Une fois encore Giuliano Carmignola_ né à Trévise le 7 juillet 1951 _ fait la preuve de l’époustouflante perfection de son jeu de violon, avec l’Accademia dell’Annunciata sous la direction de son ami Riccardo Doni,
dans le superbe triple album « The three seasons – Concertos for violin and strings » d’Antonio Vivaldi, Arcana A550 (de 180′ 29), enregistré à Abbiate grosso, en Lombardie, aux mois de janvier, février et mars 2023, et tout récemment paru, le 8 septembre dernier…
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Le programme des 18 Concerti choisis ici ayant bénéficié des soins ultra-compétents du musicologue tout spécialement expert de Vivaldi (et de la musique à Venise), Olivier Fourès, auteur de 7 pages de la présentation du livret, intitulées « Donner du temps au temps« …
… The Three Seasons of Antonio Vivaldi – Violin Concertos
Giuliano Carmignola (violin) ; Accademia dell’Annunciata/Riccardo Doni Arcana A550 180:29 mins (3 discs)
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The title refers not to Vivaldi’s most famous works but to the three ‘seasons’ – early, middle and late – of his career. Italian violinist Giuliano Carmignola and the Accademia dell’Annunciata journey through 18 solo concertos _ RV 343, 240, 230, 332, 265 et 210 ; puis 189, 33, 289, 197, 330 et 380 ; et enfin 201, 371, 353, 367, 327 et 390 _, tracing the composer’s ever-evolving idiom as he transforms from priest to teacher to virtuoso soloist, opera director and impresario. Sober ‘stile antico’ works, grounded in old-style contrapuntal writing, give way to frothy concertos in the fashionable ‘style gallant’; then there are virtuosic, experimental works in which Vivaldi exploits all the colouristic effects of a great Venetian painter, while elsewhere he embraces the drama and lyricism of opera or anticipates the passion and pathos of the ‘Sturm and Drang’ movement.
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Maestro of the Baroque violin, Carmignola combines his meticulous attention to the details of Vivaldi’s phrasing and expressive markings with a sense of interpretative freedom, rhetoric and theatre. He produces an exquisitely refined, cantabile sound from his 1733 Pietro Guarneri violin, on which he seems to sing Vivaldi’s lyrical slow movements, floating their plaintive, wistful, yearning melodies with a silky lightness of touch. When it comes to the more virtuosic movements, Giuliano Carmignola’s technique is flawlessly agile yet always at the service of musical expression.
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Director-harpsichordist Riccardo Doni draws lyrical playing from his Milan-based period-instrument ensemble, the Accademia dell’Annunciata _ les trois périodes séances d’enregistrement ont eu lieu du 13 au 16 janvier, du 1er au 4 février et du 13 au 16 mars 2023, à Abbiategrosso, en Lombardie _, and they paint the changing seasons of Vivaldi’s style _ qualifiées successivement de « Primavera, « Al suon festante ». (« Services »)« , « Estate, « Tuona e fulmina il Ciel ». (« Privileges) » et « Autunno, « Del liquor di Bacco accesi tanti ». (Abuse) », en une remarquable présentation du livret, intitulée « Donner du temps au temps », sous la plume ultra-compétente du musicologue, spécialiste de la musique de Vivaldi, Olivier Fourès… _ with multifarious colours and timbres – by turns, luminous, warm, spectral and glassy. Their readings have a classical restraint, characterised more by an understated poise than overt virtuosity.
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Kate Bolton-Porciatti
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Avec ici un accès aux podcasts de ces 180′ de cette splendide interprétation de Giuliano Carmignola…
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Mon conseil :
écouter en priorité les Concerti des CDs 2 et 3 caractérisant « l’été » et « l’automne » de la géniale création musicale d’Antonio Vivaldi, plutôt que les Concerti, pourtant bien plus célèbres _ tels que ceux extraits des célébrissimes recueils que sont « L’Estro Armonico« Op. 3 (Amsterdam, 1711) et « Il cimento dell’armonia e dell’inventione » Op 8 (Amsterdam, 1724 ou 25), par la publication et le succès international desquels Vivaldi s’est fait un immense nom.. _, du « printemps » de Vivaldi,
pour reprendre la très judicieuse métaphore de ces « Three Seasons » de la carrière du compositeur, que, excellemment pour ce triple album, le grand ami et extraordinaire bassoniste Sergio Azzolini a suggéré _ lors d’une amicale conversation à Toblach, au mois d’octobre 2021 _ à Giuliano Carmignola, puis qu’a développée l’excellent musicologue Olivier Fourès, et lui aussi grand ami de Giuliano Carmignola, de décomposer et présenter, très judicieusement, en ce superlatif (!) florilège vivaldien de 18 Concerti pour violon et cordes sous les doigts de la plus parfaite finesse vivaldienne de Giuliano Carmignola…
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Ainsi, par exemple, les podcasts des 4 mouvements du Concerto RV 390,
un des tous derniers qu’a écrits Vivaldi (Venise, 4 mars 1678 – Vienne, 28 juillet 1741), composé pour _ ou tout du moins acheté par _ le Comte de Collalto, au mois de juin 1741, et effectivement conservé depuis au château familial des Collalto, à Brtnice (ou Pirnitz), en Moravie :
voici ce mercredi 31 mai 2023 une nouvelle superbe reconnaissance de cette superlative réalisation discographique _ sous la direction musicale du toujours excellent Théotime Langlois de Swarte, aussi au violon… _, sur le site Discophilia, par l’excellent Jean-Charles Hoffelé, sous l’expressif titre plus bref « Suspensions et fulgurances« …
Un théorbe, un violon berce le sublime _ voilà ! Écoutez-le ici… _ Il mio crudele amor tiré du Rodomonte sdegnato de Gasparini (Lucques, 1670 – Venise 1732), l’alto de pure soie _ oui _ d’Adèle Charvet déploie à pleine voix son élégie, merveille qui font des deux minutes dix un temps suspendu, avant que la tempête de vocalises emportée par les aquilons des cordes, ne pose un tout autre décor. Qui connaît encore Fortunato Chelleri, cet autre héros du Teatro Sant’Angelo, temple du nouvel opéra vénitien que Justin Taylor _ et Théotime Langlois deSwarte _ et son Consort célèbrent ici ?
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Adèle Charvet se régale des flamboyantes vocalises qui jamais ne désunissent sa voix agile et profonde _ oui, les deux… _ au long d’un programme qui alterne brio _ virtuose _ et _ tendre _ poésie _ oui _ : écoutez seulement le lamento lunaire _ « Con favela de’ pianti« , à la plage 3 du CD : écoutez ici ces sublimes 2′ 09 _ tiré de Cleonice de Ristori, troisième des douze inédits égrenés au long de ce prodigieux _ oui !!!Il faut le chanter très fort sur les toits… _ album – deux sont mêmes pris chez le sur-enregistré Vivaldi ! – qui découvre tout un pan encore largement inexploré _ mais oui ! _ du théâtre lyrique vénitien.
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Cet art, en particulier celui de Ristori(Bologne, 1692 – Dresde, 7 février 1753), s’exportera loin de la lagune, jusqu’à Saint-Pétersbourg, ne perdant rien de ses singularités, et révélé ici par une chanteuse aussi saisissante qu’inspirée _ absolumentent ! : quelle merveilleuse interprète ! Espérons _ tout à fait ! _ que ces ouvrages connaissent leur renaissance par le disque : Vivaldi et Albinoni, de leurs vastes catalogues, dissimulent encore cette Arcadie lyrique _ d’inspiration vénitienne… _ qui nous est promise.
voici, ce samedi 6 mai, la révélation d’un tout aussi merveilleux _ inattendu et magnifiquement bienvenu _ CD, le CD « Teatro Sant’Angelo« , Alpha 938, de l’Ensemble Le Consort _ sous la direction très en verve du superbe violon du grand Théotime Langlois de Swarte ! _ et la mezzo-soprano Adèle Charvet,
consacré au répertoire passablement _ et bien à tort !!! _ méconnu d’opéra baroque du Teatro Sant’Angelo, à Venise,
à l’époque _ de 1713 à 1739 _ qui a vu le triomphe opératique vénitien d’Antonio Vivaldi (Venise, 4 mars 1678 – Vienne, 28 juillet 1741),
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et qui vient nous révéler ici quelques sublimes _ mais oui, véritablement !!! _ airs, non seulement du grand Vivaldi lui-même, mais aussi de quelques uns de ses confrères compositeurs d’opéras contemporains, méconnus, eux _ et, peut-être scandaleusement, à tort ! _,
tels, entre quelques autres encore, Fortunato Chelleri_ en fait Keller, du nom de son père, allemand ; sa mère est une Bassani, de Padoue ; mais il est né à Parme… _ (Parme, 14 mai 1687 – Cassel, 14 décembre 1757), et Giovanni Alberto Ristorni (Bologne, 1692 – Dresde, 7 février 1753),
lesquels, il est vrai, ont vécu et exercé surtout en Allemagne, où tous les deux, au terme de leur carrière, sont décédés _ mais le vénitien Vivaldi est, lui aussi, décédé loin de Venise : à Vienne, le 28 juillet 1741…
qui signe aussi le passionnant texte du livret, intitulé « Coulisses vénitiennes« …
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Et voici _ avec des ajouts (en vert) de ma part, dont des liens d’accès à pas mal de podcasts d’airs à écouter ici ! _ ce que, de ce bien beau CD, déclare Pierre Degott, sur le site de ResMusica, en un article intitulé « Une soirée au Teatro Sant’Angelo avec Le Consort et Adèle Charvet« , en date du 3 mai dernier :
Dans un programme fait de quelques tubes vivaldiens et de nombreuses raretés – dix airs donnés en première mondiale –, Adèle Charvet et l’ensemble Le Consort nous font revivre quelques soirées d’un des plus emblématiques théâtres vénitiens. Espérons _ oui ! _ que cet album sera le hors-d’œuvre de grandes aventures à venir.
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L’intérêt de ce beau CD est double. Sur le plan musicologique, il nous emmène vers la lagune afin de découvrir le répertoire _ bien trop méconnu jusqu’ici (et c’est même scandaleusement incompréhensible !) _ d’un des plus célèbres théâtres de la Sérénissime, le Teatro Sant’Angelo. Comparé au San Giovanni Grisostomo ou au San Giovanni e Polo, théâtres officiels de la noblesse vénitienne, le Sant’Angelo était le lieu « alternatif » et « populaire » _ voilà… _, aux moyens plus restreints certes, mais à la créativité musicale toujours permanente et débridée _ cela s’entend ici, et se savoure ! Quelle inventivité ! C’était, de 1713 à 1739 _ des dates bien sûr importantes… _, le théâtre de Vivaldi, dans lequel il prete rosso fit représenter une vingtaine _ pas moins _ de ses propres opéras. C’est là que furent créés L’Olimpiade,Arsilda, regina di Ponto, La verità in cimento et L’incoronazione di Dario, tous représentés sur l’album _ et avec quels airs !!! Dont « Sovvente il sole« extrait de l’opéra Andromeda liberata (créé à Venise en 1726), un opéra découvert à Venise par Olivier Fourès. Le programme fait la part belle également à deux musiciens aujourd’hui _ incompréhensiblement… _ oubliés, mais qui, dans l’ombre de Vivaldi, ont également assuré autrefois le pain quotidien du théâtre _ tous deux, il est vrai, ont surtout vécu et exercé en Allemagne, où ils décéderont : Ristori (né à Parme), en 1753 à Dresde ; Chelleri-Keller (né à Bologne), en 1757, à Cassel… De Giovanni Ristori, on entendra trois airs extraits de son opéra Cleonice, ainsi que quelques pièces tirées de ses opéras Temistocle, Arianna et Don Chisciotte. De Fortunato Chelleri, musicien surtout connu pour ses activités en Allemagne, on entendra deux extraits de son opéra Amalasunta, ainsi qu’un mouvement de sonate. Mélodies ensorcelantes _ voilà… _, soutenues par un accompagnement souvent réduit à sa plus simple expression, mais toujours sobre et efficace _ et comment ! On goûtera encore davantage les airs « Il mio crudele amor » de Michelangelo Gasparini et « Patrona reverita » de Giovanni Porta, respectivement accompagnés d’une simple basse continue ou d’un théorbe. On rêve d’assister à l’une de ses soirées du Sant’Angelo, surtout lorsqu’on entend l’extrait _ bien trop bref (1′ 24) ! _ de Don Chisciotte _ créé à Dresde le 2 février 1727 _, ouvrage visiblement héroïco-comique reposant sur le mélange des genres, concept théâtral impensable dans la France de l’époque, mais depuis Monteverdi (1567 – 1643) et Cavalli (1602 – 1676) typique _ en effet _ de l’opéra vénitien populaire que nous redécouvrons aujourd’hui.
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L’autre intérêt _ proprement musical, lui _ de l’album réside dans l’interprétation _ splendide !!! _ toute en ombres et lumières _ oui ! _ de la jeune mezzo-soprano Adèle Charvet _ née à Montpellier le 25 mai 1993 _, encore peu connue au disque des amateurs de musique baroque. Sa voix possède tout le moelleux et le velouté d’un contralto comme Kathleen Ferrier, dont elle sait recréer le mélange de calme, de douceur et d’intensité. Contrairement à son illustre prédécesseure, elle sait également s’enflammer dans les pages virtuoses qui parsèment l’album – « Siam navi» de L’Olimpiade et « Con piu diletto » de La verità in cimento, par exemple –, ne redoutant ni les vocalises les plus hardies, ni les intervalles les plus audacieux qui font tout le prix et toute l’expressivité _ aussi percutante qu’intensément prenante _ de ce répertoire. C’est néanmoins dans les pages sobres et mesurées que nous préférons nous régaler des couleurs cuivrées de ce bel instrument. Nous ne mentionnerons que le « Nell’onda chiara » de l’Arianna de Ristori, aux sonorités véritablement planantes et envoûtantes _ oui. L’ensemble Le Consort, dirigé depuis son violon par Théotime Langlois de Swarte, n’est est pas à sa première incursion dans la musique vénitienne. Devant tant d’affinités avec ce répertoire, nous ne pouvons que souhaiter _ oh oui ! _ que soit explorée plus avant la programmation originale et innovante des théâtres dits « secondaires » de la Sérénissime.
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Teatro Sant’Angelo.
Michelangelo Gasparini (1670-1732) : « Il mio crudele amor » extrait de Rodomonte sdegnato.
Fortunato Chelleri (1690-1757) : « Astri aversi » et « La navicella » extraits de Amalasunta ; adagio de la Sonate en trio en sol majeur.
Giovanni Alberto Ristori (1692-1753) : « Con favella de’ pianti », « Quel pianto che vedi » et « Qual crudo vivere » extraits de Cleonice; « Su robusti » extrait de Un pazzo ne fa cento, ovvero Don Chisciotte ; « Aspri rimorsi » extrait de Temistocle ; « Nell’onda chiara » extrait de Arianna.
Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Siam navi » extrait de L’Olimpiade RV 725 ; « Sovvente il sole » extrait de Andromeda liberata RV 749.27 ; « Ah non so, se quel ch’io sento » extrait de Arsilda, regina di Ponto, RV 700 ; « Con più diletto » et « Tu m’offendi » extraits de La veritá in cimento RV 739 ; « Quella bianca e tenerina » extrait de L’incoronazione di Dario, RV 719.
Giovanni Porta (1675-1755) : « Patrona reverita » extrait de Arie nove dà batello.
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Adèle Charvet, mezzo-soprano ; Ensemble Le Consort, violon et direction musicale : Théotime Langlois de Swarte.
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1 CD Alpha.
Enregistré en février 2022 au Temple du Saint-Esprit, Paris….
Notice en français, anglais et allemand.
Durée : 66:10
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Cf aussi l’article intitulé « Adèle Charvet Teatro Sant-Angelo » de Charles Sigel, paru le 15 avril 2023 sur le site de ForumOpera.com
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15 avril 2023
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La fougue et le velours
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C’est à la fois l’évocation d’une maison d’opéra disparue, et, partagé entre airs de bravoure et lamenti, le portrait d’une jeune voix se confrontant à un répertoire en grande partie méconnu.
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Du Teatro Sant’Angelo de Venise, il ne reste rien, sinon un arrêt du vaporetto, qui perpétue son nom, un campiello et un ramo _ une impasse _ « del teatro ». Il était au bord du Grand Canal, côté gauche en descendant, juste avant la grande courbe de Ca’Foscari. C’est là qu’à partir de 1713 et jusqu’en 1739 Vivaldi fut une manière de multitâche, à la fois impresario, directeur musical et compositeur, suivant l’écriture et l’adaptation des livrets, dirigeant les opéras des autres (tout en précisant « Jamais je ne joue avec l’orchestre, à l’exception de la soirée d’ouverture car je ne m’abaisse pas [sic] à faire le métier d’exécutant »). Il y fit représenter une vingtaine de ses propres opéras (sur une cinquantaine recensée). Il ne manquait pas d’adversaires dont le vindicatif Benedetto Marcello, dont la famille était co-propriétaire du théâtre, qui écrivit un pamphlet, Il Teatro alla moda, qui touchait plus ou moins directement le Prete Rosso.
