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En découvrant divers CDs

17fév

En découvrant, ce samedi, divers CDs,

je fais le point sur mes premières impressions :

_ le CD Vivaldi du flûtiste Stefan Temmingh, avec le Capricornus Consort Basel (CD Accent ACC 24332), me paraît « pas assez italien » de goût, un peu trop germanique, pour exprimer la pleine italianité du divin prêtre roux vénitien : sa sprezzatura, son chant, sa danse, l’étourdissante gaîté de ses allegros, comme la tendresse grave sublime de ses adagios…

_ en revanche, l’album Frédéric Chopin Late piano works d’Edoardo Torbanielli (CD Glossa GCD 922517)

me séduit infiniment, tant par le choix des œuvres (d’entre 1841 et 1846), que par le jeu ultra-sensible et merveilleusement subtil de l’interprète, dont il y a bien longtemps, en 2003, j’avais fait l’éloge pour un CD Clementi (CD Pan Classics 10171) _ « Un très intéressant, et plein de charme « Late Works for Pianoforte » de Muzio Clementi (compositeur injustement décrié…) par Edoardo Torbianelli, très en verve : Vladimir Horowitz n’avait pas nécessairement mauvais goût ; en tout cas, un tel enregistrement nous oblige à mieux repenser l’histoire et l’esthétique du clavier, au tournant d’un certain classicisme: ce n’est déjà pas rien…« 

Clementi: Late works for pianoforte

_ le CD Johann Sebastian Bach Consolatio du Ricercar Consort, que dirige Philippe Pierlot, avec notamment le superbe chant du ténor Hans-Jörg Mammel, consacré aux cantates BWV 22, 75 & 127,

est un miracle de justesse, dans l’expression de joie piétiste qu’expriment ces très belles cantates, composées par Bach pour son arrivée à Leipzig (CD Mirare MIR 332).

Résultat de recherche d'images pour "CD Consolatio Philippe Pierlot"








Ce samedi 17 février 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le sublime Chopin « en vérité » de Tatiana Shebanova _ in memoriam

30juin

C’est un peu par hasard, l’été 2011, que j’ai découvert, d’abord la collection merveilleuse « The Real Chopin« , en son œuvre complète sur instruments anciens _ un piano Pleyel de 1848 et un piano Érard de 1849, pour commencer ; vient de s’y adjoindre (en novembre 2010) un piano Érard de 1838 pour un CD de Janusz Olejniczak, le CD NIFCCD 030, comportant des Mazurkas (6), des Polonaises (2), des Valses (4), des Nocturnes (3) et la Ballade opus 23 : tous instruments admirables ! _, du Narodowy Institut Fryderyka Chopina, de Varsovie, éditée pour le deux-centième anniversaire de la naissance de Frédéric Chopin (Varsovie, 1er mars 1810 – Paris, 17 octobre 1849)  ;

puis que, en approfondissant ma recherche, CD après CD, j’ai admiré et aimé considérablement les doigts proprement magiques de Tatiana Shebanova (Moscou, 12 janvier 1953 – Varsovie, 1er mars 2011), en de sublimes cadeaux, l’un après l’autre de 5 CDs _ les CDs NIFCCD 005, 007, parus en 2007, 017 et 018, parus en 2010, puis, cette année-ci, 2012, le CD « in memoriam«  021, comportant les 24 Préludes opus 28 (ainsi que le Prélude opus 45), enregistrés le 30 juin 2009, et la Sonate en si bémol majeur opus 35, dite « funèbre« , enregistrée le 20 avril 2010.. _, de cette musique de Chopin sublimement donnée ici en sa rayonnante toute simple mais sidérante chaleureuse vérité et beauté : sur le piano Érard de 1849 de l’Institut…

L’Institut Frédéric Chopin de Varsovie a, en effet, publié en novembre 2010 un coffret de 21 CDs

(numérotés de 000 _ pour un enregistrement de Raul Koczalski (1884-1948) sur un piano Pleyel de 1847, le 21 février 1948 _ à 020 _ les enregistrements des 20 CDs 001 à 020 se sont déroulés de mars 2005 à décembre 2009 (et même le 19 janvier 2010 pour quelque(s) pièce(s) du CD 0018, par Tatiana Shebanova, justement… : probablement la Sonate « funèbre » opus 35 de 1839 _),

donnant à écouter l’œuvre intégral de Frédéric Chopin sur ces pianos Pleyel (de 1848) et Érard (de 1849) aux sonorités chaleureuses confondantes… Et c’est un élément décisif de leur si réjouissante réussite !!!

J’avais bien relevé, auparavant, une excellente critique d’un enregistrement Chopin de cette collection par Nelson Goerner, mais je devais alors avoir d’autres centres d’intérêt que la musique de Chopin pour ne pas demander à l’écouter, ni me le procurer… Et c’est probablement le nom du pianiste Howard Shelley qui, en ce début d’été 2010, m’a incité à écouter, puis m’a fait découvrir, CD après CD, avec une jouissance immédiate ! passionnément mêlée à une non moins hyper-jouissive curiosité à profusion comblée !, cette merveilleuse collection d’enregistrements sur instruments anciens de l’œuvre du « real Chopin » !

Si bien que j’ai demandé à en écouter, après ce tout premier CD Shelley de la collection de l’Institut Frédéric Chopin de Varsovie, d’autres,

à commencer par les enregistrements de Nelson Goerner, tous mieux qu’excellents, proprement enthousiasmants ! :

les CDs 003 (les 4 Ballades ainsi que 3 Nocturnes),

009 (les œuvres pour piano et orchestre autres que les 2 concertos pour piano : les justement fameuses Variations opus 2 sur Là ci darem la mano de Don Giovanni de Mozart, fameuses par le mot d’enthousiasme pur de Robert Schumann pour la musique d’un musicien parfaitement inconnu de lui jusque là et dont il découvrait, à la seule lecture, la partition : « Chapeau bas, Messieurs, un génie ! » ; la Fantaisie sur des Airs polonais opus 13 ; le Rondo de Concert à la Krakowiak opus 14 ; et l’Andante spianato et Grande Polonaise brillante opus 22)

et 016 (les Mélodies opus 74, Nelson Goerner accompagnant la soprano Aleksandra Kurzak et le baryton Mariusz Kwiecien) ;

et plus tard le CD 023 (les 9 Mélodies de l’opus 74 pour voix de soprano, Nelson Goerner accompagnant cette fois la délicieuse Dorothee Mields, les chantant une fois en polonais et l’autre en allemand).

Puis j’ai écouté (et beaucoup aimé aussi) les CDs de Janusz Olejniczak de cette collection :

le CD 008 (5 Mazurkas, la Sonate opus 35, etc.),

et le CD 011 (3 Polonaises, 2 Nocturnes, 5 Mazurkas et 1 Valse) ;

et plus tard, tout récemment, le CD 030, sur un piano Pleyel de 1838, cette fois (6 Mazurkas, 2 Polonaises, 4 Valses, 3 Nocturnes et la Ballade opus 23).


De même que j’ai extrêmement apprécié le CD 010 de Kevin Kenner (les 4 Impromptus, le Scherzo opus 39, etc.).

Au total, j’ai acheté ainsi, un par un, 14 de ces 20 CDs, par des artistes divers…

Mais ma découverte fondamentale fut le jeu magique proprement stupéfiant de grâce et de justesse chopinienne de la magnifique Tatiana Shebanova !

J’ignorais tout de cette interprète, à l’exception de ce dont m’informaient, au fil de mon écoute de ces quatre premiers CDs _ 005, 007, 017 et 018 _, les notices de ces disques de cette collection de l’Institut Frédéric Chopin de Varsovie ; et ne fus guère récompensé, non plus, par ma recherche sur Google : l’indication, sur un site en anglais, que la musicienne « passes away » _ mais sans mention de date ! _ me troubla profondément, cet été 2011-là, mais je ne réussis ni à la confirmer, ni l’infirmer, nulle part, alors… J’en restais donc à cette hypothétique disparition dont nul media n’avait fait, à ma connaissance, ni mention, ni a fortiori commentaire !..


Bien sûr, je communiquais _ et fit partager ! _ mon enthousiasme musical à mes disquaires préférés, au fil de mes écoutes (enchantées !) successives ; et je leur commandais illico presto 2 des CDs de Tatiana Shebanova sur lesquels je n’étais pas parvenu à mettre la main…


Je ne me souviens plus aujourd’hui quel avait été l’ordre de ces écoutes-découvertes progressives miennes de ces CDs Chopin de Tatiana Shebanova ; mais l’enthousiasme ne se démentit certes pas, bien au contraire ! j’étais de plus en plus stupéfait d’enthousiasme pour cette justesse absolue d’interprétation du « real Chopin » !!! de Tatiana Shebanova ; et je remarquais au passage combien les Mazurkas, moins célèbres que les Etudes ou les Polonaises, constituaient sans doute le cœur battant de la création la plus intime et vibrante de sens _ et chaleureuse ! _ de Frédéric Chopin !.. Et les réalisations de Shebanova constituaient le summum de cette magnifique collection : bientôt je me procurais l’intégrale de ces enregistrements en mettant la main sur le coffret des 21 CDs !


Bref, je proclamais partout haut et fort cette jubilatoire _ et chaleureuse _ admiration…

Si bien que, quand parut au printemps 2012 _ car la collection d’enregistrements anciens de l’Institut Frédéric Chopin de Varsovie se poursuit : et toujours magnifiquement ! même sans Shebanova désormais : nous en sommes à ce jour au numéro 023… _, en mars ou en avril, un nouveau CD _ proprement sublime ! _, intitulé « in memoriam Tatiana Shebanova« , des 24 Préludes opus 28 (+ le prélude opus 45) et la Sonate dite « funèbre » opus 35, je fus au comble et de la jouissance pour ce CD miraculeux (NIFC CD 021) de justesse de beauté,

et de la détresse, pour la perte prématurée (hélas confirmée ainsi !) de cette musicienne magicienne qu’avait été Tatiana Shebanova (Moscou, 12-1-1953 – Varsovie, 1-3-2011) :

je note au passage que Tatiana Shebanova est morte (d’un cancer) 201 ans jour pour jour après la naissance de Frédéric Chopin, le 1er mars 1810 !

Voici deux messages adressés à mon amie la Fée Morgane pour lui donner à partager cet enthousiasme musical :

De :   Titus Curiosus
Objet : Chopin/Shebanova au Fryderyk Chopin Institute de Varsovie
Date : 19 mai 2012 18:32:19 HAEC
À :   Fata Morgana

Voici les 5 CDs Chopin/Shebatova existant
dans l’édition du Fryderyk Chopin Institute de Varsovie…

Pour moi,
la quintessence de Chopin
se trouve dans les Mazurkas…

Vient de paraître aussi, mais sans Shebatova hélas, un excellent DVD (Glossa GVD 921114)
retransmettant un des concerts de l’anniversaire Chopin à Varsovie,
sur le même piano Érard de 1849,
avec Nelson Goerner, Kevin Kenner et Janusz Olejniczak (tous très bons !!!)
et l’orchestre du XVIIIe siècle dirigé par Frans Bruggen,
pour les œuvres de Chopin avec piano et orchestre : un Chopin mozartien…

Titus

Chopin: 24 Preludes, Op. 28

Chopin:

24 Preludes, Op. 28

Prelude Op. 45 in C sharp minor (No. 25)

Piano Sonata No. 2 in B flat minor, Op. 35 ‘Marche funèbre’

Tatiana Shebanova (piano)

This CD has been released in memory of Tatiana Shebanova, who died last year, not long after these recordings were made _ 10 mois et 10 jours très exactement. It shows the exceptional relationship _ voilà ! _ which she had with the historic Erard piano heard here. She fell in love with the instrument the very first time she played it.

Frederick Chopin Institute The Real Chopin – NIFCCD021

(CD)

€16,75

In stock – usually despatched within 1 working day.

Chopin: Polonaises, Rondo in C major & Mazurkas

Chopin:

Rondo in C major, Op. 73

working version

Polonaise No. 10 in F minor, Op. 71 No. 3

Polonaise No. 1 in C sharp minor, Op. 26 No. 1

Mazurka No. 41 in C sharp minor, Op. 63 No. 3

Mazurka No. 20 in D flat major, Op. 30 No. 3

Mazurka No. 40 in F minor, Op. 63 No. 2

Mazurka No. 34 in C major, Op. 56 No. 2

Mazurka in A minor, Op..posth.

Mazurka No. 46 in C major, Op. 68 No. 1

Nocturne No. 6 in G minor, Op. 15 No. 3

Mazurka No. 33 in B major, Op. 56 No. 1

Mazurka No. 39 in B major, Op. 63 No. 1

Introduction & Variations ‘Der Schweizerbub’ KKIVa/4

Polonaise No. 15 in B flat minor B13/KKIVa:5

Polonaise No. 14 in G sharp minor B6/KKIVa:3

Galop in A flat major ‘Marquis’, WN 59

Tatiana Shebanova (piano)

Shebanova interprets further works by Chopin. She is more than qualified to do so, as she did Postgraduate studies at the Warsaw Fryderyck Chopin Music Academy and since 1983 has given annual lectures at the Chopin Master Classes in Duszniki-Zdrój. She performs on an Erard 1849 fortepiano.

Frederick Chopin Institute The Real Chopin – NIFCCD018

(CD)

€16,75

In stock – usually despatched within 1 working day.

Chopin: Walzes, Barcarolle, Berceuse & Ecossaises

Chopin:

3 Écossaises, Op. 72 No. 3

Barcarolle in F sharp major, Op. 60

Berceuse in D flat major, Op. 57

Waltzes Nos. 1-14

Tatiana Shebanova (piano)

Tatiana Shebanova is one of the most eminent pianists performing today. She is the winner of international competitions in Prague (1969), Geneva (1976) and Brussels (1990), among others. Polish audiences remember her performances during the Tenth International Fryderyk Chopin Piano Competition in Warsaw in 1980, when she received Second Prize and the special prizes for the best performances of a polonaise and a concerto _ c’est à noter !

The disc features new recordings of the Waltzes, Ecossaises, Op. 72, Barcarolle in F sharp major, Op. 60, Berceuse in D flat major, Op. 57.

Recordings made on an Erard piano from 1849.

Recorded in Witold Lutoslawski Polish Radio Concert Studio, Warsaw, 19-20 May 2007.

Frederick Chopin Institute The Real Chopin – NIFCCD005

(CD)

€16,75

In stock – usually despatched within 1 working day.

Chopin: Études, Opp. 10 & 25

Chopin:

12 Études, Op. 10

12 Études, Op. 25

Tatiana Shebanova (piano)

Tatiana Shebanova is one of the most eminent pianists performing today. She is the winner of international competitions in Prague (1969), Geneva (1976) and Brussels (1990), among others. Polish audiences remember her performances during the Tenth International Fryderyk Chopin Piano Competition in Warsaw in 1980, when she received Second Prize and the special prizes for the best performances of a polonaise and a concerto.

The disc features new recordings of the Fryderyk Chopin 12 Etudes Op. 10 (1829–1832) and 12 Etudes Op. 25 (before 1837) Erard piano from 1849.

Recorded in Witold Lutoslwski Polish Radio Concert Studio, Warsaw, 29 September 2007.

Frederick Chopin Institute The Real Chopin – NIFCCD007

(CD)

€16,75

In stock – usually despatched within 1 working day.

Chopin: Variations, Mazurkas & Rondos

Chopin:

Largo in E flat major, BI 109

Variations brilliantes in B flat major on ‘Je Vends des Scapulaires’, Op. 12

Rondo a la Mazurka, Op. 5

Rondo in C major for two pianos, Op. 73

_ à deux pianos (l’autre étant le Pleyel de 1848), avec _ Jaroslaw Drzewiecki _ le mari de Tatiana Shebanova _

Marche Funebre, Op. 72 No. 2

Fugue in A minor

Mazurka No. 56 in B flat major, K.IIa/3

Mazurka No. 58 in A flat major

Mazurka No. 57 in C major

Mazurka No. 55 in G major, K.IIa/2

Moderato in E, KKIVb/12

Variations in D major for 2 pianos

Stanislaw Drzewiecki _ le fils de Tatiana Shebanova et Jaroslaw Drzewiecky _

Variations in A – Souvenír de Paganini

Variations on a March from Bellini’s I Puritani

Polonaise No. 16 in G flat major B36/KKIVa:8

Allegretto in F sharp major

Waltz No. 17 in E flat major, Op. post., KKIVa:14, B 46

Wiosna B117

Tatiana Shebanova (piano)

Tatiana Shebanova graduated from the Pyotr Tchaikovsky Conservatory in Moscow with a Gold Medal and is a Grand Prix winner of international music competitions in Prague, Geneva and Brussels. She has led an intensely musical life and, as well as being a soloist, has performed piano duets with her husband and son. She is performing on an Erard 1849 fortepiano.

Frederick Chopin Institute The Real Chopin – NIFCCD017

(CD)

€16,75

Usually despatched in 2 – 3 working days.

Et cet autre message-ci,

en réponse à une demande adjacente de conseil de priorité d’écoute :

De :   Titus Curiosus
Objet : Les CDs Shebanova sur piano Erard
Date : 21 mai 2012 06:25:33 HAEC
À :   Fata Morgana

Après ré-écoute des 4 CDs du coffret anniversaire,
et après celle du nouveau CD des Préludes (CD 021),
voici mon ordre de priorité :

1) Les Préludes et la Sonate « funèbre » (CD 021)
2) Les Études (CD 007)
3) Les Valses (CD 005)
4) Les Polonaises, Mazurkas, etc. (CD 018)
5) Les Variations, Mazurkas, etc. (CD 017).

Les Mazurkas sont le plus intime de Chopin.
La chaleur des Etudes, et des Valses, est exceptionnelle
avec cet Érard de 1849 sous les doigts parfaits de Shebanova.
Quelle perte !

Titus

Dossier auquel je me fais un plaisir de joindre encore cette superbe (!!) chronique d’Alain Lompech à la page 94 du numéro de Diapason de mai 2012, à propos de ce même CD « In memoriam Tatiana Shebatova« ,

auquel le magazine Diapason a attribué un « Diapason d’or » ce mois de mai :

« On doit à Tatiana Shebanova ce qui me semble être la meilleure intégrale _ rien moins !!!! _ de l’œuvre pour piano de Chopin _ parue chez Dux _, loin devant celles de Vladimir Ashkenazy (Decca), d’Idil Biret (Naxox). Seul Nikita Magaloff (Philips) pourrait s’approcher de cette réussite exemplaire. Hélas !, Shebanova est morte en 2011, à l’âge de cinquante-sept ans. L’Institut Frédéric Chopin lui rend hommage _ « in memoriam«  _ avec la publication d’un récital _ en fait en deux prises : l’une (les Préludes ?..), le 30 juin 2009, l’autre (la Sonate « funèbre » ?..), le 20 avril 2010 _ enregistré, admirablement, sur un Érard de 1849, dont cette grande artiste tire des sonorités ensorcelantes _ oui ! _ de rondeurs sombres, d’éclats feutrés, d’aigus translucides mais pleins et chantants _ tous ces oxymores sont mieux que justissimes ! Ce pianisme somptueux n’est pas mis au service du culte du beau son, il est la logique d’une assimilation du style chopinien _ oui ! jusqu’à l’incarnation ! _ par une musicienne qui en avait pénétré l’essence _ rien moins ! On sent dans ces interprétations une telle intimité _ oui ! _ avec les Préludes et avec la Sonate « funèbre » que toute barre de mesure, toute idée même d’interprétation s’envolent : Shebanova recrée dans l’instant ce qu’elle joue _ voilà ! _ avec une incertitude apparente _ celle du compositeur lui-même improvisant et créant _, qui n’a d’égale que la détermination _ en radieuse jubilation ! _ d’aller au bout de chaque phrase _ avec l’autorité de la justesse la plus rayonnante : formidablement chaleureuse.
C’est bouleversant. » 

On ne saurait mieux dire la perfection de justesse de beauté

de ce travail admirable

d’une vie

de Tatiana Shebatova au service _ éminemment chaleureux ! _ du génie même de Chopin

en sa plus éminente vitalité.

Si « tout ce qui est beau est difficile autant que rare »  (Spinoza),

« a thing of beauty is a joy for ever » (Keats)…

C’est bien à ce degré d’éternité-là qu’ici de plain-pied parfaitement nous sommes !

Merci Madame !

Titus Curiosus, ce 30 juin 2012

gratitude à l’éditeur du mozartissime CD « Sonates pour pianoforte & violon » Alpha 177, par Rémy Cardinale & Hélène Schmitt _ le vortex de la braise

01fév

Ce courrier à l’initiateur du projet de ce nouveau bijou discographique,

le CD « Sonates pour pianoforte & violon » de Mozart & Beethoven, par Rémy Cardinale et Hélène Schmitt

comportant la Sonate en mi bémol majeur KV 380 « pour le clavecin ou piano forte avec l’accompagnement d’un violon, dédiée à Josepha von Aurnhammer, Vienne 1781« 

et la Sonate en si bémol majeur KV 454 « pour clavier et violon, Vienne 1784« 

de Wolfgang Amadeus Mozart,

ainsi que la « Première Sonate en ré majeur opus 12 pour violon et clavier, dédiée à Antonio Salieri, Vienne 1798« 

de Ludwig van Beethoven,

interprétées

_ sublimement ! les deux artistes sont dans un état de grâce qui, tous deux et ensemble, se répondant idéalement, les transcende (à un incroyable point !) : la virtuosité d’une parfaite justesse de la moindre des inflexions, et de l’élan justissime du mouvement, de Rémy Cardinale, que je ne connaissais pas jusqu’ici (honte à moi !), rejoignant à la perfection (quelle entente ! c’est déjà un pur enchantement !) la grâce félinissime, et cela à chacune de ses interprétations, au concert comme au disque (cf le monument de sa superbissime discographie chez Alpha) , de la merveilleuse et plus que bouleversante, radieusissime !, Hélène Schmitt _

par Rémy Cardinale

sur un pianoforte d’après Anton Walter & Sohn, de Christoph Kern, 2006

& Hélène Schmitt

sur un violon Nicolò Gagliano, Naples, début des années 1760,

soit le CD Alpha 177 _ il fait date ! _ :

Voici le courriel :

Je n’arrive pas _ mais alors, pas du tout ! c’est une magie hypnotique !.. _ à interrompre le passage en boucle
sur mon lecteur
du CD de Hélène Schmitt et Rémy Cardinale,
tant la grâce s’enlace indéfiniment (et ô combien sublimement !) au sublime

_ pour reprendre deux des pôles du trilemme de Baldine Saint-Girons (en son « Pouvoir esthétique«  ; le troisième est le beau : plus froid…) ; cf mon précédent article : Lumière de l’acte même de penser (l’Esthétique… et autre) : la force de la conférence de Baldine Saint-Girons _
en ce CD mozartissime
_ la sonate (n°1) de Beethoven s’essayant à s’en émanciper comme elle peut…


J’y trouve une intense filiation Carl-Philipp-Emanuel-Bach-ienne _ voilà mon intuition ! _,
dans la tension entre les échappées rapides fulgurantes
_ des feux d’artifice ! qui nous saisissent _
et le vortex à la limite du supportable (dans la jouissance : un infini feu de braise implacable sur notre peau !..) des mouvements lents
_ l’Andante con moto de la KV 380, comme je ne l’avais jamais entendu jusqu’ici ! le Largo, puis l’Andante de la KV 454 : c’est à fondre ! _ d’une beauté à s’effondrer, et comme liquéfier absolument tout entier, en larmes de pure joie brûlante !!!!

que je retrouve aussi dans le Mendelssohn (élève surdoué de Zelter : immédiatement, quasiment, génialissime !) que j’aime tant
et aussi dans Chopin…


Ce CD est sublimissime !

Et je te trouve ainsi bien attrapé, toi,
d’être pour quelque chose
_ si peu que ce soit : mais tout de même pas mal !.. _ dans ce CD mozartissime,
toi, si peu addict à Mozart, en principe
_ comme tu le plaisais un peu, en t’amusant, à l’affirmer… _ jusqu’alors…

Peut-être, justement _ voilà ! _, faute de tels interprètes _ comme ces deux diables-anges diaboliques-ci ! le virtuose justissime Rémy rejoignant là la virtuose justissime Hélène ! _ jusqu’ici

aussi inspirés et justes
que Hélène Schmitt
et Rémy Cardinale : prodigieusement fabuleux !..


Je les attends
donc aussi dans la braise de Mendelssohn…


Pour moi,
ce CD (Alpha 177 ; enregistré à
_ l’idéale aussi ! _ l’Heure bleue de La Chaux-de Fonds, en juin 2010 ; et par le magicien Hugues Deschaux !!!..)
marque une date
dans l’historiographie de la discographie mozartienne !

C’est à se damner de jouissance

musicale !


Titus

Titus Curiosus, le 1er février 2011

Tendresse et juvénilité d’un merveilleux récital de Céline Frisch : « Aux sources du jeune Bach » (CD Alpha 149)

19jan

Réussir _ en sa « composition » ! _ un récital, tant au concert qu’au disque, au CD, est fort délicat !.. Que d’arbitraire artificiel, le plus souvent, en ces propositions d’interprètes musiciens ! et d’éditeurs de disques, alors pas assez scrupuleux…

Des exceptions, cependant. Et remarquables ! Magnifiques !

Somptueuses, même,

comme ici, en ce récital « magique » autour du « jeune Bach« , en le CD « Die Quellen des Jungen Bach » de Céline Frisch _ soit « Les Sources du jeune Bach » : le terme est on ne peut plus juste ; « sources« , elles sont à jamais jaillissantes, comme cela s’entend, et s’écoute, excellemment !.. _ :

le premier CD _ le CD Alpha 149 : à relever sur son calepin ! _ que nous propose cette année l’excellentissime catalogue Alpha de Jean-Paul Combet…

Par exemple, aussi, le programme,

il est vrai, celui-là même, de Frédéric Chopin lui-même, interprète _ assez rare ! _ en concert (accompagné ici, le 21 février 1842, d’acolytes-amis de très grand choix : Pauline Viardot-Garcia, la chanteuse et compositrice _ aussi, elle-même ; ainsi que sœur de Maria Malibran _, pour trois interventions de chant ; et le violoncelliste et compositeur _ encore, lui aussi _ Auguste Franchomme, pour un solo de violoncelle :

ces pièces-là sont absentes du récital de ce CD, exclusivement consacré aux œuvres de piano de Chopin de ce concert-ci : 5 « Préludes« ,  3 « Études« , 4 « Nocturnes« , 3 « Mazurkas« , l' »Andante spianato« , opus 22, la « Ballade » opus 47, l' »Impromptu » opus 51 & la « Grande Valse » opus 42… ;

l’art de « passer » de l’un à l’autre est magnifique, tant de la part du concepteur du concert et compositeur, Frédéric Chopin, que de la part de l’interprète musicien au piano, l’extrêmement fin Alain Planès…) :

pour un concert

_ et pour un public limité : très vite, Chopin préfère, en effet, se faire écouter plutôt dans des salons que dans des salles de concert : « devant un public aussi restreint que choisi« … ;

« Chopin est un poète de l’intimité et ne révèle son génie _ voilà ! _ que devant le petit nombre :

« Il était l’homme du monde intime, des salons de vingt personnes », écrit Georges Sand » ;

c’est que, fondamentalement, « l’art de Chopin est un art de chambre » ;

et «  »je n’aime pas paraître en public », confie lui-même Chopin à Lenz en 1842, avant un concert. Ce rapport conflictuel avec la scène va d’ailleurs de pair avec un trait de son pianisme : Chopin ne joue pas fort« , indique éloquemment Nicolas Dufetel dans sa présentation du livret du CD que je suis en train de présenter _

pour un concert donné le 21 février 1842

_ « à huit heures du soir« , avait dit la « Revue et Gazette musicale de Paris » du 2 mai suivant, dans les « salons de M. Pleyel« , à Paris, à propos d’un concert-récital similaire de Frédéric Chopin, le 23 avril 1841, cette fois-là : un an auparavant, donc… _ :

« dans les nouveaux salons Pleyel sis au 20 de la rue de Rochechouart, aujourd’hui détruits  : Chopin donne un de ses très rares concerts, espéré depuis des semaines, voire des mois« , indique, en ouverture, page 5, du (très bon) livret, la présentation « Un Concert de Chopin dans les salons Pleyel en 1842« , par Nicolas Dufetel,

le programme , donc, du CD, lui aussi somptueux : « Chopin chez Pleyel« , par Alain Planès,

et sur un piano Pleyel de 1836 (appartenant à la collection du facteur Anthony Sidey) :

il s’agit du merveilleux CD HMC 902052 paru chez l’éditeur Harmonia Mundi l’automne dernier _ je l’évoquai seulement, très vite, en mon article du 2 novembre « une flopée de merveilles de musiques, et une passionnante exposition, aussi, “Deadline”, cette Toussaint » : je ne l’avais pas encore écouté, seulement acheté ! _, auquel j’ai eu grand tort de ne pas consacrer jusqu’ici d’article : un des plus beaux CDs de l’année passée, 2009 !

Mais j’en viens à ce sublime récital _ de pièces de clavecin, cette fois _ à propos de la formation _ elle-même géniale ! _ du génie, davantage qu’en gestation, en éclosion, en explosion

_ quelle formidable juvénilité : j’admirai il n’y a guère, c’était le 17 octobre 2009, celle du très jeune Mendelssohn : « Le bonheur de Félix Mendelssohn : son Octuor, avec Christian Tetzlaff, en un CD AVI (en public, au Festival de musique de chambre “Spannungen”‘de Heimbach) » !

et encore le 9 janvier 2010 : « Découvrir (encore) au CD des oeuvres (encore) inédites de Félix Mendelssohn« …

Que dire de celle, juvénilité, du jeune Bach, quand c’est à sa « source«  même _ de fondamentale jeunesse ! _ que s’est formé Felix Mendelssohn via son maître (de musique) Zelter ! ainsi que je l’avançai dans cet article joyeux du 17 octobre ! _

à propos de la formation du génie

en explosion _ confondante ! _

du jeunissime pour l’éternité _ ad majoram gloriam Dei ! _ jeune Bach !!!


Il faut dire

que les « maîtres » que se donne le jeune Bach _ pour les « Toccatas«  en mi mineur BWV 914 et en sol mineur BWV 915 ; ainsi que pour le si merveilleux (unique, lui) « Capriccio sopra la lontananza del fratello diletissimo » BWV 992 _ tendrissime ! _, qu’a choisis Céline Frisch pour ce CD-récital-ci Alpha 149 _

sont rien moins que

Johann Adam Reincken _ un musicien si jubilatoire : à découvrir d’urgence ! il a vécu à Hambourg de 1623 à 1722 ; où il était titulaire de l’orgue de l’église Sainte-Catherine ; un des plus extraordinaires musiciens toutes époques confondues !!! De Reincken, nous est donnée ici une « Toccata » en sol majeur, qui « s’ouvre par une sorte de récitatif, comme improvisé. Toccare, jouer : le musicien touche le clavier de l’instrument au gré de sa fantaisie, allant de surprise en surprise. Tel est le propre du stylus phantasticus qui émerveille le jeune Jean-Sébastien. Et les épisodes se suivent, un fugato, puis, après un passage de libre transition, un second fugato, en rythme ternaire, avant une brillante péroraison. Chacun des morceaux étant plus bref que le précédent, ce resserrement donne à l’œuvre le sentiment d’une urgence » ; « voilà donc l’archétype du « praeludium » nord-allemand, que Bach retrouvera chez Bruhns ou Buxtehude et qui fécondera ses premières pièces pour le clavecin et pour l’orgue« , commente excellemment Gilles Cantagrel, page 13 du livret… _ ;

Dietrich Buxtehude _ inutile de présenter cet autre héros du jeune Bach, mieux connu, célébré, et interprété, tant au concert qu’au disque, lui ; ce héros du stylus phantasticus, de même que son ami Reincken ! Buxtehude était titulaire des orgues de l’église Sainte-Marie de Lübeck ; il a vécu (et sa musique a rayonné, jusque très loin de Lübeck et de la mer baltique) de 1637 à 1707 ; et Bach a séjourné auprès de lui trois mois pleins, en 1705, faisant, l’année de ses vingt ans, l’aller-retour Arnstadt-Lübeck, séparées par 4oo de nos kilomètres, à pied ; cf le livre passionnant de Gilles Cantagrel, auteur du livret de ce CD Alpha 149, « La Rencontre de Lübeck« , aux Éditions Desclées de Brouwer, en octobre 2003… ; cf aussi, du même Gilles Cantagrel, les indispensables « Dietrich Buxtehude et la musique en Allemagne du Nord dans la seconde moitié du XVIIe siècle » et « De Schütz à Bach _la musique du baroque en Allemagne« , aux Éditions Fayard… De Buxtehude, Céline Frisch a choisi la « Suite » en do Majeur BuxWV 226, dont Gilles Cantagrel souligne bien le souci « de toujours créer l’unité dans la diversité« , une « leçon que Bach ne manquera pas de mettre à profit« , page 14… _ ;

Johann Jakob Froberger _ le maître de la tendresse ; qu’il a prodiguée par toute l’Europe, de Vienne à Rome, de Bruxelles et Amsterdam, et Londres à Paris, entre le Stuttgart de sa naissance, en 1616, et l’Héricourt, proche de Montbéliard, de son décès, en 1667, à cinquante et un ans : la clé probablement, quoique très discrète !, de tout le répertoire de clavier de tout le Baroque !!! rien moins ! : « référence formelle et expressive de la musique pour clavecin de toute la seconde moitié du XVIIème siècle« , le formule le livrettiste, page 14. De Froberger, Céline Frisch nous donne la deuxième « Toccata«  en ré mineur du Livre de 1649 et, de ce même Livre, la deuxième « Suite«  en ré mineur : « la succession des pièces de la « Suite«  parcourt les chapitres d’une narration fascinante, comme une confession : « allemande » navrée, « courante » à la sombre ardeur, « sarabande » meurtrie, avant que ne jaillisse enfin une très bréve et volontaire « gigue«  », est-il présenté, page 15… _ ;

et Johann Kaspar Kerll _ autre maître prodigieux ; et proprement merveilleux ! de tendresse, encore : sauf un séjour de dix ans à la cour de Vienne, il fut surtout maître de Chapelle de la Cour de l’Électeur de Bavière à Munich ; il a vécu de 1627 à 1693. « Ses quatre « Suites« , dit Gilles Cantagrel page 15, héritent directement de l’art de Froberger, et à travers lui de la manière de Frescobaldi«  ; Kerll s’y distinguant peut-être, ici, « par son sens de la concision et de la densité polyphonique« , avant que n’éclate et ne se déploie une splendide « Passacaglia« , « avec ses chromatismes droits et renversés, ses foucades et son ornementation foisonnante : un prodige d’imagination« , pages 15 & 16…


En plus du merveilleux choix de cet éventail « Toccatas » versus « Suites » qui constitue l’axe de ce si beau récital de Céline Frisch, pour éclairer la formation du génie du jeune Bach

_ soit comme un versant italien et un versant français de « génie de musique« … Qu’à lui seul Froberger représente excellemment : il en est peut-être bien la principale « source » d’inspiration, en effet, via ses voyages à Rome (où il découvre Frescobaldi : c’est le versant « Toccatas« ) et à Paris (où il rencontre Louis Couperin : c’est le versant « Suites« …) ! _,

le toucher de clavecin  _ un clavecin allemand d’Anthony Sidey, indique le livret, page 5 _ et le jeu même de Céline Frisch sont confondants de tendresse ! en une virtuosité merveilleusement « retenue » : un très, très grand disque,

qui entame l’année 2010 d’Alpha dans le sublime !!! de la gravité si heureusement jouée _ les « Toccatas » _ & dansée _ les « Suites«  Ou « l’unité dans la diversité » de Bach…


Titus Curiosus, ce 19 janvier 2010

la poétique musicale du rêve des « Jardins sous la pluie », voire « La Mer », de Claude Debussy, sous le regard aigu de Jean-Yves Tadié

10mar

Avec « Le Songe musical _ Claude Debussy« 

(paru au mois de novembre 2008, aux Éditions Gallimard, dans l’excellente collection « L’Un et l’autre« , que dirige Jean-Bertrand Pontalis),

le remarquable proustien (« Proust et le roman _ Essai sur les formes et techniques du roman dans « A la Recherche du Temps perdu »« ) qu’est Jean-Yves Tadié nous mène, avec ravissements, sur les chemins mouvants et liquides de la poïétique (de « rêverie ») d’un autre immense créateur, avec Proust _ « ils peuvent chacun en son domaine prétendre au titre de plus grand artiste français« , page 187 (en tête d’un chapitre, bref, mais riche, « Proust et Debussy« ) _, sur les traces des secrets de la création : musicale, cette fois, de Claude Debussy (Saint-Germain-en-Laye, 22 août 1862 – Paris, 25 mars 1918)

_ Marcel Proust : Paris, 10 juillet 1871 – Paris, 18 novembre 1822 :

Debussy et Proust sont d’exacts contemporains : « ils auraient pu se connaître, devenir amis » ; mais ils « eurent des relations difficiles » ; car « Proust est ami de Reynaldo Hahn. Mais voilà, Debussy et Reynaldo Hahn ne s’entendent pas : l’un tient la musique de l’autre pour peu de choses, l’autre le trouve franchement antipathique » ; ainsi marche le monde… Cependant « Proust adore « Pelléas«  » _ page 189 _ ; et il « place l’œuvre du compositeur dans son intrigue«  _ de « La Recherche » _, en la joignant au goût de Debussy pour Chopin ; « et l’air de Pelléas au sortir du souterrain : « Ah ! Je respire enfin ! » (air du reste inspiré du chant des prisonniers de « Fidelio« , note Proust) exprime le soulagement d’apprendre que Chopin revient à la mode« … _ pages 189-190…

L’objectif de ce passionnant et très riche essai

(bien à tort réputé « genre léger, subjectif, condamnable » _ cf la remarque ironique de la page 79, à propos des « professeurs de littérature » de « la Sorbonne de la fin des années cinquante » !..)

est rien moins que la recherche d' »un art poétique » : « retracer (l)a démarche créatrice, qui est obscure«  _ page 14 ; mais en va-t-il jamais autrement ?.. _ de Debussy :

« la musique » étant « un autre langage » que celui d’un écrivain : « même s’il est directement relié à l’âme, la traduction _ transposition d’un medium à un autre _ est réservée. Elle n’est pas rationnelle« … C’est donc au « mystère » de la musique _ ainsi que « dans la musique«  (page 11) _ de Debussy que va s’appliquer l’effort de sagacité de Jean-Yves Tadié en cet « essai«  :

« Le mot _ « mystère » _ est familier à Debussy, qui l’applique magiquement à Turner, « le plus beau créateur de mystère qui soit en art », et repris par Jankélévitch dans le titre du plus beau livre _ « Debussy et le mystère » _ écrit _ paru en 1949 aux Éditions de la Baconnière _ sur le musicien » (page 13).

Précisons le défi :

« Il ne s’agit pas seulement de s’enfouir dans une œuvre comme dans une maison, de s’y blottir sous les couvertures, mais, se retrouvant dans l’auteur et dans sa musique, d’en ressortir _ toutes ces métaphores spatiales ont du poids… _ avec une lumière nouvelle. Finalement, je ne comprends de Debussy que ce que j’ai d’abord, jadis ou maintenant, éprouvé _ forcément : il n’y a pas d’autre chemin, jamais, de la pensée (y compris de l’analyse philosophique) que la voie (à fleur des sens) de l’æsthesis... (…) C’est par la reproduction _ l’expression est volontairement rugueuse, maladroite, inadéquate : pour au mieux manifester l’impossible défi à relever, dans le genre des ascensions follement escarpées, à fleur de roches coupantes pour le corps-instrument à (se) forger… _ en soi _ il n’y a pas d’autre voie _ de ce qu’on croit être l’autre _ à rejoindre enfin ! qui le recherche ?.. et à ce point ?.., sinon dans certaines amours… _ que l’on peut retracer sa démarche créatrice _ celle du génie, aventureux, qui ose, s’élance, avance même difficilement en la « fantaisie » de son « songe« , à la fois libre, et complexe, dans la danse reptilienne de ses « arabesques« … _, qui est obscure«  (page 14) _ et que la réception (æsthétique) permet d’espérer re-constituer (et noter, écrire !), en de merveilleuses approximations, s’efforçant de mettre ses pas (d’écoute _ et d’écrivant !) dans les siens (de compositeur)…


Claude Debussy, tout en étant de son temps (marqué par le symbolisme : il est « un être de fuite«  _ page 28 _, affecté d’« une mélancolie profonde«  _ page 29 _), est un lutteur, en révolte perpétuelle : non seulement il rejette tous les académismes, mais « peu d’hommes trouvent grâce à ses yeux ; et il ne loue la musique d’aucun compositeur contemporain : ni de Fauré, ni de Franck, ni de Chausson, ni de Dukas, ni de Roger Ducasse, ni de Caplet, ces derniers pourtant amis et disciples, ni de Ravel » _ page 29.

« Je veux écrire mon songe musical, dit Debussy en 1911, avec le plus complet détachement de moi-même« , précise Jean-Yves Tadié, page 36 : « Debussy ne se plaît que dans son monde intérieur : « Je ne puis concevoir de plus grand plaisir que d’être assis sur mon fauteuil devant ce bureau, en regardant les murs qui sont autour de moi, jour après jour, nuit après nuit. Dans ces perspectives  je ne vois pas ce que vous voyez dans les arbres devant ma fenêtre, je ne vois ni n’entends comme vous. Je vis dans un monde imaginaire _ celui de sa poïesis _, mû par quelque chose que me suggère _ seulement ! _ mon environnement intime _ plus ou moins prosaïque, et plus ou moins partagé, lui (avec ses proches ; et contemporains) _, plutôt que par des influences extérieures, qui me distraient _ de cette poïesis _ sans rien m’apporter. J’éprouve une joie exquise à fouiller profondément _ nous y voilà : en ce travail fécond et secret de l’œuvrer ! de l’artiste, qui s’y soumet alors, en permanence… _ en moi-même ; et si quelque chose d’original doit sortir de moi _ par cette poïesis _, ce ne peut être que de cette manière », page 37. « Le compositeur, poursuit Jean-Yves Tadié, est d’autant plus enfermé en lui-même que, contrairement aux écrivains, il ne peut pas raconter autrement que par transposition dans le langage verbal ou en le chantant, ce qu’il écrit _ musicalement _ ; et qu’il n’y a pas de travail plus ardu, douloureux  _ en son exploration des sens qui s’y adonnent, d’abord en aveugles : dans l’obscurité (sonore) qu’il s’agit de percer, peu à peu, en avançant, de mettre à jour, en la dé-couvrant, phrase à phrase, son à son, sonorité par sonorité sensiblement décapée _, que de rechercher des associations de timbres entièrement nouvelles, des phrases qu’on n’avait jamais encore entendues. On peut rêver _ voilà le mot pour dire cette phantasia-là… _ en musique, ou de la musique. Y a-t-il une musique onirique ? Celle des fantaisies, des ballades, des rapsodies pour clarinette ou saxophone, celle de « Jeux« , du « Prélude à l’après-midi d’un faune » ? Celle qui échappe à l’ordre non de la raison verbale, mais de la raison musicale, des développements de la surprise _ mais oui ! _ ? Le portamento, le rubato seraient autant de libertés rêveuses _ cette alliance est bien tout le secret de cette aventure improbable, impitoyable (à corps éperdument livré !) et si exquisément délicieuse (aussi : enchanteresse !) du créateur en son exploration-découverte !.. _ dans l’interprétation, tout comme les prolongements de la pédale. Et le silence : ce qui est resté de songe au fond de la flûte du faune« , pages 37-38…

« A quoi reconnaître une musique inspirée par le rêve ? Sinon à la rupture incessante, à la condensation de thèmes inattendus, à leur défiguration : marches militaires moquées, rondes de chevaux de bois, leitmotive de « Tristan » replacés dans le « coin des enfants« , sérénades, mais interrompues comme l’œuvre elle-même, « La Sérénade interrompue« , dont le destin s’inscrit dans un seul morceau. La rêverie, on la reconnaît dans « le côté Chopin de Debussy », dans le lyrisme délicieux, qui, hélas !, contrairement à celui de Chopin, ne dure pas : « Arabesques« , « La plus que lente » avaient _ pourtant, un peu… _ laissé espérer le contraire. Le tempérament de Debussy, son inquiétude et la recherche de l’originalité ne le lui ont pas permis. Dans les Évangiles, la transfiguration _ la vie aussi… : en conséquence, il faut apprendre vite ! _ est de courte durée.

Mais elle existe. Ces moments si denses, ils résultent d’une décision _ de la part de l’artiste se livrant à la création _ : « Faisons de la musique contenant toute notre vie », page 38.

Aussi le chapitre « Esthétique«  (pages 57 à 73) recense-t-il « les règles du langage musical« , règles « toutes pratiques«  (page 60), qu’élabore, sur le tas _ « les théories ne naissent que lorsque les œuvres sont créées » (page 58) ; et « chacun doit apprendre à vivre sans école, sans maître, sans disciples », écrit Debussy en 1908, au sommet de sa renommée » (page 60) _, Debussy :

« Premier principe » : Debussy « sent (…) qu’il y a encore beaucoup à explorer et à dire, parce que la musique est « un art très jeune comme moyens et comme connaissance » (…) : presque tout est encore à dire«  (page 61).

« Deuxième principe : tout doit être dit brièvement, sans développement. On composera peu d’œuvres (…) : « Il est superflu de donner beaucoup d’œuvres : il est préférable de donner le plus possible de soi-même dans une seule ; en tout cas, dans un petit nombre »… » (page 62).

« Troisième principe : ne pas se répéter, ne pas « se recommencer », ni copier ceux qui vous ont précédé. « C’est pourquoi, dit Debussy, lorsque je n’ai rien à dire, je ne suis pas tenté d’écrire. » C’est pourquoi il n’a jamais fait un second « Pelléas« . La haine du développement lui est liée, « cette chose si longue et si ennuyeuse » qu’il a fini par détester chez Wagner, parce que les choses les plus inutiles « s’embroussaillent d’un long commentaire« . Il faut que l’action marche et se précipite. Ne jamais se répéter dans une même œuvre ni d’une oeuvre à l’autre. Le développement lui-même devient répétition et à ce titre haïssable.. Chaque sonate doit, par exemple, avoir une composition instrumentale différente. Chaque prélude a un titre différent, un numéro ne suffit pas. Chaque étude, de même. Les drames lyriques, réussis ou manqués, inédits ou publiés, ne se ressemblent pas, semblent dus à des auteurs différents : « Rodrigue et Chimène« , « Pelléas« , « Le Martyre de saint Sébastien« , « La Chute de la maison Usher« . Chaque œuvre doit être nouvelle par rapport à celles qui l’ont précédée«  (pages 63-64).

« Quatrième principe : laisser parler son moi profond. Au prix d’une maturation lente, en ne cultivant que « le jardin de nos instincts ». (…) Cet instinct est personnel, dit Debussy, il exclut les influences, les prescriptions de l’Académie. Ce ne sont pas les autres qui parlent en moi«  (page 64). (…) « Nous resterons par là fidèles à la « fantaisie », « cette chose mystérieuse qui nous fait trouver l’impression juste d’un sentiment ». Un sentiment, pas la réalité comme Bizet, « Maupassant de la musique »…

« Epurons notre musique », s’écrie le compositeur. Le discours musical alors se dépouille de tout ornement, presque de tout thème : « J’arriverai à une musique vraiment dégagée de motifs, ou formée d’un seul motif continu. » Les thèmes apparaissent à peine, avalés par l’orchestre ou le piano, au point qu’il vaudrait mieux parler de développement sans thème et sans fin ; la fin est toujours surprenante, comme chez Ravel, qui la transforme en jeu, en coup de théâtre bref. Dans le drame lyrique, ni airs ni récitatifs. « C’est une atmosphère musicale qui fait corps avec l’atmosphère morale ou physique. » Le chanteur est un être vivant, naturel, et lyrique uniquement quand il le faut, au nom de la « vérité », celle dont se réclament toutes les révolutions. C’est la simplicité, l’orchestre de Mozart«  (page 65).


« Il s’agit de donner au public une impression brève, en représentant la vie même, en percevant le rythme du monde, c’est-à-dire une structure cachée et en mouvement«  (page 66) _ cette formule va magnifiquement au cœur même de la poïétique de Debussy !

« Cinquième principe : de l’audace, de la nouveauté. (…) Il faut oser : « On n’ose vraiment pas assez en musique. » Debussy, qui dès ses vingt ans veut « faire une chose originale », a été toute sa vie en contradiction avec les officiels«  (pages 66-67).

« Sixième principe : la quête de la beauté. L’art n’est ni pour la foule, ni pour l’élite, c’est « de la beauté en puissance qui éclate au moment où il le faut, avec une force fatale et secrète ». « Il faut que la beauté soit sensible, qu’elle nous procure une jouissance immédiate, qu’elle s’impose ou s’insinue en nous sans que nous ayons aucun effort à faire pour la saisir. Voyez Léonard de Vinci, voyez Mozart. Voilà de grands artistes ! » (page 71).

« Septième principe : pureté et simplicité. Toute grande œuvre devient _ mais sans classicisme ! _ un jour classique. (…) Depuis que dans sa jeunesse romaine il a découvert Palestrina, il veut une musique « toute blanche », où l’émotion ne soit pas traduite par des cris, mais par des arabesques mélodiques. Les arabesques en s’entrecroisant produisent des « harmonies mélodiques ». Sur ce chemin, il se réclame de son « grand-oncle Mozart. C’est le plus pur des musiciens, c’est la musique ! » et de Rameau plus proche de son public que de nous ; chaque auditeur, pratiquant lui-même la musique, pouvait comprendre ses modulations et ses audaces (comme l’a rappelé Lévi-Strauss). Ainsi, Debussy retournant à Rameau, se rapproche de nous, dans l’« Hommage à Rameau » et les trois sonates« , pages 72-73.

« Debussy donne de la musique cette définition que je fais mienne : « Ce qu’il faut faire, c’est découvrir les principales impulsions qui ont donné naissance aux œuvres d’art et le principe vivant qui les constitue. » Les principales impulsions nous sont révélées par la biographie ou plutôt par un effort de sympathie, de proximité avec le créateur. Le principe vivant, c’est une forme dynamique, en action, une volonté et une organisation _ ou une désorganisation. Tant de préludes sont comparables à un discours qui se défait lentement, jusqu’au silence«  (page 73)…

Jean-Yves Tadié explicite aussi ce que représente pour Claude Debussy le « style français » : « la liberté«  des « formes traditionnelles de la musique française«  (page 81) ; et qu’explicite le chapitre « Brièveté » (pages 85 à 89) : soit « la brièveté, la concision, la densité, la surprise ; et ses figures écrites : l’asyndète, par exemple.


En latin, Tacite, en grec, Thucydide me donnaient la même impression, le même choc »  _ déjà « entre treize et quinze ans«  (page 85).

« Mais justement, pourquoi la concision, l’ellipse ? C’est que dans les trous, dans l’absence de ce qui n’est pas dit, il y a un secret, peut-être un mystère, quelque chose à chercher, comme dans un problème d’échecs. Les lecteurs _ comme les auditeurs _ sont appelés à travailler, à achever l’œuvre, à dire _ ou penser, ou ressentir _ pour eux-mêmes ce qui ne leur a pas été dit«  _ ou joué… (page 85).

« En musique, c’est tout naturellement que Debussy me semblait culminer dans la brièveté ; non seulement celle de ses pièces pour piano (instrument soliste pour lequel il n’a écrit aucune sonate), mais de ses mélodies, de ses morceaux symphoniques, parce qu’il ne développe jamais. La petite phrase de la sonate de Vinteuil, chez Debussy, on a beau l’attendre, elle ne reviendra pas. Vous avez aimé ce thème ? Trop tard ! Il ne sera pas repris. Si la musique est l’art du temps, chez Beethoven ou Wagner elle s’oppose aussi à son écoulement. Chez le musicien de l’eau, nouvel Héraclite _ qu’est Claude Debussy _, elle l’épouse entièrement. C’est à nous, à notre mémoire, de _ s’essayer, elle aussi, à _ reconstituer ce qui n’est déjà plus là. « Les fées sont d’exquises danseuses«  : cette  danse des fées ne me surprenait pas. Sur la pelouse que dominait notre appartement d’Auteuil, ma mère m’avait expliqué que les cercles qu’on apercevait étaient la trace de la danse des fées« … (page 86).

« La fin du XIXème siècle, comme par réaction à Wagner, est marquée par des artistes à l’œuvre brève (même si c’est _ parfois ! _ la mort qui en a décidé : Chausson, Magnard, Bizet, Satie, Ravel, Séverac, Gabriel Dupont, Fauré même. (…) Cette époque, qui s’étend des « Fleurs du Mal » à André Breton, ne croit pas qu’il faille sans cesse publier, être présent sur le marché et dans une presse d’ailleurs paresseuse et blasée. On rêve _ et le mot n’a rien d’anodin, bien sûr ! _ au contraire d’un livre unique qui enfermerait le monde et son sens. Comme Proust.

Chez Debussy, dont l’œuvre est contenue _ pour nous _ en une vingtaine de disques, la brièveté de l’ensemble se combine avec la concision de chaque morceau. La haine de la forme classique et du développement ne l’explique pas en entier. Il y a toujours quelque chose en lui qu’il ne peut pas exprimer. Franck ou Fauré surprennent notre attente par un développement de plus. Debussy, par un de moins. Certes, on peut rejouer ou réentendre un prélude. Mais il n’en apparaîtra pas moins contracté, pas moins dense, pas moins mystérieux. Combien de « petites phrases » emportent-elles ainsi leur secret !«  (page 88).

(…) « Comme auditeur : je préfère aux longs développements wagnériens les étranglements debussystes. » La formule touche dans le mille. A titre de comparaison, Jean-Yves Tadié dit encore, page 89 : « Les maximes de La Rochefoucauld sont des romans qui ne seront pas développés » : quelle politesse… Ou, à la conclusion du chapitre : « la suppression volontaire de toute contingence bavarde«  : là, l’expression est de Debussy…

Pour lui, la musique « est un art libre, jaillissant, un art de plein air, un art à la mesure des éléments, du vent, du ciel, de la mer ! Il ne faut pas en faire un art fermé, scolaire » alors qu’elle est « la vie même », celle que Debussy a l’ambition de représenter« , énonce Jean-Yves Tadié en réfutation d’un prétendu « réalisme » de Debussy, page 95. Et « Proust, de même, affirme que la vie enfin découverte et éclaircie, c’est la littérature. Ni l’un ni l’autre, ainsi, ne sont réalistes« , page 95, encore.

Par là, « la musique ne peut donc pas se couler dans une forme rigoureuse et traditionnelle ; elle a d’autres devoirs : elle est « de couleurs et de temps rythmés » _ une formule de Debussy dont on mesure l’importance ! L’harmonie « ne se démontre pas, mais s’entend à travers les espaces et se vérifie dans l’accord que fait le ciel avec l’eau », page 97.

Debussy est sans cesse à la recherche de « l’émotion épurée » : « c’est une émotion épurée, abstraite, qui doit être au cœur de l’œuvre et en constituer l’essence : « Gardons-nous de laisser étouffer l’émotion sous l’amoncellement des motifs et des dessins superposés ». On la dégage comme un sculpteur : « Combien il faut d’abord trouver, puis supprimer, pour arriver jusqu’à la chair nue de l’émotion ! »… »

Bref : « Composer n’est pas un exercice rhétorique mais une expérience sensible, sensuelle« , clot son chapitre « Émotion et musique » Jean-Yves Tadié, page 109.

Et du côté du récepteur : « les œuvres de Debussy ne demandent pas qu’on leur obéisse. Elles ne demandent rien, au contraire, elles nous fuient, et c’est nous qui demandons quelque chose aux « poissons d’or«  page 120 : c’est magnifique !

« Pagodes« , « La soirée dans Grenade« , « Jardins sous la pluie » : les titres des œuvres de Debussy, surtout « à partir de sa maturité, suggèrent une promenade à travers le monde et la vie« , dit superbement Jean-Yves Tadié, page 121, en ouverture de son chapitre « La musique a-t-elle un sens ? » (pages 121 à 141). D’une certaine façon, « Quand on n’a pas les moyens de se payer des voyages, il faut suppléer par l’imagination« , se laisse aller à dire Debussy (page 122). Mais c’est que, plus profondément, « il y a chez Debussy, une imagination matérielle des éléments«  _ à la Bachelard.

Mais « soudain, à la fin de sa vie et à son sommet musical, en vieillissant et à mesure que la maladie progresse, Debussy abandonne tout titre poétique ou figuratif : plus de monde, plus de littérature, plus d’ironie : « Études« , « Sonates« . Les œuvres ne renvoient plus qu’à elles-mêmes, la musique à la musique et à la conscience de soi, comme si on n’avait plus besoin d’appâts extérieurs, alors que le contenu musical est au contraire le plus novateur«  (pages 126-127).

De même, et parce que « tout un univers s’y insére, quelle que soit cette durée (d’une œuvre), il faut accélérer considérablement notre perception, notre imagination, notre pensée, à l’exécution ou à l’écoute d’un prélude ou d’une étude, beaucoup plus encore qu’à celle de Chopin » (page 132)

« La musique a un sens. Elle peint ou suggère la vie de l’esprit et du corps«  (page 135). Le sens de cette musique est seulement « intraduisible et pourtant communicable, comme dans l’amour ou la prière silencieuse » (page 141) _ à la grâce de la puissance de l’attention de l’accueil…

Jean-Yves Tadié s’attarde aussi sur l’importance de l’arabesque dans la musique de Debussy : « On peut entendre dans l’arabesque une expression musicale de la caresse amoureuse, de l’extase prolongée en rêverie, mais aussi de la joie de la mélodie sans contraintes, qui jamais ne s’arrête ni ne se clôt sur elle-même. (…) Elle n’a pas de structure circulaire. C’est _ tout _ un monde merveilleux où il n’y a pas de raison extérieure, empruntée aux règles, pour que le charme s’arrête (…) préservé de la mélancolie ou de l’angoisse que l’on sent percer parfois dans la mélodie » de Debussy (page 167). Et « l’obsession de la ligne serpentine (dont parle Mario Praz dans « Mnémosyne« ) est bien _ aussi _ un phénomène d’époque, de Mallarmé à Proust, de Fauré à Debussy » (page 169).

