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Nais, un opera pour la paix de Rameau : un chef d’oeuvre !

20août

Jean-Philippe Rameau : que de chefs d’oeuvre de musique française !!!

Ainsi, Naïs, opéra pour la paix, en 1749.

Que célèbre cet article de Res Musica,

sous la plume de Jean-Pierre Sicard :

GRANDE RÉUSSITE DU NAÏS DE RAMEAU PAR GYÖRGY VASHEGYI

GRANDE RÉUSSITE DU NAÏS DE RAMEAU PAR GYÖRGY VASHEGYI

CD, Opéra

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Naïs, opéra pour la paix.

Avec : Chantal Santon-Jeffery, Naïs ; Reinoud Van Mechelen, Neptune ; Florian Sempey, Jupiter, Tirésie ; Thomas Dolié, Pluton, Télénus ; Manuel Nunez Camelino, Astérion ; Daniela Skorka, Flore, une bergère ; Philippe-Nicolas Martin, Palémon ; Màrton Komàromi, Protée.

Purcell Choir.

Orfeo Orchestra, direction : György Vashegyi.

2 CD Glossa.

Enregistré en mars 2017.

Durée : 2:30:42

L’amour, pas la guerre : coproduction entre le Mupa de Budapest et le Centre de musique baroque de Versailles, ce Naïs confirme le claveciniste et chef d’orchestre György Vashegyi dans sa maîtrise de l’opéra français du XVIII et sa passion communicative pour Rameau.

La paix signée par Louis XV fin 1748 est fêtée l’année suivante dans tout le royaume. Rameau y contribue par la création de Naïs, avec les moyens de l’Académie royale de musique, costumes et décors somptueux, effets pyrotechniques et grandes vedettes du moment. Comment rendre aujourd’hui cet enjeu à une intrigue bien mince, sublimée toutefois par le génie de Rameau ? Vashegyi lui apporte une forte dynamique, structurée et sensible, mettant en valeur les différents pupitres de l’orchestre, rythmant les danses et les intermèdes, conduisant les chanteurs avec un grand sens des nuances, qui porte l’écoute jusqu’au bout.

La force tellurique de l’ouverture et du début du prologue où s’affrontent les dieux est rendue par un Orfeo Orchestra riche de couleurs et des chœurs très engagés. Le contraste n’est que plus saisissant avec l’atmosphère de paix qui doit suivre et les jeux amoureux qu’elle permet, auquel le chef sait donner la clarté, l’élégance, mais aussi l’architecture de l’écriture propre à Rameau. Sans que la tension retombe, de très beaux moments se distinguent dans les deux actes qui suivent. La très belle Chaconne pour les lutteurs sort du jeu parmi d’autres danses ciselées par l’orchestre, à l’écoute desquelles il est difficile de ne pas imaginer une chorégraphie baroque ou, pourquoi pas, plus contemporaine. Les passages où des instruments solistes dialoguent avec les chanteurs, auxquels Rameau apporte sa poésie, ont un charme particulier, comme par exemple dans la scène 1 de l’Acte II entre Naïs (hautbois) et Neptune (basson) ou, avec le rôle des flûtes, très ornementées, dans le « Tendres oiseaux » de Naïs à l’Acte précédent.

Les deux chanteuses solistes sont moins convaincantes (Chantal Santon-Jeffery en Naïs et Daniela Skorka en Flore) mais les voix masculines sont excellentes. Au début de l’acte I, on apprécie le subtil et grave Palémon de Philippe-Nicolas Martin. Reinoud Van Mechelen est un Neptune émouvant, notamment dans « Au dieu des mers voulez-vous plaire ? », où Rameau a quitté les grandes machineries et le spectaculaire, pour l’intimité et une musique de chambre que l’orchestre évoque avec tendresse. Les sombres interventions de Télénus touchent grâce au timbre et à l’interprétation de Thomas Dolié. Dans « Tendres bergers », air d’Astérion, Manuel Nuñez Camelino offre de gracieux aigus, caractéristiques du style de cette époque. Au début de l’Acte III, un nouvel air de Neptune émeut par son phrasé et ses élans, porté par une excellente diction, que partagent d’ailleurs les autres voix masculines.

Ce Naïs mené par György Vashegyi est une grande réussite.

Ce lundi 20 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Trois (belles !) curiosités musicales _ dont une au splendide catalogue Alpha : les chansons de Gustave Nadaud, par Arnaud Marzorati

27avr

En rafale,

voici trois (très belles !) « curiosités » musicales discographiques :

1) la première est à mettre au compte du splendide _ voire époustouflant ! cette saison 2010 ; cf mon article du 14 mars 2010 : « Alpha, éditeur de la “présence” (au disque) de la musique : François Lazarevitch et Yves Rechsteiner, entre Céline Frisch et Benjamin Alard _ un catalogue de merveilles !«  _ catalogue Alpha :

il s’agit du CD Alpha 160,

une nouvelle pépite de ce sourcier assez prodigieux qu’est Jean-Paul Combet :

soit le récital La Bouche et l’oreille, composé de 17 chansons, de Gustave Nadaud (1820-1893),

auteur-compositeur _ à la fois ! _ de ces petites merveilles,

qu’a su dénicher ce musicien magnifique _ je veux dire bien plus qu’un magnifique interprète-chanteur _ qu’est Arnaud Marzorati, baryton.

Celui-ci explore, en effet, très méthodiquement, depuis une dizaine d’années, le répertoire _ un peu trop en déshérence, ces derniers temps, hélas ! de quoi nous privons-nous, aussi stupidement !?! _ de la chanson française :

depuis son premier CD pour Alpha (je veux dire en tant qu’initiateur de projet _ de concert ou de disque _ ; pas en tant qu’interprète pour divers chefs…),

le CD Alpha 075 (enregistré en 2004) de chansons de Jacques Prévert (1900-1977) & Joseph Kosma (1905-1969) : Et puis après… ;

puis, le CD Alpha 111 (enregistré en 2006) de cantates françaises de Jean-Baptiste Stuck (1680-1755) : Tyrannique empire… ;

et aussi  le CD Alpha 131 (enregistré en 2007) de chansons de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) : Le Pape musulman & autres chansons

Et maintenant voici que ce CD La Bouche et l’oreille de 17 chansons (paroles & musique, s’il vous plaît !) de Gustave Nadaud

est une réussite absolue

qui nous donne à écouter et jouir de tout un (grand) art de la chanson _ davantage pour des concerts privés, dans des salons un peu (mais pas trop !) encanaillés : avec juste ce qu’il faut d’esprit !, que pour des cafés-concerts, ou des concerts publics immenses… _ ;

et quand Gustave Nadaud se dit lui-même « modéré« ,

cela donne la mesure de ce qui pouvait alors se dire, ou plutôt se chanter ! et avec quelle poésie !

d’un art qui sait être « populaire » sans être ni vulgaire, ni populiste ! et raffiné, plein d’esprit _ français, justement !

Arnaud Marzorati nous offre tout cela avec précision, subtilité et liberté, tout à la fois,

jubilatoirement accompagné qu’il est _ comme au concert ! _ de musiciens (Daniel Isoir, au piano ; Stéphanie Paulet, au violon ; Alexandre Chabod, à la clarinette ; et Paul Carlioz au violoncelle) qui savent servir ce genre (entre deux, mais avec la liberté de ses audaces !) et ce répertoire…

Combien la chanson _ et la langue, le français parlé ! _ ont « perdu » _ en finesse comme en force de percussion ! _ depuis ce temps :

en gros celui du second empire et de la troisième république !

Quel plaisir d’écouter cette langue-là servie ainsi !!!


Qu’on en juge avec la chanson d’ouverture de ce récital, « La Vie moderne« , composée en 1857 :

« Vois-tu, là-bas, le tourbillon,

Qui, dans sa course échevelée,

Trace ce flamboyant sillon

A travers mont, plaine et vallée ?

Flamme et fumée, éclat et bruit,

S’éteindront sans laisser de traces :

Sais-tu quel est le char qui fuit ?

C’est ton existence qui passe !


Oui, le temps a doublé son cours,

L’humanité se précipite

Tous les chemins deviennent courts ;

L’océan n’a plus de limites.

La vie était longue autrefois ;

Sur la pente elle est entraînée ;

Nous vivons plus en un seul mois

Que nos aïeux dans une année.


La nature avait des poisons :

Le génie humain les révèle ;

Il arrache aux vieux horizons

Une perspective nouvelle.

Il a d’invisibles moteurs,

Des agents subtils, des essences

Qui savent calmer nos douleurs

Et décupler nos jouissances.

Les fleurs n’ont plus besoin d’été ;

Les fruits n’attendent plus l’automne ;

Ce que le sol n’a pas porté,

L’industrie active le donne.

Nous avons fait de nos loisirs

La mer et le ciel tributaires ;

Nos appétits et nos plaisirs

Épuisent les deux hémisphères.


Mais à peine respirons-nous

Dans cette course haletante ;

La vapeur nous emporte tous

Debout sur la machine ardente.

L’essieu se fatigue et se rompt,

Usé, vaincu par la distance ;

Ainsi bientôt se briseront

Les ressorts de notre existence.

L’aiguille avance ; soyons prêts !

Nous mourrons vieillis avant l’âge ;

Nos fils nous suivront de plus près

Dans le vertigineux voyage.

Ils auront la vie, à leur tour,

Plus rapide encore et meilleure ;

Ce que nous usons dans un jour,

Ils l’épuiseront dans une heure.

Ô le terrible enseignement !

Songes-y, l’instant est suprême.

Où trouveras-tu le moment

De te recueillir en toi-même ?

Beau voyageur, tu vas partir :

As-tu pris soin de bien vivre,

Ou le temps de te repentir ?

Le convoi passe, il faut le suivre !


Vois-tu, là-bas, le tourbillon« …


C’est superbe ! Une « vanité » à la Paul Virilio !

Bravo les artistes !

Et bravo l’éditeur (d’Alpha : Jean-Paul Combet _ il accomplit

(« monacalement« , dit Christophe Huss, en lui rendant, lui aussi hommage ! ;

soit, replacé dans le contexte de l’article de Christophe Huss :

« Il est clair qu’Harmonia Mundi a été ces cinq dernières années le phare de l’édition phonographique classique, l’éditeur qui a offert de beaux produits et des révélations artistiques dans de nombreux domaines

(cette considération n’enlève rien au génie de Jordi Savall sur Alia Vox,

au travail monacal d’Alpha _ voilà ! « monacal« , concerne la solitude, la rigueur, la vertu, presque l’austérité ; sinon la sainteté !.. _,

aux explorations de CPO

et à la constance de Bis)…« ,

disait-il en chroniquant un concerto pour clarinette de Mozart pas terrible, produit par Harmonia Mundi USA ;

et situant ainsi ce qui se fait actuellement de mieux, artistiquement, sur le marché de l’édition discographique !..)

il (= Jean-Paul Combet) accomplit un travail rare et magnifique ;

et cette saison-ci, tout particulièrement, est quasi sans déchets !)…

Mes deux autres satisfactions de « curiosité » concernent, elles, la période (des Arts ; de la musique) dite « baroque » : mais en des versions, toutes deux _ même si très diversement ! _ toutes de finesse et de subtilité.


2) D’abord, un rare _ par les pièces choisies ! d’abord… _ CD de musique de luth française au tournant des XVII & XVIII èmes siècles :

le CD Manuscrit Vaudry de Saizenay, interprété par Claire Antonini (CD AS Productions ASM 004)

d’après un des deux manuscrits conservés à la Bibliothèque municipale de Besançon (en l’occurrence le premier des deux : cote 279.152, très exactement !), de la main et du choix de Jean Etienne Vaudry de Saizenay, seigneur de Saizenay et Poupet, en Franche-Comté (non loin de Salins).

Né le 26 septembre 1678 à Saizenay, ce conseiller au Parlement de Besançon (de 1704 à 1725, date à laquelle il résigna sa charge) _ et qui mourut à Besançon le 21 juillet 1742 _, prit, pendant ses études à Paris, des leçons des maîtres luthistes Guillaume Jacquesson et Robert de Visée.


« Il entreprit alors de noter les nombreuses pièces de luth et de théorbe qu’il avait pu recueillir, souvent même auprès de ses maîtres ou de quelques uns des plus célèbres luthistes de son temps« , nous apprend, page 6, l’excellente notice du livret de ce CD, sous la plume plus qu’experte (!) de notre Claude Chauvel bordelais !.. Et « la rédaction de ses deux livres _ les seuls de sa main qui nous soient parvenus _ s’est poursuivie pendant plusieurs années, comme en témoigne la diversité stylistique du répertoire consigné« , pages 6-7.

Mais « alors que les luthistes du XVIIème siècle ont bien souvent une vision rétrospective _ et presque mélancolique _ de leur répertoire, Vaudry, sans ignorer la tradition des Gaultier et de Du Fault, fait une large place aux œuvres de ses proches contemporains Du But le Fils, Mouton et Gallot«  _ apparaissent ainsi, aussi, les noms de Emond (noté aussi « Aymond« , ou « Hémon« ), Du Pré (dit « d’Angleterre« ), Jacquesson ; ainsi que de Hardel (le claveciniste)…  De même que « pour son instrument, il n’hésite pas à transcrire : Lully, Marin Marais, Forqueray, Couperin, les pièces de théorbe et de guitare de Visée, Corelli, voire des chansons et autres vaudevilles à la mode«  _ soit le tout-venant de ce que pratiquait alors au quotidien un luthiste : interprète pour son plaisir, et celui de ses proches…

Aussi « son livre, rédigé d’une main uniforme (excepté les premières pièces), abonde (-t-il) en détail techniques (doigtés, tenues) et en signes d’interprétation (agréments, harpégements, séparations). Source unique _ voilà ! _ pour de nombreuses pièces, il en corrige parfois le texte ou précise les attributions. »  Avec cette conséquence notable que « la meilleure connaissance que nous avons aujourd’hui du répertoire du luth en France, au XVIIème siècle, doit beaucoup _ voilà _ à la passion _ musicienne autant que musicale : elles étaient alors confondues pour l’essentiel ! la musique se pratiquait plus qu’elle ne s’écoutait seulement… _ de Vaudry, autant qu’à sa diligence.« 

Ainsi « sa seule bibliothèque musicale, riche de publications les plus récentes _ alors : « contemporaines«  (de lui), dirions-nous maintenant _, prouve suffisamment le goût et l’éclectisme du personnage.«  Et « on déplorera, malheureusement, la disparition _ provisoire ? _ de trois autres manuscrits de luth qui figuraient dans la collection » ; « et, on le présume, quelques livres gravés, dont ceux pour la guitare de Robert de Visée« , page 7 du livret.

