la postérité-filiation (musicale) de l’immense Gustav Leonhardt : Pierre Hantaï, Elisabeth Joyé, Benjamin Alard…
19fév
Comment rendre _ enfin ! j’ai appris son décès, survenu le 16 janvier, le 18 janvier : cela fait un mois… _ l’hommage le plus juste qui soit, à un talent musical tel que celui de Gustav Leonhardt ? qui nous a procuré tant et tant des plus hautes jouissances qu’un musicien peut offrir tant au concert qu’au disque ?..
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Car nous avons eu bien de la chance, à Bordeaux, que le maître apprécie non seulement la beauté élégante et noble (sans ostentation) de notre ville, mais aussi la singularité de l’orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix, au point d’y revenir souvent donner des concerts : d’abord, peut-être, à l’amphi 700 de la Faculté des Lettres, pour le Gram ; mais aussi et surtout au Temple du Hâ, pour le Carré, à de nombreuses et ô combien heureuses reprises ; mais aussi au Grand-Théâtre ; et encore en quelques beaux châteaux de vin, tels que Yquem ou Carbonnieux ; et encore Soutard, pour un concert privé de clavicorde… Sans compter, outre plusieurs grands récitals d’orgue à Sainte-Croix, l’enregistrement si marquant, en juin 2001, du CD Alpha 017 L’Orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux, à l’advenue duquel j’ai ma modeste participation, outre ma contribution au livret « la construction de l’orgue Dom Bedos en l’abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux sous la réforme mauriste« , pages 16 à 23. Et côtoyer au quotidien le maître, et son humour incisif, outre son élégance, n’est certes pas peu en une vie d’amoureux de la musique… Je l’ai revu et écouté aussi à Arques…
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Aussi, mets-je à profit pour ce blog
ce courrier adressé ce matin même à mon ami Jean-Paul Combet, le fondateur d’Alpha,
pour lui faire part de l’article de Renaud Machard dans Le Monde daté de ce dimanche 19 février 2012, qui à l’occasion de concerts du très doué et toujours « parfait » Benjamin Alard, lui rend au passage aussi hommage,
en saluant l’amitié et la collaboration éditoriale (pour Alpha) qui les unissait, Gustav et Jean-Paul…
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Voici donc ce courriel :
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De : Titus Curiosus
Objet : Benjamin Alard, Gustav Leonhardt et Jean-Paul Combet : texte choisi à lire aux funérailles
Date : 19 février 2012 08:42:17 HNEC
À : Jean-Paul Combet
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Un bel article d’hommage(s),
que tu as dû relever, dans Le Monde
(édition papier de ce dimanche 19 février)…
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Sinon, le voici…
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/02/18/benjamin-alard-fait-sonner-saint-louis_1645273_3246.html
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J’espère que tu vas bien,
amitié(s)
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Titus
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P.s. : sais-tu ce qu’est ce texte
« magnifique » (!)
que Gustav Leonhardt a fait lire à ses funérailles ?
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Benjamin Alard fait sonner Saint-Louis
MUSIQUE | | 18.02.12 | 13h42
On ne l’avait pas revu depuis quelque temps : Benjamin Alard, 27 ans, a toujours la même allure et ces traits juvéniles à la Harry Potter que lui donnent parfois des lunettes cerclées, mais il n’est plus tout à fait le benjamin de l’école de clavecin et d’orgue française. Elle est si florissante (ce que Murray Perahia, le grand pianiste américain, confirme quand on lui parle de clavecin, un instrument qu’il adore et joue en privé) que, chaque semestre, un nouveau talent _ tel, à Bordeaux, Aurélien Delage… _ semble éclore _ grâce au génie de la transmission d’Elisabeth Joyé, me faut-il tout spécialement ajouter ! Une fée !
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Mais Benjamin Alard est d’une graine différente _ et singulière. On pourrait dire que ce grand jeune homme discret, fin, réservé mais à l’humour subtil, a su être vieux _ c’est-à-dire pleinement mature _ de bonne heure. Dès ses premières apparitions publiques, après l’obtention du très prestigieux Premier Prix du Concours international de Bruges, en 2004 (sorte de Concours Tchaïkovski ou Chopin du clavecin et de la musique ancienne), le musicien semblait avoir tout compris des chefs-d’oeuvre de la littérature pour le clavier, ce qu’il démontrait avec l’aplomb sans tapage d’un sage : un jeu extrêmement calme et affûté, dégraissé mais d’une souplesse merveilleuse, comme géré par un subtil entrelacs de tensions savamment poussées et relâchées _ c’est parfaitement énoncé !
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Pour ceux qui ne connaîtraient pas ses _ merveilleux ! _ disques d’orgue ou de clavecin, distribués par les labels Hortus, puis Alpha _ par exemple le génial double CD des Partitas de Bach : Clavier Übung – I, le CD Alpha 157 _, il est possible d’entendre Benjamin Alard un dimanche par mois, à l’heure du déjeuner, à la tribune de l’église Saint-Louis-en-l’Ile, où il est organiste titulaire, et au clavecin, lors de concerts organisés à l’hôtel de Lauzun, à quelques pas, quai d’Anjou. Deux séries en écho et en intelligence, la première dans la vaste nef, la seconde dans une salle de 90 places seulement.
