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une flopée de merveilles de musiques, et une passionnante exposition, aussi, « Deadline », cette Toussaint

02nov

Est-ce la difficulté (commerciale ?) des temps qui courent ?..

toujours est-il que les éditeurs de disques redoublent ces derniers temps-ci d’exigences de qualité pour nous offrir d’admirables interprétations de chefs d’œuvre de la musique…


D’abord, cette Toussaint _ et « remarqués« , pour une fois, par les magazines de disques : tout arrive !.. _ trois admirables CDs de piano à divers « stades » de composition du Romantisme : Schubert ; Liszt ; Brahms _ et encore ai-je (provisoirement?) « délaissé » _ ni lui ai seulement prêté une oreille ! pour le moment… _ le « Chopin chez Pleyel«  d’Alain Planès (CD Harmonia Mundi HMC 902052) _ sur lesquels, CDs, je ne regrette pas de m’être « précipité » ! :

des « merveilles » et de musique, et de musicalité !


De Franz Schubert (1797-1828), le CD « Wandererfantasie and other Works for solo piano«  _ la « Fantasie in C (Grazer Fantasie) » D 605A ; « Three Piano Pieces« , op. posth. D946 ; « 13 Variations on a Theme by Hüttenbrenner«  D 576 ; en plus de la « Wandererfantasie » op. 15D 760 _, par Michaël Endres (CD Oehms OC 731) ;

de Franz Liszt (1811-1886), le CD « Franz Liszt « un portrait » » _ avec « La Danza _ Tarantella napoletana » (des « Soirées musicales » de Rossini S. 424) ; les « Funérailles » (des « Harmonies poétiques et religieuses » S. 173) ; la « Bagatelle sans tonalité«  (ou « Mephisto-valse«  n°4b) S. 216a ; « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (des « Deux Légendes » S. 175) ; les « Consolations«  S. 172 ; la « Vallée d’Obermann«  (des « Années de pélerinage, 1ère année, Suisse«  S. 160 ; « Liebestraum«  (« Rêve d’amour« ), « Nocturne » n°3 S. 541 ; et la « Rhapsodie hongroise » n° 2 S. 244/2 _, par Guillaume Coppola (CD Calliope CAL 9412) ;

 …
et de Johannes Brahms
(1833-1897), le CD « Die Späten Klavierstücke Op. 116 – 119«  _ les 7 « Fantasien » op. 115 ; les « 3 Intermezzi » op. 117 ; les 6 « Klavierstücke » op. 118 ; et les 4 « Klavierstücke » op. 119 _, par Anna Gourari (CD Berlin Classics 0016472BC) ;

toutes œuvres transcendées ici par des interprétations magnifiquement inspirées et idéalement adéquates, toutes trois ; et selon des styles fort divers…


Le Schubert de Michaël Endres chante à la perfection … »à la Schubert« , avec une grâce (légère en sa gravité : le génie est toujours oxymorique, à « résoudre » sans effort et dans la jubilation la « quadrature du cercle » !..) : il nous enchante ! tout simplement…

Le Liszt de Guillaume Coppola « chante« , lui, aussi _ en une inspiration d’ascendances italiennes : napolitaine, sicilienne, etc… _, mais « au concert« , cette fois, avec la virtuosité pleine de panache (frisant le gouffre _ d’entre Charybde et Scylla ! entre Calabre et Sicile : là même où se produit le miracle de « Saint-François de Paule marchant sur les flots«  (la plage 4 de ce CD !)… _ de l’emphase, mais, le défiant, victorieusement, pour, n’y sombrant pas, en triompher brillamment !..) de Franz Liszt : une joie puissamment rayonnante anime ce vaste « portrait » de Franz Liszt (ainsi, médiatement, que celui, aussi, du jeune interprète (d’ascendance sicilienne, celui-ci prend bien soin de rendre hommage, en couverture du disque, et à sa grand-mère Lina, et « à la mémoire de (s)on grand-père Vincenzo » ! et par-delà eux, peut-être aussi, au catanais Giovanni Bellini, le maître du bel canto ; qu’a pu, à Paris, admirer Liszt…). Chapeau !

Quant au Brahms d’Anna Gourari, tout en assumant, pleinement, et magnifiquement, un certain pianisme (qui était passé, ces dernières années, pour ainsi dire de mode), il demeure, avec un « plus que parfait » éclat, fidèle à la magie mirifique de la poésie feutrée et chargée de goutelettes de toute fraîche rosée translucide, tout à la fois, de ces (20) « petites » œuvres, si grandes (sublimes ! oui…), de la « fin de vie » de musicien de Johannes Brahms… Bravo ! Bravissimo, la « parfaite » musicienne…

Sur les œuvres de « fin de vie« ,

mais cette fois en ce qui concerne les arts plastiques (principalement la peinture) contemporains,

on se plongera avec d’infinies délices dans le regard _ et la lecture ! _ du magnifique catalogue « Deadline«  _ avec une très belle « préface-présentation » de la commissaire (aidée d’Emile Ouroumov) Odile Burluraux : « Mourir « vivant »«  (pages 17 à 25) _ qui accompagne l’actuelle (16 octobre 2009 – 10 janvier 2010) exposition éponyme, « Deadline« , au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, consacrée à des œuvres « terminales » de Martin Kippenberger (Dortmund, 1953 – Vienne, 1997), Absalon (Ashdod, 1964 – Paris, 1993), Hans Hartung (Leipzig, 1904 – Antibes, 1989), James Lee Byars (Detroit, 1932 – Le Caire, 1997) _ c’est un cliché (étincellamment tout doré !)

