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A propos de « La Nuit de Mai » de Clément Rosset : un article d’Aurélien Barrau sur les « modalités philosophiques » rossétiennes

20fév

A propos de l’analyse du désir dans « La Nuit de mai » de Clément Rosset, et en complément à mon article précédent : « Le “désir-monde” du désir face à ses pièges : Clément Rosset à la rescousse des élans de Daniel Mendelsohn et de Régine Robin« ,…

on se reportera avec grand profit à un très bel article du philosophe et physicien Aurélien Barrau : « la philosophie rêvée _ Clément Rosset et la complexité du désir« , sur l’excellent site _ quelle mine ! _ laviedesidees.fr

Des thèses du début de l’article, je n’ai rien , ou très peu, à ajouter :

« Comment convoquer, dans un très bref essai, Proust et Boulez, Balzac et Stravinsky, Dostoïevski et Berio, Michaux et Tchaïkovski, Verlaine et Ravel ? Comment croiser, en quelques pages, Lucrèce, Leibniz, Nietzsche, Marx, Freud, Cioran, Deleuze et Althusser ? Comment imposer, par les non-dits d’un écrire presque nonchalant, des réminiscences insistantes _ devenant bientôt des présences évidentes _ de tous les autres, les compositeurs, les poètes, les philosophes, les plasticiens, les romanciers qui participent d’un ineffable réseau ? Il suffit, sans doute, d’offrir à la réflexion du penseur de la singularité _ Clément Rosset _ un concept pluriel par excellence : le désir.

L’objet du désir est une multiplicité. La « machine désirante » de Deleuze et Guattari dépasse la dialectique de l’Un et du Multiple par régime associatif, couplage, synthèse productive. Elle refuse de subsumer la globalité des désirs produits sous une unité qui les réduirait et les transcenderait. Tout y fonctionne simultanément, mais les objets de la somme sont toujours partiels. C’est le cœur de la thèse que Clément Rosset défend, complète et _ dans une certaine mesure _ infléchit avec « La Nuit de mai « .

Proust comme un paradigme. La petite madeleine n’est pas seulement le souvenir de Combray. Plus exactement, l’enchantement qu’elle suscite, les délices qu’elle engendre, l’extase délicate qui l’accompagne _ ce sont les verbes qui sont importants : par ce qu’ils dynamisent ! _, ont chargé Combray d’une signification particulière : non pas d’un sens caché ou d’une profondeur à découvrir, mais d’une sorte de pouvoir totalisant _ irradiant, et positivement (!), à l’infini. Combray est devenu la totalité des joies et des désirs de Proust _ en fait « Marcel«  _ enfant. Ce qui entoure ou accompagne un objet d’amour n’est ni une « garniture », ni une valeur ajoutée : c’est une condition de possibilité pour que l’affect se déploie _ à l’infini de ses ondes irradiantes. L’émotion _ mouvante et mobilisatrice _ est une pluralité d’émotions _ en cascades, en quelque sorte : comme aux lacs (multipliés ; et sublimes) de Plitvice ; ou de la (merveilleuse aussi) rivière Krka ; les deux en Croatie : des lieux de bains éclaboussant de joie… La cohérence importe moins que la cohésion _ par contiguïté (à commencer par empirique) _ : aussi artificielles soient-elles, les ramifications _ se déployant _ de l’objet désiré sont nécessaires à son émergence en tant que lieu identifié _ à partir de son « ressenti » _ du désir. Proust ne pourrait pas aimer le souvenir de Combray si celui-ci ne convoquait simultanément une myriade _ en effet ! _ de circonstances joyeuses, d’enthousiasmes latents et de jubilations en devenir _ que de transports heureux !.. Si le souvenir n’était que partiellement heureux, il cesserait absolument de l’être. Le dramaturge latin Trabea écrivait « je suis joyeux de toutes les joies » ; autrement dit : aimer, c’est tout aimer _ sans chichiteries, ni « comptages » : cf aussi Brassens : « Tout est bon chez elle ; (il n’)y a rien à jeter«  : encore heureux !!! ; et « sur l’île déserte, il faut tout emporter«  : on ne saurait mieux (le) dire ! La joie, comme le désir, ou l’amour, est surdéterminée _ d’abondance ! _ : une diversité de causes, parfois étrangères les unes aux autres _ de pure « accointance », si je puis me permettre, circonstancielle : un bonheur de « coïncidence » ! en quelque sorte ; et tout l’alentour, aussi, en profite joyeusement ! car la joie est heureusement contagieuse ; en plus… _, doit intervenir pour qu’elle _ la joie _ émerge _ et sourde de quelque part (peu importe laquelle, ou lesquelles) de moi, qui suis en expansion, alors… : il n’y a de joie qu’à y prendre part ; si la joie vient à notre rencontre ; elle n’est, aussi (= n’existe ; ne naît), en nous, qu’à « trouver » (et « rencontrer ») en nous une joie elle-même profonde ; essentielle ; en un improbable (voire miraculeux) accord avec ce qui vient s’offrir à elle (et à soi ; ou à nous) du réel (et d’un autre) : d’une altérité, en tout cas ! C’est cet accord-là qui « se fête » par la fête même de la joie, en quelque sorte !.. Non qu’une joie isolée soit intrinsèquement impensable, mais plutôt que son instabilité _ = sa fragilité, vulnérabilité, faiblesse : non vivable… _ est telle qu’elle mène inexorablement _ de fait ! cela se constate, forcément ! _ à la chute. Chute qui met en jeu l’existence même _ en effet... _ : le déprimé déçu par une joie _ trop _ fugace _ faiblarde ! _ devient souvent suicidaire. Une jouissance unique, isolée, singulière _ sans compagnie à elle-même, cette jouissance tristounette-là _, ne peut plus devenir un objet de désir _ et est snobée… Ce dont la fin _ le terme, la cessation, l’arrêt _ est repérée, les limites identifiées, les ramifications circonscrites _ un concept important ! _, les linéaments soulignés ou l’unicité avérée, n’existe déjà plus _ pour un sujet susceptible de désirer _ en tant que bonheur latent _ faute d’infini de ses « retentissements », de ses ondes (et « harmoniques ») en propagation expansive. Un « désir-maître » _ cf « La Force majeure«  _ peut émerger, objet pensable _ parfois palpable _, mais il n’est _ nécessairement, selon l’analyse magistrale de Clément Rosset _ que le lieu d’une convergence, d’une complicité, d’une connivence » _ le conditionnant absolument (sine qua non !) ; ni plus, ni moins ; ou plutôt : il n’a lieu (= n’actualise sa potentialité) que si co-existe(nt), avec lui, et le « pousse(nt) » avec faveur (!), « une convergence« , « une complicité« , « une connivence » « bénéfiques », qui ajoute(nt) à cette joie ; et la hausse(nt) à un sentiment de bonheur, sub specie æternitatis ; en plus de la réjouissance du présent, sub specie temporalis ! Les deux coexistant et se renforçant dans l’allégresse ! Ce que le triste, pour sa part, en son isolement (de tout), de son côté (et en son « quant-à-soi »), ignore ; et n’a, probablement, même pas le moindre début d’idée ; faute d’en ressentir le plus petit début d’une émotion, ou plutôt d’un sentiment (voire d’une passion) : le malentendu est alors immense. Comment espérer jamais le combler ? Comment essayer d’initier un triste à la joie ? Comment lui faire franchir le premier petit pont (ou passerelle) ?.. la première invisible limite (ou frontière) ?..

Un peu davantage de commentaires, peut-être, pour la suite _ un peu plus abstraite, « métaphysique », sans doute, du bel article d’Aurélien Barrau :

« En marge de la complication _ complexité plutôt _ des objets du désir, Rosset esquisse une pensée de la complexité  _ c’est mieux, en effet ! _ du sujet désirant. Il est structurellement hétéronome _ se livrant à l’attractivité de son objet ! Il est pluriel _ comme l’identité  (« men » et « de« , en grec) que Daniel Mendelsohn, peu à peu, se découvre, en répondant (un peu) mieux à l’attraction de ses désirs, et au fur et à mesure des rencontres des sujets qui vont les susciter, ces désirs-là _, il se scinde, il invente le médiateur _ accélérateur et « combustible« , dit Rosset _ de son propre désir. Comme le suggérait René Girard _ notamment dans « Vérité romanesque et mensonge romantique » _, il se façonne à l’image métaphysique _ = mimétiquement _ du « modèle«  et de son rapport _ de tension jouissive par elle-même, déjà _ à l’objet _ = « jeté vers » ; = « jeté pour » (le sujet)… _ considéré.

Clément Rosset admet que l’image d’un « combustible du désir » inévitablement constitué en rhizome _ selon le schéma deleuzo-guattarien ; cf « Rhizome« , en 1976 ; repris dans « Mille plateaux« , en 1980 _ semble parfois contredite. De Rastignac à Claës, en passant par Grandet et Hulot, les héros balzaciens paraissent, au contraire, polarisés par une idée fixe, unique lieu fantasmé de leurs passions et de leurs actions. Des monomanes désirants _ en effet. L’exclusive de la quête y apparaît comme consubstantielle à l’authenticité du désir. La thèse centrale de l’ouvrage n’est néanmoins pas déconstruite par ces exemples dans la mesure où l’objet du désir, pour unique qu’il soit, n’en devient pour autant jamais isolé _ et c’est bien là le point décisif ! La complexité ramifiée du désir s’est en quelque sorte condensée, cristallisée. Elle n’en demeure pas moins prise dans l’entrelacs dense et enchevêtré _ et mouvant, dynamique _ de la trame des plaisirs visés.

