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« Avec Pier-Paolo Pasolini » : la passionnante et très vivante somme pasolinienne de René de Ceccatty, ou un lucidissime et profond vademecum pour l’intelligence de l’oeuvre très vaste de cet immense artiste polymorphe, à l’occasion des cent ans de la naissance du poète

21fév

Le 2 mars prochain,

et pour l’anniversaire des cent ans de la naissance de Pier-Paolo Pasolini, le 5 mars 1922, à Bologne,

les Éditions du Rocher publient « Avec Pier-Paolo Pasolini« ,

un magnifique vademecum pour l’œuvre, très vaste, de cet immense artiste polymorphe (« poète _ ce que Pasolini est d’abord pour les Italiens… _, romancier, polémiste, cinéaste _ bien sûr ! _, dramaturge, peintre« ) qu’est Pasolini (Bologne, 5 mars 1922 – Ostien 2 novembre 1975),

pour lequel René de Ceccatty rassemble ici un très large choix d’études, articles, entretiens et conférences qu’il n’a cessé, depuis quarante années _ 1982 – 2022 _, de consacrer régulièrement à ce créateur majeur de notre temps _ cf mes articles des 12 et 13 février derniers, à propos du nouveau chapitre capital (faisant le point sur ce qu’on a découvert, peu à peu, et ce qu’on ignore encore, des circonstances exactes de l’assassinat de Pasolini la nuit du 1er au 2 novembre 1975, à Ostie) ajouté pour la nouvelle édition, en Folio biographies, de l’indispensable « Pasolini« , de René de Ceccatty… : «  » et « «  _, et qui lui est proche par bien des aspects _ leur tout premier échange de correspondance date, en effet, de février 1970 ; René de Ceccatty avait à peine dix-huit ans alors, et commençait à écrire ; et il désirait que Pasolini, dont il admirait tant « Théorème« , le lise… _

en un volume très aéré de 560 pages :

justes, sensibles, intelligentes, et toujours inspirées…

 

Ce lundi 21 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

« Ce qu’on peut savoir ou supposer des circonstances de l’assassinat de Pasolini », quarante-sept ans après la nuit de la Toussaint 1975 : un lucidissime chapitre complémentaire à la biographie de Pier-Paolo Pasolini (1922 – 1975) par René de Ceccatty, en ouverture de l’année du centenaire de la naissance de cet artiste majeur

12fév

En ouverture de l’année Pasolini,

pour le centenaire de la naissance, le 5 mars 1922 à Bologne, du cinéaste, romancier, poète, théoricien de l’art et de la littérature qu’a été Pier-Paolo Pasolini (Bologne, 5 mars 1922, Ostie, 2 novembre 1975),

en _ et par _ la _ très bienvenue _ réédition en la collection « Biographies » de la collection Folio, de son « Pasolini« , qui paraitra le 17 février prochain,

René de Ceccatty vient nous offrir, en complément-supplément à son texte parfait de 2005, un magistral nouveau chapitre de 39 pages, intitulé « Une ordalie » _ aux pages 241 à 279 de cette nouvelle édition _,

qui vient faire un lumineux point sur « ce qu’après quarante-sept ans d’enquête et d’approfondissements journalistiques ou judiciaires on peut savoir ou supposer des circonstances _ encore non complètement, et c’est bien peu dire !, élucidées ; et cela pour de multiples et complexes raisons, magistralement démêlées, une à une, ici, en cet extraordinairement lumineux nouveau chapitre… _ de l’assassinat de Pasolini« .

Ce chapitre est lui-même précédé par une très courte présentation, de 15 lignes,

que je me permets de reproduire ici _ et en sa brièveté, on y reconnaîtra l’intelligence-perspicacité de son auteur à démêler et éclairer lucidissimement les plus embrouillées des complexités _ :

« Depuis 2005, où a paru cette biographie, de nombreux éléments nouveaux _ oui ! _ ont _ peu à peu _ été _ effectivement, au fil des ans et des questionnements posés, et des diverses recherches menées, par les uns et par les autres _ découverts _ voilà ! _ sur les circonstances _ à absolument préciser, débrouiller, tant demeure décidément encore bien épais et lourd de confusions leur embrouillamini… _ de la mort de Pasolini _ voilà : la nuit du 1er au 2 novembre 1975, en un parcours allant d’un dîner le soir dans une trattoria du quartier San Lorenzo, de Rome, au cadavre découvert à l’aube sur un boueux terrain vague d’Ostie  _ par des journalistes, des avocats, des enquêteurs de toutes sortes.

Nous avons souhaité faire le point _ voilà : le plus complet, honnête et clair possible _ sur ces convictions, hypothèses ou questions qui ont été formulées dans des articles, des livres, des émissions de radio et de télévision, des blogs, des films.

Ces suppositions _ faute de certitudes matérielles absolument conclusives _, plus ou moins argumentées _ et c’est déjà extrêmement intéressant à découvrir et éclairer, repenser _, ne modifient pas radicalement le récit de la vie de Pasolini, mais jettent une lumière différente _ voilà ! ; et tout à fait passionnante en ces lucidissimes efforts de démêlement de ces très complexes imbroglios… _ (que nous ne pouvons toutefois pas déclarer définitive _ tant que demeurent tant de mystères à élucider, tant de mensonges à percer, et tant de flous, parfois volontaires et malveillants, à dissiper, faute d’éléments factuels décisifs restant encore à découvrir, pour parvenir à la recomposition enfin satisfaisante et objectivement conclusive, de cet assez extraordinaire puzzle… _) sur ses dernières lettres ou même ses derniers mois.« 

Soit un nouveau travail _ de nature, encore, biographique : complémentaire, et passionnant _ magnifique.

Ce samedi 12 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une splendeur de CD de récital de chant baroque que j’avais manqué à sa parution en janvier 2021 : le merveilleux « Royal Handel » de la mezzo-soprano Eva Zaïcik, avec Le Consort…

17jan

En récapitulant les CDs de ma discothèque de l’Ensemble Le Consort

ainsi, aussi, que ceux du violoniste virtuose Théotime Langlois de Swarte,

j’ai pris de conscience que j’avais manqué, au mois de janvier de l’année dernière, 2021 _ quand règne toujours la pandémie _ la parution du CD Alpha 662 « Royal Handel« ,

de la mezzo-soprano Eva Zaïcik et l’Ensemble Le Consort.

Ensemble Le Consort au nombre des excellents instrumentistes duquel fait éminemment partie le violoniste Théotime Langlois de Swarte

_ à la généalogie familiale duquel, il se trouve que, à partir du 25 mai 2021

(cf mon article «  « , et en réagissant ainsi à l’infini plaisir pris à son CD, avec Thomas Dunford, « The Mad Lover » ; cf mon article du 12 mai précédent : « « …),

je me suis très vivement intéressé ;

et cela, pour avoir été collègue et ami, en lycée, à Arcachon (Grand Air), puis à Libourne (Max Linder), de son oncle maternel Thibault de Swarte ;

cf mes articles récapitulatifs successifs de cette généalogie de la famille de Swarte, autour de Thibault ainsi que de Timothée,

en date du 12 juin 2021 (« « ),

du 20 juin 2021 (« « ),

puis du 29 juin suivant (« « ). Fin ici de l’incise généalogique…

Aux très marquantes réalisations musicales discographiques de Théotime Langlois de Swarte, ainsi que celles de l’Ensemble Le Consort,

j’ai consacré une série de 7 articles :

les 29 janvier 2019 (« « ),

20 février 2019 (« « ),

16 août 2019 (« « ),

12 mai 2021 (« « ),

..;

16 août 2021 (« « ),

15 septembre 2021 (« « ),

et 8 décembre 2021 (« « ).

J’en viens donc, enfin, à l’émerveillement de ce CD « Royal Handel » (Alpha 662), enregistré au mois de juin 2020, à Paris, au Temple du Saint-Esprit,

et paru, donc, au mois de janvier 2021 : je ne l’avais pas vu passer…

Le répertoire vocal des opéras (ainsi qu’oratorios) de Haendel est extrêmement riche, et probablement pas encore exhaustivement exploré  _ c’est à voir… _ par l’enregistrement discographique : à l’égal du répertoire vivaldien, au tout premier chef ; mais aussi de l’ensemble du répertoire, en particulier italien (mais pas seulement : français aussi…) de l’opéra à l’époque baroque, déjà…

Mais si l’enregistrement discographique (ou vidéo) d’un opéra coûte assez cher _ et se fait ainsi de plus en plus rare sur le marché de l’offre discographique _,

il n’en est pas tout à fait ainsi de l’enregistrement, pour un CD, d’un récital d’un chanteur…

D’où la pratique _ se développant maintenant depuis plusieurs décennies… _ de la production discographique d’enregistrements consacrés, ou bien à une anthologie d’airs choisis d’un même compositeur _ tel ici Haendel _, ou bien au choix souvent intéressant et avisé d’un aperçu thématique d’airs empruntée à divers compositeurs d’une même époque _ comme pour le très excellent CD « Amazone » (le CD Erato 0190295065843) de Léa Désandré et Jupiter, dirigé par Thomas Dunford ; cf mes articles des 17 (« « ) et 28 octobre (« « ), ainsi que l’article panoramique du 5 décembre 2021 (« « )…

Aujourd’hui, c’est la très remarquable mezzo-soprano Eva Zaïcik _ décidément le timbre charnu et sensuel de mezzo me charme tout spécialement... _ qui, même si c’est avec retard par rapport à la parution de ce CD, il y a tout juste un an, m’enthousiasme superbement !!!

