Archives du mois de janvier 2024

Un pianiste bien mieux que prometteur : Martin James Bartlett, dans Ravel, Reynaldo Hahn, et Debussy, Rameau et François Couperin : son enchanteur CD « La Danse »…

31jan

L’article d’hier mardi 30 janvier de Jean-Charles Hoffelé, intitulé « Danse funèbre« , sur son site Discophilia,

m’a grandement mis l’eau à la bouche à propos du CD « La Danse«  _ le CD Warner Classics 5054197896804, tout juste sorti le 26 janvier dernier… _ du jeune pianiste anglais Martin James Bartlett _ né à Londres le 20 juillet 1996 ; le découvrir aussi dans sa vidéo du « Liebestraüme » n°3 , de Franz Liszt (4′ 58), du 3 mai 2019… _,

consacré principalement à 3 chefs d’œuvre absolus de Maurice Ravel, « Pavane pour une infante défunte« , « Le Tombeau de Couperin » et « La Valse« ,

ainsi que quelques autres pièces _ superbes, elles aussi ! _ de musique française, autour :

une « Gavotte et ses six doubles« , extraite de la « Suite en la mineur » des « Nouvelles Suites de clavecin » de Jean-Philippe Rameau,

« Les Barricades mystérieuses« , la pièce n°5 du Sixième Ordre du « Second Livre de pièces de clavecin » de François Couperin,

l' »Andantino n°1 » des « Arabesques » de Claude Debussy,

et _ surtout _ deux pièces _ d’un charme fou _ du « Ruban dénoué » de Reynaldo Hahn : « Décrets insolents du hasard » et « Les Soirs d’Albi » _ qui forment le sommet de charme français de ce merveilleux CD !

DANSE FUNÈBRE

Que l’on ne croit _ surtout _ pas le titre de ce papier. L’œuvre _ très effectivement, oui _ la plus ouvertement noire de ce disque que l’on classera à Ravel _ soit « La Valse » pour l’apocalypse viennoise… _ est emporté dans un clavier absolument solaire, dont les vertiges érotiques, les grands gestes d’un piano absolument orchestral, ne danseront jamais au bord d’un volcan. Cette Valse n’est pas _ ici… _ un monde qui s’effondre _ ce qu’elle est bien, en sa vertigineuse réalité ! _, mais un pur spectacle esthétique _ voilà, délié… _ où les canons de l’art de Ravel sont magnifiés par un jeu athlétique absolument clouant. La lettre oui, et c’est rare de l’entendre à ce point réalisée dans une partition où les chausse-trappes abondent, mais l’esprit aussi _ mais _ sans le tragique _ ce qui n’est tout de même pas peu… Et pour ma très modeste part, personnement je le regrette…

Le tragique, vous le trouverez _ subtilement _ masqué _ tapi _ dans un _ tout à fait _ émouvant Tombeau de Couperin, tout en apartés, phrasé avec une imagination de tous les instants, dansé (le Rigaudon est leste, les ornements de la partie centrale faisant vraiment paraître Couperin) mais surtout ému (la Forlane, hors du temps, belle à pleurer _ oui ! _). Ce tragique affleurera dans l’assombrissement du Menuet, moment saisissant, et sera à peine suggéré dans une Pavane pour une infante défunte admirablement tenue _ oui, oui, oui. C’est magnifique !

La variété du toucher, la présence d’une main gauche diseuse, le grand son mis à Rameau ou Couperin laissent espérer que Martin James Bartlett reviendra aux clavecinistes français qu’il entend avec bien plus d’art qu’un certain confrère plus chenu _ lequel ? _, mais l’autre merveille _ absolument ! _du disque, plus encore que la face Ravel, plus que l’Arabesque de Debussy qui sous ses doigts a un petit côté Clair de lune, ce sont bien _ oui, oui, oui _ les deux _ merveilleuses _ pièces tirées du _ formidableRuban dénoué _ ce délicieux pur chef d’œuvre, mais pas encore assez connu, de Reynaldo Hahn, composé pourtant dans les tranchées, en 1915 _ où le rejoint l’ami Alexandre Tharaud, romance nostalgique _ sublimisssime !!! _ des Décrets indolents du hasard, petit contredanse anisée des Soirs d’Albi, perles tirées d’un cycle de valses merveilleux _ oui, oui, oui _ tout juste enregistré dans son intégralité par Eric Le Sage et Frank Braley (voir ici) _ et voir aussi mon article enchanté «  » du 13 janvier dernier.

