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L’apport de la photographie à l’histoire : « Toulouse et la Haute-Garonne dans la guerre » de José Cubero

06nov

Certains des précédents ouvrages de José Cubero, tels son magnifique (et très riche) La Résistance à Toulouse et dans la Région 4 (aux Éditions Sud-Ouest, en 2005), ou son passionnant Les Républicains espagnols (en sa réédition de 2013 aux Éditions Cairn), se signalaient déjà par un très remarquable souci de documentation photographique à l’appui ou en complément du texte : je m’en étais fait la remarque…

Or voici qu’aujourd’hui nous parvient un superbe ouvrage de grand format, cette fois-ci, appuyé pour l’essentiel sur deux magnifiques fonds photographiques _ artistiques, aussi ! _ toulousains : celui de Germaine Chaumel (22-11-1895 – 12-4-1982) et celui de Jean Dieuzaide (20-6-1921 – 18-9-2003) :

Toulouse et la Haute-Garonne dans la guerre, aux Éditions Cairn.

Il n’est que le comparer avec le remarquable et très riche (et passionnant…) travail de documentation photographique, mais brut, lui,

qu’avait réalisé Michel Goubet dans un ouvrage au titre quasi homonyme, en 1987, aux Éditions Horvath : Toulouse et la Haute-Garonne dans la guerre 1939-1945 _ la vie quotidienne en images.

Les deux-tiers des photographies que propose ici aujourd’hui l’ouvrage de José Cubero, paru ce mois de novembre 2013 aux Éditions Cairn, à Pau, proviennent de la collection d’une remarque artiste, Germaine Chaumel _ c’est ici une importante découverte pour la plupart d’entre nous ! _ ; avec un complément (copieux) du jeune Jean Dieuzaide, pour ce qui concerne le moment de la Libération de Toulouse, au mois d’août 1944 ; ainsi que quelques autres encore, Jean Ribière, Gril, etc.

En plus du texte de présentation de la Quatrième de couverture, que je retranscris ici in extenso, car il exprime excellemment le propos maîtrisé de ce très beau livre :

« Trop durablement méconnu, le fonds Germaine Chaumel constitué de milliers de photographies nous invite à retrouver la vie quotidienne _ voilà _ à Toulouse et dans la Haute-Garonne pendant les « années noires ». Accréditée à partir de 1935 par des journaux régionaux et nationaux, puis internationaux à partir de 1938, dont le New York Times, Germaine nous fait vivre de l’intérieur _ mais oui ! avec une très intense qualité d’attention _ la dureté des temps, les privations, la hantise du ravitaillement, la rigueur des hivers. Mais elle révèle aussi des aspects que la mémoire collective a parfois voulu oublier.

Son regard _ sur des regards _ traduit la détresse des réfugiés, quels qu’ils soient, la tristesse et le deuil portés par la défaite. Elle capte les regards, les attitudes _ voilà. Mais elle dévoile aussi les nouveaux rituels qui expriment la volonté de Vichy d’encadrer la population : serments répétés, défilés incessants, manifestations de loyalisme à la personne de Pétain _ cf ^par exemple la terrible naïveté des regards de la famille pétainiste de la photo page 132…

Bien sûr, elle aussi est présente avec son Rolleiflex lors de la libération de Toulouse au moment où le jeune Jean Dieuzaide réalise son véritable premier reportage photographique. C’est alors que les Toulousains découvrent les résistants sortis des maquis ou de la clandestinité.

Germaine et Jean, chacun de son côté, les fixent à jamais _ pour nous qui pourrons ainsi revenir à loisir désormais les regarder _ sur la pellicule. Leurs visages sont dès lors, tout au moins pour certains _ les autres avaient déjà été éliminés ! _, devenus familiers.

Avant leur sortie de l’ombre, les résistants, clandestins mais poursuivis et durement _ souvent sauvagement même… _ réprimés, tant par Vichy que par l’occupant, sont donc des anonymes _ et invisibles. Pour respecter la logique de l’ouvrage fondée sur un dialogue constant _ voilà ! _ entre la photographie et le texte, il a fallu évoquer l’organisation de la Résistance par le recours _ souvent mince, ou pauvre ; avec  tant de photos qui , et pour cause, n’ont pas pu exister !.. _ à d’autres fonds relevant d’archives publiques et privées »,

l’Avant-Propos de José Cubero, pages 16 à 19, précise et cerne parfaitement le propos plus spécifiquement historien-historique de ce très bel ouvrage d’Histoire et de photographie, très intelligemment et comme amoureusement entremêlées ;

j’y relève plus particulièrement ceci  :

« Toulouse fut l’une _ avec Lyon et Marseille _ des grandes capitales de la Résistance. Précocement, des homme et des femmes, dans les mouvements et dans les réseaux, se dressèrent contre Vichy, puis _ à partir du 11 novembre 1942 et l’invasion de la zone Sud par les Allemands _ contre l’occupant. (…)

Mais l’histoire de Toulouse n’est pas seulement celle du refus, refus de la défaite, refus de Vichy, refus de l’Occupation et du nazisme. Elle s’inscrit aussi dans ces années noires dominées par la tyrannie _ rude _ du quotidien pendant que le nouveau régime, une _ sinistre _ dictature réactionnaire _ à la façon de celle de Salazar, au Portugal ; cf page 99, la significative présence d’un ministre portugais, Caeiro da Matta, accompagnant le secrétaire d’État à l’Éducation et ministre de la Jeunesse, Jérome Carcopino, lors d’un rassemblement scout, le 1er mars 1942 _, qui entend _ dès le 11 juillet 1940 _ effacer toute tradition républicaine, tente de se faire accepter tout en collaborant avec le vainqueur du moment.

La photographie devient alors un témoin aujourd’hui _ en effet historiquement _ irremplaçable. Germaine Chaumel, la première femme reporter de Toulouse, avec son regard humaniste, nous dévoile un temps observé « par en bas ». Les séparations, lors de la déclaration de guerre _ cf la trés belle photo d’adieu d’un couple sur le quai de la gare Matabiau, pages 44-45 _, ont lieu dans l’intimité, une intimité dévoilée _ et montrée, en sa dimension tragique _, ou dans une convivialité de circonstance _ cf page 43, la photo des deux soldats dans une cantine, avant leur départ, ou lors d’une permission, précise la légende. Les visages _ toujours les visages ! _ des réfugiés, espagnols dès 1938, puis belges et français originaires du Nord, expriment la lassitude, l’épuisement et la détresse. Les queues qui se forment devant les magasins ou les points de distribution de l’aide du Secours national disent l’ampleur des pénuries qui frappent toute la population. Les rues enneigées, les fontaines publiques et la Garonne prises par les glaces rappellent la dureté des hivers sans chauffage _ et il n’y a pas eu de photos de ce qui se passait ces terribles hivers-là dans les camps de Haute-Garonne : à Noé, au Récébédou, à Clairfont… Les manifestations publiques et les visites « du Maréchal » _ copieusement documentées, elle, par Germaine Chaumel _, en rassemblant les foules, traduisent la volonté du régime de contrôler les esprits _ une forme d’organisation de l’opinion qui perdurera par la suite de la part de certains politiques ; Charles de Gaulle n’est sans doute pas pour rien le filleul de Philippe Pétain ; on lira aussi avec profit, pour l’épisode de la visite du général de Gaulle à Toulouse, les 16 et 17 septembre 1944, les éclairants témoignages de Pierre Bertaux et Serge Ravanel (La Libération de Toulouse et de sa région, aux Éditions Hachette en 1973, pour Pierre Bertaux ; et L’Esprit de résistance, aux Éditions du Seuil, en 1995, pour Serge Ravanel)…

Pourtant, la répression menée par les tribunaux de Vichy contre les résistants débouche, à partir de 1942 et en particulier avec l’exécution de Marcel Langer, sur une véritable guerre civile qui s’élargit en actes de guerre contre l’occupant. Et si Germaine Chaumel montre relativement peu _ en effet _ la présence allemande effective avec l’invasion de la zone Sud le 11 novembre 1942, elle vise juste avec en particulier deux clichés qui disent le traumatisme d’une région qui, depuis la campagne de Wellington en 1914, n’avait pas connu d’invasion ou d’occupation étrangère. Les deux soldats de la Wermacht devant le Capitole _ page 223 _ provoquent toujours un choc ; et des officiers allemands, saluant dans un stade aux côtés des représentants officiels du régime de Vichy _ page 225 _, traduisent la réalité de la collaboration.

Ce fonds photographique, fondamental pour cette période, est complété par les collections des Archives municipales avec les fonds Ribière et Gril, du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation, de la Dépêche, et par les clichés que Jean Dieuzaide consacra à son premier reportage, lors de la libération de la ville.

Mais, bien que certaines de ces photographies semblent nous livrer d’emblée leur signification _ défilés, manifestation, arrivée des résistants, hommage dû aux morts, visite de De Gaulle _, toutes nécessitent une contextualisation _ oui ! et c’est bien là la tâche essentielle de l’historien _ qui éclaire _ pour nous lecteurs d’aujourd’hui _ la complexité _ à démêler, et mieux comprendre, en quelques uns, les principaux, du moins, de ses tenants et aboutissants… _ de cette période faite de difficultés, de souffrances, mais aussi d’espoir. Une contextualisation d’autant plus nécessaire que la Résistance, clandestine, ne s’est pas offerte _ elle : et pour cause ! _  en spectacle et n’apparaît donc au grand jour qu’après le 6 juin 1944, voire à Toulouse _ même _ lors des combats de la Libération

_ quand, sur l’ordre d’Hitler, les Allemands quittent précipitamment tout le Sud, au lendemain du débarquement des troupes alliées en Provence le 15 août ! « Au soir du 15 août 1944, le débarquement des Alliés en Provence a déjà mis les Allemands en difficulté, car après la percée d’Avranches en Normandie, ils ne peuvent tenir deux lignes de défense. Comme leur commandement avait envisagé un débarquement sur le littoral méditerranéen à l’ouest du Rhône, des troupes importantes, le groupe d’armées G avec la 11e division blindée, sont massées dans le grand Sud-Ouest. Aussi, dès le 16, Hitler donne-t-il l’ordre de repli (…). « La décision fut extrêmement pénible pour Hitler. Les fruits de la victoire en 1940 étaient perdus. » Cet ordre de repli, immédiatement exécutoire, n’arrive que le 17 août à 11 heures 45 à Pierrelatte, le poste de commandement du groupe d’armées G du général Blaskowitz. Celui-ci a déjà alors quitté Rouffiac, son quartier général qui se trouvait à huit kilomètres au nord-est de Toulouse. Dans le Midi toulousain, l’état-major principal de liaison de Toulouse doit organiser le départ des troupes qui, par Carcassonne, Narbonne, Montpellier et la vallée du Rhône, se concentreront ensuite à Dijon. (…) A Dijon, Blaskowitz installe son poste de commandement dès le 23 août.« , explique José Cubero pages 250-251 ; fin de l’incise.

