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Le décidément un peu trop froid à mon goût « Premier Livre du Clavier bien tempéré » (de Johann-Sebastian Bach) d’Andreas Staier…

20jan

Je ne suis décidément pas un fan des interprétations, un poil trop froides ou sèches, à mon goût, d’Andreas Staier,

en particulier pour ce « Premier Volume » du « Clavier bien Tempéré« 

que le brillant claviériste allemand vient de donner, ce mois de janvier 2023, à Harmonia Mundi :

le double CD HMM 902680.81 _ et deux ans après le « Volume Second« , soit le double CD HMM 902682.83…

Les deux enregistrés à Berlin _ en avril – juin 2021, et juin-juillet 2020 _ sur le même clavecin Anthony Sidey et Frédéric Bal (Paris 2004), d’après un Hieronymus Albrecht Haas (Hambourg 1734).

Ma préférence allant à des interprétations un peu plus latines de jeu : françaises et italiennes,

avec davantage de fantaisie et de charme…

De poésie.

 

Ce vendredi 20 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos de diverses traductions en français de l' »Andenken » de Hölderlin (de 1803) : le souvenir vivant et parlant…

29nov

Je voudrais prolonger ce matin, tôt, mes petites réflexions d’hier « « ,

en me penchant sur quelques comparaisons de traductions en français de ce poème « Andanken » de Hölderlin se souvenant de Bordeaux et de la Garonne contemplés par lui du surplomb de la colline de Lormont, à l’équinoxe de mars,
en partant de ceci :d’abord, bien sûr, le poème même de Hölderlin (composé à son retour de Bordeaux en Allemagne, en 1803) :

Andenken

Der Nordost wehet, 
Der liebste unter den Winden 
Mir, weil er feurigen Geist 
Und gute Fahrt verheißet den Schiffern. 
Geh aber nun und grüße 
Die schöne Garonne, 
Und die Gärten von Bourdeaux 
Dort, wo am scharfen Ufer 
Hingehet der Steg und in den Strom 
Tief fällt der Bach, darüber aber 
Hinschauet ein edel Paar 
Von Eichen und Silberpappeln ;

Noch denket das mir wohl und wie. 
Die breiten Gipfel neiget 
Der Ulmwald, über die Mühl, 
Im Hofe aber wächset ein Feigenbaum. 
An Feiertagen gehn 
Die braunen Frauen daselbst 
Auf seidnen Boden, 
Zur Märzenzeit, 
Wenn gleich ist Nacht und Tag, 
Und über langsamen Stegen, 
Von goldenen Träumen schwer, 
Einwiegende Lüfte ziehen.

Es reiche aber, 
Des dunkeln Lichtes voll, 
Mir einer den duftenden Becher, 
Damit ich ruhen möge; denn süß 
Wär unter Schatten der Schlummer. 
Nicht ist es gut, 
Seellos von sterblichen 
Gedanken zu sein. Doch gut 
Ist ein Gespräch und zu sagen 
Des Herzens Meinung, zu hören viel 
Von Tagen der Lieb, 
Und Taten, welche geschehen.

Wo aber sind die Freunde? Bellarmin 
Mit dem Gefährten? Mancher 
Trägt Scheue, an die Quelle zu gehn; 
Es beginnet nämlich der Reichtum 
Im Meere. Sie, 
Wie Maler, bringen zusammen 
Das Schöne der Erd und verschmähn 
Den geflügelten Krieg nicht, und 
Zu wohnen einsam, jahrlang, unter 
Dem entlaubten Mast, wo nicht die Nacht durchglänzen 
Die Feiertage der Stadt, 
Und Saitenspiel und eingeborener Tanz nicht.

Nun aber sind zu Indiern 
Die Männer gegangen, 
Dort an der luftigen Spitz 
An Traubenbergen, wo herab 
Die Dordogne kommt, 
Und zusammen mit der prächtgen 
Garonne meerbreit 
Ausgehet der Strom. Es nehmet aber 
Und gibt Gedächtnis die See, 
Und die Lieb auch heftet fleißig die Augen, 
Was bleibet aber, stiften die Dichter.

 
Puis la traduction de celui-ci, « Souvenir« , par Gustave Roud, en 1967 (cité tel quel par Philippe Jaccottet) :

 » Le vent du Nord-Est se lève,
De tous les vents mon préféré
Parce qu’il promet aux marins
Haleine ardente et traversée heureuse.
Pars donc et porte mon salut
A la belle Garonne
Et aux jardins de Bordeaux, là-bas
Où le sentier sur la rive abrupte
S’allonge, où le ruisseau profondément
Choit dans le fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d’argent.

Je m’en souviens encore, et je revois
Ces larges cimes que penche
Sur le moulin la forêt d’ormes,
Mais dans la cour, c’est un figuier qui croît.
Là vont aux jours de fête
Les femmes brunes
Sur le sol doux comme une soie,
Au temps de Mars,
Quand la nuit et le jour sont de même longueur,
Quand sur les lents sentiers
Avec son faix léger de rêves,
Brillants, glisse le bercement des brises.

Ah ! qu’on me tende,
Gorgée de sa sombre lumière,
La coupe odorante
Qui me donnera le repos ! Oh, la douceur
D’un assoupissement parmi les ombres !
Il n’est pas bon 
De n’avoir dans l’âme nulle périssable
Pensée, et cependant
Un entretien, c’est chose bonne, et de dire
Ce que pense le cœur, d’entendre longuement parler
Des journées de l’amour
Et des grands faits qui s’accomplissent.

Mais où sont-ils ceux que j’aimai ? Bellarmin
Avec son compagnon ? Maint homme
A peur de remonter jusqu’à la source ;
Oui, c’est la mer
Le lieu premier de la richesse. Eux,
Pareils à des peintres, assemblent
Les beautés de la terre, et ne dédaignent
Point la Guerre ailée, ni
Pour des ans, de vivre solitaires
Sous le mât sans feuillage, aux lieux où ne trouent point
La nuit
De leurs éclats les fêtes de la ville,
Les musiques et les danses du pays.

Mais vers les Indes à cette heure
Ils sont partis, ayant quitté
Là-bas, livrée aux vents, la pointe extrême
Des montagnes de raisin d’où la Dordogne
Descend, où débouchent le fleuve et la royale
Garonne, larges comme la mer, leurs eaux unies.
La mer enlève et rend la mémoire, l’amour
De ses yeux jamais las fixe et contemple,
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure. « 

Et maintenant et peut-être surtout sa traduction par Philippe Lacoue-Labarthe telle que de sa voix il la dit dans le film « Andenken, je me souviens » (en 2000) :

 
Le Nordet souffle,
le plus cher qui d’entre les vents
Me soit, car il promet la flamme de l’Esprit
Et bon voyage aux mariniers.
Mais va, maintenant, et salue
La belle Garonne
Et les jardins de Bourdeaux
Là-bas, à l’à-pic de la rive
Où s’avance l’embarcadère et tombe le ruisseau
Tout au fond du fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d’argent.
 
Il m’en souvient très bien encore et comme
Ses larges cimes, le bois d’ormes les incline
Au-dessus du moulin,
Mais dans la cour c’est un figuier qui pousse.
Là-même aux jours de fête vont
Les femmes brunes sur
Un sol soyeux,
Au temps de mars,
Lorsque la nuit s’égale au jour,
Et que dessus les lents embarcadères,
Lourdes de rêves d’or,
S’étirent de berçantes brises.
 
Mais qu’on me tende, pleine
De l’obscure lumière,
La coupe parfumée
Qui me donnerait le repos ; car serait doux
Parmi les ombres le sommeil.
Il n’est pas bon
Que privent d’âme de mortelles
Pensées. Bon en revanche
Est de s’entretenir et de se dire
Ce qu’on pense en son cœur, d’entendre longuement
Parler des jours d’amour
Et des hauts faits qui s’accomplissent.
 
Mais où sont-ils, les amis ? Bellarmin
Avec son compagnon ? Beaucoup
N’ont pas le cœur d’aller jusqu’à la source ;
La richesse en effet commence
Dans la mer. Eux,
Comme les peintres, font moisson
Des beautés de la terre et ne dédaignent pas
La guerre ailée, ni d’habiter
Solitaire, à longueur d’années,
Sous le mât sans feuillage, où ne trouent pas la nuit
De leurs éclats les jours de fête dans la ville,
Ni le chant des cordes ou les danses du pays.
 
Mais c’est chez les Indiens
Que sont partis les hommes, maintenant,
Là-bas par la pointe venteuse,
Au pied des vignes, là
Où descend la Dordogne,
Et ensemble avec la splendide
Garonne, ample comme la mer.
Il part, le fleuve. Mais la mer
Retire et donne la mémoire,
Et l’amour aussi attache avec soin les yeux,
Mais ce qui reste, les poètes l’instituent.
 
Texte traduit par Philippe Lacoue-Labarthe pour le film Andenken (Je pense à vous) – Hölderlin 1804, Hors-Œil Éditions, 2000.
Repris dans Proëme de Lacoue-Labarthe, suivi de Andenken (DVD), avec Jean-Christophe Bailly, réalisation C. Baudillon et F. Lagarde, Hors-Œil Éditions, 2006)
 
Et encore, aussi, cette note, finale, rajoutée in extremis par l’auteur de l’article,
en un article de 2002 « Château du Tertre, Margaux.
consacré à une réception de Philippe Sollers au Château Le Tertre, à Margaux, dans le Médoc :

La traduction de Souvenir dans le livre de Heidegger est de Jean Launay. C’est lui qui traduit Andenken par pensée fidèle. Sa traduction du poème de Hölderlin diffère de celle que cite Sollers ci-dessus et qui est due à Gustave Roud (1967).

La traduction est toujours délicate _ certes ! _ et ouvre des voies proches, mais différentes _ voilà ! _, à l’interprétation.

Ainsi le dernier vers de Souvenir — en allemand Was bleibet aber, stiften die Dichter — est traduit par :
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure (Gustave Roud, 1967),

proche de : Mais ce qui demeure les poètes le fondent (Henri Corbin, Hölderlin et l’essence de la poésie dans Approche de Hölderlin, 1937) _ et il me semble que c’est bien cette traduction-là que nous rapportait Jean-Marie Pontévia _ ;

ou de :
Mais les poètes fondent ce qui demeure (Jean Launay, 1962).


Mais François Garrigue (Œuvres poétiques complètes, Éditions de la Différence, bilingue, 2005) s’en éloigne un peu qui traduit par :

Mais la demeure est œuvre des poètes.


Quant à Bernard Pautrat (Hymnes et autres poèmes, Collection Rivages poche, 2004), il préfère traduire par :

Mais ce sont les poètes qui fondent ce qui reste. 

Ce qui demeure, la demeure, renvoie au fait d’habiter : « C’est poétiquement pourtant que l’homme habite sur cette terre« , dit Hölderlin dans un autre poème.
Ce qui reste est aussi ce qui résiste.

Mais est ici ignorée, probablement parce qu’alors non connue, la traduction de Philippe Lacoue-Labarthe prononcée par lui-même, sa voix, dans le film de Christine Baudillon et lui-même, réalisé à Lormont en 2000…

...

Il me faut ajouter aussi que c’est probablement le souvenir ému de ses travaux avec François Lagarde et Christine Baudillon qui a fait associer à l’ami Pascal Chabot, le souvenir de ce poème (de 1803) de Hölderlin, mais aussi et d’abord le souvenir de ce film-documentaire (de 2000), à cette belle ville de Bordeaux, dont nous foulions mardi dernier les pavés, avec ce vif désir émis par Pascal d’aller de ses yeux voir les puissants flots boueux du beau fleuve Garonne s’écoulant vers la mer.

Et il me semble que l’ami François Lagarde, décédé le 13 janvier 2017 à Montpellier, était bien là présent, sous cette pluie nourrie de mardi dernier 22 novembre, avec nous qui marchions, dans ces rues de Bordeaux et au bord du large fleuve, à la hauteur du miroir d’eau ;

en un temps bien vivant et ultra-sensible, en notre échange nourri et confiant de paroles un peu essentielles…  

Ce mardi 29 novembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une très vivante « Journée d’études et hommages » à Pier Paolo Pasolini à la Salle capitulaire, Cour Mably, à Bordeaux…

05nov

Précédée vendredi soir 4 novembre de la projection de « Teorema » (1968) au Cinéma Utopia,

s’est déroulée ce samedi 5 novembre une très vivante « Journée d’études et hommages » à Pier Paolo Pasolini (Bologne, 5 mars 1922 – Ostie, 2 novembre 1975),

à la salle Capitulaire, Cour Mably à Bordeaux ;

avec une assistance nombreuse et très attentive…

Comme il se doit pour une telle « journée d’études« , les contributions rassemblent principalement et d’abord des intervenants qui sont des chercheurs spécialistes de l’auteur à ainsi honorer, qui se font part, entre eux ainsi qu’à l’assistance qui s’y intéresse, voire s’y passionne, des fruits souvent pointus de leurs plus récentes  recherches…

