuvres
qui en sont vraiment

_ j’ai aussi jeté un œil sur « les Vies silencieuses de Samuel Beckett » ;
de même que je connais votre travail sur et pour Barthes !!!

« Journal de deuil« 

(cf mon article du 4 mars 2009 : « Lire ou pas “Journal de deuil” de Roland Barthes : chagrin à mort versus travail de deuil« ) ;

et « La Préparation du roman I & II« …

Merci de tout cela…

Et hier soir, le dispositif des salons Albert-Mollat a permis de parfaitement bien entendre et goûter la qualité
(de précision, délicatesse et infinie justesse) de votre penser et parler

_ en plus de celle de l’écrire : mais peut-on les disjoindre ?..

Jeudi soir, et non sans mauvaise conscience, je n’avais pas encore achevé la lecture de « L’Exposition« , entamée le matin seulement :
je m’étais procuré le livre dès réception de l’invitation de Denis Mollat
à être de la petite fête de Bages. Je m’en voulais un peu de ne pas avoir eu le temps _ par charge du travail professionnel _ d’aller au point final,
qui, donc, allait être « l’Inexorable« 
(page 157).
Soit ce qui met fin, en « coupant » ses derniers « possibles« , au « destin » d’une vie…
Avec sa théâtralité grandiloquente qui n’échappe pas complètement au ridicule, Malraux l’a formulé ainsi : « la mort transforme la vie en destin« …
Mais le « baroqueux » que je suis
n’est pas indifférent du tout au « memento mori«  : l’expression vient sous votre plume, page 149…

Au passage,
j’ai rédigé le texte de présentation du livret du CD de la déclamation, par Eugène Green, du « Sermon sur la mort » de Bossuet (CD Alpha 920, paru en 2002 & « Sermon sur la mort » de Bossuet) ;
dont le titre est « Lecture de Bossuet : la traversée du mystère, le singulier du Présent » ;
et les titres des sous-parties : « Dans le siècle et au milieu du monde _ chronique du temporel » ;
et « Poétique baroque de la présence : la fraîcheur du vent dans les plis« …

Ce que, page 44 de « L’Exposition« , vous dites de l’absence de vision _ par quiconque (un homme pour une femme, en l’occurrence) _ de « vacillement« ,
de
« tremblante lueur dans ses yeux brillant, comme une flaque de soleil à la surface des eaux » (in Ovide) : le « vacillement » de la joie vraie,
me semble éclairer la sécheresse de cœur de bien des personnes
,
au-delà du cas, ici (assez « gratiné« , il est vrai), de la « marmoréenne » comtesse de Castiglione :
du rivage de sa maison de famille de La Spezia, ne peut-on pas entrevoir les montagnes de marbre de Carrare ?..

Et qu’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit pas, pour ce « vacillement« , de « la fonction de l’orgasme«  (comme la nomme doctoralement Wilhelm Reich),
mais du « vent d’éternité » (irréversible, lui) d’un amour partagé, tout simplement.
Ce qui a fait dire à Spinoza _ un maître de la joie et de la béatitude _ que, parfois, « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels«  :
quand la joie ressentie témoigne effectivement de l’actualisation de notre puissance…

C’est pour cela que je pense qu’une des clés de « L’Exposition » se trouve à la page 111 :
« Et moi qui voulais écrire sur la joie, sur l’ondée intérieure, le froissement là, très haut, saisissant à la gorge, un ravissement, le bonheur,
encore raté
« 

_ la Castiglione mettant son cœur décidément « un peu (trop) bas« …

(ainsi qu’elle se l’entend signifier par l’impératrice elle-même, au bal du ministère des Affaires étrangères, en février 1857 : page 124).

Non : vous dites simplement, dans « L’Exposition » de quelle base il nous faut, chacun d’entre nous, nous élever (nous défaire ; voire nous arracher)
pour atteindre cette rive _ décisive, alors _ de la joie vraie…

Vous en donnez en quelque sorte le « négatif » (photographique).

Et pour des photos de la joie _ et leur flou : la joie est toujours en mouvement (et d’expansion : cf Jean-Louis Chrétien : « La Joie spacieuse« )… _, je vous recommande l’œuvre de mon ami Bernard Plossu…
Il ne fige rien…

Je vais écrire un article sur « L’Exposition » (demain matin, sans doute) ;
que je place à hauteur du roman qui m’avait le plus impressionné, cette saison 2008-2009,
« Zone » de Mathias Énard : en un tout autre style ;

j’aime les deux…

Voici l’article sur « Zone » _ du 3 juin 2009 : reprenant un précédent (dès septembre : le 21; le jour de l’automne), à l’occasion de l’attribution du « prix du livre Inter » à ce roman… _ « Le miracle de la reconnaissance par les lecteurs du plus “grand” roman de l’année : “Zone”, de Mathias Enard »
qui justifie ma comparaison :
dans « L’Exposition« , c’est l' »invagination » _ en pyramide inversée _ des filles par rapport à toutes les mères dont elles sont issues,
qui se met en miroir
de la « pyramide des pères » qui accable les fils, en « Zone » (selon « le choix d’Achille« )…


Enfin
_ et vous pardonnerez peut-être cette prolixité gasconne… _,
je vous recommande l’œuvre de Daniel Mendelsohn, centrée sur la construction (très riche, et ouverte) de l’identité,
à partir d’une démarche d’enquête pleine de probité (et de persévérance) _ comme la vôtre…


Voici ce que j’en ai écrit sur mon blog « encherchantbien » en deux articles, les 8 et 9 février derniers, à propos de « L’Etreinte élusive » : « Désir et fuite _ ou l’élusion de l’autre (dans le “getting-off” d’un orgasme) : “L’Etreinte fugitive” de Daniel Mendelsohn » &, commentant le précédent, « Daniel Mendelsohn : apprendre la liberté par l’apprendre la vérité : vivre, lire, chercher »

Il faut lire aussi le plus admirable encore (que « L’Etreinte élusive« ) « Les Disparus« …
Vous découvrirez l’importance qu’y prennent les photos !!!

Mais pas pour « se dégoûter » (ni dégoûter les autres) « de la figure humaine« , comme vous le relevez, page 94, dans le délicieusement vénéneux « La Curée » _ de Zola : une cuvée délectissime, en effet…
Si vous ne le connaissez pas, essayez de jeter un œil sur le film (excellent) qu’en a tiré Roger Vadim, en 1965…

Et de cette enquête sur le chantier complexe et riche de l’identité personnelle,
Daniel Mendelsohn achève, en ce moment même en France et à Paris, le troisième volet :
sur ce que la culture (et la littérature) française(s) a (et ont) apporté au déploiement _ non achevé : le processus se poursuit… _ de son identité.

Bien à vous,

Titus Curiosus


P-s : j’espère que Monteverdi vous a mise en joie ;
il y a quelques années,
j’avais été comblé par un admirable « Retour d’Ulysse dans sa patrie« , dirigé par William Christie,
sur cette scène splendide du Grand-Théâtre (de Victor Louis : de 1776, il me semble)…

Suivi, ce matin à l’aurore de cet autre courriel, complétant le premier :

De :   Titus Curiosus

Objet : et l’exhibition comme « privation de l’intime »
Date : 14 juin 2009 07:43:17 HAEC
À :   Nathalie Léger

Suite à mon mail d’hier soir :

Et le contrepoint de « l’exposition » instrumentalisante (de soi ; ainsi que de rapports à d’autres que soi),
est

ce que le philosophe Michaël Foessel appelle très justement : « la privation de l’intime« .

Nous sommes alors aux antipodes de ce « charme« , de cette « douceur » vraie du regard, qui font si cruellement défaut à la Castiglione… :
en plein dans la « guerre » de ces armes que sont les apparences organisées
(de soi et de quelques autres, s’y prêtant),
celle qui vise la « déroute » des adversaires : sur un certain marché des séductions (et des images)…

Voici, si vous avez un peu de temps, ma réflexion (en un article de mon blog, le 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« ) sur ce phénomène d’instrumentalisation et de pouvoir
bien à l’envers (et aux antipodes) de la joie
:
cette « joie » espérée, dites-vous en un éclair (qui illumine beaucoup des ténèbres arpentées dans « L’Exposition » !) : « l’ondée intérieure« , « un ravissement, le bonheur« , dites-vous si éloquemment page 111.

Mais si c’est « encore raté«  (dites-vous, page 111) cette-fois-ci,
ce n’est que pour l’objectif d’écriture
_ la « joie » ; et non pas « l’abjection« , après la « férocité«  _ de ce récit-ci (de « L’Exposition« ) : autour du projet
(= « une carte blanche proposée par la direction du Patrimoine« , page 13 ;
et pour la réalisation de laquelle on vous « proposait le Musée de C… » ) ;

autour du projet d' »exposition » sur le motif de la « ruine« 
_ qui ne se réalisera finalement pas,
suite au « refus » de votre « choix de la photo du reliquaire » par « le conservateur général du musée de C…« , ayant « écrit au ministère » son (vif ; et acerbe) mécontentement (page 149) ;
et
« le chargé de mission«  au département du « Patrimoine » du Ministère de la Culture devenant soudain injoignable : «  »sa mission est achevée », me dit-on« , page 150 ;
et par là-même s’est achevé le projet de l’exposition « sur les ruines » (page 13)… _

autour du mystère
de la férocité du regard

_ ainsi que de la très durable (jusqu’à sa mort) fascination pour sa propre image (photographique) :
« elle  se fait construire, sous l’apparence de la frivolité, ce que Poe appelait « l’habitacle de la mélancolie »«  ( page 92) _
de la Castiglione :

dont vous finissez (pages 142-144) par dégager sans doute le « secret » (« elle se saoule d’abjection« ) dans l’image que vous finissez par exhumer, « dans les sous-sols du musée de C… » :

« Voilà. C’est elle« , page 142 ; « je sais que c’est celle-là« , page 144)
la photographie du « reliquaire » au « chien mort«  (page 142) :
« autour de la dépouille de son chien mort _ « Sandouya » ? « Kasino » ? (page 50) _, la vieille Castiglione (…) s’agenouille la tête dans les mains et rejoue la scène de la déploration.
Elle devient chose parmi les choses, corps putréfié parmi la pourriture, seul tombeau possible pour son ineffable beauté, enfin
«  (page 142) ;

et encore ceci :
« Après l’enivrement de sa beauté, après l’extase,
elle se saoule d’abjection
« 
(page 143).