Le texte prend alors provisoirement le pas sur l’image, car la nécessité s’impose de présenter _ assez en détail ; et sans de « belles »  photographies de Germaine Chaumel ou de Jean Dieuzaide _ les mouvements et les réseaux à travers quelques portraits _ écrits seulement, par conséquent ; avec seulement quelques pauvres photos d’identité… _ de dirigeants, toulousains comme François Verdier, Raymond Naves ou Marie-Louise Dissard, réfugiés comme Francisco Ponzán ou Marcel Langer, repliés et nommés à Toulouse à des titre divers comme Pierre Bertaux, Jean Cassou, Jean-Pierre Vernant ou Serge Ravanel. Des organisations dirigées aussi bien par des civils que par des militaires, des Français que des étrangers.

De plus, si Vichy aime s’offrir en spectacle à travers ses multiples manifestations, il tient _ sévèrement ; et pour cause ! _ occultées la réalité _ en conséquence invisible par Germaine Chaumel… _ des camps et sa complicité active dans le crime de masse de la Shoah _ ce qui ne s’avèrera que bien plus tard dans le siècle. Le film Shoah de Claude Lanzmann est présenté le 30 avril 1985 ; cf ma série d’articles de l’été 2009 (du 29 juillet au 7 septembre) à propos du Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann : de La joie sauvage de l’incarnation : l’ »être vrais ensemble » de Claude Lanzmann _ présentation I à La joie sauvage de l’incarnation : l’ »être vrais ensemble » de Claude Lanzmann _ dans l »écartèlement entre la défiguration et la permanence », « là-haut jeter le harpon » ! (VII) ; fin de l’incise.

L’ouvrage veut donner à voir des fonds photographiques que, par leur qualité intrinsèque _ artistiquement, donc… _, l’on peut considérer aujourd’hui comme patrimoniaux. Ils permettent aussi _ à l’historien _ de construire une cohérence _ c’est là tout son travail infiniment patient, tant d’analyse que de synthèse _ malgré l’enchevêtrement des faits. Car la logique thématique suivie ici, malgré quelques recoupements qui, pensons-nous, s’enrichissent par leur complémentarité, est en harmonie avec un déroulement chronologique. Un travail qui entend aussi saisir _ pour nous, lecteurs _ cette densité humaine _ oui ! et véridique ! _ faite de tensions, de privations, de peurs et de souffrances _ c’est parfaitement réussi ! _ et, en intégrant le travail de la mémoire, accomplir _ pleinement : oui ! _ un devoir _ au service de la compréhension exigeante du devenir historique _ d’histoire« …

Patronné par le Conseil Général de la Haute-Garonne, et parrainé par l’Académie des Jeux floraux de Toulouse,

ce très bel album qu’est  Toulouse et la Haute-Garonne dans la guerre de José Cubero, aux Éditions Cairn,

est ainsi à la fois un excellent et très nécessaire outil pédagogique à l’usage des jeunes générations,

et un fort beau livre sachant excellemment contextualiser de riches photographies :

afin de mieux regarder pour mieux décrypter et comprendre notre Histoire…

Titus Curiosus, ce 6 novembre 2013

 

Le diable se cache dans les détails : la fécondité des travaux de recherche de « micro-histoire »…

31août

Me consacrant, cet été 2013, à des recherches personnelles d’Histoire ultra-ciblées sur les parcours de quelques personnes, autour du camp de Gurs et du 526e Groupe de Travailleurs Étrangers (GTE) d’Oloron, en priorité,

je procède aussi à des lectures _ nécessaires et passionnantes _ notamment de « micro-histoire » concernant ce qui s’est passé là _ c’est-à-dire le piémont pyrénéen d’Oloron, la vallée d’Aspe, la vallée d’Ossau _, et, un peu plus largement, dans une large région (ce qui était la XVIIe Région, pour Vichy ; et la Région 4, pour la Résistance) ayant _ alors _ pour centre Toulouse (comportant les départements de Haute-Garonne, Ariège, Hautes-Pyrénées, Gers, Lot-et-Garonne, Lot, Tarn-et-Garonne et Tarn, ainsi que les parties des départements des Basses-Pyrénées, Landes et Gironde _ à l’exception, toutefois, des deux cantons de Sainte-Foy-la-Grande et de Pujols, rattachés, eux, au département de Dordogne, et donc devenant, eux, dépendants de la Région de Limoges _ demeurées à l’est de la ligne de démarcation), entre juin 1940 et août 1944 _ sachant que l’État français (du régime de Vichy) naît le 11 juillet 1940, le lendemain de l’octroi des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, le 10 juillet 1940 _, la région se libérant de l’Occupation allemande (intervenue, elle, le 11 novembre 1942 : en réplique au débarquement des Alliés en Afrique-du-Nord) au cours de la seconde quinzaine du mois d’août 1944 : les débarquements d’abord de Normandie (6 juin) et ensuite de Méditerranée (15 août) en étant, par le retrait précipité des troupes de la Wermacht vers l’Allemagne _ qui en est la directe conséquence _ qui s’ensuit immédiatement sur ordre de Hitler, la cause principale ; et les attaques de la Résistance sur ces troupes en fuite, y ayant aussi notablement contribué…

Outre mes démarches personnelles _ contacts avec d’éventuels témoins (encore de ce monde en 2013), avec divers historiens ayant « labouré » le sujet, premières visites à des Archives départementales... _,

j’ai été amené à procéder à de scrupuleuses lectures méthodiques, et pas seulement de « micro-histoire », afin de mieux asseoir mes repères historiques, en particulier sur ce que fut la (fort complexe) Résistance intérieure, ses mouvements, ses réseaux… Ainsi que de tâcher de beaucoup mieux accéder aux réalités locales « de terrain » : en particulier dans les Basses-Pyrénées (Gurs, Oloron, Izeste-Louvie-Juzon), ainsi qu’en Haute-Garonne (Toulouse, Beaupuy, Muret), pour ce qui concerne l’objet singulier de ma recherche factuelle.

Voici donc, déjà, une liste de ces lectures méthodiques de ces deux mois :

_ Histoire de la Résistance 1940-1945, d’Olivier Wieviorka (aux Éditions Perrin) _ complétée par des coups d’œil ponctuels sur le Dictionnaire historique de la Résistance, sous la direction de François Marcot _,

_ Persécutions et entraides dans la France occupée, de Jacques Semelin (aux Éditions Les Arènes/Seuil),

_ Camps de travail sous Vichy _ Les « Groupes de travailleurs étrangers » (GTE) en France et en Afrique du Nord 1940-1944, la très remarquable thèse de Peter Gaida,

_ Le Camp de Gurs 1939-1945 _ Un aspect méconnu de l’Histoire de Vichy, de Claude Laharie (J&D Éditions),

_ Le Camp de Gurs (1939-1945), de Martine Cheniaux et Joseph Miqueu (au Cercle historique de l’Arribère),

_ Le Chemin des Pyrénées, de Lisa Fittko (aux Éditions Maren Sell),

_ Les Camps de la honte, d’Anne Grymberg (aux Éditions La Découverte),

_ Basses- Pyrénées, Occupation, Libération 1940-1945, de Louis Poullenot (aux Éditions Atlantica),

_ Résistances en Haut-Béarn, de Michel Martin (aux Éditions Atlantica),

_ Arrêt sur Images : Oloron-Sainte-Marie 1908-1945, sous la direction de Pierre-Louis Giannerini,

_ Contribution à l’Histoire de la famille de Pierre Klingebiel, de 1919 à 1947 _ Correspondances et souvenirs, rassemblés par André Klingebiel,

_ Les Camps du Sud-Ouest de la France _ Exclusion, internement et déportation 1939-1944, sous la direction de Monique-Lise Cohen et Eric Malo (aux Éditions Privat),

Les Juifs à Toulouse et en Midi toulousain au temps de Vichy, de Jean Estèbe (aux Presses Universitaires du Mirail),

_ La  Résistance à Toulouse et dans la Région 4, de José Cubero (aux Éditions Sud-Ouest),

_ Libération de Toulouse et de sa Région, de Pierre Bertaux (aux Éditions Hachette-Littérature),

_ Les Hautes-Pyrénées dans la Guerre _ 1938-1948, de José Cubero (aux Éditions Cairn),

_ Vichy en Aquitaine, sous la direction de Jean-Pierre Koscielniak et Philippe Souleau (aux Éditions de l’Atelier)…

Je veux d’abord faire l’éloge des recherches de micro-histoire (ou histoire locale, voire histoire singulière), qui, indépendamment de tout désir d’enseignement, cherchent d’abord à établir la singularité même des faits, des événements affectant des personnes uniques…

Ainsi que l’affirme, au passage, en son Pour conclure, le très fin Jean Estèbe, page 299 de son magnifique Les Juifs à Toulouse et en Midi toulousain au temps de Vichy, bien au delà de ce qui « peut sembler inccongru et témoigner d’un certain provincialisme« , « l’avantage d’une observation régionale » est bel et bien « de faire apercevoir les faits avec plus de précision » : surtout quand ces faits sont demeurés inconnus ! L’affaire du choix de la focale dépasse donc, et très largement, le critère du qualitatif de l’analyse historienne…


Ainsi veux-je bien souligner, par exemple, l’importance de l’apport du travail de Bernard Reviriégo, en son article « Les GTE en Dordogne : des camps de travail forcé au service de Vichy« , pages 296 à 309 du passionnant, de bout en bout, Vichy en Aquitaine , qu’ont dirigé Philippe Souleau et Jean-Pierre Koscielniak, paru en octobre 2011 : un travail tout entier de « micro-histoire » extrêmement précise qui, grâce à la connaissance de très nombreux faits très précis, aide aussi à faire comprendre, par l’exemple chaque fois détaillé, le vécu de ces travailleurs étrangers des GTE de Vichy,

et qui vient compléter la thèse (essentielle !) de Peter Gaida, l’indispensable Camps de travail sous Vichy _ Les « Groupes de travailleurs étrangers » (GTE) en France et en Afrique du Nord 1940-1944, en 2008,

ainsi que le bel article de Christian Eggers « L’Internement sous toutes ses formes : approche d’une vue d’ensemble du système d’internement dans la zone de Vichy« , en 1995…


De même que l’excellent article de Lilian Pouységur, « Les Réfugiés républicains espagnols dans le sud-ouest de la France : l’exemple de la Haute-Garonne (1939-1944)« , pages 25 à 34 du très riche Les Camps du Sud-Ouest de la France _ Exclusion, internement et déportation 1939-1944, sous la direction de Monique-Lise Cohen et Eric Malo, en 1993.

Ainsi sur ce sujet des GTE de Vichy, bien des études locales demeurent-elles absolument indispensables. Ces GTE étant loin d’être à ce jour tous identifiés, reconnus, et a fortiori connus et étudiés….

Et je dois dire qu’il en va tout à fait de même des camps d’internement ; ainsi, par exemple, pour le camp du Ruchard, en Indre-et-Loirs, au sud-est de Tours : je l’ai cherché en vain dans la « somme » que constitue le riche La France des camps, l’internement 1968-1946 de Denis Peschanski (aux Éditions NRf) _ et j’en profite, au passage, pour remarquer le défaut, en nombre comme en qualité, des cartes dans les livres d’Histoire : défaut ô combien endémique en France, hélas ! il me faut bien le constater !..

En tout cas,

le chantier de cette nécessaire focalisation historique

demeure _ plus que jamais : les archives devenant plus aisément accessibles, puisque « la loi n’autorise la consultation des fonds concernant cette période qu’au terme de soixante années, sauf demande de dérogation«  ; ces « règles de communicabilité des archives » « en ayant longtemps rendu l’accès difficile à ceux-là-mêmes qui, concernés dans leur chair, étaient avides d’avoir accès à des informations vitales et douloureuses« , pour reprendre les mots de Bernard Reviriego, page 12 de son Introduction à son admirable Les Juifs en Dordogne 1939-1944 _ de l’accueil à la persécution, paru en 2003… _

ouvert, inlassablement à reprendre,

à préciser, rectifier, améliorer :

c’est une œuvre à la fois singulière et ollective…

Titus Curiosus, le 31 août 2013

Récompense de la fidélité au « Journal » de Renaud Camus : jubilation à l’année 2007 : « Une Chance pour le temps »

05fév

A propos des trois derniers volumes du « Journal » de Renaud Camus : « Le Royaume de Sobrarbe« , « L’Isolation » & « « Une Chance pour le temps«  » ; soient les « Journaux 2005, 2006 & 2007« …

Depuis,

comme amoureux fou-fervent de Rome _ cf mon article programmatique, le 3 juillet 2008 : « le carnet d’un curieux« _,

ma lecture _ très réjouie en sa curiosité jamais comblée des mille églises, mille palais, mille musées, mille jardins, etc… (où pénétrer et jeter quelques regards sur tant de merveilles réunies en un espace, urbain et agreste à la fois, avec ruines, et interstices libres, aussi, de taille encore humaine) de la Ville éternelle et de ses (davantage que) sept collines ! _ du « Journal romain » _ 1985-1986 _ de Renaud Camus, paru aux Éditions POL en 1987 _ toujours disponible : le meilleur, et de loin !, des milliers de guides touristiques romains ! _, et de sa suite « romaine«  _ pour la fin du séjour de Renaud Camus à la Villa Médicis, en 1987 _, « Vigiles« , parue en 1989 _ mêmes éditions, même disponibilité, mêmes qualités supérieures pour touristes patients en leur curiosité (= haut-de-gamme), à rebours des clichés rapides des autres ! _,

je suis _ du verbe signifiant « continuer«  _ avec une ferveur jamais déçue, et donc on ne peut plus fidèlement,

le « Journal » que Renaud Camus n’a cessé, depuis son séjour romain de deux ans pleins à la Villa Médicis, de tenir

et publier

_ en s’efforçant, depuis relativement peu de temps, de raccourcir les délais entre sa rédaction et sa publication-et-disponibilité de lecture pour le lectorat potentiel (et réel, fidèle) : les choses semblent, sur ce front-là, en voie de mélioration…

Une « tenue » et une publication tout à fait probes et courageuses…

D’abord édité _ depuis la co-édition Hachette-POL du « Journal de voyage en France« , semble-t-il, en 1981 _ par Paul Otchakovsky-Laurens, aux Éditions POL , à partir de ce « Journal romain » ;

depuis le scandale, et la publication archi-mouvementée, du « Journal 1994«  : « La Campagne de France« 

_ paru, l’année 2000, non sans difficultés et remous divers (et remugles nauséabonds !) médiatiques : la « première«  édition, parue au mois d’avril 2000 (celle que personnellement je possède, en lecteur fidèle se procurant le « Journal«  à sa parution !), a été « retirée » assez vite de la vente en librairie, et remplacée, trois mois plus tard, par une « seconde« , « revue » avec un « avant-propos de l’éditeur assorti de quelques matériaux et réflexions pour une étude socio-médiologique del’affaire Camus” », au mois de juin 2000, donc ! ; sur le scandale de la-dite « affaire« , se reporter, avec le plus grand profit (pour l’analyse de l’« état«  de la « civilisation« , ainsi que de la presse, eu égard à la « justesse«  et à la « liberté«  de ce que sont écrire et « vraiment«  lire en vérité !), à l’extraordinaire « Corbeaux, journal de l’affaire Camus, suivi de quelques textes rebutés« , publié aux Impressions nouvelles, par Renaud Camus : un document de première nécessité sur l’Histoire de la censure aujourd’hui en France, et autres lynchages médiatiques de la part d’une certaine classe journalistique et pseudo-intellectuelle, qui lit bien mal, en tout cas ; et jamais in extenso_,

et à l’exception _ anomique, donc _ du « Journal 2000 » : « K.310« 

_ (re-)paru, lui, de nouveau, aux Éditions POL, en 2003, mais pour cette seule fois-là : celui-ci, « Journal 2000« , relatant au moins partiellement, les péripéties « chaudes«  de l’« affaire Camus » ; pour le reste, se reporter à « Corbeaux » ; Claude Durand, le patron de Fayard, ayant manifesté quelques réticences à publier le récit camusien, même (encore) expurgé, des péripéties des difficultés éditoriales (assez hautes en couleurs) de son auteur avec son confrère Paul Otchakovsky-Laurens… _,

le « Journal » annuel _ depuis « Vigiles, Journal 1987« , en 1989 _ de Renaud Camus,

grâce à l’appui constant de Claude Durand depuis cette « Campagne de France » parue en 2000,

paraît désormais régulièrement aux Éditions Fayard,

le scandale assez retentissant, et pour des raisons la plupart fort douteuses (de lectures partielles et/ou partiales ; c’est selon…) de l’affaire dite « Renaud Camus » l’ayant fait quitter, mais pour ce seul « Journal »

_ du moins d’abord : Fayard publiant aussi, maintenant (depuis 2008 ; après un accord entre les Éditions POL et les Éditions Fayard ; entre Paul Otchakovsky-Laurens et Claude Durand), la série (nouvelle !) des « Demeures de l’esprit » ; au demeurant un notable succès de librairie : pour les quatre numéros à ce jour parus : « Grande-Bretagne I : Angleterre sud et centre, Pays de Galles«  ; « France I, Sud-Ouest«  ; « Grande-Bretagne II, Ecosse, Irlande«  & « France II, Nord-Ouest«  _,

l’ayant fait quitter, donc, ce « Journal » annuel,

le giron des Éditions POL ;

l’amitié entre l’auteur Renaud Camus, et l’éditeur de POL, Paul Otchkovky-Laurens, résistant, nonobstant, à ces péripéties à rebondissements complexes ! POL continuant de publier, en effet, presque tout le reste de l’œuvre camusien : les romans, les « Églogues« , les « Écrits sur l’Art« …

Cependant la mise sur tables, en librairie _ même à la librairie Mollat ! _ de ce camusien « Journal » n’est pas nécessairement, semble-t-il, de règle ; et cette moindre « visibilité«  de ces pourtant beaux et forts volumes, avec en couverture, une photo couvrant l’entièreté de la surface (15 x 23, 3) du volume, fait que le lecteur, même fervent et fidèle, peut « manquer » maintenant leur parution ; d’autant que la presse _ à commencer par Le Monde : la page littéraire de l’édition du « vendredi«  est-elle toujours dirigée par Josyane Savigneau ?..  _ ne s’empresse guère _ et c’est un euphémisme _ de se faire l’écho de cette parution !