Et son art éminemment sensible du chant…

J’ai recherché divers articles qui ont été consacrés par la critique à ce CD « Royal Handel » de janvier 2021 ;

et je me permets de les faire partager ici :

_ »Royal Handel – Zaïcik : une heure de bonheur total« , un _ très fouillé et très juste _ article de Pierre Benveniste, sur BaroquiadeS, le 2 février 2021.

_ « Chronique d’album : « Royal Handel », d’Eva Zaïcik« , un article d’Elodie Martinez, sur Opera Online, le 5 février 2021.

_ « Eva Zaïcik et Le Consort illuminent un florilège d’airs d’opéra de Haendel« , un article de Cécile Glaenzer, sur ResMusica, le 5 février 2021.

_ « « Royal Handel », souveraine Eva Zaïcik !« , un article de Jean Lacroix, sur Crescendo Magazine, le 9 février 2021.

Articles que voici successivement :

1) Royal Handel – Zaïcik


Royal Handel - Zaïcik©


Une heure de bonheur total

Difficile de rassembler dans un album des airs représentatifs de l’œuvre lyrique de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), auteur d’une cinquantaine d’opéras serias _ voilà ! _, sans compter les pasticcios _ en effet… L’option choisie dans le présent enregistrement a privilégié un épisode _ oui : 1719 – 1728 _ de la longue carrière de Haendel, c’est-à-dire la création de la Royal Academy of Music en 1719, institution dont Haendel fut le directeur artistique et que la postérité appela Première Académie.

La création d’une pareille institution, unique à son époque, témoigne de l’audace de Haendel ; il s’agissait en effet d’une véritable entreprise privée financée en partie par des mécènes, dont le souverain lui-même, mais également par les souscriptions et la vente des places. Disposant au départ de capitaux confortables, Haendel pourra ainsi au gré de ses voyages en Italie _ oui _, recruter les meilleurs interprètes du temps notamment le fameux castrat Francesco Bernardi (dit Senesino) et aussi Margherita Durastanti, Francesca Cuzzoni, Faustina Bordoni… Malheureusement, faute de gestionnaire compétent, les meilleurs chanteurs du monde et un directeur musical de génie ne purent éviter l’arrêt de l’activité de l’entreprise du fait de comptes déficitaires _ voilà…

Le présent CD propose un portrait musical de cette première Royal Academy of Music qui fonctionna entre 1719 et 1728. A un choix d’airs particulièrement marquants _ oui _ de Haendel s’ajoutent ceux de Attilio Ariosti (1666-1729) et Giovanni Bononcini (1670-1747), compositeurs ayant également participé _ en effet _ à cette aventure _ londonienne. Il est tentant d’imaginer que ce programme fut chanté par Senesino lors d’une soirée privée organisée par Haendel à son domicile.

Ce choix d’airs se justifie sur le plan artistique car cette période de la carrière de Haendel est exceptionnellement riche en chefs-d’œuvre _ absolument ! _ : Giulio Cesare, Ottone, Radamisto, Tamerlano, Rodelinda. De plus, en raison d’un laps de temps de moins de dix ans encadrant les œuvres choisies, on pouvait s’attendre à une unité stylistique certaine. En outre, place était donnée à des airs extraits d’opéras de Haendel très rarement joués _ oui _ comme Siroé, re di Persia, Flavio, re di Longobardi, Admeto, re di Tessaglia, Floridante ; ou encore à des extraits d’opéras de ses collègues de l’époque comme Caio Marzio Coriolano (1723) de Ariosti, et Crispo de Bononcini, permettant ainsi de découvrir quelques pépites _ mais oui !

Cet album apporte des émotions profondes _ oui ! _ et de grandes satisfactions _ oui. Il est intéressant de constater que les airs des deux compositeurs « invités », Ariosti et Bononcini s’intègrent parfaitement _ oui _ dans ce programme. Bien que Ariosti fût près de 20 ans plus âgé que Haendel, sa musique ne donnait aucunement l’impression d’être archaïque quand le public de l’époque la comparait à celle du Saxon. De nos jours, on considère que c’est plutôt ce dernier qui regarde vers le passé récent de son séjour italien, voire celui plus lointain de l’opéra vénitien de la deuxième moitié du 17ème siècle. En tout état de cause, les deux magnifiques airs que sont Sagri numi extrait de Caio Mario Coriolano (1723) d’Ariosti et Ombra cara tiré de Radamisto (1720) de Haendel ont un côté lamento proche de ceux de Francesco Cavalli (1602-1676) _ oui. La notice de l’album _ signée conjointement par Sophie de Bardonnèche, Justin Taylor et Théotime Langlois de Swarte _  insiste aussi avec raison sur la virtuosité orchestrale et surtout violonistique d’une pièce comme E’ pur il gran piacere d’Ariosti qui nous rappelle l’art de Pietro Locatelli (1695-1764). Ce dernier a pu peut-être s’inspirer d’Ariosti dans L’Arte del violino (1723-7) presque contemporain. Il faut rappeler à ce propos que Ariosti fut un virtuose de la viole d’amour. C’est peut-être en hommage à ce compositeur décédé en 1729 que Haendel utilisera quelques années plus tard, dans le cadre de la Deuxième Académie, la viole d’amour dans Sosarme, re di Media (1732) et surtout dans Orlando (1733). En effet la fameuse scène du sommeil du paladin est accompagnée par deux violes d’amour appelées aussi joliment violettes marines.

Si on se concentre maintenant sur Haendel, on constate que les morceaux choisis comportent des airs tirés de trois grands succès : Giulio Cesare, Ottone et Radamisto, mais aussi d’autres opéras qui eurent peu de succès à leur époque et qui sont souvent considérés comme des œuvres mineures. De nos jours il faut cependant relativiser ces appréciations _ d’alors : en effet. C’est parfois le livret (cas de Riccardo I et de Floridante) qui est médiocre, notamment ceux de Paolo Antonio Rolli, souvent bâclés ; mais la musique est toujours admirable _ oui ! _ comme le montrent éloquemment l’extraordinaire récitatif accompagné Son stanco suivi par l’air Deggio morire tirés de Siroe, re di Persia (1728), un largo pathétique avec ses rythmes pointés. De même le récitatif accompagné extrêmement dramatique Inumano fratel et l’aria non moins bouleversante Stille amare extraits de Tolomeo re d’Egitto (1728) sont aussi des sommets _ absolument ! _ de l’œuvre de Haendel. Les deux scènes dramatiques précédentes sont juxtaposées avec intelligence dans l’album puisque écrites toutes les deux dans la sombre tonalité de fa mineur. On peut parier qu’avec une belle mise en scène, on pourrait remédier _ probablement _ à l’indigence du livret et rendre justice à ces opéras presqu’oubliés. Enfin Ombra cara tiré de Radamisto et également dans la tonalité de fa mineur, fait partie des airs les plus sublimes _ oui ! c’est le mot approprié ! _ du compositeur saxon.

Eva Zaïcik n’est pas une inconnue dans ces colonnes. Le disque Venez chère ombre, les spectacles Cadmus et Hermione et Dixit Dominus-Grand Motet y ont fait l’objet de chroniques. Dans l’album Royal Handel, la voix de cette mezzo-soprano possède une généreuse projection _ oui _ qui ne provient pas d’un artifice de l’enregistrement, car je l’ai écoutée plusieurs fois en concert avec la même sensation de plénitude _ voilà. Le timbre est chaleureux, coloré et sensuel _ oui. Ses couleurs sont multiples et changeantes en fonction du contexte dramatique _ oui. La ligne de chant est harmonieuse _ oui _, l’intonation, le legato et l’articulation parfaits _ voilà. J’ai été particulièrement impressionné par la beauté des vocalises, d’une précision millimétrée mais jamais mécaniques _ tout cela est parfaitement juste. Quoique tous les airs de l’album soient impeccablement chantés, j’ai une préférence pour l’air de passion et de fureur de Sesto _ du « Giulio Cesare in Egitto » de 1724… _ , L’aure che spira, et j’en ai déduit que Eva Zaïcik serait une interprète idéale pour ce rôle, un des plus beaux du répertoire de Haendel. Ombra cara _ du « Radamisto«  de 1720… _ est aussi une réussite majeure de la mezzo-soprano par l’intensité inouïe du sentiment _ oui _ et la splendeur _ oui _ de la voix éplorée, qui erre dans un dédale de gammes chromatiques des cordes renforcées par un basson caverneux, métaphore musicale du tourment de Radamisto. Ce récital d’Eva Zaïcik procure un plaisir et une émotion intenses _ oui ! Tout cela résulte d’une écoute très précise et très juste de ce récital…

Le Consort qui apporte son concours à ce projet est associé _ en effet _ depuis quelques années à Eva Zaïcik. J’avais été enthousiasmé par le disque Venez chère ombre consacré à des cantates françaises baroques. Mais ici la participation instrumentale me paraît plus aboutie encore _ c’est juste. Avec trois violons et tous les autres musiciens à l’unité, cet ensemble relève plus de la musique de chambre, ce qui convient parfaitement aux scènes intimistes comme dans l’air de Matilda, Ah! Tu non sai_ d’« Ottone, re di Germania« , de 1723… _, sorte de lente mélopée se déroulant pianissimo où la voix est soutenue très discrètement par un violon, une basse de viole soliste et le continuo. Pourtant cet ensemble sonne comme un orchestre dans les scènes de plein air comme la brillante aria di paragone : Agitato da fiere tempeste _ de « Riccardo Primo, re d’Inghilterra« , de 1720… _ où Riccardo Primo se compare au nocher pris dans une tempête que sa bonne étoile va mener jusqu’au port. Autre aria di paragone tiré de Caio Marzio Coriolano d’Ariosti, en 1723 _, E’ pur il gran piacer dont le magnifique solo de violon et les vertigineux unissons de l’ensemble au complet évoquent la colère d’un lion et sont exécutés avec une précision admirable _ cf les éclairantes remarques à ce sujet de Théotime Langlois de Swarte dans la petite vidéo de 4′ 45 consacrée à la présentation de ce CD.