Performance pour le vernissage The Death of James Lee Byars à la Galerie Marie-Puck. Broodthaers, Bruxelles 1994.(Photo : Marie-Puck Broodthaers)

de James Lee Byars lui-même lors de sa « performance pour le vernissage de l’exposition « The Death of James Lee Byars«  à la Galerie Marie-Puck Broodthaers, à Bruxelles« , à l’automne 1994, qui figure en (fascinantissime !) couverture (sur fond noir) de l’album !.. _,

Felix Gonzales-Torres (Guáimaro, 1957 – Miami, 1996), Joan Mitchell (Chicago, 1925 – Vétheuil, 1992) _ est amplement cité un « entretien«  avec Yves Michaud, le 12 janvier 1986, aux pages 97 et 98 de l’album (extrait du catalogue « Joan Mitchell, les dernières années«  des expos au Musée des Beaux-Arts de Nantes et à la Galerie nationale du Jeu de Paume, en 1994… _, Robert Mapplethorpe (New-York, 1946 – Boston, 1989), Chen Zhen (Shanghaï, 1955 – Paris, 2000) _ qui avait participé (brillamment !) en juillet 1990 à l’exposition « Chine demain pour hier«  qu’avait organisée à Pourrières, près de la Sainte-Victoire, mon amie Michèle Cohen, qui dirige la Galerie « La Non-Maison«  à Aix-en-Provence (elle m’a invité à y disserter « Pour un Non-art du rencontrer«  le 13 décembre 2008 dernier) ; le catalogue de cette expo « Chine demain pour hier«  ayant reçu un « avant-propos«  (excellent !) de notre ami Yves Michaud, Directeur alors de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris… ; cf pour précisions mon post-scriptum au bas de cet article _, Gilles Aillaud (Paris, 1928 – Paris, 2005), Willem de Kooning (Rotterdam, 1904 – East Hampton, 1997), Hannah Villiger (Zug, 1951 – Aug, 1997) et Jörg Immendorff (Bleckede, 1945 – Düsseldorf, 2007)…

Les notices (et « entretiens » avec les artistes…) pour chacun des douze artistes présentés sont passionnant(e)s, dans la finesse de précision des analyses (par Ann Temkin, Joël Bartoloméo, Odile Burluraux elle-même, Joachim Sartorius, Lewis Baltz, Molly Warnock, Sophie Delpeux, Hou Hanru (avec Odile Burluraux), Éric Darragon, Joachim Pissarro, Annelie Pohlen et Nicole Hackert, Bruno Brunnet & Michael Werner _ avec aussi un « Avant-propos«  de Fabrice Hergott, pages 13 à 15 _), d’un art qui atteint le maximum de sa « liberté » face au temps (qui reste) et sa dimension (d’élévation) d’éternité : ce à quoi s’affronte, se confronte, s’entretient, se nourrit, s’enchante, tout art « véritable«  ; par rapport aux impostures courant les rues de ce qui prétend s’afficher « art » et n’en est que tristes et pénibles « contrefaçons » ; d’autant plus grossières que vulgaires… La discrétion (envers la personne d’autrui) étant politesse essentielle d’un artiste…

A ces 3 « divins » CDs de piano romantique,

j’ajouterai encore le volume VIII de très, très belle facture (toujours !) que nous offre la maestria d’Éric Le Sage (double album CD Alpha 154) en la « continuation » _ et parfaite captation sonore de Jean-Marc Laisné à la Salle de musique « L’Heure bleue« , à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, en janvier 2009 _ de l’intégrale « éclatante » (et diaprée) des « Klavierwerke & Kammermusik«  de cet autre immense génial musicien (romantique, aussi…) qu’est Robert Schumann (1810-1856) _ avec les « Études pour le Pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op. 3 ; les « Études de concert pour le pianoforte d’après les « Caprices » de Paganini« , Op.10 ; l’« Allegro«  Op. 8 ; la « Faschingsschwank aus Wien, Fantasiebilder » Op. 26 ; les « Vier Klavierstücke » Op. 32 ; et les « Drei Clavier-Sonaten für die Jugend » Op. 118 : la « Kinder-Sonate Julien zur Erinnerung » ; la « Sonate Elisen zum Andenken«  ; et la « Sonate Marien gewidmet » ; musiques pour trois des filles de Robert et Clara Schmann _ ; pour ces musiques de l’âge romantique, donc…

Pour le Baroque,

quelques merveilleux bijoux, aussi :

d’abord, du génial Alessandro Stradella ; et par un interprète dont j’admire depuis longtemps (après l’avoir entendu en masterclasses à Barbaste, aux stages _ quant aux « fondamentaux » de l’interprétation musicale baroque _ de Philippe Humeau) la parfaite musicalité (ainsi que probité de jeu _ mais les deux vont de pair ! là où se pressent et précipitent (hystériquement…) tant d’impostures, justement : devant (et rien que pour) les sunlights, les caméras, les micros, les foules… _, je veux parler d’Enrico Gatti, dirigeant ici, avec sa merveilleuse justesse « musicale » coutumière, l' »Orchestra Barocca della Civica Scuola di Musica di Milano« , ainsi que les chanteurs Lavinia Bertotti, Barbara Zanichelli, Emanuela Galli, Roberto Balconi, Maurizio Sciuto et Carmo Lepore, un magnifique enregistrement de deux « cantates de Noël«  _ de la période « romaine«  de Stradella : vers 1675, sous le pontificat (29 avril 1670 – 22 juillet 1676) de Clément X Altieri…, ainsi que l’indique, à la page 19 du livret du CD, Carolyn Gianturco _ du grand, mais pas assez enregistré (non plus que donné en concert) Alessandro Stradella (Nepi, 3 avril 1639 – Gênes, 25 février 1682), donc : « Cantate per il Santissimo Natale« , « Si apra il riso » et « Ah! Troppo è ver«  (ainsi qu’une « Sonata di viole _ con concertino di due violini et leuto e concerto grosso di viole« ) ; en un CD splendide de l’Arcana du regretté Michel Bernstein (CD Arcana A 331) ;

