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La curiosité fervente, fine et élégante de Florian Noack au profond du meilleur de l’âme russe : le CD « Lyapunov – 12 Etudes d’exécution transcendante » La Dolce Volta LDV 90 et le CD « Florian Noack – Brahms & Medtner » Artalinna ART A014 ; ou une irrépressible douceur et puissance mêlées, en des oeuvres singulières…

26avr

C’est une très impressionnante émotion de terrible douceur, oui, qui nous prend d’abord à l’écoute du CD de Florian Noack « Lyapunov – 12 Etudes d’exécution transcendante« , soit le CD La Dolce Volta LDV 90 _ écoutez donc ici cette sublime « Berceuse » (3′ 38) qui ouvre le CD _,

qui vient magnifiquement compléter _ cf mon très admiratif article «  » du 15 avril dernier… _ le profond et intense plaisir pris à ses deux précédents CDs Lyapunov (Iaroslav, 18 novembre 1859 – Paris, 8 novembre 1924) :

les CDs Ars Produktion « Lyapunov – Works for piano – vol. 1 » ARS 38 132 _ admirable ! _ et « Lyapunov – Works for piano – vol. 2«  ARS 38 209…

Mais le CD « Florian Noack – Brahms & Medtner » Artalinna ART A014, révèle un tout autre et tout aussi impressionnant trait du très grand talent d’interprète de Florian Noack :

sa puissance de jeu dans Medtner (Moscou, 24 décembre 1879 – Londres, 13 novembre 1951)

_ mais écoutez aussi ici cette effrénée et pourtant délicate « Lesghinka«  (de 6′ 37) de ce même CD Ljapunov des « 12 Etudes d’exécution transcendante » Op. 11

Voilà des pans méconnus de moi jusqu’ici de cette riche musique russe,

par ce formidable passeur de musiques singulières qu’est Florian Noack…

Ce vendredi 26 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un nouveau passionnant travail ravélien du chef anglais John Wilson et son orchestre Sinfonia of London : la Suite d’orchestre « Le Tombeau de Couperin », associé au « Divertimento » Op. 18 (de 1943) de Lennox Berkeley, et la « Symphony n°3″ (de 2021) d’Adam Pounds ; ou d’un certain héritage orchestral ravélien et de l’éthique musicale de la lisibilité…

20avr

Suite aux CDs Chandos « Ravel – Ma Mère l’Oye – Bolero – première recording of original Ballets«  _ Chandos CHSA 5280, enregistré à Londres le 9 janvier 2020 et du 30 août au 1er septembre 2020 _

et « Ravel – Daphnis et Chloé – Complete Ballet«  _ Chandos CHSA 5327, enregistré à Londres du 7 au 9 décembre 2022 _,

auxquels j’ai consacré mes articles « « 

et « « 

des 1er septembre 2022 et 4 avril 2024,

voici que je viens de recevoir le CD « Ravel – Berkeley – Pounds – Orchestral Works » _ Chandos CHSA 5324, enregistré à Londres du 22 au 24 novembre 2022, soit à peine quinze jours avant le CD « Daphnis et Chloé » CHSA 5327…  _ de John Wilson et son orchestre Sinfonia of London _ regarder ici cette brève mais éloquente vidéo (de 1’41) d’un extrait du superbe Rigaudon de la Suite d’orchestre composée par Ravel zn 1919 d’après son Tombeau de Couperin pour piano, une pièce dédiée aux frères Pierre et Pascal Gaudin (nés à Saint-Jean-de-Luz respectivement le 7 février 1878 et le 31 janvier 1883), décédés ensemble au champ d’honneur le 12 novembre 1914, frères de la très chère amie luzienne de Maurice Ravel, Marie Gaudin ;

sur les liens y compris familiaux entre Maurice Ravel avec les Gaudin et Courteault de Saint-Jean-de Luz, cf par exemple mes articles « «  et « «  des 17 et 18 août 2022…  _,

un CD que je m’étais empressé de commander à mon disquaire préféré, suite à ma lecture, le 19 mars dernier, de l’article de Pierre-Jean Tribot « Ravel en miroirs anglais, entre mentors et disciples« , que voici _ avec mes farcissures _ :

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Ravel en miroirs anglais entre mentors et disciples

LE 19 MARS 2024 par Pierre Jean Tribot

Ravel en miroirs anglais

..;

Maurice Ravel(1875-1937) : Le Tombeau de Couperin, M 68a ;

Sir Lennox Berkeley (1903-1989) : Divertimento en si bémol majeur pour orchestre ;

Adam Pounds (né en 1954) : Symphony n°3.

Sinfonia of London, direction : John Wilson. 2022.

Livret en allemand, anglais et allemand. 65’50’’. CHSA 5324.

Cet album propose une filiation musicale _ en l’occurrence ravélienne _ sur plusieurs générations. En ouverture, on y retrouve Maurice Ravel dont la musique séduisit le compositeur anglais Lennox Berkeley qui ambitionna d’étudier avec le compositeur français (ce qui ne se fit pas, mais Berkeley accepta d’aller suivre l’enseignement de Nadia Boulanger suivant le conseil _ diligenté _ de Ravel), Lennox Berkeley et Adam Pounds, lui-même élève  de Lennox Berkeley à la Royal Academy of Music. Pour des continentaux comme nous, les univers de Berkeley et Pounds nous sont _ certes ! _ très peu familiers, et on se plaît _ tout à fait ! _ à découvrir des mondes musicaux inspirés _ voilà, par la musique française.

L’interprétation du Tombeau de Couperin (1919) par John Wilson _ surprenante à la toute première écoute, comme tout renouvellement… _ est absolument exemplaire _ mais oui ! _ et elle réussit à allier l’énergie musicale _ oui _ avec une finesse du trait _ oui : voilà qui est excellemment dit : énergie musicale et finesse du trait. Les lignes mélodiques sont d’une parfaite lisibilité _ comme c’est indispensable pour tout ce qui touche au goût français, la lisibilité y est fondamentale ! _ et John Wilson soigne les nuances et les couleurs _ voilà. Saluons aussi la justesse des tempis _ oui _ qui permettent à la baguette du chef de mettre en avant la beauté _ hédoniste ! _ de l’orchestration ravelienne _ somptueuse… Cette interprétation, telle un diamant ciselé et scintillant _ et j’adhère tout à fait à cette métaphore… _, est l’une des plus belles de la discographie _ voilà ! _ par sa fraîcheur et ses lumières _ oui. John Wilson s’affirme _ oui _ comme l’un des plus grands ravéliens du moment _ rien moins !

Le Divertimento de Lennox Berkeley (1943) est dédié à Nadia Boulanger _ voilà. En quatre mouvements, il est à peine plus long que la partition de Ravel. On découvre une orchestration fine et racée _ oui _ qui témoigne d’une influence française par sa plastique aérée et mobile _ oui : d’une superbe fluidité ! _ mais avec un sens de l’orchestration brillant _ à la Ravel _ dans ses choix instrumentaux. C’est une musique narrative et riche en saveurs. Le livret nous apprend que la partition a été chorégraphiée en ballet, c’est une suite logique pour une musique illustrative et gorgée d’émotions suggérées _ et qui conforte la cohérence dans le suivi des choix d’œuvres à servir de John Wilson en sa discographie.

Adam Pounds fut l’élève de Berkeley et en tant que chef d’orchestre, il a dirigé le Divertimento de son professeur. La Symphonie n°3, d’une durée d’une demi-heure, a été composée pendant les confinements de la récente pandémie _ en 2021. La partition est dédiée à John Wilson et au SInfonia of London _ voilà. Le ton est plus sombre et dramatique dès les premières mesures de cette partition dense. La maîtrise de l’écriture en impose avec quatre mouvements bigarrés qui rendent hommage à Chostakovitch (valse tragique du second mouvement) ou à Bruckner (« Elegy » du second mouvement). La partition se caractérise par une motorique qui sert une énergie interne saillante _ oui _ alors que l’orchestration dévoile des timbres d’une grande subtilité en particuliers dans les pupitres des bois. Indéniablement cette symphonie est une grande œuvre de notre temps par son ton qui nous place en miroir des angoisses de notre époque _ voilà, voilà.

Tout au long de ce disque, il faut saluer l’engagement des pupitres _ voilà : et j’y suis très sensible, moi aussi : voir cette vidéo ! _ de l’excellent _ oui ! _ Sinfonia of London sous la baguette experte de John Wilson. Le son “qualité Chandos” _ et c’est tout à fait juste _ rend tous les aspects de ces musiques d’orchestre passionnantes et admirables _ oui, oui, oui. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Dans la vidéo de l’extrait du Rigaudon du Tombeau de Couperin que j’ai citée plus haut,

je remarque tout particulièrement la jeunesse et la vitalité _ l’engagement, dit Pierre-Jean Tribot… _ des membres du Sinfonia of London que dirige John Wilson…

Et la musique de Ravel mérite assurément cette vitalité.

Enfin, il me faut signaler que c’est tout spécialement sur le site du magazine belge Crescendo que j’ai rencontré cette curiosité et cette appréciation très laudative portées aux prestations du chef britannique John Wilson et son orchestre Sinfonia of London ; mes autres sites favoris demeurant, quant à eux, beaucoup plus discrets…

Au delà de l’intérêt de l’apport d’interprétations de très grande qualité, servies au disque par une très confortable, voire hédoniste, prise de son _ « qualité Chandos«  : dans ces divers excellents CDs Ravel du Sinfonia of London de John Wilson, je note que l’ingénieur du son est chaque fois Ralph Couzens… _,

élargir sa connaissance du répertoire de la musique est une vraie richesse pour le mélomane passionné et un tantinet curieux…

En tout cas, John Wilson _ né à Gateshead on Tyneside en 1972, il a aujourd’hui 52 ans _ est bien un chef à suivre.

Et le charme subtil et délié, intense et profond, de Ravel lui sied idéalement

Ce samedi 20 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Mathieu Pordoy subtil accompagnateur et chef de chant, ou le pur art du charme (suite)…

12avr

Le récent beau CD « Mozart – R. Strauss – Lieder« , avec Sabine Devieilhe _ Erato 5054197948862, enregistré à l’Opéra de Paris au mois de juillet 2023 (ainsi que le 5 janvier 2024, à Boulogne-Billancourt, pour « Morgen« , avec le violon de Vilde Frang : écoutez-le ici)… _confirme une nouvelle fois, et si besoin encore en était, le très grand talent du pianiste Mathieu Pordoy, comme accompagnateur (ou chef de chant) hyper subtilement attentif : cette fois dans un beau récital, bien composé, de Lieder et Mélodies de Mozart et Richard Strauss…

Sur ce talent amplement confirmé déjà de Mathieu Pordoy, cf mes détaillés articles des 19 décembre 2019 « « ,

21 juin 2023 « « ,

et 22 juin 2023 « « .

Et voici un lien au très précis commentaire intitulé « L’évidence » qu’en a donné le 29 mars dernier sur le site de ForumOpera Charles Sigel…

Sabine Devieilhe : Lieder de Mozart et Richard Strauss

29 mars 2024
L’évidence

En somme c’est Zerbinetta et la Reine de la nuit chantant le lied. Avec tant de facilité apparente, de naturel, d’évidence que, pour un peu, on en oublierait d’admirer…

Réussite parfaite à laquelle concourt à égalité le piano de Mathieu Pordoy, très coloré, jamais lourd, et d’une variété de toucher infinie, partenaire idéal _ oui _ respirant à l’unisson de la voix. Tous deux dans une prise de son magnifique, équilibrée et brillante.

Chez Sabine Devieilhe, c’est peut-être la maîtrise de la ligne qui émerveille d’abord (outre l’intonation d’une justesse évidemment jamais prise en défaut). Ce legato qui ne faiblit jamais et traduit l’immobilité de Die Nacht (Strauss), l’effroi de l’avancée d’une nuit engloutissant toutes choses. Tout cela impliquant une maîtrise, un souffle, un placement de la voix de haute volée. Au seul bénéfice finalement de l’esprit du lied, de cette incertitude blême où est plongé l’auditeur. Le sens du poème est donné in extremis : « O die Nacht, mir bangt, sie stehle Dich mir auchOh, j’ai peur que la nuit t’arrache aussi à moi. »

…Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

C’est le premier Strauss de l’album, la plage 2. Je suggère d’écouter juste après le premier des Mozart mélancoliques, la plage 9, l’étonnant An die Einsamkeit (À la solitude). Mélodie ou lied ? On peut en discuter. Plutôt lied, je crois, puisque c’est un état d’âme. Et Mozart y semble, en sol mineur, préfigurer Schubert. Pas de prélude au clavier (Mathieu Pordoy, si délicat, si attentif _ oui, oui). Mozart expose tout de suite la ligne musicale, une mélodie reprise trois fois (en principe quatre, l’une des strophes est ici coupée) sur un texte un peu sentimental (de Johann Timotheus Hermes, romancier à succès) que la musique transfigure. Et puis la transparence du timbre, les ornements légers des reprises, le dépouillement pour ne pas dire l’effacement de l’interprète, le sentiment pur… C’est très beau et tout simplement, oui, évident.

De la même façon, pour revenir à Strauss, Waldseligkeit (Béatitude en forêt) semble en lévitation avec ces notes tenues inépuisables sur un souffle sans fin, ces montées sur les sommets, ces longues paraboles qui semblent s’envoler toujours plus haut avant de redescendre vers le dernier vers (« Da bin ich ganz nur DeinLà je suis tout à toi »). Technique vocale souveraine mise au service de l’expression.

Strauss en 1902 © D.R.

En lévitation

Lévitation, le mot reviendrait naturellement sous la plume pour évoquer l’effet étrange, un peu hypnotique, que crée Meinem Kinde, regard émerveillé porté sur un enfant qui dort. On cherche les explications : est-ce le tempo lentissime, le timbre si limpide, les passages impalpables en kopfstimme (sur Sternlein), l’intensité de certains forte (sur segne, umher, ou Liebe) sans parler des spirales obsédantes du piano ?

Mystères de l’interprétation… Qui se perpétueront dans la plage suivante, le fameux Morgen, ondulant, halluciné, avec ses longues tenues non vibrées, portées par le violon effusif de Vilde Frang, ses silences qui s’allongent, comme certains mots (« die Augen schauen ») s’étirent à l’infini _ écoutez- le ici… L’ineffable va bien à Richard Strauss… Lied extatique sur un poème de John Henry Mackay au sous-texte homosexuel : demain, Morgen, nous serons libres (c’est du moins ce que révèle _ en effet, à la page 12  du livret _ le commentaire de Richard Stokes).

Autre lied illustre, Ständchen (Sérénade), et sa prestesse, sur les guirlandes ondoyantes du piano : le sous-texte (pas tellement caché d’ailleurs) est ici ouvertement érotique _ oui _, jusqu’aux « Wonneschauen » de la fin, des frissons de bonheur au sens dépourvu d’équivoque. La voix se fait aussi légère que celle du rossignol (Die Nachtigall) qui assiste à la scène, tandis qu’une rose en rougit. Version parfaite d’un lied dont Strauss se plaignait déjà qu’il fût galvaudé, mais restitué ici dans toute sa fraîcheur amoureuse.

Sabine Devieilhe © Alice de Sagazan

Virevoltes

On classera aussi au dossier Zerbinetta l’invraisemblable Amor, qui tient du défi permanent et de l’équilibrisme dangereux : coloratures en cascades, trilles en batteries serrées, défilé de notes perchées, des contre-ut à foison …. Si la gageure est de faire croire que c’est facile, elle est tenue, comme en se jouant. De même pour Kling ! aérien et folâtre, qui semble répondre à la petite comédie de Schlagende Herzen (Cœurs battants) où Mozart semble préfigurer les ballades des Romantiques.

Ainsi va ce récital qui batifole entre fantaisie et mélancolie, comme pour attester, si besoin était, de la richesse de la palette de Sabine Devieilhe, et de la cyclothymie de Strauss, sans doute le dernier de ces Romantiques, qui passe incessamment de la virtuosité à la morosité, celle qu’il laisse s’épancher dans le Rosenkavalier, nostalgisant sans fin sur la fuite du temps (dans Winterweihe -Dédicace d’hiver) mais toujours amoureux (Ich schwebe – Je plane).

Érotisme fin-de-siècle

Les mélodies très Modern Style du cycle Mädchenblumen (Fleurs de jeunes filles), écrites en 1889, publiées en 1891, font partie de la première vague composée par Strauss, qui ne s’adonnera à l’exercice qu’épisodiquement. Ces quatre vignettes, sur des poèmes de Félix Dahn, filent la métaphore entre fleurs et petites jeunes filles, avec maintes arrière-pensées d’un érotisme à peine estompé et pas mal de doubles sens transparents. Strauss, faisant mine d’en rougir, écrit à son éditeur Eugen Spitzweg : « J’ai achevé un nouveau volume de lieder, mais ils sont très compliqués et constituent des expériences si curieuses qu’il me semble que je vous rendrais service en les refilant à un autre éditeur… »
Elles ont été enregistrées notamment par Edita Gruberova et Diana Damrau. Sabine Devieilhe les surpasse en aisance et en naturel (un naturel très sophistiqué, bien sûr). Les courbes serpentines et les modulations pastel de Kornblumen (Bleuets), le brio virevoltant de Mohnblumen (Coquelicots), les insinuantes allusions d’Epheu (Lierre) – « Denn sie zählen zu den seltnen Blumen, die nur einmal blühen – Car elles comptent parmi les fleurs qui ne fleurissent qu’une fois »-, l’érotisme torpide de Wasserrose (Nénuphar), sur le piano liquide de Mathieu Pordoy qui semble scintiller dans une lumière matinale… C’est un univers préraphaélite, voluptueux et diaphane dont Sabine Devieilhe varie constamment les couleurs et l’éclairage, aussi attentive au texte qu’à la musique.

Mozart par Joseph Lange © D.R.

Pudeurs mozartiennes

Juste après, La violette de Mozart (Das Veilchen) semblerait bien frêle et bien chaste en comparaison… Écrasée par le pied d’une bergère étourdie… Ce pourrait être une bluette très Hameau de la Reine. Par le simple (?) jeu des harmonies, Mozart lui prête la mélancolie d’une réflexion sur la vie et la mort, très troublante. D’autant plus quand elle s’illumine de la fausse candeur du timbre de Sabine Devieilhe. Une mélodie composée en 1785, l’année des 20e et 21e concertos… C’est Mozart lui-même qui ajouta aux vers de Goethe sa propre conclusion : « Das arme Veilchen ! Es war ein herzige Veilchen – La pauvre violette ! C’était une violette pleine de cœur », prétexte à une fin abrupte qui laisse étonné. Tant d’arrière-plans en 2’30’’…

Moins profonde, Das Traumbild (Vision en rêve) est une gentille romance en mi bémol majeur très semblable à Die Einsamkeit, dont elle n’a peut-être pas la mélancolie. Là encore une phrase musicale revient quatre fois (l’une d’elles coupée aussi). Curieux de penser qu’elle a été composée à Prague le 6 novembre 1787 neuf jours après l’achèvement de Don Giovanni.
De l’été de la même année, An Chloe, n’a elle aussi que l’attrait d’une romance -mais une romance de Mozart, tout de même ! De l’une comme de l’autre Sabine Devieilhe fait de très jolies choses (les vocalises de la coda d’An Chloé sont d’une grâce impalpable _ regardez-et écoutez…). Chapeau bas devant le toucher _ oui _ de Mathieu Pordoy qui touche son piano (un Steinway on suppose) comme il ferait d’un piano-forte, pour ne pas dire un clavicorde _ c’est dire…

Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

Mais l’étonnant, c’est que le même jour qu’An Chloé (24 juin 1787) Mozart écrit aussi ce qui passe pour être le premier vrai lied jamais composé, Abendempfindung (Sentiment du soir), point de départ d’une aventure qui ne s’achèvera qu’avec Malven, composé par Strauss à Montreux le 23 novembre 1948 (donc après les Quatre derniers lieder).
Le mot important ici, c’est Empfindung. Méditation morose sur la vie et surtout la mort. Que Sabine Devieilhe effleure comme sans y toucher, le charme de la voix estompant (de façon très mozartienne) la gravité sous l’apparente légèreté. Un bref rallentando suffisant à changer fugitivement le climat _ écoutez-ici…

On n’aura garde d’oublier quelques miniatures au fini parfait, Oiseaux, si tous les ans, une des deux seules mélodies de Mozart en français et Komm, lieber Zither, komm, petite chose écrite pour voix et mandoline, dont le plus étonnant est qu’elle fut composée alors qu’il était tout entier à l’écriture d’Idomeneo.

Enfin on saluera les débuts précoces au disque de Lucien Pichon, qui vient ponctuer l’exquis Das Kinderspiel de Mozart de sa voix de tout petit garçon qui fut à bonne école avant même de naître… et rien n’est plus charmant que le rire de sa mère l’écoutant.

Mathieu Pordoy est toujours subtil, fin et élégant : c’est ce que je désirais souligner…

Bravo !!!!

Ce vendredi 12 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Après le visionnage sur DVD du splendide « Tre Piani » (de 2021), poursuite de ma cure de rattrapage de découverte des plus récents films de Nanni Moretti, éternellement jeune : « Mia madre » (de 2015), puis « Vers un avenir radieux » (de 2023)…

16nov

Le très grand plaisir pris au visionnage sur DVD de « Tre Piani«  _ cf mes 2 articles «  » et «  » de samedi 11 et dimanche 12 novembre derniers…  _, ce splendide film sorti sur les écrans en 2021 _ et pour la première fois d’après un scénario à partir d’un roman, le « Trois étages » de l’israëlien Eshkol Nevo _

m’a incité très vivement à découvrir les films de Nanni Moretti ayant précédé et suivi celui-ci,

soient « Mia madre » (sorti en 2015) _ je disposais déjà de son DVDet « Vers un avenir radieux » (sorti en 2023) _ je me suis empressé de m’en procurer le DVD : d’autant qu’il vient tout juste de sortir, ce 2 novembre… _ ;

deux films qui déstabiliseront un peu moins, à coup sûr, les amateurs de la forme d’humour reconnaissable entre toutes, et universellement appréciée, de Nanni Moretti _ même si « Mia madre » est tout de même très sombre ; et  « Vers un avenir radieux«  loin d’être uniformément joyeux…

Deux films sur un scénario, de nouveau, et c’est très reconnaissable !, de Nanni Moretti lui-même…

Et Nanni Moretti précise dans les compléments du DVD de « Vers un avenir radieux« , que le projet de ce film avait immédiatement succédé à la réalisation de « Mia madre« , avait été interrompu pour la réalisation de « Tre Piani« , et repris et réalisé après la sortie de « Tre Piani« …

On comprend d’autant mieux ainsi que « Vers un avenir adieux » et « Mia Madre » soient comme les deux faces d’une même trame scénaristique :

les difficultés du cinéaste _ interprété une fois par Margherita Buy en « Mia Madre » et l’autre fois par Nani Moretti lui-même en « Vers un avenir radieux«  _ à surmonter, et cela au jour le jour, les difficultés ou bien internes au sujet même du film à réaliser (il s’agit de luttes sociales en une entreprise, pour « Mia Madre« ), et les tergiversations des membres du Parti communiste italien  face à l’écrasement par Moscou de la révolution à Budapest en 1956, dans le film à réaliser là-dessus, soixante-dix ans plus tard, dans « Vers un avenir radieux« ,

ou bien les difficultés circonstancielles survenant dans la vie personnelle du cinéaste (la maladie et la fin de vie de la mère de la cinéaste _ interprétée par Margherita Buy  _, dans « Mia madre« , et les problèmes de couple (son épouse _ interprétée ici par Margherita Buy _ cherchant à quitter le cinéaste _ interprété ici par Nanni Moretti dans « Vers un avenir radieux » _,

ainsi que la difficulté professionnelle de la cinéaste à maîtriser les incartades _ à moitié comiques… _ de jeu d’un acteur _ interprété par un désopilant et horripilant à la fois, John Turturo _ n’en faisant qu’à sa tête, dans « Mia madre« … 

Ce qui très personnellement me plaît le plus dans « Vers un avenir radieux« ,

c’est la formidable magie poétique _ un peu à la Fellini, ou/et à la Jacques Demy… _ du ballet collectif se déroulant, au final, ici aussi, sur le site (de banlieue) du film à réaliser ;

et qui rejoint la scène magnifiquement euphorisante de la foule des danseurs de tango, rassemblés Via Giuseppe Montanelli, vers le final, là aussi, du splendide _ et de bout en bout dramatique… _ « Tre Piani« … 

Nanni Moretti est décidément un cinéaste très fin, et jubilatoire,

éternellement jeune…

Ce jeudi 16 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La très rare délicatesse de François Couperin idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait et si bien nommé « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin »

26oct

La très rare délicatesse de François Couperin _ si difficile à vraiment bien « attraper » et donner… _, est idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin« ,

en un CD sonamusic SONA 2305,

enregistré au mois de juin 2018 à Bra-Sur-Lienne, en Belgique…

Cf le bel article, très juste, « Couperin selonMichèle Dévérité« , d’Olivier Vrins, le 15 octobre dernier, sur le site Crescendo :

Couperin selon Michèle Dévérité

LE 15 OCTOBRE 2023 par Olivier Vrins

François Couperin (1668-1733) : L’âme en peine. Pièces pour clavecin.

Michèle Dévérité, clavecin ; 2018.

Notice en anglais, français, néerlandais et allemand.

80’57’’.

Sonamusica SONA2305.

C’est une jolie surprise que nous réserve le label belge Sonamusica avec ce florilège de pièces pour clavecin de François Couperin, réunies avec goût et transcendées _ voilà _ par Michèle Dévérité, sur un instrument historique de premier choix. Un disque auquel L’âme en peine, dernière pièce du Treizième Ordre, dans la tonalité de si mineur décrite par Marc-Antoine Charpentier comme “solitaire et mélancolique”, donne son titre. Enregistré en 2018, il nous parvient enfin, en dépit du Covid et de la disparition successive de Thierry Bardon, Robert Kohnen et Jean-Pierre Nicolas -respectivement directeur artistique du projet, ancien professeur et mari de l’interprète. De quoi conférer à ce disque attachant une touche _ sans nul doute _ d’émotion supplémentaire.

Les aficionados d’orgue et de clavecin se souviendront sans doute de l’enregistrement entrepris par Michèle Dévérité d’une anthologie de musique italienne pour clavier du 17e siècle (chez Arion) et d’une intégrale de l’œuvre des Forqueray père et fils (chez Harmonia Mundi), encensées par la critique. Cette dernière réalisation dépeignait déjà “Les tourments de l’âme” avec pudeur et sincérité, sans emphase ni dramatisme _ voilà.L’âme en peine” est d’une veine comparable.

Le séduisant instrument sur lequel Michèle Dévérité a jeté son dévolu pour cet enregistrement se prête à merveille au répertoire. Il s’agit d’un clavecin anonyme construit en France aux alentours de 1650, récemment restauré. La sonorité en est d’une rondeur envoûtante dans tous les registres. Le médium est généreux, les basses, charnues. Les aigus sont chatoyants, quoique plus discrets -mais qu’importe, puisque, dans ses pièces de clavecin, Couperin aime particulièrement à s’attarder sur la moitié gauche du clavier _ la plus grave, oui.

“Dans cet enregistrement, nous avons spécialement soigné l’accord en l’adaptant à chaque tonalité”, nous précisait, il y a peu, Michèle Dévérité.

De fait, l’accord de l’instrument bouscule quelque peu nos habitudes d’écoute : au tempérament égal, qui s’est imposé en Occident depuis la fin de la période baroque, la protagoniste de ce disque a, en toute logique, préféré le tempérament “ordinaire”, qui prévalait encore France au 17e siècle et au début du 18e siècle. Ce tempérament, issu du tempérament mésotonique, agrandit inégalement certaines tierces et certaines quintes pour pouvoir jouer dans des tonalités éloignées. L’éloquence, l’expressivité exacerbées qui caractérisent la musique baroque sont rehaussées par ces tempéraments inégaux, à l’aide desquels les compositeurs -au premier rang desquels les clavecinistes français- érigeaient des œuvres chargées d’”affects”. Comme nous l’a judicieusement fait observer l’interprète de ce disque, qu’une pièce telle que La Convalescence soit à ce point “grinçante” n’est donc ni le fruit du hasard ni le résultat de ce que nous aurions trop vite tendance à qualifier aujourd’hui d’ “intonation défectueuse”, mais au contraire un effet recherché _ oui, en toute discrétion _ par Couperin, qui, très malade à l’époque de sa composition, se savait probablement condamné.

Cet enregistrement, dont Les Folies françoises ou les Dominos constituent le plat de consistance, offre un condensé des plus belles pièces pour clavecin de François Couperin, sans s’astreindre à ressasser coûte que coûte les plus connues (exit, donc, Les Baricades Mistérieuses !).

Publiées en quatre recueils entre 1713 et 1730, rassemblées par tonalités en vingt-sept suites ou “ordres”, les pages pour le clavecin du neveu de Louis Couperin sont, pour la plupart, d’une profonde mélancolie _ voilà, mais jamais larmoyante. On ne s’étonnera pas, dès lors, que l’interprète ne hâte pas le pas -pas même lorsque le compositeur l’invite à jouer “sans lenteur”. Encore fallait-il, pour faire une réussite de ce disque, faire davantage que “prendre le temps de l’expression” : traduire, par la délicatesse _ et c’est bien là le mot couperinien par excellence… _du toucher et des ornements, cette intimité, cette tendresse, cette fragilité _ oui, oui, oui _ qui sous-tend l’œuvre entier du compositeur. Et ne pas oublier que, si le clair-obscur règne en maître sur un pan non-négligeable de la production couperinienne, l’art de Couperin Le Grand est avant tout celui d’un coloriste. L’humour et la fantaisie ne faisaient d’ailleurs _ certes _ pas défaut à l’auteur du _ sublimeConcert dans le goût théâtral, comme en témoignent Les Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx, petite comédie en cinq tableaux qui égaie le programme en son centre, Les Amusemens, ou encore les intitulés évocateurs de nombreuses partitions.

J’avouerai de bonne foi que j’aime beaucoup mieux ce qui me touche que ce qui me surprend”, confessait ce peintre des sentiments qu’était François Couperin. Ce disque ne peut que ravir ceux qui partagent sa pensée. Michèle Dévérité imprègne les trente-trois pages qui défilent sous ses doigts de grâce, rêve et nostalgie _ voilà… Le langage favori de Couperin n’est-il pas, après tout, celui qui n’affirme rien mais insinue, pour reprendre la belle expression de Philippe Beaussant ?

Soulignons, pour finir, la clarté et le relief de la prise de son _ en effet _, ainsi que la beauté de l’objet en lui-même, serti dans une pochette à l’effigie du compositeur _ au regard introspectif _ et accompagné d’une notice quadrilingue, richement illustrée et documentée. Il n’y manque qu’une biographie de l’interprète _ très discrète elle-même.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Olivier Vrins

Ce jeudi 26 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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