L’audition de ce récital a attisé ma faim. Cette dernière ne pourra être apaisée que par un nouvel album consacré cette fois à la Deuxième Académie _ mais oui ! _, celle des opéras faisant appel à la magie comme les célébrissimes Orlando, Ariodante et Alcina et leurs satellites moins connus que sont Partenope ou encore Arianna in Creta. Cet enregistrement viendra peut-être dans l’avenir, mais pour le moment prenons le temps de savourer le présent.

Merci à Eva Zaïcik et au Consort de nous procurer une heure de bonheur total.


Publié le 02 févr. 2021 par Pierre Benveniste

2) Chronique d’album : « Royal Handel », d’Eva Zaïcik

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Chronique d’album : « Royal Handel », d’Eva Zaïcik

Xl_royal_handel……On se souvient _ oui _ du premier disque d’Eva Zaïcik et du Consort, Venez chère ombre, alors autour de la cantate française. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, c’est avec plaisir que nous les retrouvons pour un nouveau disque, toujours chez Alpha Classics, intitulé Royal Handel.

Point de mystère avec ce titre : c’est bien le génie haendélien _ oui ! _ qui est ici mis en avant, mais pas uniquement par ses propres compositions, puisque nous retrouverons aussi les compositeurs Attilio Ariosti et Giovanni Bononcini dans le cadre de premiers enregistrements mondiaux. Un choix qui n’est évidemment pas dû au hasard, puisque si Haendel est au cœur de l’ouvrage, le terme « royal » du titre du disque réfère à l’Académie royale de Londres (la Royal Academy of Music), créée en 1719, à la tête de laquelle nous retrouverons le compositeur d’origine allemande, mais où l’on a également fait venir Attilio  Ariosti, originaire  de Bologne,  et  Giovanni  Battista  Bononcini, originaire  de  Modène. Ces deux _ compositeurs qui sont aussi de remarquables _ instrumentistes  à  cordes apportent  un nouveau souffle instrumental inspiré par une certaine jouissance de la virtuosité, que l’on perçoit par exemple dans « Strazio, scempio, furia e morte » ou encore « E’ pur il gran piacer« . Le livret accompagnant le disque rappelle par ailleurs _ en effet _ que « c’est Bononcini qui fait sensation en 1720 et 1721, tandis qu’Ariosti vole presque la vedette à Haendel en 1723 avec son Coriolano », dont est extrait « Sagri Numi » présent dans l’enregistrement. Toutefois, « dès 1723, le compositeur allemand éclipse ses rivaux en déployant son langage personnel, construit d’influences croisées entre l’Italie, l’Allemagne, la France et l’Angleterre ». Malheureusement, cette belle aventure prendra fin en 1728 face « aux cachets mirobolants des uns, aux personnalités extravagantes des autres ainsi qu’à de fortes rivalités », mais reprend vie avec ce disque qui se veut « un portrait musical de la première Royal Academy of Music, lieu d’ébullition musicale et de fourmillement créatif ».

C’est donc sans grande surprise que l’écoute s’ouvre par un air de Haendel, « Rompo i lacci » de Flavio, re de’ Longobardi, permettant de saisir l’oreille derechef, tout en étant ponctué de moments plus doux, et donnant la mesure des capacités d’Eva Zaïcik et du Consort. L’énergie est nette, sans accroc, franche, de même que les coups d’archets ou les doigtés du clavecin de Justin Taylor. On est ensuite apaisé par les mots « come o Dio ! Viver potro », qui nous enveloppe, avant que la flèche d’un rythme plus soutenu ne soit à nouveau décoché. On est donc happé, et c’est sans effort que l’on se laisse guider par le programme du disque qui se poursuit par « Sagri numi », extrait de Caio Marzio Coriolano (Ariosti), grand moment d’émotion, poignant, somptueux, qui laisse entendre le talent de la mezzo-soprano dans un registre plus profond, y compris vocalement. Alceste et son « Gelosia spietata Aletto » viennent nous extraire de cette paisible parenthèse avec fracas, et nous embarque dans la longue suite d’airs d’Haendel. Indubitablement, en écoutant Eva Zaïcik, nous avons l’impression de la voir devant nos yeux interpréter ces airs, tandis que les musiciens apparaissent lentement autour d’elle lors des passages instrumentaux. La force de l’interprète transparaît à travers l’enregistrement, et rend physique _ oui _ ce qui ne l’est pas. Sa voix, parfaitement maîtrisée, sert la musique, portée par les tout aussi talentueux musiciens de l’ensemble _ oui : eux aussi, avec elle, sont excellents. La diction, de même que la force de projection, sont merveilleusement dominées _ oui _ et ne connaissent aucune lacune _ en effet. Les coups d’archet _ de Théotime Langlois de Swarte et Mathilde de Bardonnèche _ de « Deggio morire » fendent le cœur, avant que ne s’y engouffre avec chaleur la voix veloutée de la chanteuse. Déchirant, et à la fois tellement beau, c’est tout juste si l’on ne prend pas plaisir à souffrir ici.

L’on pourrait en vérité s’arrêter sur chacun des airs proposés tant ils deviennent ici _ oui _ presque une œuvre à part entière, nous marquant chacun à sa manière _ singulière, oui _ et laissant découvrir à chaque note les talents de chacun. On retrouvera d’ailleurs Ariosti avec « E’pur il gran piacer » (Caio Marzio Coriolano), avec quelques montées virevoltantes qui nous ferons décoller, ainsi que Bononcini, lui aussi enregistré en première mondiale avec le très court « Strazio, scempio, furia e morte » (Crispo), colérique, furieux, contrebalancé juste après par « Ombra cara », poignant au point que les mots viendraient à manquer pour le décrire. Un retour à l’ombre qui appuie sur l’âme comme le fait rarement une « simple » écoute. Heureusement, c’est une touche plus gaie qui clôt l’enregistrement, avec « Agitato da fière tempesta » : « Secoué par de rudes tempêtes, Si le marin retrouve l’étoile qui le guide Il continue sa route, heureux et rassuré ». Une belle manière de nous ramener à bon port après les tempêtes de l’âme que nous venons de traverser…

Ainsi, de même que pour Venez chère ombre,  le programme est fort bien construit _ oui _ dans une belle alternance de rythmes et de couleurs _ oui _, dressant un tableau que l’on se refuse à quitter des yeux. L’écoute touche le cœur avec une présence et une vivacité étonnantes _ c’est très juste _, rendant l’écoute _ elle-même _ étonnamment vivante _ oui _, bien plus que l’on pourrait s’y attendre. Une fois encore, Le Consort (avec Justin Taylor) ainsi qu’Eva Zaïcik tombent justes, une justesse à la précision chirurgicale qui force l’admiration _ enthousiaste : absolument. Quant au livret qui accompagne le tout, il permet de se replonger dans ce projet haendélien tout en savourant les paroles, parfois inconnues, de ces textes portés avec superbe.

Un nouveau disque dont on aurait tort de se priver, en espérant vite pouvoir le (re)découvrir porté sur scène….

Elodie Martinez

3) Eva Zaïcik et Le Consort illuminent un florilège d’airs d’opéra de Haendel

L’association des meilleurs interprètes de la jeune génération baroque autour d’Eva Zaïcik revisite les airs d’opéra italien pour notre plus grand plaisir.

La vie musicale londonienne des années 1720 est entièrement vouée à l’Italie, et le grand ordonnateur en est Georg Friedrich Haendel, très influencé par ses années romaines _ et italiennes, plus largement. Nommé à la tête de l’Académie Royale de Musique, il fait venir à Londres les meilleurs chanteurs italiens. La concurrence est rude avec les compositeurs ultramontains que la mode des opéras attire _ eux aussi _ dans la capitale anglaise _ oui. Le présent enregistrement propose, en première mondiale, trois airs empruntés à des opéras d’Ariosti et de Bononcini, au milieu d’un grand choix d’airs de Haendel. Extrait du Coriolano d’Ariosti, l’air Sagri numi est un grand moment d’émotion _ oui. Cependant, c’est Haendel qui remporte le match de la postérité en puisant son inspiration dans les influences croisées _ en effet _ des styles italiens, allemands et français. La décennie de la première Académie Royale marque l’apogée de la carrière du « cher Saxon » _ mais la seconde décennie n’est pas mal non plus !