Car « ce » n’est pas du tout « raté« 

dans la vie qui est la vôtre,
puisque,

si vous savez dire (page 111) avec autant de sérénité que vous désiriez écrire « sur la joie » (et « le bonheur » qui en émane),
on sent bien que vous en avez une expérience précise de la réalité

et de la valeur

_ et combien, a contrario, le cas de la Castiglione en constitue le contre-exemple monstrueux…

De même que c’est une absolue réussite (d’écriture et de pensée)
que ce récit si juste
sur l' »exposition » de soi aux autres

en confrontant, même si c’est fort discrètement, l’histoire de votre mère

_ cette dernière aux prises avec sa propre mère, avec son fiancé et mari, et avec « Lautre » ;
ainsi, même si c’est très discret, qu’avec vous-même, sa fille : mais en contrepoint heureux, cette fois !.. :

« étant moi-même à ses côtés (et non « contre » elle), la soutenant, l’aimant, et elle, si tendre, si aimante, si confiante« , dites-vous de vous deux, très brièvement, page 74 ;

et vous lui rendez par là, et très discrètement, un magnifique hommage :

elle qui fut tout à la fois « joyeuse _ revoilà donc l’élément décisif ! _, scrupuleuse et songeuse« , dites-vous d’elle (et c’est presque la fin du récit de « L’Exposition« , à la page 156)…

en confrontant, donc, l’histoire de votre mère

_ mais aussi celle d’une Isabelle Huppert ou d’une Marilyn Monroe, face à l’exposition à la photo _

avec celle de la Castiglione ;

que constitue cette « Exposition » de 157 pages parue chez POL… :
et dont témoigne la réception (heureuse !) par les lecteurs (et ce prix Lavinal)…

Voici donc cet article (du 11 novembre 2008) sur l’analyse de Michaël Foessel de « La Privation de l’intime » : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« …

Bien à vous,
et en osant espérer n’être pas trop importun par cette prolixité chronophage
(de gascon :

je suis aussi cousin avec Adolfo Bioy Casares ; ma mère _ qui a 91 ans _ est née Bioy ; d’une vieille famille béarnaise d’Oloron…)

Titus Curiosus

Ps :
j’ai adoré, sur le rapport avec sa mère, le livre d’Elisabetta Rasy, « Entre nous » (« Tra noi due« , en italien).
Et Elisabetta Rasy est devenue une amie.

En 2004-2005 et 2005-2006, j’ai fait travailler les élèves de mon atelier littéraire et photographique « Habiter en poète » sur le regard sur Rome d’Elisabetta Rasy dans ce roman (mâtiné d’autobiographie), « Entre nous » ;
qui est un « tombeau » à la mère ; de même que son roman « Pausilippe » était un tombeau au père : les deux sont parus en traduction française aux Éditions du Seuil…

L’enjeu de notre atelier (avec le photographe bordelais Alain Béguerie) étant d’aller en huit jours à Rome tenter de « saisir » et « restituer » par l’activité photographique (« inspirée » et persévérante ; ainsi que chanceuse…) le regard sur sa ville d’un grand écrivain contemporain…

En 2002-2003 et 2003-2004, nous avons accompli le même « travail » (merveilleux !) avec _ et dans _ la Lisbonne d’Antonio Antunes en son « Traité des passions de l’âme« .
Mais je n’irai pas jusqu’à dire que j’entretiens les mêmes rapports amicaux avec Antonio Lobo Antunes qu’avec Elisabetta : même si chacun d’eux a bien voulu échanger avec nous durant presque deux heures…

Alors, je me demandai :
comment interpréter vos dernières pages, après l’échec de l’exposition Castiglione-Musée de C… ?
Qui prononce, page 153, les paroles (mises en italiques) : « Or, un soir de novembre, peu de temps après la mort de ma mère, je rangeais des photos » ?
Est-ce votre mère ?..

Et qui dit  (page 154) :
« Certains jours, je suis comme cette vieille qui pleure assise devant les photos qu’elle fait glisser sur la toile cirée avec des gestes trop grands » ;
en présence de
« l’infirmière« 
(?) qui commente « cette manie qu’ont les vieux _ pas tous _ de pleurer dès qu’ils se souviennent« , « en rangeant les photos« ,
si ce n’est vous-même, cette fois :

« je suis comme cette vieille femme, je regarde les visages de ceux qui ont disparu,
je continue à faire glisser les images,
j’arpente le couloir
_ de la vie de chacun ? _ lente, penchée, misérable« 

En 2006, j’ai perdu mon père, né le 11 mars 1914

(en une cité au pied des Carpates, chef-lieu d’arrondisement du Bolechow du grand-oncle Shmiel Jäger de Daniel Mendelsohn, qui le fait revivre dans « Les Disparus« ) ;

homme particulièrement silencieux, avec lequel j’ai toujours eu des rapports assez peu faciles.
Il est mort après 6 mois d’Alzheimer en une maison de retraite à 5oo mètres de chez nous ; plus mutique que jamais.

Et depuis je suis dans un travail de deuil qui me fait, comme vous, « rebattre les cartes« …

Votre pudeur (de fille de votre mère), dans cette « Exposition« , est magnifique.

Outre les livres de Mendelsohn,
je vous recommande, donc, aussi, ces deux livres d’Elisabetta Rasy : « Entre nous » et « Pausilippe » : les photos aussi y sont présentes, et importantes.

Quant à moi, je ne prends personnellement jamais de photos _ je laisse faire mes trois filles…
Et je suis ami avec des photographes : Alain Béguerie ; Bernard Plossu.

Cf mon article, encore : « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra »

« L’Exposition » de Nathalie Léger : un très grand livre, dense et léger (= intense, précis, et sans pathos), de 157 pages ;

comme l’a bien souligné Jean-Michel Cazes au village de Bages, lors de la cérémonie solennelle d’intronisation (« Nathalie Léger à la lumière du Médoc« ) de Nathalie Léger et Jean-Paul Hirsch au sein de la joyeuse et sérieuse Commanderie du « Bontemps, Médoc, Graves, Sauternes et Barsac« …

Titus Curiosus, ce 14 juin 2009

une merveille de délicatesse et profondeur musicale : les oeuvres pour flûte et musette (de Philidor, Hotteterre, Boismortier…) du CD « Le Berger poète », par (et sous la direction de) François Lazarevitch

21mai

A écouter avec ravissement les Couperin _ Louis et François _, Charpentier et Rameau,

et tout particulièrement dans une récente rafale de CDs étonnamment vivants et magnifiquement justes, tant de rendu de l’esprit que de soin de l’interprétation, par une nouvelle excellente (et extrêmement réjouissante, donc) génération de « baroqueux« 

_ cf mes articles de musique des 9 et 13 mai : « Trois nouvelles merveilles musicales, encore, de “style français”, en CD : des oeuvres de Gottlieb Muffat, Jean-Philippe Rameau et Gabriel Fauré »

et « quand les musiciens aiment passionnément la musique : le cas de l’oeuvre de Rameau » ;

mais aussi, un peu plus lointainement ceux _ puisse l’énumération n’être pas trop décourageante !!! _ des 7 novembre 2008 : « Retour aux fondamentaux en musique : percevoir l’oeuvre du temps aussi dans l’oeuvrer de l’artiste » (sur les « Pièces de clavecin » de François Couperin et Jean-Philippe Rameau) ;

26 décembre 2008 : « Un bouquet festif de musiques : de Ravel, Dall’Abaco, etc… » (et Berlioz, et Carl-Philipp-Emanuel Bach, etc…) ;

12 janvier 2009 : « une merveilleuse “entrée” à la musique de goût français : un CD de “Sonates” de Jean-Marie Leclair, avec le violon de John Holloway » ;

28 janvier 2009 : « Le charme intense de la musique de style français (suite) : avec des oeuvres de Marc-Antoine Charpentier et Georg-Philip Telemann » ;

30 janvier 2009 : « Douceur (de la musique) française _ ou pas » (en comparant des œuvres de Carlo Graziani _ premier violoncelle dans l’orchestre de La Pouplinièire de 1747 à 1762 _ et Francesco-Maria Veracini) ;

2 février 2009 : « Le “sublime” de Marc-Antoine Charpentier + la question du “déni à la musique”, en France » ;

25 février 2009 : « La grâce (et l’intelligence) “Jaroussky” en un merveilleux récital de “Mélodies françaises”, de Jules Massenet à Reynaldo Hahn _ un hymne à la civilisation de la civilité » ;

10 mars 2009 : « la poétique musicale du rêve des “Jardins sous la pluie”, voire “La Mer”, de Claude Debussy, sous le regard aigu de Jean-Yves Tadié » ;

21 mars 2009 : « Musique et peinture en vrac _ partager enthousiasmes et passions, dans la nécessité et l’urgence d’une inspiration » (à propos de Rameau, Enescu, Martinů et Fasch : dans des oeuvres, toutes, d’esprit français !) ;

11 avril 2009 : « “Vive Rameau !” : le “feu” du génie de Rameau en un jubilatoire CD Rameau (”Zoroastre” et “Zaïs”) par Ausonia et Frédérick Haas » ;

et encore du 18 avril : « Du sublime dans la musique baroque française : le merveilleux “vivier” Marc-Antoine Charpentier…« … _,

j’aurais pu penser que j’avais « cueilli » la « crème » du meilleur du « Baroque français« …

Et pourtant je viens de tomber sous le charme intensément fruité, très puissant en même temps qu’infiniment doux et souple

(et d’une simplissime « évidence » musicale ! bravo !!!),

d’un CD titré « Le Berger poète » (CD Alpha 148 : « Suites et Sonates pour flûte & musette« ), par Les Musiciens de Saint-Julien, que dirige, de la flûte traversière et de la musette, le très talentueux et merveilleusement inspiré François Lazarevitch ;

l’article qui vient

venant comme prendre une place de choix au sein de cette série d’articles sur de très beaux CDs de musique de « goût », plus encore que de « style« , si je puis dire, « français« …