Et pour ce qui me concerne,

parvenu seulement en fin de matinée Cour Mably, en cette belle salle capitulaire,

j’ai hélas manqué le discours d’accueil de la présidente de l’Association invitante « Notre Italie« , Stefania Graziani, ainsi que la contribution _ passionnante, m’a tout de suite confié, à mon arrivée, ma cousine Françoise Morin _ de Pierre Katuszewki (Université de Bordeaux-Montaigne) concernant « Les Hymnes poétiques du théâtre de Pier-Paolo Pasolini » ;

mais j’ai pu assister à la très intéressante et originale contribution de Hervé Joubert-Laurencin (Université de Paris-Nanterre), « Pasolini scénariste dans les années 50 _ Cinéma de poésie« ,

avant de me joindre au repas des conférenciers et organisateurs, au tout proche restaurant Mably _ que je connaissais bien il y une vingtaine d’années ; parmi les convives, l’ami (passionné éminent de l’œuvre de Pasolini) Éric des Garets…

….

À la reprise à 14h 30,

c’était l’ami René de Ceccatty qui intervenait « À propos de Pétrole« , dont va paraître le 1er décembre prochain, dans la collection L’Imaginaire de Gallimard, une traduction plus complète, toujours par lui, de cette œuvre décisivement majeure (et tragiquement inachevée, du fait d’abord et surtout de l’assassinat de Pasolini, le 2 novembre 1975, aux abords de la plage d’Ostie) ;

« Pétrole« , dont René a très clairement explicité et la complexité, et l’importance déterminante ; ainsi que les liens très étroits à l’assassinat même de Pasolini _ là-dessus, lire l’indispensable (!) « Une ordalie« le chapitre ajouté, aux pages 241 à 279, par René de Ceccatty à la réédition, en février 2022, de sa très claire biographie de Pier-Paolo Pasolini : « Pasolini« , en Folio-biographies… 

Et immédiatement en suivant,

ce fut l’amie Monique Moulia (membre de « Notre Italie« , et cheville ouvrière de ces passionnantes journées Pasolini à Bordeaux), qui nous a donné une superbe _ et splendidement poétique _ justissime contribution « À propos des lucioles : rage et ‘joy’ de Pier-Paolo Pasolini« .

Et j’ai hélas dû alors quitter l’assistance pour impératifs personnels…

En tout cas,

j’ai été ravi et comblé de l’accent si parfaitement mis par chacun, sans exception, de ces divers intervenants sur l’importance fondamentale du poétique, et de la poésie, dans tout l’œuvre, sans exception aucune, de Pasolini,

et cela quel que soit le médium d’adresse _ et interpellation la plus vive et marquante possible _en direction du plus vaste et varié public qui puisse être touché, choisi pour s’exprimer par ce poète ultra-brûlant et à vif, à la si forte et incisive présence, en tout, qu’a été et demeure, par tout son œuvre, Pier-Paolo Pasolini…

Ce samedi 5 novembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La perfection de la pudique tendresse de Céline Frisch sur le clavecin de Louis XV : une réussite absolue…

27juil

À deux mois moins 3 jours de mon article du 29 mai dernier «  « ,

c’est hier 26 juillet 2022 que, par son article très simplement intitulé « Les Plaisirs« , Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia vient reconnaître à son tour la splendide réussite de Céline Frisch en son délicieux CD « L’Aimable _ Une journée avec Louis XV« ,

soit le parfaitement ravissant CD Alpha 837…

LES PLAISIRS

Apogée ou vertige ? Le grand clavecin classique, roide, celui de Louis XIV _ dont le règne prend fin, avec la mort du roi, le 1er septembre 1715 _, allait à jamais quitter ses _ occasionnelles _ sévérités pour le temps de Louis XV _ Versailles, 15 février 1710 – Versailles, 10 mai 1774. Tout un autre monde _ musical tout particulièrement, bien sûr _ s’ouvre à lui, qui pourrait correspondre en sons à l’art des grands maîtres du pastel _ c’est bien vu… Adieux suites de danses, bonjour portraits, scènes intimes, échos sonores de cloches, de nature _ voilà ! _, et lorsque le ballet s’invite, ce sera celui du Pygmalion de Rameau (1883 – 1764), ébouriffé au clavecin par Balbastre (1724 – 1799), toujours gourmant du génie du Dijonnais.