Aussi en étais-je resté à « Corée l’absente« , soit le « Journal 2004« , lu à sa parution en novembre 2007

_ et j’ai pensé à certaines des notations, notamment sur le peu de goût de conservation du patrimoine architectural en Corée (du Sud), où l’on préfère détruire et remplacer que conserver, en lisant les épisodes (nords-) coréens que relate Claude Lanzmann dans son si riche et passionnant « Lièvre de Patagonie« , le plus grand livre de l’année dernière, et de loin ! _ cf ma série d’articles sur lui cet été, « La Joie sauvage de l’incarnation« , depuis son premier volet « La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ présentation I « , jusqu’à son ultime : « La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ dans l”écartèlement entre la défiguration et la permanence”, “là-haut jeter le harpon” ! (VII) » ; en passant par celui qui concerne tout particulièrement les époustouflants épisodes de Pyong-Gyang, un des sommets (!) du livre : « La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ le film “nord-coréen” à venir : “Brève rencontre à Pyongyang” (VI)« 

Et, ainsi, ai-je manqué (!) la parution du volume du « Journal 2005« , « Le Royaume de Sobrarbe« , imprimé en novembre 2008 ; de même (!) que celle du « Journal 2006« , « L’Isolation« , imprimé en juin 2009.

Ce n’est pourtant pas faute de m’être (un peu) inquiété, mais un peu mal (pas assez efficacement, en tout cas… ; à moins qu’il y ait eu une interruption quelque part dans la chaîne de distribution de ces volumes ; ce qui est aussi de l’ordre du possible…) auprès des libraires.

Aussi ai-je fini vouloir en avoir le cœur (un peu plus) net au mois de décembre passé ;

ainsi ai-je découvert et l’existence, et la disponibilité de ces titres ; que j’ai alors commandés : ils n’étaient pas en rayon.

Et c’est en terminant la lecture coup sur coup de ces deux-là, « Le Royaume de Sobrarbe » & « L’Isolation« , à la suite (!) , que j’ai découvert aussi la parution, fin décembre, de « Une Chance pour le temps« , le « Journal 2007« , qui avais été mis, placé, rangé, non pas en pile sur une table (de nouveautés), mais, déjà, dans les rayonnages verticaux, dans l’ordre alphabétique des auteurs. Bien sûr, je l’ai lu dans le flux des deux précédents (!!!) ;

et je viens d’achever ce trio ce jour… A ma plus grande satisfaction :

« jubilation« , dis-je…

Ainsi que j’ai pu le signifier, en une conversation et tout à fait impromptue _ nous nous trouvions tout seuls à deux tables séparées, d’une salle-à-manger d’un très agréable hôtel d’une ville universitaire une des plus belles de France _, et parfaitement privée _ personne à nous écouter, alors qu’auparavant se trouvaient là un triolet d’universitaires, un couple d’étrangers, peut-être allemands, ou baltes, ainsi qu’une amie, étrangère aussi, peut-être russe ; puis un peu plus tard, un père et ses deux petites filles… _, au Professeur Marc Fumaroli,

j’ai grand plaisir à lire, parcourir en ses élans, parfois irrités _ ah! la colère d’Achille ! comme elle peut être fructueuse, mobilisatrice, déplaçant les lignes installées ; et pas seulement destructrice ! _ la curiosité large, exigeante en qualité de beauté, on ne peut plus probe _ oui ! c’est une vertu essentielle _, mais aussi tout à fait courageuse _ aussi ! _  en sa liberté d’expression et audace de publication de ses goûts et avis,

les « Journaux » de Renaud Camus :

surtout depuis que sa vie s’est _ on ne peut plus heureusement, me semble-t-il, du moins _ apaisée (même sans s’assagir, au moins spirituellement !) _ le temps des « Tricks » (dont la morne, vide, répétitivité des « coups«  lâchés m’agaçait ! après m’avoir surpris, et ébaubi, à l’instant de leur première découverte dans le « Journal romain« …) semble définitivement passé : l’âge (nous) en impose aussi un peu, à tous, probablement… _, grâce à Pierre _ cela fait bien dix ans en 2007 (et ils se sont, il y a déjà quelque temps, « pacsés« , peut-être en 2004 : pour obtenir la mutation de Pierre dans le Gers, avait-il été prononcé alors, me souviens-je à peu près ; Pierre, ariégeois,  est professeur agrégé d’Histoire ; ou de Géographie…) ;

et un (superbe) hommage (sur presque tout une page) est rendu à sa sainte patience ; il me faudrait en retrouver la page !..

http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782213633855.jpg

C’est Pierre qu’on aperçoit ici, sur le bac, entre Bellagio et Varenna, le vendredi 2 novembre 2007, en cette photo prise à 13h42, ainsi que l’enregistre l’appareil photo de Renaud Camus…


« Saint Pierre« , faudrait-il presque dire, pour son humeur égale, sa gentillesse, ses égards, sa patience quasi angélique. Un compagnon de confiance, en tout cas _ et qui réchauffe bien, aussi, quand l’installation de chauffage de Plieux défaille ; ce qui ne manque certes pas de se produire, les hivers, en ce fier château, ou donjon, de Gascogne, toujours insuffisamment « isolé« , nonobstant bien des efforts

On peut y apprécier,

en ces « Journaux« , qui se succèdent fidèlement, bon an, mal an, dorénavant, depuis le « Journal romain » entamé en 1985 (pour la Villa Médicis),

le fil _ plus ou moins contrasté : selon les accidents ; ce qui survient ! avec son lot de (bonnes et mauvaises) surprises ! _ des jours _ en la « filure » , ou le « filage« , à tout le moins le « défilement« , ou le « défilé« , de ce qui, en et par ce « fil«  même !, se succède, au quotidien ; qui est aussi passablement important ! _ avec la marque, aussi,

à côté de l’enchantement vif, mais assez bref, des voyages _ aux vacances scolaires : du fait des disponibilités de Monsieur Pierre, désormais _,

des problèmes plus endémiques, eux, du quotidien (de tout un chacun) : de plomberie, de chauffage, voire d’« isolation » _ cf alors « L’Isolation« , tout particulièrement… _; et encore d’argent, forcément, notamment au moment des dates butoirs du règlement des Impôts ;

lesquels (« problèmes« ) participent des humeurs de ces jours (plus gris) de nos vies , et lui donnent _ la vérité, aussi… _ du contraste ; et la vérité de son rythme _ sans mornitude d’ennui…

Marc Fumaroli apprécie tout particulièrement, lui, me confie-t-il, les explorations esthétiques très remarquables des « Demeures de l’esprit« …

Renaud Camus a, en effet, un plus que notable « sentiment géographique«  et topographique ; il s’intéresse magnifiquement à la qualité, mais ne perçoit, aussi, que trop la détérioration _ hélas ! et même galopante ! _ des paysages _ au sein desquels prennent placent, et se logent, ces « Demeures de l’esprit«  qui s’élèvent encore, tiennent encore debout, en leurs pierres : mais que devient, au fait, l’« esprit » vivant daujourd’hui ? Que nous en dirait un Hegel, en une poursuite de sa « Phénoménologie«  (de l’esprit, donc), depuis 1807 ?.. l’« esprit » se ferait-il de plus en plus fantômatique ?.. _ ;

il ne perçoit, aussi, que trop la détérioration (des paysages), donc, « rognant » implacablement la vieille campagne _ plus que fragilisée : détruite. Et pas seulement du côté du panorama du donjon de Plieux, en cette presque Toscane des alentours de Lectoure, Condom, etc… : presque partout désormais en France ; et même en Italie _ et jusqu’en Angleterre…


A ce compte, et en mesurant combien

le souci d’harmonie des paysages de Renaud Camus

(et sa sensibilité très fine, depuis longtemps, au développement lent mais progressif, et irrésistible, in fine _ il nous bien le constater ! _, de ce que lui-même nomme on ne peut plus pertinemment la « banlocalisation«  _ l’expansion irrésistible de la « banlieue » à presque tout le territoire ; la régression généralisée, a contrario,  de « la campagne«  _ : pas seulement en France, donc, et sous ses fenêtres mêmes _ magnifiques ! _ de Plieux _ mais que deviennent-elles sans leurs sublimes « vues » ? privées aussi vilainement de leurs « vedute«  ??? _, dans cette campagne de Lectoure et Condom qui avait, en effet, plus que des « airs » de Toscane ; mais aussi en Italie : Piémont et Lombardie, particulièrement, dans « Une Chance pour le temps » ; à quelques miraculeuses exceptions près : par exemple, la pointe extrême de Bellagio… ; jusque même en Angleterre !)

comportait, et depuis si longtemps, de lucidité ! de pertinence !! de justesse !!!

à ce compte,

on mesure soi-même aussi,

en lecteur fidèle des « Journaux » de Renaud Camus,

l’ampleur _ hélas! _ et l’avance _ impuissante, aussi… comment lutter avec un minimum d’efficience contre les avancées de pareille « nocence » quasi générale ?.. _ de sa lucidité et justesse d’appréciation des faits !..

Voilà en quoi Renaud Camus est un visionnaire réaliste infiniment précieux !

Même si la foule préfère hurler avec les loups et se gausser des Cassandre…

A titre d’échantillon de la grâce et justesse de Renaud Camus,

je propose ces quelques extraits-ci d' »Une Chance pour le temps » ;

déjà, quel beau titre :

une expression de sa mère, au retour d’équipées réussies, ayant bénéficié de la qualité des circonstances atmosphériques, notamment de lumière :

« Une des exclamations favorites de ma mère, après les heureuses journées de voyage ou d’excursion dont elle vient d’énumérer _ récapitulativement _ les mérites et les plaisirs _ elle a alors quatre-vingt-seize ans _, c’est : « Et puis alors : une chance pour le temps ! » ».

Tout un art d’aimer vivre !..

Presque du Montaigne !..

