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Comment bien jouer la musique : sur le « Duphly » d’Elisabeth Joyé…

20juil

Pour prolonger un peu la réflexion sur le « jeu » d’interprétation « réussi » de la musique (d’un « compositeur« -auteur d’une œuvre…),

ce petit échange amical _ « sur le vif » ; et sans rien de « personnel«  _ de correspondance avec Elisabeth Joyé,

dont le _ merveilleux ! _ CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150) vient de paraître le 3 juillet, en début de « vacances d’été » :

à titre de (modestes) « témoignages » (vivants) sur ce que peut être « interpréter«  pour l’artiste-interprète musicien

et « écouter«  pour l’« amateur« – mélomane…

D’abord, un petit simple message d’envoi de l’article « L’enchantement du CD “Duphly” d’Elisabeth Joyé : une entrée “de rêve” dans le classicisisme musical français du XVIIIème siècle ! » :

De :   Titus Curiosus

Objet : Bravo !
Date : 15 juillet 2009 17:34:19 HAEC
À :   Elisabeth Joyé

Voici mon article sur ton « bijou » :
l’entrée parfaite (!) pour « découvrir » la musique française du XVIIIème…

« L’enchantement du CD “Duphly” d’Elisabeth Joyé : une entrée “de rêve” dans le classicisisme musical français du XVIIIème siècle ! »

Titus
qui en redemande des comme celui-là !!!

La réponse de l’artiste :

De :   Elisabeth Joyé

Date : 19 juillet 2009 11:49:58 HAEC
À :   Titus Curiosus

cher Titus,

Je suis vraiment touchée que tu aies aimé mon Duphly. Moi, je n’arrive plus à
l’écouter !..


Je joue Duphly le 5 Septembre à Paris pour créer un peu un événement autour de
cette sortie. Ça me ferait plaisir si tu pouvais être là.

A bientôt, je t’embrasse Elisabeth

Ma réponse,

sur le « mécontentement » (voire les « doutes« …)  a posteriori de l’artiste envers ce que « conserve » le CD :

De :   Titus Curiosus

Objet : Ne plus arriver à l’écouter !
Date : 19 juillet 2009 12:37:52 HAEC
À :   Elisabeth Joyé

Bien sûr : tu es la mieux placée pour en juger…

Cependant, comme déjà tout cela,

dans la délicatesse de ses infinies inflexions,
coule de source, je veux dire sans à-coups autres que ceux que semble suggérer la musique même (en son jaillissement « de source » !..) de Duphly !..

Mais nous savons tous qu’un enregistrement n’est qu’une « saisie«  (= une « prise« ) à un instant « T« 
de ce qui jaillit de l’écriture notée (pour toujours : sauf quand l’écriture, elle-même, est « reprise » : ce qui advient aussi !) du créateur ; d’autant
que l’interprétation (à donner ; à « créer« , elle aussi…) déborde aussi très largement la notation elle-même,
à une époque où celle-ci se précise de plus en plus
_ la musique tant, alors, diffusée pour se vendre (de plus en plus) en partitions : pour des « amateurs » qui vont l’interpréter « à la maison »  _ ou aux concerts publics : qui débutent ; le « Concert Spirituel« , aux Tuileries, est créé en 1725, il me semble me souvenir _,
même si en France je suppose
qu’on (le compositeur) fait davantage qu’ailleurs confiance au goût (de l’interprète _ pas un vulgaire exécutant mécanique, ni simplement un « déchiffreur » !.. cf cependant les « inquiétudes » à ce sujet, déjà, d’un François Couperin, à propos des « ornements«  (nécessaires !) laissés (un peu trop ?) au goût de l’interprète… _)

Duphly doit être, il faudrait le vérifier, le contemporain de Carl-Philipp-Emanuel Bach :
1715-1789, pour Duphly ;
1714- 1788, pour CPE Bach : je n’ai pas fait exprès !
Je veux dire l’auteur de l' »Essai sur l’art de jouer les instruments à clavier« , en 1753  _ en français, aux Éditions Jean-Claude Lattès en 1979 _ : je viens de le rechercher en ma bibliothèque _ qui commence donc à traiter, sur le papier, des « inquiétudes«  de l’« interprétation«  (de « connaisseurs«  et d’« amateurs« ) !!!… : « probablement le plus important traité pratique sur la musique écrit au 18e siècle ». C’est, à un moment d’essor considérable de la diffusion (commerciale) de la musique auprès d’un « public«  d’« interprètes«  de plus en plus large, une sorte de « guide » un peu détaillé et affiné, concernant « le doigté, l’ornementation, l’æsthétique, l’accompagnement et l’improvisation« . Et déjà en 1780, ce « guide » sur « l’art _ et non une simple « technique«   _ de jouer«  avait atteint sa troisième édition…

D’où l’importance de la transmission (professorale…) de tout cela : c’est aussi l’œuvre d’une vie…
Et j’en sais aussi un peu quelque chose en mon propre enseignement,

même si ce n’est pas « de musique« …
Ce n’est jamais pareil ; et on s’améliore (même si c’est toujours périlleux) : du moins jusqu’ici !.. Il faut aussi transmettre, à la fois, et la palette des nuances, et l’élan _ en se jetant à l’eau : et c’est aussi comme ça qu’on apprend à nager et faire du vélo !..

Donc, ne pas trop s’inquiéter du caractère « figé« _ dans la cire, la gravure, le sillon du CD, le marbre _ de l’enregistrement en sa « prise« , en quelques heures d’avril 2008 (en ce beau lieu _ inspirant ! sans nul doute _ d’Assas)…
Cette « prise« -là (discographique) est déjà « pas mal » du tout !!!
Elle coule fort bien de source,
dans le feu d’artifice du jeu de toutes ses inflexions…


Le son du clavecin me paraît y être aussi pour un peu quelque chose :
même s’il revient à l’interprète de le faire « sonner » au mieux…


En tout cas, j’aime infiniment la « gravité » ludique sans lourdeur aucune (de la musique de ce CD « Duphly« ),
c’est du moins ainsi que je la ressens et qu’elle me touche…


Bravo…

Pour le 5 septembre, pourquoi pas ?
Cela peut se faire…

J’ai dit de vive voix (au téléphone) toute ma joie de ce CD à Jean-Paul _ Combet : le patron d’Alpha _ ;
puis je lui ai adressé mon article.
Mais je ne l’ai pas eu au bout du fil depuis…


Voilà.
Et je le réécoute beaucoup, ce CD : il me réjouit chaque fois sans m’en lasser du tout ! et même chaque fois davantage ! en découvrant encore des nuances moins repérées à l’oreille et l’esprit jusqu’alors…

Une très belle sérénité dans l’élan…

Voilà, voilà !

Je t’embrasse,

Titus

Et la réponse un peu rassérénée de l’interprète toujours inquiète (cf sa belle photo à un volet de porte du château d’Assas !) :

De :   Elisabeth Joyé

Date : 20 juillet 2009 16:49:43 HAEC
À :   Titus Curiosus

Merci encore cher Francis pour ta réponse si rapide.
Tout ce que tu dis correspond très bien à ce que je sens de cette musique et de
beaucoup d’autres musiques.

C’est vrai que je cherche toujours quelque chose qui
parle, qui soit clair et simple avec un bon rythme. Et je crois que ça s’entend.

A part le tien, je n’ai pour l’instant aucun autre article écrit _ en juillet, les journalistes sont « aux champs«  : il faudra vraisemblablement attendre la « rentrée« 

J’espère qu’ils
seront aussi gentils que toi !

Je t’embrasse Elisabeth

Voilà un des secrets de la musique française : de Louis Couperin (ca 1626-1661) à Jacques Duphly (1715-1789), Armand-Louis Couperin (1727-1789 : aussi…) et Claude-Bénigne Balbastre (1724-1799) ;

mais aussi pour Fauré et Debussy et Ravel et Poulenc…

Un CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150)

aux sources des jaillissants beaux secrets tranquilles, sans effets déclarés, de cette merveilleuse musique

_ qui fait aussi, en plus (et tout à fait comme son exact contemporain Chardin en peinture !), beaucoup de bien (à l’âme !)…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Sim%C3%A9on_Chardinhttp://www.musees.angers.fr/accueil/oeuvres-choisies/musee-des-beaux-arts/chardin-peches-et-prunes/http://himmelweg.blog.lemonde.fr/category/linvisible/

Titus Curiosus, ce 20 juillet 2009

La grâce (et l’intelligence) « Jaroussky » en un merveilleux récital de « Mélodies françaises », de Jules Massenet à Reynaldo Hahn _ un hymne à la civilisation de la civilité

25fév

Je ne vais pas être objectif,

autant que j’annonce tout de suite et sans ambages la couleur

_ car je place (on ne peut plus « personnellement » : j’en demande bien pardon !) au pinacle de mon goût musical « personnel », donc, la mélodie française… cf mon article du 11 octobre, à propos de l’excellent (ravissant !) récital de Susan Graham : « Un Frisson français » (chez Onyx) ; « Un bouquet de “glamour” musical _ et autres _ pour “temps de crise”…  » _,

le récital de mélodies françaises (disons « fin-de-siècle« ) que vient nous offrir Philippe Jaroussky

avec un CD de « Mélodies françaises » _ c’est le sous-titre de ce CD, auquel on aurait bien fait de s’en tenir ! _

est une merveille de réalisation,

grâce à l’interprétation d’enchanteresse probité poétique et musicale

_ et il faut du génie pour pareille justesse dans le rendu avec autant de « naturel » de l’infinitésimal du camaïeu des plus infimes nuances, et toutes (et chacune) « à leur place » !.. :

tout « devant », ainsi « à sa place », mobile et émouvante,

par un travail formidablement patient et inspiré, exigeant, face à l’œuvre qu’il faut « donner » « telle quelle », en quelque sorte,

c’est-à-dire telle que cette œuvre sourd, sub specie æternitatis, du génie de l’artiste créateur à l’instant béni des Dieux de son « invention-naissance » par l’artiste-auteur-compositeur-créateur de l’œuvre ;

par un travail, donc, de fourmi, titanesque et minutieux tout à la fois, de « mise en place » des interprètes

dont n’est devenue, à l’instant de cette interprétation le plus possible « en toute simplicité » offerte ;

dont n’est devenue plus perceptible la moindre trace du plus petit effort qu’il a pourtant bien fallu fournir, essayer, donner, pour y atteindre et s’y hausser !) ;

tout (de l’œuvre « donnée) devant, ainsi, donc,

glisser et couler de source, avec la grâce heureuse, et bientôt, à l’instant même, c’est à dire immédiatement, partagée par nous, récepteurs de ce « don » de l’œuvre ainsi interprétée (et captée _ par l’ingénierie sonore ; et reçue par nous _ les auditeurs-récepteurs, auxquelles cette œuvre ainsi interprétée est « donnée ») ;

avec la grâce heureuse, donc,

de l’évidence sereine de la sensation (æsthesis), indissolublement poétique et musicale, ici, comblée ;

car tel est bien son miracle, sa « grâce », en effet… _,

grâce à l’interprétation d’enchanteresse probité poétique et musicale

de Philippe Jaroussky, contre-ténor _ qu’on n’attendait peut-être pas, bien à tort !, dans pareil répertoire : pour tout dire, je ne goûte pas particulièrement l’aigü de son timbre (!) dans le répertoire baroque;

à moins que ce ne soient des « volutes » (d’ornements de la ligne musicale) peut-être un peu trop maniéristes, ou maniérées :

est-ce affaire d’œuvres (non françaises, ou de style « français », en l’occurrence) ? est-ce affaire de rôles ? est-ce affaire de choix stylistiques de chefs (d’opéras _ haendeliens ? ; ou de cantates _ italiennes ?..) ; voire de directeurs artistiques ? ou même de conseillers (moins avisés qu’ici)… ;

en tout cas, ici, pour l’heure _ en ces magnifiques « mélodies françaises » « fin-de-siècle » -ci _,

le goût de Philippe Jaroussky frôle la perfection… _

et Jérôme Ducros, au piano ;

plus les (brefs) amicaux renforts

_ en guest-stars : mais la mélodie est un art on ne peut plus convivial d’écoutes réciproques, à commencer par les écoutes mutuelles (= « l’entente », au sens premier et propre ! enchanteresse alors !) des interprètes entre eux, comme en toute musique « de chambre », laquelle est le B-A BA de LA musique !.. ne jamais le perdre de vue (ni d’ouïe !) _

du violon de Renaud Capuçon (pour « Violons dans le soir » de Camille Saint-Saëns, sur un poème d’Anna de Noailles) ; du violoncelle de Gautier Capuçon (pour « Elégie » de Jules Massenet, sur un poème de Pierre Lorys) ; et de la flûte d’Emmanuel Pahud (pour « Viens, une flûte invisible soupire« , d’André Caplet, sur un poème de Victor Hugo).

Le CD est officiellement, et plutôt malencontreusement à mon goût (car trop « accrocheusement ») titré : « Opium«  _ en référence à ce sous-titre de la mélodie (fort belle !) bien mieux titrée, elle, « Tournoiement« , de Camille Saint-Saëns (sur un poème d’Armand Renaud, en 1870…) _

comme s’il s’agissait _ vulgairement _ de la promotion commerciale de quelque « parfum » aux pouvoirs possiblement envoûtants (= aphrodisiaques) : mais non ! il s’agit seulement de délicates et subtilement raffinées « mélodies françaises » à écouter avec sérénité et tendresse sur sa platine !

alors que l’interprétation (magnifique de lisibilité et d’impact : quelle intelligence de la sensibilité !) de Philippe Jaroussky est aux antipodes du moindre mauvais goût, aguicheur, appuyé, affriolant,

l’interprète s’en tenant, présente-t-il lui-même très sobrement au début du livret du CD (page 5), à ceci :

« J’ai choisi volontairement la prononciation la plus proche possible de la voix parlée actuelle _ sans trop d' »r » roulés, par exemple… ; on pourra comparer avec une version antérieure d’« A Chloris«  filmée, sur You Tube… : telle un brouillon…  _, afin que les mots résonnent de la façon la plus naturelle _ un terme qu’il nous faudra commenter ! _ dans l’imaginaire _ « fantaisie » est le mot que prononce Théophile de Viau, le poète, dans « A Chloris » (en post-scriptum, pour le plaisir, je donne l’intégralité de ces « stances »)… _ des auditeurs, en essayant d’écarter tout « affect » ou « surinterprétation«  _ en effet ! tant de la part du chanteur ; que de l’auditeur !!! _ ;

avec cette reconnaissante _qu’il en soit chaleureusement remercié ! _ précision, encore :

« Je tiens à remercier tout particulièrement Frédéric Faye qui m’a permis, par ses conseils tout au long de cet enregistrement, d’aller dans cette _ fort heureuse ! cf la version antérieure d’« A Chloris«  sur You Tube _ direction »  _ on ne peut plus judicieuse, en effet : l’art français proscrivant absolument (comme une horreur qui le saccage et, sans nul remède hélas le détruit !) de présenter si peu que ce soit à sa réception

_ et ce point constitue aussi une donnée fondamentale de la chose : cet art (du chant français), tout comme celui (= frère !) de la conversation, étant tout entier tourné vers l’interlocuteur, qu’il s’agit d’abord, et avec le plus grand tact, de respecter et servir ; et jamais de séduire, acheter, emporter, berner, violer _

l’art français proscrivant absolument de présenter à sa réception

la moindre prise que ce soit au plus léger début de plus petit soupçon _ mortel pour l’interprétation ! comme pour la réception de l’auditeur !!! _ de surcharge ou de boursouflure !!! 

Sur les vingt quatre mélodies composant le merveilleux bouquet de ce récital, « Opium« , donc,

dix-sept d’entre elles ont été composées et publiées _ les indications du livret n’étant pas tout à fait complètes à cet égard, c’est dommage… _ entre 188o, pour « Nell » (sur un poème de Leconte de Lisle), et « Automne » (sur un poème d’Armand Silvestre), de Gabriel Fauré, et « Les Papillons » (sur un poème de Théophile Gautier), d’Ernest Chausson ;

et 1901 , pour « Les Donneurs de sérénade » (sur un poème de Verlaine : « Mandoline« , le quinzième du recueil « Les Fêtes galantes« ), de Gabriel Dupont ;

en amont de ce moment (1880- 1901 : si fécond pour ce genre si quintessentiellement « français »), trois mélodies de 1869-70 :

« Elégie » (sur un poème de Pierre Lorys) et « Nuit d’Espagne » ( sur un poème de Louis Gallet) _ tout spécialement merveilleuses, les deux !!! _, de Jules Massenet, en 1869 ;

et « Tournoiement » (avec pour sous-titre « Songe d’opium » : sur un poème d’Armand Renaud), de Camille Saint-Saëns _ tout aussi éblouissante ! _, en 1870 ;

et, en aval, quatre mélodies, entre 1907 et 1914 , et une dernière en 1924 :

en 1907, « Violons dans le soir » (sur un poème d’Anna de Noailles), du même Camille Saint-Saëns (1835-1921) ; l’immortelle « A Chloris » (sur un poème, donc, tellement beau, de Théophile de Viau, de 1621), en 1913,

et l’exquise « L’Heure exquise » (sur un poème de Verlaine, « La lune blanche…« , le sixième du recueil « La Bonne chanson« ), du magnifique Reynaldo Hahn (1875-1947), en 1914 ;

et enfin, exception un peu plus tardive de ce somptueux « bouquet », en 1924, « Sonnet » (sur le sonnet « Ha ! Bel Accueil, que ta douce parole…« , du « Premier Livre des Amours« , de Pierre de Ronsard) de Paul Dukas..

On comprend que Philippe Jaroussky ait tenu à ne pas se priver, ni nous non plus, de ces sept mélodies-là : extraordinaires, en effet !

Et alors que son récital fait l’impasse _ j’ose espérer que c’est pour les réserver à un futur récital ! _ sur ces chefs d’œuvre que sont les mélodies de Henri Duparc, de Maurice Ravel _ ainsi que, même si plus tardives, de celles de Francis Poulenc…

Le choix des mélodies de ce récital-ci par Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros est extrêmement judicieux, en son « unité », autour des deux dernières décennies du XIXème siècle principalement :

un moment « fin-de-siècle », si l’on veut, mais brillant des feux mordorés et chatoyants d’une France qui affirme avec sérénité (et sans hystérie) son génie, son âme et son esprit, dans ses Arts aussi : la France de la république (et des Lois) de Jules Ferry, se remettant, avec son élégance « essentielle (depuis François Ier au moins, et Joachim du Bellay : « France, mère des Arts, des Armes et des Lois…« , dans « Les Regrets« , à un retour de Rome…), de l’humiliation de la défaite par les Armes de 1870…

Personnellement, je ne partage pas du tout ! la thèse d’un goût dominant, sinon généralisé, voire uniforme, pour un certain décadentisme _ à la Huysmans (ou à la Des Esseintes) de « A rebours« , en 1884 _ que pense décrypter, dans la plupart de ces œuvres-là, le livrettiste de ce CD, Christophe Ghristi.


Si l’art français se démarque, certes, du goût germanique pour « la terre« , les brouillard
bien épais de chemins ne menant nulle part (« Holzwege« ) au cœur des forêts et vers les cimes de montagne, ce n’est pas pour autant un art de l’artifice et de « la chaleur _ vénéneuse _ des serres » (page 5 du livret) _ telle celle, superbe par ailleurs, de la demeure haussmannienne des Saccard, donnant sur le Parc Monceau, dans « La Curée » de Zola (en 1872 : une critique au vitriol des miasmes du second empire, qui vient juste de s’écrouler, d’un bloc, à Sedan, à la capitulation de Bazaine, le 27 octobre 1870)…

L’art français, éminemment civil (avec urbanité !) et civilisé, est celui d’une nature peignée : celle des jardins de Le Nôtre (si bien dits « à la française« , même s’ils sont aussi originaires des académies italiennes _ cf l’excellent « La France italienne _ XVI-XVIIèmes siècles » de l’historien Jean-François Dubost, aux Éditions Aubier-Montaigne, en 1998 _), et des « Fêtes galantes » de Watteau, auxquelles se réfère Verlaine, et qui inspirent, en effet, nos musiciens, ici Reynaldo Hahn (en 1892) et Gabriel Dupont (en 1901)…

C’est un Art de la ville et « urbain » _ en la polysémie du terme _ qui tient (toujours) compte des autres (= des personnes), des perspectives humaines, en la fantaisie et la grâce de ses alignements ; et qui n’a pas beaucoup de penchant ou d’attrait pour les vertiges du sauvage (« the wilderness« )…

Ce récital-ci, de Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros, est ainsi

selon _ et là je retiens la remarque du livrettiste, page 6 _ non « pas la couleur (mais) rien que la nuance« , ainsi que « le recommandait Verlaine ;

et Hahn lui obéit : son « Offrande«  _ « Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches… » _ ou « l’Heure exquise«  _ les deux mélodies d’après les poèmes de « La Bonne chanson« _ dédaignent les grands gestes et les éclats _ en effet _

pour une silencieuse intimité » _ oui ! celle des Couperin, par exemple… _ ;


ou selon cette autre « recommandation« , toujours d’après Verlaine, mais cette fois in « 
Les Fêtes galantes«  :

« chanter « Très crâne et avec élégance » »

Voilà ! Tout est ainsi résumé

Parmi mes découvertes singulières parmi les mélodies de ce programme,

je tiens à signaler celle de Cécile Chaminade (1857 – 1944), auteur d’un dynamique _ « et de la plus exquise excentricité » : en effet ! _ « Sombrero« , ainsi que d’un « Mignonne, allons voir si la rose« , d’après Ronsard, tout plein de « charme« , en 1894 : tout un esprit du temps nous est ainsi exquisément _ le mot revient, décidément _ rendu…

Bref, un must que ce CD « Opium _ Mélodies françaises », par Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros

_ CD Virgin Classics 50999 216621 2 6 _,

afin de pénétrer toujours mieux (cf la série de mes articles antérieurs sur ce même « sujet » _ accessibles en remontant par la case « Archives »)

 _ et avec ravissement, tant l’esprit et l’âme (ainsi que tous les sens ; mais avec le filtre, toujours, de la civilité et de l’urbanité : sans y déroger jamais !) sont à la perfection « servis » ! _,

afin de pénétrer toujours mieux

le si beau goût (musical) français ;

quand son « art » (français, donc) de la civilisation

reçoit, ces derniers temps-ci,

d’un peu vilaines pichenettes et assez grossiers (vulgaires) accrocs…

D’où la mise en exergue d’un « hymne à la civilité »

_ quand la musique (du chant) adoucit (vraiment) les mœurs…

Titus Curiosus, ce 25 février 2009


Post-scriptum :

« A Chloris« , stances, en 1621,

de Théophile de Viau (Clairac, entre mars et mai 1586 – Paris, 25 septembre 1626) :

S’il est vrai, Cloris, que tu m’aimes,

Mais j’entends que tu m’aimes bien,

Je ne crois point que les rois mêmes

Aient un heur comme le mien.

