Le très brillant possible adieu à la recherche de Philippe Desan – alias Jacques Saint-Maur – en son diabolique vertigineux roman-récit « Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire »…
13sept
Alors que, en mon article d’avant-hier 11 septembre, je posais presque innocemment la question : « Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie – Une ténébreuse affaire » ?..« ,
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ce jour d’achèvement de ma lecture des 376 pages de son roman-récit « Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire » (qui paraît aux Éditions Odile Jacob),
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il me faut commencer par saluer bien bas le formidable brio jubilatoire de ce récit-roman de Philippe Desan _ né à Saint-Maur-les-Fossés le 16 mai 1953 _, qui nous fait constamment _ mais oui ! _ nous interroger sur ce qui ressort là, en cette écriture, de la malicieuse invention romanesque de sa part _ avec de vraies-fausses preuves en forme d’objets (« Things« ; cf ici l’article d’Amy Graves « Montaigne and Things« , aux pages 347 à 355 du « Global Montaigne – Mélanges en l’honneur de Philippe Desan« , paru en 2021) ; d’objets montaigniens, donc, bien matériels, affirmés avoir été très effectivement re-découverts fortuitement à divers moments de l’Histoire, et proposés ici en images (dessins ou photos) : le fauteuil de travail de la librairie de Montaigne (page 184), un flacon-fiole en étain en forme de livre, un petit in-octavo, affirmé retrouvé, lors d’une restauration de ce fauteuil, soigneusement caché dans le rembourrage de crin d’un bras large de ce fauteuil (page 231), l’ex-voto déposé par Montaigne en la chapelle de Lorette et affirmé retrouvé tout récemment lors de la réfection d’une cave maçonnée aux Bagni di Lucca (page 256) ; et même un trentième sonnet d’Étienne de La Boétie, affirmé caché, lui, inséré entre les gardes et le vélin d’une précieuse reliure de l’Exemplaire de Bordeaux des Essais (page 164), mais dont les six copies de négatifs de photos que prit Jacques Saint-Maur ont été in fine détruites par lui-même (page 375), en partie, mais probablement pas principalement, pour cause de Secret-Défense d’État impliquant jusqu’au président de la république (pages 296 à 305, puis 317 à 320)… _, et, d’autre part, du portrait véridique, parfois à l’acide, de certaines mœurs et carrières universitaires,
tant le portrait tracé _ à la David Lodge (« Un tout petit monde« ), ou à la Vladimir Nabokov (« Pnine« )… _ comporte de vraisemblance, sinon même, tout simplement de vérité douce-amère _ au-delà de la jubilation profonde du parcours à rebondissements de la très patiente vraie recherche, step by step, elle-même…
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Un récit délicieux,
où le lecteur se perd vertigineusement entre vérités matérielles de choses (things) bien effectives et faux-semblants-mirages romanesques fictifs méticuleusement _ diaboliquement ? le diable se cachant tout spécialement dans les détails… _ échafaudés et très ingénieusement montés en son récit par l’ironique narrateur, Jacques Saint-Maur, en une bien jolie façon _ étourdissante, même… _ de régler quelques vieux comptes avec quelques confrères _ dont les clés seront à déchiffrer par les initiés du sérail… _, en forme de feu d’artifices festif pour marquer un peu son entrée en retraite de sa très brillante carrière universitaire de montaigniste éminent ;
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et en rendant aussi et peut-être surtout hommage au difficile voire dangereux parcours à obstacles de certains valeureux chercheurs-doctorants, telle ici la courageuse (ou peu consciente et téméraire) et heureusement résiliente Diane Osborne _ qui ose dévoiler ici, en sa soutenance de thèse à la Sorbonne, l’énormité, rien moins, d’un Montaigne assassin, à Germignan, de La Boétie ! Et nous, lecteurs emportés par la formidable habileté du récit qui nous tient tout du long en haleine, y adhérons presque, avec de telles preuves matérielles (ou quasi) fournies à l’appui en ce récit d’enquête si superbement circonstancié… Toute recherche tenant aussi, bien évidemment, de l’enquête policière.
Mais aller jusqu’à parvenir presque à nous faire passer Montaigne pour l’assassin de La Boétie : waou !!!
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A moins qu’il ne s’agisse d’une sorte de forme cachée d’aveu de repentir in extremis de la part du maître de thèse lui-même, ayant fait prendre, sous le coup de sa propre passion de chercheur, d’un peu trop inconsidérés de sa part risques à ses jeunes doctorants, l’une d’entre elles, Connie, allant même jusqu’à se suicider, sa carrière compromise :
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« Vous savez comment Jacques est avec ses étudiants. (…) Il veut être le meilleur dans tout ce qu’il entreprend, et il s’attend à ce que ses étudiants fonctionnent de la même façon. Il leur met énormément de pression, peut-être pour réussir lui-même à travers eux. (…) Toujours est-il que Connie rencontra pas mal de difficultés avec une approche jugée peu orthodoxe par la grande majorité des spécialistes de Montaigne. Plusieurs pensèrent même que Connie était manipulée par Jacques. Il avait organisé une cotutelle avec l’université Paris-VII-Jussieu où il avait trouvé deux spécialistes de Freud et de Lacan prêts à codiriger la thèse de Connie avec Paul Rieland. Jacques n’était que le troisième lecteur (…) Toujours est-il que, trois jours avant la soutenance organisée par Jacques à l’université Jussieu, les deux psychanalystes décidèrent qu’ils ne pouvaient pas accepter le thèse de Connie en l’état. C’était une question de territoire. Ils eurent le sentiment que Connie et Jacques marchaient sur leurs plates-bandes. Connie fut dévastée. Elle n’avait plus de soutiens et craignait de décevoir ses parents qui étaient fiers d’elle. Elle se suicida. Une overdose de barbituriques » (pages 278-279)…
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Nous pouvons mesurer ici les endémiques et persistants enjeux, jusqu’au tragique, de ces pauvres querelles de chipotages de territoires et pouvoirs d’universitaires privilégiant l' »utile » de leur carrière professionnelle sur l' »honnête » du souci impératif de la vérité…
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Tout cela, même en dehors _ ou à côté _, de l’infinie passion pour Montaigne lui-même, est assez intéressant et significatif de l’expérience réaliste _ et réaliste, Montaigne, sans défendre le machiavélisme, savait l’être ! _ du monde comme il va…
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Ce vendredi 13 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa