Archives du mois de mars 2019

La très belle Missa Sancti Pauli de Francesco Bartolomeo Conti, à Vienne (1715)

11mar

Francesco Bartolomeo Conti (Florence, ca. 1681 – Vienne, 1732)

est un compositeur italien de l’époque baroque,

dont l’œuvre vaut plus qu’assurément le détour…

Outre la Missa Sancti Pauli

_ peut-être de mars 1715, à la Schottenkirche à Vienne… _,

dont paraît, chez Glossa

_ le CD Glossa GCD 924004 _

une très belle interprétation

par le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra

sous la direction du très bon chef hongrois György Vashegyi,

il faut remarquer aussi

le double CD _ paru chez Virgin Classics, en 2007 _ de son opéra David,

par Il Complesso barocco sous la direction d’Alan Curtis

_ avec la participation de Simone Kermes _ ;

ainsi que, en 2009, chez Arcana,

leCD du très beau récital de Cantate con istromenti

par Bernarda Fink et Ars Antiqua Austria

sous la direction de Gunar Letzbor.

Dès le début du XVIIIème siècle,

de nombreux musiciens (et compositeurs) italiens

franchirent les Alpes

pour aller occuper divers postes,

notamment auprès des empereurs Habsbourg à Vienne.

Francesco Barolomeo Conti fut l’un d’eux _ en 1701 :

il accepta alors « le poste de théorbiste que lui offrit la cour des Habsbourg » ;

et il reçut « le titre de compositeur de la cour en 1713« 

Anna Scholz conclut son texte du livret de présentation, page 17, de ce CD de la Missa Sancti Pauli,

par ces expressions,

que je valide totalement :

« Après avoir découvert, interprété et enregistré les œuvres de Francesco Bartolomeo Conti,

nous sommes de plus en plus persuadés que cette musique sublime _ parfaitement, oui _

et expressive, pleine d’idées originales,

et tant estimée au XVIIIème siècle _ par Zelenka, Handel et Bach ! _,

stimulera, captivera et charmera _ voilà ! _

avec autant d’intensité les publics du XXIéme siècle. » 

Ce lundi 11 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le violoncelle dynamique du magnifiquement sympathique Gary Hoffman : un interprète merveilleux de vie !

10mar

La semaine du 25 février au 1er mars,

c’est avec un très vif plaisir

que j’ai pu suivre la très intéressante interview _ en cinq journées _,

par Judith Chaine,

en l’émission Les Grands Entretiens, sur France-Musique,

du magnifiquement sympathique violoncelliste Gary Hoffman :

« Mon identité est liée à la musique« 

« Les Hoffman, ils sont tous musiciens !« 

« Bien jouer, je ne sais pas ce que ça veut dire« 

« Il y a certaines choses qu’on ne peut pas vivre en-dehors de la scène« 

et « Jouer les Suites de Bach, rien de plus effrayant« .

Par lui, Gary Hoffman,

je disposais surtout du magnifique CD ladolcevolta LDV35

des deux Sonates pour piano et violoncelle de Johannes Brahms,

avec l’excellente Claire Désert au piano.

Et je me suis procuré depuis

le CD ladolcevolta LDV42

de Schelomo, rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre, d’Ernest Bloch,

et le Concerto pour violoncelle, d’Edward Elgar,

avec l’Orchestre Royal Philharmonique de Liège, dirigé par Christian Arming.

C’est très beau !

Et je me mettrai en chasse du CD

de l’intégrale de l’œuvre pour violoncelle de Felix Mendelssohn

_ un musicien que je vénère ! _,

le CD ladolcevolta  LDV05,

avec son compère pianiste David Selig.

Des univers musicaux

assurément bien différents,

mais tous interprétés _ en leur idiosyncrasie _ avec un merveilleux naturel,

le plus vivant _ et juste ! _ qui soit !

Rendons leur grâce !


Ce dimanche 10 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Stephane Degout, plus que jamais au sommet : le CD « Enfers _ Famous Opera Scenes by Jean-Philippe Rameau »

09mar

Un nouvel article, Inferno,

de Jean-Charles Hoffelé sur son blog Discophilia, du site Artamag,

m’a conduit

à mieux écouter

le CD Enfers _ Famous Opera Scenes by Jean-Philippe Rameau  

de Stéphane Degout

avec l’Ensemble Pygmalion que dirige Raphaël Pichon :

Soit le CD Harmonia Mundi HMM 902288.


J’avais été déçu par un récital Bach

de Pygmalion et Raphaël Pichon

à l’Auditorium de Bordeaux, le 5 février 2018 :

pas assez soigné

 et avec trop de coupures dans les cantates données.

Le CD Enfers avait donc fait les frais

du souvenir tenace de cette mauvaise humeur mienne à l’égard de Pichon. 

Et alors même que sur un programme _ en partie ramélien _ assez proche,

j’avais filmé au caméscope,

du haut de la chaire _ baroquissime _ de Sainte-Walburge, à Bruges,

La Simphonie du Marais, de Hugo Reyne,

avec le baryton Thierry Félix ;

c’était le 7 août 1993 _ le soir même des obsèques, à Bruxelles, du roi Baudouin.

Bruges peu à peu allait sortir du deuil qui l’anesthésiait jusque là.

Lors du Festival des Flandres de 1993 _ il y a déjà 26 ans.


J’ai sous les yeux le programme de ce concert de 1993

que Hugo Reyne avait intitulé

_ par un parfait hasard eu égard à la spécificité (tellement singulière !) de telles circonstances de deuil profond ! _

« Des Ténèbres aux Lumières » !

Je mets ici en gras ce qui est commun

entre le récital de Thierry Félix et La Symphonie du Marais

et le CD de Stéphane Degout et Pygmalion :

_ Jean-Fery Rebel : le chaos (extrait des Éléments)

_ Jean-Philippe Rameau : « Profonds abîmes du Ténare » (extrait du Temple de la Gloire)

_ Ouverture de Zaïs

_ « Monstre affreux, monstre redoutable » (extrait de Dardanus)

_  Ouverture de Hippolyte et Aricie

_ « Puisque Pluton est inflexible » (extrait de Hippolyte et Aricie)

_ Ouverture de Zoroastre

_ « Éveillez-vous ! » (extrait de Zaïs)

_ Ouverture du Temple de la Gloire

_ La Fête du Soleil (extraite des « Indes Galantes« ) :

… « Soleil, on a détruit tes superbes asiles »

… Adoration du Soleil : « Brillant Soleil ! »

… Dévotion au Soleil : « Clair flambeau du Monde »

Georg Frideric Händel : Ouverture des Royal Fireworks.

Eh bien !

à la ré-écoute de ce CD Degout,

je réévalue complètement mon appréciation,

au moins des interprétations de ce génial baryton qu’est Stéphane Dégout :

quelle superbe intelligence des textes,

quel art de la diction la plus juste qui soit !

quel timbre !

_ mais oui ! et cest bien sûr fondamental !!! _

et quel merveilleux art du chant !

Tout tremble ici !!!

en ces Enfers…

Voici, maintenant, l’article Inferno de Jean-Charles Hoffelé :

INFERNO

Sujet, le Ténare, objet la métaphore de la tragédie lyrique entre Rameau et Gluck, ses gains et surtout ses pertes. On ne voit guère ces dernières tant le baryton noir _ voilà _, l’ardeur vocale _ oui _, l’intensité lyrique et dramatique _ oui _, la splendeur des mots _ tout cela est parfaitement cerné ici ! _ qu’y déploie Stéphane Degout dessine des personnages qui semblent _ voilà : quelle extraordinaire puissance de présence ! _ émaner du disque comme jaillis _ oui _ de la scène _ même _ : cet Anténor plein de douleurs et de craintes dans l’attente du monstre, cet Oreste parricide qui hurle sa conscience, se voient _ et s’imposent à nous _ autant qu’il s’entendent.

Ce disque quasi parfait _ mais oui _ en six stations, entre théâtre – beaucoup – et église (un peu, et moins convaincant à vrai dire _ et c’est tout à fait juste ! _), célèbre Stéphane Degout dans son répertoire de cœur _ voilà ! quel royal interprète ! _, et cet opulent drame imaginé avec Pygmalion et Raphaël Pichon, réserve quelques moments d’anthologie, comme le _ redoutablissime _ “Trio des Parques” d’Hippolyte et Aricie _ les musiciens de l’Académie royale avaient carrément refusé de le jouer lors de la première ! _ ou l’Hostias et preces tibi rebrossé _ dans la Messe de Requiem _ de Castor et Pollux selon Reinould van Mechelen magnifique chanteur, lui aussi : ténor.

Lorsque résonne « Quelle plainte en ces lieux m’appelle », c’est Rita Gorr ! Non, Sylvie Brunet, Phèdre impérieuse, qui remet Rameau dans le ton de la Grande Tragédie, instant saisissant où Stéphane Degout, avec admiration, se sera laissé voler la vedette.

Album splendide _ oui _ à l’édition particulièrement soignée.

LE DISQUE DU JOUR





Enfers
Scènes extraits d’opéras de :

Jean-Philippe Rameau(1683-1764)
Zoroastre, RCT 62 (4 extraits)
Dardanus, RCT 35 (1 extrait)
Messe de Requiem sur des thèmes de “Castor et Pollux
(4 extraits : Requiem aeternam, Kyrie eleison, Domine Jesu Christe, Hostias et preces tibi)

Hippolyte et Aricie, RCT 43 (5 extraits)
Les Surprises de l’amour, RCT 58 (1 extrait : Loure)
Les Boréades, RCT 31 (extrait : Entrée de Polymnie)


Jean-Féry Rebel (1666-1747)
Les Elémens (extrait : Le Chaos)


Christoph Willibald von Gluck (1714-1787)
Iphigénie en Tauride, Wq. 46 (1 extrait)
Armide, Wq. 45 (1 extrait)
Orphée et Eurydice, Wq. 30 (3 extraits : Sinfonie infernale, Danse des furies, Ballet des ombres heureuses)


Stéphane Degout, baryton
Avec aussi :
Emmanuelle de Negri, soprano
Sylvie Brunet-Grupposo, mezzo-soprano
Stanislas de Barbeyrac, tenor
Reinould van Mechelen, ténor
Mathias Vidal, ténor
Thomas Dolié, baryton
Nicolas Courjal, basse

Pygmalion
Raphaël Pichon, direction

Un livre-CD du label harmonia mundi HMM902288
….

Photo à la une : le baryton Stéphane Degout – Photo : © Julien Benhamou

 

Ce samedi 9 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’hommage à Berlioz, décédé il y a 150 ans ce 8 mars : l’Intégrale Warner Classics de sa musique en 27 CDs

08mar

En hommage au grand Hector Berlioz,

décédé le 8 mars 1869,

ce superbe coffret Warner Classics

de cette (presque) intégrale de son œuvre,

dont rend très bien compte cet article fouillé de Christophe Le Toquin

La Première Intégrale Berlioz, enfin !

qui lui rend hommage,

sur le site de Res Musica :

LA PREMIÈRE INTÉGRALE BERLIOZ, ENFIN !



Hector Berlioz (1803-1969) : The Complete Works.
CD 1 à 5 – Œuvres orchestrales et instrumentales :

Symphonie fantastique ; Lélio, ou le Retour à la vie ; Roméo et Juliette ; Harold en Italie ; Grande symphonie funèbre et triomphale ; Le Carnaval romain ; Le Corsaire ; Le Roi Lear ; Les Francs-Juges ; Marche troyenne ; Rêverie et caprice ; Rob-Roy, intrata di Rob-Roy MacGregor ; Waverley ; 2 Fugues ; Trois morceaux pour l’orgue mélodium d’Alexandre


CD 6 à 12 – Œuvres vocales et chorales :

La Damnation de Faust ; Amitié, reprends ton empire ; Aubade ; Canon libre à la quinte ; Chansonnette de Mr Léon de Wailly ; Chant des chemins de fer ; Cléopâtre ; Herminie ; Huit scènes de Faust ; Irlande (Neuf mélodies) ; Je crois en vous ; Je vais donc quitter pour jamais ; La belle Isabeau ; La Captive ; La Mort d’Orphée ; La Mort d’Ophélie ; Le Ballet des ombres ; Le Chant des Bretons ; Le Chasseur danois ; Le Cinq mai ; Le Dépit de la bergère ; Le jeune pâtre breton ; Le Maure jaloux ; Le Montagnard exilé ; Le Temple universel ; Le Trébuchet ; Les Champs ; Les Nuits d’été (2 versions) ; L’Impériale ; Marche funèbre pour la dernière scène d’Hamlet ; Méditation religieuse ; Nocturne à deux voix ; Pleure, pauvre Colette ; Prière du matin ; Sara la baigneuse ; Sardanapale ; Scène héroïque (La Révolution grecque) ; Toi qui l’aimas, verse des pleurs ; Vox populi ; Zaïde


CD 13 à 17 – Musique sacrée :

Grande Messe des morts ; L’Enfance du Christ ; Te Deum ; Hymne pour la consécration du nouveau tabernacle ; Messe solennelle ; Quartetto e coro dei maggi ; Tantum ergo sacramentum ; Veni Creator Spiritus


CD 18 à 26 – Œuvres de scène :

Béatrice et Bénédict ; Benvenuto Cellini ; La Nonne sanglante (fragments) ; Les Troyens


CD 26 : Arrangements et orchestrations :

Claude Joseph Rouget de Lisle : Chant du Neuf Thermidor , Hymne des Marseillais (La Marseillaise) ;

Carl Maria von Weber : L’Invitation à la valse ;

Jean-Paul-Égide Martini : Plaisir d’amour ;

Franz Schubert : Erlkönig (version pour orchestre)


CD 27 : Enregistrements pionniers :

Air de Méphistophélès « Voici des roses » et Sérénade de Méphistophélès « Devant la maison », Maurice Renaud baryton.

Air de Didon : « Chers Tyriens, tant de nobles travaux », Marie Delna, soprano.

Air de Didon : « Adieu, fière cité », Félia Litvinne soprano
Symphonie Fantastique : Orchestre des Concerts Pasdeloup, direction Rhené-Baton


Interprètes :

Bruno Messina, Colin Davis, Véronique Gens, Alexandre Tharaud, Anna Caterina Antonacci, Charles Munch, City of Birmingham Symphony Orchestra, Daniel Kawka, Désiré Dondeyne, Donald McInnes, Elsa Dreisig, François-Xavier Roth, Janet Baker, Jean Martinon, Jeff Cohen, John Eliot Gardiner, John Nelson, John Osborn, Josephine Veasey, Joyce DiDonato, Leonard Bernstein, Les Éléments, Louis Frémaux, Mark Van Arsdale, Michael Spyres, Nicolai Gedda, Orchestre de Paris, Orchestre national de France, Orchestre national de l’ORTF, Roberto Alagna, Sabine Devieilhe, Stanislas de Barbeyrac, Stéphanie d’Oustrac, Terry Gilliam, Thomas Hampson, Vincent Le Texier, Yves Chauris, Jon Vickers


1 coffret Warner Classics de 27 CDs, enregistrés entre 1901 et 2018. Durée : 31 h 20

Warner Classics met un terme à une trop longue attente en éditant la première intégrale Berlioz (du moins de ses œuvres musicales _ ses écrits ont eux aussi un très grand intérêt ! _), pour les 150 ans de la disparition du compositeur, le 8 mars 1869. Et c’est une grande réussite, avec des inédits et à prix très doux.


Commençons par ce qui peut paraître accessoire mais qui à notre sens signifie beaucoup. Ce coffret édité par une major prend le soin de remercier des figures qui pour être non musicales contribuent à la légende berliozienne, et en premier lieu Michel Austin et Monir Tayeb, animateurs infatigables du site quasi-encyclopédique hberlioz.com et grands défenseurs du compositeur devant l’Éternel. Également dans la liste des premiers remerciés, on notera avec approbation la mention d’Antoine Troncy qui au Musée Hector-Berlioz conserve de précieuses archives sur le compositeur et réalise année après année des expositions au goût parfait.

En remerciant également de manière appuyée le Festival Berlioz et Véronique Gens pour avoir accepté que leur premier enregistrement mondial des extraits de la Nonne sanglante (35 minutes de musique) soit édité dans ce coffret, l’éditeur met en lumière que non, enfin, Berlioz n’est plus un réprouvé en son propre pays _ la France. Le Festival Berlioz à La Côte Saint-André animé par Bruno Messina est aujourd’hui le plus couru des festivals d’orchestre en France, l’Opéra de Paris programme Berlioz consciencieusement – certes avec des fortunes diverses – et sa musique est actuellement brillamment défendue par plusieurs générations d’interprètes qui ne cèdent en rien aux grands disparus, les Charles Munch, Colin Davis, Josephine Veasey, Nicolai Gedda… Berlioz s’exclamait auprès de sa sœur Adèle en 1858 qu’il fallait « donc vivre deux cents ans pour pouvoir se faire connaître en France, quand on est compositeur ». Là aussi, il était visionnaire. Même sa panthéonisation est officiellement défendue par ses pairs de l’Académie  auprès du Président de la République.

Sur le plan du choix des interprètes et des versions, Warner a la main heureuse en héritant des fonds Erato, EMI et Virgin Classics et arrive ainsi à créer une intégrale de grande qualité, riche en musiciens français _ nous le notons _, que ce soit sur le plan orchestral et vocal, à la direction comme à l’interprétation. Si on a pu souvent et à juste titre déplorer l’internationalisation des labels et des équipes amenant une perte d’identité, ce coffret apporte un beau démenti aux déclinistes. Produit par un label mondial, il met en valeur les talents d’hier et d’aujourd’hui et offre un panorama passionnant _ dont acte _ de l’interprétation berliozienne des cinquante dernières années.

Dans les must de cette intégrale, on peut ranger les trois opéras, tous signés John Nelson ainsi que l’Enfance du Christ et la Messe Solennelle signés John Eliot Gardiner. Les Benvenuto Cellini  (Clef ResMusica, Virgin) et Béatrice et Benedict (Erato) sont les meilleures versions au disque _ dont acte _, plus vivantes et naturelles que les versions pionnières de Colin Davis qui ont longtemps tenu le haut du pavé (Philips). S’il y a concurrence, c’est en DVD qu’on la trouvera, pour la Béatrice de référence de Stéphanie d’Oustrac à Glyndebourne (Opus Arte) et la mise en scène survitaminée du Benvenuto Cellini de Terry Gilliam avec l’excellent John Osborn en Benvenuto (Naxos).
Pour Les Troyens, le coffret intègre la version toute récente et multi-récompensée  de John Nelson avec Joyce DiDonato et Michael Spyres (Clef d’Or ResMusica, Erato). Une version superbe d’engagement _ voilà ! _ à ranger à côté des deux gravures de Sir Colin Davis, celle de 1969 pour Philips pour le duo de Josephine Veasey et Jon Vickers, et celle enregistrée sur le vif en 2000 pour son urgence dramatique et son feu orchestral. En DVD, la concurrence vient de la Cassandre incandescente d’Anna Caterina Antonacci (Opus Arte) en 2003 au Châtelet.

Un mérite essentiel de ce coffret est d’offrir plusieurs enregistrements en première mondiale dont la plus importante est celle de la Nonne sanglante captée l’été dernier avec Véronique Gens, Mark van Arsdale et Vincent Le Texier, avec l’orchestre OSE ! dirigé par Daniel Kawka. On se demande comment on a pu attendre aussi longtemps pour disposer d’un enregistrement, alors que l’œuvre a toujours été connue et avait été conservée par Berlioz qui avait noté de la brûler après sa mort (une coquetterie dont il était coutumier, il s’était bien gardé de la brûler lui-même). Créée probablement dans les années 1960 en Angleterre selon Michel Austin et Monir Tayeb, elle dut attendre 2007 pour sa création française au Festival de Radio France à Montpellier. On y découvre un Berlioz qui tente d’amadouer le public et l’Opéra de Paris en travaillant avec le librettiste à succès Eugène Scribe et en composant dans un style très bel canto, dont l’intensité dramatique culmine dans les duos et l’air d’Agnès. Mais Berlioz n’est jamais aussi bon que lorsqu’il laisse libre court à sa fantaisie _ voilà _, et là on le sent contraint par le goût lyrique de l’époque. La partition de la fin du second duo d’Agnès a été arrachée par Berlioz et le musicologue Hugh MacDonald a pu démontrer que la conclusion avait été reprise dans le duo où Cassandre conjure Chorèbe « Pars ce soir ! », qui est la culmination et le moment de génie de ce fragment. Cette Nonne sanglante est mieux qu’un projet inabouti, elle révèle les tourments d’un artiste _ libre et courageux _ qui réalise qu’il fait fausse route en se conformant aux attentes dominantes de son époque.


Autre première mondiale, Le Dépit de la bergère par Elsa Dreisig et Jeff Cohen au piano est une charmante romance qui est émouvante à double titre, parce qu’elle a été écrite par un compositeur de 16 ans et qu’on reconnaîtra une signature dans la sicilienne de Béatrice et Benedict, sa dernière œuvre d’importance. Comme un hommage du vieil homme fidèle à la fièvre du jeune homme.

Si les deux fugues pour orgue composées pour le Prix de Rome n’ont d’intérêt que documentaire, l’orchestration du Temple universel (1861) par Yves Chauris est une heureuse initiative de François-Xavier Roth, car c’était un projet auquel Berlioz tenait sans avoir trouvé l’énergie de l’accomplir. Avec le Chant des chemins de fer de 1846, ces pièces méconnues montrent un Berlioz apôtre qui rêve d’un monde meilleur avec cet appel visionnaire et qui devra peut-être attendre encore longtemps : « Embrassons-nous par-dessus les frontières, L’Europe un jour n’aura qu’un étendard ». Dix ans plus tard, Napoléon III déclenchait une guerre catastrophique contre l’Allemagne…

Si les opéras et ces nouveautés ne suffisent pas _ à susciter la démarche d’achat _, il y a encore une excellente raison d’acquérir ce coffret, qui est la possibilité de pouvoir embrasser d’un geste _ c’est judicieux _ les œuvres méconnues, cantates du Prix de Rome, mélodies et romances, ouvertures, œuvres de jeunesse rejetées parce que fécondantes d’œuvres de maturité (Huit scènes de Faust, Messe Solennelle, Scène héroïque qui préfigure Les Troyens). David Cairns, auteur de la notice du livret de 164 pages, ouvre son propos sur le corpus des mélodies, et il a bien raison. Ce n’est certainement pas le volet le mieux connu de Berlioz, et cette musique sera une découverte passionnante _ tant mieux ! _ pour les mélomanes. Pour aider à mieux goûter ces pièces variées, on ne saurait trop recommander de se procurer le guide Berlioz de B à Z de Pierre-René Serna (Van de Velde, Clef ResMusica), qui analyse chaque œuvre avec beaucoup de finesse et dans une écriture accessible.

Pas de vraie faiblesse dans ce coffret hormis peut-être les Nuits d’été par Gardiner/Orchestre de l’Opéra de Lyon (Apex) avec différents interprètes, mais la version de Janet Baker et Barbirolli (EMI) est également proposée, et elle est un classique _ oui ! La Damnation de Faust de la version Nagano (Erato) disposait d’un superbe casting, mais elle est moins incarnée et flamboyante que par Munch, Markevitch ou Colin Davis _ dont acte. Roméo et Juliette par Muti (EMI) sonne magnifiquement, mais cela ne suffit pas, et Colin Davis, Ozawa et tout dernièrement Tilson Thomas (SFS Media, Clef ResMusica) dominent _ nous le notons. Le Te Deum par John Nelson et l’Orchestre de Paris, la Symphonie Fantastique et Lélio par Jean Martinon et l’Orchestre national de l’ORTF, Harold en Italie par Leonard Bernstein avec l’Orchestre national de France et l’altiste Donald McInnes (rééditée récemment dans un coffret Warner Berstein/ONF) ne comptent pas parmi les références, mais elles offrent un aperçu intéressant des orchestres français.

Quelques regrets _ nous y voilà _ :

La Belle voyageuse n’est proposée qu’en version pour piano (certes par Thomas Hampson, mais on est loin des sortilèges de la version orchestrée) et la Grande symphonie funèbre et triomphale n’est proposée que dans la version initiale pour instruments d’harmonie (certes dans la version historique et savoureuse de la Musique des Gardiens de la paix dirigée par Désiré Dondeyne).

Le dernier disque est consacré aux stars de l’époque, ainsi du baryton Maurice Renaud, né à Bordeaux en 1861 et enregistré en 1901 dans deux airs de La Damnationau sommet de ses moyens. Les voix de femmes sont plus difficiles à nos oreilles contemporaines, et c’est curieusement Didon qui retenait l’attention à l’époque. Quoique, cela peut s’expliquer car Marie Delna avait été découverte en 1892 dans le rôle de Didon donné à l’Opéra Comique, elle n’avait alors que 17 ans (!) et avait stupéfié le tout Paris. On l’entend en 1903 dans « Chers Tyriens, tant de nobles travaux« . La gravure de Félia Litvinne en 1904 dans « Adieu, fière cité » pose une énigme sur le plaisir que pouvaient retirer les mélomanes de l’époque. L’honneur du tout premier enregistrement de la Fantastique revient à l’Orchestre des Concerts Pasdeloup dirigé par Rhené-Baton dans une instrumentation corrigée (réduction des percussions et en particulier des cymbales), et il bénéficie des bons soins du Studio Art & Son d’Annecy. Berlioz, si attentif au son et aux progrès techniques, aurait été émerveillé et impatient des compromissions imposées par la technique.

Finissons par les coups de cœur _ c’est toujours intéressant ! _, choix forcément subjectifs.

Pour les voix, tout Véronique Gens (, La Captive, Zaïde _ oui ! _), Sabine Devieilhe accompagnée par Alexandre Tharaud (La Mort d’Ophélie, d’un impact supérieur à la version pour chœur qui n’est d’ailleurs pas proposée _ c’est dommage… _ dans le coffret), Roberto Alagna dans le Te ergo quaesumus du Te Deum, Janet Baker _ magnifique _  en Herminie (avec Colin Davis, issue de son fameux cycle Berlioz chez Philips) et Stanislas de Barbeyrac dans le Roi des Aulnes en version orchestrée. Pour les chœurs, le Requiem par Louis Frémaux et les forces du City of Birmingham Symphony Orchestra sera une vraie découverte pour beaucoup, dont l’importance avait à juste titre été soulignée par Michel Tibbaut à l’occasion du coffret Warner consacré au chef _ Louis Frémaux _ et à l’orchestre _ de Birmingham. On ne voudra pas non plus passer à côté du court Ballet des ombres avec le Chœur Les Éléments, que Berlioz réutilisera dans Benvenuto et Roméo et Juliette

Un coffret à la hauteur des espérances _ fort bien !!! _ nées d’une si longue attente.

Un événement discographique d’importance, par conséquent !


Ce vendredi 8 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Cette mine d’intuitions passionnantes qu’est le « Dictionnaire amoureux de l’esprit français », du turco-suisse Metin Arditi

07mar

Le mardi 26 février dernier,

et suite à mon écoute, le dimanche 24, de l’émission Musique émoi, d’Elsa Boublil,

qui lui était consacrée

_ cf mon article  _,

j’avais brièvement présenté

mon très vif plaisir de l’entame

_ jusqu’à la page 167 / 661, ce premier soir de lecture : j’en arrivais à l’article Debussy, après l’article Dada _

de ma lecture de ce très riche travail

_ de l’helvéto-turc Metin Arditi (né à Ankara le 2 février 1945) _,

sur un sujet qui de très loin, moi aussi, et depuis très longtemps,

me travaille :

je veux dire

les mystères et arcanes de ce « esprit français« 

auquel je suis tellement sensible, moi aussi, dans les Arts

_ et sans nationalisme aucun (ni encore moins de sourcilleuse exclusivité !), est-il utile que je le précise ?!

Il s’agit seulement du simple constat renouvelé chaque fois

et non sans surprise

_ je ne le recherche en effet pas du tout ! Non, mais cela vient me tomber dessus,

et me ravir et combler… _

de ce qui vient au plus profond secrètement me toucher,

et me fait fondre de délectation :

telle la reconnaissance d’affinités intenses comme congénitales…

Voici,

pour aller d’emblée à l’essentiel de ce que vais un peu discuter,

le résumé

Dans ce dictionnaire, l’écrivain sélectionne des traits selon lui exemplaires de la culture française, comme le culte de l’élégance, le sens de l’ironie et l’art de la conversation _ rien à redire, bien sûr, à cet excellent choix-ci. Les entrées abordent aussi bien les institutions, les personnalités et des aspects historiques, de l’Académie française à Louise de Vilmorin, en passant par la haute couture, l’impressionnisme et Jacques Prévert.

puis la quatrième de couverture de ce Dictionnaire amoureux de l’esprit français, de Metin Arditi,

publié aux Éditions Plon et Grasset :

Dictionnaire amoureux de l’Esprit français :

« Je voudrais bien savoir, dit Molière _ plaidant ici pro domo _, si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire. » Partant de ce constat, Metin Arditi examine d’une plume tendre _ en effet _ les formes dans lesquelles s’incarne cet impératif de séduction _ oui… _ : le goût du beau _ davantage que du sublime _, le principe d’élégance _ oui, toujours ! a contrario de la moindre vulgarité _, le sens de l’apparat _ un peu survalorisé par l’auteur, selon moi _, mais aussi le souci de légèreté _ fondamental, en effet _, l’humour _ oui, avec toujours un léger décalage… _, l’art de la conversation _ très important : civilisateur _, un attachement historique à la courtoisie _ parfaitement ! _, l’amour du trait _ d’esprit et parole, seulement _ assassin, la délicatesse _ c’est très, très important aussi !!! l’égard et ses formes, envers l’autre _ du chant classique « à la française » _ la quintessence peut-être du goût français _, un irrésistible penchant pour la théâtralité _ surévalué à mon goût, à contresens de la délicatesse et de la discrétion, selon moi _, l’intuition du bon goût _ oui ! _, la tentation des barricades _ à l’occasion, faute de parvenir à assez se bien faire entendre _, une obsession du panache _ surévaluée, elle aussi, comme le penchant à la théatralité : le panache de Cyrano illustrant la couverture du livre ! _, et, surtout, une _ sacro-sainte et irrépressible ! _ exigence de liberté _ oui, cela, c’est incontestable : ne jamais être comdamné à emprunter des voies toutes tracées, ou disciplinaires ; mais disposer d’une capacité permanente d’invention, et de singularité. En un mot, le bonheur à la française _ oui : à savourer assez paisiblement et durablement en sa profonde et somme toute discrète intensité. À l’heure où chacun s’interroge sur la délicate question de l’identité _ mais non assignable à des traits fermés et une fois pour toutes donnés, invariants… _, ce dictionnaire rappelle que l’esprit français est, surtout, un inaltérable cadeau _ d’ouverture et fantaisie. Une lecture qui fait plaisir… et pousse à réfléchir _ et discuter, entamer le dialogue.

Voici aussi le texte accompagnant le podcast de l’émission Musique émoi du dimanche 24 février dernier,

qui reprend ces diverses thématiques :

Metin Arditi, amoureux  comme personne de  l’esprit français, examine d’une plume légère et souvent espiègle les  diverses formes dans lesquelles s’incarne en France le désir de plaire.

« On ne considère en France que ce qui plaît », dit Molière, « C’est la grande règle, et pour ainsi dire la seule ».


Partant de cet indiscutable constat, l’auteur de ce dictionnaire,  lui-même amoureux  comme personne de l’esprit français, examine d’une  plume légère et souvent espiègle les diverses formes dans lesquelles  s’incarne en France le désir de plaire : au fil des siècles se sont  développés le goût du beau, bien sûr, mais aussi le principe d’élégance,  le sens de l’apparat, le souci de légèreté, l’humour, l’art de la  conversation, un attachement historique à la courtoisie, la délicatesse  du chant classique « à la française », le penchant pour la théâtralité,  l’amour du juste, le goût des barricades, du panache, oui, du panache,  et, surtout, une exigence immodérée de liberté. Ce dictionnaire parle de  Guitry et de Piaf, de Truffaut et de Colette _ oui _, mais aussi de Teilhard de  Chardin, Pascal, Diderot, Renan, Péguy, les prophètes qui ont nourri  les artistes de leur pensée et les ont libérés dans l’exercice de leurs talents.


L’esprit français a aussi ses interdits. Ne jamais être lourd…  Ne pas faire le besogneux… _ c’est en effet capital ! Et Nietzsche vénérait tout spécialement cet aspect-là de l’esprit français… Comment plaire, sinon ?


Au fil des pages, ce dictionnaire rappelle que le goût des belles choses a _ aussi _ un prix _ économique, financier _, qu’un tel bonheur ne vient pas sans facture _ à régler in fine ! À défaut,  l’esprit français ne serait pas ce qu’il est… _ assez impécunieux…  Sans vouloir  transformer un pays qui, c’est heureux, n’est pas transformable, on  pourrait peut-être imaginer, ça et là _ mais c’est bien un vœu pieux ! une pure vue de l’esprit… _, quelques mesures aptes à diminuer _ mais est-ce vraiment réaliste ? _ le montant de l’addition.


À l’heure où chacun s’interroge sur la délicate question de l’identité du pays, ce dictionnaire rappelle combien l’esprit français est un  cadeau _ sans prix, eu égard au bonheur (d’être vraiment d’esprit français).

 

Je regrette aussi que manquent en ce Dictionnaire amoureux

certaines entrées

que pour ma part je trouve bien plus essentielles

que Sacha Guitry ou Edmond Rostand,

telles

Joachim du Bellay, Montaigne, Marivaux, Chardin, Monet, Paul Valéry, Pierre Bonnard, Charles Trenet, par exemple,

qui,

les uns comme les autres,

ont si merveilleusement _ et idiosyncrasiquement : un trait lui aussi bien français ! _ su chanter

l’incomparable douceur de notre France.

En tout cas,

j’éprouverais un très vif plaisir à dialoguer de tout cela

avec Metin Arditi,

s’il venait à Bordeaux.

Ce jeudi 7 mars, Titus Curiosus – Francis Lippa

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