Période faste donc, qu’aujourd’hui Céline Frisch herborise comme jadis le fit Blandine Verlet (Paris 27 février 1942 – Paris, 30 décembre 2018) dans ses albums des « Princesses de France » (Philips, années 1970 _ 1978 plus précisément _). Elle y commence avec des François Couperin (1668 – 1733) et D’Agincourt (1684 – 1758) de pur charme _ oui __, les jouant leste, et elle ira finir à cette merveille si rarement gravée que sont Les Étoiles, petit moto perpetuo comme argenté par la lueur lunaire _ de Michel Corrette (1707 – 1795).

C’est un monde du tendre _ absolument _, du fragile _ ténu, subtil _, des plaisirs fugitifs _ à mille lieues de la moindre insistance ou lourdeur… _ qu’elle saisit avec _ infinie _ poésie _ voilà ! _ sur l’élégant Rastelli d’après Goujon, trésor du Musée de la Musique : écoutez seulement Les tendres sentiments de Royer (1703 – 1755) : 6’26 de discrète et pudique douceur…

LE DISQUE DU JOUR

L’Aimable
Une journée avec Louis XV

Œuvres de François Couperin (1668-1733), François d’Agincourt (1684-1758), Pierre Dandrieu (1664-1733), Louis-Claude Daquin (1694-1772), Pancrace Royer (1703-1755), Claude-Bénigne Balbastre (1724-1799), Michel Corette (1707-1795)

Céline Frisch, clavecin

Un album du label Alpha Classics 837

Photo à la une : la claveciniste Céline Frisch – Photo : © Jean-Baptiste Millot

Un délicat ravissement que pareil discret bijou de CD !

Ce mercredi 27 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

D’admirables éblouissantes interprétations des Concertos pour piano de Saint-Saëns par Alexandre Kantorow au clavier et et son père Jean-Jacques à la direction de l’orchestre du Tapiola Sinfonietta : deux CDs absolument jubilatoires !

21juin

Le centième anniversaire, le 16 décembre 2021, du décès de Camille Saint-Saëns

(Paris, 9 octobre 1835 – Alger, 16 décembre 1921)

est magistralement (!!!) célébré au disque

par deux superlatifs SACDs BIS _ à grimper au rideau de pur plaisir ! _ d’Alexandre Kantorow, au piano, et son père Jean-Jacques Kantorow dirigeant le Tapiola Sinfonietta,

les CDs BIS 2300 et 2400, parus respectivement en 2019 et 2022,

qu’a superbement chroniqués, sur son site Discophilia, Jean-Charles Hoffelé,

en deux articles successivement intitulés « Bravoure » (en date du 21 mai 2019) et « Grand Piano » (en date du 14 juin 2022).

BRAVOURE

Et si le coup de génie pour réussir les Concertos de Saint-Saëns était l’entente intime et donc absolue entre le piano et l’orchestre ? À ce titre là, aucun pianiste n’aura eu cette chance, sinon peut-être Magda Tagliaferro pour son Egyptien _ le n°5 _ avec Jean Fournet.

Il aura fallu qu’un fils et un père s’y attellent. Evidemment, ce disque insensé doit être le premier volume d’une intégrale de tout ce que Saint-Saëns aura écrit pour son piano – il était un virtuose, cela s’entend : oui, oui… – et son orchestre. Car l’écoute délicate et fusante entre Alexandre et Jean-Jacques Kantorow expose enfin le génie de ces œuvres qui ne sont pas du tout des concertos classiques, se jouent des genres, revendiquent le droit à une fantaisie absolue _ voilà : Saint-Saëns ne manquait certes pas d’esprit !

Ce n’est pas peu écrire qu’ils sauvent l’opus le plus délicat de la série, ce Troisième _ composé en 1868 _, généralement le pont aux ânes des intégrales, ici en dessin clair _ oui _ et malgré ses ombres il rayonne _ mais oui… Le Quatrième _ composé en 1875 _ par le naturel absolu _ voilà ! _ de leur interprétation, rejoint Casadesus, les mêmes lignes lumineuses, mais l’ampleur des timbres en plus.

Et l’Egyptien ? Concerto redoutable _ composé en 1896 _, un peu Douanier-Rousseau, mais chéri des fortes personnalités : Tagliaferro l’aimait autant que Sviatoslav Richter, tous les deux y voyaient des Espagnes et un exotisme où le piano inventait d’autres sonorités tout au long de l’Andante qui n’est pas qu’un voyage en felouque : Saint-Saëns y produit une divagation poétique inouïe _ oui _ dont Alexandre Kantorow saisit les alliages subtils avec des caresses de grand fauve. Lorsque le motif de la musique nocturne sur le Nil résonne, il évoque dans le battement des accords qui stridulent le haut du clavier une dimension onirique que personne n’avait poussé aussi avant, avec une telle précision, ni Magda ni Sviatoslav.

La finesse _ oui _ des couleurs et des dessins que lui offrent son père et ses musiciens finnois sont de la pure poésie _ voilà. Le Finale peut venir, Alexandre fait fuser tranquillement son clavier, envole tendrement son piano avec des agilités de chérubin, petit génie dont ce n’est que le troisième opus ! J’admire !

LE DISQUE DU JOUR

Camille Saint-Saëns
(1835-1921)


Concerto pour piano et orchestre No. 3 en mi bémol majeur, Op. 29
Concerto pour piano et orchestre No. 4 en ut mineur, Op. 44
Concerto pour piano No. 5 en fa majeur, Op. 103 “L’Égyptien”

Alexandre Kantorow, piano
Tapiola Sinfonietta
Jean-Jacques Kantorow, direction

Un album du label BIS 2300

Photo à la une : le pianiste Alexandre Kantorow – Photo : © DR.

GRAND PIANO

En ouvrant l’album, une photographie montrant Saint-Saëns jouant sous la direction de Pierre Monteux, Salle Gaveau le 6 novembre 1913 me saute aux yeux. Quelle belle idée, pour illustrer le deuxième volume d’une intégrale de tout ce que le compositeur du Carnaval des animaux aura écrit pour le piano et l’orchestre.

L’ampleur _ oui _ de la déclamation initiale du Deuxième Concerto _ composé en 1868 _, jusqu’au tonnerre qui ouvre le grave du piano, puis ce thème modelé avec une douleur sourde, quel art, quelle façon de faire entendre dans cette partition si courue comme une autre musique _ exotique… Saint-Saêns fut un immense voyageur de par le globe…

Le père aide le fils, cet orchestre n’est pas en retrait, il est absolument consubstantiel aux sons qui murmurent ou jaillissent du grand meuble dont Alexandre Kantorow joue comme d’un orgue, rappelant à quel point Saint-Saëns savait élargir le piano en creusant l’espace entre les registres. Faire entendre cela est simplement inouï. Finale épique, l’orchestre bondissant autant que le pianiste dans un saltarello à perdre haleine.

Génial _ absolument ! _ , comme tout le disque où le fils et le père rédiment le Premier Concerto _ composé en 1858 _ et se délectent des bizarreries _ en effet délicieuses _ d’Africa  _ terminé de composé au Caire, le 1er avril 1891 : Saint-Saëns adorait séjourner en Afrique ; et est, d’alleurs, décédé à Alger… _, de la fantaisie pince-sans-rire du Wedding Cake _ de 1885 _ (comme ce jeune homme sait se moquer, ses doigts rire !) ou encore de la pétillante bourrée _ en 1884 _ de la Rhapsodie d’Auvergne !

LE DISQUE DU JOUR


Camille Saint-Saëns (1835-1921)


Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ré majeur, Op. 17, R. 185
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en sol mineur, Op. 22, R. 190
Wedding Cake, Op. 76, R. 124
Allegro appassionato en ut dièse mineur, Op. 70, R. 37
Rhapsodie d’Auvergne, Op. 73, R. 201
Africa, Op. 89, R. 204

Alexandre Kantorow, piano
Tapiola Sinfonietta
Jean-Jacques Kantorow, direction

Un album du label BIS Records 2400

Photo à la une : le pianiste Alexandre Kantorow – Photo : © DR

Œuvres superbes _ et magistralement classieuses… _ d’un immense, très grand, compositeur français,

à redécouvrir comme ici…

Et interprétations magnifiques _ que dis-je, absolument éblouissantes ! _

absolument idoines à l’idiosyncrasie du puissant génie singulier de l’élégant et clair et imaginatif et fantasque Saint-Saëns,

des Kantorow, fils et père,

saisis ici, au Tapiola Hall, à Espoo, en Finlande, en un jubilatoire enthousiasmant état de grâce…

Un double enchantement discographique, donc.

Et un must pour toute vraie discothèque !

Constituant une aubaine à ne surtout pas laisser passer…

Aux bons entendeurs de musique à ce point de perfection-là incarnée, salut !

Ce mardi 21 juin 2022 _ Fête de la musique… _, Titus Curiosus – Francis Lippa

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