C’est le musicologue (et violoniste) Olivier Fourès qui a élaboré _ oui _, avec Adèle Charvet et Théotime Langlois de Swarte, le programme de ce disque, qui veut raconter pittoresquement _ avec un choix de quelques sublimes airs d’opéra qui y ont été donnés _ l’histoire de ces théâtres bourdonnants où se perpétuait un genre, celui de l’opéra à la vénitienne, né ici en 1637, à l’ouverture du premier opéra payant, le San Cassiano, mais dont le véritable père spirituel avait été Monteverdi avec Il Ritorno d’Ulisse (1640) puis Le Couronnement de Poppée (1641).
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Production courante
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Il s’agit donc ici d’un florilège d’airs _ voilà _ qui ont le point commun d’avoir été créés _ ou donnés _ au Sant’Angelo, petite salle ouverte en 1677, beaucoup moins dotée que les cossus San Giovanni e Polo ou San Giovanni Grisostomo, très productive, plutôt à bon marché, célèbre pour ses tempêtes en carton-pâte, ses grottes de Neptune et autres palais d’Armide ou île d’Alcina en toiles peintes. Comme le San Cassiano qui avait connu des heures glorieuses, mais se survivait à lui-même, le Sant’Angelo était un théâtre au budget modeste, attirant un public populaire. Il faisait flèche de tout bois et n’avait pas les moyens de s’offrir les dispendieux castrats, dont les cachets mettaient les impresarii sur la paille.
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Une corporation de plumitifs produisait des livrets au mètre, versifiant Homère ou l’Arioste. Ici, Grazio Braccioli, Angelo Costantini, Stefano Benedetto Pallavicino, Domenico Lalli, Giovanni Palazzi, tous personnages dont les noms ne parlent plus guère qu’aux spécialistes. Le plus sollicité, copié, recyclé étant l’inépuisable Métastase (ici représenté par deux de ses livrets, L’Olimpiade pour Vivaldi et Temistocle pour Ristori).
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Clichés à tous les étages
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De belles histoires qu’on connaissait déjà _ oui _, des décors qui bougent, des voix si possible spectaculaires… Quelques musiciens dans la fosse, une dizaine, répétant en hâte une partition elle aussi peu chiche en clichés. Airs de bravoure ou déploration larmoyantes, tout était codé _ en effet _ et les spectateurs en redemandaient. L’opéra était un genre de consommation courante, et les salles, avec leurs loges, des lieux de sociabilité, voire de rencontre, sorbetti à l’appui _ en effet…
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Le projet de reconstruction du Teatro San Cassiano
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Dans l’écosystème de l’opéra les musiciens étaient nécessaires, à défaut d’être suffisants. Sont mis en avant ici deux honnêtes professionnels, qui, dans leurs années de jeunesse _ ils sont nés en 1687 et 1692 _ vinrent recevoir l’influence de Vivaldi.
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Ainsi Fortunato Chelleri passa-t-il par Venise au cours de sa vie de musicien itinérant _ notamment de par les cours allemandes… L’opéra ne sera pas l’essentiel de sa production (il n’en composera que dix-sept, performance moyenne selon les critères de l’époque); il sera surtout maître de chapelle à Würzburg et Cassel. Un Alessandro, une Pénélope feront peu de succès au Sant’Angelo, mais son Amalasunta, Regina dei Goti (1718) y réussira mieux (le livret s’intéressait à Téodogonde Amalasunta, fille de Théodoric…)
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Une Europe italophile ou italomane
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Giovanni Alberto Ristori y fait aussi un bref _ oui _ passage. En 1713, Ristori arrive à Venise avec son père, qui dirigeait une troupe de comédiens à Dresde _ voilà. Vivaldi lui commande un Orlando Furioso (livret de Grazio Braccioli). L’opéra est représenté plus de 40 fois, raconte Olivier Fourès. Deux ans plus tard, il repart à Dresde (qui sera pendant trente ans sous un prince très italophile, Auguste III, le bastion de Johann Adolf Hasse, disciple à Naples de Porpora et d’Alessandro Scarlatti, et de son épouse chanteuse Faustina Bordoni, d’ailleurs vénitienne) ; puis Ristori créera une troupe à Saint-Pétersbourg, autre capitale italianisée ; il y fera venir des musiciens du Sant’Angelo, dont les Madonis, Luigi le violoniste et Antonio, le corniste, le hautboïste Dreyer ou Girolama Valsecchi (femme d’Antonio Madonis), contralto célèbre pour son expressivité, qui avait justement fait ses débuts à Venise dans l’Orlando avec la Campioli et la basse Carli, et que sa carrière avait menée de Bruxelles à Prague, de Munich à Brno.
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Ainsi la musique italienne circulait-elle dans toute l’Europe _ voilà ! _, dans les bagages de troupes itinérantes _ oui _, celles des Denzio, Ristori, Bioni, Peruzzi, Galeazzi _ toutes ces précisions sont très intéressantes !
Disque inattendu _ oui : le terme m’est aussi venu sous la plume… On aurait pu penser qu’Adèle Charvet profiterait du répertoire vénitien pour montrer son timbre de mezzo dans toute son opulence, qu’elle aurait déniché quelques airs spectaculaires pour mettre en valeur tout ce qu’elle a conquis dans le registre grave.
