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Musiques de joie : A deux ou à cinq voix, le jubilatoire Tout l’univers obéit à l’amour de Jean de La Fontaine et Michel Lambert, ou le sublime raffinement des Airs de cour à la française

29mai

En poursuivant dans le registre de la sublime délicatesse française du Grand Siècle,

je pense bien sûr au très grand raffinement _ tout de simplicité, aussi : d’où l’assez grande difficulté pour une interprétation la plus juste possible, sans maniérisme…des merveilleux Airs de cour de Michel Lambert

(Champigny-sur-Veude, ca 1610 – Paris, 29 juin 1696),

le maître à chanter, ainsi que le beau-père, par sa fille Madeleine (1642 – 1720) _ le mariage eut lieu à Paris, à l’église Saint-Eustache, le 24 juillet 1662… _de Jean-Baptiste Lully (Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687).

Michel Lambert,

un compositeur tout simplement essentiel dans le devenir de l’art du chant français au Grand siècle

_ et hélas pas assez interprété en ce XXIe siècle : ni au concert, ni au disque ; et donc très injustement méconnu du public d’aujourd’hui !

Je me souviens, pour y avoir très activement participé

_ en tant qu’auteur à 90% du programme de ce CD ; Hugo Reyne y étant pour 10 %.. : j’avais passé toute une année à rechercher-recenser tout ce qui comprenait le moindre élément concernant la musique (sous toutes ses formes) dans l’œuvre de ce mélomane passionné et très connaisseur, vraiment, en profondeur, qu’était La Fontaine… (probablement le premier auteur à établir une esquisse sérieuse et un peu élaborée d’une esthétique de la musique, dès le XVIIe siècle) ;

avec, surtout, au sein de mes recherches méthodiques, l’inestimable découverte, par recoupement de données demeurées jusqu’alors éparses, du petit opéra Les Amours d’Acis et de Galatée (donné à Paris, en 1678, en l’Hôtel de Monsieur de Rians) de Marc-Antoine Charpentier, sur un livret de Jean de La Fontaine ; ainsi que le narre très précisément le livret (dont je suis l’auteur, même si Hugo Reyne, après diverses relectures et corrections du texte que je lui proposais, l’a co-signé) de ce CD _,

je me souviens, donc,

du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine 

_ soit le CD Virgin Veritas 7243 5 45229 2 5, paru au mois de mars 1996 _,

conçu, élaboré  _ de début juillet 1994 à fin août 1995 _ et réalisé _ du 25 au 28 août 1995 en l’abbaye de Saint-Michel-en Thiérache _

à l’occasion des célébrations du tricentenaire de la mort de La Fontaine (Château-Thierry, 8 juillet 1621 – Paris, 13 avril 1695) _ sur une commande de Jean-Michel Verneiges et du Conseil général de l’Aisne (département de naissance de La Fontaine.

Et ce CD comporte deux sublimes Airs de cour de Michel Lambert :

J’ai beau changer de lieu

_ dont on ignore l’auteur du poème ; mais en une thématique étonnamment lafontainienne : ce qui a justifié le choix de cet Air-là, si magnifique déjà… ;

et Tout l’univers obéit à l’amour

sur un poème de La Fontaine, composé vers 1659, pour le cercle galant du Surintendant des finances de Mazarin, le fastueux Nicolas Fouquet. Lequel Fouquet avait engagé pour son fastueux divertissement du château de Vaux une pléïade des meilleurs artistes de son temps _ outre l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre-décorateur Charles Le Brun (pour le château et les jardins de Vaux-le-Vicomte), Molière, Corneille, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, etc. _,

parmi lesquels le poète Jean de La Fontaine et le musicien-compositeur Michel Lambert

qui s’y sont rencontrés et fréquentés.

Et il se trouve qu’une lettre de Jean Perrault au grand Condé, en date du 13 septembre 1674, témoigne précisément de cette collaboration de La Fontaine et Lambert, vers 1659, à Vaux, pour cet Air à deux voix, que publiera Lambert, au sein d’un recueil d’Airs de cour, un peu plus tard, en 1666 ;

et il se trouve encore que, trente ans plus tard, en 1689 _ soient deux ans après la mort du gendre de Lambert, Lully, le 22 mars 1687 _, paraîtra, remaniée par le compositeur une nouvelle version, mais à cinq voix, cette fois, de ce Tout l’univers obéit à l’amour, en un nouveau recueil d’Airs de cour. 

En surfant sur le web, au moment de rédiger cet article,

je viens de découvrir, datée du 23 avril 2017, cette très brève appréciation-ci d’un mélomane (anonyme) à propos de ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru 21 ans plus tôt, en mars 1996,

que je livre ici telle quelle :

« Très bien. 

Somptueux et sublime, au bout de la 7ème écoute.

Jean de La Fontaine était vraiment un mec cool et frais.« 

Voilà qui touche et fait vraiment plaisir.

J’ai découvert aussi que ce CD Virgin Veritas Un Portrait musical de Jean de la Fontaine

est présent dans 7 bibliothèques-médiathèques d’universités aux États-Unis et Canada :

les universités de Princeton (à Princeton, New Jersey), Virginia (à Charlottesville, Virginie), North Texas (à Denton, Texas), Reed College (à Portland, Oregon) et de New-Mexico (à Albuquerque, Nouveau-Mexique) ; 

ainsi que les universités McGill (à Montreal, Québec) et Western (à London, Ontario).