Mais quel désir, précisément, a pu pousser _ en amont même de l’œuvre _ Clément Rosset _ lui-même, en tant qu’auteur se mettant à la table d’écriture _ à écrire ce si bref ouvrage dont le propos est finalement fort simple, presque évident ? _ mais glissant, en la réalité tellement mouvante ( et « in-circonscriptible !) de son objet (le désir) ; et dérangeant pour beaucoup, voire tant ! pour cette raison-là… À quels autres objets, idées, mélodies, poèmes, mythes est-il lié dans le processus symplectique du désir rossetien ? Cet essai est peut-être le moins explicitement philosophique de toute l’œuvre de Rosset : aucun plaidoyer ontologique, aucune réflexion sur la nature du réel, aucune résonance ouvertement épistémique. Pourtant, et c’est sans doute l’intérêt central de l’ouvrage, la position philosophique de l’auteur _ et c’est ce qui intéresse tout particulièrement ici Aurélien Barrau s’y décèle aisément en filigrane. Non pas cachée à la manière d’une énigme dont il faudrait découvrir la clef ; mais, bien au contraire, mise en œuvre comme une « machine errante » qui se dévoile moins par ce qui la constitue _ en amont : oui que par ce qu’elle produit _ en aval : en effet ! Il ne s’agit pas ici _ pour Clément Rosset _ d’argumenter, mais d’actualiser. On ne philosophe plus, on explore le champ des possibles au sein d’une élaboration philosophique _ parfaitement d’accord !

Les filiations lucrétienne, spinoziste et nietzschéenne _ oui ! je les ai bien notées aussi… _ de la position de Clément Rosset se lisent, à la manière d’un palimpseste, tout au long de ce petit ouvrage. Du premier, on trouve une référence explicite au quatrième livre du « De natura rerum » : « Vénus est vulgivaga, c’est une vagabonde », les objets du désir sont variables et s’organisent en multiplicité. Du second, on entrevoit le conatus comme puissance de persévérance du désir (le héros balzacien, archétypal de ce point de vue, fait, précisément, ce qu’il faut pour qu’il ne soit jamais assouvi _ c’est-à-dire « arrêté », immobilisé, annulé : il en « veut » toujours plus… _). Du troisième, on décèle la réhabilitation désinhibante qui innerve le « Crépuscule des Idoles« , œuvre centrale pour Rosset dans la mesure où Nietzsche s’y révèle déjà suffisamment en proie à la folie pour n’avoir plus besoin d’inventer d’inutiles répliques du réel, mais encore assez lucide pour être en mesure de le décrire.

Une philosophie en creux. « La Nuit de mai » est une philosophie du non-dit, du non-requis, du non-pensé _ avec « sprezzatura« … Clément Rosset n’a pas besoin d’y récuser l’existence d’un double du réel qui, depuis Socrate, constituerait la grande illusion métaphysique. Il n’a pas besoin d’y réfuter la distinction de ce qui est et de ce qui existe. Il n’a pas besoin d’y rappeler qu’aucun sens caché n’a valeur par-delà l’expérience vécue. Il n’a pas besoin d’y faire l’apologie d’une immanence paradoxalement puisée à l’aune de Parménide. Il n’a pas besoin d’y développer une ontologie _ cf « Le réel : Traité de l’idiotie«  _ de la singularité. Il lui suffit d’outrepasser les concepts jalonnant la tradition par une pratique philosophique littéralement insensée. L’affirmation du primat de la différence se lit dans un rapport insolite au réel : tout est singulier et étonnant par le seul fait d’exister. Poursuivant son rejet de toute variante de méta-question philosophique du « pourquoi » _ ce qu’on pourrait, en l’occurrence, appeler le « principe de raison » de Descartes, Leibniz ou Hegel _ Rosset ne s’intéresse pas à le genèse du désir _ en effet ; de même que François Noudelmann s’en agace, frontalement, carrément, lui, dans « Pour en finir avec la généalogie » (en 2004), et dans « Hors de moi » (en 2006) Il en analyse la modalité _ voici le principal apport de l’analyse ici du travail de Clément Rosset par Aurélien Barrau !

Il y a, chez Clément Rosset, différentes manières d’accéder à la réalité, d’y accéder dans toute l’étendue de son insignifiance (c’est-à-dire d’en percevoir simultanément la détermination et l’indétermination, les « deux visages de Janus » _ in Clément Rosset : « Le réel : Traité de l’idiotie« , Paris, Éditions de Minuit, 1997, p. 26 _ : le hasard et le nécessaire). L’ivrogne et l’amoureux éconduit, par exemple, sont sur cette voie d’existence sans essence. Ils ne veulent _ ni ne peuvent _ inventer un double fantasmatique : il sont en prise avec l’actualité vécue d’un réel remis à neuf. Or, étonnamment, Rosset prétend que « La Nuit de mai«  est la retranscription, plus ou moins exacte, d’un rêve. Sans doute _ à son insu ? _ propose-t-il ici une nouvelle voie d’accès au monde brut, non dupliqué, en devenir : le songe. Qui, mieux qu’un rêveur, pourrait faire une pure expérience de la surface, du contour, de l’apparence ?


Tout, loin s’en faut, ne va pas de soi dans la proposition de Clément Rosset. L’identité supposée des discours sur le désir, l’amour et la joie, en particulier, n’est pas sans poser de difficulté. Les arguments évoqués : « l’amour est la forme la plus intense du désir » et la référence à la phrase de La Fontaine introduisant les « Animaux malades de la peste » « Plus d’amour, partant, plus de joie« , sont pour le moins laconiques _ devrions-nous nous en plaindre ? Non.. Qu’il existe un rapport de causalité _ un fort souci du physicien _ entre le sentiment amoureux et l’émergence de certains bonheurs _ ou « joies » ?.. _ corrélatifs ne suffit certainement pas à établir _ par raison démonstrative ? _ l’identité générale des schèmes structurant ces deux ordres psychiques. La proposition demeure _ à dessein ? _ à étayer et son champ de validité à établir _ mais Clément Rosset est, en cette « Nuit de mai« , ainsi que dans la plupart de ses écrits, « dans » d’autres modalités de « parole »…

Lévi-Strauss voyait _ dans « L’Homme nu«  _ dans le « Boléro » de Ravel _ l’un des compositeurs les plus présents dans l’œuvre de Rosset _ l’exemple, fort paradoxal, d’une « fugue à plat », en tension vers l’inouïe modulation finale en Mi Majeur. C’est peut-être ainsi que pourrait se lire cet étrange opuscule : un contrepoint déplié, étiré entre la complexité de l’objet désiré et celle du sujet désirant, tendu vers une drolatique réhabilitation de l’égoïsme _ du moins dans le cas, délimité (!), de son « in-nocence » : absence de nuisance envers autrui _ en tant que capacité à ne pas nuire ! _ avec, page 39, cette « grande qualité d’être le seul à garantir à autrui qu’on le laissera tranquille en toute occasion. Vous ne serez jamais dérangé par quelqu’un qui ne s’intéresse pas à vous » ; même si Clément Rosset concède aussi, tout de même, bien qu’elliptiquement, page 40, que « ses abus peuvent être fâcheux (on l’a vu chez Balzac)« 

« La Nuit de mai«  ressemble à Clément Rosset : peu rhétorique, simple comme l’évidence, protéiforme comme le désir, étonnante comme le réel. Elle est aussi très singulière au sein de l’œuvre. Comme il se doit.« 


Ainsi, voilà aussi la seconde partie de l’article d’Aurélien Barrau.

Pour mettre un peu plus en perpective et en relief mon vagabondage sur le « désir » comme « désir-monde » chez Clément Rosset,

afin d’un mieux lire, ainsi, et L’Étreinte fugitive” de Daniel Mendelsohn, et “Mégapolis _ les derniers pas du flâneur de Régine Robin…


Titus Curiosus, ce 20 février

 

Le « désir-monde » du désir face à ses pièges : Clément Rosset à la rescousse des élans de Daniel Mendelsohn et de Régine Robin

18fév

La double lecture des puissants « L’Étreinte fugitive » de Daniel Mendelsohn et « Mégapolis _ les derniers pas du flâneur«  de Régine Robin, continue de me travailler ;

et m’amène à (continuer à) creuser un peu plus loin ou plus avant  _ et ici même, sur ce clavier, ce blog et cet écran _ la question des conditions du désir ;

je veux dire

la situation du désir,

avec ses divers tenants et aboutissants _ à l’infini, en fait… _

face aux pouvoirs auxquels immanquablement ce désir-ci, ou désir-là, a à se heurter,

par ce qu’il vient, en son bougé même (forcément…), « gêner » et « déranger », pour les autres (rarement complètement indifférents à ce jeu-là ; et donc « neutres »…) ;

comme, aussi, et en même temps, nécessairement, face aux propres efforts de soi-même (ou « Moi«  ?) pour « faire avec » lui ;

lui = lui, le désir (venant nous traverser de son mouvement, de sa flèche : d’où l’image d’un « Eros archer« …) ;

« faire avec » lui, le désir, donc,

en sa réalité toute matérielle filante, échappante, traversante

(et renversante, à commencer par les corps ; et pour commencer le sien ! ;

sinon foudroyante, même, parfois… : le mot même de « désir », on a fini par s’en re-souvevenir, a rapport aux astres _ « sidera » _ ; aux étoiles, « filantes » donc ; avec leur terriblement puissante « attractivité »…),

menant toujours (et poïétiquement !) plus loin et plus avant _ plus outre… _ qu’au (prosaïque = « po-pote » !) « ici et maintenant » (de nos habitudes installées = tendant à la simple répétition…) ;

et « faire avec » lui, toujours, le désir, toujours en quelque façon difficilement nommable (ou « Ça«  ?) et repérable, nonobstant son incroyable obstination, une fois, du moins, qu’on l’a identifié, reconnu (et nommé ! baptisé !), qu’on s’est, si peu que ce soit, « familiarisé »

_ mais est-ce jamais tout à fait réellement (et vraiment !) le cas : une « familiarisation » ?.. _

avec lui ;

et qu’on a, si peu que ce soit, aussi, « consenti » à sa réalité (de désir désirant),

et qu’on lui confère alors, par là même, par cette prise en considération (ou « considération » tout court _ cf toujours l’étymologie !!! _) un minimum de légitimité, au moins personnelle

_ ce qui n’advient peut-être pas dans le cas du « refoulement » (inconscient, ne pas le perdre de vue ; et pas pré-conscient ! il « résiste » à la prise de conscience ; et suscite bien des dénégations…) au cours de ce que Freud identifie comme « névrose » ; et demeure fort répandu ; pour se référer à la taxinomie feudienne..