Or c’est autre chose qu’elle donne à entendre ici : un florilège d’airs (dont beaucoup inédits au disque _ oui _) souvent dans le registre central, tout en s’offrant tout le catalogue des ornements brillants, où sa voix scintille à l’envi.
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Des airs qui, s’ils sont inédits ou méconnus, donnent, avouons-le, l’impression qu’on les a déjà entendus quelque part _ ce n’est pas là mon opinion _, et ne valent qu’interprétés par quelqu’un qui en transcende les poncifs. Et avec une générosité qui les dépasse. C’est le cas avec la jeune mezzo-soprano, dont on sait quelle flamme l’anime _ oui ! Et c’est bien là l’essentiel !..
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Ainsi des deux extraits d’Amalasunta de Chelleri. Le premier air, « Astri aversi » coche toutes les cases du canto fiorito, coloratures escarpées, introduites par des violons, puis tout l’orchestre agitato, aria di furore, expressif par sa virtuosité. Reprise avec de nouveaux ornements, aussi nets qu’inventifs, trilles impeccables, sur des basses tempétueuses, agilité sur toute la tessiture, très longue, énergie, la démonstration est brillante _ oui !
Le second air, « La navicella », tout en lignes mélodiques qui s’entortillent, contemplatif et charmeur, semble le parangon du chant spianato et offre à Adèle Charvet prétexte à montrer la belle homogénéité de sa grande voix (et ses graves) sur un tissu moiré de cordes entrelacées.
Un de ces airs vénitiens à la Vivaldi dont on se demande s’ils n’ont pas été écrits lors d’un déplacement en gondole, tant l’écriture y semble nautique, avec ondes et vaguelettes.
Chant spianato encore dans l’aria « Con favella de’ pianti », extrait de la Cleonice de Ristori, air dont on oublie la mélodie passablement répétitive sur un ostinato de cordes qui semble pasticher Vivaldi pour n’écouter que le beau phrasé, le velours du timbre de la chanteuse _ oui _, et les couleurs blêmes qu’elle suggère. Du même opéra, l’aria « Quel pianto che vedi » est d’un tout autre intérêt avec ses sauts de notes, ses grands traits et sa virtuosité dramatique, air de fierté où l’héroïne proclame ne pas vouloir de la pitié de son amant. « Qual crudo vivere » (Cleonice toujours), déploration toute simple, sur une phrase inlassablement descendante, est justement chantée avec autant de sincérité que de délicatesse _ oui _, et le parfum de nostalgie que suggère naturellement ce timbre.
Belles couleurs de voix, fantaisie, effets martelés et riche tissu orchestral à nouveau dans « Su robusti », extrait de Un pazzo ne fa cento, ovvero Don Chisciotte, du même Giovanni Alberto Ristori, air purement théâtral.
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Mais c’est décidément dans le dramatique que Ristori est à l’aise.
Ainsi, extrait de Temistocle, « Aspri rimorsi », sur un texte de Metastase (qui sera repris par Mozart pour un air de basse) est un bel air sinueux, descendant vers le bas de la voix, avec des effets de notes non vibrées, de la sincérité dans l’expression de la douleur (de beaux graves, là aussi), une palette sombre, des dissonances, des frottements. Et une orchestration étonnamment riche. C’est l’une des belles plages de ce disque _ qui en comporte beaucoup ! _ et la musique est à la hauteur du texte : « Aspri rimorsi atroci, figli del fallo mio, Perché sì tardi, oh Dio, mi lacerate il cor ? – Âpres remords, atroces remords, Enfants de ma faute, Pourquoi avoir tant attendu, ô Dieu, Pour me déchirer le cœur ? »
Parfois Ristori semble pasticher Vivaldi. Ainsi « Nell’onda chiara », l’air d’Arione extrait d’Ariana avec ses pizzicati de cordes en tapis, sur lesquels la voix legato déroule ses courbes rêveuses dans une écriture centrale ne s’offrant qu’une incursion jusqu’au sibémol.
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Vivaldi fait du Vivaldi
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Mais Vivaldi aussi fait du Vivaldi. Voir « Sovvente il sole » (Andromeda liberata, 1726). Mais après tout, pourquoi changer une formule qui gagne ? De belles broderies du violon de Théotime Langlois de Swarte sur des accords imperturbables et, par-dessus, la voix d’Adèle Charlet : registre élevé radieux, legato, ornements en imitation du violon, musicalité partagée avec lui, complicité à faire respirer _ oui _ cette musique, et, pour Adèle, belle maitrise de la demi-voix avant un pont rêveur, puis une reprise aérienne, ondulant dans le très haut de la tessiture, merveilleusement transparent, jusqu’à un rallentando final par Le Consort, cordes et théorbe, tout en délicatesses et en écoute _ oui, oui.