Pages 407-408, par exemple, je détache ceci :

« De tout voyage, il faudrait noter _ s’y arrêter, le retenir ; et puis s’en souvenir : le « Journal«  a cette fonction là, d’un peu marquer le temps vécu, en sachant y « revenir«  si peu que ce soit par l’effort de formuler la grâce de son « ressouvenir« _ ce qui vous a touché vraiment _ (certes ! certes !!!) or ce sont autant de moments _ (oui, vécus ! sens activés ! cf l’analyse du « spectacle«  même du soir, de grâce, à Syracuse avec deux amis italiens, telle que la mène si superbement Baldine Saint-Girons en son chapitre d’ouverture de « L’Acte esthétique » !) plutôt que les objets, les sites, les tableaux _ eux-mêmes seulement ; en leur pure et simple facticité empirique… _ qui eussent dû _ par leur notoriété ! la rumeur ! le largement partagé ! Goethe lui-même, en son « Voyage en Italie« , si fortement emblématique de tels « journaux de voyage« , ne commencera à apprécier vraiment la (et sa) « vraie«  Rome qu’une fois une année (entière) de poncifs passée (et finalement traversés ; ainsi que de retour de Naples) ! alors, les touristes de passage, malheureux si pressés (par un temps trop compté !), qui s’excitent péniblement aux parcours flêchés éreintant des modernes Baedeker : tout Rome en un week-end !.. _ ;


d
e tout voyage, donc, il faudrait noter ce qui vous a touché vraiment

plutôt que les objets, les sites, les tableaux qui eussent dû _ je termine la citation de la page 407 _

vous toucher et n’ont produit sur vous (tout coincé et anesthésié que vous étiez, allongé sur des rails mécaniques : ceux du seulement convenu…), en fait,

aucun effet.« 

Après avoir cité dans cette seconde catégorie : « la Pala Sforza, le tambour bramantesque de Sainte-Marie-des -Grâces _ à Milan _ ou les flacons de Morandi dont nous fûmes abreuvés tout du long _ dans divers musées de Milan, ou Turin, ou ailleurs… _,

Renaud Camus en vient à la catégorie « positive » et « première«  :

« Dans la première, le lac de Côme, à Bellagio et la traversée de Bellagio à Varenna _ moment et lieu que vient illustrer (et célébrer un peu plus encore) la photo avec l’ami Pierre, sur le bac, sur la couverture de « Une Chance pour le temps » ! _, le clocher de Soglio _ plus haut, dans les Grisons suisses : « le village admirable reposait tranquillement, sur les quatre heures à peine, dans sa glorieuse bellitude de calendrier des postes annoté par Rilke en personne « , page 401… _ et le jardin de l’Hôtel Palazzo Salis _ « où nous marchâmes dans le délicieux jardin, à l’arrière, au pied des sycomores géants«  _, la presqu’île de Chastré _ sur le lac de Sils-Maria, avec au bout, le banc de Nietzsche : « Nous sommes arrivés juste à temps, à l’heure la plus belle, la plus dorée, la plus mauve, la plus enneigée, la mieux pâle et parsemée de nuages blancs, et puis roses, et puis d’un orangé soutenu, avant que tout ne tourne au blanc et au noir« , page 402... _, comme d’habitude, le Montagna _ un « Saint Jérome« …  _ de Brera _ le Musée, à Milan _, « Les Noces de Jacob et Rachel«  _ du Maître de l’Annonce aux Bergers… _ du Musée Granet _ à Aix-en-Provence : je l’ai revu (sans avoir lu alors ce passage dans Renaud Camus) samedi de la semaine dernière, juste avant le déjeuner avec Bernard Plossu et ses amis auquel m’avait convié Michèle Cohen, Cours Mirabeau : à ce superbissime Musée Granet, va s’ouvrir une exposition Constantin, le maître (marseillais) de Granet ! Constantin qui avait fait, avant son disciple, le voyage de Rome ; et lui en avait instillé le vif désir !.. A côté de ces « Noces de Jacob et Rachel » du Maître de l’Annonce aux Bergers (bien présent dans les musées de Rome), une myriade (et explosion) de Granet, tous, et toujours, plus lumineux les uns que les autres, en leur classicisme romain !.. _, une errance nocturne _ gionesque ! Angelo sur les toits de Manosque (dans « Le Hussard sur le toit« ), ou bien courant et galopant par toute l’Italie soulevée (dans « Le Bonheur fou« )… _ entre les cours et sur les balcons de l’université de Pavie, le mont Viso, le mont Viso, le mont Viso. Le mont Viso est mon nouveau grand ami. (…) Je ne comprends pas comment il peut régner _ cf toujours Giono, mais cette fois au début de « Un Roi sans divertissement » et de la somptuosité (quasi cézannienne) de quelques monts des Alpes _ avec tant d’évidence à la fois et tant de discrétion _ car qui connaît son nom ? (est-ce bien là un critère, que celui de la notoriété !??? Allons ! Renaud !..) _ sur le Piémont« …

Les quarante dernières pages, à partir de la visite au château de Montaigne, le samedi 15 décembre (et la page 461) sont de pure grâce _ d’écriture _, et donc de pur bonheur _ pour le lecteur que nous sommes…


Par exemple, le « Mardi 25 décembre, neuf heures et demie du soir« , pages 473-à 476 :

deux portraits en trois coups de lame (de peinture au couteau _ et ekphrasis) :

le premier du pape Benoît XVI ; le second du président Nicolas Sarkozy.

« Quelle différence avec le viril et charismatique Jean-Paul II, même en sa déréliction physique de la fin ! Celui-là a l’air d’une vieille fille intelligente, apeurée et sournoise, qui passe son temps à regarder dans les coins, par en dessous. Pendant la messe il paraît s’embêter gravement, ce qui est tout de même le comble » _ certes !

Cela dit, la testostérone, à l’inverse, notre propre président Sarkozy n’en a sans doute que trop _ Dominique de Villepin a confessé avoir du mal à supporter _ tiens, tiens ! _ son côté « mâle dominant » _ et les résultats à l’image _ télévisuelle, « aux infos » !.. _ ne sont pas beaucoup plus brillants _ que pour l’actuel pape, à la messe de minuit à Saint-Pierre de Rome, au Vatican. Ce soir on voyait le chef de l’Etat à Assouan ou dans la vallée des Rois, en compagnie de sa nouvelle compagne, la chanteuse Carla Bruni, qu’il a rencontrée il y a une quinzaine de jours, je crois bien, et déjà emmenée à Disneyland _ Wow ! _, sous l’œil _ sinon… _ de centaines de caméras. Aujourd’hui il la tenait gentiment par la main, au milieu d’une nuée de journalistes. Il y a un mois qu’il a divorcé. On a l’impression qu’il essaie _ et pas qu’un peu, mon neveu ! _de dire aux Français :

« N’allez surtout pas vous mettre dans la tête que je peux me faire plaquer par une femme, comme tout le monde, sans réagir. Voyez, j’en ai déjà une nouvelle, encore mieux _ forcément ! _, et en plus, c’est un ancien mannequin, et elle est chanteuse » _ quels bonus ! : « rien que du bonheur !« , va-t-il se crier par toutes les chaumières ! L’expression « bling-bling«  n’allait pas tarder à faire très vite florès…

La chanson, le music-hall, le show-biz, tout ce qui sous la dictature de la petite-bourgeoisie _ cf le livre de Renaud Camus synonyme : « La dictature de la petite-bourgeoisie«  _, s’appelle désormais la musique _ eh ! oui ! _ , c’est l’univers naturel _ consubstantiel _ de cet homme. Il s’y trouve comme un poisson dans l’eau. Divorce ou pas divorce, il sera toujours le second mari de Mme Jacques Martin _ tel un handicap parfaitement ir-remontable… Il paraît qu’à Alger, durant son voyage récent, il a fait attendre une heure et demie l’archevêque d’Alger et les autres invités, lors d’une soirée à l’ambassade de France, et, dès son arrivée, s’est enfermé dans une pièce à part pour chanter avec son grand ami Didier Barbelivien et d’autres copains _ oui, oui ! _ les chansons de Barbelivien » _ voilà en quelque sorte l’exemple-type de ce qu’est devenu, avec cet homme-là, l’ordre des préséances de la République…

Et le portrait se poursuit : « Je dois reconnaître que je n’y étais pas. Mais enfin, ce qu’on voit à l’image _ de la télévision ; et Dieu sait… _ rend tout à fait plausible ce genre d’histoire. Non seulement ce pauvre homme est d’une vulgarité et sans doute d’une brutalité pathétiques _ celles-là mêmes d’une tripotée de ses électeurs ? le « cœur-de-cible« , peut-être, de l’équipe de ses « communiquants » ?.. _, mais, en plus, il n’a pas l’air à l’aise _ ni donc heureux _ dans ces caractéristiques et dans le personnage qu’elles impliquent. Il donne l’impression d’être un très mauvais acteur, aussi incapable de jouer le rôle écrit pour lui que _ même ! _ celui qu’il a fait modifier à sa mesure ; cela tient peut-être à sa manie _ perfectionniste ? _ de corriger la pose en permanence, de se réajuster, de remonter les épaules, de se dégager le col ou de redresser sa cravate _ du début à la fin tout paraît faux, emprunté, composé et mal interprété pour les caméras«  _ quelle patte !

Et pourtant Renaud Camus a (presque) voté pour lui à la présidentielle : il trouvait son programme plutôt « sympathique«  par bien des aspects de ses discours, nous a confié ce « Journal« -ci, pages 168-169 :

« Après la confrontation télévisée entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal (…), j’avoue que j’éprouve une petite tentation de regret pour avoir fait voter par le comité exécutif de l’In-nocence un communiqué (n° 457) invitant les membres du parti et les sympathisants à déposer dans l’urne, après-demain dimanche, un bulletin blanc. Si Ségolène Royal l’emportait, nous serions bien attapés (le risque est faible, apparemment). Et s’il fallait s’en tenir aux seuls discours récents de Sarkozy, sur la Turquie, par exemple, sur l’identité française, sur la fiscalité et en particulier les droits de succession, et même sur l’Ecole, il faut reconnaître qu’il n’y aurait aucune raison de ne pas voter pour lui, de notre point de vue ; et même beaucoup de raisons de lui apporter notre suffrage. Tel qu’il s’exprimait ce soir, dans son dernier message de campagne, on aurait dit qu’il s’adressait à moi pour s’attirer mon soutien. Si je ne savais pas ce que je sais, ou crois savoir, je ne serais pas loin de fléchir. Et, même le sachant, je pourrais bien capituler. Mais je ne ne peux tout de même pas voter pour Sarkozy après avoir appelé à voter blanc ! Ni faire publier un nouveau communiqué faisant état d’un changement d’avis de dernière minute !«  ;

Puis, page 173 : « Hier matin, après que j’eus voté ici (blanc), nous sommes partis pour l’Ariège où Pierre devait voter lui-même et, par procuration, pour ses parents«  ;

et, page 175 : « Mon sarkozysme de fraîche date n’a pas bien résisté à la suite de la soirée _ du dimanche de l’élection _, ni surtout à ce que nous avons vu de celle de Sarkozy, à la télévision, une fois rentrés à la maison. J’ai bien sûr trouvé inimaginable qu’à peine élu il allât se restaurer au Fouquet’s, qu’on s’interrogeât sur la boîte de nuit parisienne où serait ensuite fêtée la victoire, et qu’il nous fût dit que le presque chef de l’Etat comptait partir le lendemain pour la Corse afin de s’y reposer dans la demeure de son grand ami Christian Clavier. Et quel déplorable spectacle que le ballet des limousines dans le jardin des Tuileries, chacune tâchant de dépasser l’autre pour être plus haut dans le cortège courtisan !« … Le « Journal«  joue parfaitement le jeu de sa propre absolue non-censure…

Un peu plus loin, pages 480-481, voici cette même patte _ et pâte : légère ! mais riche et faisant mouche ! _ appliquée à cette auto-dérision-ci, cette fois :

« Ce qui rend mes relations avec ma mère _ elle loge alors, mais depuis peu, à Plieux _ si éprouvantes pour mes nerfs, toujours, et pour mon humeur, et même pour mon état mental, c’est qu’elle figure _ beaucoup trop lisiblement _ pour moi l’abîme _ si proche, et tellement menaçant d’aller aussitôt y verser et sombrer… _ du dérisoire _ de tout ce que je pense et de ce que je suis _ moi-même : son fils.

Tous mes défauts, et surtout mes défauts intellectuels, sont chez elle épouvantablement grossis _ mis sous les yeux de son fils, à la portée la plus « proche«  _, poussés à l’extrême, de sorte qu’ils sont beaucoup plus nettement observables » _ en effet : comme, à la télévision, ceux de Benoît XVI et de Nicolas Sarkozy, sous la focalisation parfois sans pitié des caméras… Et Renaud Camus finit par « dégager » la ressemblance : « en ceci : quand j’écris sur la maison de Montaigne _ comme pour ses brillantes « Demeures de l’esprit« , alors… _, c’est en grande partie parce que _ voilà ! _ je n’ai rien à dire d’original _ le péché de l’homme-de-lettres pisseur de copies ; quand il en « vit« _ ou d’intéressant sur les « Essais«  ; si je vais à Montaigne, le château, c’est en grande partie au lieu de _ c’est le cas de le dire _ lire sérieusement Montaigne, l’auteur, de travailler sur lui _ comme le fait magnifiquement le très pénétrant Bernard Sève en son si lucide « Montaigne : des règles pour l’esprit«  Ce goût des maisons d’écrivains ou d’artistes, c’est une paresse, un aveu d’impuissance _ quant à l’essentiel : les accidents extérieurs et leur « détail«  sont alors les bienvenus ; pour avoir si peu que ce soit d’un peu neuf à « trouver«  à narrer, à décrire : ne pas rester sans rien du tout à dire (et surtout, bien sûr, « écrivain« , à écrire)…

Et je rencontre constamment mille occurrences, en moi, dans les débats un peu soutenus, par exemple _ comme aux émissions « Répliques » de son ami Alain Finkielkraut, quand il y est invité, sur France-Culture, avec quelque autre : pour un « débat«  à trois, alors… _, de ces moments où j’ai recours au biographique, au topographique, au superficiel, au plaisant, à l’écume, pour échapper _ voilà ! _ à l’échange au fond _ au lieu de rien que la forme et la surface… _, parce que j’ai peur _ contrairement à l’écriture de ce « Journal« , si courageuse, elle !!! _ de m’y noyer, ou de devoir avouer que je ne sais pas nager _ pour garder une place d’« auteur qui a un nom«  sur la Place (et le marché) des Lettres…

S’intéresser à tout, j’en ai toujours été convaincu, c’est ne s’intéresser à rien.«   En conséquence, à entendre les compliments que multiplie _ mais « à n’importe qui«  _ madame sa mère, eh ! bien « on croirait un critique littéraire du Monde : elle découvre un génie toutes les semaines« … Par là, « c’est cette absence totale de discrimination _ du juger _ qui dépouille _ hélas _ de sens _ et à cela, Renaud Camus ne peut pas consentir ; cf son important « Du Sens«  (aux Éditions POL, en 2002… _ tout ce qu’elle dit. »


Ce qu’il commente alors, page 482 : « Sur ce point-là, nous ne nous ressemblons _ toutefois _ pas, Dieu merci. Je ne discrimine que trop, même si ce n’est pas toujours à bon escient, c’est-à-dire que mes discriminations ne sont pas toujours pertinentes.«  Peut-être ; quoique… Cependant, « cette dérision du sens _ perçue si bien _ chez ma mère, devient _ perçue _ pour moi une dérision au carré : de quoi suis-je l’héritier

_ c’est sur cela qu’il réfléchit ici : être héritier ! « l’héréditaire«  ; et son importance civilisationnelle, selon lui : « dans la culture, il y a quelque chose de nécessairement héréditaire », page 482… Une question qui plonge loin ! _,

de quoi suis-je l’héritier

sinon de cette parodie _ voilà ! _ de la culture, qui ne s’attache _ avec inanité ; et ridicule ! _ qu’à des noms, à des titres d’ouvrages, des épisodes, des incidents _ soit rien que « l’écume » de minces « accidents« , à la place du « substantiel«  !.. _ ; et me pousse à acheter pour cette bibliothèque _ superbe ! de Plieux _ toujours plus de livres dont je ne lis pas un sur dix, ce qui s’appelle lire ?«  _ la grande forme (d’écriture de l’écrivain « vrai » ! et profond !) est tout de même là !

Une bonne rasade de Thomas Bernhardt, « Maîtres anciens« , par exemple (dont le sous-titre est « Comédie« ), serait ici d’un assez bon secours…

L’auto-dérision porte…

Mais ce « Journal« ,

c’est bien mieux qu’Assez bien ! Que Renaud Camus se rassure !!!

En tout cas, il ne me lasse pas ;

et j’y trouve, en le lisant, un interlocuteur _ voilà ! _ ne pérorant pas _ jamais _ dans le vide de l’époque ; loin de là !

Sa fidélité à ses intuitions n’est ni vide, ni radoteuse ! Il sait « résister » ! _ même s’il n’est pas dépourvu de bonnes doses de naïveté (par ses focalisations) : mais qui ne l’est pas ? Que celui-là seul lui jette la première pierre ! Pas les autres ! Et sa curiosité est toujours attentive, avec fraîcheur et neuveté,

à la beauté _ qui demeure ; ou résiste ; mais aussi se crée ; et en sa diversité : Renaud Camus n’est pas un conservateur de n’importe quoi passéiste ! il est curieux de ce qu’il ne connaît pas encore ; et qui ait une vraie valeur, objective ! _,

plus encore qu’aux ridicules qui règnent ! et ont le verbe _ et les micros et caméras complaisants ! _ bien trop haut, eux ! et le bras, bien trop long !.. Et font pourtant de la pluie, davantage que du beau temps…

Lui tient plutôt du Saint Sébastien offert aux flêches…

Donc, je demeure plus que jamais un lecteur attentif des « Journaux » de Renaud Camus _ ils ne me déçoivent pas ! _ ;

et les fais un peu,

à l’échelle de la voix de ma parole de personne à peu près libre,

et à celle de l’écriture sans pression ni censure sur ce blog !,

connaître

ainsi qu’ici même…

Titus Curiosus, ce 5 février 2010

Le jeu de la leçon d’humour comme « résistance » citoyenne : l’affaire marseillaise du « Sarkozy, je te vois ! » à la gare Saint-Charles

05juil

Le journal (toujours « de référence » ! ne serait-ce que par de tels articles !) « Le Monde« 

publie, ce samedi 4 juillet 2009, un passionnant « Point de vue« 

(c’est sous cette rubrique, en effet, qu’il est proposé à lire par le quotidien du soir) :

« « Sarkozy, je te vois ! » : le protagoniste de l’affaire raconte son happening citoyen«  :

narrant avec un plus que remarquable talent d’intelligence et de clarté (de la part de son « héros/victime » qui en fait le récit)

la succession assez politiquement éloquente, tout un chacun va pouvoir en juger, des « épisodes«  (à rebondissements rien moins que « politiques« , en effet),

le jour même de l' »incident » _ le mercredi 27 février 2008 _, puis seize mois durant _ le jugement vient d’être rendu ce vendredi 3 juillet 2009 : « Le juge de proximité qui présidait le tribunal de police de Marseille chargé de juger cette affaire a estimé, vendredi 3 juillet, que le « tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d’autrui » qui était reproché à l’auteur des propos n’était pas constitué » _, en ses « suites » policiario-judiciaires,

narrant la succession des « épisodes« , donc,

de son « aventure » politico-policiario-judiciario-médiatico, et enfin philosophico-pédagogique…

« Épisodes » d’abord subis :

en « croisant« , pour commencer (à sa descente de train, de retour d’Avignon : c’était le mercredi 27 février 2008), le « contrôle » par deux policiers,

dans l’espace d’arrivée (en permanence bondé d’une foule compacte et bigarrée) de l’immense et très long Hall de la très vaste gare Saint-Charles,

d’un éventuel « sans-papier«  ;

et en y « répondant« , lui, spontanément

_ car c’est bien d’une « réponse » (= de « résistance » « citoyenne » ! à ce qui a été ressenti comme rien moins qu’une effective « menace à la démocratie« ) qu’il s’agit là !.. _,

 et dans le mouvement même de sa marche,

par une double apostrophe de son cru (« Sarkozy, je te vois !.. Sarkozy, je te vois !.. »),

ludique, humoristique,

et courageuse, à la fois :

on le mesure à la lourdeur de l’engrenage policiario-judiciaire dans lequel ce « témoin« , non passif et non-mutique (à la différence de tant d’autres des citoyens) s’est trouvé « entraîné« ,

en commençant par les heures passées par lui aussitôt après « au poste » de police…

mais aussi, pour une très notable part, fort intelligemment « réagis » et même « conduits« ,

et cela, tant sur le moment que par la suite _ nous allons le découvrir ici en son détail _

de la part de ce très remarquable « témoin-citoyen« ,

pour les espaces de manœuvre qui se sont ouverts devant lui (voire qu’il a su « ouvrir » lui-même, assez « génialement » et courageusement),

à chacun des « épisodes » survenus et affrontés,

avec un sens de la « répartie« 

et de la « réaction » opportune efficace

assez rares…

_ Ou quand le sagace et vif  « Rouletabille« , le héros actif de Gaston Leroux (cf « Le Mystère de la chambre jaune« , « Le Parfum de la dame en noir« , « Rouletabille chez le tsar« , etc… : cf le collectif en deux volumes « Les aventures extraordinaires de Rouletabille reporter »…), prend la place d’un un plus emprunté « Joseph K.« , le protagoniste tétanisé, lui, du « Château » et du « Procès » de Kafka _ en pays de « kakanie« , il est vrai ; pas en république française ! _ ;

et cela _ et surtout ! _ « dans le réel » qui lui tombe dessus ; et pas « dans la fiction » seulement…

Voici le récit _ truffé, comme à l’accoutumé sur ce blog, de mes commentaires _ qu’en donne au « Monde » le « héros-victime » de cette « affaire« 

emblématique de la situation de notre belle France eu égard à l’état présent de sa « démocratie » de fait,

Patrick Levieux,

« professeur de philosophie,

relaxé par le tribunal de police de Marseille le 3 juillet« ,

ainsi que celui-ci signe ce « témoignage-analyse des faits » donné au « Monde » :

« Je suis cet homme qui cria par deux fois « Sarkozy, je te vois ! ». Et, aujourd’hui, je suis très heureux du dénouement de cette affaire pour au moins deux raisons. D’une part, l’emballement médiatique a permis de ridiculiser la politique sécuritaire du président de la République. Nous savons tous maintenant que prononcer « Sarkozy, je te vois ! » peut nous amener devant les tribunaux. Après cet épisode, qui pourra encore contester que nos libertés individuelles ne soient sérieusement menacées par ce pouvoir ?

D’autre part, cette affaire a montré que le « storytelling« , cet art de raconter des histoires, n’est pas l’apanage des communicants des grands groupes capitalistes ou des campagnes électorales victorieuses _ ou pas : quand « règnent«  les « communiquants«  Un simple quidam peut détourner _ avec des trésors de ruse ! dans le labyrinthe des circonstances rencontrées _ le storytelling et raconter à son tour sa propre histoire _ mais c’est assez difficile, tant sont puissants les pièges à éviter et surmonter, tout de même !.. Dans son fameux livre _ « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits » : le livre est paru le 13 novembre 2008 aux Éditions de La Découverte… _ consacré à ce sujet, l’essayiste Christian Salmon présente le storytelling comme une « machine à raconter » _ et faire croire _ qui _ on ne peut plus cyniquement _« remplace le raisonnement rationnel, bien plus efficace que toutes les imageries orwelliennes _ in l’indispensable « 1984«  _ de la société totalitaire ». L’affaire du « Sarkozy, je te vois ! » donne des raisons d’être plus optimistes, et montre que l’on peut _ aussi _ utiliser le storytelling à des fins citoyennes _ avec beaucoup d’habileté ainsi qu’un minimum de « chance« , aussi, dans l’assez impressionnant (et assez dissuasif, a priori) « jeu de piste«  de la (petite) « souris«  et des (gros) « chats«  : de la (grande) machine politico-policiario-judiciario-médiatique : a priori, on a un peu plus de chance de s’y retrouver « Joseph K.«  que « Rouletabille reporter »

Tout a commencé par un petit mensonge _ aux policiers du poste de police sur le statut social et la profession du trublion interpellé : y aurait-il eu « affaire«  sinon ?… Ce mercredi 27 février 2008, je reviens d’Avignon ; à l’époque je suis journaliste au mensuel alternatif « L’Âge de faire« . Après l’incident _ avec les policiers procédant à l’interpellation d’un suspect d’être « sans-papiers«  dans le Hall de la gare Saint-Charles _, interrogé au poste de police sur ma profession, je me présente comme étant allocataire du RMI. « Journaliste » est une profession beaucoup trop voyante. A 46 ans, un homme au RMI est forcément un pauvre gars, sans relations, fragile, impuissant, qui ne fera pas de vagues auprès de l’administration _ une « victime » née, si j’osais le commenter ainsi : un excellent « appât«  pour démarrer sinon une « affaire« , du moins une assez significative « histoire vraie«  : à « raconter«  par un journaliste ?..

Plusieurs mois après _ en 2008 encore, probablement… _, lorsque je suis à nouveau convoqué au commissariat de quartier pour être interrogé une seconde fois sur cet incident, je confirme être au RMI, même si, entre-temps, j’ai de nouveau rejoint _ à la rentrée de septembre ?.. _ l’Éducation nationale _ le statut social d’une personne n’est jamais sans conséquence pour sa « perception«  par les autres… Dans l’Éducation nationale, les syndicats sont puissants, les relais médiatiques nombreux, la procédure aurait pu alors ne pas se poursuivre _ ce qui aurait été « expérimentalement » dommage… Je voulais _ ce « jugé«  n’est certes pas passif _ rester un anonyme, dans toute la faiblesse de son état, sans passe-droit ni Rolex, et regarder la machine administrative tourner… _ voilà donc l’objet « de fond«  de l’« expérimentation«  en cours : explorer le déroulé du processus judiciario-médiatico-politique…

Lorsque, le 20 avril _ 2009 _, un huissier de justice vient me remettre la citation à comparaître devant le tribunal _ ce sera le mardi 19 mai _ pour « tapage injurieux diurne« , je suis confronté à un dilemme. Soit je comparais comme un individu lambda _ ce qui avait été la « tactique » adoptée sur le champ, puis suivie scrupuleusement jusque là… _, perdu parmi les individus que la justice ordinaire juge chaque jour : je suis condamné ou relaxé, mais l’histoire _ « expérimentale« , donc… _ s’arrête là, avant même d’avoir pu commencer. Soit je pose un acte citoyen et saisis cette occasion _ et revoici notre cher ami Kairos ! _ pour montrer _ et exposer en pleine lumière sur la scène publique (et médiatico-politique, au premier chef)… _ les dérives de la politique sécuritaire du président de la République. Il s’agira de construire une histoire qui mette en scène la figure d’un quidam, d’un sans nom et sans visage qui interpelle en le tutoyant le signifiant-maître « Sarkozy » dans une société crispée _ et en voie d’accélération de « tétanisation« , apeurée ! terrorisée elle-même… _ par le rictus sécuritaire. Mais comment construire _ très effectivement, dans les rouages mêmes, tels qu’ils fonctionnent, du réel sociétal et des institutions judiciaires et médiatiques _ cette narration ? _ voilà l’état de formulation du « problème » tel qu’il se posait ce 20 avril 2009 au justiciable et citoyen Patrick Levieux…

On le sait _ depuis les travaux de narratologie : de Victor Chklovsky, Vladimir Propp (« Morphologie du conte« ), Tzvetan Todorov, Gérard Genette (in « Figures III« ), Umberto Eco (« Lector in fabula« ), Philippe Hamon, et d’autres… _, dans toute histoire, le personnage central ne reste jamais seul _ pour « survivre » (ou « réussir« ) dans l’intrigue… Il lui faut un personnage _ adjuvant, relais et catalyseur _ qui va l’aider à poursuivre son cheminement _ vers le succès dans le réel (de l’histoire) ; isolé, il demeure impuissant et voué à l’échec ! Même si j’avais parcouru les salles de rédaction en exhibant ma convocation et le procès-verbal, l’histoire _ médiatico-politique _ ne se serait pas écrite. Un anonyme n’a pas la crédibilité _ la vérité ne suffisant pas pour apparaître avec « évidence«  « crédible«  ! et, qui plus est, circonstance affaiblissante, quand elle dérange des « puissants«  ! _ pour porter _ en effet : c’est une affaire d’« autorité« , seule « porteuse« , reconnue par l’« opinion » en place : sans cette « reconnaissance« -là (de quelques uns, « faisant » de fait cette « opinion«  régnante), rien n’accède (vérité comprise !!!) à la visibilité (et évidence !) générale (de la plupart des autres _ via Reuter ou l’AFP)... _ pour porter _ donc _une telle histoire, même s’il a été journaliste _ et par là un peu de ce « sérail« -là : ils en sait la logique implacable du fonctionnement, au moins.

Toute « histoire«  a ainsi besoin d’un porteur suffisamment « crédible » pour elle ; et cela, dans un horizon de « réception« , d’« attente« , rien moins que favorable, neutre ou objectif : assez fermé qu’il est, majoritairement, à l’exigence même de vérité, entre tant d’intérêts (= l’« utile«  !) l’emportant (sur l’« honnête« ), de loin, au quotidien des « affaires«  courantes, sur son « souci« … La vérité nécessite par là qu’on se batte beaucoup, avec passablement de courage, mais aussi avec bien de tact, et même habileté, pour elle ! Que de vérités à jamais inconnues, car étouffées par la cruelle suffisance

_ à la Monsieur Homais (in « Madame Bovary«  de Flaubert ; cf aussi, de Flaubert, l’implacable « Dictionnaire des idées reçues«  ; en appendice à « Bouvard et Pécuchet« …) _

des opinions en place. Un beau sujet pour philosophes ; et professeurs (et élèves candidats bacheliers) de philosophie. C’est à se demander comment une telle discipline d’enseignement peut encore « exister » : en France, du moins…Est-ce là une « anomalie«  sociétale ?..

Pour _ réussir à _ continuer _ effectivement _ à écrire _ dans le réel sociétal (de 2009) _ cette histoire, il faut _ donc adjoindre _ un avocat, un orateur brillant, suffisamment alerte pour être capable d’affronter _ et surmonter _ le bruit médiatique sans être dupe _ non plus _ sur les dérives de la « société du spectacle« . C’est un ami, journaliste au quotidien « La Marseillaise » qui me trouve la perle rare : Philippe Vouland, spécialiste des questions des droits de l’homme. L’avocat est une institution _ sociétalement reconnue : elle en « impose«  _ dont on écoute _ tant judiciairement, bien sûr, que médiatiquement, aussi _ la parole, quand celle d’un anonyme est rarement entendue _ là-dessus, lire l’éloquent et très opportun « L’Invisibilité sociale » de l’ami Guillaume Le Blanc : « invisibilité«  (fruit d’une cécité) qui est plus encore une inaudibilité (fruit d’une surdité) sociale… Sans avocat, l’histoire ne serait pas écrite _ grand merci donc à lui !

L’avocat choisi, cinq jours avant l’audience du tribunal _ fixée au mardi 19 mai _, l’histoire pouvait être lancée _ le jeudi 14 mai, très exactement, donc ; et avec grand succès : cf le blog de maître Eolas, en plus de tous les grands médias nationaux _ sur la scène médiatique _ c’est l’objectif et le champ-de-bataille : il s’était de plus en plus clairement précisé… Un simple coup de fil au bureau marseillais de l’AFP _ voilà le retentisseur : formidable… _ suivi d’un courriel indiquant les coordonnées de mon avocat _ pour compléments utiles d’« information » qui soient dûment filtrés… _ suffiront à amorcer _ avec un remarquable succès, donc _ la machine _ médiatico-politique.


Dès lors se pose la délicate question de _ la préservation ou pas de _ l’anonymat _ du « témoin-victime-héros«  (de l’histoire) : le citoyen Patrick Levieux… Raconter une histoire audible _ c’est-à-dire, d’abord, digne de susciter quelque écoute que ce soit et la moindre curiosité : au lieu de la surdité générale ! _ signifie qu’il faut éviter que la narration se fragmente en autant de récits qu’il y a de journalistes _ selon le principe du « téléphone arabe » : la rumeur se diffracte… En m’exposant _ en tant que Patrick Levieux en pleine lumière _ sur un plan médiatique, l’histoire aurait pu tourner à la cacophonie _ tout se brouille et se perd. La question de la dérive sécuritaire dans notre société aurait pu laisser la place à celle plus anecdotique _ et avec « clichés« _ du _ petit _ personnage au centre de cette affaire _ et à la mise en cause suspicieuse de sa légitimité : est-ce un gauchiste ? Est-ce un provocateur ? Est-ce un personnage en quête de gloire ? C’est donc l’avocat Philippe Vouland qui affrontera _ et en le verrouillant, aussi, de toute sa compétence _ le bruit médiatique, en s’exposant _ lui seul _ devant les micros et les caméras _ en faisant écran, d’une part, à l’image (absente) de l’inculpé et, d’autre part, en préservant le mieux possible, ainsi « filtrée« , la « communication«  à diffuser des bruits parasites qui la tueraient. De mon côté, je refuse _ absolument _ d’être photographié et d’être interviewé par la télévision : même floutée, l’image continue à dire quelque chose comme la présence honteuse de quelqu’un qui se cacherait _ mieux vaut l’absence nette et carrée de l’image qu’un ambigü floutage…

L’un des ressorts du storytelling est de s’adresser à l’imaginaire collectif _ et ses clichés terriblement efficacement pénétrants. Pour cela, je laisse échapper une _ unique : on va, faméliquement, s’y précipiter _ petite précision en direction des journalistes sur ma profession, non celle qui était la mienne au moment de l’incident _ journaliste _, mais celle que j’exerce au moment où l’affaire éclate : professeur de philosophie. Et c’est ainsi que résonnent _ puissamment _, dans l’imaginaire collectif, les rapports énigmatiques entre le philosophe _ avec son aura d’idéalisme, de vérité (désintéressée), aussi, et de résistance, souvent, aux séductions et intimidations des pouvoirs en place… _ et les puissants avec des histoires déjà entendues _ et servant de références de « représentation«  _ où entrent en scène _ secourablement _ des personnages comme Diogène, Protagoras, Socrate…

A ce moment-là _ au mois de mai 2009 _, il s’agit de permettre à cette histoire de continuer à s’écrire _ tant institutionnellement que sociétalement, via les médias. Pour cela, il faut faciliter _ surtout quand on connait un peu, du dedans, le « sérail«  _ le travail _ de récit _ des journalistes. Un témoignage factuel _ très ciblé _ est _ alors _ envoyé au site d’information en ligne « Rue89 » ; celui-ci sera également distribué le jour de l’audience _ le mardi 19 mai, donc. Je donne _ voici la piste à suivre !.. (au-delà de l’« os à ronger« …) _ une justification : il s’agit d’« un geste pédagogique _ d’un professeur de philosophie ! _, un trait d’humour destiné à détendre l’atmosphère ». Le rire n’est ni de gauche ni de droite. L’humour doublé du geste pédagogique permet de toucher le public le plus vaste _ et d’avoir les rieurs, comme la didactique, « de son côté«  : en sympathie avec soi…

En réfléchissant _ avec le recul de seize mois supplémentaires _ à ce geste _ du 27 février 2008 _, je me demande aujourd’hui _ 3 juillet _ dans quelle mesure celui-ci n’est pas _ aussi, voire d’abord ! _ un geste artistique, un happening

_ tout à fait spontanément improvisé (et comme éventuel déclencheur, ludique, de « suites«  : « pour voir«  et « s’amuser » : « galéjer« …), en débarquant, ce 27 février, d’Avignon,

c’est-à-dire la ville du grand Festival de théâtre (celui-là même où le 28 juillet 1968, le « Living Theatre » de Julian Beck et Judith Malina se vit signifier l’interdiction municipale et préfectorale de jouer sa pièce-happening « Paradise Now« ) ;

en débarquant d’Avignon, donc,

dans le Hall bondé, remuant et passablement bruissant de la gare Saint-Charles ; cette gare Saint-Charles elle-même sise sur « les hauts« , assez ventés, de la ville de « Marius« , « Fanny« , « César« , et autres marseillais immortalisés de par le monde entier par le verbe « haut-en-couleurs« , lui-même, de Pagnol : ne voilà-t-il pas là une situation « guignolesque«  inspirant tout particulièrement et le jeu et le verbe d’un philosophe-et-journaliste « citoyen«  ?..

Le storytelling citoyen serait-il _ alors _ la dernière invention que les citoyens anonymes pourraient s’approprier _ théâtralement, artistiquement ! _ pour dénoncer ce que Voltaire _ assez théâtral lui-même : cf mon article du 28 octobre 2008, à propos de « Promenades sous la lune » de Maxime Cohen : « Sous la lune : consolations des misères du temps » : Maxime Cohen y consacrant un fort intéressant chapitre, très explicitement intitulé « Éloge vengeur du théâtre de Voltaire«  (aux pages 290 à 305) à cet aspect trop méconnu selon lui (« Mérope« , « Irène« , « Mahomet« , etc…) de l’œuvre d’Arouet… _ appelait en son temps « l’infâme » ? »


Patrick Levieux,

Professeur de philosophie, relaxé par le tribunal de police de Marseille le 3 juillet.

Ou le jeu de l’humour

_ en débarquant d’Avignon à Marseille _

comme leçon de « résistance » citoyenne,

en un pays dont l’hymne porte le nom de « Marseillaise« 

et où figure _ ce n’est tout de même pas rien !!! _ en préambule à la « Constitution » de la République

_ jusqu’à ce que le Congrès réuni à Versailles le « réforme« , le « modernise« , le « dé-ringardise » :

au nom du primat du désormais sacro-saint pragmatisme

et de ses servantes, les bienheureuses économies de budget ?.. _

la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789…

Que voici, pour se rafraîchir _ cela fait toujours du bien ! _ la mémoire :

Article 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Article 3 : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Article 5 : La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Article 6 : La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7 : Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

Article 8 : La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article 9 : Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Article 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 12 : La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Article 13 : Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Article 14 : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

Article 15 : La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Article 16 : Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

Article 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. …

Avec, encore, pour conclure, cet avis d’un ami américain :

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.

Ainsi que ce refrain d’une chanson

_ de 1958, avec des paroles de Maurice Vidalin sur une musique de Jacques Datin _

qu’a chantée naguère Colette Renard :

« Marseille, tais-toi Marseille,

Tu cries trop fort !

Je n’entends pas claquer

les voiles dans le port !« 

Titus Curiosus, le 5 juillet 2009

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