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L’ensemble fait la part belle à Jean-Sébastien Bach, mais fait entendre aussi des compositeurs auxquels Alard est très sensible, ceux de la jointure des XVIIe et XVIIIe siècles, comme Samuel Scheidt _ 1587-1654, en fait : c’est un contemporain de Schütz… « Sa programmation permet de prendre des distances avec les concerts d’orgue, parfois un peu poussiéreux, du dimanche après-midi« , avoue Benjamin Alard. « Je n’y vois rien de mal, mais je tiens à faire passer un message vraiment musical et exigeant, et aussi à mettre en regard, en « contrepoint », le terme qui sert de titre à la série, la littérature des deux instruments. »
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Alard dit aussi vouloir faire découvrir la beauté de l’orgue Bernard Aubertin dont il est le cotitulaire depuis 2005 : « C’est un instrument neuf qui est construit d’après les canons anciens pour jouer spécifiquement la musique allemande des XVIIe et XVIIIe siècles. Son statut et son état sont exceptionnels, surtout si on les compare à ceux de beaucoup d’orgues de la capitale, dont certains sont en mauvaise santé et attendent des restaurations, comme les tribunes de Saint-Nicolas-des- Champs ou Saint-Merri« , précise Alard.
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On s’étonne de la jauge de la petite salle de l’hôtel de Lauzun et de son incidence sur l’économie du projet : « Ce projet n’a, en fait, pas vraiment d’économie car notre association, Claviers en l’Isle, ne possède pas la licence de concert. D’ailleurs, ce n’est pas l’esprit de ces rencontres avec le public, que nous voulons singulières et au service premier de la musique. » Singulières mais en rien élitistes, assure Alard : « C’est juste que le clavecin n’est pas fait pour être joué dans des grandes salles et ce n’est que dans un tel cadre qu’on peut vraiment l’entendre » _ oui ! ; comme, aussi, dans les salons ou chambres de l’Hôtel de Soubise, où je suis venu écouter la perfection d’Elisabeth Joyé dans un récital (sublime !) de musique française…
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Le festival Contrepoints est aussi soutenu par L’Autre Monde, l’association créée par Jean-Paul Combet, fondateur du label discographique Alpha. « Jean-Paul, qui est un ami, ne fait pas qu’éditer notre dépliant, mais il nous conseille dans la programmation. » Benjamin Alard doit beaucoup à M. Combet : « Il a publié la plupart de mes disques, mais je lui suis redevable de ma découverte _ in vivo : à l’Académie Bach, d’Arques-la-bataille, en Haute-Normandie, près de Dieppe _ de Gustav Leonhardt« , confie le claveciniste à propos du « pape » de l’instrument, qui vient de mourir le 16 janvier.
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« C’était en Normandie, ma région natale, lors d’un concert organisé par Jean-Paul. Je me souviens encore avec émotion de ce choc. » Le choc pour l’orgue eut lieu très jeune. Le jeune Alard s’initie à l’instrument grâce au curé de sa paroisse. « Le son de cette machine me fascinait« , se souvient-il. Il travaille avec Louis Thiry, pour lequel il ne cache pas sa vive admiration. Le clavecin vient après. Mais il ne cessera de jouer de conserve les deux types de clavier.
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De Leonhardt, auquel on l’a plusieurs fois comparé pour la noblesse _ oui ! _ de leurs jeux, Benjamin Alard n’a cependant pas été l’élève. « J’ai été comme beaucoup extrêmement impressionné par son dernier concert, donné à Paris _ c’était le 12 décembre dernier _, quelques jours _ un mois à peine _ avant sa mort. Et très marqué aussi par les textes _ de sagesse de la vie _ qu’il avait choisi de faire lire à ses funérailles _ à la Westerkerke d’Amsterdam. Des textes magnifiques qui disaient tous le doute _ actif _ face à l’existence. Cet homme suggérait, aidait les musiciens à puiser ce qu’il y a de meilleur et singulier en eux. Il doutait _ positivement _, ne proférait rien. C’est cela qu’il nous laisse en héritage« , conclut Benjamin Alard, visiblement ému.
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Contrepoints,
par Benjamin Alard (orgue). Eglise Saint-Louis-en-l’Ile, 19 bis, rue Saint-Louis-en-l’Ile, Paris 6e. Un dimanche par mois, jusqu’au 10 juin. Prochain concert : le 19 février à 12 h 30. Œuvres de Samuel Scheidt, Dietrich Buxtehude. Entrée et participation libres. Durée du concert : une heure, sans entracte.
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Renaud Machart
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Article paru dans l’édition du 19.02.12
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Titus Curiosus, ce 19 février 2012