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C’est une musique que ses interprètes doivent aider
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Dix ans plus tôt, l’aria « Ah non so, se quel ch’io sento » (Arsilda, regina di Ponto, 1716), introduit par le clavecin de Justin Taylor, sonnait plus âpre et la voix d’Adèle Charvet, qui semble frôler ses limites supérieures et s’y mettre en danger sur un tempo très lent, accentue encore le sentiment désolé, auquel semblent compatir le violon, le violoncelle et un théorbe. Pour le coup, on peut parler là de bel canto, tant ce sont les couleurs de la voix qui expriment le sentiment,
Si « Tu m’offendi » extrait de La veritá in cimento (1720) semblera reprendre une formule toute proche (plainte avec accompagnement dolent et ondulant, beau phrasé mélancolique, intégration des ornements, vocalises expressives à pleine voix, surtout jeu belcantiste sur les couleurs de la voix avec l’éternel bercement du gondolier), « Con più diletto » extrait du même opéra contrastera par sa gaieté : air fiorito, appartenant au genre codé des arie di riso, chanté par l’insolente Rosane avec les ornements prestes qu’il faut, sur un orchestre qui palpite : « Avec plus de plaisir, mon Amour / S’en va volant vers un autre objet. / Je me ris, fou, de tes pleurs / Si tu prétends m’ôter la liberté. »
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Sous influence napolitaine
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La pièce la plus tardive date de 1734, c’est l’aria « Siam navi » de L’Olimpiade. Olivier Fourès le considère « d’une autre époque, celle où la mode napolitaine envahit les théâtres vénitiens. C’est un langage plus uniformisé que le chaos « vénitien » qui faisait jusqu’alors feu de tout bois. Les systématiques trémolos, fusées et vocalises méridionales inspirent clairement Vivaldi, mais il s’agit probablement de la dernière flamme de l’opéra « vénitien ». Air agitato, souvent enregistré, qui fait penser à certains concertos vivaldiens fameux, comme La Tempesta di mare : périlleux sauts de notes, sollicitant le medium et le haut de la voix, avec grandes vocalises en triolets, sur un tempo foudroyant, d’une difficulté redoutable et dont Adèle Charvet se tire avec honneur. « Tutta la vita é mar » dit le texte. Vivre c’est naviguer sur une mer tempétueuse et le Consort le dit avec autant que virtuosité qu’Adèle Charvet.
« Les vents impétueux sont nos passions ». La passion du chant est en tout cas manifeste _ oui ! _ à tous les moments de ce bel enregistrement.
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Un très beau, et très nécessaire, fruit du superbe travail et musical, et discographique, que ce très beau CD ;
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avec des révélations musicales de toute première grandeur !!!
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Et maintenant,
découvrons vite _ même si c’est risqué pour les investissements de l’édition discographique : un récital de très beaux airs trouvant ces derniers temps plus aisément le chemin déjà tortueux (faute, aussi, d’assez de médiateurs compétents et efficaces…) des mélomanes et discophiles, qu’un opéra entier, et d’un compositeur jusqu’ici inconnu, c’est sûr !… _ un opéra complet d’un de ces compositeurs jusqu’ici délaissés de la scène, du concert et du disque, tels qu’un Ristori ou un Chelleri-Keller, et redécouverts ici grâce aux recherches pionnières patientes et découvertes musicales de première grandeur _ insistons-y… _ d’un chercheur-expert audacieux et tenace _ et un peu compétent musicalement _, tel qu’Olivier Fourès…
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Ce samedi 6 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa
Le manuscrit, conservé à la Bibliothèque Nationale, à Paris, des 12 « Concerti di Parigi » d’Antonio Vivaldi, continue de poser bien des questions sur son arrivée à Paris, quand on sait qu’Antonio Vivaldi n’a jamais fait lui-même le voyage de France…
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Cette question de l’origine et du parcours de ce manuscrit vivaldien, n’apparaissait en tout cas pas, en 1999, dans la notice _ rédigée par le violoniste et chef de Modo Antiquo, Federico-Maria Sardelli _ du livret du CD, déjà très bon, du label Tactus TC 672213 donnant une interprétation de ces 12 « Concerti di Parigi« .
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Outre une excellente prise de son,
l’Orchestre de l’Opéra Royal, sous la direction vive et souple du violoniste Stefan Plewniak, nous offre à son tour une excellente interprétation de cette collection de 12 Concerti ripieno _ et non avec un solo de violon _ d’Antonio Vivaldi, dans le CD CVS065 du label Château de Versailles.
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Mais se distingue par une très intéressante notice du livret, rédigée par Olivier Fourès, qui se livre à une assez judicieuse hypothèse sur l’origine de ce recueil très divers, et même un peu composite, parvenu à Paris au cours de la décennie des années 30 du XVIIIe siècle.
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Or Antonio Vivaldi, né à Venise le 4 mars 1678, et qui décèdera à Vienne le 28 juillet 1741, n’a, semble-t-il, jamais fait lui-même le voyage de France, ni, a fortiori, de Paris.
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Pour qui donc Vivaldi aura-t-il procédé à la réunion de ces 12 Concerti ripieni désormais conservés, en manuscrits, à Paris ?
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Et comment le manuscrit de cette collection de Concerti, dix, au moins, d’entre ces douze n’étant pas alors inédits, a-t-il pu parvenir, puis être conservé depuis, à Paris ?..
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C’est là que les hypothèses d’Olivier Fourès se montrent, et ingénieuses, et tout à fait plausibles…
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En effet, « une récente découverte du musicologue Jóhannes Ágústsson (une lettre de Vivaldi dans les archives de Vienne _ à préciser… _) ouvre un tout nouvel horizon. En 1728 _ au mois de septembre plus précisément _, l’Empereur d’Autriche Charles VI se rend à Trieste, ville où il souhaite développer le port, au grand dam _ en effet _ de Venise.Aussi, La Sérénissime envoie-t-elle une délégation à Trieste _ en l’occurrence les ambassadeurs Pietro Capello et Andrea Corner, qui sont reçus par l’empereur le 11 septembre _, et sachant Charles VI grand mélomane, elle y infiltre Vivaldi. Le prêtre roux joue pendant les repas impériaux, et offre à Charles VI un recueil manuscrit de concertos pour violon (La Cetra), se gagnant les faveurs de ce dernier : « L’Empereur a donné beaucoup d’argent à Vivaldi avec une chaîne et une médaille d’or et il l’a fait chevalier. […] Il a entretenu longtemps Vivaldi sur la musique, on dit qu’il lui a plus parlé à lui seul en 15 jours qu’il ne parle à ses ministres en deux ans. » Un triomphe. (Qui ne servit à rien à Venise.)