Tout un monde pour nous est ainsi restitué ! en ce récital de ce disque, sous les doigts fins, habiles et poétiques de Claire Antonini, sur un luth à 11 chœurs (un instrument réalisé par Paul Thomson, à Bristol, en 1997)…

Nous qui avons découvert aussi, naguère, en Jean de La Fontaine, un admirateur éperdu de cette musique si merveilleusement poétique : cf par exemple son éloquente (contre le trop « bruyant » et pas assez poétique nouveau genre musical qu’était le très ambitieux, lui, opéra de Lully…) « Épître à Monsieur de Nyert« 

(et mon texte pour le livret du CD « Jean de La Fontaine : un portrait musical« , par la Simphonie du Marais et Hugo Reyne : CD EMI 7243 5 45229 2 5, en 1996 ; CD dont j’avais composé le programme avec Hugo Reyne :

pour évoquer musicalement cette incisive et nostalgique, tout à la fois, « Épître à Monsieur de Nyert » _ dans laquelle le poète, amoureux fou de musique (et authentique initiateur de la critique de réception musicale ! La Fontaine fonde cette « esthétique«  : cela ne se sait pas assez ! même de la part de ce lafontainien éminent qu’est Marx Fumaroli : cf son Le poète et le roi _ La Fontaine en son siècle, paru en 1997) citait, mêlant les instruments et les genres :

« Boesset, Gaultier, Hémon, Chambonnières, La Barre,

Tout cela seul déplaît, et n’a plus rien de rare ;

On laisse là Du But, et Lambert et Camus ;

On ne veut plus qu’Alceste, ou Thésée, ou Cadmus« _

Avait été choisie alors la courante « L’Immortelle » du Vieux Gaultier, Ennemond,

qu’interprète magiquement, au théorbe, Vincent Dumestre, en ce disque enregistré l’été 1995 en l’abbatiale de Saint-Michel-en-Thiérache : j’y étais…)…

De même que nous avons découvert, aussi, et exploré, plus avant, ce goût, ou plutôt cette passion, pour cette musique,

aujourd’hui si méconnue _ mais que nous rendent les interprètes ! quand on va les écouter ! au concert comme au disque ! _,

dans les lettres « chantantes » si savoureuses de Madame de Sévigné à sa fille : toutes deux pratiquaient (plus que passionnément : à la folie !) la musique, et l’une, le chant, l’autre, la danse…


Enfin,

3) un CD d’une virtuosité époustouflante au service de la poésie de la musique

_ si rayonnante ! à conseiller d’urgence aux neurasthéniques ! _ :

l’interprétation par le génial flûtiste à bec Maurice Steger (et The English Concert, dirigé par Laurence Cummings, du clavecin…)

de versions orchestrées par Francesco-Xavero Geminiani,

et avec des agréments (virtuosissimes !) « of severall Eminent Masters« ,

tels que les Signori Cateni & Valentini, Pietro Castrucci, Christopher Petz, ou Jacques Paisible, tous présents alors à Londres,

des Sonates opus V d’Archangelo Corelli,

telles qu’elles eurent un succès fou (et durable : tout au long du XVIIIème siècle !) à Londres et en Angleterre, et tout le Royaume-Uni !

Le CD Harmonia Mundi Mr. Corelli in London _ Recorder Concertos ; La Follia (after Corelli’s op.5) CD HMU 907523,

par Maurice Steger, The English Concert & Laurence Cummings,

est ainsi une merveille de plaisir fou : rare !

Peut-être ce CD va-t-il même parvenir à détrôner la « merveille des merveilles » qu’est le double CD des Partitas (Clavier-Übung-I) de Jean-Sébastien Bach, par l’extraordinaire Benjamin Alard, l’album Alpha 157,

qui ne quitte pas ma platine depuis plus d’un mois

_ non plus que celle de Vincent, du rayon Musique de la librairie Mollat,

ainsi qu’il me l’a confié ;

et je ne crois pas trahir là un secret ! Il le fait largement partager !..

Un CD de pur bonheur ! A passer sans se lasser en boucle…


Titus Curiosus, ce 27 avril 2010

Le charme unique de la mélodie française : la vivacité du surgeon québecquois aujourd’hui, avec deux passionnants chanteurs barytons (de Montréal) : Benoît Leblanc et Marc Boucher

06déc

A propos de 2 remarquables CDs de mélodies françaises

en provenance du Québec,

en l’occurrence le Studio 12 de Radio-Canada à Montréal,

pour la marque de CDs « XXI«  :

_ d’une part : « Gounod-Fauré Mélodies françaises« 

par Benoît Leblanc, baryton & Pierre McLean, piano _ CD XXI-CD 2 1584 _ ;

&

_ d’autre part : « Les Fleurs du mal // De Fauré à Ferré _ Charles Baudelaire (1812-1857)« 

par Marc Boucher, baryton & Olivier Godin, piano _ CD XXI-CD 2 1590.

Le goût de la mélodie française n’a pas tous les jours des concerts ou des disques propres à vraiment le « ravir« .

Dernièrement, cependant, une excellente _ ou même une carrément « merveilleuse« , si j’osais m’exprimer si mal… _ surprise, mais oui !, nous vint du « contreténor«  _ ainsi l’indique la quatrième de couverture du CD… _ Philippe Jaroussky, qui appropria à ce registre (anachronique, à la lettre, certes) de « voix » (de « contre-ténor » !), ce répertoire (pour baryton, surtout ; ou soprano ; ou ténor).

Pour ma part,

à part le malencontreux _ sacro-saint marketing désormais oblige !.. _ titre de ce CD Virgin-Classics _ 50999 216621 2-6 _ de Philippe Jaroussky, « Opium« , bien peu représentatif, ce-dit « titre« , des esthétiques des (24) mélodies (alors) servies _ même si le titre de ce CD « peut » être, si l’on veut bien, « dérivé » d’une des mélodies de ce récital, « Tournoiement« , de Camille Saint-Saens (1835-1921) : mélodie dont le sous-titre était, en effet,

du moins sous la plume du compositeur, sinon sous celle du poète (qui avait donné ce titre « Songe d’opium«  à un autre (tout autre !) de ses poèmes, publié, lui, en 1866, parmi le vaste recueil « Le Parnasse contemporain » (ou « Recueil de vers nouveaux« ) ; recueil auquel avaient contribué 37 poètes (dont Charles Baudelaire, Théophile Gautier, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé ; ainsi que Leconte de Lisle, José-Maria de Hérédia, Charles Coppée, Sully Prudhomme ; etc…) ; deux autres volumes de ce « Parnasse contemporain«  paraissant encore en 1869-71 , puis en 1876 ;

mélodie dont le sous-titre était, en effet, « Songe d’opium« , extraite du recueil des « Mélodies persanes« , opus 26 (de Saint-Saens), en 1870, sur un poème d’Armand Renaud (1836-1895), extrait, lui, du recueil de poèmes des « Nuits persanes« , publié également cette même année 1870 _,

pour ma part, donc,

j’ai trouvé ce récital donné par Philippe Jaroussky d’autant plus excellent _ voilà ! par l’intelligence superbe de l’articulation entre la diction de la poésie (à faire « entendre« ) et la subtilité juste de l’art du chant lui-même ! (à faire « ressentir« …) _ que j’avais assez peu « apprécié » jusqu’alors les prestations « baroqueuses » de ce chanteur, et, en particulier, l’usage plutôt ingrat, à mon goût du moins, de son timbre en ce répertoire baroque (notamment dans Haendel) ;

le tout dernier CD « Johann-Christian Bach _ La Dolce Fiamma, Forgotten castrato arias » de Philippe Jaroussky , venant très heureusement corriger, d’ailleurs, si j’ose le dire ainsi, cette impression mienne, par un usage du registre (et du timbre) de voix bien mieux approprié, à mon jugement, à l’art bien plus tendre et _ quasi onctueusement… _  « galant » _ et jusqu’ici très méconnu, car trop mal servi au concert, à l’opéra, comme au disque ! _ du dernier (1735-1782) des fils de Bach (et maître, à Londres, du jeune Wolfgang Amadeus Mozart : lequel l’a adoré ; et tant appris de son art très « aimable » : le séjour _ de seize mois _ du jeune Mozart à Londres eut lieu d’avril 1764 à juillet 1765 … ; Jean-Chrétien et Wolfgang Amadeus se rencontrèrent à nouveau à Paris en 1778, à la fin août…).

Sur tout cela,

cf mon article du 25 février 2009 « La grâce (et l’intelligence) “Jaroussky” en un merveilleux récital de “Mélodies françaises”, de Jules Massenet à Reynaldo Hahn _ un hymne à la civilisation de la civilité » ;

et sur ce, fin de l’incise « Jaroussky » ; retour à ma découverte des deux barytons montréalais… _

En témoigne, en forme de « demande de précision » à bonne source (québécquoise !), cet envoi de mail (un peu elliptique…) à mon ami Denis Grenier à Québec, après une première écoute des 2 CDS « Gounod-Fauré Mélodies françaises » par Benoît Leblanc, baryton & Pierre McLean, piano _ CD XXI-CD 2 1584 _ & « Les Fleurs du mal // De Fauré à Ferré _ Charles Baudelaire (1812-1857) » par Marc Boucher, baryton & Olivier Godin, piano _ CD XXI-CD 2 1590 _ :

De :   Titus Curiosus

Objet : 2 barytons québecquois
Date : 20 novembre 2009 15:42:28 HNEC
À :   Denis Grenier

Cher Denis,

des deux barytons (de Montréal ?) que je viens de découvrir au disque,
le chant de l’un m’agrée assez ;
alors que je trouve l’autre ridicule !


Vous devez les avoir entendus « au vif » sur les planches…
L’un est Benoît Leblanc et l’autre Marc Boucher…

Dans un répertoire qui m’intéresse tout particulièrement ;
et sur lequel je dois, et non sans plaisir,  « réfléchir« …

Titus

Réponse express de Denis, de Québec _ il est professeur émérite de l’Université Laval ; et anime une émission hebdomadaire de musique, « Continuo« , sur la radio québecquoise CKRL :

CONTINUO
MOYEN-ÂGE, RENAISSANCE, BAROQUE, PRÉ-CLASSIQUE


avec
Denis Grenier
CKRL, 89,1 MF Québec

A retrouver tous les dimanches, de 8h à 11h.
Dans le monde entier, de 14h à 17h (heure de Paris)
Toute la musique ancienne au 89,1
La radio culturelle

_ ; et non sans ellipses, non plus, comme on va en juger :

De :   Denis Grenier

Objet : Rép : 2 barytons québecquois
Date : 21 novembre 2009 16:57:08 HNEC
À :   Titus Curiosus

Cher Titus,

Non, je ne connais pas ces chanteurs _ de Montréal, pas de Québec, certes… Il est vrai qu’il y a plus fana que moi de l’art lyrique !

http://www.quartom.com/Aboutusfr.html

difficile de vous contredire, en tout cas le placage douteux du lyrique sur la musique ancienne _ par Quartom ! dont fait partie Benoît Leblanc… _ ne me ravit pas _ Denis a donc écouté ce qu’offrait à écouter ce lien… _, mais je sais bien que vous me parlez de la voix _ du baryton, seul et seulement ! _ en tant que telle… Ridicule certainement dans l’extrait de « Noëls anciens« , aucune notion de style ; ah le romantisme et ses effets pervers !

http://www.marcboucher.com/enregistrements.html

http://www.polymnie.qc.ca/sol-boucher.htm

Je fais toujours confiance à votre réflexion, merci de nous en faire bénéficier continûment avec tant de générosité… et de grâce.

Amitiés.

Denis.

Je suis dans la musique « hors système » !

Maintenant, mes impressions…

L’interprétation par Benoît Leblanc (et Pierre McLean : tout aussi excellent !) des mélodies de Gounod

_ « Déesse ou femme » (sur un poème de Jules Barbier & Michel Carré), « Viens, les gazons sont verts » (mêmes auteurs), « Ô ma belle rebelle » (la mélodie n°2 de « 6 Mélodies«  : sur un poème d’Antoine de Baïf), « Le Temps des roses«  (sur un poème de Camille Roy), « Prière » (sur un poème de Sully Prudhomme), « Ce que je suis sans toi » (sur un poème de Louis de Peyre) & « Venise » (la mélodie n°6 de « 6 Mélodies«  : sur un poème d’Alfred de Musset) _

me ravit

_ l’interprétation des mélodies de Gabriel Fauré (le premier Fauré, ici : celui-ci eut une longue carrière : 1845-1924 !) est elle aussi excellente ; mais ces mélodies-ci : « Lydia« , op. 4 (sur un poème de Leconte de Lisle) ; « Larmes« , op. 51 n°1 (sur un poème de Jean Richepin) ; « Prison« , op. 83 n°1 (sur un poème de Paul Verlaine) ; la « Sérénade du Bourgeois-Gentilhomme«  (de Molière) ; « En prière«  (sur un poème de Stéphan Bordèse) ; « Le Secret« , op. 23 n°3 (sur un poème d’Armand Silvestre) ainsi que les (trois) « Poèmes d’un jour« , op 21 (de Charles-Jean Grandmougin) et « Ici bas » (sur un poème de Sully Prudhomme) _, sont davantage « données«  à écouter tant au concert qu’au disque… _,

par son caractère direct, profond, tout en servant magnifiquement les nuances,

et cela de la part tant du chanteur, Benoît Leblanc, que du pianiste, Pierre McLean ;

et cinquante écoutes du CD ne m’en ont pas le moins du monde lassé !.. j’y reviens ! et en redemande ! Quel charme !!! profond sans la moindre pesanteur…

Gounod (1818-1893) n’est pas du tout assez « servi » au disque, lui, le père magnifique de la mélodie française…

Benoît Leblanc, avec un « présent » aussi réussi, me paraît promis à un magnifique « avenir » de mélodiste…

Mon rapport au second CD _ « Les Fleurs du mal // De Fauré à Ferré _ Charles Baudelaire (18212-1857) » : pour l’occasion de la célébration, en 2007, du cent-cinquantième anniversaire de la parution du chef-d’œuvre baudelairien des « Fleurs du mal« , en 1857… _ et à l’interprétation du baryton Marc Boucher est plus complexe ; et m’a demandé un peu plus de temps pour enfin l’apprécier…

D’abord, j’ai été agacé _ jusqu’à prononcer le mot « ridicule » ! _,

et surtout par contraste avec l’interprétation directe, profonde, ainsi que le timbre franc et tendre sans mièvrerie, de Benoît Leblanc,

par la première impression d’une interprétation jugée par trop chichiteuse _ un peu comme celle d’un Dieter Fischer-Diskau, face à la franchise « virile«  et plus « directe«  d’un Hermann Prey, toutes proportions gardées…

Avant de mieux écouter, et à plusieurs reprises ;

et surtout de me procurer un CD antérieur de ces mêmes Marc Boucher et Olivier Godin, le CD « Théodore Dubois _ Musiques sur l’eau et autres mélodies« ,  le CD XXI-CD 2 1570, paru en 2007 et brillamment récompensé… _, qui m’a fait mieux percevoir (et admirer) le talent de Marc Boucher ; et d’Olivier Godin.

C’est peut-être l’autorité _ poétique ! _ de Baudelaire qui vient un peu trop peser sur les épaules _ et le gosier _ de Marc Boucher, et lui faire craindre de « savonner » quelques unes des très riches, en effet, nuances de sa sublime _ oui _ poésie, en ce CD d’abord baudelairien _ cf le titre (on ne peut mieux choisi !) choisi de ce CD : « Les Fleurs du mal // De Fauré à Ferré _ Charles Baudelaire (1812-1857)«  _ qui vient de paraître cette fin d’automne 2009…

Le programme est tout à fait magnifique ;

et le choix

(un second CD « baudelairien » à partir de tout le matériel de mélodies découvert et rassemblé par Marc Boucher n’eut en rien déparé à la splendeur des pièces mélodiques du premier !)

des pièces nous donne à découvrir des mélodies merveilleuses, d’esthétiques amplement diverses, et de compositeurs qui méritent pleinement d’être enfin interprétés, chantés ; et ainsi écoutés, appréciés, admirés !

Citons-les : Pierre Onfroy de Bréville (1861-1979), Claude Duboscq (1897-1938), Alphons Diepenbrock (1862-1921), Jean Dora (1876-1941), René Lenormand (1846-1932), Pierre Capdeville (1906-1969)…

Rien qu’à ce titre (de « découverte » d’œuvres qui le méritent !), ce CD _ et le travail de défricheur de Marc Boucher _ vaut _ et valent _ le détour !


Marc Boucher s’étant révélé, somme toute, plus à l’aise en tant qu’interprète-chanteur avec les mélodies de Théodore Dubois (1837-1924 : un compositeur à découvrir pleinement !!) sur des poèmes d’auteurs un peu moins « impressionnants » que le Charles Baudelaire des « Fleurs du mal » : Albert Samain, Henri de Régnier, François Coppée, Sully Prudhomme, Armand Silvestre (1837-1900), mais aussi Joachim du Bellay, à côté d’un Maurice Bouchoir ; ou de complets inconnus jusqu’ici de moi _ qui ne suis pas un expert ! _ tels que Eugène Manuel (1823-1901), Charles Lomon, André Foulon de Vaulx (1873-1961), Jules Breton (1827-1906), Antonin Lugnier, Charles Dubois, Landely Hettich, ou Jules Barbey d’Aurevilly _ je veux dire ici en poète… _, et aussi Fernand Fouant de La Tombelle (1854-1928) et Louis de Courmont (1828-1900)…

Les trois poèmes de Baudelaire mis en musique par Léo Ferré (1916-1993), « La Vie antérieure« ; « La Musique » & « La Mort des amants« , sont hélas loin d’avoir, dans l’interprétation ici de Marc Boucher (et dans un arrangement pour le piano seul d’Olivier Godin) le charme intense mêlé de gouaille de Léo Ferré interprète _ c’était en 1957, pour le centenaire des « Fleurs du mal« , un trente-trois tours « Odéon » _ :

il y aurait fallu beaucoup plus d’audace et de familiarité (d’oreille d’abord) de Marc Boucher-interprète chanteur avec la tradition française de la chanson _ celle d’Yvette Guilbert, Damia, Fréhel, Berthe Sylva, Edith Piaf… _ :

que possédait ô combien ! l’immense Léo Ferré…

C’est là, sans doute, le point faible de ce travail du chanteur Marc Boucher en ce CD « découvreur » pourtant…

En tout cas,

avec ces CDs de mélodies françaises nous parvenant de Nouvelle-France et des rives du Saint-Laurent,

voilà un Marc Boucher bien intéressant ;

et un Benoît Leblanc plus que très talentueux _ très attentivement à suivre !

Titus Curiosus, ce 6 décembre 2009

une flopée de merveilles de musiques, et une passionnante exposition, aussi, « Deadline », cette Toussaint

02nov

Est-ce la difficulté (commerciale ?) des temps qui courent ?..

toujours est-il que les éditeurs de disques redoublent ces derniers temps-ci d’exigences de qualité pour nous offrir d’admirables interprétations de chefs d’œuvre de la musique…


D’abord, cette Toussaint _ et « remarqués« , pour une fois, par les magazines de disques : tout arrive !.. _ trois admirables CDs de piano à divers « stades » de composition du Romantisme : Schubert ; Liszt ; Brahms _ et encore ai-je (provisoirement?) « délaissé » _ ni lui ai seulement prêté une oreille ! pour le moment… _ le « Chopin chez Pleyel«  d’Alain Planès (CD Harmonia Mundi HMC 902052) _ sur lesquels, CDs, je ne regrette pas de m’être « précipité » ! :

des « merveilles » et de musique, et de musicalité !


De Franz Schubert (1797-1828), le CD « Wandererfantasie and other Works for solo piano«  _ la « Fantasie in C (Grazer Fantasie) » D 605A ; « Three Piano Pieces« , op. posth. D946 ; « 13 Variations on a Theme by Hüttenbrenner«  D 576 ; en plus de la « Wandererfantasie » op. 15D 760 _, par Michaël Endres (CD Oehms OC 731) ;

de Franz Liszt (1811-1886), le CD « Franz Liszt « un portrait » » _ avec « La Danza _ Tarantella napoletana » (des « Soirées musicales » de Rossini S. 424) ; les « Funérailles » (des « Harmonies poétiques et religieuses » S. 173) ; la « Bagatelle sans tonalité«  (ou « Mephisto-valse«  n°4b) S. 216a ; « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (des « Deux Légendes » S. 175) ; les « Consolations«  S. 172 ; la « Vallée d’Obermann«  (des « Années de pélerinage, 1ère année, Suisse«  S. 160 ; « Liebestraum«  (« Rêve d’amour« ), « Nocturne » n°3 S. 541 ; et la « Rhapsodie hongroise » n° 2 S. 244/2 _, par Guillaume Coppola (CD Calliope CAL 9412) ;

 …
et de Johannes Brahms
(1833-1897), le CD « Die Späten Klavierstücke Op. 116 – 119«  _ les 7 « Fantasien » op. 115 ; les « 3 Intermezzi » op. 117 ; les 6 « Klavierstücke » op. 118 ; et les 4 « Klavierstücke » op. 119 _, par Anna Gourari (CD Berlin Classics 0016472BC) ;

toutes œuvres transcendées ici par des interprétations magnifiquement inspirées et idéalement adéquates, toutes trois ; et selon des styles fort divers…


Le Schubert de Michaël Endres chante à la perfection … »à la Schubert« , avec une grâce (légère en sa gravité : le génie est toujours oxymorique, à « résoudre » sans effort et dans la jubilation la « quadrature du cercle » !..) : il nous enchante ! tout simplement…

Le Liszt de Guillaume Coppola « chante« , lui, aussi _ en une inspiration d’ascendances italiennes : napolitaine, sicilienne, etc… _, mais « au concert« , cette fois, avec la virtuosité pleine de panache (frisant le gouffre _ d’entre Charybde et Scylla ! entre Calabre et Sicile : là même où se produit le miracle de « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (la plage 4 de ce CD !)… _ de l’emphase, mais, le défiant, victorieusement, pour, n’y sombrant pas, en triompher brillamment !..) de Franz Liszt : une joie puissamment rayonnante anime ce vaste « portrait » de Franz Liszt (ainsi, médiatement, que celui, aussi, du jeune interprète (d’ascendance sicilienne, celui-ci prend bien soin de rendre hommage, en couverture du disque, et à sa grand-mère Lina, et « à la mémoire de (s)on grand-père Vincenzo » ! et par-delà eux, peut-être aussi, au catanais Giovanni Bellini, le maître du bel canto ; qu’a pu, à Paris, admirer Liszt…). Chapeau !

Quant au Brahms d’Anna Gourari, tout en assumant, pleinement, et magnifiquement, un certain pianisme (qui était passé, ces dernières années, pour ainsi dire de mode), il demeure, avec un « plus que parfait » éclat, fidèle à la magie mirifique de la poésie feutrée et chargée de goutelettes de toute fraîche rosée translucide, tout à la fois, de ces (20) « petites » œuvres, si grandes (sublimes ! oui…), de la « fin de vie » de musicien de Johannes Brahms… Bravo ! Bravissimo, la « parfaite » musicienne…

Sur les œuvres de « fin de vie« ,

mais cette fois en ce qui concerne les arts plastiques (principalement la peinture) contemporains,

on se plongera avec d’infinies délices dans le regard _ et la lecture ! _ du magnifique catalogue « Deadline«  _ avec une très belle « préface-présentation » de la commissaire (aidée d’Emile Ouroumov) Odile Burluraux : « Mourir « vivant »«  (pages 17 à 25) _ qui accompagne l’actuelle (16 octobre 2009 – 10 janvier 2010) exposition éponyme, « Deadline« , au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, consacrée à des œuvres « terminales » de Martin Kippenberger (Dortmund, 1953 – Vienne, 1997), Absalon (Ashdod, 1964 – Paris, 1993), Hans Hartung (Leipzig, 1904 – Antibes, 1989), James Lee Byars (Detroit, 1932 – Le Caire, 1997) _ c’est un cliché (étincellamment tout doré !)