Après un enregistrement très remarqué _ oui _ des cantates françaises chez le même label Alpha (« Venez chère ombre »), Le Consort poursuit sa collaboration avec la jeune mezzo-soprano Eva Zaïcik. Personnalité montante du paysage vocal français _ oui _, celle qui fut en 2018 « Révélation artiste lyrique » aux Victoires de la musique, et deuxième prix du Concours Reine Élisabeth, fait preuve ici d’une belle maîtrise _ en effet _ de son art. L’intensité émotionnelle _ oui _ de sa voix est particulièrement remarquable et, à travers l’enregistrement, il nous semble entendre sa présence scénique _ tout à fait ! Les émotions du texte nous vont droit au cœur _ oui _, véhiculées par une voix chatoyante au registre profond _ oui _, douée d’une belle projection et d’une diction parfaite _ oui ! Dans ce programme très bien construit _ en effet _, les moments de bravoure alternent _ oui _ avec les airs plus fervents, parfois introduits par un récitatif bienvenu _ et tout cela sans jamais rien forcer…

Il faut dire que l’orchestre, emmené par le premier violon _ très talentueux _ de Théotime Langlois de Swarte, est somptueux _ c‘est très juste _  ; tantôt véhément, tantôt implorant, toujours parfait dans l’alternance des affects _ absolument. Dans l’air Deggio morire extrait de Siroe, après une introduction instrumentale implacable et un récitatif poignant, la voix dialogue _ idéalement _ avec les plaintes déchirantes du violon. Le sommet de l’émotion est atteint dans l’air Stille amare du Tolomeo où, après les chromatismes douloureux du récitatif, les violons donnent à entendre les gouttes amères dont parle le texte, qui tombent en une pluie de notes suspendues _ voilà…

A l’écoute de ce récital, on rêve de voir bientôt Eva Zaïcik sur les scènes d’opéras dans ce répertoire qui lui va si bien.

Airs de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Attilio Ariosti (1666-1729), Giovanni Bononcini (1670-1747).

Eva Zaïcik, mezzo-soprano ;

Ensemble Le Consort : Théotime Langlois de Swarte, violon ; Sophie de Bardonnèche, violon ; Louise Ayrton, violon ; Clément Batrel-Genin, alto ; Hanna Salzenstein, violoncelle ; Hugo Abraham, contrebasse ; Louise Pierrard, basse de viole ; Gabriel Pidoux, hautbois ; Evolène Kiener, basson ; Damien Pouvrau, théorbe ; Justin Taylor, clavecin.

1 CD Alpha.

Enregistré au temple du Saint-Esprit de Paris en juin 2020.

Textes de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 64:59

4) Royal Handel, souveraine Eva Zaïcik ! 

LE 9 FÉVRIER 2021 par Jean Lacroix

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Airs de Flavio, re de’ Longobardi ; Admeto, re di Tessaglia ; Siroe, re di Persia ; Tolomeo, re d’Egitto ; Floridante ; Giulio Cesare in Egitto ; Ottone, re di Germani ; Radamisto et Riccardo primo, re d’Inghilterra.

Attilio  Ariosti I (1666-1729) : Airs de Caio Marzio Coroliano.

Giovanni Bononcini (1670-1747) : Air de Crispo.

Eva Zaïcik, mezzo-soprano ; Le Consort. 2020.

Notice en français, en anglais et en allemand.

Texte des airs avec traduction en français et en anglais.

64.59.

Alpha 662.

Le titre de ce CD « Royal Handel » adopte la forme anglicisée du patronyme du compositeur, le texte de la notice utilisant de son côté la forme allemande originale. C’est cette dernière que nous choisirons pour la présente recension, même si le contenu du présent CD est bien situé dans la période anglaise qui a vu Haendel être nommé directeur musical de l’Académie Royale londonienne, créée en 1719. Après avoir séjourné quatre ans en Italie _ voilà _, période pendant laquelle il s’est nourri des œuvres des créateurs de Rome, Venise, Naples ou Florence _ oui _, et après les deux ans passés à Hanovre _ oui _, Haendel s’est installé solidement en Angleterre _ voilà. La langue italienne est en vigueur à l’Académie, et des concurrents sérieux, comme le Bolonais Ariosti ou Bononcini, originaire de Modène, tous deux _ aussi _ instrumentistes de premier plan, vont aussi être présents. Haendel finira par assurer sa prédominance, en imposant, comme le dit la notice, les influences croisées entre l’Italie, l’Allemagne, la France et l’Angleterre, mais aussi en créant des chefs-d’œuvre comme Giulio Cesare in Egitto, Ottone ou encore Radamisto. L’abondance des productions de cette première Académie, qui se clôture en 1728, marquée par la présence de voix de haut rang que Haendel recrute, notamment en Italie, est éloquente : la notice signale 34 opéras et plus de 460 représentations au cours de neuf années _ en effet ! Haendel déploie une énergie généreuse phénoménale… Le présent CD est le reflet de l’activité incessante de cette première Académie Royale, ainsi que de l’une des voix favorites de Haendel, Margherita Durastanti, qui a été la première interprète de plusieurs airs ici proposés _ en effet.

Depuis son brillant deuxième prix au Concours Reine Elisabeth de chant en 2018, la mezzo-soprano française Eva Zaïcik (°1987) n’a cessé de faire la démonstration d’un remarquable talent _ oui _, qui s’est révélé dans des répertoires variés : Monteverdi, Purcell, Lully, Haydn, Mozart, Tchaikovsky, Dukas, Betsy Jolas… Pour le même label _ Alpha _, un CD intitulé « Venez chère ombre », enregistré en juin 2018 (Alpha 439), avait démontré ses affinités baroques _ oui _, déjà avec le Consort _ oui _, dans un récital français, où l’on savourait entre autres Pignolet de Montéclair et Clérambault. Eva Zaïcik retrouve le Consort pour un autre récital complice et très épanoui _ en effet _, au cours duquel cet ensemble créé par le claveciniste Julien Taylor, qui fait partie de la présente aventure, brille de mille feux dans des alternances de subtile virtuosité et de finesse émotionnelle _ absolument.

Voilà le maître mot : « émotion », pour ce programme bien élaboré _ oui, vraiment _ dont l’affiche est ornée par neuf airs tirés de partitions de Haendel entre 1720 et 1728, deux airs d’Ariosti et un air de Bononcini, les extraits d’œuvres de ces deux derniers compositeurs étant des premières mondiales au disque. Commençons par elles. D’Ariosti et de son Caio Marzio Coroliano de 1723, dont la notice dit qu’il vole presque la vedette à Haendel cette année-là, on entend un sublime Sagri numi, dans lequel Vetturia implore les dieux de défendre son fils innocent. Eva Zaïcik y déploie toute une gamme de sentiments charismatiques, qui seront caractéristiques de toute sa prestation. De Bononcini, le très bref air (1.48) Strazio, scempio, furia e morte, tiré de Crispo (1722), évoque avec beaucoup de noblesse _ oui _ le tourment et la colère d’un cœur meurtri. La voix d’Eva Zaïcik, à la projection bien contrôlée, dans un registre chaleureux et profond _ oui _, capable de sonorités soyeuses _ oui _ et doucement colorées _ tout cela est très juste _, se prête à merveille à ces expressions où la ferveur _ oui _ s’unit à la qualité _ finement juste _ de l’accentuation.

Ces agréments qui réchauffent le cœur sont mis en valeur tout au long des airs tirés des pages de Haendel, univers dont Eva Zaïcik a une belle compréhension _ oui _ et une indiscutable maîtrise _ oui. Sa capacité à ressentir les sensibilités des divers rôles, qu’il s’agisse de l’amour sans lequel on ne peut vivre et de ses liens rompus dans Flavio, qui ouvre superbement le récital, de la jalousie d’Alceste dans Admeto, des « gouttes amères » du chagrin de Tolomeo au bord de la mort, de l’invocation à l’aimé d’Elmira dans Floridante ou de la fureur de Sextus dans Giulio Cesare in Egitto, la cantatrice est toujours à l’aise pour traduire avec une impeccable hauteur souveraine _ oui _ les aspects les plus touchants et les plus éloquents _ oui, jamais artificiellement _ de ce magnifique panorama _ d’affects _ qui donne de la première Académie londonienne un paysage terriblement convaincant _ mais oui. L’enregistrement de cet ensemble de petits bijoux a été effectué à Paris en juin 2020 au Temple du Saint Esprit. Celui-ci a bien soufflé _ en effet _ en ces moments de grâce _ voilà…

Son : 10    Livret : 8    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix

Des articles parfaitement bien venus,

pour une interprétation et une réalisation en « états de grâce« …

Et il aurait été, en effet, bien dommage de passer à côté de ce trésor de joies musicales renouvelées où puiser…

Ce somptueux « Royal Handel » est à marquer pour nous tous d’une belle pierre blanche !

Et c’est non sans impatience que nous espérons-attendons une nouvelle aussi heureuse collaboration discographique d’Eva Zaïcik avec Le Consort !

Ce lundi 17 janvier 2022, Titus Curiosius – Francis Lippa

Le travail de composition du programme du CD « Baritenor » par Michael Spyres, eu égard à l’histoire de l’opéra et des chanteurs, entre 1781 et 1937 : l’intelligence de la dynamique souple des voix, de Michael Spyres…

23oct

Comme envisagé dans mon article d’hier vendredi 22 octobre ,

je désire me pencher ce jour sur le minutieux et approfondi travail de composition, par Michael Spyres, de son programme anthologique _ de 18 plages (et 84′ 30) _ du CD « Baritenor « , tel qu’il le présente dans le livret de son CD,

avec 18 airs,

extraits de 18 opéras de 15 compositeurs

et je mets en rouge et en gras les chanteurs nommément cités par Michael Spyres en la présentation de son travail d’anthologie, dans les 5 pages de na notice du CD ; les autres créateurs des rôles sont Michal Spyres chante ici un air représentatif de la voix de baryténor, sont seulement cités ici par moi _ :

_ de Mozart (1756 – 1791) :

     Idomeneo, créé à Munich le 29 janvier 1781), dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Idomeneo « Fuor del mar« , chanté lors de la création par Anton Raaf (Gelsdorf, 1714 – Munich, 1797) ;

     Le Nozze di Figaro, créé à Vienne le 1er mai 1786, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte Almaviva « Hai gia vinta la causa« , chanté lors de la création par Stefano Mandini ;

     Don Giovanni, créé à Prague le 29 octobre 1787, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Don Giovanni « Deh, vieni alla finestra« , chanté lors de la création par Luigi Bassi ;

_ de Méhul (1763 – 1817) :

     Ariodant, créé à Paris le 11 octobre 1799, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Edgard « Ô Dieux ! Ecoutez ma prière« , chanté lors de la création par Jean-Pierre Solié (Nîmes, 1755 – Paris, 1812) ;

_ de Spontini (1774 – 1851) :

     La Vestale, créé à Paris le 15 décembre 1807, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Licinius « Qu’ai-je vu ! Quels apprêts !« , chanté lors de la création par Etienne Lainez ;

_ de Rossini (1792 – 1868) :

     Il Barbiere di Siviglia, créé à Rome le 20 février 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Figaro « Largo al factotum« , chanté lors de la création par Luigi Zamboni ;

     Otello, créé à Naples le 4 décembre 1816, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) d’Otello « Ah ! si, per voi gia sento« , chanté lors de la création par par Andrea Nozzari (Vertova, 1776 – Naples, 1832) ;

_ d’Adolphe Adam (1803 – 1858) :

     Le Postillon de Lonjumeau, créé à Paris le 13 octobre 1836, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Chapelou « Mes amis, écoutez l’histoire« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Chollet (Paris, 1798 – 1892) ;

_ de Donizetti (1797 – 1848) :

     La Fille du régiment, créé à Paris le 11 février 1840, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Tonio « Ah ! mes amis, quel jour de fête !« , chanté lors de la création par Mécène Marié de l’Isle (Chateau-Chinon, 1811 – Compiègne, 1879) ;

_ de Verdi (1813 – 1901) :

      Il Trovatore, créé à Rome le 19 janvier 1853, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) du Comte de Luna « Il balen de suo sorriso« , chanté lors de la création par Giovanni Guicciardi ;

_ d’Ambroise Thomas (1811 – 1896) :

     Hamlet, créé à Paris le 9 mars 1868, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse« , chanté lors de la création par Jean-Baptiste Faure (Moulins, 1830 – Paris, 1914) ;

_ d’Offenbach (1819 – 1880) :

     Les Contes d’Hoffmann, créé à Paris le 10 février 1881, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Hoffmann « Va pour Kleinzach !« , chanté lors de la création par Jean-Alexandre Talazac ;

_ de Wagner (1813 – 1883) :

     Lohengrin, créé à Weimar le 28 août 1850, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Lohengrin « Aux bords lointains« , chanté lors de la création par Karl Beck ;

_ de Leoncavallo (1857 – 1919) :

     Pagliacci, créé à Milan le 21 mai 1892, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Tonio « Si puo ? Signore ! Signori !« , chanté lors de la création par Victor Maurel (Marseille, 1848 – New-York, 1923) ;

_ de Franz Lehar (1870 – 1943) :

     Die lustige Witwe, créé à Vienne le 30 décembre 1905, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Danilo « Da geh ich zu Maxim« , chanté lors de la création par Louis Treumann ;

_ de Ravel (1875 – 1937) :

      L’Heure espagnole, créé à Paris le 19 mai 1911, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) de Ramiro « Voilà ce que j’appelle une femme charmante« , chanté lors de la création par Jean Périer (Paris, 1869 – Neuilly-sur-Seine, 1954) ;

_ de Carl Orff (1895 – 1982) :

     Carmina Burana, créé à Francfort le 8 juillet 1937, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour baryton) « Dies nox et omnia« , dont je n’ai pas réussi jusqu’ici à découvrir qui en fut l’interprète lors de la création… ;

_ de Korngold (1897 – 1957) :

     Die tote Stadt, créé à Hambourg le 4 décembre 1920, dont Michael Spyres retient ici l’air (pour ténor) de Paul « Glück, das mir verblieb« , chanté lors de la création par Richard Schubert (Dessau, 1885 – Oberstaufen, 1959).

D’autres chanteurs susceptibles d’intégrer eux aussi cette catégorie nouvelle de « baryténors » _ que conçoit ici Michael Spyres _

sont cités dans cette notice de présentation,

sans qu’ils aient été présents lors de la création des opéras dont les airs cités ici, sont, surtout, interprétés en ce CD par Michael Spyres :

_ Jean-Baptiste Martin (Paris, 1768 – Ternand, 1837) : celui qui a donné son nom à la voix de baryton-martin, et qui « fut décrit tour à tour comme un ténor au timbre extrêmement sombre, ou, à l’inverse, comme un baryton aux aigus clairs et faciles. On disait de la voix de Martin qu’elle avait la profondeur d’un baryton-basse avec des aigus de ténor » ;

_ Manuel Garcia père (Séville, 1775 – Paris, 1832) : ténor très célèbre, qui « a non seulement interprété le comte Almaviva de la création du Barbier de Séville de Rossini, mais aussi l’Almaviva des Noces de Figaro de Mozart, dans toute l’Europe, pouvant se targuer d’avoir incarné les tout premiers Almaviva » ; soient des rôles initialement conçus pour des voix de baryton ;

_ Giovanni Matteo (Mario) de Candia (Cagliari, 1810 – Rome, 1883) : ténor ;

_ Adolphe Nourrit (Montpellier, 1802 – Naples, 1839) : ténor ;

_ Giovanni-Battista Rubini (Romano di Lombardia, 1794 – Romano di Lombardia, 1854) : ténor ;

dont la postérité a volontiers retenu les noms de tous trois, pour la célébrité de leurs performances tout particulièrement dans leurs interprétations du rôle (pour baryton) de Don Giovanni, du Don Giovanni de Mozart…

Je dois aussi ajouter ici que ma découverte personnelle de l’art de chanter de Michael Spyres, date de la parution, en 2017, pour le label Opera Rara, de son magnifique et marquant CD « Espoir » (ORR 251)

_ cf le compte-rendu détaillé de ce CD « Espoir« , le 28 septembre 2017, par Forumopera.com, sous la plume de Laurent Bury : l’article était intitulé « Si ce n’est lui, c’est donc... » _ ;

or il se trouve que ce très beau et passionnant CD  »Espoir » était _ déjà ! _ conçu comme un hommage à un des plus grands chanteurs d’opéra du XIXe siècle : le ténor Gilbert-Louis Duprez (Paris, 6 décembre – Paris, 23 septembre 1896),

qui est «  célèbre pour avoir été le premier chanteur à émettre en scène un contre-ut (do4) en voix de poitrine, lors de la première reprise italienne de Guillaume Tell _ créé à l’Opéra de Paris, en français, le 3 août 1829 _ de Gioachino Rossini, à Lucques, en 1831. Cette technique « forcée » aurait usé prématurément sa voix, ce qui expliquerait la retraite du ténor à seulement 43 ans« 

La curiosité intelligente extrêmement précise _ et très empathique _ du généreux Michael Spyres envers les parcours plus ou moins singuliers des chanteurs tout au long de la modernité _ depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont vu la naissance (avec l’Orfeo de Monteverdi, créé en 1607 à Mantoue) et les premiers développements (Lully, Rameau, Haendel ; puis Mozart…) du genre musical de l’opéra _,  est donc en quelque sorte consubstantielle à son propre parcours singulier et magnifique de chanteur, baryton et ténor (et « baritenor« )…

….

Voilà.

Et c’est son expérience même de baryton à l’origine, mais conquérant peu à peu, et par admiration pour les ténors _ ses compatriotes américains de l’Amérique profonde… _ Chris Merritt (né en 1952, à Oklahoma City – Oklahoma) et Bruce Ford (né en 1956, à Lubbock – Texas) _ ainsi que par désir (travaillé…) de suivre leurs pas... _, en les faisant siennes, les capacités de chanter aussi les rôles appartenant aux registres de ténor,

qui a révélé, à l’expérience réalisée _ après cinq années de travail assidu, sur le tas, de 2000 à 2005 _, cette capacité vraiment plurielle de sa voix et de son art même de chanter, à Michael Spyres (né en 1979, à Mansfield – Missouri) ;

et lui a suggéré ce projet merveilleux de « baryténor » que vient de réaliser au disque, outre, bien sûr, de très nombreuses prestations scéniques de par le monde entier, ce magnifique CD « Baritenor« .

Ainsi,

reportons-nous à cette forte et éclairante déclaration _ citée en mon article du 19 décembre 2019 :   _ du très intelligent Michael Spyres en un _ excellent _ entretien, le 4 octobre 2018, avec la fine Emmanuelle Giuliani, à propos de la nécessité, selon lui, pour un chanteur, de ne cesser de varier, tout le long de sa carrière, l’étendue et la dynamique _ extension-expansion… _ de ses capacités vocales singulières, dans la variation la plus souple possible des registres de voix des rôles qu’il interprète et endosse, afin de les incarner vraiment le mieux… :

« Au fil de mon parcours _ de chanteur _, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel _ voilà ! _, que _ trop _ peu de gens _ du métier _ ont la chance d’intégrer :

la voix et la technique ont _ grandement _ besoin de ces variations _ de répertoire et de registres… _ pour _ d’abord _ rester performantes, ne pas devenir rigides _ voilà. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile _ physiquement, pour la voix, en son évolution _ de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer _ aussi _ aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français« 

Les classifications nominales _ ici des registres des voix _ sont forcément secondaires et postérieures par rapport aux réalisations factuelles des performances très effectives (et singulières) des chanteurs,

fussent-elles, au départ, celles-ci, improbables et difficiles à déterminer et classer…

_ le compositeur, lui-même, de l’œuvre devant être créée, ayant aussi, bien sûr, et forcément, à tenir grandement compte des capacités plastiques dynamiques des voix des chanteurs ayant à incarner éventuellement ses rôles sur la scène et face au public, lors de la création de chaque opéra à réaliser par lui, en son écriture de la partition, d’abord, afin d’assurer le plus grand succès possible de ce nouvel opus sien, auprès du public ; de même, aussi, qu’à éventuellement changer certains de ses airs, lors de reprises de l’opéra, pour les adapter aux capacités et à la convenance du nouvel interprète pressenti du rôle, en cette reprise de l’œuvre originale (l’opéra étant une réalisation particulièrement collective…).

Ainsi que cela, d’ailleurs, s’est très longtemps pratiqué lors de reprises d’opéras, du moins du vivant des compositeurs…

La classification, théorique, des voix, a ainsi toujours quelque chose d’un peu artificiel, voire d’arbitraire _ ou même, au pire, de sectaire… _ ;

même si elle est, bien sûr, et d’abord, fort utile et commode _ et même nécessaire, au moins pour commencer ; l’expérience pouvant aider à ajuster et approprier ensuite les choses… _ pour l’orientation et les décisions à prendre _ très vite, si ce n’est même sur-le-champ… _ des praticiens mêmes de la voix : compositeurs et chanteurs, au premier chef ; puis, en suivant, producteurs et décisionnaires de spectacles d’opéras, etc.

Le premier mérite de Michael Spyres est donc d’avoir osé essayer, et d’avoir surtout travaillé _ et travailler encore et toujours _,  jusqu’à l’admirable obtention de ses merveilleuses réalisations musicales, si variées, si vivantes, et si réussies, tant sur la scène, qu’au disque…

Un travail _ et un « parcours« , comme lui-même l’énonce… _ exemplaire ;

et particulièrement jouissif pour les mélomanes

amateurs d’opéras…

Merci !!!

Ce samedi 23 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Stéphane Degout : élégantissime Comte Almaviva des Noces de Figaro de Mozart ; et chanteur merveilleux d’intelligence…

25août

Hier soir, retransmission à la télévision des Noces de Figaro de Mozart dans la mise en scène de James Gray et sous la direction musicale de Jérémie Rohrer, au Théâtre des Champs Elysées, en novembre 2019.

Mon impression d’ensemble est hélas très mitigée,

alors que les représentations sur la scène de ces Noces de Mozart m’ont _ et à la différence des deux autres chefs d’oeuvre de Mozart et Da Ponte : à la merci de faiblesses d’interprétation, tant musicales que dramaturgiques… _ très rarement déçues, tant l’œuvre est splendidement enlevée…

A part les incarnations du Comte et de la Comtesse

_ par Vanessa Vannoni et Stéphane Degout _,

je trouve la plupart des autres incarnations des personnages bien trop lourdes et dénuées, ici, de l’indispensable charme mozartien (et da pontien)…

Je suis aussi déçu de la mise en scène bien trop lourdaude du cinéaste _ que j’apprécie pourtant beaucoup au cinéma ; cf les articles que j’ai consacrés à ses films : The Yards, Two Lovers, etc…. _ James Gray.

Je ne partage donc pas du tout le point de vue d’un spectateur, Bruno Serrou,

exprimé sur le Net : Les Noces de Figaro fébriles de Jérémy Rohrer dans une mise en scène élégante et fébrile du cinéaste James Gray

VENDREDI 29 NOVEMBRE 2019

Les Noces de Figaro fébriles de Jérémy Rohrer dans une mise en scène élégante et classique du cinéaste James Gray

Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 26 novembre 2019

Après Cosi fan tutte en 2012 et Don Giovanni en 2016, le Théâtre des Champs-Elysées confie à Jérémie Rohrer le premier volet de la trilogie Mozart/Da Ponte, Les Noces deFigaro, animé par un troisième metteur en scène, le célèbre réalisateur américain James Gray.

En effet, après les metteurs en scène de théâtre français Eric Genovèse (Cosi fan tutte) et Stéphane Braunschweig (Don Giovanni), c’est au cinéaste new-yorkais James Gray, auteur notamment de Two Lovers (2008), The Immigrant (2013), The Lost City of Z (2016) et Ad Astra (2019), qu’a été confié Les Noces de Figaro. C’est avec cet ouvrage que le réalisateur américain fait ses débuts à l’opéra. C’est donc l’esprit vierge qu’il propose une mise en scène traditionnelle, un peu trop littérale mais sobre et fidèle au texte. La scénographie évocatrice de Santo Loquasto et les beaux costumes du couturier Christian Lacroix situent l’action dans la Séville du début du XVIIIe siècle de la pièce de Beaumarchais dont s’est inspiré Da Ponte et qui répond aux attentes du public du théâtre de l’avenue Montaigne, qui, pourtant, a été témoin de quelques huées peu audibles il est vrai qui manifestaient le dépit d’inconditionnels du cinéaste qu’ils ont jugés moins moderne que dans ses films.

Abondant dans le sens de la mise en scène, la direction nerveuse et vive de Jérémie Rohrer à la tête de son Cercle de l’Harmonie, ne laisse aucun répit, et l’on ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute du chef-d’œuvre de Mozart. L’effectif des cordes donne ici une chair sonore onctueuse, qui instille sensualité et fluidité (le pianofortiste est en costume XVIIIe et emperruqué). La fébrilité instaurée par le chef dès les premières mesures de l’ouverture ne réprime pas pour auant un nuancier particulièrement large au sein de l’orchestre.


Mue par la direction d’acteur au cordeau de James Gray, qui fait de chacun des personnages des êtres de chair et de sang aux sentiments authentiques et spontanés, cette production est servie par une distribution homogène qui se fond sans restriction au sein de la dramaturgie. La soprano corse Vannina Santoni campe une Comtesse mélancolique et solitaire singulièrement humaine et complexe, s’appuyant sur une voix lumineuse et brûlante. Face à elle, un Comte de grande classe, à la fois noble, fragile et impulsif du baryton lyonnais Stéphane Dégout, suprêmement chantant, doué d’un timbre rutilant et noir. Le baryton-basse canadien Robert Gleadow, voix sombre et pleine, est un Figaro jaillissant et impulsif, et la soprano russe Anna Aglatova, Suzanne à la voix large et charnue, s’échauffe peu à peu pour atteindre sa plénitude vocale dans Deh veni. Eléonore Pancrazi est un Chérubin un peu éteint, mais elle finit par s’imposer dans l’acte final. La production est également marquée par la Marceline joviale de Jennifer Larmore, et par la pimpante Barberine de Florie Valiquette.

Mais plutôt celui de Steeve Boscardin, en un article de ResMusica : Des Noces de Figaro déjà routinières au Théâtre des Champs-Élysées

Des Noces de Figaro déjà routinières au Théâtre des Champs-Élysées

En faisant appel à James Gray pour mettre en scène les Noces de Figaro de Mozart, le Théâtre des Champs-Élysées a sans conteste fait une belle prise tant les talents du cinéaste américain sont incontestables. De fait, le spectacle constitue le point d’orgue de la programmation mais les attentes n’étaient-elles pas trop grandes ?


