A Chantal Thomas, en souvenir d’avant 1968 à Bordeaux
17juin
17juin
03juin
Ara Güler,
40 années durant,
a été le photographe magique d’Istanbul.
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Il nous a quittés, à l’âge de 90 ans, le 17 octobre 2018.
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Et voici que la galerie Polka,
12 rue Saint-Gilles à Paris 3e
nous offre l’occasion
_ jusqu’au 15 juin _
de nous replonger dans la magie de son regard
sur une des villes les plus magiques du monde :
Istanbul.
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Cet article, ce jour, du Figaro :
Ara Güler, l’œil d’Istanbul et «Maître du Leica», mis à l’honneur à Paris
sous la plume de Valérie Duponchelle,
rend hommage à cet événement
du regard :
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Ara Güler est une légende de la photographie turque, le «Maître du Leica» (titre obtenu en 1962), dont la Galerie Polka veut retracer la longue carrière, commencée dans les années 1950. Fils d’un pharmacien arménien, Ara Güler naît l’été 1928 à Beyoglu, quartier d’Istanbul sur la rive européenne du Bosphore et séparé de la vieille ville (péninsule historique de Constantinople) par la Corne d’Or. Sa photo trouve là son décor naturel.
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Son père a changé son patronyme arménien originel, Derderian, pour celui de Güler, plus propice à l’intégration. Il a fait ses études à l’école arménienne de Getronagan. Comme l’artiste de Paris Sarkis, né Zabunyan à Istanbul en 1938, qui représenta la Turquie à la Biennale de Venise 2015, Ara Güler est le fruit d’une somme de civilisations et l’observateur aigu d’une société complexe. Photoreporter à 22 ans pour le journal Yeni Istanbul, alors qu’il est encore étudiant en économie, il fut aussi le premier correspondant au Proche-Orient pour Time à son implantation en Turquie en 1958.
Un vrai souffle épique court dans ses photos où le facteur humain l’emporte sur tout. Du Kazakhstan à l’Iran, de Winston Churchill à Picasso, il a laissé un fonds de 800 000 photos à sa mort, à 90 ans, dans sa ville, le 17 octobre 2018.
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Galerie Polka12 rue Saint-Gilles, IIIe arrondissement de Paris, Téléphone : 01 76 21 41 30, Horaires : de mardi à samedi, de 11h à 19 h. Jusqu’au 15 juin.
Catalogue : Ara Güler’s Istanbul: 40 Years of Photographs, 2009, Thames & Hudson.
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Ce lundi 3 juin 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa
07nov
Voici le courriel
que je viens d’adresser à Frédéric Martin
pour le féliciter de l’attribution du Prix Renaudot 2018
au Sillon de Valérie Manteau,
aux Éditions du Tripode
que dirige Frédéric Martin.
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Frédéric Martin : un éditeur audacieux
et très talentueux !
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Et on notera encore
que Valérie Manteau a travaillé elle aussi,
comme Philippe Lançon,
à Charlie-Hebdo.
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Ce qu’elle aborde
en ce roman témoignage qu’est Le Sillon,
bien que se déroulant sur les rives du Bosphore,
donc apparemment assez loin de nous,
nous concerne de très près…
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Ce mercredi 7 novembre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa
10oct
Sur un livre merveilleux
d’attention chaleureuse
à une ville _ sublime ! _,
et à sa vie, ses habitants _ c’est une ville-monde ! _ :
Istanbul.
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Le livre
(aux Éditions le bec en l’air)
s’intitule Istanbul _ Carnets curieux ;
son auteur est la photographe (marseillaise depuis longtemps : elle est l’épouse du regretté Jean-Claude Izzo _ cf par exemple son Vivre fatigue… _)
Catherine Izzo ;
…
elle est aussi une amie
de mon ami Bernard Plossu.
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Ici,
et en guise d’introduction en image à l’article,
on pourrait regarder la photo Bosphore IV, page 73 _ soit la numéro 1 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
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Hier, une fois achevée la lecture du texte (des Carnets Curieux) _ superbe ! _
qui accompagne les 91 _ admirables ! _ photos
_ les 24 chapitres (avec plans !) de ces Carnets vont de la page 114 à la page 209 ; et sont datés « Istanbul, Marseille, Lille, Carnac, 2006-2010 » ;
ils se terminent, page 209, par ces mots :
« Je reviendrai.
Hosça kal ! (Adieu ! Restez joyeux !)« … _,
…
j’ai adressé ce message à Bernard :
…
De : Titus Curiosus
Objet : Mail de Catherine Izzo
Date : 9 octobre 2010 08:36:41 HAEC
À : Bernard Plossu
…
J’aimerais témoigner à Catherine Izzo
du très grand plaisir
que m’a donné son Istanbul _ Carnets curieux
dont je viens à l’instant d’achever la lecture…
…
C’est un livre
qu’on aimerait (humblement !) avoir écrit,
tant il est juste en sa finesse
et en la profonde délicatesse (= légère !) de sa curiosité
à tant de singularités _ en son approche humblement caressante (sublime !) de la beauté vraie de l’altérité (aimée)…
…
C’est ainsi qu’il faut apprendre à voyager, séjourner _ regarder, (essayer de, s’essayer à) contacter : hors tourisme, si tant est que cela soit possible ! et avec tout le temps nécessaire… _,
dans l’amitié de qui
_ ici Ergül
…
(« jeune stambouliote solide, le visage ensoleillé, elle porte toujours ses cheveux très courts : « c’est plus simple ! »..« , page 149 ;
elle « a vécu dix-sept ans en France _ son père fabriquait des automobiles chez Peugeot« ;
et « maîtrise parfaitement le français et l’anglais« , page 167 ;
s’intéressant, peut-être professionnellement à l’archéologie, « Ergül voudrait découvrir les grands sites grecs de la Sicile. Mais la Turquie n’appartient pas à l’Europe, et même si l’on sait qu’Istanbul est plus près de Rome, de Naples ou de Palerme que de Bagdad, les tracasseries administratives d’une Europe frileuse et tatillonne freinent toute spontanéité. Il faut des semaines pour obtenir une autorisation de transiter« , page 167 aussi…) ;
…
mais aussi les égards rencontrés du « gardien du petit hôtel de bois« ,
des « serveurs des jardins de thé« ;
et encore les mouvements des « tortues des cimetières« ,
ainsi que ceux des « barques des pêcheurs du Bosphore » ;
et encore « la douce lumière sous les treilles« :
…
à laquelle, Ergül, (et auxquels, aussi) est dédié, page 7 ce merveilleux livre… _
…
dans l’amitié de qui
vous fait partager ses sentiers…
…
Aussi,
j’aimerais que tu me fasses parvenir son adresse Internet.
…
Titus
…
…
P.s. : je n’ai rien dit des photos,
parce qu’elles sont merveilleuses de justesse et beauté,
tout simplement…
…
J’ai l’intention de consacrer à ce livre _ rare à ce degré de beauté _ un article de mon blog
_ le voici !
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Tu sais combien j’aime Istanbul, moi aussi ;
et combien je souhaite retourner y vagabonder…
…
Fin du courriel à Bernard Plossu ;
et début du corps de l’article :
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Parmi les photos disponibles sur le net
_ en l’occurrence sur le site personnel (Passevue) de Catherine Izzo _,
voici une sélection, mienne :
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D’abord,
l’arrivée idéale à Istanbul
est par bateau : en contournant la pointe de Topkapi, étrave à la rencontre du Bosphore, depuis la mer de Marmara, pour débarquer
…
_ tel le Michel-Ange du Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, au printemps 1506, dans le récit de Mathias Enard ;
cf mes articles des 2 et 11 septembre 2010 :
ainsi que mon entretien avec Mathias Enard, le 8 septembre : le podcast dure 62 minutes… _
…
pour débarquer
à l' »échelle« _ le quai, depuis si longtemps que la ville, Constantinople, existe… _ d’Eminönü…
…
Et ce, par quelque temps que ce soit :
la brume et la pluie n’étant certes pas les moins appropriés à l’émerveillement de la découverte ;
de l’approche _ celle-ci ne finissant, d’ailleurs, jamais !
La gloire de son mystère s’enrichit !..
…
Voici, parmi la moisson d’images captées par Catherine Izzo,
une arrivée_ stambouliote _ possible :
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la photo Bosphore VI, page 106… _ soit la numéro 16, en comptant de gauche à droite et de haut en bas, de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Même par gros temps ;
on peut encore y pêcher…
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Ici on pourrait regarder la photo Pêche à Üsküdar _ rive asiatique, page 105 _ soit la numéro 30 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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On trouve toujours un débarcadère :
…
ici on pourrait regarder la photo Débarcadère, page 104… _ soit la numéro 27 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Puis, on pénètre en la ville, aux sept collines, elle aussi ;
et il nous faudra toujours grimper un peu : les rues et ruelles _ avec platanes _ affrontent vaillamment les pentes herbeuses, et se glissent, en se faufilant, dans ce qui fut peut-être autrefois un ruisseau, sinon une cascade ;
il y a aussi bien des escaliers…
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© courtesy Catherine Izzo : Pasaj II _ Istiklal, page 50.
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Et viennent de merveilleuses maisons de bois,
dans certains quartiers _ par exemple, et tout particulièrement, encore,
à Fener, et Balat ;
elles risquent cependant de bientôt disparaître, face à la spéculation immobilière galopante, ici comme ailleurs ;
sur ce sujet,
cf le très beau film du réalisateur italo-turc, Ferzan Oztepec : Hammam (en 1998 : avec Alessandro Gassmann)…
…
Ici on pourrait regarder la photo Galerie supérieure de Vezir hane _ Beyazit, page 40… _ soit la numéro 10 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Et les intérieurs, orants _ après s’être déchaussés (et nettoyés aux fontaines) _, des mosquées :
…
par exemple, la photo Prière II, page 88 _ soit la numéro 20 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Et encore, en suivant, la photo Arabesque I, page 90 _ soit la numéro 8 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Et le lacis labyrinthique des ruelles et rues
des multiples quartiers :
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© courtesy Catherine Izzo : Cankurtaran I, page 26.
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et
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aussi la photo Samatya, page 47 _ soit la numéro 14 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Et, bien sûr, Aya Sofya,
toujours magique :
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ici, par exemple, la photo Aya Sofya II, page 43 _ soit la numéro 6 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Et ses alentours :
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ici on pourrait regarder la photo Tombe II _ Divan Yolu _ Vers Beyazit, page 94 _ soit la numéro 9 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo… ;
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ou
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la photo Eminönü III, page 60 _ soit la numéro 11 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Aya Sofya, toujours, toujours, si puissante :
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© courtesy Catherine Izzo : Aya Sofya I, page 29
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Puis, les escapades vers les périphéries tentaculaires,
en constante continuelle expansion :
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ici on pourrait regarder la photo « Bonne année » _ Kandili _ Rive asiatique, page 45 _ soit la numéro 4 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
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Et encore :
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© courtesy Catherine Izzo : Vers Tekirdağ II _ Hommage à Fellini _ Grande banlieue d’Istanbul, page 54…
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Ou les quartiers d’affaires et de commerces, hyper-animés ;
…
Istanbul est une de ces mégapoles
dont parle si bien Régine Robin, en son Mégapolis
_ cf mon article du 16 février 2009 : Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin… _ ;
dont le sous-titre est les derniers pas du flâneur… :
…
ici on pourrait regarder la photo « Kanyon » _ Saryer, page 20 _ soit la numéro 21 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Puis l’on revient toujours, ici,
vers les rivages,
tellement enchanteurs :
le flot y clapote…
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© courtesy Catherine Izzo : Vers Tekirdağ IV _ Grande banlieue d’Istanbul, page 81 ;
…
Ou
…
la photo Kumpkapi I, page 15 _ soit la numéro 2 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Et sans cesse on prend
et reprend
le ferry
d’une rive
(l’une, européenne et, l’autre, asiatique, ainsi que cela se dit…)
à l’autre,
le temps,
à peine,
de déguster à bord un délicieux thé
tout brûlant :
…
ici on pourrait regarder la photo Bosphore V, page 75 _ soit la numéro 3 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