« Tous les effets de flous chers à Debussy _ et issus de ces arabesques serpentines… _ disparaîtront _ bientôt _ sous les coups de la musique moderne. Il n’y a plus de place pour eux chez Stravinski, Bartók, Prokofiev, Chostakovitch, ni dans la musique sérielle. Ils permettent pourtant à la rêverie _ aussi _ de l’auditeur de s’enfoncer, de sombrer miraculeusement dans la musique. (…) Jankélévitch parle, à propos de « Brouillards » et de « Feuilles mortes« , de ce « royaume de l’automne où les rythmes deviennent cotonneux et où le véloce devenir a quitté toute nervosité », tout comme dans les « rythmes relâchés » de « Colloque sentimental« . Tout cela renvoie à la stagnation de l’eau, une eau morte, celle de Mélisande et des symbolistes, celle de « Bruges-la-morte« , de Rodenbach, devenu opéra de Korngold…

Mais ce flou est obtenu à force d’exactitude _ dit Jean-Yves Tadié, page 171. La musique n’est pas une sauce (qui elle-même noie la mauvaise cuisine et les rotis anglais), ni la pédale, dont on a relevé l’effet sombre, brouillé dans « En sourdine » et dans les pièces espagnoles. Rien à voir avec la confusion : pas de compositeur plus précis, plus exigeant, ce qui n’exclut pas la délicatesse du toucher que Walter Gieseking a si bien retrouvée. Casella a noté qu’on avait l’impression que Debussy effleurait, sans marteaux, les cordes de ses doigts«  (page 171).

« La musique de Debussy évoque ou mime le tremblement de la lumière et le tremblement du son, comme la ligne serpentine de l’Art nouveau, comme le flou sémantique et rythmique de Verlaine, comme les hésitations sur le sens mallarméen. « La Cathédrale engloutie » commence, indique la partition, « dans une brume doucement sonore », et « Des pas sur la neige » s’étouffent dans un « tendre et triste regret ». Les sons se brouillent comme les yeux à travers les larmes, parce que le bonheur est toujours déjà passé«  (page 172).

« Debussy étrangle les épanchements _ dit magnifiquement Jean-Yves Tadié, page 174 _ ; il commence parfois à se livrer, puis s’interrompt« . (…) « Un vieux maître italien, un non moins vieux piano signé Ignace Pleyel dont les doux sons semblent évoquer le passé », c’est ainsi que Debussy se rappelle sa petite enfance de pianiste. Tout se passe comme s’il avait voulu, dans sa manière de concevoir et de prescrire le jeu, ressusciter ce passé : la douceur du toucher, chargée de cette mémoire, reste attachée à notre conception du piano debussyste, malgré les efforts pour le transformer en un instrument à percussion, aux sonorités détachées, égrenées comme des perles et aseptisées« , analyse superbement Jean-Yves Tadié, page 180.

Quelques témoignages rapportés nous sont très précieux : par Roy Howat, celui de Dolly de Tinan, « qui lui aurait indiqué que son beau-père insistait sur la polyphonie, la clarté de l’architecture et le caractère rythmique de la danse« , page 180.

« Et quand Debussy jouait lui-même ? C’est Léon-Paul Fargue qui en a le mieux parlé : « Debussy s’asseyait silencieusement au piano du petit cabinet bibliothèque et se mettait à improviser. Tous ceux qui l’ont connu savent ce que cela pouvait être. Il commençait par frôler, par tâter, par faire ses passes, et puis touchait dans le velours, s’accompagnait parfois, la tête baissée, d’une jolie voix de nez, comme d’un chuchotement chanté. Il avait l’air d’accoucher le clavier. Il le berçait, et lui parlait doucement, comme un cavalier à son cheval, comme un berger à son troupeau, comme un batteur de blé à ses boeufs. » (…) Accoucher le clavier : Debussy dit aussi qu’il faut jouer les mains dans le clavier, non au-dessus du clavier. Louis Laloy, son fidèle ami et biographe : « Il avait gardé une délicatesse de toucher et une souplesse des doigts qui semblaient modeler le son gagné de vitesse par ses mains mollement agiles, et l’étendre sans choc en nappes fluides et transparentes ». Son éditeur, Jacques Durand : « Quand il jouait Chopin, cela tenait du prodige » (pages 181-182).

Et « on est très ému d’entendre Debussy _ en personne ! _ au piano, grâce aux enregistrements qu’il avait effectués en 1913 selon le procédé Welte-Mignon sur bandes perforées, qui reproduit à la fois le son et le niveau dynamique des interprètes, les variations de leur toucher, tels qu’ils jouaient et sans correction. (…) Outre le charme des couleurs, ce qui frappe _ avance l’écouteur (de première !) qu’est Jean-Yves Tadié _, c’est le caractère extraordinairement détendu du jeu, son côté improvisateur (au point de prendre de grandes libertés avec ses propres indications) et moelleux« , nous est-il encore très précieusement restitué, aux pages 182-183.

Toute interprétation musicale, mais aussi toute écoute _ et, qui plus est, à chaque fois ! _, doit _ et c’est un impératif absolu ! sinon, ce n’est pas la peine !.. _ ; doit se mettre sur le chemin de l’improvisation première de la « création » de l’œuvre ; dont essaie, toujours, de retenir et les traces, et la vie (de cette « improvisation » même, donc…), ensuite l’acte de la notation et l’écriture sur le papier, par le compositeur ; avec ce qui nous en demeure (= nous en incombe : à nous) « à déchiffrer » ; à travers ce qui (pauvrement) demeure écrit sur la partition… Toute interprétation, comme toute écoute, doit vivre (= respirer !) de cette « inspiration »-là ; c’est-à-dire respirer à son tour de son « grand souffle » se déployant !!! Au participe présent… Sinon, on (= nul) n’est pas là…

Sur le dernier (très beau) chapitre, « Dernière œuvre« , je préfèrerais laisser l’entière découverte au lecteur du livre, même si « Debussy a eu plusieurs « derniers styles », parce qu’il a toujours cherché à se renouveler, à ne jamais rien refaire«  (page 221)… Sinon, peut-être, cette réflexion, page 222 : « Le retour à la tradition française proclamé par Debussy à partir de 1914 n’est que le masque du dépouillement, des solitudes glacées où le génie tente ses dernières explorations. (…) Dans sa période de création miraculeuse de 1915, il semble que Debussy alterne entre l’évocation tragique des circonstances, extérieures et intérieures, la guerre et la maladie, et le refuge dans le paradis de la musique, qui l’emporte : la « Sonate pour flûte, alto et harpe«  » (page 222)… Puis la « Sonate pour violon et piano«  (…) qui « échappe à son auteur » : avec son « tournoiement vertigineux de lambeaux, comme une vie mise en pièces, de discours musicaux qu’on aimerait tant prolonger et qu’on ne peut que réécouter« , aux pages 223 et 224…

Et _ c’est presque le mot de la fin de l’essai de Jean-Yves Tadié « Le Songe musical _ Claude Debussy« , page 228 _ Vladimir Jankélévitch « voyait en Debussy un mystique dionysiaque qui nous parle du mystère de midi« 

Jean-Yves Tadié nous offre aussi l’histoire de sa découverte de l’œuvre de Claude Debussy, notamment les portes que lui ont ouvertes sa grand-mère, venue, il y a longtemps (en 1896, page 174), de Roumanie ; puis sa mère, traductrice de Henry James (« Les ailes de la colombe« )


Et il cite aussi quelques grands disques : dont le « Concerto pour deux violons«  de Bach par Yehudi Menuhin et Georges Enesco (dont le « charme » de la musique ne s’arrête pas, page 167) ; et la « Sonate pour violon et piano » de Debussy, par Yehudi Menuhin et Benjamen Britten, « au festival d’Aldeburgh, en 1959 » : une interprétation « si audacieuse : rapide et violente« , page 224

Et enfin une belle bibliographie, « Books’ Corner« , page 231, avec les meilleurs livres sur Claude Debussy :

les « grandes biographies« ,

« celle de Lockspeiser, plus esthétique et augmentée de l’analyse musicologique due à Harry Halbreich« ) ;

« celle, plus psychologique et tournée vers le rôle des femmes, de Marcel Dietschy » ;

et « celle scientifique et critique de François Lesure _ « Claude Debussy« … _ , qui vérifie tous les faits et réexamine tous les témoignages« .

« Pour Debussy et les arts, le beau livre _ « Harmonie en bleu et or _ Debussy, la musique et les arts » _ de Jean-Michel Nectoux« .

Et « pour la signification philosophique, dès 1949, l’admirable essai _ »Debussy et le mystère« … _ de Jankélévitch« …

Ainsi que l’iconographie « procurée dans les « Documents iconographiques » parus chez Pierre Cailler, et dans celle de François Lesure« .

Sans oublier « la monumentale « Correspondance«  (Gallimard, 2007), éditée par François Lesure, Denis Herlin et Georges Liébert« …

Merci à eux tous,

et à Jean-Yves Tadié : nous entrerons un peu mieux, ainsi, dans le « monde » assez « merveilleux » de l’artiste Claude Debussy…

Titus Curiosus, ce 10 mars 2007

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