LE DISQUE DU JOUR

La Danse

Jean-Philippe Rameau
(1683-1764)


Gavotte et six doubles
(No. 7, extrait de la « Suite en la mineur, RCT 5 »,
des « Nouvelles suites de pièces de clavecin, 1727 »)


François Couperin
(1668-1733)


Les Barricades mystérieuses (No. 5, extrait de l’« Ordre VI », du
« Second livre de pièces de clavecin, 1717 »)


Maurice Ravel (1875-1937)


Le Tombeau de Couperin, M. 68
Pavane pour une infante défunte, M. 19
La Valse, M. 72 (version pour piano deux mains)


Reynaldo Hahn (1874-1947)


Le ruban dénoué (2 extraits : No. 1. Décrets indolents du hasard ;
No. 2. Les soirs d’Albi)
*


Claude Debussy (1862-1918)
Arabesque No. 1, CD 74/1. Andantino con moto

Martin James Bartlett, piano
*Alexandre Tharaud, piano

Un album du label Warner Classics 5054197896804

Photo à la une : le pianiste Martin James Bartlett –
Photo : © Paul Marc Mitchell

Afin d’en juger,

rien de mieux qu’en écouter, un par un, chacun des podcasts :

_ celui de la « Gavotte et ses 6 doubles » de Jean-Philippe Rameau (6′ 25)

_ celui des « Barricades mystérieuses » de François Couperin (2′ 44)

_ ceux des 6 pièces du « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel :

      _ le « Prélude » (3′)

      _ la « Fugue » (3′ 57)

      _ la « Forlane » (6′ 02)

      _ le « Rigaudon » (3′ 06)

      _ le « Menuet » (4′ 44)

      _ et la « Toccata » (3′ 55)

_ ceux de 2 extraits _ en contraste tout à fait épatant _ du « Ruban dénoué » de Reynaldo Hahn, à 2 pianos, avec Alexandre Tharaud :

      _ « Décrets indolents du hasard« (1′ 36)

      _ « Les Soirs d’Albi » (2′ 32)

_ celui de l’ « Arabesque » n°1 de Claude Debussy (4′ 37)

_ celui de la « Pavane pour une infante défunte » de Maurice Ravel (5′ 58)

_ celui de « La Valse » de Maurice Ravel, dans une version pour piano à deux mains ici (11′ 36)

Pour ma part,

de ce formidablement délicieux CD de sommets de charme fou du meilleur de la musique française,

je regrette seulement _ un peu, car l’interprétation est vraiment magistrale !! quelle clarté de lecture ! _ la dilution _ un poil trop purement hédoniste ici, à mon goût ; je ne partage donc pas toutà fait l’avis, pour une fois, de Jean-Charles Hoffelé… _ du tragique absolu, pourtant, de « La Valse » _ une œuvre génialissime !_ de l’apocalypse viennoise de l’immense Maurice Ravel,

cette sublime course à l’abîme et à la chute que décidément elle est bien, cette « Valse » pour Vienne…

Mais, à la suite de plusieurs infiniment jouissives ré-écoutes de ce piano à deux mains de Martin James Bartlett _ sans  Alexandre Tharaud donc… _ en cette splendidissime « Valse » de Maurice Ravel,

il me faut rendre les armes : le jeu de Bartlett est magistralement lumineux !

Et complètement fidèle à Ravel : au final du morceau, simplement ça s’arrête…

Tel l’ictus foudroyant, sans secours et sans grondement (ni pathos gras et redondant), de l’implacable mort subite.

Sobre et humble élégance ravélienne.

Bravo !

Un récital de piano somptueux !