et
…
la photo Bosphore II, page 23 _ soit la numéro 19 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
;
…
et puis,
d’où partent les trains pour Bagdad :
…
ici on pourrait regarder la photo Hayderpaşa I _ Rive asiatique, page 14 _ soit la numéro 29 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Et de saluer,
en guise d’au revoir au lecteur,
la vista _ avec la mouette _ de l’ami Bernard Plossu :
…
ici on pourrait regarder la photo Hommage à Bernard Plossu III, page 111 _ soit la numéro 28 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Avant de repartir (d’Istanbul),
encore par bateau ;
…
mais avec l’idée (chère au cœur) de revenir
sur ce rivage du Bosphore
et des Eaux douces d’Europe _ l’autre nom de la Corne d’Or…
…
Ici on pourrait regarder la photo Bosphore IX, page 109 _ soit la numéro 15 de la page « Istanbul« du site Passevue de Catherine Izzo…
…
Un livre merveilleux, chaleureux,
en la délicatesse de sa justesse,
que cet Istanbul _ Carnets curieux
de Catherine Izzo…
…
…
Titus Curiosus, le 10 octobre 2010
…
Post-scriptum :
…
Catherine Izzo cite aussi,
et à plusieurs reprises,
les beaux films de Nuri Bilge Ceylan :
Koza, Kasaba, Uzak, Les Climats, Nuages de mai, Les Trois singes…
…
J’aime aussi beaucoup, beaucoup
les deux photos
_ à végétation plantureuse : ce pourraient presque être des vignes… _
qui se font face aux pages 18 et 19 :
…
Tombe I _ Jardin de Küçük _ Aya Sofya Camii ;
et
Yeni Valide Camii, cour intérieure _ Üsküdar, rive asiatique…
…
De l’ami Plossu,
j’ai appris à (re-)connaître aussi l’art de la mise en page…
…
En conclusion,
et pour donner aussi quelque échantillon de sa belle écriture fine, précise, juste et subtile,
ces deux extraits-ci, aux pages 132 et 133 :
…
« Istanbul sous la pluie… La ville se rapproche _ de la focale du regard _, se resserre, intime, sensible, feutrée. Une dimension nouvelle se dessine, inconnue et voilée, secrète et délicate. Les paysages se diluent, le ciel et les mers s’embrassent. Istanbul se métamorphose en une palette de gris subtils et raffinés, nuancier infini, d’une grâce exceptionnelle pour qui prend le temps de les contempler _ et de les ressentir et saisir alors.
…
Gris argenté des dômes des mosquées, gris cendré des coupoles des medrese, gris anthracite et mat de l’asphalte, gris porcelaine des marbres des türbe, gris bleu des fumerolles échappées des frêles cheminées tortueuses, gris brun des fumées des bateaux, gris éteint et lourd des silhouettes des cargos qui remontent lentement le Bosphore, gris vert de la colline d’Eyüp, gris tourterelle des fontaines, gris perle de la tour de Galata, gris rosé de la façade du Patriarcat orthodoxe grec à Fener, gris sombre de Teodos Suru.
…
La pluie lave les toits de plomb, souligne l’envol des minarets, adoucit le jaune des taxis, assombrit les façades des maisons de bois. Les bateaux ne sont plus que de simples contours fantomatiques, les mosquées de gros animaux fantastiques.
…
On pourrait imaginer ce tableau triste, voire sinistre.
C’est juste doucement mélancolique _ voilà.
…
Les terrasses des çay bahçesi disparaissent, parfois simplement enfouies à la hâte sous des bâches de plastique translucides.
À l’abri des petits auvents ou des larges toits des marchés restent quelques tabourets sur lesquels les plus téméraires sirotent le thé éternel.
…
Un ruisseau, au milieu de la rue, dégringole vers les Eaux. J’ai toujours eu l’envie _ sans jamais le faire _ d’y déposer un petit bateau de papier et de suivre son chemin brinquebalant vers Marmara.
À l’intérieur des lokanta les vitres s’embrument. Derrière la buée les rues deviennent des no man’s land mystérieux et lointains, paysages propices à toutes les rêveries »…
…
Et juste neuf lignes, plus loin, page 133 :
…
« Plus j’y reviens, moins je suis convaincue qu’Istanbul est méditerranéenne.
…
L’œuvre de Nuri Bilge Ceylan s’impose tout à coup. Derrière des fenêtres brouillées de gouttes d’eau qui tracent des chemins improbables et fantaisistes, la caméra suit le regard des personnages. Leurs yeux se noient dans la ville devenue imperceptiblement _ presque à leur insu _ intime et charnelle » _ voilà encore…
…
Voilà ce qu’est un regard fin et juste :
d’artiste
pudique
vrai…
…
…
J’aurais aimé donner plus (ou mieux) encore le goût de contempler les quatre-vingt onze images d’Istanbul
que le livre _ de Catherine Izzo : Istanbul _ Carnets curieux, aux Éditions le bec en l’air _ propose
_ afin de goûter le plaisir de feuilleter le papier des 244 pages de ce livre _,
…
mais il m’a fallu restreindre l’enthousiasme de mon choix
_ au départ de vingt-quatre images… _
à cinq d’entre elles… :
…
j’ai donc choisi celles
que je préférais…
…
Les dix-neuf autres _ dont je cite le titre et la page dans le livre _ sont cependant accessibles
_ en veuillant bien compter… _
sur le site personnel de Catherine Izzo : Passevue…
…
Qu’on aille y jeter un coup d’œil…
11sept
Voici, ce jour, une réflexion sur la présentation par Mathias Énard de son roman-fable-enquête Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants
…
soit un essai _ de réflexion artistique, entée sur des recherches d’érudition, tant à Rome (Mathias Énard fut pensionnaire de la Villa Médicis en 2005-2006) qu’à Istanbul, et très « en profondeur« , la réflexion artistique comme la recherche documentaire, de la part du probe, fin et patient Mathias Énard _ pour combler un trou de quatre mois dans la biographie de Michel-Ange :
…
d’avril 1506
_ quand, fuyant Rome (« Michel-Ange a quitté Rome sur un coup de tête, le samedi 17 avril, la veille de la pose de la première pierre de la nouvelle basilique San Pietro« , page 13), suite à une mésentente grave avec son employeur-commanditaire l’assurément peu commode pape-guerrier Jules II (« Il était allé pour la cinquième fois consécutive prier le pape de bien vouloir honorer sa promesse d’argent frais. On l’a jeté dehors« , ibidem…), le sculpteur, florentin, vient se réfugier à Florence, auprès des Médicis _,
à septembre 1506
_ on retrouve en effet le sculpteur à Bologne (possession pontificale, mais à ce moment-là en révolte contre l’autorité du pape), au mois de septembre 1506 ; deux mois plus tard, le 10 novembre 1506, Jules II reconquiert par les armes cette cité (qu’il connaît bien pour en avoir été jadis le cardinal-évêque : de 1483 à 1499) ; et très vite le pape et l’artiste se seront réconciliés ; mais, plutôt que de continuer à faire travailler en priorité le sculpteur au projet de son gigantesque tombeau pour la nouvelle basilique Saint-Pierre, Jules II préfère (l’architecte Bramante souhaitant aussi éloigner Michel-Ange _ un rival _ du chantier de la reconstruction de Saint-Pierre) lui confier la mission _ titanesque _ de peindre l’immense plafond de la chapelle sixtine : Jules II s’en soucie tout spécialement, en effet, car la chapelle sixtine, construite de 1477 à 1483, est une création de son oncle, le pape Sixte IV della Rovere (pape de 1471 à 1484) ; mais le bâtiment vient de souffrir d’importants dégâts causés par de récentes constructions adjacentes (d’une part, l’édification des appartements Borgia, pour le pape Alexandre VI ; d’autre part, le chantier _ colossal _ de la réfection de Saint-Pierre, qui avait débuté le 18 avril 1506) ; et c’est Michel-Ange, le peintre, qui va se consacrer à ce plafond de la Sixtine, de mai 1508 à octobre 1512…
…
présentation
donnée le mercredi 8 septembre 2010, dans les salons Albert-Mollat,
en dialogue avec Francis Lippa…
…
Rencontrer _ in vivo ! _ un artiste qu’on a un peu essayé de bien lire _ et qu’on va continuer d’essayer de bien lire : car en ce cas de l’artiste (« vrai« , donc !) Mathias Énard, l’œuvre (vraie ! ainsi qu’elle se révèle à l’épreuve de cette lecture…) ne se réduit certes pas à ce qui pourrait, d’elle, se résumer : elle y résiste et tient la route « vraiment« ! c’est en cela qu’elle est, chose toujours un peu rare (et digne d’admiration !), une « œuvre vraie« … _ ;
…
et avoir la chance, en plus, de disposer d’un peu le temps afin de s’entretenir (un peu, ici encore : une bonne heure et demi…), de dialoguer avec lui _ le podcast de l’entretien dure 62 minutes _, sur ce qui anime la démarche d’où sourd, jaillit, procède son propre créer,
…
c’est avancer un peu sur ce que Gaëtan Picon et Albert Skira formulèrent, naguère _ magnifiquement ! _, comme « les sentiers _ ce ne sont pas des boulevards ! _ de la création« _ et que s’efforce de prospecter, modestement et en douceur (forcément ! rien ne s’y obtient en « forçant« !), la poïétique :
sur ce chantier, j’essaie de mettre quelques petits pas, ici-même, en ce blog-ci, dans ceux, si fins, d’un Paul Valéry, ou d’un Gaston Bachelard, hier, d’une Baldine Saint-Girons, aujourd’hui (cf son tout récent et très important Le Pouvoir esthétique, aux Éditions Manucius : une analyse ultra-fine et lumineuse des pouvoirs sur la sensibilité !)… _ ;
et qu’ils entamèrent d’éclairer-explorer, avec une merveilleuse délicatesse _ quels trésors recèle la collection de ce nom, « les sentiers de la création« , aux Éditions Skira ; hélas interrompue ; et somnolant désormais sous une pellicule plus ou moins fine de poussière dans les bibliothèques, quand elle ne sollicite pas plus activement les « actes esthétiques« _ pour reprendre le concept de Baldine Saint-Girons en son précédent maître-livre, L’Acte esthétique, aux Éditions Klincksieck _ d’un peu actives mises à contribution, fécondes, d’une culture vive : en chantier (musaïque) de création…
…
Eh bien voilà la chance qui m’est échue en l’espèce de la rencontre,
mercredi après-midi dernier, 8 septembre, sur l’estrade des salons Albert-Mollat,
en l’espèce d’un dialogue (nourri de curiosités ajointées)
avec l’auteur
et de Zone, et de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,
…
ce creuseur d’énigmes magnifique
qu’est le très patient et tranquille, solide, posé, Mathias Énard…
…
En ce dernier opus _ dont le chantier lui a pris au moins deux années, depuis l’amorce de l’« idée« , lors de son séjour romain (en 2005-2006) à la Villa Médicis, nous a-t-il confié, en mettant la main, en la (belle) bibliothèque de la Villa, sur le volume des Vies… de Vasari comportant le récit de la vie de Michel-Ange, puisque c’est ainsi que démarra l’enquête !.. ; et dont le fruit, ce livre-ci, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, vient de paraître ce mois d’août aux Éditions Actes-sud _,
…
c’est à l’énigme de la création si puissante de Michel-Ange _ sculpteur, peintre, architecte ; ainsi que poète : ses Sonnets et (autres Poésies : Madrigaux, Poésies funéraires, Épigrammes, Élégies, Canzone, ainsi que Stances…) franchissent trop peu le seuil de la connaissance (et a fortiori celui de la délectation) des amateurs d’Art : considérablement moins que son œuvre plastique, en tout cas ! _ que vient se confronter la curiosité probe, patiente, et plus encore profonde, du chercheur-artiste, ou artiste-chercheur _ puisque c’est surtout ce processus-là que les circonstances de son parcours l’ont un peu amené à privilégier, désormais, comme lui-même, en parfaite simplicité, l’a indiqué, spontanément mercredi, en prenant des distances avec les missions universitaires auxquelles il s’était d’abord plié et adonné _, Mathias Énard.
…
A qui se demande
comment l’auteur-artiste passe du souffle formidable, (quasi) d’un seul tenant
_ ou d’une seule « tenue« de la part de qui narre : en une phrase unique, « dans le souffle« , d’un narrateur (tel que celui de Zone…), qui (se) repasse (mentalement) en revue, lors d’un voyage en train (récapitulatif !), entre les gares de Milan et de Rome, toute la complexité où s’est faite (construite) et défaite (déconstruite) sa vie _ a-t-il une œuvre, lui ?.. c’est un agent auxiliaire, de grade subalterne… _, et, en particulier, ses relations (complexes et parfois d’une violence extrême) aux autres, de travail _ pas mal en Orient : voilà pour l’« éléphant« ! _, de guerre _ voilà pour les « batailles« et pour les « rois« ! _, et aussi (avec ses trois compagnes successives, en particulier) d’« amour« _ « et autres choses semblables« , ainsi que Rudyard Kipling se l’est entendu dire de son interlocuteur l’aède indien, dans Au hasard de la vie ; ainsi que le rapporte l’épigraphe de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants… _ : mais avec quelles finesses d’inflexions (d’hémioles, dirait-on en musique) : c’est un chef d’œuvre walt-whitmanien que cette coulée une et unique de souffle ! _,
…
comment l’auteur-artiste passe du souffle formidable, (quasi) d’un seul tenant
_ de narration se confrontant (lui et son Soi en gestation) à l’étrangeté poignante (et difficultueuse) de l’altérité ! quasi monstrueuse, en son pouvoir de fascination… _
des 516 pages de Zone,
…
au feuilletage discret, léger, rapide _ mais toujours aussi fort et puissant ! _,
des feuilles de carnet (de recherche de traces _ en vue d’approcher, lui, d’un peu mieux éclairer, sinon percer à jour vraiment, pour lui, les énigmes de sens d’une œuvre si riche en une vie d’artiste si étendue et si féconde en chefs d’œuvre, et si divers, que l’œuvre colossal de Michel-Ange… _ en bibliothèques et archives, principalement à Rome _ aux Archives vaticanes _ et, ensuite aussi, à Istanbul _ aux Archives de l’empire ottoman _) du narrateur-chercheur-reconstitueur (en son penser),
mais qui apprend à méditer aussi _ pour lui ; et pour nous lecteurs, à sa suite, qui sommes conviés au récit tout à fait provoquant de sa recherche, en la curiosité stimulée, à notre tour, de notre lecture… _, sur les signes évanescents
_ presque complètement silencieux (ils ne sont pas bavards d’eux-mêmes : il faut y être attentif pour espérer accéder à si peu que ce soit de ce qu’ils laissent transparaître, tout de même, de leurs puissants secrets…) _,
de l’Art,
des 155 pages, allegro vivace, de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,
…
à qui s’interroge, donc,
…
la réponse de l’auteur-artiste,
dans l’en-direct vivant du dialogue improvisé,
se fait toute simple (et sans le moindre chi-chi, a fortiori) :
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chaque livre a le nombre de pages
et le style
que lui donne, tout simplement, son sujet _ c’est-à-dire le questionnement à propos d’une énigme ! _ qui vient s’emparer de lui _ devenant l’enquêteur _,
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et qui l’attelle, un bon moment, à sa mission de le mettre (= donner, offrir, rendre), ce sujet « prenant » _ cette énigme à éclairer un peu ! puis l’enquête sur elle, en l’altérité de ce à quoi celle-ci ose venir se mesurer… _, par écrit, en son écrire (de narration) :
musical _ d’où la verve du rythme du récit…
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Ainsi,
si Zone a été l’achèvement en forme d’apothéose faulknérienne (à mes yeux, du moins) de la recherche de Mathias Énard à propos de l’énigme si profondément entée en nous, en leurs séquelles qui paraissent ne plus bien vouloir accepter d’en finir « vraiment« , des guerres (intestines fratricides) du XXème siècle sur le continent européen (et ses appendices sud- et est- méditerranéens…),
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ainsi, donc,
voici qu’aujourd’hui Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants apparaît _ au lecteur passionné (et fouilleur patient aussi : mobilisé…) que je suis… _ comme la confrontation de la curiosité probe et ultra-fine de Mathias Énard
avec l’énigme des liens entre
le Grand Art du génie de l’artiste-à-l’œuvre connu de nous sous le nom de Michel-Ange,
d’une part ;
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et,
d’autre part,
les frémissements secrets _ tant aux autres (l’homme est un taiseux) qu’à lui-même aussi, pour le plus enfoui… _ du cœur de l’homme de chair, avec ses puissantes pulsions (dans les parages de l’Autre !), qu’il était
en sa vie d’homme…
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L’homme et l’artiste ;
la vie et l’œuvre _ en tensions complexes à démêler à l’infini ;
sus au simplisme !
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Cf
et apprendre à méditer sur cela,
par exemple, le célèbre mais trop mal compris trop souvent
Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust…
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Car
c’est l’Art qui crée en partie importante _ ça n’est jamais ex nihilo, non plus… _ la singularité
qui va se construire (mais pas mécaniquement !) de l’artiste !
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L’artiste découvrant lui aussi peu à peu ce processus _ expressif, sur ces denses et compliqués aventureux « sentiers de la création« … _ de métamorphose _ de son Soi _ qui le traverse et le déborde _ lui, son (petit) Moi, ainsi que les pulsions (sauvages) de son Ça ; et aussi son Sur-Moi… ; cf aussi Nietzsche : sur « la petite« et « la grande raison« , in l’important Aux Contempteurs du corps, au livre premier d’Ainsi parlait Zarathoustra… _ et lui échappe en grande partie _ aussi lucide s’efforce-t-il de devenir ! Bataille qualifie très justement ce processus de création d’« impouvoir« (de l’artiste)… _,
en son regard, plus ou moins acéré, et questionnant _ interrogateur _ aussi ce qu’il fait _ et pas seulement l’altérité à laquelle il ose, aventurier, se confronter…
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C’est avec infiniment d’humilité (et douceur tranquille, en son intranquillité même ! _ à l’écritoire…) que Mathias Énard approche la lumière de sa bougie
(artisanale : il la compose de tout ce qu’il peut assembler-rassembler _ en partie, aussi, comme il se doit (et cela comme pour tout un chacun d’entre nous tous), de bric et de broc : avec les divers moyens du bord !.. _ en sa culture et historique et artistique : très fouillées et très fines, les deux _ un travail de micro-chirurgie !)
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Mathias Énard approche la lumière de sa bougie
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_ avec tout ce que lui a appris sa propre longue et lente fréquentation, intense, passionnée, infusée et murie, et de la Perse
et de la Turquie :
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d’où la rencontre, ici, sur ces pages au moins, de Michel-Ange
avec le calligraphe-poète
(et secrétaire, au Divan, du grand vizir Atik Ali Pacha),
Mesihi :
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Mesihi dont il pense, même, identifier les traits
en la figure et le corps déployé
d’Adam
sur le sublime plafond de la Sixtine… ;
Mathias Énard nous a-t-il ainsi confié en cette belle conférence de mercredi ! et c’en fut là un temps très fort !!! _
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Mathias Énard approche la lumière de sa bougie, donc
_ je reprends et poursuis _,
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de cette énigme de l’œuvre _ sidérant, il est vrai _ michel-angelesque _ quelle poigne ! _,
sans chercher _ certes pas ! _, à réduire _ nous sommes ici à mille lieux d’un réductionnisme grossier et vulgaire ! _ cet Art _ de l’artiste ! _
au misérable « petit tas de secrets » de l’homme en sa vie,
et ses rencontres (de tous genres !),
avec leur part (déjà) ombreuse,
sinon sombre _ voire carrément noire… _
d’altérité.
…
C’est à l’aune de l’Idéal d’Art,
très haut, et très puissant,
bien au contraire,
que Mathias Énard envisage et aboute les brindilles des rencontres _ glanées en sa recherche d’archives, ou bien imaginées : par les secours conjugués de sa culture et de son propre imaginer d’écrivain ! _ de la vie d’homme de notre « Michelagnolo Buonarroti« …
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Au-delà des circonstances, déjà hautes en couleurs et batailleuses, des rapports de l’artiste commandité avec ses très hauts et très puissants commanditaires (chefs de guerre manieurs de sabre : comme le furent et Jules II della Rovere et Bayazid II de la dynastie des Osmanli),
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c’est au côtoiement (et aboutage) incommensurablement plus fin et plus complexe des sensibilités du poète et calligraphe _ Mathias Énard met l’accent sur cette part fondamentale de cet art, dont hélas rien (de son pinceau et de sa main…) n’aura été préservé-conservé, pour nous _ Mesihi (né à Pristina, au Kosovo, vers 1470 ; et mort le 30 juillet 1512 à Istanbul : moins d’un an après la mort sur le champ de bataille de Gökçay, le 5 août 1511, de son protecteur le grand vizir Atik Ali Pacha)
et de l’artiste multiforme Michel-Ange (né au château de Caprese, près d’Arezzo, le 3 mars 1475 ; et mort à Rome le 18 février 1564)
_ Mesihi avait environ trente-six ans ; et Michel-Ange, trente-et-un _
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que nous fait nous approcher, en son écriture _ d’enquête _ précise, rapide et légère, probe _ très loin tant de la moindre complaisance à la rhétorique que de l’hystérie _ le pudique, mais très patiemment curieux chercheur de sens et de beauté _ les deux conjoints : c’est un artiste ! _, Mathias Énard,
en ce superbe bijou qu’est Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants…
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Et l’auteur lui-même de se pourlécher à l’avance _ avec nous _ de ce que la gent _ un peu trop, parfois, ou souvent _ pressée _ par utilitarisme ! _ de la meute journalistique _ ah l’inculture du résultat !.. _
va très bientôt _ « un mois« , a-t-il même estimé mercredi 8 septembre… _ intégrer désormais dans sa bio officielle de Michel-Ange
le séjour stambouliote et le début de construction de « son » pont sur la Corne d’Or,
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à la façon dont des lecteurs des Onze de Pierre Michon ont accouru en nombre contempler au Louvre le tableau qui y était décrit en ses plus menus détails… ;
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ou à celle dont le malheureux _ pressé et sectateur de l’utilitarisme de l’efficacité, probablement, lui aussi : Time is money ! _ expert en économie internationale (des Affaires) qui fréquente les allées du pouvoir, a plagié, à propos de l’œuvre rédigé de Spinoza, notre confrère philosophe bordelais, Patrick Rödel, pour son Spinoza, ou le masque de la sagesse (aux Éditions Climats : la couverture prévenait pourtant : « biographie imaginaire » !) : ouaf ! ouaf ! ouaf !
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Tel est donc, avec deux jours et deux nuits (de réflexion-méditation) de recul,
ce que je puise
dans ma rencontre-conversation avec ce créateur-artiste passionnant important qu’est Mathias Énard.
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Titus Curiosus, ce 11 septembre 2010