Et avant que de citer quelques extraits du très remarquablement éloquent « argumentaire » que donne, en avant de chacun des disques des « Musiciens de Saint-Julien« , son ensemble, François Lazarevitch

_ qui n’a rien d’un vulgaire « musiqueur » distributeur de tonneaux de musique comme d’autres de bière : au baril et à l’hectolitre… _,

il me faut dire d’abord la qualité du plaisir à écouter un programme aussi magnifiquement « choisi » que parfaitement élégamment, et avec « vie« , « donné«  par les interprètes-instrumentistes des « Musiciens de Saint-Julien« , entourant et donnant la répartie à François Lazarevitch à la flûte traversière et à la musette

_ le « portail » du CD Alpha 148 donnant à bien contempler (à loisir !) en gros-plan le somptueux « détail » de la musette du « Portrait du Président Gaspard de Gueidan (1688 – 1767) en joueur de musette« , de 1735, un somptueux lui-même tableau du merveilleux Hyacinthe Rigaud

(1659 – 1743 _ un peintre  véritablement majeur du « premier XVIIIème siècle« … : une exposition « Hyacinthe Rigaud intime » va se tenir très prochainement au musée des Beaux-Arts Hyacinthe Rigaud de Perpignan, du 23 juin au 30 septembre 2009),

visible (j’ai pu l’y contempler l’été dernier) au spendide Musée Granet d’Aix-en-Provence,

qu’analyse, avec son brio de « feu d’artifices » coutumier, mon ami de Québec Denis Grenier _,

et interprètes-instrumentistes que je veux citer :

Alexis Kossenko et Philippe Allain-Dupré (ami lui aussi) à la flûte traversière, tous deux ; Matthias Loibner, à la vielle à roue ; Lucas Guimaraes Peres, à la basse de viole ; André Henrich, au théorbe, au luth et à la guitare ; et Stéphane Fuget au clavecin.

On peut assez rarement écouter une musique aussi parfaitement vivante et « vraie« , je veux dire aussi poétiquement juste et tendre, en la moindre des nuances d’un phrasé aussi délicatement fin et lumineux des musiciens.

Pour (un peu) entrer en la compréhension du « secret » de pareille réussite,

et avant que Jean-Christophe Maillard, le maître bien connu de la musette (auprès duquel François Lazarevitch a appris cet instrument), ne détaille très compétamment le programme du concert si royalement « choisi » de ce si heureux enregistrement, aux pages 16 à 23 du livret du CD,

voici quelques extraits bien éloquents de l’argumentaire vif et rapide (en à peine deux pages du livret) de François Lazarevitch,

sous le titre « Le Berger poète« .

D’abord, autour des répertoires de la flûte traversière et de la musette

_ « instruments au rayonnement extraordinaire tout au long de la première moitié du XVIIIème siècle« , dit d’entrée François Lazarevitch en sa présentation, page 12 _

sous la Régence et le premier Louis XV

(= entre 1715 et 1740 :

Louis XV n’a pas encore vraiment entamé, alors, la « ronde« , éclatante, à la Cour de ses brillantes maîtresses ; des sœurs de Mailly-Nesles, la première à paraître officiellement en cet « office« , fut l’aînée, Louise-Julie, comtesse de Mailly, en 1737, seulement… ; la Pompadour n’apparaissant, elle, Jeanne Bécu, qu’en 1745 seulement…),

ce programme du « Berger poète » « n’évoque en rien l’univers pastoral » effectif (champêtre) :

« ainsi même la sonate pour musette extraite du fameux « Pastor Fido » publié par Nicolas Chédeville sous le nom _ usurpé ! _ d’Antonio Vivaldi est intrinsèquement une admirable pièce de virtuosité _ très éloignée du « champêtre » rural !.. _ dans le plus pur style d’une « sonata da chiesa » pour violon« , page 12 toujours…

C’est que ces instruments « sont attachés » tout symboliquement « à l’image«  _ « de cour« , héritée, via « L’Astrée » d’Honoré d’Urfé et les cours (ainsi qu’« Académies« ) italiennes (ultra raffinées) de la Renaissance, des Grecs et des Romains de l’Antiquité… _ du berger aussi ancienne qu’indélébile.

Avec cette symbolique forte, importante et particulièrement touchante qui s’attache alors à l’image du berger : ne craignant ni l’isolement ni le silence, la tête tournée vers le ciel, le berger médite sur les beautés de la nature dont il est partie intégrante. Par ses relations privilégiées avec la Nature, sa vie entière avec le mystère de la Création n’est que poésie. Toujours marchant, il est un homme libre, guidant son troupeau en huchant« …

Cf aussi le fait que « dans la tradition chrétienne, David est un berger ; et Jésus, le Bon Pasteur, né dans une étable, entouré de bergers, est la lumière et le guide de son troupeau« 

D’autre part, « la musique de Jacques Hotteterre et de ses contemporains est essentiellement française dans l’esprit :

le rondeau de la « sarabande«  de Pierre Danican Philidor,

« Le Rossignol en amour » de François Couperin,

tout comme le « menuet«  ou la « gavotte«  de Jacques Hotteterre

…des harmonies toujours en suspension,

des mélodies simples et suaves, finement ornées,

dont l’épanchement ne va jamais sans retenue.

Semblant ne vouloir jamais s’imposer _ mais seulement aimablement se proposer… _,

cette musique _ confie avec beaucoup d’émotion François Lazarevitch page 13 _ me touche délicatement et profondément _ oui ! ces deux caractères sont proprement essentiels ! _,

comme j’espère qu’elle touchera l’auditeur _ oui, tout autant, à la suite des interprètes !


Et le chef d’assurer, page 13 du livret :

« Enfin, le « Berger poète«  symbolise ce que je cherche en musique :

tenter toujours de tourner le dos à l’effet _ vide _,

et trouver la vérité simple _ elle est à conquérir _ du son qui n’a pas besoin de se grimer,

le franc-parler et le naturel de l’articulation _ du phrasé musical _,

la conscience de la hiérarchie subtile _ à l’infini ; certes _ des notes permettant une clarté de discours et une ornementation improvisée _ libre et vraie ! _ qui fasse sens

_ le principal est dit ici…

Une liberté fondée sur une conscience du tempo qu’il faut aiguiser _ oui, au doux fil du tranchant de la « lame«  de chaque instrument… _  jour après jour.

Chercher ce que peut être « le vray poids »

_ l’expression est empruntée au grand Georg Muffat, en sa « Préface » au « Florilegium II » de 1698 : « Premières Observations sur la manière de jouer les airs de Ballets à la Française«  _

de chaque temps musical ;

et essayer de comprendre toujours mieux _ l’impossible « miracle«  de la « balance«  _ où donner de la liberté et où être ferme »…


Le livret du même François Lazarevitch à son précédent CD « A l’Ombre d’un ormeau _ brunettes  & contredanses« , des Musiciens de Saint-Julien, CD Alpha 115,

précise lumineusement ces données et clés d’interprétation d’une musique si délicatement raffinée et tellement poétiquement touchante, dans le si parfait « naturel«  de sa si claire « simplicité«  :


« Il n’y a nulle si bonne et désirable finesse

que la simplicité« ,

reprend-il, page 14 de ce livret-là, de François de Sales.

Avec ce commentaire-ci, assez éclairant :

« La simplicité n’est pas la facilité, loin de là _ on veut bien le croire, d’expert ! _ ;

et ce naturel qui lui est attaché demande un profond et patient travail«  _ délicatement tenu bien discret, avec la plus exquise politesse, de l’évidence de l’auditeur…

Et « une part importante du paysage musical français du XVIIIème siècle » _ en effet _, « jusqu’ici », « n’a que très peu retenu l’attention.

C’est qu’il est fragile et discret !

En lui, pas de tours de force, pas de paillettes, pas d’éclat _ qui époustoufle et tétanise.

Juste _ et voici l’essentiel ! _ un peu de charme, de la légèreté et de la naïveté _ toute de douceur _ ;

l’esprit français de toujours, en somme« , page 14 : c’est magnifiquement résumé là !

Vient alors une excellente explication des sources vives de ce travail :

« la chanson et la danse _ jamais très loin de la musique française, en effet _ ont en commun de ne pouvoir tolérer le complexe, le « travaillé »…

Leur fonction même impose _ certes ! _ la simplicité.

Mais si leur difficulté est invisible, elle est surtout bien réelle ;

et c’est pour cela que ces mélodies _ objet propre de ce CD Alpha 115 « A l’Ombre d’un ormeau _ brunettes  & contredanses » !.. _ ont aussi été un important vecteur pédagogique dans la formation _ même _ du goût musical« , toujours page 14.

« Les petits airs sont le lieu privilégié _ précise, alors, d’expert, François Lazarevitch _ pour l’assimilation _ pédagogique musicale _ de l’articulation et du langage des petites notes d’agrément et des doubles élaborés » _ « le double est une variation du couplet d’un air ; cette pratique étant une part essentielle de l’art du goût du chant des XVII & XVIIIémes siècles« , vient préciser alors une note de bas de page…

« Quant aux danses, aucun précepte, aucune recette ne résumera jamais _ certes : le travail est infini… _ ce qui permet de créer l’impression _ décisive _ de mouvement ;

comment « marquer (…) si bien les mouvemens de la danse (…) qu’on se sent comme inspirer même malgré soy l’envie _ aux autres _ de danser » _ indiquait ce même Georg Muffat toujours en sa même importante « Préface » au « Florilegium II » de 1698 : « Premières Observations sur la manière de jouer les airs de Ballets à la Française« 

C’est en vivant le bal _ oui ! _ et en recherchant cette indicible sensation de communion dans le mouvement avec les danseurs _ oui… _ que l’on y parvient peu à peu« , indique, avec force encouragement, François Lazarevitch, page 15.