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À la sortie de la salle, le public semble ravi de sa soirée et l’accueil est enthousiaste. Pourtant, qu’il nous soit permis d’émettre ici des réserves importantes sur ce qui nous est proposé. Des réserves qui concernent tous les éléments du spectacle : une mise en scène professionnelle, « jolie » mais qui aurait pu être faite à moindre frais par n’importe quel metteur en scène un tant soit peu professionnel, une fosse très contestable et une distribution intéressante mais d’où émergent surtout les protagonistes masculins.

James Gray signe donc sa première mise en scène d’opéra. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre ou craindre (c’est selon) il a décidé d’éloigner toute actualisation et de rester dans une forme de réalisme historique. Cette approche pourrait être révolutionnaire dans un monde lyrique dominé par les néons, structure métalliques et autres robes en lamé, mais les choix opérés par James Gray ne cessent d’illustrer une évidence : si la laideur coutumière du Regietheater ne garantit pas une relecture intelligente, la joliesse ne peut quant à elle suffire à faire le théâtre, à livrer une vision, à donner de la chair à des personnages _ voilà.

Beaucoup de choses interpellent ici. D’abord les moyens considérables pour les décors et les costumes aboutissent à un joli livre d’images mais à y regarder de plus près, tout est finalement plus hétéroclite qu’historique. Les décors évoluent entre des atmosphères hispanique, française, vénitienne (etc…) – au milieu de charpentes et de poulies théâtrales pour signifier que nous sommes dans une œuvre du déguisement et du travestissement – et les costumes chatoyants de Christian Lacroix offrent des robes à panier Louis XV à la comtesse, un ensemble Directoire façon « Incroyable » à Chérubin et des livrées très XVIIᵉ pour Bartolo et Basilio. Tout cela semble sans ligne directrice, sans époque, sans puissance évocatrice, sans vision ou éclairage marquant sur un livret pourtant historiquement chargé, mais c’est « joli ».

L’historicisme, on le trouvera davantage du côté d’une direction d’acteur dont on peine à croire qu’elle est l’œuvre d’un Américain du XXIᵉ siècle. Tout _ ou presque tout… _ semble artificiel, des pauses et mimiques convenues et dix mille fois vues aux gags les plus éculés, des mouvements du chœur (par ailleurs excellent) bien symétriques aux entrées et sorties latérales des protagonistes. On ne peut nier qu’un charme aimable et suranné émane de cette production « à l’ancienne » qui a par ailleurs le mérite de rendre lisible le fait que les Noces illustrent tout autant l’alliance des femmes contre le patriarcat que celui des serviteurs contre leurs maîtres, mais l’ennui serait souvent en embuscade sans le talent et la présence scénique des chanteurs. Bref tout cela est neuf et sent pourtant déjà terriblement la routine.

L’autre mauvaise surprise vient de la fosse. Après avoir tant fréquenté Mozart ces dernières années, comment le Cercle de l’Harmonie peut-il sonner aussi aigre, aussi raide, aussi sec avec des vents aussi discordants et faux ? Pourtant, au milieu, émerge comme une pépite le pianoforte d’une délicatesse inouïe de Paolo Zanzu _ certes _, mais cela saurait-il suffire ? Jérémie Rhorer sait nuancer, donner des coups de fouets mais les tempi sont souvent trop rapides et occasionnent des décalages récurrents et une absence très préjudiciable de respiration, essentielle chez Mozart _ en effet : c’est tout à fait fondamental… Si la deuxième partie est apparue plus en place, on a cherché en vain l’émotion, la profondeur, totalement absentes d’une lecture terrorisée par le sentiment.

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Heureusement, la distribution a des choses à proposer. Le Figaro de Robert Gleadow est étourdissant de naturel et d’aisance physique _ bof… Après quelques minutes de chauffe, la voix trouve ses couleurs et la ligne de chant s’affermit. Les grands tubes qu’offre le rôle, sont ici assumés avec autorité et panache et le jeu de scène bondissant est impeccable. Anna Aglatova défend le rôle de Susanna avec beaucoup de charme _ ce n’est pas mon avis… Si le medium est parfois couvert par l’orchestre, la voix est pulpeuse, bien conduite et suffisamment veloutée pour donner du relief à un personnage qui s’avère finalement assez ingrat et difficile à défendre _ en cette maladroite incarnation-ci, du moins…. Vannina Santoni remporte un beau succès public en proposant une comtesse jeune, aux aigus rayonnant. Assurément marquante dans les scènes de confrontations avec le comte où la soprano apparaît à son aise dans la puissance, les deux airs plus intimistes (« Porgi amor » et « Dove sono ») déçoivent un peu en exposant un legato assez limité et une voix trop blanche et neutre pour donner de la chair, de l’épaisseur et de l’émotion au personnage.

Éléonore Pancrazi est doté d’un délicieux vibratello qui confère beaucoup de juvénilité et de charme _ non… _ à ce chérubin maladroit et outrancier, et les courtes apparitions de Florie Valiquette en Barberine _ pas assez juvénile, ni fragile _ font regretter que la soprano n’ait pas été plus avantageusement distribuée.

Le Bartolo de Carlo Lepore impressionne par un bronze d’une grande beauté, magnifiquement projeté, et un tempérament comique naturel. Il en va de même pour la Marcelina de Jennifer Larmore dont on retrouve avec plaisir le timbre noir et corsé dans un rôle où elle prend manifestement beaucoup de plaisir _ oui : elle, au moins, s’amuse… Que dire également du Basilio de Mathias Vidal, belle surprise de la soirée dans un rôle bouffe où la veulerie côtoie la sournoiserie pathétique par un jeu de voix assez inédit et franchement réussi. Les belles interventions de Matthieu Lécroart et Rodolphe Briand complètent avantageusement le plateau.

Mais c’est surtout la prestation de Stéphane Degout que l’on retiendra _ oui ! _, passionnante de bout en bout _ absolument ! De plus en plus à l’aise scéniquement avec les années, il impose une belle voix cuivrée avec une autorité confondante _ oui. Maniant avec raffinement l’art du récitatif et de la coloration, il dessine un personnage aussi aristocratique que pathétique, aussi noble que tragique. Chacune de ses interventions est captivante _ oui _ par le mordant d’un chant naturel qui coule simplement avec un sens des mots et des intentions qui le rattache définitivement à ce que l’école du chant français fait de mieux _ absolument. Beaucoup du plaisir ressenti en cette soirée lui revient _ tout à fait.

Crédits photographiques : © Vincent Pontet

 

Cet article de Steeve Boscardin est suivi, sur le site de ResMusica, d’une excellente interview du magnifique Stéphane Degout _ auquel j’ai déjà consacré plusieurs articles ; j’apprécie énormément ce chanteur :  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ; …  _ par Vincent Guillemin, intitulée « Stéphane Degout, baryton lyrique mature« …

Stéphane Degout, baryton lyrique mature

Comte Almaviva sur scène pour la septième fois de sa carrière, Stéphane Degout participe à la nouvelle production de James Gray des Noces de Figaro. L’occasion de revenir avec lui sur ses grands rôles et d’évoquer ses projets pour l’avenir.

stéphane_degout cc jean-baptiste_millot

ResMusica : Vous reprenez dans une nouvelle production de James Gray le Comte Almaviva des Noces de Figaro au Théâtre des Champs-Élysées, que recherchez vous avec ce personnage ?

Stéphane Degout : Le Comte est l’un des rares personnages de Mozart qui n’a pas d’âge. Dans la pièce de Beaumarchais, il est plus jeune que Figaro et on peut lui donner vingt-trois ou vingt-cinq ans, mais pour moi, cela n’a pas beaucoup de sens de jouer le jeune homme avec lui. Je l’ai abordé pour la première fois en 2003, à 28 ans, pour le chanter régulièrement depuis, et maintenant à Paris alors que j’ai 44 ans. A chaque fois, j’y ai trouvé des résonances avec ce que j’étais sur le moment. Aujourd’hui, il est plus mûr et porte un regard différent sur la vie que celui qu’il avait il y a seize ans. C’est un rôle dans lequel on peut projeter énormément d’idées, en cela, il peut devenir un miroir de soi-même. C’est aussi le seul dont je me sente véritablement proche chez Mozart, car comme tous les jeunes barytons, j’ai chanté Guglielmo, Papageno et une fois Don Giovanni, en 2002, mais pour moi, ce dernier souffre trop d’une image d’Epinal à laquelle je ne corresponds pas du tout.

RM : Par rapport à la dernière production amstellodamoise de David Bösch, que donnez-vous, en plus ou en moins, à ce Comte par votre maturité et la proposition de James Gray ?

SD : David Bösch avait transposé l’histoire à aujourd’hui. Il n’y avait donc plus d’aristocratie, mais toujours une notion de richesse et de classes, des gens très riches entourés de leurs serviteurs. La différence aujourd’hui est que l’on revient au temps de la pièce avec des costumes et décors très classiques sans rechercher pour autant à penser comme des personnages du XVIIIe siècle. Nous gardons nos réflexes contemporains, avec des sentiments et des questionnements actuels. James Gray va très loin là-dedans. Il essaie toujours de savoir comment cela résonne en nous et ce que l’on ferait dans une situation similaire.

Contrairement aux metteurs en scène habitués à l’opéra, James Gray est confronté pour la première fois à cette problématique, et contrairement au cinéma, il ne peut monter les scènes comme il veut et doit respecter toutes les parties. Lors des répétitions, on sentait son incertitude dans le traitement des moments moins dramatiques, à l’exemple du final, qui est une pure convention d’opéra et avec lequel on ne peut pas raconter beaucoup.

RM : Est-ce que cela change votre rapport au metteur en scène de travailler avec quelqu’un comme Gray, à la fois très respecté pour son œuvre cinématographique, et en même temps nouveau dans le monde de l’opéra ?

SD : Pour ces raisons, il y a justement eu un besoin d’échange très fort. Très souvent, un metteur en scène a une vision de la scène et nous essayons d’y rentrer. Mais depuis trois semaines, nous travaillons avant tout sur les personnages, et la géographie de la scène vient après, en fonction de ce que l’on donne. Pour un chanteur, c’est assez perturbant car c’est d’une certaine façon l’opposé des répétitions habituelles : comme au cinéma, on fait plusieurs prises sans essayer de fixer les choses, on essaie de voir ce qui est bon, ce qui l’était dans la précédente, et ensuite on tente de refaire ce qui a le mieux fonctionné. C’est un processus de travail plus lent, mais que j’apprécie beaucoup.

Il ne faut pas oublier que dans Les Noces, déroger à ce qui est écrit est très compliqué. C’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de metteurs en scène ont toujours refusé de s’y atteler, Chéreau par exemple, ou Haneke, qui s’est arrêté aux deux autres volets de la trilogie Da Ponte. A Vienne au Theater an der Wien, il y a quatre ans, le metteur en scène Felix Breisach, qui vient de la télévision, a voulu prendre le contre-pied du sujet, et la production a été très compliquée.

Pour revenir à James Gray, il lui arrive en plein milieu d’une répétition de nous prendre à part et de nous donner des indications que les autres n’ont pas besoin de savoir, afin d’affiner le personnage et de lui développer des traits de caractère. Car souvent, lorsqu’on connaît le cheminement psychologique des autres personnages, sans le vouloir, on anticipe leurs réactions. Alors qu’avec cette méthode, on a cette fraction de seconde d’incertitude qui donne un vrai naturel à la scène _ oui. La complexité sera de reproduire ce naturel tous les soirs lors des représentations _ certes.

RM : Concernant vos autres rôles, vous avez quitté Pelléas mais gardez des personnages forts, Hamlet par exemple, ou encore Golaud vers lequel vous semblez vouloir aller?

SD : Pelléas est peut-être le seul rôle de mon répertoire que j’ai abordé avant tout sur le plan musical et vocal. De mon point de vue, Golaud est le personnage dramatique de l’opéra, le seul qui a un cheminement psychologique profond et déterminant. Mais globalement, j’aime les personnages torturés, avec quelque chose de cassé à l’intérieur, avec lesquels la tragédie appelle une grande part de « vécu ». Je suis toujours particulièrement intéressé à exploiter la fébrilité ou la fragilité d’un rôle _ voilà. Pelléas n’a pas la même épaisseur que Golaud, Hamlet ne bénéficie malheureusement pas d’une partition aussi géniale, même si la musique est belle. Mais dans les deux cas, il y a une véritable puissance théâtrale, le sentiment d’être chez Maeterlinck ou chez Shakespeare. Les rôles détiennent une texture, une épaisseur _ oui _, avant même qu’on y ajoute sa propre part d’interprétation _ en effet.

Je ne reviendrai plus à Pelléas car j’ai senti un tournant autour de mes quarante ans, lorsque ma voix s’est installée plus dans le corps _ voilà. D’un coup, j’ai dû faire l’effort pour aller dans sa vocalité qui était pourtant naturelle pour moi. Cependant, je n’ai abordé Golaud qu’en concert avec piano l’an passé à l’Opéra Comique, concert pendant lequel j’étais tellement malade que l’on ne peut en tirer aucune conclusion sur l’avenir. J’ai finalement décidé de repousser ma prise de rôle pour me laisser le temps d’y penser, car me frotter à Golaud tout de suite risquerait d’être un trop grand écart avec les rôles lyriques et plus légers que je porte dans les trois prochaines années.

Et puis j’ai beaucoup échangé sur le sujet avec plusieurs personnes, dont Laurent Naouri qui a été souvent mon Golaud, et c’est José van Dam qui m’a dit la chose la plus pertinente et la plus directe : « Si les bons Pelléas faisaient des bons Golaud, ça se saurait ». Je crois qu’il n’a pas tort, donc rien ne presse pour que je prenne ce rôle, d’autant que j’ai toujours aimé avoir des barytons-basses à mes côtés, ce qui n’est pas ma couleur. Si je le chantais, je ressemblerais plus à un Dietrich Henschel, qui était mon premier Golaud, en 2008, et qui est sur une tessiture assez proche de la mienne. Mais dans ce cas, il faudrait un Pelléas plus clair, pourquoi pas même en version ténor _ tout cela est bien sûr passionnant.

RM : Votre répertoire va du baroque au contemporain, comment sélectionnez-vous les rôles ?

SD : Certains viennent naturellement, par exemple Yeletski de la Dame de Pique, que je chanterai en mai à Bruxelles, suivi d’Oneguine et Ford (Falstaff) la saison prochaine. Ce sont des rôles sur la route d’un baryton lyrique et le moment est venu pour moi de les aborder. Mais encore une fois, même si l’aspect vocal est primordial, je suis vraiment guidé et attiré par la puissance théâtrale des rôles _ et c’est fondamental !

Wozzeck en est un exemple évident : j’ai toujours aimé la pièce de Büchner et quand j’ai découvert l’opéra de Berg, je pensais que je ne chanterai jamais le rôle. J’y entendais toujours des barytons-basses sombres et puissants. Mais quand j’ai entendu Simon Keenlyside le chanter à Bastille en 2006, j’ai compris que ce rôle pouvait être porté par une voix plus claire, plus aigüe, comme celle par exemple de Christian Gerharer qui l’a chanté dernièrement et dont la voix est assez proche de la mienne, alors j’ai gardé l’espoir de le chanter un jour et je devrais aborder le rôle dans deux ans.

RM : En plus de Wozzeck, vers quoi souhaitez-vous faire évoluer votre carrière dans les prochaines années?

SD : J’ai compris que ma voix changeait et que je pouvais maintenant m’orienter vers des rôles plus bas _ voilà _, comme Rodrigue, pris récemment dans le Don Carlos de Lyon. Je me suis rendu compte que cela nécessitait un fort engagement physique _ oui _, que je pouvais assumer, notamment dans une salle convenant bien à mes moyens _ et c’est aussi crucial, bien sûr. En revanche, je ne voudrais pas descendre sur des rôles trop lourds, comme chez Wagner par exemple, où à part Wolfram, que j’aimerais vraiment rechanter dans les prochaines années, je vois assez peu de rôles pour moi _ probablement…

Lannion. Voce Degout-Planès 4 (2)

J’aimerais aussi faire plus de récitals _ oui _, car je trouve que c’est vital pour ma propre santé vocale et artistique _ oui. Mais c’est toujours difficile à vendre _ hélas ! _, surtout en France _ pas assez mélomane… Je pensais que c’était une question d’époque, mais lorsque j’ai évoqué le sujet avec François Le Roux, il m’a surpris en me disant que dans ses grandes années de récitaliste, il en donnait relativement peu, parce que l’opéra prend toute la place. José van Dam est aussi célèbre pour ses récitals, mais il y est venu assez tard dans sa carrière, ce qu’il a regretté _ Stéphane Degout sait aussi excellemment écouter ses confrères…

Je fais aussi très peu de concerts avec orchestre, alors que le répertoire est très riche et m’intéresse beaucoup, par exemple les Scènes de Faust de Schumann, les cycles de Mahler, etc. Mais dans ce domaine comme partout, on pense à vous pour ce que vous avez au répertoire, pour ce que vous savez faire. Vous faites partie d’un réseau, opéra ou concert, rarement les deux ! _ hélas… Et tout particulièrement dans le cloisonnement d’esprit de beaucoup de Français… Les chanteurs d’opéra sont rarement invités par les orchestres, et les chanteurs qui ne chantent qu’en concert se produisent rarement à l’opéra, ce qui est dommage _ vraiment ! Il y a peut-être un manque de curiosité _ oui !!! _ou de prise de risque _ aussi… _ de ce côté de la part de certains directeurs de casting. Mais c’est aussi à nous _ oui ! _ d’oser proposer _ oui _ et de faire part de nos envies, et par exemple c’est moi qui ai suggéré à l’Orchestre de Paris les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler que je chanterai en mars à la Philharmonie. Il faut donc aussi, en tant qu’artiste, proposer les ouvrages que l’on souhaite chanter _ voilà.

Crédits Photographiques : Portrait © Jean-Baptiste Millot ; Hamlet Mulhouse © Alain Kaiser ; Récital avec Alain Planès © Alain Le Bourdonnec

Cette interview est vraiment passionnante _ je l’avais déjà donnée le 26 novembre 2019 :

Et elle nous permet d’apprécier une nouvelle fois la très remarquable qualité d’intelligence humaine de Stéphane Degout, au-delà de ses qualités de chanteur et d’acteur…

Ce mercredi 25 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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