J’ai découvert encore, toujours sur le web, cette appréciation-ci, détaillée et argumentée, et sous la signature du critique musical Stephen Pettitt (né en 1945),

sur le site de Classical-music.com, The official website of BBC Music Magazine :

This is a beautiful, thoughtfully compiled disc. It chronologically charts the life of Jean de La Fontaine, that 17th-century master of the fable, through his own words and through music that sets his text, or that he simply admired. There’s one particular coup : the inclusion of identifiable extracts from the opera _ Les Amours d’Acis et de Galatée _ by Charpentier that sets a text by La Fontaine. Alas, the whole work did not survive, probably for reasons to do with Lully’s royally granted privilege _ mais aussi le vol, au XIXe siècle, à la Bibliothèque Nationale, de plusieurs volumes de partitions originales (et uniques !) de Marc-Antoine Charpentier (dont celui de ses compositions de 1678, qui comportait ce petit opéra complet _, but the booklet notes make an excellent case for the association with the opera of the few pieces recorded here.   La Fontaine’s bon goût – often more than implicitly anti-Lully – is attested to by his admiration of composers like the lutenist Ennemond Gaultier, the harpsichordist Chambonnières, and Pierre de Nyert, master of the air de cour, of whose work there is tragically but one surviving example, ‘Si vous voulez que je cache ma flamme’. All are represented here, as, for the sake of fairness and balance – La Fontaine did write the dedicatory preface to Lully’s opera Amadis, after all – is Lully himself, though the extracts from Amadis and Isis (the famous ‘Air de Trembleurs’) are to texts by his usual librettist Quinault.   Performances of these and other riches – not least Couperin’s Sonata L’Astrée at the end – by La Simphonie du Marais under Hugo Reyne and with soloists Isabelle Desrochers and Bernard Deletré, are excellent. Christian Asse strikes exactly the right atmosphere in his readings, among which is La Fontaine’s furious satire of Lully, Le Florentin. But brush up your French : no translations of the texts are provided.

Stephen Pettitt

Et je rappelle aussi, et surtout, la très précise et fouillée _ lucidissime ! _ recension de ce Portrait musical de La Fontaine par Boris Donné _ et non Patrick Dandrey, comme j’avais jusqu’ici trop rapidement cru ; c’est Patrick Dandrey lui-même qui vient de corriger, par échange de courriels, mon inattention au signataire effectif de cette recension du Fablier, en 1996 : Boris Donné _, dans le numéro 8 de la Revue Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, Année 1996 ;

recension que voici in extenso :

Le second disque dont nous voudrions rendre compte est intitulé Jean de La Fontaine, un portrait musical : il mêle textes, lus par le comédien Christian Asse, et musiques, interprétées par La Simphonie du Marais que dirige Hugo Reyne avec notamment Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse.

Le programme, marqueterie délicatement agencée, a été conçu par Hugo Reyne lui-même, avec la collaboration de Francis Lippa ; ils signent ensemble l’excellent texte _ merci ! _ de présentation du livret.

Disons tout de suite que les parties récitées du disque nous ont paru les plus faibles : le montage mêlant extraits de poèmes, de lettres et quelques pièces plus longues (la délicieuse satire contre Lully, Le Florentin, et l’Epître à M. de Nyert, sur l’opéra), quoique très ingénieux, prend quelques libertés avec les textes, tronqués _ nécessités de la durée du CD obligeaient… _ assemblés sans parfois trop de respect ; la diction de Christian Asse, un peu fade et distanciée à notre goût, ne leur rend pas pleinement justice… Mais c’est encore affaire de jugement, et sûrement la sobriété, les intonations graves et méditatives de ce comédien trouveront-elles des défenseurs.

Nous nous concentrerons ici sur le programme musical, interprété par l’ensemble de Hugo Reyne, sur instruments anciens : on y appréciera les sonorités fruitées des vents et les impeccables interprètes du continuo (Jérôme Hantaï à la viole, Vincent Dumestre au théorbe, Elizabeth Joyé au clavecin) ; les cordes ont paru plus indifférentes.

Le programme de ce disque peut sembler composite dans la mesure où il mêle différents types de compositions : mais, dans un esprit proche de celui du poète, c’est la diversité et la variété qui ont guidé _ en effet _ son élaboration.

On pourrait isoler un premier ensemble d’œuvres, celles qui replacent La Fontaine dans le contexte musical de son temps et des cercles qu’il fréquentait : des airs de Lambert _ Tout l’univers obéit à l’amour, et J’ai beau changer de lieu _ ou de Nyert _ l’Air Si vous voulez que je cache ma flamme est un hapax ! _, des extraits d’opéras de Lully _ Amadis et Isis _, l’ouverture des Fâcheux de Beauchamps, quelques pièces de clavecin ou de théorbe (en l’occurrence, deux petits joyaux : une sombre pavane pour clavecin de Chambonnières, très bien interprétée par Elizabeth Joyé, et une courante pour luth d’Ennemond Gaultier par Vincent Dumestre. On se serait plutôt attendu à trouver ici une pièce de son cousin de Paris, Denis Gaultier…) ;  musique souvent très belle, et très délicate, interprétée ici avec style et sensibilité.

Un second ensemble serait constitué de musiques postérieures à La Fontaine, mais entretenant certains rapports avec son œuvre ou son esthétique : on y trouve le meilleur (le délicieux «air à boire» composé par François Couperin _ peu après le décès de La Fontaine, le 13 avril 1695… _ sur L’Epitaphe d’un paresseux, et, du même, la sonate L’Astrée, qui clôt le disque sur une note mélancolique) comme le pire (les paraphrases de fables sur des airs populaires, dans le goût du XVIIIe siècle : Le Loup et l’Agneau, La Fourmi et la Sauterelle).