« D’un côté, la beauté de la danse repose _ oui _ sur la cadence, liée à la rigueur absolue _ certes _ du tempo ;

et de l’autre, le charme des petits airs dépend de la liberté prise souplement _ un terme décisivement crucial _ avec la mesure.

Et cette rigueur et cette souplesse sont les deux axes _ oxymoriquement conjoints ! _ qui mènent à la maîtrise _ non purement technique seulement : jamais simplement « carrément«  mécanique _ du temps et du phrasé, travail de toute une vie ».., commente ô combien justement ! François Lazarevitch, page 15.


De cette musique :

il s’agit de « dépasser le graphique (des notations si « bizarres » _ à la première lecture, au premier « déchiffrage« , de la partition… _) et de tenter de lui donner sens _ vivant ! et vrai ! _ afin de le rendre compréhensible et intéressant _ et même bien davantage : délectable ! _ tant pour l’exécutant que pour l’auditeur », page 15.


« Depuis lors
_ il s’agit des commencements de sa formation musicale auprès d’un de ses premiers « maîtres«  de musique : Daniel Brebbia (avec Pierre Boragno ; et Philippe Allain-Dupré ; et Jean-Christophe Maillard ; et d’autres encore…) _,

ce répertoire n’a jamais quitté mon esprit ;

et j’aimerais toujours me laisser toucher _ sans ankylose _ par le doux esprit de sa poésie

et la beauté sobre de ses mélodies,

antidote aux violences contemporaines », ajoutait encore François Lazarevitch ;

qui concluait alors :

« Le travail est là ;

alors continuons…« 

En effet… 

Un disque merveilleux de grâce et poésie musicales

que ce CD « Le Berger poète : Suites et Sonates pour flûte & musette« , par François Lazarevitch et Les Musiciens de Saint-Julien,

le CD Alpha 148, à paraître très prochainement…

Titus Curiosus, le 21 mai 2009

Vers d’autres rythmes : la liberté _ au piano aussi _ de trois philosophes de l' »exister »

18jan

Un très grand livre (de 177 pages)

_ sur un sujet inouï (faute d’oreilles assez fines ! d’Ariane ! dirait Nietzsche) et important : les modalités personnelles de la liberté de l’exister (de chacun) ; soit une affaire de « rythme » ! _

du philosophe

_ et talentueux animateur de l’excellente émission « les Vendredis de la philosophie« , sur France-Culture ; ainsi que du tout aussi excellent blog « 24 heures Philo » sur le site liberation.fr _

François Noudelmann :

l’essai « Le Toucher des philosophes _ Sartre, Nietzsche, Barthes au piano« , aux Éditions Gallimard, en novembre 2008.

« L’idée de ce livre _ entame son « Intuition« , page 9, en guise de présentation de son projet, François Noudelmann _ est venue d’une séquence filmée où Jean-Paul Sartre joue du piano« 

_ « rue Delambre. Il a soixante-deux ans » (…) « Il partage _ à ce (court) moment filmé _ l’intimité d’une jeune femme fragile à l’écart du tohu-bohu des boulevards. Arlette _ Arlette Elkaïm, sa « fille d’élection » _ l’accompagne« , sera-t-il précisé pages 25-26, au début du premier chapitre « sartrien » : « Le piano à contretemps«  (écrit à « Saint-Denis, rue de la Liberté« , au « printemps 2007« ), pour présenter cette « séquence » extraite du film consacré, à « Sartre et Beauvoir«  par Madeleine Gobeil, sera-t-il précisé ailleurs… _ ;

« La scène se déroule en 1967 alors que l’écrivain philosophe est engagé sur tous les fronts de la scène internationale. (…) Or en pleine euphorie militante et aventurière, Sartre se réservait régulièrement _ « à contretemps« , donc… _ du temps au piano. » Il « y déchiffrait des partitions de Chopin ou de Debussy.

Cette découverte m’a sidéré : après avoir travaillé de longues années les textes et la pensée de Sartre,

j’entendais _ enfin !.. en quelque sorte ;

sans s’y être le moins du monde « attendu » !

et cela en fait un extraordinaire « prix », tant pour l’auteur, François Noudelmann, qui le « découvre » ; que pour nous, lecteurs de son « essai », qui, à sa « suite », partageons cette rare « découverte« _

j’entendais

une autre de ses voix,

formidablement singulière.« 


« En fait, ce fut moins la découverte d’un Sartre pianiste et mélomane qui me surprit _ il avait déjà évoqué ce goût dans « Les Mots » _

que la vue et l’écoute

_ par le film le saisissant dans une de ses « intimités » : non pas « intellectuellement », mais bien « au ras des sens », en quelque sorte (pour ne pas dire synesthésiquement, ni, encore mieux, peut-être, æsthétiquement ; pour l’heure, du moins…) _

d’un homme produisant alors un autre rythme,

si différent

de sa parole publique

et de son écriture volontariste » _ (bien connues elles), pages 9-10.

« Sartre retrouve Arlette Elkaïm, sa fille d’élection, et la caméra fait effraction dans une intimité _ familiale et féminine ; selon un lien à l’autre, comme nous l’a bien appris, quant à l’essence même de l' »intimité », Michaël Foessel en sa « Privation de l’intime« . (…) Cependant la force du document _ car ce film-ci n’est que cela… _ tient dans l’expérience d’une durée et d’un rythme singuliers _ tant pour nous qui le découvrons, que pour Sartre s’y adonnant… _ plus que dans l’éclairage un peu fabriqué d’une scène privée. »

Car « faire, jouer de la musique

engagent le corps dans une posture et une temporalité complexes _ dont l' »essai » d’analyse va passionner François Noudelmann s' »essayant », donc, ici, à l’analyser-explorer ; ainsi que nous ; à le lire, à sa suite ; page 10…

En effet, s’y « construisent aussi des tempos, des pulsations, des frappes intimes et non programmées.«  Voilà quel va être l’objet _ absolument imprévible (et imprévu) et tout bonnement passionnant, et magnifique ! _ de cette enquête-exploration-« essai » …

Au delà du fait que « Sartre est un déchiffreur«  _ « ce qui n’étonnera pas ses lecteurs, habitués à la curiosité insatiable d’un passionné qui veut parcourir tos les champs de l’activité humaine« , page 26 _, le regard hyper attentif (et hyper curieux, à son tour) de François Noudelmann nous fait découvrir que « les doigts de Sartre n’entrent pas franchement dans les touches, ils les effleurent. » Et l’enquêteur de se demander, page 28 : « Est-ce la main du philosophe qui parcourt le clavier, ou une autre main, plus en rapport avec le corps tout entier _ voilà la piste… _, c’est-à-dire avec toute une disponibilité _ si rarement rencontrée, remarquée, mise à l’oeuvre, par tout un chacun, (très) consciemment du moins _ de la peau, des nerfs, des humeurs ?«  _ ou tout une synesthésie… C’est que « les doigts de Sartre caressent les touches et ne pénètrent pas le clavier« , page 29… « Les mains de Sartre ne frappent ni ne martèlent. Leurs attouchements respectent la blancheur veloutée du clavier qu’elles sollicitent _ sans sollicitude ! _ avec une savante subtilité. Ne pas appuyer, ne pas pénétrer, caresser. »

Sous le regard _ « acte esthétique« , dirait Baldine Saint-Girons en son si beau « L’Acte esthétique«  _ de François Noudelmann, voici tout une « érotique » venant _ et lumineusement ! _ se faire jour :

« Dans le corps à corps des amants _ si mal compris, la plupart du temps, en ces saisons de rude vent « pornographique » _, Sartre se plaît à ces rapprochements discrets. La chair y devient pure relation à autrui, elle échappe à la fusion dévoreuse des corps« .

Ce qui, traduit « en langage de philosophe« , donne, toujours page 29 : « il y découvre une « incarnation réciproque » ; la main qui caresse le corps de l’autre le fait exister comme chair, et par un chiasme tactile cette main directrice est incarnée à son tour ; elle s’éprouve _ musicalement _ comme une chair sensible grâce à la peau _ de l’autre, aimé _ qu’elle parcourt. »


En très fin connaisseur de tout l’œuvre sartrien, François Noudelmann apporte cette très judicieuse précision, page 30 :

« La confiture qui reste collée au doigt de la conscience

comme la boue du galet qui poissait déjà la main de Roquentin dans « La Nausée« 

disent la répugnance sartrienne à

sentir son propre corps s’enfoncer

dans une matière louche. »

Et François Noudelmann ose magnifiquement, en maître du sujet de son « essai », cette formule si juste-ci :

« Sartre, plus masturbateur de femmes que hussard pénétrant,

caresse les être et les choses«  _ comme il caresse l’ivoire longuement musical, en la résonance de ses harmoniques, des touches du piano…


Etc..

Soit tout une « érotique » _ et formidable et (seule) vraie liberté _ de ce toucher-ci, de ces philosophes-ci _ « Sartre, Nietzsche, Barthes«  _, observés _ avec beaucoup, beaucoup d’amour, de la part de François Noudelmann, ici, en ce si bel « essai » _ « au piano« …

Le second chapitre de l’essai, au titre (aussi, mais pas seulement, ironique) de « Pourquoi je suis un si grand pianiste« , est consacré au « toucher » « au piano » de Frédéric Nietzsche ; et fut rédigé en un lieu éminemment nietzschéen, sur la Riviera niçoise, à « Eze« , « l’été 2007«  (saison idéale pour l’auteur de la révélation de « Zarathoustra« )…


L’enquête, ainsi qu’à chaque fois, use de « tous les moyens du bord », je veux dire tous ceux aujourd’hui disponibles : en ce cas-ci, nous ne disposons plus, comme pour l’activité pianistique de Sartre et de Barthes, de la parole toujours « vivante » de « proches » ; non plus que de documents enregistrés (sonores ou filmés) ; seulement de bribes de témoignages écrits, et fort disséminés, et qu’il faut aller dénicher, exhumer avec infiniment de patience, sinon d’obstination… Et François Noudelmann, en chercheur extrêmement patient, en effet, persévérant et insatiable, qu’il est, va chercher loin,

tant dans les manuscrits mêmes de Nietzsche,

que dans les récits de ses divers amis mélomanes (« Gustav Krug, Erwin Rohde, Heinrich Köselitz alias Peter Gast« , pages 63-64 ; et d’autres…) ;

tout ce qui se rapporte à la pratique pianistique effective _ les faits !!! _ de l’ami (cher) de Dyonisos et d’Ariane…


Avec « ses compositeurs d’élection«  _ Chopin, Schumann ; plus encore que Bizet ou Wagner ; ou Brahms ; mais aussi Mozart, ou Haydn _, Nietzsche « dialogue« , nous dit François Noudelmann page 64, « parce qu’il se sent appartenir, grâce à la musique, à ces êtres pour qui le langage s’est transmué en art«  :

l’expression est capitale ;

car c’est là que gît l’acmé même du sens, pour Nietzsche ; et ce n’est pas pour rien que son « Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne« , est un (immensément inspiré) poème en prose !

« Dire que Nietzsche appréciait Chopin serait trop faible, il l’a adoré, il s’y est identifié« , page 68.

Car, ce que révèle François Noudelmann, ce sont tous les _ si riches _ processus d’enrichissement de la personnalité auxquels donne lieu la pratique musicale,

en « déchiffrant », « interprétant », et aussi en « improvisant » « dans l’esprit de »,

que permet cette pratique « intime » du piano :

pour soi seul,

ou pour _ ou avec (« à quatre mains », voire « à deux pianos », même si c’est, forcément, plus rare) _ quelques proches, aimés…

Ainsi « le morceau de Chopin que Nietzsche préfère est(-il) la « Barcarolle en fa dièse majeur« « , apprenons-nos de François Noudelmann, page 71.


Au delà de cet événement majeur, pour l’histoire même de Nietzsche, en sa totalité de personne, de philosophe et d’artiste-musicien, qu’est la découverte de « Carmen » de Bizet à Gênes : « C’est à Gênes et en italien que le coup de foudre se produit, mêlant la France, l’Espagne et l’Italie, lorsqu’il assiste, en 1881, à une représentation de « Carmen« . (…) A l’opéra de Nice il revient plusieurs fois de suite, et il se procure la partition pour la déchiffrer sur les pianos dont il disposait. Il s’est administré la médecine _ des sens, synesthésique, via la musique _ qu’il lui fallait et la partition de Bizet qu’il utilisait est recouverte de multiples indications témoignant de son intense appropriation pianistique.« 

Car « le piano est toujours son diapason, sa table de mutation : il transcrit ce qu’il entend, ce qu’il aime. Pour cet homme musicien, la transcription vaut tranvaluation. Jouer « Carmen » au piano lui permet de se purger, de se réalimenter, de se transformer«  _ et devenir ce qu’il est… : pages 95-96.

« Penser, c’est entendre ; et la musique apprend au philosophe à devenir meilleur « auditeur ». De manière non réflexive _ et par là plus puissante à s’insinuer, ainsi que ses « effets » physiologiques _, elle contient le monde sensible, elle vit par les oreilles _ telles celles, si fines, d’Ariane, auprès de Dyonisos _ qui l’absorbent et qui sont capables de faire résonner _ en soi et autour de soi _ toute cette présence de la vie en devenir », énonce, avec recul, François Noudelmann page 97 ;

avant de le commenter ainsi :

« Loin des « mensonges du grand style » _ à la Wagner ; et même à la Beethoven ; d’où quelque « injustices », même, que commettra Nietzsche au détriment (cruel !) de la musique de Schumann, ainsi que le lui reprochera (un peu amèrement) Roland Barthes _ et des discours savants,

la musique écoutée dans la lumière de la Méditerranée encourage un autre rapport à la terre : le plaisir, la légèreté, la limpidezza, l’air sec. Nietzsche, en rupture de ban avec tout ce qui transpire l’Allemagne, exalte la « sensibilité brune et brûlée », française, italienne, espagnole et même (référence refoulée par ses héritiers nazis ! _ laisse alors échapper François Noudelmann _) la gaieté africaine, mauresque. Brisant l’idole Wagner, mais aussi son piédestal germanique, il écrit, en français, dans « Le Cas Wagner«  : « Il faut méditerraniser la musique »« , pages 97-98.

Jusqu’à la conclusion _ sur la souplesse à « savoir adopter » _ de ce passage-ci :

« L’esthétique engagée par le corps qui écoute et pense en même temps

va au-delà de toute forme » _ déjà formée, et (trop) refermée sur soi…

Quant à la pratique _ = le toucher _ pianistique, on découvre ceci, page 107 :

« L’excès _ dont « il se réjouit«  et « qui signe son affranchissement à l’égard des anciennes formes«  fossilisées _ n’est pas le pulsionnel incontrôlé qui conduit à la fausse note, ou qui appelle le cri _ à la Edvard Munch _ dans la mélodie. » Car « tout l’art consiste à transformer la pulsion, l’élan démesuré, grâce à un rythme ou une harmonie qui sache conserver la tension entre force et équilibre.« 

François Noudelmann remarquant que, à propos, cette fois, de l’inspiration philosophique

_ ce à propos de quoi on se reportera avec le plus grand profit philosophique au magnifique travail de Marianne Massin « La pensée vive _ essai sur l’inspiration philosophique«  _,

Nietzsche « emploie les mêmes termes, comme dans « Ecce Homo« , lorqu’il décrit l’inspiration philosophique :

« un emportement « hors de soi » où l’on garde la conscience la plus nette d’une multitude de frissons ténus irriguant jusqu’aux orteils (…), un instinct des rapports rythmiques, qui recouvre d’immenses étendues de formes _ la durée, le besoin d’un rythme ample, voilà presque le critère de l’inspiration, et qui compense en quelque sorte la pression et la tension qu’elle inflige » _ c’est superbe ! et si juste ! Grâce au rythme, les larmes qui secouent le penseur et le musicien _ conclut alors ce passage page 107 François Noudelmann _ se convertissent en joie ; et le corps terrassé par tant d’émotions peut danser sur des pieds légers » _ ou le « style » (de soi)…

Avec cette synthèse-ci, pages 108-109 :

« Le piano _ pour Nietzsche _ fut un centre et un milieu :

comme forge d’évaluation et d’organisation, il eût un rôle central,

recevant les vibrations de pensées, de rêves et de désirs dans sa caisse de résonance,

sélectionnant les sons propices à un déploiement de rythmes, à l’émergence d’un « style » incommensurable à tout style _ établi _, tant il suppose de variations et de tensions.

Il offrait à Nietzsche un temps et un exercice singuliers, même si tout passait par lui. »


Et François Noudelmann précise très éloquemment :

« En cela il présentait une activité médiane entre l’écoute et l’écriture :

lorsque Nietzsche assistait à des opéras ou à des concerts symphoniques, il s’abandonnait à une réception _ pas encore, ou pas encore assez un « acte esthétique » (selon l’analyse qu’en donne Baldine Saint-Girons) ? _ maximale et digestive (…).

En revanche, l’écriture philosophique était gouvernée par la volonté d’affirmer une singularité, de prendre le pas sur le troupeau. Nietzsche _ non sans points communs ici avec les aspects les plus saillants et affichés d’un Jean-Paul Sartre _ s’y faisait critique impitoyable ou prophète solitaire, marquant par ses différents patronymes une rupture dans l’histoire de la pensée occidentale.

Entre ces deux attitudes _ c’est ce lieu (d’activité-là) que repère avec tant de finesse François Noudelmann ici _, ingestion et exclamation,

le jeu pianistique se trouvait au milieu ou au croisement :

qu’il fût interprète, improvisateur ou compositeur, Nietzsche rejouait des musiques qu’il s’appropriait.

Plus qu’un exécutant,

moins qu’un inventeur,

il a constamment retravaillé _ c’est cela _ ce qui plaisait à son oreille.

Féru de transcriptions,

il retrouvait _ oui ! avec recul… _ sur son clavier les œuvres écoutées en concert

et se réappropriait _ voilà ! _ ainsi la musique qui l’avait ravi jusqu’au paroxysme.

En les rejouant

_ le mot est important : vivre et s’épanouir sont de l’ordre d’un jeu (à la Winnicott : je viens de relire avec jubilation l’article « Vivre créativement« , en 1970, aux pages 43 à 59 de « Conversations ordinaires« )

de « reprise » _,

il devenait conducteur à son rythme _ voici le décisif ; pour lui, comme pour tout un chacun ! _,

poursuivant, rectifiant, déplaçant tel ou tel motif

_ et nous tous, aussi, nous avons à nous y « essayer », plus ou moins, et avec plus ou moins de succès ; avant que le sifflet retentisse, de « fin de partie »

Improviser et composer _ musicalement, d’abord, peut-être _,

à des degrés divers participaient d’un tel accord _ à trouver _ entre réception et recomposition.

Par le piano, Nietzsche usa de la musique à la manière dont Montaigne,

un de ses penseurs favoris _ comme je le comprends ! _,

reprenait _ c’est bien le terme (éminemment pratique) décisif _ les auteurs antiques : une fois digérées par nos corps, leurs idées

nous appartiennent _ oui !


Il fit entrer le monde par ses oreilles jusqu’à l’indigestion

et lorsque _ ses onze années de « fin » _ plus aucun langage _ en sa « folie », à Iéna, de 1889 à 1900 _ ne l’arrimait au réel,

le piano

_ on le sait : « en sa clinique psychiatrique à Iéna, il pratiquait deux heures par jour, interprétant et improvisant sur un piano de restaurant«  et même « pouvait encore briller par ses inspirations« , nous a prévenus François Noudelmann, page 65 _

 le piano

resta son indéfectible diapason »,

termine son chapitre (d’Èze), page 109, François Noudelmann…

A mon avis,

le troisième et dernier chapitre « Le piano me touche » _ consacré à la pratique intime de piano de Roland Barthes _ atteint au sublime ; et va encore plus loin dans l’exploration de ce « toucher«  pianistique « des philosophes« 

C’est « davantage quand il parle de ses goûts musicaux _ plutôt que lorsqu’il déploie sa petite philosophie de l’amateurisme musical » _ que « Barthes » se dévoilerait, avance en un tournant décisif de son analyse, François Noudelmann, page 138…

Et il passe en revue les « prédilections » (selon le mot de la page 139) de Roland Barthes, dont il résume la « constellation » des « passions » à : « Mozart, Schumann, Chopin et la musique française du XXème siècle«  (page 140).