Qui va droit à l’essentiel…

Ce mercredi 31 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et admirer aussi les 14 « Bagatelles » Op. 6 de Bela Bartok par le magnifique si simple et si subtil Piotr Anderszewski…

30jan

Pour conclure mes articles «  » _ dans lequel je donnais à écouter en podcasts son sublime Livre II d’un « Sur un sentier broussailleux » de Leos Janacek _

et «  » _ dans lequel je donnais à écouter en podcasts ses 6 magiques « Mazurkas«  élues au sein de l’Op. 50 de Karol Szymanowski  _,

Il ne m’était pas décemment possible de laisser sur le carreau les « Bagatelles » Op. 6 de Bela Bartok extraordinairement servies par cet interprète d’exception _ à la fois parfaitement modeste et humble, et magnifiquement subtil _ qu’est Piotr Anderszewski ;

en voici donc aussi au moins 9 podcasts, accessibles, de ces 14 Bagatelles Op. 6 de Bartok :

_ celui de la n°1 (2′ 11)

celui de la n°2 (0′ 53)

_ celui de la n°3 (1′ 16)

_ celui de la n°4

_ celui de la n°5 (1′ 09)

_ celui de la n°6 (1′ 25)

_ celui de la n°7

_ celui de la n°8

_ celui de la n°9 (2′ 20)

_ celui de la n°10 (2′ 24)

_ celui de la n°11

_ celui de la n°12 (4′ 13)

_ celui de la n°13

_ celui de la n°14 (2′ 11)

Le monde de Bela Bartok (1881 – 1945) n’est pas plus celui de Leos Janacek (1854 – 1928), que celui de Karol Szymanowski (1882 – 1937).

Et pourtant Piotr Andersewski sait à la perfection marier les univers, et chacune des pièces, elles même très diverses (et toutes brèves), des univers si subtils, et très idiosyncrasiques, de ces 3 compositeurs issus des deux versants des Carpathes…

Ce récital ainsi poétiquement composé est stupéfiant de justesse et de beauté…

Ce mardi 30 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Admirer les Mazurkas de Karol Szymanowski : comparer quelques interprétations de cette sublime musique…

29jan

L’immense admiration éprouvée à l’écoute du sublime CD « Bartok – Janacek – Szymanowski » de Piotr Anderszewki,

soit le CD Warner Classics 5054197891274,

exprimée en mon article «  » d’avant-hier samedi 27 janvier 2024,

m’a conduit à comparer l’écoute cette sublime _ de tendresse ! _ interprétation de Piotr Anderszewki _ enregistré à Berlin du 30 juillet au 2 août 2023 _ des Mazurkas n° 3 _ écoutez-la ici (3’03) : quel sublime toucher d’Anderszewki… _, 4 _ écoutez-la (2′ 34) _, 5 _ écoutez-la (3′ 17) _, 7 _ écoutez-la (1′ 44) _, 8 _ écoutez-la (3′ 26) _ et 10, extraites des « 20 Mazurkas » Op. 50 M.56 de Karol Szymanowski (Tymochivka, 6 octobre 1882 – Lausanne, 29 mars 1937) _ un compositeur que je chéris tout particulièrement, et dont j’essaie de suivre attentivement la parution des interprétations des œuvres en CDs… _,

avec les interprétations d’autres pianistes se trouvant en divers CDs présents dans ma discothèque personnelle ;

soient par

_ Martin Jones,

pour la totalité des 20 Mazurkas Op. 50

_ enregistrées à Monmouth au mois d’août 1993, dans le coffret de 4 CDs « Karol Szymanowski – Complete Piano Music« , Nimbus Records NI 1750 _ ;

_ Michal Wesolowki,

pour les Mazurkas n° 13, 14, 15 et 16 de cet Op. 50

_ enregistrées à Alfortville au mois de juin 1997, dans le CD « Karol Szymanowski – Masques Op. 34 – Four Mazurkas Op. 50« , Piano Vox PIA 509-2 _ ;

_ et Krystian Zimmerman,

pour les Mazurkas n° 13, 14, 15 et 16 de cet Op. 50

_ enregistrées à Fukuyama au mois juin 2022, dans le CD « Karol Szymanowski – Piano Works », Deutsche Grammophon 486 3007 …