Que la mort serait importune

De venir changer ma fortune

A la félicité des dieux !

Tout ce qu’on dit de l’ambroisie

Ne touche point ma fantaisie

Au prix des grâces de tes yeux.


Sur mon âme, il m’est impossible

De passer un jour sans te voir

Qu’avec un tourment plus sensible

Qu’un damné n’en saurait avoir.

Le sort qui menaça ma vie

Quand les cruautés de l’envie

Me firent éloigner du Roi

M’exposant à tes yeux en proie,

Me donna beaucoup plus de joie

Qu’il ne m’avait donné d’effroi.


Que je me plus dans ma misère!

Que j’aimai mon bannissement!

Mes ennemis ne valent guère

De me traiter si doucement.

Cloris, prions que leur malice

Fasse bien durer mon supplice.

Je ne veux point partir d’ici

Quoique mon innocence endure ;

Pourvu que ton amour me dure

Que mon exil me dure aussi.


Je jure l’amour et sa flamme

Que les doux regards de Cloris

Me font déjà trembler dans l’âme

Quand on me parle de Paris:

Insensé, je commence à craindre

Que mon Prince me va contraindre

A souffrir que je sois remis.

Vous qui le mîtes en colère,

Si vous l’empêchez de le faire

Vous n’êtes plus mes ennemis:


Toi qui si vivement pourchasses

Les remèdes de mon retour,

Prends bien garde quoi que tu fasses,

De ne point fâcher mon amour.

Arrête un peu, rien ne me presse,

Ton soin vaut moins que ta paresse,

Me bien servir c’est m’affliger;

Je ne crains que ta diligence,

Et prépare de la vengeance

A qui tâche de m’obliger.

In « Après m’avoir fait tant mourir« , Œuvres choisies de Théophile de Viau,

dans l’édition de Jean-Pierre Chauveau, en septembre 2002, dans la collection Poésie/Gallimard,

pages 64 à 67…

Les « rêves » de Stanley Ann Dunham, « la mère de Barack Obama », selon l’article de Gloria Origgi, sur laviedesidees.fr

21jan

Pour compléter la passionnante réflexion sur ce qu’est une identité (de personne humaine)

_ et ses implications socio-historico-politico culturelles ! si cruciales pour le devenir de nos sociétés : en France, en Europe et aux États-Unis, comme partout ailleurs, en tout État de notre planète, aujourd’hui et demain (matin…) _

que sont

_ écrits et publiés en 1995 ; puis la (très belle, aussi) « Préface » ayant été ajoutée en 2004 _

Les rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc

_ cf mon article d’avant-hier 19 janvier : « Président Obama : lecteur et écrivain _ la construction d’une identité et d’une politique dans les pas d’Abraham Lincoln…  » _,

voici, ce (petit) matin du 21 janvier, un fort intéressant _ par la richesse des détails présentés _ article,

sur le toujours très riche site _ que dirige Pierre Rosanvallon _ de « la vie des idées » (laviedesidees.fr ),

de Gloria Origgi :

« la maman _ mieux : la mère ! _ de Barack Obama« .

Gloria Origgi est chercheur au CNRS, à l’Institut Jean Nicod. Elle s’occupe d’épistémologie sociale, d’épistémologie du web et de philosophie des sciences sociales.

Son dernier ouvrage : « Qu’est-ce que la confiance ?« , est paru aux Éditions Vrin, à Paris, en décembre 2007, dans la très remarquable collection « Chemins philosophiques« , que dirige Roger Pouivet (qui fut l’invité de la Société de Philosophie de Bordeaux le 24 avril 2003).

Et n’est pas du tout un hasard que cette connexion entre ces curiosités croisées (de Gloria Origgi),

tissées entre le concept de « confiance »,

le projet politique démocratique du Président Barack Obama,

et la réflexion cruciale sur les identités croisées,

nœud, déjà, des « Rêves de mon père » du jeune Barack Obama, en 1995  :

rédigés en 1994 et parus le 18 juillet 1995,

peu avant le décès _ le 7 novembre de la même année 1995 ; d’un cancer _ de sa mère…

Aussi me permets-je de citer, auparavant, cette page de cette « Préface » de 2004 aux « Rêves de mon père« , par Barack Obama lui-même _ in person ! :

« La plupart des personnages de ce livre font toujours partie de ma vie (…). Mais il y a une exception : ma mère, que nous avons perdue brutalement _ le 7 novembre 1995 _, à la suite d’un cancer, quelques mois après sa publication _ le 18 juillet précédent.

Elle avait passé les dix années précédentes à faire ce qu’elle aimait. Elle voyageait à travers le monde, travaillant dans de lointains villages d’Asie et d’Afrique, aidant les femmes à acheter une machine à coudre ou une vache laitière, à acquérir une formation qui leur permettrait de mettre un pied dans le commerce mondial. Elle avait des amis dans tous les milieux, faisait de longues promenades, contemplait la lune, farfouillait dans les marchés de Delhi ou de Marrakech à la découverte d’une babiole, d’un foulard ou d’une sculpture de pierre qui la faisaient sourire ou qu’elle trouvait jolis. Elle écrivait des articles, lisait des romans, harcelait ses enfants pour qu’elle ait des petits-enfants.

Nous nous voyions souvent, notre lien était fort. Pendant l’écriture de ce livre, elle en rectifiait des épisodes que j’avais mal interprétés, tout en veillant soigneusement à s’abstenir de commentaires sur mes descriptions la concernant ; mais en s’empressant d’expliquer ou de défendre les aspects moins flatteurs du personnage de mon père. Elle affrontait sa maladie avec dignité, et sans se plaindre, en nous aidant, ma sœur et moi, à continuer à vivre normalement, malgré notre angoisse, nos dénis, nos accès d’abattement.

Je me dis parfois que si j’avais su qu’elle ne guérirait pas, j’aurais peut-être écrit un livre différent… j’en aurais moins fait une méditation sur le parent absent _ disparu _, j’aurais rendu davantage hommage à celle qui était le seul point constant de ma vie. Chaque jour, je la vois dans mes filles, avec sa joie de vivre, sa capacité d’émerveillement. Je ne vais pas essayer d’exprimer à quel point je pleure encore sa mort. Je sais qu’elle était l’être le plus noble, le plus généreux que j’aie jamais connu ; et que c’est à elle que je dois ce que j’ai de meilleur en moi.« 


Voilà ;

et maintenant voici l’article s’efforçant de présenter un peu cette « dette » du fils Barack Hussein _ ou plutôt, pour elle : « Barry«  _ à l’égard de sa mère, « Ann« , ou « Anna« …

« La Maman _ la mère ! _ d’Obama »

par Gloria Origgi [20-01-2009]

« C’est une femme qui a gagné les élections américaines » : Gloria Origgi retrace la vie et la carrière anticonformistes de la mère _ car c’est de celle-ci qu’il va s’agir… _ du nouveau président des États-Unis. Contrairement à ce qui a été avancé _ mis en avant _ durant la campagne, c’est bien cette femme libre et indépendante  _ certes ; et pragmatique _ qui a formé le jeune Barack Obama, le préparant au monde multi-culturel et globalisé dont sa courte vie anticipa _ est-ce à mettre d’ores et déjà au passé (d’un présent bel et bien « arrivé ») ? _ l’avènement.

C’est une femme qui a gagné les élections américaines : Stanley Ann Dunham, née en 1942 _ le 29 novembre _ et emportée par un cancer en 1995 _ le 7 novembre _, à 53 ans à peine, _ ou presque… _ avant de voir s’accomplir son « rêve visionnaire » (!), l’élection de son fils Barack Hussein Obama comme 44e président des États-Unis. Son prénom masculin lui avait été imposé par son père, Stanley Dunham, qui aurait préféré avoir un garçon. Fille unique de Stanley _ Armour Dunham, 1918 – 1992 _ et de sa femme Madelyn Payne _ née le 26 octobre 1922 et morte le 2 novembre 2008, deux jour avant l’élection présidentielle du 4 novembre… ; Barack était allé à Hawaii lui dire adieu quelques jours auparavant, les 22 et 23 octobre _, Stanley Ann fut une jeune fille anticonformiste et une mère solitaire, convaincue de pouvoir élever ses enfants en les préparant _ peut-être _ à un monde nouveau, globalisé et multi-culturel. Un monde radicalement différent de son quotidien de petite fille de classe moyenne dans une anonyme _ Fort Leavenworth _ petite ville du Kansas _ cela, à coup sûr ! Barack _ Barry comme elle l’appelait _ est _ en partie du moins : l’éducation est un processus infiniment complexe ; à ne pas « instrumentaliser » ! _ sa créature _ est-ce tout à fait le mot juste ? _, le fruit d’une éducation patiente, attentive et aimante _ oui ! lire aussi (tout Donald Winnicott ! _, à laquelle elle consacra toute sa vie, tant elle voyait dans ses deux enfants métis l’image d’un avenir proche et meilleur, qui réconcilierait dans le mélange des sangs les fausses oppositions, les odieux sentiments d’appartenance, les unreal loyalties _ comme les appelait (dans « Trois Guinées« …) Virginia Woolf _ qui nous rassurent tant dans notre quête désespérée d’identité sociale.

Au moment de sa naissance, le 4 août 1961, son fils Barack était encore considéré dans la moitié des États américains comme le produit criminel _ rien moins ! _ d’une miscegenation, d’un croisement de races : un hybride biologique honteux auquel on ne reconnaissait pas la possibilité d’exister, et dont les auteurs étaient punis par la prison. Ce terme, aujourd’hui imprononçable, avait été forgé aux États-Unis en 1863, avec une fausse étymologie latine associant miscere et genus, pour indiquer la différence supposée génétique entre Blancs et Noirs. La question de la miscegenation devint cruciale à l’époque de la guerre civile américaine (1861-1865), et de l’abolition de l’esclavage qui s’ensuivit _ le 18 décembre 1865. Passe encore accorder des droits civiques aux non Blancs, mais autoriser des relations intimes entre Blancs et Noirs était une autre histoire… Le terme apparaît pour la première fois dans le titre d’un pamphlet publié à New York _ en 1864 _, « Miscegenation : The Theory of Blending of the Races, Applied to the American White Man and Negro« . L’auteur, anonyme, y révèle que le projet du parti républicain, qui s’était prononcé en faveur de l’abolition de l’esclavage, était d’encourager au maximum le mélange entre Blancs et Noirs, afin que les différences raciales s’atténuent peu à peu, jusqu’à disparaître complètement. On ne tarda pas à découvrir qu’il s’agissait d’un faux, fabriqué de toutes pièces par les Démocrates  _ en fait, un certain David Goodman Croly _ pour faire dresser les cheveux sur la tête des citoyens américains face à l’intolérable projet républicain d’un métissage souhaitable. Le délit de miscegenation fut définitivement aboli en 1967 lorsque la Cour Suprême américaine déclara _ le 12 juin 1967 _ les lois anti-miscegenation anticonstitutionnelles, à l’issue du célèbre cas judiciaire Loving vs. Virginia. Un couple mixte marié _ Richard (1933-1975) et Mildred (1939-2008) Loving _ avait été condamné à un an de prison et à quitter l’État de Virginie, uniquement parce que mari et femme avaient été trouvés dans le même lit : le certificat de mariage _ en juin 1958 _ suspendu au-dessus du lit fut considéré comme non valide par les policiers, qui avaient forcé la porte d’entrée et, armés de fusils, avaient frappé et humilié les jeunes mariés, car il avait été établi dans un autre État, _ le District of Columbia _ qui ne condamnait pas la miscegenation. Les faits eurent lieu en 1959 _ le 6 janvier _ et le couple dut attendre huit ans pour voir reconnue son innocence, ainsi que l’indécence morale de ce qu’il avait subi.

Il faut essayer d’imaginer cette Amérique-là _ en effet _ pour comprendre le courage de Stanley Ann, qui épousa _ c’était le 2 février 1961, à Maui _ à dix-huit ans, enceinte de quatre mois, le jeune et brillant étudiant kenyan Barack Obama senior, premier Africain admis à l’Université de Hawaï  Il avait 25 ans et était arrivé à Hawaï en 1959, grâce à une bourse du gouvernement kenyan partiellement financée par les États-Unis, destinée à aider les étudiants africains les plus doués à se former dans les universités américaines, pour rentrer ensuite dans leur pays et constituer une élite compétente et moderne. Barack senior avait grandi sur les rives du lac Victoria _ au nord-ouest du Kenya _, dans une famille de la tribu Luo. Il avait passé son enfance à s’occuper du bétail de son père, l’un des chefs de la tribu, en fréquentant l’école du village. Une première bourse lui avait permis de s’inscrire au lycée de Nairobi _ la capitale du Kenya. Il était venu étudier l’économie à Hawaï, et obtint son diplôme en trois ans avec les meilleures notes de sa classe. Il rencontra Stanley Ann à un cours de russe, qu’elle suivait probablement parce que ce pays si différent des États-Unis l’attirait et la faisait rêver à l’accomplissement de ses « rêves«  de jeune athée marxiste depuis les lointaines îles Hawaï.

Stanley Ann était une jeune fille timide, studieuse et rêveuse. Elle était née à Fort Leavenworth, dans le Kansas, où son père faisait son service militaire. Ses parents, tous les deux originaires du Kansas, s’étaient rencontrés _ et mariés, le 5 mai _ en 1940 à Wichita, la ville la plus importante du Kansas. Sa mère appartenait à une famille respectable : des gens qui n’avaient jamais perdu leur travail, même pendant la grande dépression, et qui vivaient très correctement grâce à une concession à une compagnie pétrolière sur leurs terres. Son père venait d’une famille plus compliquée, aux revenus modestes : élevé par ses grands-parents, il avait été un adolescent particulièrement rebelle et renfermé, notamment après le suicide de sa mère. Ce caractère difficile lui resta à jamais ; il se montra sarcastique et sévère avec Stanley Ann. Sa fille commença très tôt à se détacher de lui et à manifester une véritable intolérance pour ses manières fortes et frustes, son excessive simplicité intellectuelle et le style obtus et masculin avec lequel il conduisait les affaires familiales.

L’enfance de Stanley Ann fut ponctuée de nombreux déménagements : ses parents quittèrent le Kansas pour la Californie, puis revinrent dans le Kansas avant d’habiter différentes villes du Texas, puis Seattle durant l’adolescence de leur fille, et enfin Honolulu, où ils décidèrent de s’établir _ en 1960. Son père s’était lancé dans des affaires variées, alternant succès et échecs ; il se consacra finalement au commerce de meubles à Hawaï. Sa mère, qui avait toujours travaillé dans la banque, devint directrice d’une agence à Honolulu. Le couple n’avait pas grand intérêt pour la religion, même si le père essaya de convaincre sa femme Madeleine, dite Toot, de se convertir à la Congrégation Unitaire Universaliste _ un groupe religieux qui mêlait les écritures de cinq religions _ en s’appuyant sur un argument financier : « cela revient à avoir cinq religions pour le prix d’une ! » Mais sa femme l’en dissuada, rétorquant que la religion n’était pas un supermarché. Les nombreux déménagements avaient fait des parents de Stanley Ann un couple américain typique d’ordinary outsiders, de gens ordinaires qui se déplacent pour des raisons financières, se sentant profondément américains dans leurs valeurs, mais n’ayant de racines nulle part. Le couple était néanmoins tolérant : le père se considérait bohême parce qu’il écoutait du jazz, écrivait des poèmes le dimanche et ne craignait pas de compter plusieurs Juifs parmi ses amis intimes. La question raciale n’existait pas pour eux. La vie des Noirs et des Blancs était tellement « séparée«  dans les villes où ils habitèrent durant leurs pérégrinations, que pour la plupart des Américains de leur génération le problème ne se posait même pas.

Stanley Ann grandissait solitaire, passait des après-midi entiers à lire des livres empruntés à la bibliothèque du quartier. Elle aimait les langues étrangères, les romans européens et le « Manifeste » de Karl Marx. À douze ans, elle vécut son premier traumatisme lié à l’intolérance sociale. Arrivée dans une petite ville du Texas, Stanley Ann devint l’amie d’une petite fille noire qui habitait dans le voisinage. Ses parents n’avaient rien à y objecter, mais ses camarades de classe commencèrent à se moquer d’elle. La dérision se fit de plus en plus forte, jusqu’à se transformer en véritable exclusion. Toot, la grand-mère d’Obama, se souvient d’un jour où elle trouva les deux petites filles couchées dans le jardin, regardant le ciel en silence, tandis que depuis les grilles qui entouraient le terrain, leurs camarades d’école et les enfants du quartier hurlaient des injures et des insultes. « Nigger lover« , criaient-ils à Stanley Ann, insinuant que leur amitié avait une connotation sexuelle, seule raison pouvant justifier une attraction pour ce qui est différent. Comme si le contact avec le Noir, pour le puritanisme wasp de l’Amérique des années cinquante, ne pouvait représenter rien d’autre qu’un phantasme sexuel, une altérité sauvage et un désir _ lust _ refoulé.

Ce Texas violent, intolérant et conformiste ne plaisait pas non plus aux parents de Stanley Ann, qui décidèrent de partir pour Seattle, « nouvelle frontière«  économique à l’extrême Ouest des États-Unis. La ville _ Mercer Island _ était plus ouverte et plus accueillante, Stanley Ann y fit tout son lycée _ Mercer Island High School. Marine Box, sa meilleure amie de l’époque, garde d’elle l’image d’une élève brillante, non seulement dans ses résultats scolaires, mais par sa capacité à réfléchir seule, à ne pas se plier aux clichés et au conformisme culturel de son pays. Elle se disait par exemple athée, scandalisant ses camarades de classe.

Quand ses parents déménagèrent à Hawaï _ en 1960, donc _, Stanley Ann s’inscrivit à l’Université d’Honolulu. Malgré la dureté de son père, ses parents ne s’opposèrent pas à sa relation avec Barack Obama senior. Au contraire, ils l’invitèrent immédiatement à dîner, pensant que le jeune homme se sentait seul, si loin de chez lui. Les gaffes furent évidemment nombreuses, tant ils avaient peu l’habitude de fréquenter des Noirs : le père lui demanda s’il savait chanter et danser, et la mère lui dit qu’il ressemblait de façon frappante à Harry Belafonte. Mais Barack senior ne se laissa pas intimider pour autant. Un soir, durant une fête, il se mit à chanter devant tout le monde, et bien que sa voix ne fût pas particulièrement belle, son assurance et son charisme firent effet sur tous les présents. C’est un homme fier de ses origines africaines, fils de chef, qui n’a jamais subi les humiliations des Noirs américains _ esclaves et descendants d’esclaves. Il ne sent pas encore le poids de la couleur de sa peau dans cette Amérique violente, ségrégationniste, mais « naïve«  sur les questions raciales, pour n’avoir pas encore été confrontée aux Black Panthers et aux mouvements de révolte et de construction de l’identité afro-américaine.

Juste après la naissance d’Obama Hussein _ le 4 août 1961 _, son père est sélectionné par les meilleures universités américaines et décide de poursuivre ses études à Harvard. Stanley Ann n’a pas envie de le suivre dans le Massachusetts : elle est heureuse d’avoir un bébé, pleinement heureuse, mais ne se voit pas mener la vie d’une épouse d’homme politique kenyan. Elle sait que le destin de son mari est tracé, qu’il devra rentrer au Kenya car sa réussite aux États-Unis est un exemple pour toute une nation ; c’est précisément pour cela qu’on l’a envoyé faire ses études en Amérique. Ils décident de se séparer en toute amitié, Barack senior vient d’une culture polygame et sait bien que sa vie de mari et de père ne s’arrête pas là. Stanley Ann est suffisamment sûre d’elle-même et heureuse d’avoir un enfant métis pour retourner à Honolulu sans complexes _ le divorce sera prononcé en juin 1964 _, et y reprendre ses études. Elle décroche une maîtrise en mathématiques et un master en anthropologie en 1967. La même année, elle rencontre un autre étudiant étranger, Lolo Soetoro _ ca 1936-1987 _,  un Indonésien petit, brun et gentil, qui commence à fréquenter la maison des Dunham. Toot, la mère de Stanley Ann, joue aux échecs avec lui tous les soirs, et se moque de lui car « Lolo » en hawaïen signifie « fou ». Mais ce garçon n’a rien de fou : il est d’une courtoisie extrême, affectueux avec le petit Barry et décidément très amoureux de la jeune femme extravagante et aventureuse qu’est Stanley Ann. Il lui propose de l’épouser, et de partir avec lui à Djakarta. Stanley Ann accepte et part avec son fils pour l’Indonésie à la fin de l’année 1967, au moment de l’irrésistible ascension au pouvoir de Suharto, des purges anti-communistes et du déclin du président Sukarno, fondateur de l’État, désormais âgé.

Stanley Ann trouve du travail à l’ambassade américaine, où elle emmène souvent son fils qui passe ses journées à la bibliothèque de l’ambassade à lire le magazine Life. Elle lui parle de politique, de géographie, de relations internationales. Lolo raconte à Barry les mythes indonésiens, le grand Hanuman, dieu singe et guerrier invincible dans sa lutte contre les démons. L’athéisme communiste du gouvernement Sukarno est vite remplacé, sous Suharto, par une vague religieuse. On étudie la religion musulmane à l’école : l’Indonésie est le plus grand pays converti à l’Islam. Barry est soumis à toutes ces influences, toutes ces cultures. Il n’a pas de problèmes d’appartenance raciale : il n’a pas de race, il est un citoyen du monde, curieux comme sa mère, intéressé par la différence, sûr de lui et entièrement à son aise dans la normalité quotidienne qu’est pour lui le clan multi-ethnique de sa famille recomposée. En 1970 _ le 15 août _ naît sa sœur, Maya Kassandra Soetoro. Barry va à l’école, mais le réveil sonne pour lui à trois heures du matin, quand sa mère entre dans sa chambre sur les notes de Mahalia Jackson, lui lit la biographie de Malcolm X, lui fait écouter les discours du révérend Martin Luther King. Elle lui inculque de cette façon un sentiment d’appartenance à la culture afro-américaine, qui est en train de prendre pied aux États-Unis, d’y trouver une expression politique, une identité communautaire et un langage propres.

Barry doit savoir tout être à la fois, américain, noir, blanc, cosmopolite, parce que c’est son avenir, le « rêve«  hasardeux et visionnaire de sa mère. Quand son mariage avec Lolo commence à vaciller, Barry est envoyé pendant un an chez ses grands-parents à Hawaï. Stanley Ann quitte Lolo car il désire avoir d’autres enfants. Peu après _ en 1972 _, Stanley Ann et Maya reviennent à Honolulu, et le clan se recompose, cette fois sans maris, mais avec les deux enfants et les grands-parents Dunham. Les parents de Stanley Ann se consacrent avec amour au petit Barry, mais contrairement à ce qu’on a pu lire dans les journaux, ce ne sont pas eux qui l’élèvent. C’est sa mère qui veille sur son éducation, elle qui, une fois de retour à Hawaï, reprend ses études pour décrocher un doctorat en anthropologie à cinquante ans, en 1992. Elle choisit comme objet de recherche la société rurale indonésienne, ce qui lui donne l’occasion de retourner fréquemment en Indonésie pour que sa fille Maya puisse voir son père, avec lequel elle a conservé des rapports amicaux _ le divorce officiel aura lieu en 1980. En 1977, elle décide d’y séjourner plus longuement, toujours pour ses recherches. Elle part seule avec Maya, Barry préfère terminer sa scolarité aux États-Unis.

La carrière de Stanley Ann, pendant ce temps, prend une tournure nouvelle : elle s’occupe de développement rural, de programmes de micro-crédit destinés aux femmes indonésiennes pour le compte de différentes agences et banques internationales. Sa vie, son expérience de femme et de mère de deux enfants multi-ethniques deviennent le terreau de sa croissance intellectuelle. Elles lui ont fait comprendre des choses qu’elle n’aurait pas vues autrement sur les différences sociales et culturelles, sur la condition féminine, sur les minorités ethniques. Son autobiographie est son terrain d’expérimentation, elle est à la fois observatrice et protagoniste d’un monde qui se transforme et se globalise. Mais son enthousiasme et sa carrière seront bientôt stoppés net par un cancer des ovaires _ qui se déclare en 1994 _, qui l’emporte à cinquante-trois ans, en 1995 _ le 7 novembre.

Il faut se demander ce qu’il y a _ indirectement _ de cette femme indépendante, courageuse et pleine d’une autorité naturelle _ oui _ dans l’obamanie qui s’est emparée du monde entier durant les élections américaines. La nouveauté que représente Obama réside peut-être moins dans sa peau noire que dans sa capacité profonde _ oui _ à comprendre et à concilier les contraires, que seul peut avoir un homme qui a accepté le modèle et l’autorité d’une femme. Obama est issu d’une génération nouvelle parce qu’il est le fils d’une femme intellectuellement compétente, parce qu’il peut prendre pour modèle sa mère et non son père, parce qu’il est imprégné de valeurs féminines de tolérance et de communion. Obama est le produit _ d’abord… : il n’est pas une chose ; ni un « outil »… _ de cette femme, il est sa plus grande réussite. Certes, durant la campagne électorale, il valait mieux _ électoralement ?.. _ laisser le souvenir de Stanley Ann à l’écart des feux de la rampe, et raconter _ story-telliser ?.. _ l’histoire du petit garçon noir élevé par ses grands-parents dans le Kansas _ du middlewest profond… Mais à présent qu’Obama est président, le moment est enfin venu _ politiquement correct ?.. _ de rendre hommage _ est-ce parfaitement sincère, en pareil cas ? _ à celle qui a « inventé«  (!) ce « fils parfait » (!), à celle qui en a pris soin et l’a élevé pour (!!!) « en faire l’icône » (!) du monde qui viendra, et qu’elle ne verra pas.

Traduit _ pas toujours opportunément (!) du point de vue d’une rigueur philosophique : c’est plutôt dommage…  _ de l’italien par Florence Plouchart-Cohn _ les données factuelles, étant, elles, on ne peut plus intéressantes !

par Gloria Origgi [20-01-2009]

Titus Curiosus, le 21 janvier 2009

Président Obama : lecteur et écrivain _ la construction d’une identité et d’une politique dans les pas d’Abraham Lincoln…

19jan

En contrepoint aux magnifiques « Rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc« , parus aux Etats-Unis en 1995,

puis réédités _ au moins une première fois (avec l’adjonction d’une « Préface« , alors) _ en 2004, à l’occasion de l’élection « au Sénat des États-Unis en tant que sénateur de l’Illinois » (page 11) de Barack Obama,

et traduits en français par Danièle Darneau (aux Presses de la Cité ; et paraissant maintenant _ décembre 2008 _ en Points-Seuil) ;

voici un bel article _ en anglais _

paru dans l’édition de ce 19 janvier _ veille de l' »inauguration » à Washington _ du New-York Times,

sous la plume de Michiko Kakutani,

intitulé « From Books, New President Found Voice ».

WASHINGTON _

In college, as he was getting involved in protests against the apartheid government in South Africa, Barack Obama noticed, he has written, that people had begun to listen to my opinions. Words, the young Mr. Obama realized, had the power “to transform” : “with the right words everything could change _ South Africa, the lives of ghetto kids just a few miles away, my own tenuous place in the world.

Much has been made of Mr. Obama’s eloquence _ his ability to use words in his speeches to persuade and uplift and inspire. But his appreciation of the magic of language and his ardent love of reading have not only endowed him with a rare ability to communicate his ideas to millions of Americans while contextualizing complex ideas about race and religion, they have also shaped his sense of who he is and his apprehension of the world.

Mr. Obama’s first book, Dreams From My Father _ en traduction française : « Les rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc«  _ (which surely stands as the most evocative, lyrical and candid autobiography written by a future president), suggests that throughout his life he has turned to books as a way of acquiring insights and information from others _ as a means of breaking out of the bubble of self-hood and, more recently, the bubble of power and fame. He recalls that he read James Baldwin _ l’auteur de « La chambre de Giovanni«  et de « La prochaine fois, le feu« _, Ralph Ellison _ l’auteur de « Homme invisible, pour qui chantes-tu ? » _, Langston Hughes _ l’auteur des « Grandes profondeurs » _, Richard Wright _ l’auteur de « Black Boy«  et « Un enfant du pays«  _ and W. E. B. Du Bois _ l’auteur des « Âmes du peuple noir«  _ when he was an adolescent in an effort to come to terms with his racial identity ; and that later, during an ascetic phase in college, he immersed himself in the works of thinkers like Nietzsche and St. Augustine _ l’auteur des « Confessions«  _ in a spiritual-intellectual search to figure out what he truly believed.

As a boy growing up in Indonesia, Mr. Obama learned about the American civil rights movement through books his mother gave him. Later, as a fledgling community organizer in Chicago, he found inspiration in “Parting the Waters” _ non traduit en français _, the first installment of Taylor Branch’s multivolume biography of the Rev. Dr. Martin Luther King Jr.

More recently, books have supplied Mr. Obama with some concrete ideas about governance : it’s been widely reported that Team of Rivals,” Doris Kearns Goodwin’s book _ non encore traduit en français _ about Abraham Lincoln’s decision to include former opponents in his cabinet, informed Mr. Obama’s decision to name his chief Democratic rival, Hillary Rodham Clinton, as Secretary of State. In other cases, books about Franklin Delanoe Roosevelt’s first hundred days in office ; and Steve Coll’s “Ghost Wars_ non encore traduit en français _ about Afghanistan and the C.I.A., have provided useful background material on some of the myriad challenges Mr. Obama will face upon taking office.

Mr. Obama tends to take a magpie approach to reading _ ruminating upon writers’ ideas and picking and choosing those that flesh out his vision of the world or open promising new avenues of inquiry.

His predecessor, George W. Bush, in contrast, tended to race through books in competitions with Karl Rove (who recently boasted that he beat the president by reading 110 books to Mr. Bush’s 95 in 2006), or passionately embrace an author’s thesis as an idée fixe. Mr. Bush and many of his aides favored prescriptive books _ Natan Sharansky’s “Case for Democracy” which pressed the case for promoting democracy around the world, say, or Eliot A. Cohen’s “Supreme Command” which argued that political strategy should drive military strategy. Mr. Obama, on the other hand, has tended to look to non-ideological histories and philosophical works that address complex problems without any easy solutions, like Reinhold Niebuhr’s writings _ non traduits en français _, which emphasize the ambivalent nature of human beings and the dangers of willful innocence and infallibility.

What’s more, Mr. Obama’s love of fiction and poetry _ Shakespeare’s plays (par exemple, ses « tragédies« ) , Herman Melville’s “Moby-Dick and Marilynne Robinson‘s “Gilead are mentioned on his Facebook page, along with the Bible _ par exemple « la Bible« _, Lincoln’s collected writings and Emerson’s “Self Reliance(en français « La Confiance en soi« ) _ has not only given him a heightened awareness of language. It has also imbued him with a tragic sense of history and a sense of the ambiguities of the human condition quite unlike the Manichean view of the world so often invoked by Mr. Bush.

Mr. Obama has said that he wrote “very bad poetry in college ; and his biographer David Mendell suggests that he once harbored some thoughts of writing fiction as an avocation.For that matter, “Dreams From My Father” evinces an instinctive storytelling talent (which would later serve the author well on the campaign trail) and that odd combination of empathy and detachment gifted novelists possess. In that memoir, Mr. Obama seamlessly managed to convey points of view different from his own (a harbinger, perhaps, of his promises to bridge partisan divides and his ability to channel voters’ hopes and dreams) while conjuring the many places he lived during his peripatetic childhood. He is at once the solitary outsider who learns to stop pressing his nose to the glass and the coolly omniscient observer providing us with a choral view of his past.


As Baldwin once observed, language is both “a political instrument, means, and proof of power” and “the most vivid and crucial key to identity : it reveals the private identity, and connects one with, or divorces one from, the larger, public, or communal identity.

For Mr. Obama, whose improbable life story many voters regard as the embodiment of the American Dream, identity and the relationship between the personal and the public remain crucial issues. Indeed, Dreams From My Father” written before he entered politics, was both a searching bildungsroman and an autobiographical quest to understand his roots _ a quest in which he cast himself as both a Telemachus in search of his father and an Odysseus in search of a home.


Like “Dreams From My Father”, many of the novels Mr. Obama reportedly admires deal with the question of identity : Toni Morrison’s “Song of Solomon_ en français « Le chant de Salomon » _ concerns a man’s efforts to discover his origins and come to terms with his roots ; Doris Lessing’s “Golden Notebook _ en français « Le Carnet d’or » _ recounts a woman’s struggles to articulate her own sense of self ; and Ellison’s “Invisible Man_ en français « Homme invisible, pour qui chantes-tu ? » _ grapples with the difficulty of self-definition in a race-conscious America and the possibility of transcendence. The poems of Elizabeth Alexander, whom Mr. Obama chose as his inaugural poet, probe the intersection between the private and the political, time present and time past ; while the verse of Derek Walcott (a copy of whose collected poems was recently glimpsed in Mr. Obama’s hands _ en français, « Une autre vie » _) explores what it means to be a  divided child”, caught on the margins of different cultures, dislocated and rootless perhaps, but free to invent a new self.

This notion of self-creation is a deeply American one _ a founding principle of this country, and a trope addressed by such classic works as The Great Gatsby(« Gatsby le magnifique« , de Francis Scott Fitzgerald) _ and it seems to exert a strong hold on Mr. Obama’s imagination.


In a 2005 essay in Time magazine, he wrote of the humble beginnings that he and Lincoln shared, adding that the 16th president reminded him of a larger, fundamental element of American life _ the enduring belief that we can constantly remake ourselves to fit our larger dreams.

Though some critics have taken Mr. Obama to task for self-consciously italicizing parallels between himself and Lincoln, there are in fact a host of uncanny correspondences between these two former Illinois state legislators who had short stints in Congress under their belts before coming to national prominence with speeches showcasing their eloquence : two cool, self-contained men, who managed to stay calm and graceful under pressure ; two stoics embracing the virtues of moderation and balance ; two relatively new politicians who were initially criticized for their lack of experience and for questioning an invasion of a country that, in Lincoln’s words, was “in no way molesting, or menacing the U.S.

As Fred Kaplan’s illuminating new biography (“Lincoln : The Biography of a Writer” _ non encore traduite en français _) makes clear, Lincoln, like Mr. Obama, was a lifelong lover of books, indelibly shaped by his reading _ most notably, in his case, the Bible and Shakespeare _ which honed his poetic sense of language and his philosophical view of the world. Both men employ a densely allusive prose, richly embedded with the fruit of their reading, and both use language as a tool by which to explore and define themselves. Eventually in Lincoln’s case, Mr. Kaplan notes, the tool, the toolmaker, and the tool user became inseparably one. He became what his language made him.

The incandescent power of Lincoln’s language, its resonance and rhythmic cadences, as well as his ability to shift gears between the magisterial and the down-to-earth, has been a model for Mr. Obama _ who has said he frequently rereads Lincoln for inspiration _ and so, too, have been the uses to which Lincoln put his superior language skills : to goad Americans to complete the unfinished work of the founders, and to galvanize a nation reeling from hard times with a new vision of reconciliation and hope.

« Paix » et « espérance » : ce ne sont pas que d’actifs espoirs

_ personnellement je n’apprécie que modérément le vocable « rêves » ; et, de fait, « ceux » du père du 44ème président, n’ont pas pris corps… _

« américains », bien sûr…


La tâche est grande, certes ; mais une confiance lucide _ à bâtir, patiemment : « yes, we can » _

vaut mieux que le cynisme des divisions montant systématiquement _ pour « régner », croient-ils… _ les uns contre les autres…


Et il y faut, en effet, une grande « vision« 

Et le « réalisme » vient peut-être, en changeant de camp

_ on se souvient de celui des Açores… _

de changer de sens…


Demain, nous serons sans nul doute nombreux à tourner nos regards

_ et avec « réalisme », donc _

vers cette renaissance d’espérance

à Washington ;

comme à Nairobi et à Djakarta…

Et

Guantanamo,

Gaza,

etc...

Soit, au sein même des États-Unis,

comme dans le « reste » de ce qui est aussi « le » _ et notre ! _ « monde » (= de plus en plus uniformisé) ;

soit un « monde » commun ; et _ qu’on le veuille ou pas ! _ partagé !..

soit, donc,

diviser et régner versus unir et réunir ;

 = aimer ou haïr…

Toute paix est une construction, et de très longue haleine…

Là-dessus,

(re-) lire

_ lecteurs, nous aussi ! et pour avoir (un peu) « voix au chapitre » (démocratique) _ ;

(re-) lire les « fondamentaux », tels que, par exemple, les « Traités«  :

« théologico-politique »

et « politique »

de Spinoza…

Titus Curiosus, le 19 janvier 2009

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