Après un (rapide) paragraphe consacré à Mozart

_ « la musique de Mozart lui offre des boîtes magiques à partir desquelles il se compose des styles. La pensée et l’habitus se trouvent revisités par une introjection musicale du soi » ; puisque « l’écoute et l’interprétation des œuvres de Mozart lui fournissent un spectre d’humeurs et d’affects légers _ heureusement « légers« , oui ! _ dans lesquels il peut se projeter aisément, avec lequel il peut s’amuser _ c’est cela : jouer _ sans risquer l’empathie mélancolique ; comme la plupart des amateurs de Mozart, il associe sa musique à la joie _ absolument _ et s’y livre avec innocence » (page 140) _,

après Mozart, donc,

François Noudelmann se lance dans « la grande affaire musicologique de Barthes«  (page 141), qui « tient essentiellement à la préférence qu’on doit accorder à Schumann ou à Chopin«  ; et « bataille rétrospectivement avec Nietzsche sur cette question de goût qui engage tout un style et tout un monde«  (pages 140-141).

Cette « bataille » accouche de dix pages (142 à 152) d’un détail passionnant. Pour aboutir à cette approximative « balance« , page 152, selon laquelle « la musique de Chopin, selon Roland Barthes, pèche par excès _ ô combien relatif ! et peut-être français… _ de sophistication et de virtuosité ; elle donne l’exclusive à la mélodie ; quand celle de Schumann n’oublie pas _ et là serait son « avantage » : un moindre « oubli »… _ l’importance aussi grande du rythme«  _ un peu plus bartokien ?..

Aussi me porterai-je tout de suite au « principal » de la très riche, pour ne pas dire somptueuse, analyse de ce chapitre de l’« essai » :

elle porte sur le goût de Ravel _ avec tout ce qu’il implique _, et débouche sur rien moins qu’une authentique (discrète) « érotique » et du goût et du penser, non (véritablement) disjoints…

« La musique est sans patrie, semble suggérer Barthes _ avance page 152 François Noudelmann _, car le sujet amoureux _ noyau du sujet véritable (et _ forcément ! _ « décentré »…) _ n’a plus qu’un foyer _ de focalisation (du regard ; du désir) _ qu’une attache _ cela aussi est important (et sa tension perpétuelle ; jamais de « possession ») _, ceux de la personne qu’il aime.« 

Il en résulte que « ce nomadisme autorise des cartographies _ fort mouvantes _ nouvelles _ oui… _, au-delà des frontières musicales établies.« 

Car « Barthes peut _ désormais _ associer Schumann à Fauré, Debussy et Ravel, une autre tradition qu’il affectionne,

désignée comme « musique française » plus par souci de distinction _ taxinomique, si l’on veut _ que par une véritable identité nationale _ tiens donc !!!

« Ravel enfin, Ravel surtout,

pour tant de raisons difficilement explicables.

La proximité géographique de ce compositeur originaire du Pays basque

_ Ciboure – Saint-Jean-de-Luz (qui me sont également, tout personnellement, chers) :

qu’on écoute, ici, le très, très beau travail des sœurs Katia et Marielle Labèque

(également, tout comme Barthes, bayonnaises),

dans le CD « Ravel » KML Recordings 1111, avec ce programme « choisi » :

la « Rhapsodie espagnole » pour « deux pianos quatre mains » ;

« Ma mère l’Oye » pour « piano à quatre mains » ;

le « Menuet antique » ;

la « Pavane pour une infante défunte » en une « adaptation pour piano quatre mains » ;

un « Prélude » ;

et le « Boléro« , en une « transcription par l’auteur pour deux pianos quatre mains » et « adaptation percussions Katia et Marielle Labèque«  (sic)… ; et « côté percussions », les sœurs Labèque sont aussi d’éminentes bartokiennes !!! _

Fin de l’incise discographique ravélienne bayonnaise…

La proximité géographique de ce compositeur originaire du Pays basque _ je reprends l’élan de la phrase, et l’énoncé des « raisons difficilement explicables«  _,

mais aussi une qualité dite « française » et qu’il reprend à Couperin

_ cf le si emblématique « Tombeau de Couperin« … _

touchent au plus profond le goût de Barthes pour un compositeur qui épuise les formes de l’intérieur, sans recourir à l’éclatement avant-gardiste.

_ certes ; cf mon article du 26 décembreUn bouquet festif de musiques : de Ravel, Dall’Abaco, etc…

Il joue sa « Sonatine » et compose à sa manière, plus qu’à celle de Schumann,

comme Sartre _ auparavant _ s’inspirait de Debussy plus que de Chopin. »


Et voici un point majeur, ainsi que nœud, tournant décisif ou plaque tournante, de l’analyse barthienne de François Noudelmann :

« Ravel est davantage qu’une pierre de touche : le point d’intensité à partir duquel se reconnaît une sensibilité, un goût de la combinaison, un sens du jeu, une alliance d’audace et de pudeur » _ page 153 ; soit aussi tout un art (subtil) de penser (le réel,

c’est-à-dire la complexité ; et cela, face à l’aventureux de nos désirs particuliers…).

François Noudelmann cite ici la perspicacité de Vladimir Jankélévitch : « On vérifie, en écoutant la musique de Ravel, que la France n’est pas toujours le pays de la modération _ sinon tendue, contenue (sur soi, tout le premier !) _,

mais plus souvent celui de l’extrémisme passionné et du paradoxe aigu _ quelle magnifiques lucides formules !

Il s’agit d’éprouver _ charnellement, physiologiquement, en son corps ! _ tout ce que peut _ oui ! _ l’esprit _ et la force de sa volonté, alors, incarnée _ dans une direction donnée,

de tirer sans faiblir _ et jubilatoirement _ toutes les conséquences _ extrêmes, donc _ de certaines attitudes.

L’abandon des préjugés, l’aventure et le scandale… Voilà où on en arrive _ en effet ! _ avec cette imagination passionnée _ mais oui ! _, téméraire _ alors… _ qui ne craint _ certes _ pas d’aller jusqu’aux limites extrêmes _ encore ! _ de son pouvoir«  _ cavalièrement, en quelque sorte…

Cette citation de Jankélévitch est tout à la fois remarquablement adéquate et bienvenue

dans l’analyse si fine de François Noudelmann…


Qui poursuit, page 153 encore :

« En interprétant _ au piano _ Ravel,

Barthes retrouve _ oui _ une sensibilité commune, une radicalité _ oui ! _ pudique _ certes ! _, une acuité _ vraiment classique _ à l’égard des formes anciennes. Il découvre probablement une autre modernité que celle des avant-gardes _ comme c’est merveilleusement ressenti, vu et dit ! _, car c’est Ravel, et non Bizet _ mais de l’eau a passé sous les ponts depuis 1889 et la folie (turinoise) de Nietzsche : il aurait pu « découvrir » et adorer, lui aussi, Ravel ! _, qu’il « joue » contre Wagner _ et l’on sait la part inévitable, conjoncturelle, d’artifice, de ces oppositions circonstancielles (et en partie rhétoriques)-là…

Comme pour toutes les ruptures esthétiques, Barthes sait résister _ mais oui ! _ aux grands discours sur les progrès de la nouvelle musique. » Et « loin des grands boulevards musicologiques et philosophiques, Jankélévitch, pour d’autres raisons, affirma Ravel

ainsi que les compositeurs hispaniques, d’Albéniz au Barcelonais Mompou

_ (Federico Mompou : 1893-1987) : que l’on écoute sa « Música callada« , par exemple par le compositeur lui-même ; ou par Josep Pons : c’est un trésor !!! _,

contre le germanisme triomphant,

de la même façon qu’il préférait lire Baltasar Gracian plutôt que Heidegger. »

Surtout,  » le goût de Barthes pour Ravel _ et là nous sommes au cœur battant de l’analyse proprement « philosophique » _, s’il échappe à ces enjeux nationaux _ pour ne pas dire, carrément, « nationalistes«  _ témoigne aussi de sa singularité déplacée _ nous approchons décidément du centre (décalé ; et en déplacement…) de l’idiosyncrasie barthésienne _,

partageant avec le compositeur faussement classique _ oui, car infiniment libre (et non inféodé) : Ravel _ une relation lucide _ et assez rare _ au modernisme _ absolument ! _,

à la fois engagé dans les ruptures _ les « écarts », un clinamen _ et sans les pièges _ naïfs ou masochistement nihilistes _ de la table rase.

Déposer les modèles
_ et les toboggans socialement commodes, et alanguis, des conformismes _, non pas les détruire,

les épuiser plutôt _ en les « saturant », en quelque sorte, et non sans un humour détonnant ! _,

tels sont les gestes communs à Barthes et à Ravel.

Chacun à sa manière, ils circulent
_ oui ! filent ; se décalent… _

les interrogeant, les déplaçant _ ces « modèles », de leur humour « valsant »… _ :

ils les finissent,

au double sens d’une destitution et d’une finition _ infiniment et discrètement malicieuses ; et, mine de rien, radicales.


Chacun de ces deux-là est « sans cesse à côté de l’endroit où on l’attendait »Page 155.

« Ravel, parmi de telles raisons,

est sans doute _ mais oui ! _ le musicien qui lui correspond le mieux,

plus que Schumann auquel il réserve _ du moins en public, en son discours _ son affection.

Mais peut-on dire
« j’aime Ravel » comme on dit « j’aime Schumann » ?

La déclaration _ suggère, page 155, François Noudelmann _ prendrait un goût de guimauve

_ tiens donc ! et alors ?.. _

au regard de ce que signe un tel nom _ « Ravel » _, l’heureuse lucidité des affects, l’intensité absolue de l’artifice » _ expressions qui toutefois rencontrent, il me faut en convenir, comme de la perplexité…


Mais l’analyse qui suit, sur les dix dernières pages du chapitre (155 à 165), constitue probablement le summum de la recherche, ici, de François Noudelmann :

« Plus que des affinités _ en effet, pousse-t-il _, la préférence pour un compositeur

engage

un complexe de sensations, de passions, de sexualité

_ soit un comble (physique, charnel) d’engagement (envers un autre) :

en l’occurrence, une érotique (au sein de l’intimité ;

sans exhibitionnisme aucun, veux-je dire).

« L’émotion qui fait accélérer la respiration

et monter les larmes

manifeste la corporéité du jeu _ pianistique, faut-il le rappeler ? _,

si tant est que le corps ne se réduit pas aux impressions sensibles

et mobilise _ a contrario _ l’imaginaire et la pensée.

La pratique du piano mobilise _ voilà ce qui déclenche une accélération _ tout le corps de l’interprète,

mains, oreilles _ d’abord _,

mais aussi le cœur, les poumons _ le souffle _, le sexe _ et leurs divers frissons, mouvements, reptations…

Au travers des quelques témoignages _ épars _ de Barthes sur sa pratique,

se dessine une phénoménologie discrète _ en effet : à l’inverse de quelque hystérisation, certes _ du jeu pianistique,

peut-être plus intéressante _ parce que davantage de biais _ que ses réflexions explicites sur l’amateurisme musical. »


Car « ses descriptions permettent d’approcher au plus fin _ nous y voilà, donc, François _

ce qu’est un toucher,

ce qu’un rythme produit dans un corps ;

et comment il accentue la jouissance«  _ toujours page 155.


« En touchant le clavier,

l’interprète est touché à son tour,

certes sans recevoir l’intention _ mais oui : cela repose _ d’un autre corps,

mais en déclenchant une sonorité

qui l’envahit » _ la touche répondant (!) par une onde qui très matériellement se propage (et peut littéralement enchanter !).

En ce dispositif-ci,

« le pianiste est à la fois touchant et touché« .

Barthes suggère, il n’appuie pas » _ jamais.

Toutefois il va plus loin dans la recherche _ ouverte _ de cette corporéité singulière,

notamment lorsqu’il pose la question du plaisir.


Le jeu du piano exige à la fois la maîtrise et la soumission :

il lui faut maîtriser l’instrument,

posséder le clavier en lui imprimant un doigté,

mais pour en tirer du plaisir il faut se soumettre

à la fois à sa mécanique

et à l’apprentissage du morceau.

Le désir de jouissance _ par là même _ se trouve martelé

selon une combinaison de contraintes et d’impulsions.

Barthes en dégage _ en déduit somptueusement François Noudelmann, page 156 _

le motif et la figure : le coup.

Ce mot désigne à la fois le battement rythmique et le choc produit.« 

Barthes, « plus qu’une argumentation musicologique, défend une interprétation adéquate à son propre style _ de jeu _,

c’est-à dire à sa façon de ressentir corporellement _ en jouant, en frappant les touches-marteaux du clavier du piano _ la musique.

Il aime les rythmiques fortes, obsessives,

les accents, les syncopes, les contretemps« 

_ que ne s’est-il donc « mis » au clavecin et à son répertoire ? Ayant écouté hier soir un concert (de chambre ; en petit comité) d’Elisabeth Joyé, j’ose penser que Roland Barthes aurait été au comble du ravissement à pratiquer, oui, cette si belle copie (par Émile Jobin) d’un clavecin de Tibaut de Toulouse…

Bartok pouvait aussi, en un tout autre genre (et un peu plus, sinon brutal, au moins « brut »), lui convenir…

« Ces battements valent comme _ la distinction fait aussi tout le sel… _ des pulsations cardiaques ;

et rythment l’irrigation des muscles.

La musique est « ce qui bat dans le corps, ce qui bat le corps, ou mieux : ce corps qui bat »« 

Elle en est d’autant plus et mieux touchante…


En conséquence de quoi,

« l’euphorie sanguine et le toucher sensuel

installent le piano sur une scène érotique

dont le corps de l’interprète déploie _ en décalage _ les gestes et les symptômes.« 


La page qui suit (la page 158) constitue peut-être le sommet de l’analyse du jeu (de piano et du penser, tout à la fois) barthien :


« L’indépendance des mains permet de distinguer les deux registres que Barthes nomme la pulsation et la caresse :

la main gauche fait entendre le coup, la brutalité du rythme,

tandis que la droite épouse le mouvement.

(…) Le côté droit est réservé au plaisir, au toucher doux et linéaire.

Celui du gaucher, en revanche, vise la jouissance _ phallique ? voire orgasmique ? Barthes en décrit les à-coups : « ça pique, ça cogne », « cela se tend, cela s’étend », « ça douche, ça déboite », « ça frappe, ça tape », « ça danse, mais aussi cela recommence à gronder, à donner des coups ».

« Contre le dressage des corps par la technique _ et jamais un art ? _ pianistique,

Barthes veut « le retour jouissif du coup » :

« Ce qu’il faut, c’est que ça batte à l’intérieur du corps,

contre la tempe, dans le sexe, dans le ventre, contre la peau intérieure ».

« L’accent est un battement qui manifeste la vie organique du corps musicien par ses coups. »

Et « c’est la jouissance qu’il recherche

et tente de figurer par le « coup »,

celui qu’on donne et celui qu’on reçoit.

« Le corps doit cogner », dit-il _ note François Noudelmann pages 158-159 _, alors même que le pianiste caresse délicatement les touches.

Cogner, être cogné, se tendre et s’apaiser…. la gestuelle pianistique est éminemment sexuelle«  _ conclut-il, page 159.

« La pratique du piano se rapproche _ même _ de l’onanisme« … Etc…


Bref, et encore,

« la pratique musicale de Barthes manifeste une passion qui contrarie ses lignes théoriques«  _ de discours, page 164

« Elle ne compose toutefois pas un contretemps _ à ses autres activités _ comme elle le fit pour Sartre

qui échappait _ ainsi _ à la synchronie de son époque.

Elle ne constitue pas non plus une vie élémentaire et primordiale,

comme celle qui fondait toutes les ambitions _ auprès de la société _ de Nietzsche.

Elle se présente plutôt comme une allure,

c’est-à-dire une marche qui permet au sujet d’aller à son rythme,

de suivre ses _ propres (à découvrir !) _ vitesses

et ses mouvements intimes _ vers d’autres, mais sans instrumentalisation, ni monstration (cf Michaël Foessel) : ni à des tiers, ni à l’autre, ni à soi.

Donc,

« la pratique musicale fut sans nul doute _ s’autorise à conclure François Noudelmann, son chapitre barthien, pages 164-165 _ un idiorythme pour Barthes _ sans conteste ! _,

et sa défense de l’amateurisme s’entend aussi à cette aune : ne pas suivre le rythme imposé, ne pas se régler sur le métronome _ social _,

articuler la pulsion du corps au mouvement de la partition. »

Barthes « s’est préservé une distance _ personnelle, d’intimité _, une faculté d’écart _ c’est vital pour la liberté d’épanouissement de la personne _ pour ne pas suivre aveuglément les courants _ de masse de la société.

La musique _ et à son piano, tout particulièrement _ fut son pas de côté _ personnel : une image fort parlante…

Ce chapitre fut rédigé par François Noudelmann à « Washington Square Village » (New-York), l’« automne 2007« 

La conclusion du livre, « Résonance« , vient élargir _ un peu _ la réflexion :

« A suivre Nietzsche, Sartre et Barthes dans la pratique régulière de l’instrument _ piano _,

on découvre combien le jeu musical porte avec lui toute une vie _ rayonnante _ d’affects qui se prolonge dans les activités sociales et intellectuelles.« 

Et « cette intuition de départ _ de l’« essai » _ mène, dans le toucher _ pianistique même _ de ces trois penseurs, à la puissance métonymique du piano » _ en sa particularité plus ou moins singulière. Et « chacun des trois témoigne d’un tel déplacement qui permet de penser, d’aimer, de rêver en musique ; ou inversement de jouer la musique en y livrant tout son corps. Se mettre dans leurs doigtés permet _ alors et ainsi _ de découvrir le corps musical _ à distinguer aussi du « poïétique » _, pas seulement musicien de ces interprètes,

d’approcher ainsi des existences à la fois autonomes et liées au quotidien

_ bien que n’ayant « rien d’exemplaire«  (page 169),

celles-ci pourraient, cependant, se révéler un peu plus intéressantes, vraisemblablement, qu’une grosse moyenne des autres ; en leur plus grande « liberté » d’épanouissement de soi…

Mais ce qui intéresse, en cette ouverture finale de son « essai« , François Noudelmann,

c’est plutôt la pratique musicienne des « praticiens amateurs« , quels qu’ils soient,

philosophes ou pas :

« le monde des signes et des sons se compose de tropismes

_ François Noudelmann vient d’évoquer la « sous-conversation«  de Nathalie Sarraute _

à peine perceptibles,

de plans indicibles sur lesquels se dessinent des accords et des désaccords, des violences et des désirs«  (page 169)…

« A la différence d’un loisir _ banal _,

la pratique du piano déborde sur le temps qu’on lui consacre et imprègne durablement l’existence, la façon de marcher ou de regarder« ,

que François Noudelmann propose de qualifier, page 171, d’« allure«  :

le mot « désigne à la fois une façon de se déplacer dans l’espace, de tenir ses mains (le maintien), une école de conduite sociale, une aptitude à composer avec les rythmes, à régler sa vitesse.« 

Aussi « les pianistes peuvent(-ils) se reconnaître

_ davantage que d’autres instrumentistes ? ou que des danseurs ? ou des sportifs de sports collectifs ? _

par cette propension à combiner davantage ou différemment les allures.« 

Et « c’est un petit paradoxe d’avoir en commun _ avec d’autres (qui jouent) _ une réserve à l’égard de la communauté,

une vie toujours un peu de côté

qui empêche d’adhérer totalement aux rythmes collectifs, à leur cadence fusionnelle.