Eh bien, même le grand Krystian Zimerman ici _ écoutez-les : la n°13 (3′ 22)), la n°14 (1′ 58), la n°15 (2′ 57) et la n°16 (3′ 38) _ me déçoit :

pas assez chaleureuses…

Ce lundi 29 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Aborder « Le Livre des amis » de Jean Clair : mon choix de commencer ma lecture par les 3 éloges funèbres (de Françoise Cachin, en 2011, Antoine Terrasse, en 2013, et Claude Bernard, en 2022) et trois textes immédiatement consécutifs aux décès (de James Lord, en 2009, Avigdor Arikha, en 2010, ainsi que Balthus, en 2001)…

28jan

Après mes deux réflexions préalables du 24 janvier (« « )

et du 26 janvier (« « ) derniers,

concernant mon ordre de lecture des 34 textes constituant le recueil du « Livre des amis » de Jean Clair,

j’ai choisi de commencer ma lecture par 6 textes immédiatement consécutifs à la disparition physique des amis,

soient de superbes _ et très divers : singuliers, chaque fois… _ « Tombeaux » : 

_ l’article « Françoise Cachin, l’intransigeante« , soit l’éloge funèbre prononcé aux obsèques de l’amie et collègue très estimée et admirée, et décédée le 4 février 2011 (aux pages 157 à 163 du recueil) ;

_ l’article « Pierre Bonnard et les voitures« , soit l’éloge funèbre prononcé aux obsèques de l’ami Antoine Terrasse, petit-neveu de l’immense Pierre Bonnard, et décédé le 20 décembre 2013 (aux pages 364 à 366 du recueil) ;

_ l’article « Claude Bernard, l’œil éclairé« , soit l’éloge funèbre _ particulièrement magnifique ! _ prononcé aux obsèques de l’ami Claude Bernard, éminent galeriste et collectionneur d’art lumineux, décédé le 16 novembre 2022 (aux pages 142 à 146 du recueil) ;

_ l’article « Un Américain à Paris« , soit le _ délicieux _ portrait post-mortem de James Lord, esthète éclairé et très attentif, et grand ami d’artistes majeurs Picasso, Giacometti, Dora Maar, Balthus, Raymond Mason, Lucian Freud…  _ qu’il fréquentait à Paris, décédé le 23 août 2009 (aux pages 268 à 271 du recueil) ;


_ l’article _ magnifique et extraordinairement émouvant : admirable ! _« Les Asperges d’Arikha« , écrit au lendemain de la disparition, le 29 avril 2010, de l’artiste et ami vénéré _ ses œuvres sont si belles !!! _, Avigdor Arikha (aux pages 31 à 39 du recueil) _ Jean Clair a consacré un second article, paru le 24 juin 2010, à son ami Avigdor Arikha, « La Canne d’Avigdor » (aux pages 21 à 30 du recueil) : plus admirable encore !!!, sublime quant à l’art de Jean Clair de creuser là, sur le champ, dans l’instant de l’écrire vite vite, jusqu’au plus fondamental même de l’art de la peinture !, et qui complète mieux que merveilleusement le merveilleux déjà article précédent  : « Une asperge est sans prix, une fois qu’en elle, à travers le talent du peintre, s’est résumé tout le réel, tout le possible du réel, en dehors de toute anecdote ou de tout récit, le réel-là, rendu, restitué, sauvé, sauvegardé…«  ;

et : « Je dis  le vin ou bien l’asperge, on comprend qu’en parlant du fruit ou de la boisson _ que je voudrais pouvoir, à mon tour, décrire avec la même précision et la même passion que l’œnologue décrit sa boisson _ je parle en réalité des faces, des portraits, des visages qu’Arikha a peints. (…) Ce sont d’abord et toujours des visages, anonymes pour le spectateur, à qui il a conféré la dignité la plus grande, l’unicité, la singularité de la personne. Le visage seul et unique, comme la botte d’asperges et le verre de vin, avec toutes ses qualités, et rien que ses qualités, sauf que ce sont des hommes et non pas des choses. L’asperge se laisse replanter et le verre de vin se remplir. L’homme, en tant que personne, ne se remplace pas. Il n’est pas interchangeable ni renouvelable. Il ne se remplit pas une seconde fois, même lorsqu’il a perdu, comme dit si justement la langue, sa contenance. Il est unique à chaque fois, et c’est bien là le grand mystère auquel le peintre doive s’affronter, et qui suffit à couper toutes ses forces. (…)