Le dernier groupe d’œuvres, enfin, est le plus intéressant : ce sont celles auxquelles La Fontaine a directement collaboré _ oui ! Et cela ne se sait pas assez… On y trouve quelques chansons sur des airs à la mode (inépuisables «folies d’Espagne»), un Air mis en musique par Lambert, «Tout l’univers obéit à l’Amour» (Les paroles de cet Air de 1659 furent reprises _ par La Fontaine _ en 1669 dans Les Amours de Psyché (avec une substitution de prénoms que la notice du disque omet _ en effet _ de signaler : la «belle Psyché» était à l’origine une «belle Philis») ; détail intéressant, qu’aucune édition de Psyché _ de La Fontaine _ ne signale à notre connaissance. Un critique _ en fait Boris Donné lui-même, l’auteur de cette recension, comme il l’affirme indirectement, avec élégance, en citant l’ouvrage (sien !) dans lequel sont présentes ces « imprudentes » affirmations : son propre La Fontaine et la poétique du songe, paru en 1995 _, dans un ouvrage récent (Boris Donné, La Fontaine et la poétique du songe, 1995) a même observé, bien imprudemment, que cet «air purement imaginaire [sic], destiné sans doute à figurer seulement sur la page imprimée, […] se prêterait parfaitement à la mise en musique propre à un air de cour bipartite» — «dans la manière de Lambert», ajoute-t-il innocemment _ en élégante contrition rétrospective _ en note (p. 106)… Et pour cause ! Ignorance impardonnable, puisque cet air avait déjà été enregistré par William Christie en 1984 _ ce que le mélomane passionné qu’est aussi Boris Donné ne se pardonnait pas, ici, d’avoir ignoré… _, un bref extrait de la tragédie lyrique Astrée (musique de Colasse)…

Tout cela est intéressant : mais pas tant que ce qui constitue à nos yeux l’intérêt principal du disque, à savoir quelques fragments de Galatée _ un livret de La Fontaine _ mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1678, ce que l’on ignorait jusqu’ici ! Quand La Fontaine en publie le livret inachevé _ deux actes sur trois ! _, en 1682, son avertissement laisse _ assez étrangement _ entendre que sa composition fut indépendante de tout souci de mise en musique et de représentation _ une cachotterie d’importance, de la part du fabuliste, qui a égaré jusqu’ici tous les lafontainiens… Un compte rendu du Mercure galant, en 1678, faisait par ailleurs l’éloge d’un «petit opéra» de Charpentier intitulé Les Amours d’Acis et de Galatée, dont ne furent données que quelques représentations semi-privées _ chez Monsieur de Rians, à Paris _ ; mais l’auteur du livret _ La Fontaine ! _ n’était pas cité. Par recoupement, Hugo Reyne _ ou plutôt Francis Lippa, auteur de ces découvertes ! Cf la note à ce sujet de Catherine Cessac, en la seconde édition (en 2004) de son Marc-Antoine Charpentier, chez Fayard, à la page 138 ; Hugo Reyne, alors en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, avait, par échanges de fax, rectifié à la marge quelques passages et expressions du livret que Francis Lippa avait rédigé et lui avait proposé et soumis, à travers l’Atlantique et le Pacifique… _ montre que ce «petit opéra» était, de façon indiscutable _ merci ! _, la Galatée de La Fontaine : l’un des Airs _ Brillantes fleurs, naissez (H.449) _ en fut même publié dans le Mercure en 1689, avec leurs deux signatures ! Il est par ailleurs possible de retrouver, dans les partitions _ conservées, celles-là _ de Charpentier, des extraits de cet opéra qui furent réemployés dans d’autres compositions _ lors de reprises, par Charpentier, de son petit opéra L’Inconnu _ (principalement les pages instrumentales, hélas). Ainsi ce disque propose un charmant montage _ de ce qui demeure de ce petit opéra de 1678 : Les Amours d’Acis et de Galatée _, d’une vingtaine de minutes, où alternent airs, pièces instrumentales et scènes récitées quand la musique n’en a pas été retrouvée : découverte extraordinaire, et fort émouvante _ merci ! _, qui en laisse peut-être présager d’autres… «Il [nous] faut du nouveau, n’en fût-il point au monde» !

En ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine de La Simphonie du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, enregistré au mois d’août 1995 et paru chez Virgin Veritas au mois de mars 1996,

le merveilleux Air de Lambert J’ai beau changer de lieu

J’ai beau changer de lieu, mon soin est inutile,
Je porte partout mon amour
Et je n’en suis pas plus tranquille,
Dans ce paisible séjour :
Sentirai-je toujours cette cruelle flamme ?
Quoi ? serai-je agité d’un éternel souci ?
Et le calme qui règne ici
Ne peut-il passer dans mon âme ?

Je viens chercher la paix dans cette solitude,
Je veux l’attirer dans mon cœur,
Et je vais bannir l’inquiétude
Qui s’oppose à mon bonheur ;
Mais je ressens toujours cette cruelle flamme,
Je me vois agité d’un éternel souci
Et le calme qui règne ici
Ne saurait passer dans mon âme

se trouve à la plage 7 ;

et le jubilatoire Air à deux voix (de 1659, publié en 1666) de Jean de La Fontaine et Michel Lambert Tout l’univers obéit à l’amour

Tout l'Univers obéit à l'Amour ; 
Belle Philis, soumettez-lui votre âme. 
Les autres dieux à ce dieu font la cour, 
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien, 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, 
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, 
N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, 
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
...

se trouve à la plage 5

_ Boris Donné, à l’érudition duquel bien peu de choses échappent, a très opportunément remarqué que dans la version originale de cet Air, publiée par le compositeur Lambert, en 1666, c’est à Philis, et non à Psyché, que s’adresse le poète (ou/et le chanteur interprète), à la différence de ce qui sera le cas, en 1669, dans le poème publié, indépendamment de toute musique cette fois, par La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, trois ans plus tard ; ainsi qu’en 1689, dans la version à cinq voix de ce même Air, publié par Lambert.

Boris Donné a donc raison d’affirmer, en cette recension, en 1996, de notre CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, que c’est à tort que notre CD a choisi de proposer à l’écoute de cet Air à deux voix composé en 1659, le texte de la version définitive de l’Air, celle à 5 voix, publiée par Lambert en 1689 ; ainsi que celle du poème de La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, publiés en 1669 ; tout en situant bien cet Air, en sa version à deux voix, en la période de sa composition, la période fouquetienne (vers 1659) de la vie de Jean de La Fontaine (et de Michel Lambert). J’ignorais, pour ma part (ne m’étant pas moi-même occupé des partitions de Lambert dans la préparation du programme de ce CD), cette différence d’adresse, dans le texte de l’Air, entre Philis, en 1659 et 1666, et Psyché, en 1669 et 1689 (mais, pour ce qu’il en est de l’adresse de la version à cinq voix de 1689, je ne l’ai pas vérifié).