Dans la suite de Charles VI, se trouvait le jeune François-Étienne (19 ans), héritier des duchés de Lorraine et de Bar, alors en relation _ complexes_ avec le Saint-Empire Germanique et la France _ cf la très richegénéalogiede François-Etienne, le futur empereur (en 1745) François Ier de Habsbourg-Lorraine. Charles VI avait pris François- Étienne sous sa tutelle dès 1723 _ François-Etienne a alors 14 ans ; et dès ce moment, l’empereur Charles VI élève François-Etienne comme son propre fils et prévoit de le marier à l’archiduchesse Marie-Thérèse, sa fille aînée et héritière. _ à Vienne _ en une histoire géopolitique complexe et passionnante des liens matrimoniaux et dynastiques très enchevétrés entre les familles princières de Lorraine, de France et d’Autriche ! François-Etienne est à la fois cousin, par sa mère, Elisabeth-Charlotte d’Orléans (fille de Monsieur, le frère de Louis XIV), avec le roi de France Louis XV (leur ancêtre commun étant le roi Louis XIII), et, par sa grand-mère paternelle Eléonore-Marie-Josèphe de Habsbourg (épouse de son grand-père paternel Charles V de Lorraine) avec l’Empereur Charles VI (leur ancêtre commun est l’empereur Ferdinand III de Habsbourg). Ce dernier jouait du clavecin. On sait _ et ce seraient là de fort utiles précisions à donner ! _ qu’après avoir vu Vivaldi jouer à Trieste _ en septembre 1728, donc _, François-Étienne commence à prendre d’intenses classes de violon à Vienne. Le 27 Mars 1729, son père Léopold I meurt, il devient François-Étienne III (avant de devenir Duc de Toscane en 1736, puis Empereur du Saint-Empire germanique en 1745) _ et c’est le 12 février 1736 que François-Etienne épouse Marie-Thérèse d’Autriche. Le 28 Mai _ 1729 ; François-Etienne est âgé de 20 ans_, Vivaldi lui écrit :«Je rougis de me présenter devant vous avec ces très humbles cahiers de ma faible plume. La parfaite connaissance que V.A.S. peut s’enorgueillir d’avoir pour la musique, et en particulier pour les compositions instrumentales, m’a donné le courage de me mettre aux pieds de V.A.S., et de lui offrir avec ces cahiers ma profonde reconnaissance. Je vous supplie […] que vous me permettiez à l’avenir pouvoir vivre sous l’ombre heureuse de votre très Glorieux Nom.»Vivaldi lui envoie donc de la musique instrumentale en parties séparées (des concertos) espérant pouvoir bénéficier de sa protection (qu’il obtiendra, puisque dès 1731 il se présentera comme« maestro di cappella di S.A.R. il serenissimo Sig. duca di Lorena »).
Le 9 Novembre 1729 François-Étienne III quitte Vienne pour retourner à Lunéville (via Prague), avec, dans sa suite, les musiciens de son ensemble. Il y avait déjà envoyé, en amont, son plus fidèle servant, Karl von Pfütschner, qui lui écrivait : «Je ne puis m’exercer au violon, puisqu’on m’a deffendu pour une année entière tous les jeux d’instruments, mais à mon arrivée, tout le monde m’a parlé du goust que V.A.R. avoit pour la musique. Cela fera que bien des gens l’apprendront dans l’espérance de gagner par là ses bonnes grâces. » François- Étienne III arrive à Nancy le 3 Janvier 1730, et après avoir rendu ses hommages à Louis XV _ qui est lui aussi son cousin ! _ à Paris, s’installe à Lunéville où « toute son occupation est de s’amuser avec ses valets de chambre, ou à jouer du violon et à faire des concerts avec ses musiciens, sans y admettre personne, et seulement quelques princesses ses sœurs ». Toutefois, la menace d’une invasion de la Lorraine par la France l’oblige à quitter la Lorraine en toute hâte _ voilà ! _ (et pour toujours) le 25 Avril 1731 (juste après avoir donné son soutien à la récente Académie de musique de Nancy).
Tout concorde _ donc _ ici avec les concertos« de Paris »: la date de composition, la description que Vivaldi fait sur sa lettre, le fait qu’il s’agisse de concertos« ripieni »et non pour soliste (le Duc n’ayant pas encore assez de niveau au violon, Vivaldi préférait éviter une offense), le détail français, le fait que les partitions ne soient pas dédicacées (comme le suggère le musicologue Michael Talbot, Vivaldi ne pouvait alors imposer au Duc un statut de mécène), le fait aussi que François-Étienne prenne sa collection musicale en Lorraine _ où elle lui aurait été adressée _, et qu’il ait certainement dû l’y laisser _ voilà _ en raison de son départ soudain ; collection qui peut être _ assez probablement, en effet !_ tombée dans des mains françaises, ramenée à Paris, avant d’aller rejoindre la bibliothèque du conservatoire (comme l’indique la cote actuelle sur le manuscrit « de Paris »).
Quoi qu’il en soit, il est curieux de voir combien la musique de Vivaldi se mit alors _ mais oui : les dates concordent… _ à la mode en France. Si ses concertos sont régulièrement joués au Concert Spirituel, le 25 novembre 1730, à Versailles, Louis XV demande à l’improviste qu’on lui interprète Le Printemps. En 1731 _ au retour d’un voyage en Flandres et dans les Provinces-Unies _, La Pouplinière, décrit son arrivée à Calais : « On nous reçut _ chez M. Panthon, comme La Pouplinière le note en son Journal… _ comme des Dieux d’Opéra, avec une symphonie à grand chœur ; c’était du Vivaldi; j’en louai le Ciel ! » et les poètes s’embrasent :«Vivaldi, Marini, par de brillants ouvrages/ De nos sçavans en foule obtiennent les suffrages.» On peut être sûr que la collection « de Paris » ne fut pas étrangère à cette consécration« …
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C’est en effet tout à fait plausible.