Performance pour le vernissage The Death of James Lee Byars à la Galerie Marie-Puck. Broodthaers, Bruxelles 1994.(Photo : Marie-Puck Broodthaers)

de James Lee Byars lui-même lors de sa « performance pour le vernissage de l’exposition « The Death of James Lee Byars«  à la Galerie Marie-Puck Broodthaers, à Bruxelles« , à l’automne 1994, qui figure en (fascinantissime !) couverture (sur fond noir) de l’album !.. _,

Felix Gonzales-Torres (Guáimaro, 1957 – Miami, 1996), Joan Mitchell (Chicago, 1925 – Vétheuil, 1992) _ est amplement cité un « entretien«  avec Yves Michaud, le 12 janvier 1986, aux pages 97 et 98 de l’album (extrait du catalogue « Joan Mitchell, les dernières années«  des expos au Musée des Beaux-Arts de Nantes et à la Galerie nationale du Jeu de Paume, en 1994… _, Robert Mapplethorpe (New-York, 1946 – Boston, 1989), Chen Zhen (Shanghaï, 1955 – Paris, 2000) _ qui avait participé (brillamment !) en juillet 1990 à l’exposition « Chine demain pour hier«  qu’avait organisée à Pourrières, près de la Sainte-Victoire, mon amie Michèle Cohen, qui dirige la Galerie « La Non-Maison«  à Aix-en-Provence (elle m’a invité à y disserter « Pour un Non-art du rencontrer«  le 13 décembre 2008 dernier) ; le catalogue de cette expo « Chine demain pour hier«  ayant reçu un « avant-propos«  (excellent !) de notre ami Yves Michaud, Directeur alors de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris… ; cf pour précisions mon post-scriptum au bas de cet article _, Gilles Aillaud (Paris, 1928 – Paris, 2005), Willem de Kooning (Rotterdam, 1904 – East Hampton, 1997), Hannah Villiger (Zug, 1951 – Aug, 1997) et Jörg Immendorff (Bleckede, 1945 – Düsseldorf, 2007)…

Les notices (et « entretiens » avec les artistes…) pour chacun des douze artistes présentés sont passionnant(e)s, dans la finesse de précision des analyses (par Ann Temkin, Joël Bartoloméo, Odile Burluraux elle-même, Joachim Sartorius, Lewis Baltz, Molly Warnock, Sophie Delpeux, Hou Hanru (avec Odile Burluraux), Éric Darragon, Joachim Pissarro, Annelie Pohlen et Nicole Hackert, Bruno Brunnet & Michael Werner _ avec aussi un « Avant-propos«  de Fabrice Hergott, pages 13 à 15 _), d’un art qui atteint le maximum de sa « liberté » face au temps (qui reste) et sa dimension (d’élévation) d’éternité : ce à quoi s’affronte, se confronte, s’entretient, se nourrit, s’enchante, tout art « véritable«  ; par rapport aux impostures courant les rues de ce qui prétend s’afficher « art » et n’en est que tristes et pénibles « contrefaçons » ; d’autant plus grossières que vulgaires… La discrétion (envers la personne d’autrui) étant politesse essentielle d’un artiste…

A ces 3 « divins » CDs de piano romantique,

j’ajouterai encore le volume VIII de très, très belle facture (toujours !) que nous offre la maestria d’Éric Le Sage (double album CD Alpha 154) en la « continuation » _ et parfaite captation sonore de Jean-Marc Laisné à la Salle de musique « L’Heure bleue« , à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, en janvier 2009 _ de l’intégrale « éclatante » (et diaprée) des « Klavierwerke & Kammermusik«  de cet autre immense génial musicien (romantique, aussi…) qu’est Robert Schumann (1810-1856) _ avec les « Études pour le Pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op. 3 ; les « Études de concert pour le pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op.10 ; l’« Allegro«  Op. 8 ; la « Faschingsschwank aus Wien, Fantasiebilder » Op. 26 ; les « Vier Klavierstücke » Op. 32 ; et les « Drei Clavier-Sonaten für die Jugend » Op. 118 : la « Kinder-Sonate Julien zur Erinnerung » ; la « Sonate Elisen zum Andenken«  ; et la « Sonate Marien gewidmet » ; musiques pour trois des filles de Robert et Clara Schmann _ ; pour ces musiques de l’âge romantique, donc…

Pour le Baroque,

quelques merveilleux bijoux, aussi :

d’abord, du génial Alessandro Stradella ; et par un interprète dont j’admire depuis longtemps (après l’avoir entendu en masterclasses à Barbaste, aux stages _ quant aux « fondamentaux » de l’interprétation musicale baroque _ de Philippe Humeau) la parfaite musicalité (ainsi que probité de jeu _ mais les deux vont de pair ! là où se pressent et précipitent (hystériquement…) tant d’impostures, justement : devant (et rien que pour) les sunlights, les caméras, les micros, les foules… _, je veux parler d’Enrico Gatti, dirigeant ici, avec sa merveilleuse justesse « musicale » coutumière, l' »Orchestra Barocca della Civica Scuola di Musica di Milano« , ainsi que les chanteurs Lavinia Bertotti, Barbara Zanichelli, Emanuela Galli, Roberto Balconi, Maurizio Sciuto et Carmo Lepore, un magnifique enregistrement de deux « cantates de Noël«  _ de la période « romaine«  de Stradella : vers 1675, sous le pontificat (29 avril 1670 – 22 juillet 1676) de Clément X Altieri…, ainsi que l’indique, à la page 19 du livret du CD, Carolyn Gianturco _ du grand, mais pas assez enregistré (non plus que donné en concert) Alessandro Stradella (Nepi, 3 avril 1639 – Gênes, 25 février 1682), donc : « Cantate per il Santissimo Natale« , « Si apra il riso » et « Ah! Troppo è ver«  (ainsi qu’une « Sonata di viole _ con concertino di due violini et leuto e concerto grosso di viole« ) ; en un CD splendide de l’Arcana du regretté Michel Bernstein (CD Arcana A 331) ;

puis,

un électrisant récital, sans affèteries ni assauts de (trop) gratuites vocalises, d' »airs d’opéras » napolitains _ un répertoire loin d’être assez exploré encore !.. et pourtant ô combien crucial dans l’histoire de l’opéra !.. (faute de pouvoir « remonter«  vraiment dans leur intégralité de tels « spectacles«  ?.. _, de Giovanni-Battista Pergolese (1710 – 1736), Nicola Antonio Porpora (1686 – 1768), Leonardo Vinci (1696 ? – 1730) & Johann-Adolf Hasse (1699 – 1783 _ présent à Naples, le saxon, lui, pour s’y « former« , auprès de Nicola Porpora et d’Alessandro Scarlatti, en ces si ingénieux conservatoires de Naples, de 1724 à 1727) : « Lava _ Opera Arias from 18th Century Napoli« , par la parfaite Simone Kermes, soprano, et « Le Musiche Nove« , dirigées par Claudio Osele : un CD Deutsche Harmonia Mundi 8869754121 2 ;

puis, en remontant vers des contrées au climat un peu plus « tempéré« ,

d’abord, un très rafraîchissant _ intense et profond en son élégance… _ CD de « goûts réunis » de Jean-Marie Leclair (Lyon, 10 mai 1967 – Paris, 22 octobre 1764) _ compositeur à l’élégance, donc, hautement raffinée ; et violoniste virtuose (sans excès, à la Locatelli…), formé à Turin auprès du maestro Giovanni-Battista Somis _ constitué des quatre premières des six « Sonates en trio pour deux violons et basse continue » op. 4 (de 1731-1732) et de la « Deuxième récréation musicale d’une exécution facile pour deux flûtes ou deux violons » op. 8 (de 1737), interprétées ici par deux hautbois, un basson, une contrebasse et un clavecin _ tenus par David Walter, Hélène Gueuret, Fany Maselli, Esther Brayer & Patrick Ayrton, en un ensemble s’intitulant « Pasticcio barocco«  _ ; soit le _ délicieusement fruité ! _ CD 01 de Hérissons Production s’intitulant « Jean-Marie Leclair, ou l’apogée des Goûts Réunis« 

et un peu plus en amont, dans le temps, à Paris,

et en changeant cette fois de siècle :

un tout simplement « magique » récital de « Pièces de luth«  en sol majeur, la mineur, fa majeur et si mineur de Denis Gaultier (dit « Gaultier de Paris« , ou « Gaultier le jeune » : Paris, 1603 – Paris, janvier 1672) _ avec l’appoint de deux chaconnes (en do majeur et fa majeur) du cousin Ennemond Gaultier (dit « le vieux Gaultier » ou « Gaultier de Lyon » : Vilette-en-Dauphiné, 1575 – Nèves-en Dauphiné, 11 décembre 1651) _ ; intitulé « Apollon orateur« , sous les doigts _ inspirés par le dieu maître des Muses ?.. _ du parfait luthiste qu’est le maître Anthony Bailes, chez Ramée : le CD Ramée RAM 090La musique qu’adorait, pour son infini raffinement, sa poésie, la délicatesse de sa grâce divine, La Fontaine : peut-être la quintessence de l’art musical français…

Et enfin,

au XXème siècle, cette fois, et ni en Italie, ni en France, mais en (un violent) exil d’Allemagne _ en 1938-39 pour deux des principales pièces : somptueuses ! _

des œuvres d’un maître bien injustement mis sous l’éteignoir, et qui réveille pourtant l’acuité la plus fine de nos ouïes, par le brillant « profond » (sans clinquant !) de la clarinette, ici : les « Clarinet Quintet ; Clarinet Quartet ; Clarinet Sonata ; Three Easy Pieces » de l’immense Paul Hindemith (Hanau, 16 novembre 1895 – Francfort 28 décembre 1963), un des « plus grands » de ce siècle… : un CD Naxos 8.572213 de « Chamber Music » par le décapant (en même temps que magnifiquement élégant : autre « quadrature du cercle » !) ensemble « Spectrum Concerts Berlin« , que dirige de son violoncelle Frank Dodge ; et avec le clarinettiste virtuose (excellent !) Lars Wouters van den Oudenweijer !..

Le contraste avec le luth de Denis Gaultier sera magnifique ; révélant, si besoin en était, toute l’amplitude de la magie féérique de la musique…


Titus Curiosus ce 2 novembre 2009

Post-scriptum :

je joins, ce matin du 3 novembre, ce courriel

à mon amie Michèle Cohen, directrice de la Galerie « La Non-Maison » à Aix-en-Provence

(où je vins le 13 décembre 2008 présenter mon « Pour un Non-Art du rencontrer« ) :

De :   Titus Curiosus

Objet : En lisant mieux « Deadline« , je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:40:06 HNEC
À :   Michèle Cohen

En lisant un peu mieux le catalogue de l’expo « Deadline« ,
il s’avère que
l’expo que tu avais organisée (comportant des réalisations originales de Chen Zhen)
est très précisément citée (avec son « titre » !), page 123 de ce catalogue
« Deadline :

je cite : « l‘exposition « Chine demain pour hier« ,


organisée par Fei-Da-Wei dans le sud de la France.
Cette exposition avait lieu dans le village de Pourrières, à côté de la montagne Sainte-Victoire.
C’était vraiment une exposition intéressante.

(…)
Chen avait conçu des pièces très importantes, dans un grand camion.
Il s’agissait d’une sorte de parcours qui reproduisait des pierres tombales suspendues à l’envers,
et de la terre au sol avec les matériaux, les journaux recyclés comme il les utilisait depuis les années 1990.

C’était assez impressionnant.
Et l’autre pièce était encore plus étonnante
: c’était dans la forêt.
A l’époque, on commençait seulement à parler d’écologie.
Il y avait eu un débat sur les incendies qui avaient dévasté la Sainte-Victoire. Les gens se plaignaient que certains ne respectaient pas la nature et qu’ils mettaient le feu.
En fait, Chen était allé derrière le village, dans la forêt brûlée, où il a trouvé des centaines et des centaines d’objets abandonnés, des déchets ;
il en a effectivement récupéré beaucoup (quatre-vingt-dix-neuf, je crois),
et il les a ensuite suspendus aux arbres.

C’était un geste extrêmement fort,
qui semble très léger mais en même temps très fort.
Cette pièce est vraiment formidable
« …
« A partir de ce moment-là, nous avons commencé à nous voir, à discuter ; nous sommes devenus très amis« ,
continue Hou Hanru…

est celle-là même que tu montas, Michèle !!!

bien que ton nom ne soit pas cité par Hou Hanru _ celui qu’interviewe la « commissaire » de l’expo actuelle, Odile Burluraux, pages 123 à127… _,
Fei Da-Wei en étant, en effet, lui, le « commissaire«  (cf page 4 de ton catalogue de 1990 !)…

Je viens de mettre la main sur le catalogue (que tu m’as donné l’an dernier à Aix) de cette expo qui eut lieu à Pourrières du 7 au 31 juillet 1990, « Chine demain pour hier« ,
organisée par l’association « les Domaines de l’Art » dont tu étais la « présidente » ;
avec une préface de toi, page 11
et un avant-propos de l’ami Yves Michaud, page 9 !


Je vais introduire cette précision
dans mon article :
et voilà qui est fait !..

Titus

Réponse par retour de courriel de Michèle :

De :   Michèle Cohen

Objet : Rép : En lisant mieux, je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:45:04 HNEC
À :   Titus Curiosus

Titus,
Tu es vraiment gentil. Peu de gens citent leurs sources. Tu fais un travail de passeur incroyable….
Merci d’avance
Michèle

Dans son « Avant-Propos«  de juillet 1990 à ce catalogue « Chine demain pour hier« , page 9, Yves Michaud, disait que « trop souvent la culture est laissée au soin des institutions«  ; alors que « la création culturelle a, au contraire, besoin de se déplacer et de bouger ; elle n’a pas vraiment besoin d’atours et de pompe. La respectabilité arrive toujours trop vite. La création nous intéresse quand elle vient _ généreusement : tel Kairos… _ là où nous ne l’attendons pas, quand elle nous surprend _ sans calcul d’aucune sorte… _ dans un monde où prédominent aujourd’hui _ certes : les choses, depuis, n’ayant fait que s’aggraver… _ les spécialistes en attente et en motivations«  :

« un monde où prédominent _ voilà ! _ aujourd’hui les spécialistes _ « professionnalisés« , en quelque sorte !.. diplômés peut-être même !.. _ en attente et en motivations » ; comme c’est justement « croqué » ! Comme ils nous pèsent, ces experts ; et plombent tout ce à quoi ils s’attachent, ces « spécialistes » patentés ès « attentes et motivations » ! Comme ils sont loin du véloce, divin et éternellement jeune, lui, capricieux et ludique Kairos ! Tout le contraire des « amateurs » qui « aiment » _ auxquels s’intéresse, par exemple, un Bernard Stiegler…

Là où il s’agit pour la « vitalité«  (de l’Art : d’artistes authentiques !) de « s’affirmer à travers _ avec la fluidité véloce de la souplesse _ des installations, des rencontres, des concerts, à travers des interventions transitoires et momentanées _ oui ! _ qui gardent _ par cette délicate finesse de la légèreté _ le sens de la vie«  _ plutôt que de se perdre ; ou d’être anéantie, ou exténuée, lourdement, cette « vie«  ; désorientée, sans boussole, faute de l’« aimant«  (et de l’« aimantation« ) de vrais profonds désirs, amours, passions

Sur cela, cf toujours Bernard Stiegler (importants travaux en cours !) autour de l’« amatorat » !

Yves concluait ce « mot de présentation » de 1990 par un bref commentaire du titre même de l’exposition : « D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots _ « Pourrières » est déjà un nom magnifique : alors le lieu lui-même (!) au flanc de la « magique » Sainte-Victoire : on comprend qu’il y a eu là de quoi inspirer « vraiment » un artiste « profond » tel que Chen Zhen ! quant à quelque « résilience » (à la Boris Cyrulnik…)… _,


D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots,

le titre de l’ensemble de la manifestation _ de Pourrières, ce mois de juillet 90-là ; cela a fait dix-neuf ans cet été ! _ : « Chine demain pour hier« . « Pour hier », comme pensée et hommage ; « pour demain », comme création et vie » _ cf ce que François Jullien, expert en sinologie, nomme, avec beauté autant que justesse, les « transformations silencieuses » du « vivre« , par-delà le « mourir » ; qui peut ainsi, face au « trou noir«  du néant, n’en être qu’une « phase« , un « moment » : quand le processus, y compris celui du jeu des mouvements-forces de la « nature«  (mais y a-t-il vraiment « séparation » ?..), est « artiste« , du moins : c’en est l’impérative condition !..

Tout le crucial est dit ! Bravo Yves ! Bravo Michèle ! En 1990 déjà !

Merveilleux concert « Duphly » samedi à 18 heures à l’Hôtel de Soubise, Chambre du Prince, par Elisabeth Joyé

09sept

En un lieu parfaitement idoine,

la superbe « Chambre du Prince » de l’Hôtel de Soubise _ 60 rue des Francs-Bourgeois, au cœur du Marais à Paris _,

dont la décoration, par Germain Boffrand (et peintures de François Boucher, Carle Van Loo, Jean Restout et Charles Trémolières), fut entreprise à partir de 1732 _ Louis XV avait 22 ans _,

à l’occasion du remariage, le 2 septembre 1732, du second prince de Soubise, Hercule-Mériadec de Rohan-Soubise (1669-1749 _ le prince avait 63 ans),

avec une jeune veuve de 19 ans, Marie-Sophie de Courcillon (1713-1756, petite-fille du bien connu mémorialiste Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (l’auteur de cette « mine de renseignements » _ sur le règne de Louis XIV _ qu’est son « Journal d’un courtisan à la cour du Roi-Soleil« ) ; et épouse éphémère _ d’entre l’âge de 15 ans et celui de 17  : mariée le 20 janvier 1729, jeune veuve le 14 juillet 1731 _ du duc de Picquigny _ 1701-1731 _ ) ;

cet Hôtel, autrefois « de Clisson« , puis « de Guise« , était devenu propriété des Rohan-Soubise en 1700, par achat aux héritiers de Mademoiselle de Guise, décédée en 1686 ;

et il avait hébergé en ses murs, de 1660 à 1686, Marc-Antoine Charpentier, dont cantates et pastorales constituèrent l’essentiel de la production pour la duchesse de Guise, cousine de Louis XIV et dernière descendante de la célèbre famille…

Élisabeth Joyé, parmi une assistance extrêmement attentive et chaleureuse, a donné en concert le programme de son si réussi CD « Duphly » Alpha 150 que j’avais chroniqué le 20 juillet dernier : « Comment bien jouer la musique : sur le “Duphly” d’Elisabeth Joyé…« …

Mes impressions si heureuses du CD

se sont splendidement confirmées en ce concert de la « Chambre du Prince » de l’Hôtel Soubise,

un des plus beaux hôtels particuliers, au Marais, du Paris du XVIIIème siècle :

c’est une gravité légère qui émane tout à la fois sereinement et motoriquement des doigts véloces sans précipitation aucune, jamais, d’Elisabeth Joyé dans les longues phrases tenues que déroule, notamment en sa chaconne, ou en ses rondeaux, et ses courantes, et ses allemandes, de Duphly, notre magique musicienne…

Au retour à la maison,

j’ai comparé sa « Forqueray » de Duphly _ la première pièce du disque, en « ouverture » ! ;

et qui en effet m’avait d’abord comme surpris par sa gravité, sa noblesse, à la toute première audition ! _

à celle de Skip Sempé

dans un récent brillant récital de « Pièces de clavecin » françaises (« A French collection » _ CD Paradizo PA0007),

plein de verve et de brio ;

voici un extrait du message que j’adressai dès le dimanche, à mon retour à Bordeaux ;

par retour de courrier à un message d’Élisabeth,

me remerciant d’être venu de Bordeaux l’écouter à l’Hôtel de Soubise :

De :   Titus Curiosus

Objet : Rép : duphly 5 septembre
Date : 6 septembre 2009 14:43:06 HAEC
À :   Élisabeth Joyé

C’est moi qui te remercie
pour la grâce de ce concert

et cette réunion amicale chaleureuse !..

Je viens de récouter et ta « Forqueray » de Duphly
et celle de Skip Sempé
_ j’ai vite retrouvé ce CD assez récent parmi mes disques !

Eh bien, je préfère, et de loin, la tienne, même si tu trouves à « redire » (un peu peut-être…) à cette pièce au CD ;
la sienne est « énervée » ; et certains passages sont « savonnés » !
J’aime la note de « gravité (légère)« , toute de profondeur développée, que tu lui donnes
ainsi qu’à (presque) tout le reste des pièces, d’ailleurs ; elle me ravit absolument !
C’est toi qui es dans le juste ;

nonobstant ce scrogneugneu de X. (un critique), pas assez « emballé » (pour aller jusqu’à vouloir y consacrer un « papier« ) !..

Pour moi,

à ce concert,

comme à ce disque,

c’est à la quintessence de l’esprit et du charme musical français

que nous avons, magiquement, grâce à Elisabeth Joyé,

accès : rien moins !


Et je suis sûr que de par le monde,

à Prague, à Istanbul, à Buenos Aires,

sans parler de Tokyo,

partout où on a encore un grand vivant désir

et le culte du plaisir

du charme de l’esprit artistique du goût français,

un pareil CD et un pareil récital de concert

seront accueillis avec un tapis de roses !


Titus Curiosus, ce 9 septembre 2009

Post-scriptum :

en avant-concert, j’ai passé le début de l’après-midi de ce samedi parisien

dans l’enfilade des salles du Louvre, au second étage,

consacrées à la peinture française :

Corot, Michallon, Granet,

Pierre-Henri de Valenciennes,

Fragonard, Chardin, Watteau,

Poussin, Vouet, Champaigne,

Georges de la Tour, Valentin de Boulogne…

Etonné (et presque écrasé, même :

je n’ai pas pu m’empêcher de le confier à une famille de visiteurs (américains : il m’a fallu le leur traduire !) assis sur un banc dans une salle consacrée au XVIIème)

de rencontrer une telle profusion de toiles plus saisissantes de charme tranquille les unes que les autres

qu’il me semblait, pour certaines (et même bon nombre) d’entre elles, du moins,

ne pas avoir encore vues ainsi exposées (en ce lieu, lui-même tellement idoine !)…

Ensuite,

ayant regagné le Marais, après un tour aux Tuileries (trop de monde faisant la queue au Musée du Jeu de Paume ; et puis je n’apprécie pas du tout l’artificialité vulgaire et people d’un Martin Parr ! c’était l’expo Agustí Centelles que je désirais découvrir !..)

je me suis posé, attablé à une terrasse d’un café tout proche de l’Hôtel de Soubise,

au coin très agréablement passant de la rue des Archives et de la rue des Francs-Bourgeois,

dans la douce attente joyeuse et ensoleillée du concert d’Élisabeth,

à percevoir, sans rien guetter, surtout, quelques bribes de conversations étayées, de loin en loin, de salves d’esprit de jeunes parisiens (un peu « branchés« ), se narrant, peut-être, à la Éric Rohmer (cf par exemple « Le Goût de la beauté« ), de quasi anodines rencontres de vacances…

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