(…) La sollicitation régulière de temporalités imaginaires produit et encourage une déprise à l’égard de la chronométrie ordinaire ;

d’où le sentiment chez ceux qui vivent en musique

de ne pas faire corps avec leur génération

_ un argument qui aurait assez surpris le Socrate législateur de la « République » de Platon…

Ils éprouvent intuitivement cette résistance _ artiste ? _ secrète et entretenue,

la disponibilité _ du génie : poïétique ? _ aux temps librement composés.

Amitiés, affinités, complicités… les relations induites par le piano participent d’une vie amoureuse qui n’aurait pas l’amour pour modèle.

L’instrument lui-même _ à l’origine (Renaissance, 17ème siècle…) plutôt voué à des femmes : le meuble ne se déplaçant pas commodément est l’objet d’un attachement qui oscille entre usage fétichiste et compagnie sentimentale » _ page 172.

Et c’est probablement Roland Barthes qui a su « approcher«  le « plus finement » ce que François Noudelmann n’hésite pas à qualifier, page 174, « cette érotique du piano » :

« c’est à partir de sa pratique et de ses goûts qu’il a perçu cet infra-langage«  _ un concept que personnellement j’utilise aussi…

Pour lui, et « suivant la manière de Nietzsche« ,

« il a compris » que « l’intimité imaginaire avec les compositeurs définit les lignes de front _ combatif ! _ qui démarquent la compatibilité _ ou pas _ des corps. »

..

Il a donné des voix _ harmoniques et résonnantes _ à ces corporéités intimes qui ne sont même pas des figures : coups, vitesses, récurrences, résonances.

Jouer du piano suppose de tendre _ oui ! _ une corde en soi, de la frapper, de la faire vibrer, de devenir _ soi, en jouant _ un corps désirant et désiré.« 

« La pratique du piano conjugue _ en effet ! _ le suspens et l’engagement. Refuge, pas de côté, passion exclusive, vie musicale du corps, elle permet l’exception tout en modifiant _ par variation du jeu, « altération« , dit Bernard Sève _ l’ordinaire.

« Je décidai de vivre en musique », écrit Sartre pour définir son choix d’enfant, désireux d’absolu. (…) Cette formule dit surtout qu’on ne touche pas à l’imaginaire _ actif _ sans éprouver la tentation _ ébranlante _ d’une existence qui échapperait soudain _ oui ! à la pure discrétion de son seul « jeu » ! _ au _ seul _ hasard et à la vacuité.

(…) La disponibilité _ qu’offre la pratique de la musique, ici par le piano _ a permis _ aux trois philosophes ici pris en exemples _ de penser, de rythmer, d’entendre et de toucher autrement _ que d’autres _ le monde _ pourtant commun, apparemment grosso modo partagé.

Le piano guida les déambulations de ces penseurs qui ont été parmi les arpenteurs et inventeurs des voies de traverse _ oui !

A l’écoute de leur temps, ils ont su _ en l’osant, non dans malice, chacun d’eux, même si ce fut différemment, et chacun à sa (un peu, plus ou moins folle) guise _ en prendre la mesure _ oui ! ils ont le pas ferme _ et y inscrire d’autres rythmes _ et c’est là le grand mot ! _ par un déplacement des valeurs, des concepts et des savoirs ; « voyages sans ombre », « chemins de liberté », « plaisirs vagabonds », ou encore… fantaisie, ballades, barcarolles » :

soit la part du « génie » dans l’humanité…

Ainsi que toute une éthique _ bien incarnée ! _ de la liberté.

Titus Curiosus, le 18 janvier 2009

de la dimension de profondeur _ et avec intensité ! _ dans la musique française ; et son interprétation : le magnifique exemple Claude Debussy / Nelson Freire

16jan

En prolongement, en quelque sorte de mon précédent article, sur le tout aussi (grandiosement) magnifique « exemple » Jean-Marie Leclair / John Holloway (« dans » l’exceptionnel CD Sonatasde Jean-Marie Leclair _ CD ECM 2009 n° 476 6280) : « une merveilleuse “entrée” à la musique de goût français : un CD de “Sonates” de Jean-Marie Leclair, avec le violon de John Holloway« ,

je viens ici « partager » la joie profonde que donne le CD Decca 478 1111 « Debussy Nelson Freire« , qui vient tout juste de paraître, avec un programme _ tout aussi merveilleusement « choisi » ! _ d’interprétations du Livre I des « Préludes« , « D’un cahier d’esquisses« , « Children’s corner » et « Clair de Lune«  (extrait de la « Suite bergamasque« ) de Claude « de France« ,

je veux dire Claude Debussy (né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 25 mars 1918 à Paris : « Tirili, tirila, je suis tout bonnement de Saint-Germain-en-Laye, à une demi-heure de Paris« )… ;

CD enregistré à la Friedrich-Ebert-Halle, Harburg, Hambourg, les 11-15 juin 2008…

La musique requiert,

pour qui ne se contente pas de la « lire » sur partition,

la médiation d’une interprétation _ inspirée !!! _ d’un artiste, qui sache la rendre _ elle, la musique ! _ avec humilité et inspiration (« génie de l’auteur, es-tu là ? fais- nous la grâce de venir nous visiter !..« , sous ses doigts, sous sa voix, dans la tension tendre, et très intensément, d’un « jeu »,

et en un lieu et un instant donnés ;

la qualité de l’enregistrement offrant, ensuite, la disposition

_ technologique : commode ! vive le disque ! _

d’une « répétition » infiniment prolongée :

répétée donc, à volonté ; mais différente, et à son meilleur « enrichie »

_ cf ici les analyses irremplaçables de Deleuze (1925-1995) en son (très grand !) « Différence et répétition« , en 1968 ;

mais aussi le principe des « variations » (baroques), et de « diminutions » (juste avant…) ;

lire ici « L’Altération musicale » de l’ami Bernard Sève (en 2002) _,

la qualité de l’enregistrement offrant la disposition d’une « répétition », et à son meilleur « enrichie », donc,

de la « rencontre » avec l’attention (« requise »), et, « quand ça vient« , souvent, sinon à chaque fois, émerveillée, et non émoussée

_ et c’est là, sinon à terme (à Dieu ne plaise ! pas trop vite, pas trop tôt, prématurément !..), du moins au fil des écoutes (elles murissent !…), un critère de la valeur des divers éléments placés en « connexion »… _

d’une écoute qui « doit » _ c’est là son requisit propre ! _ se hisser, elle aussi, à ce niveau de « beauté » des précédents « sens » (en action) des précédents « intervenants » (en la « chaîne » du « donné-rendu » de l’œuvre…) :

au premier chef desquels _ of course ! _ le compositeur (« auteur » premier : à la source…) et l’interprète sont les « maillons » principaux, mais non exclusifs…

Chacun « amenant »

_ sinon « convoquant » (= « faisant venir » ; comme érotiquement : in english, to come !) _,

au jour « J »

_ jour de la création de l’œuvre par son auteur-créateur ;

jour de l’interprétation de l’œuvre par l’interprète (à l’enregistrement _ ou au concert ; ou à « l’audition ») ;

jour de l’audition (= acte æsthétique _ cf le si merveilleux et nécessaire (de lire) !L’acte esthétique” de Baldine Saint-Girons _

de l’auditeur-écouteur (qui en « jouit »…) _

chacun amenant, donc,

tout ce qui peut concourir _ poïétiquement ! _ au miracle du meilleur de la « rencontre » æsthétique, donc…

Bref,

et même si je découvre ce matin sur le site de Channel Classics les quelques « réserves » d’écoute _ ou plutôt d' »audition » (acoustique !) _, quant au travail d’ingénierie du son (pour Decca) de Philip Siney, de Christophe Huss

_ dont c’est en quelque sorte un « dada » ; et au point, hélas pour lui, de s’en gâcher totalement, et combien souvent, le plaisir !!! _,

en son article (débutant par un « Et un autre massacre, un !« ) ;

et même si je découvre les quelques « réserves » d' »audition » (acoustique !) de Christophe Huss

quant à la « réalisation » de Nelson Freire,

Christophe Huss use, tout de même _ ouf ! _ des expressions « le toucher miraculeux«  _ oui ! _

et « la science de la respiration _ absolument : quelle qualité d’écoute de la musique de la part de l’interprète ! _ de Nelson Freire«  ;

ainsi que « un des plus grands pianistes de notre temps » !..


Sur la qualité de l’écoute de Nelson Freire,

je relèverai, encore, cette remarque du livrettiste Olivier Bellamy, page 6 du livret du CD Decca :

« Le grand Claude-Achille (…) suggère au lieu d’évoquer. (…) Debussy écoute le vent du monde lui rapporter, d’est en ouest, rumeurs anciennes et sons nouveaux (…). Nul autre que Nelson Freire ne se sent plus proche de cette pudeur féconde _ une belle expression _, de ce raffinement silencieux _ c’est on ne peut plus juste ! Il adore aussi la délicatesse de la dédicace de « Children’s corner«  : « A ma chère petite Chouchou, avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre ». Après la mort de Debussy, Alfred Cortot était venu jouer quelques « Préludes«  à sa fille chérie _ Claude-Emma (30 octobre 1905 – 14 juillet 1919), dite « Chouchou«  _ (qui rejoindra un an plus tard son père dans la tombe _ au cimetière de Passy _ ). Il avait demandé à l’adolescente : « Est-ce ainsi que ton père jouait ? » Chouchou avait répondu : « Oui, mais papa écoutait davantage… »

Ecouter et laisser s’exprimer la musique, voilà le secret.« 

Et Olivier Bellamy ajoute encore, à la suite :

« Chopin ne faisait pas autre chose _ en effet… _ : écoutant ce que lui confiait le piano sous la caresse de ses doigts habiles. » Oui ! 

Bref, ce CD « Debussy Nelson Freire » est un cadeau des Dieux…

Faites-vous en, déjà, une « petite idée »

_ même si rien ne convient moins bien à l’écoute musicale qu’une « idée »,

fût-elle « petite » !… _

en allant l’écouter :

car rien ne remplace l’écoute personnelle ; même si, aussi, il vaut mieux « écouter » (vraiment) plusieurs fois…

Bonne écoute !

Bon « enchantement » !

Bon « Debussy Nelson Freire » ! pour vous…

Titus Curiosus, le 16 janvier 2009

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