Et bien intéressant quant au contexte du succès alors des œuvres de Vivaldi à Paris.
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Ce jeudi 12 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
le CD Harmonia Mundi HMM 902649, intitulé « Violin Concertos« , comportant deux Concertos _ RV 179a et RV 384 _ d’Antonio Vivaldi (1678 – 1741), deux Concertos _ opus 7 n° 5, en la mineur, et opus 10 n°3, en ré majeur _ de Jean-Marie Leclair (1697 – 1764), et un Concerto _ opus 3 n°8 _ de Pietro Locatelli (1695 – 1764) ;
en un enregistrement d’avril-mai 2021, dans la Grande Salle de l’Arsenal de Metz.
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Il est intéressant de comparer l’interprétation, ici, en ce CD, avec l’ensemble Les Ombres, de Théotime Langlois de Swarte, des deux Concertos pour violon, op. 7 n°5 et op. 10 n°3, de Jean-Marie Leclair,
avec celle de Leila Schayegh, avec son ensemble La Cetra Barockorchester Basel, dans les CDs que celle-ci a consacrés à l’intégrale _ en 3 volumes _ des 12 Concerti per violino , op. 7 et op. 10, de Jean-Marie Leclair,
des enregistrements qui m’avaient énormément séduit.
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… Pour ajouter encore un peu plus à cette comparaison d’interprétations de ces deux violonistes éminemment virtuoses,
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on peut aussi regarder et écouter cette vidéo (de 60′) d’un concert Leclair – Vivaldi (intitulé « De Venise à Paris« ) de Théotime Langlois de Swarte avec ces deux mêmes Concertos pour violon de Jean-Marie Leclair, mais, cette fois, avec l’Opera Orchestre national de Montpellier Occitanie, en une prise de vue enregistrée un peu plus tôt dans l’année 2021 : le 21 janvier…
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Eh bien, pour ces deux Concertos-là de Jean-Marie Leclair,
j’opte pour l’alternance délicate et splendide de la braise et du velours de Théotime…
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De même qu’en la comparaison, pour le Concerto opus 3 n°8 (extrait de L’Arte del violino) de Pietro Locatelli, avec l’enregistrement d’Elizabeth Wallfisch avec les Raglan Baroque Players sous la direction de Nicholas Kraemer _ en un coffret de 3 CDs Hyperion CDA 66721/3) _, en 2010, le jeu de Théotime et des Ombres, est, cette fois encore, c’est très net, mille fois plus vivant, souple, dense, profond…
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En ajoutant que les précisions historiques données dans le livret par la notice d’Olivier Fourès, intitulée « Histoires de familles« ,
sont particulièrement intéressantes en montrant comment les parcours des trois compositeurs choisis pour ce superbe et passionnant CD, Antonio Vivaldi (Venise, 4 mars 1678 – Vienne, 28 juillet 1741 _ fils de Giovanni-Battista Vivaldi(Brescia, 1655 – Venise, 14 mai 1736) _), Jean-Marie Leclair (Lyon, 10 mai 1697 – Paris, 22 octobre 1764 _ fils d’Antoine Leclair (passementier et musicien lyonnais) _) et Pietro Locatelli (Bergame, 3 septembre1695 – Amsterdam, 30 mars 1764), se sont très effectivement croisés, et pas seulement physiquement, et à plusieurs reprises…
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On voyageait beaucoup en cette Europe du XVIIIe siècle…
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À Turin, depuis 1701 jusqu’en 1703, le jeune Antonio Vivaldi est élève du violoniste Francesco-Lorenzo Somis, dit Ardi (Turin, 13 mars 1663 – Turin, 15 janvier 1736) ; dont le fils Giovanni-Battista Somis (Turin, 25 décembre 1686 – Turin, 14 aoît 1763) sera quelques années plus tard, toujours à Turin, le maître de violon de Jean-Marie Leclair.
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De même qu’à Rome, en 1724, le vénitien Antonio Vivaldi, alors au faîte de sa brillante carrière, rencontre le jeune violoniste bergamasque Pietro Locatelli _ qui fut à Rome élève d’Arcangelo Corelli(Fusignano, 17 février 1653 – Rome, 8 janvier 1713) _, qui ne tardera pas, bientôt, de venir rejoindre à Venise Antonio Vivaldi, avant son établissement définitif à Amsterdam, en 1729.
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Et en 1728, alors que le lyonnais Jean-Marie Leclair vient se fixer définitivement à Paris, il a l’occasion, cette même année-là, de rencontrer à la cour de Kassel, le très brillant Pietro Locatelli.
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Ensuite, ce dernier, fixé définitivement, donc, à Amsterdam à partir de 1729, recevra de régulières visites de Jean-Marie Lclair, venant l’écouter en concerts…
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À travers leurs très notables _ et bien connues _ différences de composition et de jeu, et la variété des formations de chacun d’eux,
Vivaldi, Leclair et Locatelli ont ainsi eu, au cours de leur vie et carrière de par l’Europe, de fructueux échanges, et influences réciproques, au travers des singularités reconnaissables de leurs idiosyncrasies.
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Et c’est un peu toute cette subtilité-là que nous donne à très judicieusement percevoir et ressentir, par son choix _ et les délicates et nettes nuances de son jeu musical _ de ces 5 concertos de violon,
ce très brillant musicien qu’est Théotime Langlois de Swarte
en ce superbe CD enrgistré pour Harmonia Mundi.
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Ce mercredi 23 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa