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Comparer deux interprétations de la Suite pour orchestre n° 2 en si mineur BWV 1067 de Johann-Sebastian Bach : par d’une part The Orchestra of the Eighteenth Century, en 2021, et d’autre part Les Muffatti, en 2023…

30mar

Le vif plaisir éprouvé à l’écoute toute récente du CD Glossa GCD 921134 « Carl-Philipp-Emanuel Bach – The Hamburger Symphonies Wq 182 » par le décidément toujours épatant Orchestra of the Eighteenth Century _ cf mon article «  » du 17 mars dernier _, m’a conduit à commander très vite les dernières réalisations de cet orchestre, dont le CD Glossa GCD 921130 « The Hidden Reunion« …

Or ce CD comporte notamment la « Suite pour orchestre en si mineur n° 2 BWV 1067 » de Johann-Sebastian Bach.

Et il se trouve que mes disquaires préférés m’ont chaudement recommandé le CD Ramée RAM 2301 « Bach Triple » réalisé par Les Muffatti ; lequel CD se trouve comporter cette même « Suite pour orchestre en si mineur n° 2 BWV 1067 » de Johann-Sebastian Bach…

De fait, la comparaison de ces deux interprétations, la première enregistrée au mois d’août 2021, et la seconde au mois de mai 2023, se proposait donc à moi.

Eh bien ! la première, par un ensemble de 25 musiciens _ avec Marc Destrubé, au violon concertmaster _, s’impose d’elle-même, par sa vie, sa fluidité, son élégance et sa joie pure _ la toute simple évidence du bonheur de se retrouver afin de jouer ensemble ; écoutez-en ici la Badinerie finale… _, sur la seconde, plus lourde et même triste, par un ensemble pourtant de 15 musiciens seulement…

Et dans le n° 732 de ce mois d’avril 2024 du magazine Diapason, chroniquant ce CD Ramée « Bach Triple » des Muffatti, à la page 73, Loïc Chahine déclare ceci, à propos spécialement de leur interprétation _ regardez-ici cette vidéo de la Polonaise _ de cette Suite en si mineur :

« Tout augurait du meilleur. Il faut pourtant passer sur une Suite en si mineur décevante – lecture assez scolaire, en mal d’imagination : écoutez le Rondeau, systématique, la Badinerie plus vainement agitée que badine. La flûte, curieusement paraît plus d’une fois à la peine.« 

Et c’est là exactement ce que j’ai moi aussi éprouvé.

Dans ce CD Ramée RAM 2301 « Bach Triple » des Muffatti, comme l’estime lui aussi en son article de Diapason Loïc Chahine, c’est bien le triple Concerto pour Traverso, Violon, Clavecin, Cordes  et Basse Continue en la mineur BWV 1044, qui fait l’intérêt majeur de cet enregistrement de l’Ensemble des Muffatti, avec Frank Theuns, au Traverso, Sophie Gent, au violon et Bertrand Cuiller au clavecin ; 

et c’est fort justement que Loïc Chahine parle à propos de cette œuvre-ci de Bach « d’un impérieux sens du tragique« , et à propos de son interprétation en ce CD des Muffatti, de « sommet de l’album » :

« À son meilleur, l’orchestre déploie des teintes sombres, inquiétantes dans le redoutable BWV 1044, et alimente un dialogue soutenu. Carl-Philipp-Emanuel Bach n’est pas loin, comme en témoigne l’allure empfindsam de l’Adagio ma non tanto e dolce auquel le violon de Gent , presque « altisant », confère une couleur automnale très en rapport avec les cieux tourmentés des deux autres mouvements. Sommet de l’album, distillant mystères et angoisses, cette version offre une alternative de choix à celle, plus vive, du Café Zimmermann (Alpha)« . C’est fort bien vu.

Et pour ma part,

à ce programme choisi par Les Muffatti comportant cette « Suite pour orchestre en si mineur n°2 BWV 1067 » de Johann-Sebastian Bach,  je préfère l’esprit bien plus ludique, fluide et heureux de naturel animant le choix du programme, comme de l’interprétation, du CD « The Hidden Reunion » de l’Orchestra of the Eighteenth Century _ heureux tout simplement de se retrouver pour jouer de nouveau ensemble après les confinements de l’épidémie de Covid… _,

associant, lui, à cette belle « Suite n°2 BWV 1067« , ainsi qu’au « Concerto brandebourgeois n° 6 BWV 1051« , de Johann-Sebastian Bach, la lumineuse et tendre « Suite pour viole de gambe et cordes en ré majeur TWV 55:D6  » de _ l’heureux de tempérament ! _ Georg-Philipp Telemann _ le parrain de Carl-Philip-Emanuel Bach, dont Georg-Philipp fera l’héritier de son poste à Hambourg… _,

un Telemann jamais aussi épanoui et splendide que dans ses inventives et généreuses Suites pour orchestre, d’esprit de civilisation ludique et accompli, en douceur et naturel, si français…

Dont acte.

Ce samedi 30 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le charme vraiment prenant de la tendresse Porpora : le merveilleux CD « Salve Regina » des Muffatti, et le contreténor Clint van der Linde, chez Ramée

06juin

Dans la continuité _ et la frustation _ de mon article «  » du 3 juin dernier à propos de ce qui manque maintenant dans la discographie accessible de Nicola Porpora (1686 – 1768),

je suis tombé sur un admirable CD Ramée RAM 2102, paru le 24 mars 2022, par l’excellent contre-ténor sud-africain Clint van der Linde et l’Ensemble Les Muffati, intitulé « Salve Regina – Motets by Hasse and Porpora« ,

comportant, entre autres, un sublime « Salve Regina » de Nicola Porpora _ quelle merveilleuse tendresse ! _ composé en 1630, et dédié par Porpora à la cantatrice Zabetta, Elizabetta Mantovani, mezzo-soprano, pensionnaire à l’Ospedale degli Incurabili, à Venise :

un admirable motet au charme fou d’une tendresse, oui, sublime.

Lire aussi cette récente recensiondécouverte après l’audition du CD, et assez neutre poour une fois… _ de Christophe Steyne, sur le site de Crescendo, en date du 11 mars 2023, intitulée (sic) « Le Salve Regina et l’italianisme à l’heure baroque : deux nouvelles parutions » :

Le Salve Regina et l’italianisme à l’heure baroque, deux nouvelles parutions

LE 11 MARS 2023 par Christophe Steyne

Salve Regina, motets by Hasse & Porpora.

Johann Adolph Hasse (1699-1783) : Hostes Averni ; Alma redemptoris Mater.

Nicola Porpora(1686-1768) : Salve Regina ; Nisi Dominus.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour cordes en sol mineur et en fa majeur RV 154 et 136.

Clint van der Linde, contreténor.

Les Muffatti.

Livret en anglais, allemand, français (paroles en latin et traduction en anglais).

Mars 2021.

TT 68’54.

Ramée RAM 2102

Salve Regina.

George Frideric Haendel (1685-1759) : Adagio-Allegro [The Lord is my Light HWV 255], Presto [Acis & Galatea HWV 49]. Salve Regina HWV 241. Praise the Lord with cheerful voice [Esther HWV 50]. Gloria HWV deest. Silete Venti HWV 242. Tu del Ciel ministro electo [Il Trionfo del tempo HWV 46a].

Julie Roset, soprano.

Leonardo García Alarcón,

Millenium Orchestra.

Livret en anglais, français, allemand (paroles en anglais, latin et italien, traduction en anglais et français).

Septembre 2021.

TT 73’49.

Ricercar RIC 442

Le Grand Tour du jeune Anversois Corneille-Jean-Marie van den Branden (1690-1761) stimule ce disque qui nous propose des inédits, dont un en lien avec les archives de l’archevêché de Malines, dépositaire de manuscrits légués par ce Seigneur de Reeth. Parmi ces découvertes, le Nisi Dominus écrit dans les années 1710 par Nicola Porpora, dont le CD invite aussi le Salve Regina en fa majeur dédié à Zabetta, célèbre contralto pensionnaire de l’Ospedale degli Incurabili à Venise. L’autre figure de ce récital est un élève et rival du compositeur napolitain, qui comme lui connut une carrière nomade, et qui lui succéda d’ailleurs comme maître de chapelle dans cet Ospedale : Johann Adolph Hasse, émané de la Cour de Brunswick-Lunebourg. Au sein de son important catalogue lyrique, voici Alma redemptoris Mater qui se rattache à la célébration mariale, et Hostes Averni dans sa version conservée au Conservatoire de Bruxelles, une des douze sources identifiées pour ce motet et qui reçoit ici son tout premier enregistrement.

Dans sa notice, Clint van der Linde nous explique avoir choisi de présenter ces quatre œuvres sacrées en commençant par les plus graves pour terminer avec les plus aiguës, les plus dramatiques. La voix mixte est garante de la variété des couleurs sur l’ambitus. La manière italianisante, aux portes du style galant, se voit traitée en respectant la veine tantôt opératique (le Hostes Averni ornementé dans le da capo), tantôt introvertie. En privilégiant « les grands arcs d’expression plutôt que se limiter au détail », le contreténor s’offre une vocalisation ample et un souffle contrôlé, que ce soit dans le trait ciselé ou les phrases étirées. Pour faire bonne mesure, le CD est complété par deux brefs concertos de Vivaldi, que Van den Branden rencontra en toute modestie dans les ruelles de la cité sérénissime : les archets de l’ensemble Muffatti abordent ces intermèdes avec une palette moelleuse, tout à l’image d’une prestation vocale très léchée.

Le Salve Regina, mais pas que. Cette anthologie toute vouée au Care Sassone s’entend comme un tribut à la période italienne de Haendel (1706-1710) mais aussi plus largement comme « une transposition musicale des mille et une facettes de la psychologie humaine » et une valorisation d’un art sans pareil « de la mélodie dédiée à la voix », nous dit la notice signée de Marc Maréchal. Introduite par un concert instrumental emprunté à la Bibliothèque d’Uppsala (un assemblage tiré d’un anthem et d’un Masque), et guidé par l’inspiration au long cours du Millenium Orchestra qui semblerait prêt à avaler un opéra, le récital aligne l’antienne mariale, un extrait de l’oratorio Il Trionfo del tempo, et ce Gloria de paternité douteuse avant son authentification par le professeur Joachim Marx. On y apprécie les vocalises agiles de Julie Roset (Quoniam tu solus sanctus, où Leonardo García Alarcón ronge le frein), tandis que le Salve Regina montre une voix studieuse, blême et sans couleur, au galbe tendu et pour tout dire peu flatteur, rétif à la tendresse du sujet.

Ce timbre monochrome s’assouplit et s’enrichit néanmoins dans le chant de louange Praise the Lord with cheerful voice agrémenté de l’éloquente harpe de Marie Bournisien. Quand Esther fut représenté au King’s Theatre en 1732, le compositeur était déjà retourné en Italie : c’est certainement là, parti recruter des solistes pour la scène londonienne, qu’il rédigea son Silete Venti, pièce principale de ce CD (une petite demi-heure). Après la Symphonia enfiévrée par l’orchestre, on peut apprécier la saine ventilation et le registre lumineux de la soprano, qui exploite sa voix comme un ductile instrument, presque indifférent au texte. Au-delà du brio, l’italianisme ne s’accommoderait-il d’une expression moins droite, qui ne semble là que pour poser des notes, si maitrisées soient-elles jusque dans les cimes (la conclusion du Dulcis amor Jesu) ? Dommage que l’ensemble de ce motet ne soit à l’image du « Surgent venti », où Julie Roset semble enfin prête à fendre l’armure pour ces vents qui se lèvent.

Ramée = Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Ricercar = Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 7

Christophe Steyne

 

Une merveille de CD…

 Ce mardi 6 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Comparer les divers enregistrements discographiques de l' »Armonico Tributo » (de 1682) de Georg Muffat (Megève, 1653 – Passau, 1704)

09avr

C’est la toute récente _ superbe ! _ sortie discographique de l’enregistrement, pour le label Berlin Classics, de l' »Armonico Tributo » (de 1682), de Georg Muffat (Megève, 1er juin 1653 – Passau, 23 février 1704),

une œuvre que j’aime beaucoup,

qui m’a incité à comparer cette nouvelle réalisation, pour le label Berlin Classics (enregistrée en août 2020 à Copenhague), de Lars-Ulrik Mortensen dirigeant son Concerto Copenhagen,

avec les versions antérieures (en 1981, 1992, 1995, 2000 et 2005) dont est riche ma discothèque personnelle :

celle, pour le label Hyperion, de Roy Goodman et Peter Holman, à la tête de The Parley of Instruments (enregistrée à Londres, en 1981) ;

celle, pour le label MDG, de Andrew Manze, dirigeant La Stravaganza Köln (enregistrée à Neuss-Hoisten, en 1992) ;

celle, pour le label Harmonia Mundi, de Chiara Bianchini et Jesper Christensen, à la tête de l’Ensemble 415 (enregistrée en 1995) ;

celle, pour le label Symphonia, de Gunar Letzbor, dirigeant son Ars Antiqua Austria (enregistrée à Calci, en 2000) ;

et celle, pour le label Ramée, de Peter Van Heyghen, à la tête de son Ensemble Les Muffatti (enregistrée à Tourinnes-la-Grosse, en   2005).

 

Ce samedi 9 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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