Je ne connais guère de peintres contemporains qui aient su à ce point _ comme a su le faire Avigdor Arikha _ rendre ce sentiment, en vérité poignant, de l’unicité d’un être, de tout être, du nourrisson qui naît (…) au grand vieillard qui va mourir. On dit « sauver les apparences », ou « sauver la face », et on le dit en souriant un peu ironiquement. Et pourtant dénommer, appeler, rappeler les apparences, c’est sauver l’homme de la mort. Dénommer et non pas dénombrer. Dire et peindre, c’est rappeler les êtres à la vie, c’est le contraire de le précipiter dans le nombre.

Il faudra un jour essayer de comprendre pourquoi le grand retour à la figure, dans la peinture d’après-guerre, a d’abord été le fait de peintres issus d’une tradition religieuse que dominait l’interdit de la figuration de l’être animé, en tout cas de son image taillée. C’est toute une famille de peintres _ je pense à ceux dont il fut si proche , et qui avaient même origine, Kitaj par exemple, ou bien Lucian Freud _qui ont rappelé qu’un visage était sans prix. Ils ont été les témoins, et aussi souvent les victimes, d’une époque où, mu par une idéologie démente, on s’était mis à immatriculer les gens. Des gens qu’on dénombrait, et dont on inscrivait le chiffre sur la peau à l’encre indélébile, un numéro d’ordre. Des fois qu’on n’arrive plus, au jugement dernier, à les reconnaître et les distinguer ? Ce fut l’entreprise la plus meurtrière que l’homme ait affrontée. Le peintre y répondra comme il peut : les gens se reconnaissent, non pas à leur numéro d’abattage, comme les bêtes, mais à leur visage, à leurs traits. Et les nommer les peindre un par un, les transformer en personne, c’est les tirer de la mort« … _ ;

_ et l’article  _ non dénué d’ironie et quasi dérangeant… _ « L’Enterrement de Balthus« , pour un artiste tôt admiré, et décédé le 18 février 2001 _ accompagné de 2 autres articles, d’analyse picturale, « Balthus et Rilke : une enfance » et « Les Métamorphoses d’Éros » publiés respectivement en 2008 et 1996 (aux pages 76 à 91 et 92 à 131 du recueil).

À suivre…

Ce dimanche 28 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sublime Piotr Anderszewski dans le profond de la poésie d’un programme « Janacek – Szymanowski – Bartok », comme je les aime…

27jan

Le toucher de piano de Piotr Anderszewki est très souvent magnifique : sa douceur, sa justesse la plus intime.

Avec son CD « Janacek – Szymanowski – Bartok« , le CD Warner Classics 5054197891274

qui vient récemment de paraitre,

une nouvelle fois Piotr Anderszewski nous comble…

Et tout spécialement, outre, et d’abord bien sûr, son magique toucher, par son confondant art de choisir les pièces de son programme, ainsi que leur ordre d’apparition, et d’ordonner l’éblouissante composition _ exclusivement musicale ! _ de celui-ci :

ici du Janacek de 1911 au Szymanowski de 1924, et du Szymanowski de 1924 au Bartok de 1908…

Le magistral résultat musical _ tout en humilité et naturelle évidence _ de ce magique CD est confondant de beauté !

C’est l’article, le 13 janvier dernier, de Pierre-Jean Tribot dans Crescendo, intitulé « Piotr Anderszewski, le promeneur songeur des sentiers escarpés« , qui m’a appris l’existence de ce nouveau CD du pianiste polonais…

Voici donc cet excellent compte-rendu :

Piotr Anderszewski, le promeneur songeur des sentiers escarpés

LE 13 JANVIER 2024 par Pierre Jean Tribot

Leoš Janáček (1854-1928) : Sur un sentier recouvert, Livre II ;

Karol Szymanowski(1882-1937) : Extraits des 20 Mazurkas, Op.50 M.56 ;

Béla Bartók (1881-1945) : 14 Bagatelles, Op.6 Sz.38.