Daniel Mendelsohn comme Régine Robin ont une filiation, en amont, est-européenne :

à Bolechov, en Galicie (arrondissement de Stanislavov _ qui fut en Pologne, puis en Autriche, puis en Pologne, puis en URSS, et maintenant en Ukraine), pour le premier (cf « Les Disparus« ) ;

à Mínsk Mazowiecki _ apprend-on très incidemment et sans autre précision au détour (très anodin) d’une page (314) du chapitre « Rivadavia y rincón : secret de famille », qui sert de conclusion à la « Quatrième partie : Buenos-Aires _ la ville de l’outre-Europe »  de « Mégapolis » _, en Mazovie, la province même de Varsovie, en Pologne, pour la seconde : c’est le 21 juillet 1942 que furent raflés les Juifs de cette ville, pour être exterminés « à Treblinka« , page 314, donc.

Pour l’un comme pour l’autre, et sans que jamais cela soit dit, pouvoir échapper à la nasse est vital ;

vital à leur respiration quotidienne la plus élémentaire même ;

et constitutif de leur « être-au-monde » fondamental…


Le souffle qui parcourt si magnifiquement ces livres

est ainsi le vent (porteur et fécond) de la liberté !


L’un comme l’autre, Daniel Mendelsohn comme Régine Robin, sont perpétuellement des « décalés »,

détestant tous les ghettos, tous les enfermements, tous les pièges

_ peut-être y compris familiaux ; du moins trop étroitement familialistes…

Même si, et il faut bien le noter, Régine Robin dédie « Mégapolis« , page 7, à sa « petite-fille Rebeccah, future flâneuse de Londres » ;

« Mégapolis« , ou, très montaniennement (cf le merveilleux avis « Au lecteur » à l’ouverture des « Essais« ), « la ville comme autobiographie«  _ le dernier mot de sa présentation de son livre, page 28 (et pudiquement retiré de la citation de ce paragraphe, en quatrième de couverture :

cf mon article « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« ) ;

et même si Daniel Mendelsohn adore sa famille, et tout particulièrement ses trois frères, Andrew, Matthew, Eric, et sa sœur, Jennifer _ à la page 643 des « Disparus« , au moment des remerciements, il a des mots particulièrement merveilleux, que j’ai à cœur de citer in extenso ici même :

« Un livre qu’il a fallu cinq ans _ et plus, en fait _ pour achever, n’aurait pas pu être écrit sans le soutien et l’encouragement de nombreuses personnes ; et c’est un grand plaisir pour moi que de témoigner ma gratitude envers ceux qui le méritent tant« , commence-t-il.

Et tout de suite : « Ce livre est un livre consacré à ma famille ; et ma plus grande dette, à tous égards _ merci d’être né ! et d’avoir été élevé, éduqué, et aimé ! _, est et a toujours été vis-à-vis de ma famille :

tout d’abord et surtout vis-à-vis de mes parents, Marlène et Jay Mendelsohn, qui ont encouragé les enthousiasmes bizarres de mon enfance (« la table d’Athéna » ; les excursions photographiques au cimetière) ; et qui, depuis lors, ont dépensé sans compter _ ce point est capital : la générosité ; l’amour (sans fond) et à perte ! _ leur temps _ oui !!! donner de son temps à qui on aime… _, leurs souvenirs et bien d’autres choses encore pour moi ;


puis, vis-à-vis de mes frères et de ma sœur, et leurs épouses et époux, qui ont été, comme ces pages l’ont montré, non seulement des supporters enthousiastes, mais aussi des participants actifs et constants du projet Bolechow : Andrew Mendelsohn et Virginia Shea ; Matt Mendelsohn et Maya Vastardis ; Eric Mendelsohn ; Jennifer Mendelsohn et Greg Abel _ leurs noms sont cités in extenso.


Il serait toutefois injuste de ne pas souligner ma gratitude profonde _ toute particulière, ici _ envers Matt _ l’auteur de la plupart des nombreuses photos qui composent aussi « Les Disparus » _, dans la mesure où il a collaboré pleinement à ce projet, du début jusqu’à la fin _ et continue ! en ses « suites… : cf les expositions des photos de Matt Mendelsohn, accompagnant les présentations des « Disparus » par son frère Daniel, de par le monde, comme au Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffrioy l’Asnier, à Paris, par exemple… _ ; le récit _ = « a search« , une quête tout autant qu’une enquête ! _ conté dans ce livre doit tout autant à lui qu’à moi ; et pas seulement parce que tant de pages de ce livre donnent la preuve de son talent _ de regardeur (et saisisseur d’images) _ extraordinaire.

Si je dis qu’il a une façon magnifique de voir les choses, je fais référence à quelque chose de plus que son œil de photographe professionnel ; au bout du compte, sa profonde humanité _ le mot va (et considérablement !) loin : « bien faire l’homme« , dit notre Montaigne, quand tant le font si vilainement… (= non « non-inhumainement » !..) ; et il s’agit ici de la « profonde humanité » de Matt _ s’est inscrite dans les mots _ du livre : ceux, en aval, de Daniel _ autant que dans les images _ de Matt lui-même… Parmi tout ce que j’ai trouvé au cours de ma quête, il _ Matt ! _ est le plus grand trésor«  : quel hommage !

et compte-tenu de ces considérants-là,

nos deux auteurs, Régine Robin et Daniel Mendelsohn, sont des chercheurs (et au plus concret de leur propre existence _ et œuvre, si étroitement mêlée à elle ; comme cela se doit) de liberté ; c’est-à-dire de l’épanouissement de la puissance humaine de chacun, pour reprendre l’analyse la plus riche et la plus juste de ce qu’est la liberté, je veux dire celle de Spinoza dans l' »l’Ethique« ….

Avec le critère décisif _ qui s’éprouve (et pas sur commande ! pas instrumentalement !) _ de la joie…


Aussi, voudrais-je mettre en regard de la finesse (et justesse) de leurs analyses _ tant dans « L’Étreinte fugitive » et « Les Disparus« , pour lui, que dans « Mégapolis » et  » « Berlin chantiers« , pour elle,

la très belle analyse du désir _ et aussi de la joie (et de l’amour) _ que propose le très fin (et toujours bref, aussi !) _ Clément Rosset,

dans un bien beau (et si juste, comme toujours !) récent texte de 30 pages en tout et pour tout ;

+ un « Avant-Propos » de même pas deux pleines pages… qui n’est ni plus ni moins que le récit de ce « rêve«  effectué, si j’ose ainsi le qualifier, « dans la nuit du 30 au 31 mai 2007 »  qu’évoque le titre de ce petit essai _ page 7 ;

et « l’écrit qui (le) suit » n’étant, en sa teneur, « que le strict développement (sic) de ce plan _ à toute vitesse brossé dans le rêve _, quelque chose comme son passage à l’acte«  ;

avec, à peine encore, cette ultime infra-précision concernant cet « écrit«  : « Il n’est ainsi que la simple réalisation d’un rêve _ de philosophe _ ; revu et développé certes mais ni revu ni tronqué« 

_ soit comment l’inspiration philosophique, chère Marianne Massin (auteur d’un « La Pensée vive _ essai sur l’inspiration philosophique« ), peut advenir jusque dans l’activité nocturne du rêve au cours du sommeil !.. _ ;

il s’agit de

« La Nuit de mai« , paru le 14 février 2008, aux Éditions de Minuit…


Je me permets d’en retenir ceci :


D’abord cette parole (de « conseil » _ de « quelqu’un » ! _ à propos d’« une conférence sur « le désir »«  que Clément Rosset pense devoir (« il me faut«  !) « prononcer dans l’après-midi«  même, à Nice ; je reproduis in extenso le passage de la page 8 :

« Or voici que quelqu’un (que je n’identifie pas dans le rêve, mais à qui je me sens très redevable dans la réalité) me prend à l’écart pour me dire : « C’est pourtant bien simple. Il suffit de montrer que le désir est quelque chose de très compliqué, ou plutôt de très complexe _ c’est beaucoup mieux, en effet ! On ne désire jamais quelque chose _ d’unique, séparé d’un contexte _, mais une pluralité _ en quelque sorte « ouverte »… _ de choses.

Evoquez en passant Deleuze

et concluez avec Balzac.

Le début ? Eh bien, il n’y a qu’à parler du « Combray » de Proust, de la petite madeleine. »

Pour la référence au « Combray » de Proust _ une Bible, en effet ! _, voici la source vive, donnée page 13 :

« Comme dans ce jeu où les Japonais _ cf une très belle scène du film « Domicile conjugal » de François Truffaut _, s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque là indistincts qui, à peine y sont-ils trempés, s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables ;

de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du jardin de Monsieur Swann _ « Combray » constitue le (grand !) chapitre d’ouverture de « Du côté de chez Swann » _, et les nymphéas de la Vivonne,

et les bonnes gens du village et leurs petits logis _ tout se précipite et accourt _ et tout Combray et ses environs,

tout cela qui prend forme et solidité,

est sorti,

ville et jardins, de ma tasse de thé«  _ page 13 de « La Nuit de mai« …

Clément Rosset commente : « Autrement dit Combray n’est pas en soi, ou à lui seul, un objet _ séparé, individualisé et, statiquement, coupé du reste _ de joie ou un sujet de désir (en l’occurrence rétroactif, comme il advient toujours chez Proust), mais la somme _ et même le produit, la multiplication proliférante et féconde _ des joies et des désirs connotés par l’enfance de Proust _ ou plutôt « Marcel » seulement, le narrateur de la « Recherche » ; et pas directement, du moins, l’auteur, Proustà Combray. (…) Je suggère qu’un objet d’amour n’est jamais _ pour qui le ressent et l’éprouve, cet « ob-jet«  _ seul _ statiquement, en quelque sorte ; et figé… _ mais toujours accompagné (…) d’un ensemble de facteurs favorables _ dynamiques, dynamisant _ qui le favorisent _ en son statut même d’objet désiré _ et lui tiennent lieu, comme pour un mets réussi _ c’est-à-dire véritablement « appétissant »  et « réjouissant » _, d’excellente et nécessaire _ oui ! _ garniture«  _ comme la dynamique des guirlandes des notes bien mal nomméees « d’accompagnement« , et de leur jeu, surtout, improvisé, dans l’interprétation de la musique baroque, ou dans le jazz, ou dans tout vrai concert euphorisant ; et pas seulement dans les cadences dont je parlai hier à propos de celles de l’éblouissant Martin Fröst dans les œuvres concertantes pour clarinette solo (virtuose) de Weber, à propos de la vertu charmeuse de l' »élégance »…


Le propos de Clément Rosset _ page 15 _ sera donc de formuler « les raisons pour lesquelles un bonheur, s’il est seul, est moins une marque de joie qu’un symptôme dépressif » _ cf du même Rosset : « Route de nuit _ Episodes cliniques« 

« A mes yeux _ précise alors Clément Rosset _ la joie parfaite (que j’ai appelée « force majeure« ) ne se contente pas d’un accompagnement idoine _ et refermé sur lui ; clos ; sécurisé ! garanti à tous égards (y compris contractuels) !!! _ mais exige _ eh oui ! _ un accompagnement plus général _ et festif, s’il vous plaît ! _, englobant l’approbation de toutes les choses dont on peut avoir l’expérience » _ cf Montaigne, ce maître ès joie, au final de l’essai « bouquet-final » lui-même des « Essais« , « De l’expérience« , Livre III, chapitre 13 : « Pour moi donc, j’aime la vie et la cultive _ activité capitale ! sinon, on « perd«  son temps !.. en laissant « couler et échapper«  sa vie… _ telle qu’il a plu à Dieu nous l’octroyer. (…) On fait tort à ce grand et tout-puissant donneur de refuser _ pour quelque détail qui déplaît _ de refuser son don, l’annuler et défigurer. Tout bon, il a fait tout bon. » Ce que Georg-Friedrich Händel traduit, au final magnifique (peut-être le sommet de tout l’œuvre haendelien) de l’acte II de son « Jephtah« , en 1752, par ces paroles puissantes de l’immense chœur : « Wathever is, is right. » Et que Nietzsche nomme l’épreuve (cruciale) de « l’éternel retour (du même) »..

« Etre amoureux, continue Rosset, signifie qu’on est amoureux de tout, comme l’exprime si bien _ oui !!! l’expression est magnifique ! _ un amant dans une pièce du dramaturge latin Trabea : « Je suis joyeux de toutes les joies » _ « omnibus laetitiis laetum » », page 15.


Plus loin, page 18 :  » Ce que j’ai dit jusqu’ici de la joie peut naturellement se dire aussi du désir, pour cette raison _ que je me permets de partager pleinement ! _ que joie et désir sont des termes complémentaires qui frisent l’identité. L’homme joyeux désire (et à la limite désire tout) ; le triste ne désire guère (et dans les cas de tristesse aiguë, c’est-à-dire de dépression, ne désire _ carrément _ rien). L’amour étant la forme la plus intense du désir _ oui ! _, La Fontaine _ que je pense connaître un peu pour avoir avec un peu de soin construit la majeure partie du programme du CD « Un portrait musical de Jean de La Fontaine« , en 1995 (paru chez EMI en mars 1996, par La Simphonie du Marais, dirigée par Hugo Reyne) ; et écrit le texte du livret de présentation de ce beau programme _ ;


La Fontaine _ un des sommets de l’Art français... _ résume en quelques mots l’identité du désir et de la joie lorsqu’il écrit, au début des « Animaux malades de la peste » : « Plus d’amour, partant, plus de joie ».«  Et « de même que la joie ne saurait surgir _ oui ! à l’occasion d’un seul motif _ qui lui a donné de son mouvement (ascendant : jusqu’à atteindre le plan _ a-temporel, lui _ de l’éternité) _, le désir ne peut naître _ sourdre _ que s’il vise, non un seul objet _ et c’est tout ! _, mais un objet auréolé _ dynamiquement, en quelque sorte _ d’autres occasions _ sourcières _ de plaisir _ ou plutôt « joie«  (…) Ce qui doit finir, surtout lorsqu’il doit incessamment finir, n’a jamais eu aucun goût. Cioran le répète sous une forme ou une autre : ce qui doit finir est déjà fini. Nul n’a jamais désiré quoi que ce soit, si ce quelque chose n’est pas répétable à merci, au moins en imagination, et moyennant _ aussi, en effet ! _ quelques variations, comme le dit Leibniz dans la « Théodicée« , qui contient curieusement une première version du retour éternel nietzschéen : « Je crois qu’il se trouverait peu de personnes qui ne fussent contentes, à l’article de la mort, de reprendre la vie, à condition de repasser par la même valeur des biens et des maux, pourvu que ce ne fût point par la même espèce : on se contenterait de varier sans exiger une meilleure condition que celle où l’on avait été ». »

Ce que Clément Rosset commente ainsi, page 20 : « Autrement dit, l’accomplissement d’un désir n’a de sens que s’il est accompagné de la perspective _ ouverte ! _ de mille autres accomplissements du désir.« 

Car « en réalité l’objet désirable n’est désiré que si l’accompagne la perspective _ dynamisante _, même fugace _ et c’est son jeu qui nous charme ; même au prix de déceptions répétées _, d’une multitude d’autres objets désirables _ eux aussi _ ; que dans la mesure où il est mobile ; où il ne tient pas en place _ l’enfer, c’est l’immobilité d’un huis-clos : généralisant l’horreur (médusante) du pratico-inerte sartrien !  _, tel un vif-argent.

Le désir est
_ très freudiennement, même si Clément Rosset ne l’aborde pas ainsi ici _ dans le déplacement ; lequel Clément Rosset préfère se référer, page 21, au « De natura rerum » de Lucrèce : « Vénus est « vulgivaga » _ au vers 1071 _ : c’est une vagabonde qui saute sans cesse d’un lieu à l’autre.« 


C’est que « sans ce que j’appellerai le combustible _ adjuvant dynamiseur conditionnant et entretenant le feu _ du désir, c’est-à-dire tout un mélange d’autres désirs et de raisons de désirer _ soit tout un monde !!! ; où tout élément renvoie, d’une façon ou de mille autres, à mille autres éléments ayant un semblable pouvoir (kaléidoscopique !) _, le désir _ plombé ! _ ne décolle pas« , page 27…« Or, ce combustible est précisément ce qui fait totalement défaut au déprimé. Il perçoit bien qu’une prise de taille s’offre à lui. Pourtant il n’en a, à strictement dire, rien à faire : parce que cette prise, « isolée », n’aura ni témoin ni observateur _ ni rebondissement éventuel, ni jeu d’ouverture _, tel un spectacle merveilleux qui n’aurait pas de public. A quoi bon ?  : c’est l’éternelle rengaine du dépressif« , page 27 aussi…

Voilà ce jeu ouvert (et joyeux) du désir qui plaît aussi tant à Daniel Mendelsohn, qu’à Régine Robin, en leurs villes ouvertes… Même si le désir peut, à l’inverse, être menacé de danse de Saint-Guy…

Un monde a certes besoin d’ouvertures et de perspectives de rebonds _ et de filiations, en aval (et pas seulement en amont), ainsi que de vraies œuvres ;

mais il a besoin aussi de sujets ayant du répondant, avec une capacité vraie de converser (autre que mécanique _ cf les répondeurs automatisés…) _ pas seulement de (beaux) mannequins (avec lunettes noires Armani, ou autres : mettre ici tous les noms _ interchangeables _ qu’on voudra ; et en I, et en A…) ;

il a besoin, pour être un « monde » réel (et pas rien que virtuel), d’amitiés et d’amours vraies entre des sujets qui en soient eux aussi vraiment, en leurs principaux actes, du moins ; et pas de commodes objets _ ou pures silhouettes, ou sacs de son _ qu’on pourra systématiquement « éluder » (un clou chassant l’autre…) ;

avec de vraies confiances ; et constances ; et fidélités…

On y discerne aussi tout ce qui distingue la vraie plasticité _ qu’analyse la philosophe Catherine Malabou, par exemple dans « Que faire de notre cerveau ? » _ ; de ce l’on cherche à tout prix à nous fourguer sous la scie prétexte de « flexibilité » managériale…


Et il me semble que tout cela se lit aussi dans les dangers que soulignent, sans les négliger, à « bien » les lire, ces œuvres profondes et importantes (et éminemment cultivées…) de Daniel Mendelsohn _ « L’Étreinte fugitive » et « Les Disparus » _ et de Régine Robin _ « Berlin chantiers » et « Mégapolis« …

Titus Curiosus, ce 18 févier 2009

De l’élégance : l’oeuvre de clarinette de Carl Maria von Weber (par Martin Fröst) ; et l’oeuvre de portraits d’Antoon Van Dyck

17fév

En ces temps un peu rudes, et passablement chahutés, avec bien de la vulgarité dans les manières,

je propose deux petites cures de touche d’élégance : l’une, plastique (picturale) ; l’autre musicale _ même si les œuvres dont il s’agit sont d’époques dissemblables.

Il s’agira, d’une part, de l’interprétation éblouissante du clarinettiste Martin Fröst, avec, merveilleusement au diapason, le Tapiola Sinfonietta, dirigé de façon particulièrement sensible, juste et vivante, par Jean-Jacques Kantorow, des deux « Concertos pour clarinette« , opus 73 & opus 74 ; du « Concertino pour clarinette & orchestre« , opus 26 ; ainsi que d’une adaptation pour orchestre à cordes _ par les soins de Jean-Jacques Kantorow _ du « Quintette pour clarinette et quatuor à cordes«  opus 34, de Carl Maria von Weber (Eutin, près de Lübeck, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826) _ en un sublime CD BIS-SACD-1523 « Weber Clarinet Concertos & Quintet«  ;

et d’autre part du livre-catalogue de l’exposition qui vient de s’achever au Musée Jacquemart-André (du 8 octobre 2008 au 25 janvier 2009) « Portraits d’Antoon Van Dyck » (Anvers, 22 mars 1599 – Londres, 9 décembre 1641) : « Antoon Van Dyck  _ Portraits« , sous la direction d’Alexis Merle du Bourg, publié par le Fonds Mercator…

C’est à l’occasion de la parution d’un nouveau CD de l’excellent clarinettiste suédois Martin Fröst, dans l’excellent catalogue _ suédois aussi _ Bis, je veux dire le CD « Crusell Clarinet Concertos« , avec le Gothenburg Symphony Orchestra, dirigé par Okko Kamu,

que j’ai passé en revue les CDs en ma possession de ce clarinettiste _ sur le dessus du panier desquels je place aussi  le CD (de chambre, cette fois) « Brahms Clarinet Sonatas & Trio« , par Martin Fröst, donc et Roland Pöntinen, au piano, et Torleif Thedéen au violoncelle : une splendeur aussi ! _,

que j’ai rencontré l’enchantement de ces interprétations-ci de ces œuvres-là de Weber

_ composées en 1811 pour le « Concertino » et les deux « Concertos« , et de 1811 à 1815 pour le « Quintette » ;

et toutes dédiées au « premier clarinettiste de Sa Majesté le Roi de Bavière« , l’exceptionnel Heinrich Baermann (1784-1847).

Par exemple, l’Allgemeine Musikalische Zeitung d’octobre 1819 déclare :

« Monsieur Baermann joue avec infiniment de délicatesse et de grâce ; la suavité de son piano et le decrescendo opéré en retenant le son lui gagnent le cœur des dames« …

Quant à Weber, voici ce que lui-même écrivait à son interprète de prédilection à l’occasion de sa fête, la Saint Henri, le 15 juillet de cette année 1811 :

« Les souhaits se bousculent en moi

comme fenouil, comme cumin et coriandre,

Je ne sais par quoi commencer,

Je suis , pour ainsi dire, troublé par l’émotion.
Je vous souhaite avant tout une langue diabolique,

A laquelle se rattachent des poumons infatigables,

Les lèvres, aussi durables que le cuir,

Les doigts aussi souples que les ressorts d’une horloge 

(…)

Munich, le quinze juillet

Le nom du saint du jour du génie de la clarinette. »

« Depuis que j’ai composé le « Concertino » pour Baermann _ créé à Munich le 5 avril 1811 _, tout l’orchestre est emballé ; et veut avoir des « Concertos » de moi« , écrit Weber le 30 avril…

Le livrettiste du CD, Jean-Pascal Vachon, écrit :

« Le premier « Concerto pour clarinette », opus 73, achevé dès le 17 mai 1811, sera créé le 13 juin à Munich ; alors que le second, opus 74, sera créé le 25 novembre, toujours à Munich _ et, toujours, bien sûr, par Baermann, son dédicataire _ ; et, selon le compositeur, joué « divinement » par ce même Baermann. Le compositeur et le soliste présenteront également ces concertos à Prague et à Berlin« …

Tous ces qualificatifs s’appliquent à la performance ici de Martin Fröst, porté à une incandescence (juste !) _ jusque dans les trois cadences improvisées (magnifiques !!!) à l’enregistrement par le clarinettiste dans les trois œuvres concertantes ! _ par toute la troupe des musiciens du Tapiola Sinfonietta, dirigée par un Jean-Jacques Kantorow tout pareillement « divinement » inspiré !!!

Une merveille dont on ne se lasse pas ! Un charme fou ! La légèreté vive dans la profondeur _ des débuts (encore mozartiens…) du romantisme _ de la grâce… Et je ne dirai rien de la réussite de l’adaptation concertante du « Quintette » par Jean-Jacques Kantorow, captant le génie de Weber même à la source, en quelque sorte…

A côté, les œuvres de Crusell paraissent bien moins inspirées ; et l’interprétation des chefs d’œuvre de Mozart demeure, hélas, cette fois-là, plates… Il faut un tel rassemblement d’énergies et de grâces pour se hisser, lors de l’interprétation, à l’improvisation du créateur aux instants (bénis des Dieux) de la composition _ et de leur écriture, alors _ sans rien dire des cadences à, si possible, improviser au concert, pour le virtuose soliste…Tout doit se mettre au diapason du génie qui dicta la coulée de l’œuvre… Et les auditeurs, aussi, forcément : il leur faut, à eux aussi, une sorte d’ascèse : d’abord en s’efforçant de se couper des bruits toujours trop dissonants _ du moins pour cette grâce-là _ du monde alentour ; ensuite, ce que Baldine Saint-Girons nomme « l’acte æsthétique« …

Quant au choix, au sein de « l’œuvre de portraits » d’Antoon Van Dyck, réuni par l’exposition du Musée Jacquemart-André ; et que présente le livre-catalogue « Antoon Van Dyck  _ Portraits« ,

quelle joie promise celui-ci rend-il au centuple !!!

Cet œuvre (de portraits) d’Anton Van Dyck _ celle d’un homme jeune (sa création, commencée à l’âge de dix-sept ans, en 1616, à Anvers, sera fauchée par la mort en pleine gloire, à la cour de Londres, en 1641 _ est, en effet, contemporain de l’éclosion de la musique baroque, elle-même témoin de l’avènement (progressif, au sortir des guerres de religion) de l’individu, appelé à devenir singulier, brillant et virtuose : artiste…

Ce n’est donc pas pour rien que cette exposition-ci, à Jacquemart-André _ peut se permettre de se concentrer sur le seul « œuvre de portraits » de Van Dyck, au service

et du roi Charles Ier Stuart d’Angleterre ;

et d’une aristocratie _ flamande, gênoise, anglaise _ plus ou moins de vieille souche (jusque, carrément, des « parvenus » que Van Dyck présente en « grands seigneurs » : par exemple l’époustouflant  « Portrait de Philippe Le Roy« , en 1630 (de la « Wallace Collection », à Londres) ; ou le « Portrait d’homme« du « Museu Calixte Gulbenkian », à Lisbonne ;

comme, aussi _ et sans façons _ d’amis peintres : tel le double, merveilleux de vie, « Portrait de Lucas et Cornelis de Wael« , de la « Pinacoteca Capitolina », à Rome…

Me touche tout particulièrement beaucoup, aussi, l’extrême délicatesse du « Portrait de profil de la reine Henriette-Marie« , du « Memphis Brooks Museum of Arts »…

Même si je regrette _ en bordelais que je suis… _ de ne pas avoir trouvé ici le « Portrait de la reine Marie de Médicis » au (bref) moment anversois (4 septembre-16 octobre 1631) de son exil-déchéance, un des joyaux du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux…


En son précis et subtil texte de présentation « Du portrait vandyckien » _ aux pages 25 à 41, Alexis Merle du Bourg, commissaire de cette exposition, met l’accent _ voici l’intitulé de ses « chapitres » : « animation et expressivité » et « ennoblissement des modèles et exaltation de la noblesse » _ ;

met l’accent sur l’art de la sprezzatura de Van Dyck :

à propos du sublime « Portrait de Charles Ier « à la chasse », du Louvre, il commente :

« Au sommet de son art, Van Dyck seul parvient à réaliser, à ce degré, la combinaison d‘éthoi contradictoires :

la conscience de la permanence de l’être ; et celle de la fugacité du moment ;

la grandeur ; et la nonchalance ;

la majesté ; et la sprezzatura, cette aisance désinvolte qui résulte du sentiment de sa propre supériorité, dont Baldassar Castiglione, dans son « Livre du courtisan » (1528), l’un des ouvrages les plus influents de la période moderne, fait procéder la grâce.

La notion de sprezzatura, attitude éminemment aristocratique qui caractérise les modèles de Van Dyck vaut aussi pour toute sa peinture qui ne sent jamais l’effort, alors même que l’on sait qu’elle lui en réclama beaucoup. C’est dans l’union des contraires _ l’oxymore, décidément comme principe clef de l’âge dit « baroque » _ qu’il apparaît insurpassé » _ sublime.

On pourra comparer le choix des œuvres de cette exposition ; ainsi que celui d’illustrations complémentaires de ce livre-catalogue « Antoon Van Dyck  _ Portraits » ;

avec celui _ impressionnant en sa richesse _ du beau livre « Antoine van Dyck 1599-1641« , sous la direction de Christopher Brown et Hans Vlieghe, à l’occasion de l’exposition de même titre au « Koninklijk Museum voor Schone Kunsten » d’Anvers (15 mai – 15 août 1999) et à la « Royal Academy of Arts » de londres (11 septembre – 10 décembre 1999), publié aux Éditions Le Ludion & Flammarion :

la grâce de Van Dyck _ artiste majeur  _ est irrésistible…

Titus Curiosus, ce 17 février 2009

Barack Obama : le réalisme de la probité (ou l' »audace d’espérer ») : une « refondation » _ et peut-être pas pour l’Amérique seulement…

25jan

Un intéressant _ mais aussi (un peu) ambigü ! _ article (de Christophe De Voogd) sur le riche site de NonFiction, le 20 janvier :

« Cicéron « speechwriter » d’Obama ? : l’éloquence revient à la Maison-Blanche« 
[mardi 20 janvier 2009 – 18:00]


lui-même d’après l’article _ important, pionnier ! _ de Charlotte Higgins « The new Cicero« 
(sous-titré : « Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed,
but one of their most interesting aspects is the enormous debt they owe to the oratory of the Romans
« )
dans The Guardian du 26 novembre :


Ou : quand l’art oratoire antique aide à comprendre pourquoi _ à éclaircir, cependant : quelle est la position, in fine, de l’auteur de l’article ? _ le nouveau président américain a été élu : une étude en règle du « style obamien » _ un objet d’analyse plus qu’intéressant !!! Tel est, en effet, le « chapeau » de l’article de Christophe De Voogd, sur la page de NonFiction…

Voici donc, tout d’abord, l’article de Christophe De Voogd

_ surligné et « farci », selon ma coutume sur ce blog, de mes commentaires (parfois critiques)

Même si l’adresse inaugurale _ d' »inauguration » de son mandat présidentiel, plutôt ! _ du nouveau président américain ne constitue pas, à première vue

_ surtout pour qui a eu le tort (comme moi-même, aussi) de le suivre en direct traduit en français sur une des chaînes de la télévision française, plutôt que de l’écouter « directement » sur CNN, par exemple (et maintenant sur You Tube) :

et l’anglais de Barack Obama est admirable de netteté comme de force ! si puissante est l' »actio » d’abord de sa voix… _,

son meilleur discours,

elle confirme qu’avec Barack Obama, l’éloquence fait son grand retour à la Maison-Blanche
après des décennies de « communication » et d’appauvrissement du discours présidentiel américain

_ statistiquement analysé par Elvin Lim dans « The Anti-intellectual Presidency« .

De fait, l’arsenal rhétorique d’Obama
_ servi de plus par des qualités (élégance, voix, gestuelle
_ oui ! _) décisives à l’actio  (certes !) de l’orateur _
a de quoi impressionner.


On retrouve, peu ou prou, les mêmes caractéristiques dans tous ses grands discours,
depuis celui de la convention démocrate de 2004 _ le 27 juillet, à Boston ; cf « L’Audace d’espérer » ; qui investissait John Kerry… _, qui a lancé sa carrière nationale,
jusqu’à son Victory speech du 4 novembre _ 2008 _,
en passant par le plaidoyer d’anthologie pour la réconciliation interraciale à Philadelphie en mars dernier _ le 18 mars _
et le discours de Berlin sur les relations États-Unis/Europe en août _ en fait le 24 juillet 2008…

Et même le discours d’investiture du 20 janvier _ 2009 _, nous le verrons, s’intègre parfaitement dans ce « style obamien »,
dont la richesse _ quand « le style, c’est l’homme même » (dixit Buffon en son « Traité du style« ) !.. _ fait du 44ème président des États-Unis un « nouveau Cicéron«  (Charlotte Higgins dans The Guardian du 26 novembre) _ mais pas seulement « en paroles » ; l’enjeu est profond ! intègrant rien moins qu’une « vision » de civilisation…


L’abondance des figures utilisées est un premier signe de cette richesse _ de la pensée, et pas rien que de la forme : une poiesis (et grande !) y est à l’œuvre ! _ : allitérations, anaphores (répétitions initiales d’une phrase à l’autre), antithèses, rythmes ternaires, questions et précautions oratoires, concessions, dialogisme (échange imaginé avec des interlocuteurs absents), ainsi qu’un goût prononcé pour la métonymie, détail qui frappe l’imaginaire _ ou plutôt la pensée même mise en mouvement ! rien des voies pernicieuses des faux fuyants (à impasses…) romantiques ! ou des manœuvres trompeuses des « communiquants » qui florissent de par le monde depuis trop longtemps ! _ bien plus que le concept générique ou l’idée abstraite : pour parler d’écologie, par exemple, point de chiffres, ni de considérations savantes sur le réchauffement climatique, mais une évocation concrète : « tandis que nous parlons, des voitures à Boston et des usines à Beijing font fondre la calotte glaciaire dans l’Arctique, réduisent le littoral sur l’Atlantique, et amènent la sècheresse dans les fermes, du Kansas au Kenya » (discours de Berlin).

Le jeu subtil sur les trois registres aristotéliciens du discours est une autre force du style obamien :

importance de l’ethos, c’est-à-dire du caractère _ ou de l’identité (personnelle et riche des éléments qui la constituent et « composent »), en son « génie » propre (et singulier) _ de l’orateur lui-même, qui aime _ mais sans narcissisme (mal venu, lui !), ni incitation insidieuse à mêler improprement projections (sur) et identifications (à) un autre (malsainement idolâtré) à l’image de soi _ souligner les différentes facettes _ ou sources abondées _ de sa personnalité (à commencer par sa double origine ethnique) ; et recourt de façon systématique au « storytelling » personnel _ aux usages souvent ambigüs et malsains : quand ils ne recherchent que de trompeuses projections faussement identificatives ! sur le modèle des « stars » ; cf le livre d’Edgar Morin : « Les Stars« … _ :

ainsi dans presque tous ses discours, la saga _ est-ce donc de cela qu’il s’y agit ?.. non ! _ de son père kenyan.

Le pathos, le ressort affectif, est l’autre registre majeur d’Obama,
incarné par un appel systématique _ une recette, donc, pour l’auteur de l’article ?.. _ aux valeurs et aux mythologies _ est-ce vraiment le terme adéquat ? non ! _ identitaires : liberté, bonheur, foi, pères fondateurs, etc… _ s’agit-il donc là de « mythes » ? j’espère bien que non !!! ne pas confondre avec les contrefaçons de bien des politiciens et praticiens de la « com' » ; en France, pour commencer… _ ;

là encore le procédé _ le « geste » rhétorique est-il nécessairement un « procédé » : « truqueur » et mensonger ? _ du « storytelling » à fonction métonymique est roi :

ainsi, le 20 janvier, pour évoquer _ superficiellement ?.. _ l’esprit de sacrifice, il met en avant les soldats « morts à Concord, Gettysburg, en Normandie et à Khe Shan » ;

ou, pour illustrer l’indispensable _ pour qui ? serait-ce là quelque trait d’ironie ?.. surtout quand tant d’autres l’estiment fort « dispensable » !.. _ solidarité citoyenne : « C’est la gentillesse de ceux qui accueillent _ ah ! l’hospitalité ! _ un étranger lorsque les digues sont rompues, c’est l’altruisme _ au temps (thatchérien, reaganien, etc…) de l’utilitarisme réaliste (égoïste ; et haineux : pour le concurrent ; ou l’autre, tout-court ! matiné, il est vrai, d’une « larme » _ mesurée, cependant : dosée au plus juste ! _ de « compassionnel »…) _ des travailleurs qui préfèrent _ par « socialisme » ?.. Obama s’en est vu accuser (par McCain)… _ réduire leurs heures de travail _ et les partager ; cf la « loi » (si aisément vilipendée et brocardée par certains) des « 35 heures » !!! chez nous _ plutôt que de voir son ami perdre son emploi » ; etc…

Quant au logos, l’appel à la raison,

il est également présent,

notamment à travers l’utilisation _ cardinale selon Aristote (in sa « Rhétorique« … : un « basique » !..) _ de l’enthymême (ou syllogisme oratoire) fondé sur  l’analogie : « Si nous avons pu créer l’OTAN pour faire plier l’Union soviétique, nous pouvons nous retrouver dans un partenariat nouveau et global pour démanteler les réseaux qui ont frappé à Madrid et à Amman«  (discours de Berlin).

Mais le plus intéressant _ et le plus ingénieux (oui !..) _ se trouve sans doute dans la façon dont Obama mêle les trois registres :

l’émotion est toujours sollicitée dans l’ethos :

ainsi lorsqu’il souligne l’humilité et l’humanité _ vraies _ de ses grands-parents (des deux côtés !) ;

inversement, les passages les plus affectifs sont soigneusement ponctués de connecteurs logiques (« c’est pourquoi« , « donc« ).

L’on est également frappé par la rigueur de la construction de discours souvent très longs,
dont les différents moments sont savamment _ comment le prendre ? _ reliés par des relations d’analogie et des images récurrentes :

« les ponts » _ à construire _ et les « murs » _ à abattre _ (discours de Berlin),

le long « voyage » de l’Amérique (20 janvier) _ ne sont-ce là que « figures de style » ? ou axes et sources vives d’un (grand) projet politique démocratique ? Qu’en pense Christophe De Voogd, l’auteur de cet article ?

Par ailleurs, jouant _ le mot n’est pas, lui non plus, tout à fait sans ambivalence ; si l’on n’est pas un Donald Winnicott ; ou un Noam Chomsky : et voilà, au passage de mon « commentaire », quelqu’un qui serait passionnant à lire sur ce sujet précis-là de la « rhétorique de Barack Obama » (indépendamment de sa contribution vidéo très intéressante ! dans Le Monde du 16 janvier dernier : « Noam Chomsky : regard critique sur l’Amérique« ) _ sur la structure classique de l’exposition (exorde, narration, thèse, péroraison),

Barack Obama sait prendre les libertés du virtuose _ de l’art oratoire ; avec sa « sprezzatura«  ; lire là-dessus la méditation raffinée de cet art (de s’adresser, avec égard, à l’autre) de Baldassare Castiglione : « Le Livre du courtisan » ; en lieux éminemment policés, en effet… _ :

départs in medias res (dans le vif du sujet), digressions nombreuses, et longues exhortations.

Ce dernier trait est aussi typique d’un style fortement marqué par les prédicateurs noirs américains ;

c’est également le cas de la pratique obamienne _ en public, bien sûr : le discours parlé s’adresse aux autres qui y répondent _ du « call and response« ,

illustrée par le fameux « yes we can« , repris en chœur par le public.

N’est-ce pas encore la référence biblique qui inspire le message central du discours de Berlin :

le passage de l’ »ancienne Alliance » de la guerre froide à la « nouvelle Alliance » contre les périls de notre monde ?

Et n’est-ce pas encore elle que l’on retrouve le 20 janvier, dans le slogan _ mais est-ce bien cela (et rien que cela), un « slogan » (manipulateur = persuasif) ? N’est-ce pas, tout au contraire, et on ne peut davantage fondamentalement, le projet fondateur même ? l’axe porteur (!) de toute la politique de Barack Obama ?.. et qui vient de rencontrer la confiance des électeurs le 4 novembre ?.. Attention aux contresens d’interprétation !.. _ de la « refondation de l’Amérique » (« remaking America« ) _ « refondation » : un concept décisif : s’y méprendre serait terrible !.. _, illustrée par la référence répétée _ mais ce n’est pas là pure incantation langagière : thaumaturgique, magicienne ! _ à la fondation du pays, et l’analogie entre deux « hivers d’épreuves« , celui surmonté en son temps par George Washington et celui que nous connaissons aujourd’hui ?

Cette réactivation constante de l’origine _ comme sol de confiance où prendre l’appui puissant de l’action à accomplir _, ce renouvellement du pacte primordial _ voilà l’important : un pacte politique profondément (et authentiquement, lui _ je veux dire pas mensongèrement ; pas « idéologiquement » _ démocratique !!! _, cette relecture des « actes fondateurs », est une thématique centrale _ la source de l’élan ; et le fond de la légitimité ! _ d’Obama. Dans l’aventure biblique du peuple américain, il ne propose rien moins qu’un « Nouveau Testament _ mais laïque (pas « fondamentaliste religieux ») ! _ de la Liberté » _ avec ses conditions effectives _ « à remettre intact aux générations futures« …

A vrai dire, son deuxième speechwriter, aux côtés de Cicéron, pourrait bien être… Jésus-Christ !

On le voit, l’unité d’inspiration _ et la cohérence (de l’élan, donc) _, d’un discours l’autre, est frappante _ mais cette « inspiration »-là n’est pas purement formelle, ou « rhétorique » : de surface ; c’est une poiesis en acte, venant droit d’un fond fécond et profond… Pareille générosité et élégance ne trompent pas : nous voici aux antipodes des cliquetis et scintillements à paillettes des camelots bonimenteurs de boulevards…


Dès lors, l’on peut mesurer précisément les différences entre les discours du candidat et la première allocution _ « d’inauguration » _ du président. Elles tiennent tout simplement au contexte _ en effet !

Contrairement à l’adage,

tout bon discours est en effet un « discours de circonstances«  _ mais oui… : à l’écoute (authentique) de qui le reçoit ; et peut y répondre (ou pas)… quand il s’agit d’un peu plus que de déclencher des réflexes (d’achat, consommation ou vote) !.. Or celles-ci ont changé radicalement.

Désormais doté de la légitimité morale _ et ce n’est pas rien ! surtout comparé à des exemples (d’absence de générosité) ; certains qui nous sont plus proches… _ et de l’autorité légale (sans parler des sondages de rêve !),

Barack Obama n’a plus besoin de développer le registre de l’ethos : les Américains sont convaincus de ses qualités. Lui, qui avait tant développé dans sa campagne le caractère improbable (« unlikely« ) de sa candidature, pour retourner l’argument en sa faveur (n’était-il pas _ lui, Barack Hussein Obama _ aussi improbable que le « rêve américain«  lui-même ?) a désormais _ au fauteuil de Président dans le salon ovale de la Maison-Blanche _ cause gagnée _ mais l’ambition n’est pas, ici, seulement d' »occuper » le poste et « jouir » de sa fonction ; mais bien d’accomplir ce qui a été très clairement proposé ; et qui est, en cette occurrence-ci, de « construire« , et non de « détruire » _ ainsi qu’il l’a très littéralement énoncé : « sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire » ! _ ; d' »unir » le peuple, et non pas de le « diviser » (pour régner)…

D’où dans le processus d’énonciation,

après une rapide captation de bienveillance _ acquise, elle aussi (la bienveillance), ce jour-là (le 20 janvier 2009) ; et à ce moment (intense)-là (de midi) _,

la quasi-disparition _ déjà auparavant… _ du « je » et l’omniprésence _ authentique, ici ; pas « de majesté » pseudo, ou plutôt de facto, monarchique ! (versaillaise…, dirions-nous, nous, Français !) _ du « nous » : chef incontesté du « we-group » national, le (nouveau) président peut _ de facto et de juris, en même temps ! _ parler au nom de tous _ « en vérité » (en son cas) !..

D’où également la structure beaucoup plus classique _ « attique » ? « ionienne » ? _ de l’ensemble

qui sied à la dignité présidentielle _ désormais : mais la personne qui parle vient-elle, elle-même, de « changer » ? ne s’agit-il pour elle, comme c’est le cas pour bien d’autres, que d’un « job » (de 4 ou 8 ans, pour lui ; de 7 ou 5 ans, pour ces autres-là…) ?..


Demeure pourtant, constante chez Obama, la grande variété des destinataires _ bien réels, en leur variété en effet ! et pas seulement « ciblés » au plus juste… _ du discours :

le peuple américain dans toutes _ oui _ ses composantes bien sûr, « Union » oblige _ mais en quel sens : « oblige » de fait (électoralement ?) ; ou « oblige » de droit ? ; on peut s’interroger sur les arrières-pensées de l’auteur de l’article… ; en tout cas, Barack Obama est un peu mieux placé (que d’autres à un tel poste), par son parcours personnel, non seulement au sein des États-Unis, mais de par le monde, pour un peu moins oublier certains (que ces autres _ carrément exclueurs ! eux !.. _ à de tels postes…) _ ;

mais aussi de nombreux interlocuteurs _ vraiment ! fin de l’uni-latéralisme !.. _ étrangers :

alliés traditionnels _ Barack Obama est remarquable par sa capacité réellement supérieure d' »écouter » ! _,
mais aussi Musulmans auxquels on tend la main ;
dictateurs
de tout poil et terroristes que l’on met en garde.

Demeurent les très nombreux appels à l’action et au devoir (« must« ), que l’on attend d’un homme qui doit « tracer la route » _ métaphore centrale ; qui est donc parfaitement choisie _ en effet !

Demeure aussi _ trait essentiel du bon orateur _ la grande clarté de la thèse et du message (« le monde a changé et nous devons _ pragmatiquement, ici : Obama est un « réaliste » ; mais avec la probité, lui ! _ changer avec lui« _ même si ce n’est pas là la raison première de ce « devoir »-là de changement… _ ) _ ainsi que de la « vision » !..

Demeure enfin cette conviction impressionnante _ de puissance ! _, cette « probité » _ la base (solide) de toute son action ; son sens porteur ; et qui suscite une vraie profonde confiance ! _, à laquelle, nous rappelle Aristote, « le discours emprunte je dirai presque sa plus grande force de persuasion » _ pas seulement de facto.

Et ce point, capital, aurait assurément mérité d’être (bien davantage) développé dans cet article riche d’enseignements de Christophe De Voogd.

* À lire également sur nonfiction.fr :

– Nicole Bacharan : « Les Noirs américains : Des champs de coton à la Maison Blanche » (Panama), par Benoît Thirion.

– Nicole Bacharan : « Le petit livre des élections américaines » (Panama), par Benoît Thirion.

– Sylvie Laurent : « Homérique Amérique » (Seuil), par Alice Béja.

– L’entretien de Sylvie Laurent, par Alice Béja.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Henri Verdier.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Balaji Mani.

– Andrew Gelman : « Red state, blue state, rich state, poor state : Why Americans Vote The Way They Do » (Princeton University Press), par Clémentine Gallot.

– L’entretien d’Andrew Gelman, par Clémentine Gallot.

– Justin Vaïsse : « Histoire du néoconservatisme aux États-Unis » (Odile Jacob), par Adrien Degeorges.

Et voici maintenant l’article de départ (du fort intéressant _ et parfois ambigu, voire carrément contestable ! nous l’avons aperçu…) « papier » de Christophe De Voogd dans NonFiction du 20 janvier, donc) :

le travail perspicace et fouillé de Charlotte Higgins, « The new Cicero« , dans The Guardian du 26 novembre :

The new Cicero

D’abord, le « chapeau » de l’article, du Guardian :

Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed, but,

says Charlotte Higgins,

one of their most interesting aspects is the enormous debt _ voilà _ they owe to the oratory of the Romans.

Puis l’article lui-même de Charlotte Higgins :

In the run-up to the US presidential election,

the online magazine Slate ran a series of dictionary definitions of « Obamaisms« .

One ran thus :
« Barocrates. An obscure Greek philosopher who pioneered a method of teaching in which sensitive topics are first posed as questions then evaded« 
_ « Barocrates« , par Chris Wilson, le 23 juin 2008, sur Slate…

There were other digs at Barack Obama that alluded to ancient Greece and Rome. When he accepted the Democratic party nomination _ à Denver, le 28 août 2008 _, he did so before a stagey backdrop of doric columns. Republicans said this betrayed delusions of grandeur : this was a temple out of which Obama would emerge like a self-styled Greek god. (Steve Bell also discerned a Romanness in the image, and drew Obama for this paper as a toga-ed emperor.) In fact, the resonance of those pillars was much more complicated than the Republicans would have it. They recalled the White House, which itself summoned up visual echoes of the Roman republic, on whose constitution that of the US is based. They recalled the Lincoln Memorial, before which Martin Luther King delivered his « I have a dream » speech. They recalled the building on which the Lincoln Memorial is based _ the Parthenon. By drawing us symbolically to Athens, we were located at the very birthplace of democracy.

Here’s the thing : to understand the next four years of American politics, you are going to need to understand something of the politics of ancient Greece and Rome.

There have been many controversial aspects to this presidential election, but one thing is uncontroversial : that Obama’s skill as an orator has been one of the most important factors _ perhaps the most important factor _ in his victory. The sheer numbers of people who have heard him speak live set him apart from his rivals _ and, indeed, recall the politics of ancient Athens, where the public speech given to ordinary voters was the motor of politics, and where the art of rhetoric matured alongside democracy.

Obama has bucked the trend of recent presidents _ not excluding Bill Clinton _ for dumbing down speeches. Elvin T. Lim’s book « The Anti-Intellectual Presidency : The Decline of Presidential Rhetoric from George Washington to George W Bush« , submits presidential oratory to statistical analysis. He concludes that 100 years ago speeches were pitched at college reading level. Now they are at 8th grade. Obama’s speeches, by contrast, flatter their audience.

His best speeches are adroit literary creations, rich,

like those doric _ ou plutôt ioniennes, voire corinthiennes ? la distinction n’est pas superficielle… _ columns with allusion,

his turn of phrase consciously evoking lines by Lincoln and King,

by Woody Guthrie and Sam Cooke.

Though he has speechwriters, he does much of the work himself  : Jon Favreau, the 27-year-old who heads Obama’s speechwriting team, has said that his job is like being « Ted Williams’s batting coach« .

James Wood, professor of the practice of literary criticism at Harvard, has already performed a close-reading exercise on the victory speech _ le 4 (ou plutôt 5 novembre, avant l’aube, à Grant Park), à Chicago _ for the New Yorker _ voici cet article : « Victory Speech« , le 17 novembre. Can you imagine the same being done of a George Bush speech ?

More than once, the adjective that has been deployed to describe Obama’s oratorical skill is « Ciceronian« . Cicero, the outstanding Roman politician of the late republic, was certainly the greatest orator of his time, and one of the greatest in history. A fierce defender of the republican constitution, his criticism of Mark Antony _ cf le sublime « Jules Cesar » de Shakespeare (en 1599) ; et le film, magnifique, avec l’interprétation mémorable de Marc-Antoine par Marlon Brando, de Mankiewicz (en 1953) _ got him murdered in 43 before Jesus-Christ _ sur le meurtre de Cicéron, le 7 décembre 43 avant-Jésus-Christ, peu avant d’atteindre le port de Formies, lire la description terrible qu’en donne l’ »Histoire de Rome » de Tite-Live (« Ab Vrbe Condita« , CXX), qui nous a été transmise par Sénèque le Rhéteur (« Suasoriae« , VI, 17)…

During the Roman republic (and in ancient Athens) politics was oratory. In Athens, questions such as whether or not to declare war on an enemy state, were decided by the entire electorate (or however many bothered to turn up) in open debate. Oratory was the supreme political skill, on whose mastery power depended.

Unsurprisingly, then, oratory was highly organised and rigorously analysed. The Greeks and Romans, in short, knew all the rhetorical tricks, and they put a name to most of them.

It turns out that Obama knows them, too.

One of the best known of Cicero’s techniques is his use of series of three to emphasise points : the tricolon. The most enduring example of a Latin tricolon is not Cicero’s, but Caesar’s « Veni, vidi, vici » _ I came, I saw, I conquered. Obama uses tricola freely. Here’s an example : « Tonight, we gather to affirm the greatness of our nation, not because of the height of our skyscrapers, or the power of our military, or the size of our economy … »

In this passage, from the 2004 Democratic convention speech, Obama is also using the technique of « praeteritio«  _ drawing attention to a subject by not discussing it. He is discounting the height of America’s skyscrapers etc, but in so doing reminds us of their importance.


One of my favourites among Obama’s tricks was his use of the phrase « a young preacher from Georgia« , when accepting the Democratic nomination this August ; he did not name Martin Luther King. The term for the technique is « antonomasia ». One example from Cicero is the way he refers to Phoenix, Achilles’ mentor in the Iliad, as « senior magister » _ « the aged teacher« . In both cases, it sets up an intimacy between speaker and audience, the flattering idea that we all know what we are talking about without need for further exposition. It humanises the character _ King was just an ordinary young man, once. Referring to Georgia by name localises the reference _ Obama likes to use the specifics to American place to ground the winged sweep of his rhetoric _ just as in his November 4 speech : « Our campaign … began in the backyards of Des Moines and the living rooms of Concord and the front porches of Charleston« , which, of course, is also another tricolon.

Obama’s favourite tricks of the trade, it appears, are the related anaphora and epiphora.

Anaphora is the repetition of a phrase at the start of a sentence. Again, from November 4 : « It’s the answer told by lines that stretched around schools … It’s the answer spoken by young and old … It’s the answer … »

Epiphora does the same, but at the end of a sentence. From the same speech (yet another tricolon) : « She lives to see them stand out and speak up and reach for the ballot. Yes we can. » The phrase « Yes we can » completes the next five paragraphs.

That « Yes we can » refrain might more readily summon up the call-and-response preaching of the American church than classical rhetoric. And, of course, Obama has been influenced by his time in the congregations of powerfully effective preachers.

But James Davidson, reader in ancient history at the University of Warwick, points out that preaching itself originates in ancient Greece. « The tradition of classical oratory was central to the early church, when rhetoric was one of the most important parts of education. Through sermons, the church captured the rhetorical tradition of the ancients. America has preserved that, particularly in the black church. »

It is not just in the intricacies of speechifying that Obama recalls Cicero.

Like Cicero, Obama is a lawyer.

Like Cicero, Obama is a writer of enormous accomplishment _ « Dreams From My Father«  _ « Les Rêves de mon père » _, Obama’s first book, will surely _ en effet… _ enter the American literary canon _ c’est un chef d’oeuvre !


Like Cicero, Obama is a « novus homo«  _ the Latin phrase means « new man » in the sense of self-made.

Like Cicero, Obama entered politics without family backing (compare Clinton)

or a military record (compare John McCain).

Roman tradition dictated you had both.

The compensatory talent Obama shares with Cicero, says Catherine Steel, professor of classics at the University of Glasgow, is a skill at « setting up a genealogy of forebears _ not biological forebears, but intellectual forebears. For Cicero, it was Licinius Crassus, Scipio Aemilianus and Cato the Elder. For Obama, it is Lincoln, Roosevelt and King. »

Steel also points out how Obama’s oratory conforms to the tripartite ideal laid down by Aristotle,

who stated that good rhetoric should consist of pathos, logos and ethos _ emotion, argument and character.

It is in the projection of ethos that Obama particularly excels.

Take this resounding passage :

« I am the son of a black man from Kenya and a white woman from Kansas. I was raised with the help of a white grandfather who survived a Depression to serve in Patton’s army during World War II and a white grandmother who worked on a bomber assembly line at Fort Leavenworth while he was overseas. I’ve gone to some of the best schools in America and lived in one of the world’s poorest nations. » He manages to convey the sense that not only can he revive the American dream, but that he personally embodies _ actually, in some sense, is (tout à fait !) _ the American dream.

In English, when we use the word « rhetoric« , it is generally preceded by the word « empty« . Rhetoric has a bad reputation _ issue de la tradition socratico- (cf « Gorgias« ) platonicienne.

McCain warned lest an electorate be « deceived by an eloquent but empty call for change« .

Waspishly, (Hillary) Clinton noted, « You campaign in poetry, you govern in prose.« 

The Athenians, too, knew the dangers of a populace’s being swept along _ cf aussi « la République«  de Platon _ by a persuasive, but unscrupulous demagogue (and they invented the word).

And it was the Roman politician Cato _ though it could have been McCain _ who said « Rem tene, verba sequentur« . If you hold on to the facts, the words will follow.

Cicero was well aware of the problem. In his book « On The Orator » _ « De L’orateur«  _, he argues that real eloquence can be acquired only if the speaker has attained the highest state of knowledge _ « otherwise what he says is just an empty and ridiculous swirl of verbiage« .

The true orator _ et pas manipulateur démagogue _ is one whose practice of citizenship _ authentiquement républicaine et démocratique ! _ embodies _ oui : « incarne » et « porte »… _ a civic ideal _ whose rhetoric, far from empty, is the deliberate, rational, careful organiser of ideas and argument _ oui ! _ that propels the state forward _ avec progrès (authentique ; pas dans la langue-de-bois brillamment mise en relief par George Orwell en son « 1984« , en 1948 ; où sont baptisées « réformes » les « casses » et régressions réactionnaires, en tous genres)… safely and wisely.

This is clearly what Obama, too, is aiming to embody : his project
_ oui ! _ is to unite rhetoric, thought and action in a new politics that eschews _ sans tromperie politicienne de bas étage, ici ! _ narrow bipartisanship.
...
Can Obama’s words translate into deeds ?


The presidency of George Bush provided plenty of evidence that a man who has problems with his prepositions
may also struggle to govern well
_ comme c’est excellemment diagnostiqué…

We can only hope _ avec réalisme et pragmatisme _ that Obama’s presidency proves that opposite.

Charlotte Higgins is the author of « It’s All Greek To Me: From Homer to the Hippocratic Oath, How Ancient Greece Has Shaped Our World » (Short Books).

Un passionnant article ; qui nous donne aussi bien à penser
autour des pratiques de « communication »

en France aussi _ tels les Guaino et le staff de l’Elysée, peut-être… _,

par rapport à l’action politique ; et à l’aune de critères de légitimité (et pas seulement légalité) démocratique…

Avec Barack Obama,
le monde vient de changer
et de « réel »
et de « réalisme »,

pouvons-nous raisonnablement penser…

Puissent les citoyens français, eux aussi,
ne pas trop tarder à en prendre assez clairement conscience !
et à mettre leurs actes et leur pratique _ de citoyens d’une démocratie _ en cohérence avec cela,

en conséquence…

C’est en tout au cas un tel espoir

_ « l’audace d’espérer« , a dit Barack Obama à la convention démocrate de Boston le 27 juillet 2004 ; cf aussi son livre : « L’Audace d’espérer«  _

que j’ose personnellement formuler…

Titus Curiosus, ce 25 janvier 2009


Post-scriptum :

Recevant ce matin un envoi d’articles de Marianne Massin _ l’auteur de l’excellent « La Pensée vive » _,

je remarque, en exergue à son article « Enjeux philosophiques d’une approche stylistique de l’œuvre d’art« , ces bien opportunes citations de Proust :

« Le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de techniques mais de vision » _ dans « Le Temps retrouvé » ; à la page 289 de l’édition GF-Flammarion, en 1986, précise la note…

Et : « Quand j’ai écrit un pastiche _ détestable, d’ailleurs _ de Flaubert, je ne m’étais pas demandé si le chant que j’entendais en moi _ l’expression, autour du mot « chant« , est bien intéressante… _ tenait à la répétition des imparfaits ou des participes présents. sans cela je n’aurais jamais pu le transcrire » _ dans « A propos du style de Flaubert« , in « Chroniques« , aux pages 204-205, dans l’édition Gallimard de 1927 …

Soit le cadeau d’une merveilleuse conclusion à l’interrogation et l’analyse de ce que peut bien être le « style obamien«  _ et pas seulement celui de ses discours…

Voici donc la réponse quant à ce qu’est le fond du « style » :

Vision (d’artiste) et élan, à la source (= l’inspiration active) ;

avec, à l’arrivée (après l’œuvre qui les exprime, cette vision et cet élan conjoints),

ce qu' »en fruits », cette vision-élan donne, prodigue : c’est l’affaire, alors, de l' »acte æsthétique«  _ comme le dégage si attentivement, subtilement et justement Baldine Saint-Girons, en son « Acte esthétique« , précisément _ de la « réception » tout active de tous ceux qui vont bien vouloir « s’y exposer » ; et qui doit être éminemment « inspirée », à son tour ; mais l’œuvre y aide, pousse, encourage, en donnant pas mal de son « enthousiasme » (en son éclat, à elle) à qui veut bien jouer si peu que ce soit son jeu (à elle, l’œuvre, donc _ jeu dont l’artiste lui-même n’est qu’un maillon, bienveillant, lui aussi…


Soit une articulation-connexion (ou « rencontre ») si peu probable en sa beauté (de « connexions » tellement aléatoires, donc),

qu’elle peut ressortir aussi du registre _ j’ose le prononcer _ de la grâce

_ mais pas seulement : elle a aussi et d’abord, cette « articulation-connexion »(ou « rencontre ») de choses, de dispositifs (de lieu et de temps), d’actes, de regards de personnes, peu probable ;

elle a aussi et d’abord des conditions éminemment concrètes, éducatives, économiques, culturelles

(celles que dégage l’acuité d’analyse du « Partage du sensible » de Jacques Rancière) _

qui sont bien de l’ordre et de la responsabilité éminentes aussi, quelque part et à quelque moment, du Politique.

Barack Obama semble tout particulièrement sensible à la positivité de ces « connexions sensibles »-là…

C’est une chance _ à ne pas manquer ; mais savoir saisir : tout passe si vite _ et pour l’Amérique ; et pour le monde…

Une dernière (autre) chose encore :

ce matin, toujours,

sur l’excellent site « 24 heures Philo« ,

cet article-ci : « Obama et le réveil d’un peuple«  par Patrice Nganang…

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