De la version à cinq voix publiée en 1689 de ce Tout l’univers obéit à l’amour

_ l’adresse chantée est faite à Philis, et non à Psyché, dans les deux CDs des Arts Florissants, les deux fois, en 1984, comme en 2013,  pour la version de 1689 de l’Air à cinq voix voix _,

voici à écouter le podcast d’une interprétation récente (enregistrée en décembre 2013) des Arts Florissants, en la plage finale de leur CD Bien que l’amour… Airs sérieux et à boire ; soit le CD Harmonia Mundi HAF 8905276, sorti le 1er avril 2016 ;

et, toujours, par les Arts Florissants, mais trente-deux ans plus tôt,

le podcast d’une interprétation de 1984 de 14 Airs de cour de Michel Lambert,

en le CD Harmonia Mundi 1901123, re-publié en 1992 ;

le Tout l’univers obéit à l’amour à 5 voix ouvrant alors le bal de ce récital…

Je n’ai hélas pas trouvé sur le web de podcast de la spendide interprétation de la version première, à deux voix, de ce Tout l’univers obéit à l’amour de La Fontaine et Lambert, superbement interprété par Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse, dans le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1995, de La Simphonie du Marais.

Ce vendredi 29 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la bonne humeur égale de l’ami Telemann, et la vivante compagnie de sa Musique de table, en 4 généreux CDs

04avr

Ce samedi très ensoleillé de début avril,

je reviens à l’excellente compagnie _ à la fois paisible et tonique : vivante ! _

de l’ami Telemann :

il n’est certes pas du genre à se pousser du col _ jamais ! _,

et sait très amicalement _ humainement ! _ varier les plaisirs musicaux qu’il nous donne.

Telemann a ainsi quelque chose de l’ami Jean de La Fontaine… 

J’ai donc opté aujourd’hui pour son recueil de plus de 4 heures de musique

_ Telemann est aussi un généreux ! _,

en 3 « Productions« , de musique de table,

Tafelmusik,

publié, en souscription, à Hambourg en 1733

_ et 206 personnes souscrivirent, parmi lesquelles, à Dresde, Pantaleon Hebenstreit et Johann Georg Pisendel, à Berlin, Johann Joachim Quantz, à Paris, Michel Blavet, et à Londres Händel _ :

chacune de ces « Productions » comportant

_ je cite in extenso le titre de la publication originale _

« une Ouverture avec la Suite à 7 instruments,

un Quatuor,

un Concert à 7,

un Trio,

un Solo,

et une Conclusion à 7,

et dont les instruments se diversifient par tout ;

composée par George Philipp Telemann,

Maître de Chapelle de L. A. S. le Duc de Saxe-Eisenach, et le Margrave de Bayreuth ;

Directeur de la Musique à Hambourg« .

Et j’alterne à l’écoute deux interprétations

de ma discothèque,

toutes deux publiées _ je le note _ en 1989 :

le quadruple album _ Teldec 8.35670 244 688-2 _ du Concentus Musicus Wien,

sous la direction de Nikolaus Harnoncourt,

et le quadruple album _ Archiv 427619-2 _ du Musica Antiqua Köln,

sous la direction de Reinhard Goebel.

Et je regrette au passage que l’excellent ensemble Florilegium

ne nous ait pas encore gratifiés d’une intégrale de cette Tafelmusik !

Telemann est un ami de la meilleure compagnie _ la plus humaine… _ qui soit :

d’humeur égale et toujours bienveillante ;

en une œuvre constamment vivante, ouverte et variée.

Ce vaste _ et ordonné _ recueil

modestement intitulé « Musique de table« 

est d’un constant régal,

en sa variété superbement accomplie

de « goûts réunis« …

Ce samedi 4 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Interpréter les Descentes d’Orphée aux Enfers de Marc-Antoine Charpentier : une parfaite réussite de Vox Luminis et A Nocte Temporis

23jan

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704)

me tient tout spécialement à cœur,

ne serait-ce que par la découverte que je fis d’une partie des musiques crues perdues

de son petit opéra de 1678 Les amours d’Acis et Galatée,

sur un livret de Jean de La Fontaine (1621 – 1695)

_ cf mon livret au CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, de La Simphonie du Marais dirigée par Hugo Reyne

(CD EMI 7243 S  45229 2 5),

un programme de concert et de disque conçu à l’occasion du tricentenaire de la mort du poète en 1995,

et qui comporte pas mal de bien belle musique de Charpentier…

Cf aussi les précisions que j’en donne

en mon article  du 18 avril 2009…

Cf aussi la note de Catherine Cessac à propos de cette découverte

à la page 138 de son « Marc-Antoine Charpentier » en l’édition de 2004, chez Fayard…

Aussi m’est-il hors de question

de laisser passer le CD Orphée aux Enfers

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

de Lionel Meunier et Reinoud van Mechelen,

soit le CD Alpha 566 qui paraît présentement ;

et comporte Orphée descendant aux Enfers (H.471)

et La Descente d’Orphée aux Enfers (H.488)

_ ce dernier petit opéra nous étant hélas parvenu incomplet,

privé d’un possible Acte 3 des retrouvailles aux Enfers d’Orphée et Eurydice ;

dont on ignore même si un tel Acte 3 a été composé, puis perdu, ou bien si l’œuvre a été laissée en cet état inachevé par Charpentier lui-même :

le manuscrit ne comportant aucune indication qui permettrait de trancher quelle a été l’intention du compositeur…

Une excellente occasion de comparer quelques interprétations de ces œuvres,

présentes parmi les CDs de ma discothèque.

Je retrouve ainsi

le bouleversant CD Ricercar RIC 037011 intitulé Orphée descendant aux Enfers,

enregistré en 1987

par l’unique _ et hélas irremplacé _ Henri Ledroit (1946 – 1988),

un an à peine avant son décès prématuré.

Ainsi que le CD Erato 063011913-2 de La Descente d’Orphée aux Enfers,

enregistré en 1995 par Les Arts Florissants,

avec Paul Agnew en Orphée…

Autant la version (d’Orphée descendant aux Enfers) du Ricercar Consort est émouvante,

avec les tempi qui conviennent,

et bouleversent :

à fendre l’âme !

autant la version (de La Descente d’Orphée aux Enfers) des Arts Flo déçoit,

avec des tempi trop rapides, inadéquats au sujet…

_ que l’on compare ainsi, pour commencer, l’ouverture primesautière de l’œuvre par les Arts Flo en 1995

avec l’ouverture, infiniment plus juste, en gravité, par Vox Luminis aujourd’hui… 

Le présent CD

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

est, lui, une parfaite réussite !!!

qui rend parfaitement la tension inhumaine du drame des Enfers,

et toute la tendresse d’Orphée…


Bravo !!!

Les livrets de ces deux œuvres (de 1683 et 1686 ; toutes deux pour Mademoiselle de Guise) de Marc-Antoine Charpentier

n’indiquent pas le nom du librettiste ;

mais s’inspirent précisément, les deux, des Métamorphoses d’Ovide :

au livre X et aux vers 1 à 63,

avec le choix d’Ixion, Tantale et Tityos _ et non pas Orion, ni Sisyphe _

comme ombres infernales suppliciées à l’infini, sans terme à venir jamais,

avec lesquelles dialogue tendrement Orphée, en sa catabase.

 

À comparer avec la Nekuia du chant XI de l’Odyssée d’Homère ;

et les Catabases du chant VI de l’Éneïde de Virgile

et de l’Enfer de la Divine Comédie de Dante.

« Effroyables enfers« , ne sont-elles pas les premières paroles d’Orphée

dans l’Orphée descendant aux Enfers (de 1683) ?

et « Affreux tourments« , celles d’Ixion, Tantale et Titye

au début du second acte de La Descente d’Orphée aux Enfers (de 1686) ?..

Auxquelles répondent

et la « douce harmonie » qui « frappe l’oreille« 

de Tantale

dans l’œuvre de 1683 ;

et « la touchante voix » et « la douce harmonie » qui « suspend le rigoureux tourment« 

d’Ixion, Tantale et Titye

dans l’œuvre de 1686…

Car tel est bien l’extraordinaire efficace du chant d’Orphée

dont ces œuvres de Marc-Antoine Charpentier nous font, à leur tour, ressentir la magie

_ au moins pour un moment _

consolatrice…

Marc-Antoine Charpentier applique,

avec la merveilleuse tendresse qui caractérise son art,

ce qu’il a appris des Oratorios _ sacrés _ de Carissimi à Rome,

à l’esprit français des soirées intimes chez Mademoiselle de Guise.

Ce jeudi 23 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et encore l’opéra lullyste : l' »Issé » d’André Cardinal Destouches par Les Surprises et Louis-Noël Bestion de Camboulas _ la délicate tendresse de l’opéra baroque français

22nov

Et voici que,

dans la continuité, encore, des CDs de Lully et des lullystes,

paraît l’Issé d’André Cardinal Destouches (1672 – 1749),

pastorale héroïque créée en décembre 1697.

Voici la présentation qu’en donne ce jour,

sur son blog Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé,

en un article intitulé Apollon démasqué :


APOLLON DÉMASQUÉ



Louis-Noël Bestion de Camboulas
 _ le frère de Simon-Pierre Bestion, qui dirige l’Ensemble La Tempête _ et Les Surprises ont de la suite dans les idées, ils poursuivent leur explorations du catalogue de Destouches _ 1672 – 1749 _ pour nous offrir _ après, en avril 2016 (et déjà chez Ambronay) l’opéra-ballet Les Éléments (de 1721), composé avec Michel-Richard Delalande (1657 – 1726) _ le premier enregistrement de cette Issé, œuvre d’un jeune homme de vingt-cinq ans tout juste sorti de l’atelier de Campra _ à peine plus âgé que lui : 1660 – 1744. La première d’Issé eut lieu au château de Fontainebleau le 7 octobre 1697


Elle lui assura mieux qu’un succès, que les circonstances périlleuses de sa création rendaient incertaines – l’œuvre fut commandée et donnée en décembre 1697 à l’occasion des noces du Duc de Bourgogne _ le fils aîné du Grand Dauphin _ et de la Princesse de Savoie _ les parents du futur Louis XV _ à Trianon, sous les jugements d’une cour sévère dont elle triompha de toutes les prévenances (ou plutôt préventions) –, une renommée.


Le genre de la “pastorale héroïque” allait connaître _ bientôt _ les faveurs de la cour _ de plus en plus hédoniste _, suscitant des chefs-d’œuvre jusque chez Rameau _ Zaïs, Naïs, Acanthe et Céphise, Daphnis et Églé en 1748, 1749, 1751 et 1753 _ : son monde de bergers et de bergères se liant d’amour avec les Dieux charmait des spectateurs qui savaient y lire bien des allusions _ cf déjà l’affection de La Fontaine pour cet univers de bergers, en l’Epître à M. de Nyert, en 1677 ; et par opposition au genre un peu trop « idéologique« , voire militaire, que Lully développait au service de Louis XIV…


Le livret d’Houdar de La Motte est habile, autant que celui de la future Europe galante _ en 1697 aussi _ de Campra, il le remania avec encore plus d’à propos pour la reprise de l’œuvre à l’Opéra _ le 7 décembre 1719 au Palais Royal _, lui donnant la stature classique de la tragédie lyrique : un prologue et cinq actes, avouant la source de son inspiration, rien moins que l’Acis et Galatée de Lully _ créé à Anet le 6 décembre 1686, pour le Grand Dauphin.


Le public parisien ne s’y trompa guère, il plébiscita l’œuvre. Issé allait rester un des piliers du répertoire lyrique jusqu’à la chute de l’Ancien Régime _ et même au-delà : le 17 décembre 1797, au Petit-Trianon. L’œuvre est merveilleuse _ le merveilleux étant le ressort principal de l’opéra français à l’ère dite Baroque _, autant par la grâce _ voilà ! _ de ses parties vocales que par l’imagination d’un orchestre où Destouches fait entendre les symphonies de la nature avec un art confondant _ anticipant en quelque sorte le génie propre de Rameau.


Louis-Noël Bestion de Camboulas se saisit littéralement de l’œuvre, soulignant tout ce que Rameau reprendra _ voilà ! _ à son compte. Ce n’est pas le moindre des trésors de cette partition solaire, révélée par une équipe de chant relevée où brille particulièrement l’Apollon de Mathias Vidal, mais tous sont parfaits, de l’Issé élégante de Judith van Wanroij à l’Hylas sonore de Thomas Dolié.


Et si demain Les Surprises nous révélaient Omphale _ créé à l’Opéra de Paris le 10 novembre 1701 _ ?


LE DISQUE DU JOUR


André Cardinal Destouches(1672-1749)
Issé

Judith van Wanroij, soprano (Issé)
Chantal Santon-Jeffery, soprano (Doris)
Mathias Vidal, ténor
(Apollon, sous les traits du berger Philémon)
Thomas Dolié, baryton (Hylas)
Eugénie Lefebvre, soprano
(La première Hespéride, Une nymphe, Une Dryade)
Etienne Bazola, baryton (Hercule, Le Grand Prêtre)
Matthieu Lécroart, baryton (Jupiter, Pan)
Stéphen Collardelle, ténor (Un berger, Le Sommeil, L’Oracle)

Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Ensemble Les Surprises
Louis-Noël Bestion de Camboulas, direction

Un album de 2 CD du label Ambronay MAY053

Photo à la une : © DR


De bien belles découvertes d’œuvres idiosyncrasiques du _ tendre et délicat _ génie musical français…

Ce vendredi 22 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Lire « L’Aventure d’une oreille : la découverte du « continent Durosoir » », dans le bel album d’hommage à Lucien Durosoir et Aitor de Mendizabal

08mai

Maintenant que vient de paraître

le très bel _ et riche _ album

La Chaîne de création Lucien Durosoir – Aitor de Mendizabal 1919 – 2019

aux Éditions FRAction,

y est accessible,

aux pages 64 à 69,

l’article que je viens de consacrer à ma découverte enthousiaste, au printemps 2008, 

du CD Alpha 125  des Quatuors à cordes de Lucien Durosoir.

Cf mon article du 4 juillet 2008 :

Voici cet article récapitulatif daté du 6 janvier 2019 : 

L’Aventure d’une oreille : la découverte du « continent Durosoir »

Durosoir. Lucien Durosoir.

Quand m’est parvenu, en 2005, le CD Alpha 105 de Musique et violon de Lucien Durosoir, par Geneviève Laurenceau et Lorène de Ratuld,
le nom de Durosoir déjà me parlait : j’avais contacté la musicologue Georgie Durosoir, en 1994, au moment de mes travaux de recherche à propos de « Jean de La Fontaine et la musique », puisque, conseiller artistique de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne, je travaillais à la préparation d’un programme de concert _ pour l’année 1995 du Tricentenaire du décès du poète _  et de disque (paru chez EMI au printemps 1996), et procédais, le premier depuis 1920 environ, à de telles recherches, et découvertes : telle, ce qui demeurait de musique (et chant) d’un petit opéra dont le livret était de Jean de La Fontaine, et la musique de Marc-Antoine Charpentier, Les Amours d’Acis et Galatée, donné en 1678 à Paris _ comme je le retrouvais _ ; sans que quiconque depuis cette époque ait pensé à réunir les noms du librettiste et du compositeur, pour une œuvre musicale disparue _ suite à un vol à la Bibliothèque Nationale, au XIXe siècle _ des manuscrits de musique personnels conservés de Charpentier ; et un livret dont La Fontaine affirmait, en en publiant le début, qu’il n’avait été ni achevé, ni mis en musique !
Mais mon grand choc musical survint _ et l’aventure de mon oreille de mélomane passionné se déclencha _ début juillet 2008, dès ma toute première écoute d’un second CD Alpha consacré au compositeur Lucien Durosoir : le CD Alpha 125 de ses trois Quatuors à cordes (de 1920, 1922 et 1924).
Dès cette première écoute, subjuguante, j’eus la sensation d’aborder et toucher ici un immense continent, vierge et luxuriant, succulemment puissant.
Et j’en fis part tout aussitôt à mon ami le producteur des disques Alpha, Jean-Paul Combet ; en le priant de bien vouloir communiquer l’article de mon blog à Georgie Durosoir. Une amitié profonde et fidèle en naquit avec Luc et Georgie Durosoir, fortifiée par les approfondissements ultérieurs de mon écoute de presque tout l’œuvre de Lucien Durosoir, au disque _ au fur et à mesure des enregistrements _ et aussi au concert.
Ainsi voici un extrait de l’article de mon blog En cherchant bien Musique d’après la guerre, que je consacrais à la découverte de ce CD _ et de cette musique _ des 3 Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, le 4 juillet 2008 :
« Les trois Quatuors à cordes de Lucien Durosoir constituent, sous la forme d’un CD interprété, et avec quelle intensité, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125), une sorte d’urgence musicale rare pour qui ne craint pas de se laisser toucher et emporter profond et fort par la beauté somptueuse et « d’absolue nécessité » de la musique ; urgence musicale, donc, et d’abord d’écoute, pour nous « amateurs » de musique, que je me fais un devoir de signaler ici en priorité : d’un CD qui nous fait rien moins qu’accéder _ ou accoster, mais (de même qu’existent, cousines des « bouteilles à la mer« , des « bouteilles à la terre » et des « bouteilles aux cendres »celles d’un Yitskhok Katzenelson, au Camp de Vittel, et celles d’un Zalman Gradowski, à Auschwitz) ; accoster, donc, mais on ne peut plus terriennement _ à « tout un continent musical » _ rien moins !oublié, négligé  inédit au disque, comme au concert, comme en éditions en partitions ! et dans tous les sens du terme : proprement inouï !). ».
Et ces sensations de toucher et explorer un immense continent (musical) se renouvelèrent lors de la sortie des deux CDs suivants : le CD Alpha 164, Jouvence, en août 2010 ; et le CD Alpha 175, Le Balcon, en janvier 2011, ainsi qu’en témoignent à nouveau les articles de mon blog :
_ Le Continent Durosoir :
« C’est le tissu complexe, chatoyant de la diaprure tout en souplesse de ses richesses et finesses multiples, des grandes pièces que sont la Fantaisie Jouvence (de 20’55, en 1921) et le Quintette pour piano et cordes (de 24’35, en 1925)et la force et la vie _ et l’humour aussi : il a quelque chose du rire de Voltaire ! de leur flux, et de leurs impulsions et rebonds, qui ravissent et emportent la jubilation de l’auditeur, par la richesse et la densité, toujours élégante et sans lourdeur, jamais, de ces œuvres si vivantes ! » ;
_ puis Les Beautés inouïes du continent Durosoir :
« À l’écriture _ cf mon (tout premier) article du 4 juillet 2008 : Musique d’après la guerre _ de ma première écoute _ complètement subjuguée par l’intensité et retentissement si bouleversant du sentiment de beauté éprouvé !!! _ du CD Alpha 125 _ Lucien Durosoir : Quatuors à cordes  _,

l’expression de « continent » _ pour désigner cette musique qui se découvrait alors combien splendidement ! m’était venue d’elle-même à l’esprit, tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte de la force : d’une évidence subjuguante, en sa puissance renversante à la fois de vérité, et de beauté sublime (j’ose ici l’oxymore !) : une rencontre de ressenti musical éprouvé somptueux, appelée, sans nul doute, à des « suites« : celles d’autres découvertes encore, et renouvelées, d’œuvres se surpassant les unes les autres ; des « suites« de sidération de beauté comme promises, en des promesses virtuelles qui seraient immanquablement tenues (et c’est le cas !) : par la générosité créatrice comme à profusion (et parfaitement fiable en sa force ! voilà ce qui est désormais parfaitement avéré ! avec Jouvence, in le CD Alpha 164) et maintenant Le Balcon, in le CD Alpha 175) du compositeur Lucien Durosoir, en son œuvrer, juste (mais impeccablement !) déposé sur le papier et laissé « au tiroir«  (ou, plutôt,  « dans une armoire« : cf ce qu’en a dit son ami Paul Loyonnet, en ses Mémoires : Lucien Durosoir « avait la plus entière confiance dans sa musique, et m’écrivit qu’il mettait, à l’instar de Bach, ses œuvres dans une armoire, et qu’on la découvrirait plus tard« …) : comme en certitude tranquille d’être, quelque jour, posthume même (et probablement …), sonorement enfin « joué« ; Lucien Durosoir (1878-1955) n’avait pas l’impatience, et tout particulièrement après ce à quoi il avait survécu lors de la Grande Guerre !, de la reconnaissance mondaine ! encore moins immédiate, ni rapide ! : la plénitude des œuvres parfaitement achevées (par ses soins purement musicaux : quel luxe !), suffisant à le combler !.Durosoir, donc, en son œuvrer, « tient«  mille fois plus qu’il n’a pu paraître, à son insu même, bien sûr !« promettre«  !.. Quel prodige !) ;

 l’expression de « continent« , donc, m’était très spontanément venue à l’esprit, tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte de la force de puissance et intensité de mon sentiment d’ »aborder » une formidable terra incognita (de musique : inouïe !) à dimension d’immensité profuse (= tout un univers !) :

pas un petit « territoire« , pas quelque « canton » adjacent et adventice, ni quelque nouvelle « province » vaguement subalterne, voire anecdotique _ si j’osais pareils qualificatifs inadéquats _ à gentiment abouter au « massif » bien en place de la musique française, ou de la musique du XXème siècle ou/et les deux _ ni même quelque « pays« , de plus notables dimensions ; non ! rien moins qu’un « continent » ! une Australie (mais d’ici ! : simplement inouïeet inimaginée de nous !..) immense ! et cela, au sein, donc, de la plus _ et meilleure _ « musique française« , qui soit ; et de la plus _ et meilleure _ « musique du XXème siècle« , qui soit ! aussi… Rien moins ! Mais qui d’un coup venait  « dépayser«  tout le reste… Charge à tous les « rencontreurs » par ces CDs, déjà ; ou par les concerts donnés de ces œuvres… de ces musiques de Lucien Durosoir, d’y « faire« , chacun, peu à peu _ mais ça vient ! CD après CD ! Concert après concert… _ « son oreille » : encore toute bousculée de ce qui s’y découvrait,  et ayant à « reprendre tous (ou enfin presque…) ses esprits«,  s’ébrouant de la surprise un peu affolante du « dépaysement » de l’inouï de telles « expériences » d’audition d’œuvres : et si merveilleusement idiosyncrasiques, et à un tel degré confondant ! _ de finition, « dominées« … 

De fait, audition de CD après audition de CD _ et en les renouvelant ! _il faut bien convenir, maintenant, après le CD Jouvence et avec ce CD Le Balcon, écrivais-je en janvier 2011, que les œuvres de Lucien Durosoir que nous « rencontrons« _ soient, 28 à ce jour, réparties en 4 CDs, alors ne sont, et aucune _ pas la moindre, même ! certes pas, ni jamais _ interchangeables, ou « équivalentes« mais se révèlent, à notre écoute, encore, à nouveau, et chaque fois, et pour chacune d’elles, en leur « unicité« , singulières _ quelle puissance de surprise ainsi renouvelée ! _toutes :  tout aussi surprenantes et subjuguantes !

De cela, j’ai eu l’intuition étrangement intense rien qu’à comparer, déjà, entre eux, les trois quatuors, de 1919, 1922 et 1934, dans le CD Alpha 125 des Quatuors à cordes de Lucien Durosoir…

Comme si le génie musical singulier de Lucien Durosoir disposaitet avec quelle aisance ! et quelle force d’évidence ! _ de la puissance _ somptueuse ! _ de la diversité dans une fondamentale unité : le mélomaneface à de tels tourbillons (dominés) de musique le saisissant _ parvient peu à peu il lui faut d’abord « recevoir«  (et « accuser le coup«  de…) la force considérable (et assez peu fréquente) de cette musique inouïe ! afin de se mettre, lui, le « receveur«  de (= « invité«  à) cette musique, à sa hauteur, en cette « réception« singulière… _ à dégager la profondeur de cette capacité durosoirienne _ de diversité dans l’unité, en toute la force et l’étendue de sa rare puissance _ beethovenienne ? en tout cas, assez peu exprimée comme ainsi et à ce degré-ci, dans tout ce qu’a pu donner jusqualors le génie français… _disque après disque ! et œuvre après œuvre !..

C’est maintenant plus que manifeste avec ce quatrième CD, Le Balcon ».

Bien sûr, ces impressions d’écoutes discographiques, mais aussi de concerts, se sont confirmées et amplifiées en mon double travail de contribution au colloque du Palazzetto Bru-Zane à Venise les 19 et 20 février 2011, Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955) ; je veux dire Une Poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 _ la singularité Durosoir ; et La Poésie inspiratrice de loeuvre musical de Lucien Durosoir : Romantiques, Parnassiens, Symbolistes, Modernes .
En voici les résumés, assez parlants :
Approcher l’idiosyncrasie de l’art de Lucien Durosoir oblige à interroger les raisons de sa singularité, et mettre à jour les tenants et aboutissants de cet œuvre et du génie de son auteur (1878-1955). Déployée au sortir de la Grande Guerre vécue sur le front dans les tranchées les cinq ans de 1914 à 1918, et après le sas d’exercices de préparation intensifs tout l’an 1919, la composition de Lucien Durosoir s’accomplit avec une immédiate sidérante maturité comme hors contexte d’écoles, tellement les influences de départ sont transmuées en un tout puissant et une forme achevée d’œuvre. Non seulement l’homme a un fort tempérament, et le virtuose du violon qu’il fut de 1897 à 1914 par l’Europe entière, une immense culture musicale, mais l’épreuve sauvage de la Grande Guerre fixe – et pour toujours : de 1919 à 1950 – la plus haute ambition artistique qui soit à sa création : une venue à « l’essentiel », et par une poétique musicale en symbiose avec la création-figuration des poètes reçue en exemple-modèle d’une poiêsis donnant accès à l’être même du réel. Non pas selon quelque Idéal du moi de type romantique, mais selon un Idéal d’œuvre à dimension – ontologique – de monde, à l’exemple thaumaturgique d’un Leconte de Lisle en poésie. Et, après une fabuleuse première moisson de « fruits mûrs » les années 1920-21-22, ce sera dans une dynamique de grandeur en expansion, à son acmé œuvre après œuvre jusqu’en 1934, et dans une logique de modernité exigeante, audacieuse en même temps que sereine, soucieuse – à la façon d’un Paul Valéry en sa poésie comme en sa Poétique – de la clarté de ses formes et flux, jamais inchoative : moderne sans modernisme.
Et 
L’œuvre musical de Lucien Durosoir est en dialogue permanent et fondamental avec la poésie : pas seulement parce que la poésie – essentiellement celle de la seconde moitié du XIXe siècle – est, au plus haut des Arts, référence et modèle ; mais parce que la poésie est matrice même de sa création : un pôle consubstantiel du déploiement du discours musical. Un tel transfert d’imageance se révèle dès les intitulations des pièces de musique d’après des poèmes ; mais encore dans les vers placés en exergue des partitions, continuant ce dialogue. Et cela, alors que le compositeur répugne au genre de la mélodie, en déficience d’imageance musicale pour lui. Historiquement, entre les courants romantique, parnassien, symboliste et moderne de la poésie dont il est le contemporain, la préférence de Lucien Durosoir va, et avec fidélité, au modèle et idéal d’œuvre parnassien, dans la version de Leconte de Lisle surtout, tant sur un plan formel qu’ontologique. Avec aussi la fréquence de références thématiques à la Grèce, celle de Sophocle, Théocrite, Chénier, et Moréas. Ainsi que l’accomplissement, œuvre après œuvre, en la chair de la musique, d’une singulière puissante dynamique serpentine, au service du rendu le plus sensuel des forces de la vie. Et cela jusque dans le rapport de Lucien Durosoir aux œuvres de Baudelaire et Rimbaud. En même temps que, et alors que rien ne s’y réfère aux poètes du modernisme, selon la voie sereinement audacieuse d’une vraie modernité musicale, parfaitement libre, ouverte et renouvelée avec constance au fil des œuvres, magnifique en sa dense clarté d’affirmation. 
Et il me faut ajouter que l’admiration que je porte à la musique de Lucien Durosoir est redoublée par l’admiration que je porte à sa personne.
De cet homme peu ordinaire est née une oeuvre extraordinaire, d’une puissance de beauté et justesse rare, qui nous comble.
Francis Lippa, le 6 janvier 2019


Ce mercredi 8 mai 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa
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