..

Piotr Anderszewski, piano. 2016.

Livret en : français, anglais et allemand.

63’12.

5054197 891274.

Piotr Anderszewski est un artiste unique _ probablement, oui _ par la singularité des propositions musicales qu’il élabore. Chacun de ses disques est attendu par les commentateurs toujours heureux de stimuler leurs neurones avec des objets qui sont l’incarnation d’un véritable travail et d’une réflexion sur les œuvres et leurs combinaisons _ voilà : le programme est admirablement composé…

Dès lors, c’est avec grande satisfaction que l’on ouvre cet album que Warner a bien pris le temps de faire mûrir dans ses caves….car enregistré en _ octobre _ 2016 à Varsovie et _ en juillet-août 2023 à _ Berlin, ce disque ne sort curieusement que maintenant _ en janvier 2024.  On espère donc tenir un millésime musical de choix !

Ce qui séduit _ complètement ! _ avec le jeu de Piotr Anderszewski, c’est sa capacité à cerner l’essence et le ton _ spécifique _ des pièces, souvent courtes ou brèves, de rentrer au plus profond des musiques tout en marquant les césures, les différences et les contrastes _ c’est là parfaitement vu ! Dans le Cahier n°2 de Sur un sentier recouvert (Po zarostlém chodníčku) de Leoš Janáček _ ce cahier a été composé en 1911…  _, l’artiste nous mène avec sens des images au travers de cette balade. Sa conception n’est ni trop scolaire, ni trop aride et vise à une fluidité du jeu et une grande variété des couleurs et du jeu. Ce promeneur solitaire rêve _ avec une ultra-douce sensualité éperdue… _ au fil des paysages. On monte _ peut-être, ou peut-être pas….. _ encore d’un cran avec les extraits des Mazurka _ les 6 choisies ici par Piotr Anderszewki datent de 1924… _ de Karol Szymanowski ou le cycle des Bagatelles de Béla Bartók _ des pièces elles-mêmes de climats très distincts, fortement contrastés ; ces 14 Bagatellles Op. 6 ont été composées en 1908 ... La densité du piano compose un dramatisme de tous les instants, que ce soit avec une forme d’élégance racée pour les pièces du Polonais _ quelle magie ! _ et une variété des tons anguleux et énergiques _ quelle force ! _ pour celles du Hongrois. On a ainsi rarement entendu des Bartók plus justes, radicaux certes, mais foncièrement humains, rythmés mais émouvants, savoureux mais rigoureux.

Le déception de ce disque _ mais est-elle de la responsabilité de l’interprète ? _ vient d’un livret très bref : un seul paragraphe de la main du pianiste qui nous dit placer ces partitions sous le signe de la rébellion, ce qui n’est pas le qualificatif qui nous vient à l’esprit _ en effet : le livret est manifestement baclé… _ à la mise en relief _ si artiste et juste à la fois : quel degré de poésie est ici atteint ! _ de ces partitions.

Mais cet album saura combler les nombreux admirateurs du pianiste et hisse aux sommets l’art de l’interprétation de Karol Szymanowski et de Béla Bartók _ et de Janacek aussi ; et ici, je ne partage pas, mais alors pas du tout, le ressenti de Pierre-Jean-Tribot : la tendresse presque insoutenable à l’audition répétée de l’interprétation de ce Janacek-ci par Piotr Anderszewski, est probablement même le sublime sommet de ce sublimissime CD ! ;

écoutez donc ici l’Andante (3′ 45), l’Allegretto (3′ 58), le Vivo (2′ 17), le Piu mosso (2′ 38) et l’Allegro (6′ 22) de ce superbe Livre II du si poétique « Sur un sentier broussailleux«  de Leos Janacek …

Son : 9  Notice : 4  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Et en effet, c’est très très beau !

Ce samedi 27 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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