puis,

un électrisant récital, sans affèteries ni assauts de (trop) gratuites vocalises, d' »airs d’opéras » napolitains _ un répertoire loin d’être assez exploré encore !.. et pourtant ô combien crucial dans l’histoire de l’opéra !.. (faute de pouvoir « remonter«  vraiment dans leur intégralité de tels « spectacles«  ?.. _, de Giovanni-Battista Pergolese (1710 – 1736), Nicola Antonio Porpora (1686 – 1768), Leonardo Vinci (1696 ? – 1730) & Johann-Adolf Hasse (1699 – 1783 _ présent à Naples, le saxon, lui, pour s’y « former« , auprès de Nicola Porpora et d’Alessandro Scarlatti, en ces si ingénieux conservatoires de Naples, de 1724 à 1727) : « Lava _ Opera Arias from 18th Century Napoli« , par la parfaite Simone Kermes, soprano, et « Le Musiche Nove« , dirigées par Claudio Osele : un CD Deutsche Harmonia Mundi 8869754121 2 ;

puis, en remontant vers des contrées au climat un peu plus « tempéré« ,

d’abord, un très rafraîchissant _ intense et profond en son élégance… _ CD de « goûts réunis » de Jean-Marie Leclair (Lyon, 10 mai 1967 – Paris, 22 octobre 1764) _ compositeur à l’élégance, donc, hautement raffinée ; et violoniste virtuose (sans excès, à la Locatelli…), formé à Turin auprès du maestro Giovanni-Battista Somis _ constitué des quatre premières des six « Sonates en trio pour deux violons et basse continue » op. 4 (de 1731-1732) et de la « Deuxième récréation musicale d’une exécution facile pour deux flûtes ou deux violons » op. 8 (de 1737), interprétées ici par deux hautbois, un basson, une contrebasse et un clavecin _ tenus par David Walter, Hélène Gueuret, Fany Maselli, Esther Brayer & Patrick Ayrton, en un ensemble s’intitulant « Pasticcio barocco«  _ ; soit le _ délicieusement fruité ! _ CD 01 de Hérissons Production s’intitulant « Jean-Marie Leclair, ou l’apogée des Goûts Réunis« 

et un peu plus en amont, dans le temps, à Paris,

et en changeant cette fois de siècle :

un tout simplement « magique » récital de « Pièces de luth«  en sol majeur, la mineur, fa majeur et si mineur de Denis Gaultier (dit « Gaultier de Paris« , ou « Gaultier le jeune » : Paris, 1603 – Paris, janvier 1672) _ avec l’appoint de deux chaconnes (en do majeur et fa majeur) du cousin Ennemond Gaultier (dit « le vieux Gaultier » ou « Gaultier de Lyon » : Vilette-en-Dauphiné, 1575 – Nèves-en Dauphiné, 11 décembre 1651) _ ; intitulé « Apollon orateur« , sous les doigts _ inspirés par le dieu maître des Muses ?.. _ du parfait luthiste qu’est le maître Anthony Bailes, chez Ramée : le CD Ramée RAM 090La musique qu’adorait, pour son infini raffinement, sa poésie, la délicatesse de sa grâce divine, La Fontaine : peut-être la quintessence de l’art musical français…

Et enfin,

au XXème siècle, cette fois, et ni en Italie, ni en France, mais en (un violent) exil d’Allemagne _ en 1938-39 pour deux des principales pièces : somptueuses ! _

des œuvres d’un maître bien injustement mis sous l’éteignoir, et qui réveille pourtant l’acuité la plus fine de nos ouïes, par le brillant « profond » (sans clinquant !) de la clarinette, ici : les « Clarinet Quintet ; Clarinet Quartet ; Clarinet Sonata ; Three Easy Pieces » de l’immense Paul Hindemith (Hanau, 16 novembre 1895 – Francfort 28 décembre 1963), un des « plus grands » de ce siècle… : un CD Naxos 8.572213 de « Chamber Music » par le décapant (en même temps que magnifiquement élégant : autre « quadrature du cercle » !) ensemble « Spectrum Concerts Berlin« , que dirige de son violoncelle Frank Dodge ; et avec le clarinettiste virtuose (excellent !) Lars Wouters van den Oudenweijer !..

Le contraste avec le luth de Denis Gaultier sera magnifique ; révélant, si besoin en était, toute l’amplitude de la magie féérique de la musique…


Titus Curiosus ce 2 novembre 2009

Post-scriptum :

je joins, ce matin du 3 novembre, ce courriel

à mon amie Michèle Cohen, directrice de la Galerie « La Non-Maison » à Aix-en-Provence

(où je vins le 13 décembre 2008 présenter mon « Pour un Non-Art du rencontrer« ) :

De :   Titus Curiosus

Objet : En lisant mieux « Deadline« , je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:40:06 HNEC
À :   Michèle Cohen

En lisant un peu mieux le catalogue de l’expo « Deadline« ,
il s’avère que
l’expo que tu avais organisée (comportant des réalisations originales de Chen Zhen)
est très précisément citée (avec son « titre » !), page 123 de ce catalogue
« Deadline :

je cite : « l‘exposition « Chine demain pour hier« ,


organisée par Fei-Da-Wei dans le sud de la France.
Cette exposition avait lieu dans le village de Pourrières, à côté de la montagne Sainte-Victoire.
C’était vraiment une exposition intéressante.

(…)
Chen avait conçu des pièces très importantes, dans un grand camion.
Il s’agissait d’une sorte de parcours qui reproduisait des pierres tombales suspendues à l’envers,
et de la terre au sol avec les matériaux, les journaux recyclés comme il les utilisait depuis les années 1990.

C’était assez impressionnant.
Et l’autre pièce était encore plus étonnante
: c’était dans la forêt.
A l’époque, on commençait seulement à parler d’écologie.
Il y avait eu un débat sur les incendies qui avaient dévasté la Sainte-Victoire. Les gens se plaignaient que certains ne respectaient pas la nature et qu’ils mettaient le feu.
En fait, Chen était allé derrière le village, dans la forêt brûlée, où il a trouvé des centaines et des centaines d’objets abandonnés, des déchets ;
il en a effectivement récupéré beaucoup (quatre-vingt-dix-neuf, je crois),
et il les a ensuite suspendus aux arbres.

C’était un geste extrêmement fort,
qui semble très léger mais en même temps très fort.
Cette pièce est vraiment formidable
« …
« A partir de ce moment-là, nous avons commencé à nous voir, à discuter ; nous sommes devenus très amis« ,
continue Hou Hanru…

est celle-là même que tu montas, Michèle !!!

bien que ton nom ne soit pas cité par Hou Hanru _ celui qu’interviewe la « commissaire » de l’expo actuelle, Odile Burluraux, pages 123 à127… _,
Fei Da-Wei en étant, en effet, lui, le « commissaire«  (cf page 4 de ton catalogue de 1990 !)…

Je viens de mettre la main sur le catalogue (que tu m’as donné l’an dernier à Aix) de cette expo qui eut lieu à Pourrières du 7 au 31 juillet 1990, « Chine demain pour hier« ,
organisée par l’association « les Domaines de l’Art » dont tu étais la « présidente » ;
avec une préface de toi, page 11
et un avant-propos de l’ami Yves Michaud, page 9 !


Je vais introduire cette précision
dans mon article :
et voilà qui est fait !..

Titus

Réponse par retour de courriel de Michèle :

De :   Michèle Cohen

Objet : Rép : En lisant mieux, je découvre que c’est ton exposition à Pourrières en juillet 1990 qui est citée dans l’interview de Hou Hanru, page 123 de « Deadline »
Date : 3 novembre 2009 09:45:04 HNEC
À :   Titus Curiosus

Titus,
Tu es vraiment gentil. Peu de gens citent leurs sources. Tu fais un travail de passeur incroyable….
Merci d’avance
Michèle

Dans son « Avant-Propos«  de juillet 1990 à ce catalogue « Chine demain pour hier« , page 9, Yves Michaud, disait que « trop souvent la culture est laissée au soin des institutions«  ; alors que « la création culturelle a, au contraire, besoin de se déplacer et de bouger ; elle n’a pas vraiment besoin d’atours et de pompe. La respectabilité arrive toujours trop vite. La création nous intéresse quand elle vient _ généreusement : tel Kairos… _ là où nous ne l’attendons pas, quand elle nous surprend _ sans calcul d’aucune sorte… _ dans un monde où prédominent aujourd’hui _ certes : les choses, depuis, n’ayant fait que s’aggraver… _ les spécialistes en attente et en motivations«  :

« un monde où prédominent _ voilà ! _ aujourd’hui les spécialistes _ « professionnalisés« , en quelque sorte !.. diplômés peut-être même !.. _ en attente et en motivations » ; comme c’est justement « croqué » ! Comme ils nous pèsent, ces experts ; et plombent tout ce à quoi ils s’attachent, ces « spécialistes » patentés ès « attentes et motivations » ! Comme ils sont loin du véloce, divin et éternellement jeune, lui, capricieux et ludique Kairos ! Tout le contraire des « amateurs » qui « aiment » _ auxquels s’intéresse, par exemple, un Bernard Stiegler…

Là où il s’agit pour la « vitalité«  (de l’Art : d’artistes authentiques !) de « s’affirmer à travers _ avec la fluidité véloce de la souplesse _ des installations, des rencontres, des concerts, à travers des interventions transitoires et momentanées _ oui ! _ qui gardent _ par cette délicate finesse de la légèreté _ le sens de la vie«  _ plutôt que de se perdre ; ou d’être anéantie, ou exténuée, lourdement, cette « vie«  ; désorientée, sans boussole, faute de l’« aimant«  (et de l’« aimantation« ) de vrais profonds désirs, amours, passions

Sur cela, cf toujours Bernard Stiegler (importants travaux en cours !) autour de l’« amatorat » !

Yves concluait ce « mot de présentation » de 1990 par un bref commentaire du titre même de l’exposition : « D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots _ « Pourrières » est déjà un nom magnifique : alors le lieu lui-même (!) au flanc de la « magique » Sainte-Victoire : on comprend qu’il y a eu là de quoi inspirer « vraiment » un artiste « profond » tel que Chen Zhen ! quant à quelque « résilience » (à la Boris Cyrulnik…)… _,


D’où, je suppose, au-delà du jeu de mots,

le titre de l’ensemble de la manifestation _ de Pourrières, ce mois de juillet 90-là ; cela a fait dix-neuf ans cet été ! _ : « Chine demain pour hier« . « Pour hier », comme pensée et hommage ; « pour demain », comme création et vie » _ cf ce que François Jullien, expert en sinologie, nomme, avec beauté autant que justesse, les « transformations silencieuses » du « vivre« , par-delà le « mourir » ; qui peut ainsi, face au « trou noir«  du néant, n’en être qu’une « phase« , un « moment » : quand le processus, y compris celui du jeu des mouvements-forces de la « nature«  (mais y a-t-il vraiment « séparation » ?..), est « artiste« , du moins : c’en est l’impérative condition !..

Tout le crucial est dit ! Bravo Yves ! Bravo Michèle ! En 1990 déjà !

Aimez-vous Brahms ? A la folie (douce)…

20oct

Après la « joie-Mendelssohn« 

et sa filiation avec celle (autre joie ! « Sturm un Drang« …) de Carl-Philipp-Emanuel Bach,

via le maître de Félix, Carl-Friedrich Zelter ; ainsi que la grand-tante de Félix, Sarah Levy

(quand la curiosité fait « fouiller » et « creuser » un peu !.. voilà ce qui se « découvre » !.. « wow« , comme dit l’ami Plossu !) ;

filiation dont j’ai pris conscience en m’interrogeant (un peu) sur l’ivresse (de joie !) que me procurent

et le double « Concerto pour violon, piano et orchestre à cordes » du 6 mai 1823 ;

et les 12 (ou 13) « Symphonies pour cordes » d’entre 1821 et 1823 ;

et le sublimissime « Octuor » de 1825,

tous du sublime « felix felicissimus » !!!

et via les interprétations _ car c’est aussi crucial ! le maillon absent, c’est pour nous, auditeurs, toute la chaîne qui casse ! _

de Kremer-Argerich-les Orpheus (en 1989 pour le CD Deutsche-Grammophone) ;

Concerto Köln (en 1994-95-96, pour les 3 CDs Teldec) ;

et de Christian Tetzlaff, Isabelle Faust, Lisa Batiashvili, Antje Weithaas, Rachel Roberts, Ori Kam et Tanja Tetzlaff & Quirine Viersen, pour le CD Avi :

tous CDs exceptionnels !!!


Cf mon article d’il y a trois jours, le 17 octobre : « Le Bonheur de Félix Mendelssohn« 

Après la « joie-Mendelssohn« , donc,

voici ce jour la « tendresse-Brahms«  ;

..

une « tendresse » mâtinée d’inquiétude, et in fine, de « regret » ;

teintée, en conséquence de quoi, d’un « voile« ,

un voile « hambourgeois« , c’est bien connu

(Brahms, né le 7 mai 1833 à Hambourg et mort le 3 avril 1897 à Vienne, est, et à jamais, un enfant de la ville hanséatique de l’embouchure de l’Elbe) :

ce « voile hambourgeois » transparaît dans l’existence viennoise (et autrichienne), à partir de 1962, de Johannes Brahms : en 1862, Brahms a alors vingt-neuf ans ; il passera à Vienne, la capitale continentale de la MittelEuropa, l’essentiel de ses trente-cinq autres années (de vie et d’œuvre)… _ ;

Après la « joie-Mendelssohn« , donc, voici, en suivant, aussi, la « marche » du siècle,

la « tendresse-Brahms » ;

une « tendresse » mâtinée d’inquiétude, et in fine, de « regret » ;

teintée, en conséquence de quoi,

d’un indéchirable « voile » léger

_ une « gaze » ultra-fine… _

de « sensucht« ,

qui vient mouiller d’un rêve de brume

les journées transalpines de soleil des abords de la Puszta, à Vienne :

juste après Vienne, et en suivant le Danube qui s’écoule vers l’Est (et la Mer Noire ; cf le récit magnifique, « Danube« , du très grand Claudio Magris…),

commence tout aussitôt, en effet, l’immense _ et dépourvue d’horizon _ plaine de Hongrie,

la Trans-Leithanie :

Joseph et Michaël Haydn sont natifs des bords de cette toute petite rivière-frontière, entre l’Autriche et la Hongrie, qu’est la Leitha…

De Brahms,

le sublime compositeur des « Klavierstücke » (et « Fantasien » et « Intermezzi« ) opus 116, 117, 118 & 119 (20 au total ! seulement, pour de telles « merveilles » de moins de cinq minutes chacune… :

écouter les versions de ces « Klavierstücke« 

de Wilhelm Kempf, en 1964 _ CD Deutsche Grammophone 437 249-2 _ ;

Radu Lupu (sans les 116) en 1971 et 1978 _ CD  Decca 417 599-2 _ ;

ou Stephen Bishop-Kovacevich (sans les 118) en 1983,

en priorité, me semble-t-il :

un bagage pour l’île déserte !..

de Brahms, donc,

voici que je viens de « tomber« sur une version

à « tomber à la renverse« ,

et ce, à chaque nouvelle écoute _ je ne m’en lasse pas ! _

de son « Quintette pour piano et cordes » opus 34…

Déjà,

après un somptueux CD « Ravel, Debussy, Fauré String Quartets » en 2008 (CD Virgin Classics 50999 519045 2 4),

le jeune quatuor français « Ebene« 

venait de nous gratifier d’un magnifique « Brahms String Quartet n°1 + Piano Quintet« , avec l’appoint de la jeune (excellente) pianiste Akiko Yamamoto :

tout d’une confondante douceur ! d’une onctuosité délectable

(il s’agit du CD Virgin Classics 50999 216622 2 5) ;

et voici que,

après ma toute récente « découverte » du CD enthousiasmant

_ et c’est encore un euphémisme ! à réveiller les mélomanes prématurément morts…_,

en concert au « Spannungen Chamber Music Festival » de la centrale hydroélectrique de Heimbach, le 11 juin 2008, par Christian Tetzlaff et ses amis,

des « Octuors » de Félix Mendelssohn et Georges Enesco :

le CD « Mendelssohn-Enescu Octets for strings » AVI 8553163

(à thésauriser !!!),

je me mets en recherche

et d’autres réalisations de ce violoniste « magique » qu’est Christian Tetzlaff

_ à la hauteur, au moins, magnifique des Viktoria Mullova, Gil Shaham et Vadim Repin,

ces autres « magiciens » de la musique (et pas seulement du violon !)…

et de ce que peut bien être ce « Spannungen Chamber Music Festival«  à Heimbach,

jusqu’ici inconnu de ma petite « curiosité » ;

découvrant au passage que l’énigmatique photo (sans légende dans le livret ; et qui n’est pas celle d’un des onze interprètes des deux concerts de ce CD, données elles aussi par ailleurs en ce CD, mais « légendées« , elles…) se trouve être celle de l’âme (ou animateur en chef) de ce Festival, le pianiste Lars Vogt ; mais ce n’est là qu’un « détail«  _ même si « le diable s’y cache«  _, au regard du reste : les découvertes musicales !

Je m’en enquiers donc auprès de Vincent Dourthe, le très compétent (et magnifiquement probe, dans ses « conseils« ) « responsable » de l’excellent « rayon Musique » de la librairie Mollat (probablement grâce à la profonde mélomanie, passionnée, de Denis Mollat lui-même) ;

Vincent se souvient aussitôt d’un CD (double) que lui avait commandé une cliente, à la suite d’une émission d’écoutes comparées (à l’aveugle, mais assurément pas en sourds !!!), sur France-Musique, où ce CD-ci de 2 concerts des 12 et 6 juin 2005, à ce « Spannungen Chamber Music Festival » de Heimbach…

_ le nom m’évoque bien les terribles diatribes du génialissime Thomas Bernhard (9 février 1931, Heerlen, Pays-Bas – 12 février 1989, Gmunden, Autriche) contre certains « villages«  autrichiens, proches de sa ferme fortifiée des environs de Gmunden, en Haute-Autriche, dans le Salzkammergut,

dans certains de ses textes enflammés (par exemple « Extinction _ un effondrement« .., et qui nous manquent tellement maintenant désormais, depuis la disparition de Thomas Bernhard, il y a vingt ans ;

je n’ai retrouvé ce ton-là que chez Imre Kertész ; par exemple son « nécessaire » _ et c’est encore un euphémisme ! pardon ! _, lui aussi, « Liquidation«  (« sur » lequel j’ai écrit moi-même, si j’ose dire, un « Lire « Liquidation«  d’Imre Kertez _ ou ce qui dure d’Auschwitz« , inédit _ lecture à lire in extenso en mon article du 8 novembre 2022 : « «  (ajout du 10 juillet 2023)… _ ;

mais ici je m’égare ;

revenons plutôt à Brahms et à ses interprétations (au concert et au CD) par des musiciens enflammés !!! _

Vincent se souvient, donc, d’un CD (double) que lui avait commandé une cliente, à la suite d’une émission d’écoutes comparées (à l’aveugle, mais assurément pas en sourds !!!), sur France-Musique,

où ce CD-ci

l’avait emporté sur toute la (riche et redoutable en qualité !) concurrence discographique :

il s’agit du double CD AVI « Brahms Piano Quintet op. 34 – Sextett op. 36« ,

par Lars Vogt, Christian Tetzlaff, Veronika Eberle, Hanna Weinmeister & Julian Steckel, pour le « Klavierquintett » en fa mineur, opus 34 ;

et Isabelle Faust, Christian Tetzlaff, Stefan Fehlandt, Hanna Weinmeister, Gustav Rivinius & Julian Steckel, pour le « Streichsextett » n°2, en Sol Majeur, opus 36…

Vincent en avait commandé un second exemplaire pour le magasin :

c’est lui qui vient de faire mon bonheur de « chercheur » un tant soit peu « curieux« 

De fait, l’interprétation du « Quintette à cordes avec piano » en fa mineur, opus 34 de Brahms, lors de ce concert de Heimbach, le 12 juin 2005, par Christian Tetzlaff et ses amis, ses copains (quels musiciens !),

est une merveille absolue

(de vie et de musique !) ;

cette fois-ci, et à nouveau ;

comme pour le concert du 11 juin 2008, et l’« Octuor » de Mendelssohn ;

et pour le concert du 12 juin 2008, et l’« Octuor«  d’Enesco ;

et pour le concert du 6 juin 2005, et le « Sextuor » n°2, en Sol Majeur, opus 36 de Brahms !..

Ces CDs AVI du « Spannungen Chamber Music Festival«  de Heimbach

qu’anime Lars Vogt,

ainsi que ces concerts eux-mêmes, bien sûr ! dont ces CDs sont les « prises live » et la « conservation« , pour les mélomanes du monde entier…

et ce « Spannungen Festival » lui-même (à la Centrale hydro-électrique de Heimbach),

comme ces musiciens amis de Christian Tetzlaff et Lars Vogt,

sont donc tous ! « à suivre«  :

une priorité musicale !


Quel summum de bonheur pour tous ceux qui aiment passionnément la musique !


Titus Curiosus, ce 20 octobre 2009

Et le piano va ! pour la musique ; et pour Schumann, et pour Chopin…

07mai

Deux très grands crus Alpha (les CDs Alpha 145 & Alpha 147), encore, cette année-ci, dans l’élan des très grands crus, décidément, de l’année discographique précédente d’Alpha :

le double album du volume VII de la « Klavierwerke & Kammermusik » de Robert Schumann, par Éric Lesage et ses amis

_ le programme de ce volume VII étant constitué des

« 12 vierhändige Clavier-Stücke für kleine und große Kinder« , opus 85 (par Éric Lesage & Frank Braley) ;

« Ball-Scenen _ 9 charakteristische Tonstücke« , opus 109 ;

et « Kinderball _ Sechs leichte Tanzstücke« , opus 130 (par Éric Lesage & Denis Pascal) ;

à quatre mains ;

sur un premier CD ;

et l' »Album für die Jugend« , opus 68 (par Éric Lesage)

sur un second CD :

pour le CD Alpha 145 _,

d’une part ;

et, d’autre part,

le CD « Ballades & Nocturnes » de Frédéric Chopin par Arthur Schoonderwoerd, sur un « piano Ignace Pleyel » de « 1836«  :

pour le CD Alpha 147 :

deux très rares merveilles !!!

Cette nouvelle fois, les programmes sont magnifiquement « choisis » :

un programme virevoltant (les quatre mains sont exceptionnelles de vie) de pièces « pour enfants » de Robert Schumann, pour le travail d’Éric Lesage et ses amis-compères ;

et un récital des quatres « Ballades » de Frédéric Chopin, précédées d’un « Prélude«  (le « Prélude » opus 45 en do dièse mineur : un sublime portail d’entrée !) ; et contrapointées de « Nocturnes » : les trois « Nocturnes » opus 9 ; et le « Nocturne » opus posthume Browne 49, en do dièse mineur, en conclusion d’adieu de ce récital…

Dans ces deux récitals, c’est moins au piano (et aux pianismes), dans tous ses (divers) états, que les interprètes-pianistes, nous convient ; mais d’abord, et plus essentiellement, à la musique, comme prise à la source (multiple, toujours renouvelée ; et par là riche de toutes ses « neuvetés »), de la composition-improvisation du compositeur _ que ce soit Frédéric Chopin (en 1835, en 1836, en 1840, en 1842, pour les « Ballades » ; en 1830, pour les « Nocturnes » opus 9, ainsi que pour le « Nocturne » posthume Browne 49 ; et en 1841, pour le « Prélude » opus 45), ou Robert Schumann (en 1848, pour l' »Album pour la jeunesse » opus 68 ; en 1849, pour les « 12 Pièces pour petits & grands enfants » opus 85 ; en 1851, pour les « Scènes de bal » opus 109 ; et en 1853, pour le « Bal d’enfants » opus 130) _, à son écritoire, à partir du jeu ouvert de ses doigts improvisant quelque chose comme des « fantaisies » sur le panel des touches à sa disposition…

Bref, un très rare plaisir offert par ces interprètes si sensibles et si justes, pris au plus vif de leur brillante re-création, en cette volée de disques Alpha 145 & 147…

Titus Curiosus, ce 7 mai 2009

Un modèle de « leçon de musique », à l’occasion de la mort de Maria Curcio, « pianiste italo-brésilienne », à Cernache do Bonjardim (Portugal)

20avr

Un bel article d’Alain Lompech, « Maria Curcio, professeur de piano italienne« , dans le Monde (du jeudi 16 avril _ je ne m’en étais pas encore avisé _,

à l’occasion de la disparition, ce 30 mars dernier, à l’âge de 88 ans, de la pianiste (et longtemps professeur de piano) italo-brésilienne, Maria Curcio, à « Cernache do Boa Jardim » _ ou plutôt Cernache do Bonjardim _, au Portugal ;

et qui nous aide à un peu mieux

(= plus finement ; avec les « petites oreilles » d’Ariane« ,

dirait Nietzsche, qui s’y entendait ;

cf, entre autres, « Les Dithyrambes de Dyonisos« , par exemple dans « Dithyrambes de Dyonisos _ poèmes et fragments poétiques posthumes : 1882-1888« , in « Œuvres philosophiques complètes« ), soit l’édition Colli-Montinari, aux Éditions Gallimard, en 1975 ;

ainsi que, plus largement, quant à la finissime sensibilité auditive de Nietzsche :

de François Noudelmann, « Le Toucher des philosophes : Sartre, Nietzsche, Barthes au piano » ;

+ mon article sur ce grand livre, du 18 janvier 2009 : « Vers d’autres rythmes : la liberté _ au piano aussi _ de trois philosophes de l’”exister« ) ;

et qui nous aide à un peu mieux percevoir

et ce que peut être (à son plus beau) la musique ;

et, peut-être davantage encore (même si les deux sont consubstantiellement liés) :

ce qu’est son apprentissage et sa transmission (délicates et magnifiques, à leur meilleur) :

de professeur à élève, comme d’élève à professeur

_ et c’est aussi un échange tant mutuel que réciproque !

Quel miracle qu’existent encore de telles rencontres entre de tels professeurs (de musique) et de tels élèves (musiciens) !!! Cela va-t-il durer ?..

Au nombre des élèves de ce très grand professeur, on peut répertorier, entre autres _ et classés par ordre alphabétique (ce que fait « The Guardian« ) _, Pierre-Laurent Aimard, Martha Argerich, Myung-Whun Chung, Barry Douglas, José Feghali, Leon Fleisher, Peter Frankl, Claude Frank, Anthony Goldstone, Ian Hobson, Terence Judd, Radu Lupu, Rafael Orozco, Alfredo Perl, Hugh Tinney, Geoffrey Tozer et Mitsuko Uchida : excusez du peu…


Comme un exemple, cet article très émouvant d’Alain Lompech

_ et donc bien davantage qu’une métaphore belle (ou même commode) _

de ce qu’est l’Art, la Culture (incarnée, vivante, créatrice et nourrisante, tout à la fois _ pas sclérosée, ni mortifère ;

pas « asphyxiante« , comme s’en inquiétait Jean Dufuffet,

éperdument en quête de toujours plus de « fraîcheur » et de « liberté » de création, lui,

in « Asphyxiante culture« , en 1968 ; cf aussi, du même : « Prospectus aux amateurs de tous genres« , en 1946 ; et « L’Homme du commun à l’ouvrage« , en 1973) ;

un Art et une Culture inspirants !

afin de prolonger de ses gestes (et peut-être même, parfois, d’œuvres, ou de « performances », telles que « jouer une œuvre de piano ») les plus beaux mouvements de la Nature, se déployant toujours, elle, même si c’est très lentement

_ les Chinois le savent particulièrement mieux que nous

(cf l’ami François Jullien : « Penser d’un dehors (la Chine) : Entretiens d’un Extrême-Occident » _ avec Thierry Marchaisse ; ou, plus récemment : « Les Transformations silencieuses _ Chantiers 1« ) ; sans compter, sur l’Art même, le très nécessaire « La grande image n’a pas de forme _ à partir des arts de peindre de la Chine ancienne« , qui vient de paraître très utilement en édition de poche (en Points-Seuil)…

Car au-delà de la « Natura naturata« , c’est à la « Natura naturans » qu’il importe de « se brancher »,

de connecter en souplesse (et si possible, avec grâce) ses « branchies » ;

afin que bientôt s’agite en musique le feuillage frémissant de toutes ses « branches » tendues vers le ciel, vers la lumière du jour, au dessus du tronc, et en largeur épanouie, et proportionnellement, aussi _ ne pas le perdre de sa « vue mentale » _,  à l’extension, toujours en acte, elle aussi, de ses racines, dans l’humus noir (toujours un peu pourrissant) d’un sol activement fertilisant _ qu’il faut aussi entretenir, fertiliser : par une vraie éducation (et pas un dressage) et une vraie culture : véritablement inspirante ; car, nous, Humains, sommes bien incapables de créer à partir de totalement rien ; la création réclame l’humilité d’apprendre du meilleur d’autres…


Sur ce point, je rejoins, bien sûr, les positions de mon ami Bernard Collignon _ même si son style est assez loin du mien : chacun fait comme il peut !.. selon l’histoire de sa sensibilité _ en son numéro 76 de sa revue « Le Singe Vert« , consacré à « L’Education Nationale«  (c’est le titre de cette « livraison » : l’article fait 11 pages ; contact : colbert1@wanadoo.fr ) :

scandaleusement pauvre, l’institution, en initiation artistique ; au lycée tout particulièrement… Cherchez l’erreur des Politiques (et des Administratifs _ qui obéissent, statutairement). Car c’est bien, à la racine, une affaire de choix politique…

Nous sommes assez loin, en France, de la finesse et justesse de projet (« Yes, we can« ) civilisationnel de la hauteur de vues d’un Barack Obama, lequel n’a pas été, pour rien, et assez longtemps

_ avant de rechercher, par l’engagement politique, justement, davantage d’efficacité à cette action-civilisationnelle-là ! _

« travailleur social » dans des quartiers difficiles de Chicago

_ cf son très très beau « Les Rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc »

(cf, ici, mon article du 21 janvier 2009 ; « Les “rêves” de Stanley Ann Dunham, “la mère de Barack Obama, selon l’article de Gloria Origgi, sur laviedesidees.fr « )…

L’objectif, auquel Barack Obama est fidèle

(cf mon autre article, du 10 janvier 2009 : « L’alchimie Michelle-Barack Obama en 1996 ; un “défi”politique qui vient de loin« ),

ne semblant pas, pour ce qui le concerne, lui _ nous allons bien voir _, de s’offrir ostensiblement (à soi) des Rolex et des croisières sous les Tropiques, en fréquentant, prioritairement, les fortunés de Wall Street ; ou les « people« …

Fin de l’incise Obama ; et retour à l’apprentissage artistique, à partir de (et selon) l’article d’Alain Lompech : « Maria Curcio, professeur de piano italienne« …

Écologiquement, les métamorphoses

des organismes (individuels) se nourrissent _ nécessairement ! _ de l’interconnexion, infinie (inassouvissable, tant que l’on est vivant !), de ces échanges (d’eux, organismes _ en commençant par leur estomac !) avec l’altérité riche et dynamisante d’autres « éléments » excellents (que soi ; et pour soi) ;

à commencer par cette forme plutôt unilatérale d’échange qu’est la prédation (unilatérale : tueuse…) !!!


Je reviens à la disparition, le 30 mars, de la pianiste-professeur de piano _ et professeur (plus encore) de musique (via la musicalité) : Maria Curcio.

Certes, disparaître, s’éteindre, à « Cernache da Boa Jardim« 

_ ou plutôt Cernache do Bonjardim, semble-t-il ; pas très loin de Pombal et de Tomar ; et Leiria, et Coimbra _

n’a pas nécessairement, à soi seul, tout du moins, grand sens

_ même pour une femme (au-delà de l’artiste en elle) dont la mère était brésilienne (de Sao Paolo ; et donc de langue portugaise : avec des intonations de la parole encore plus douces et chantantes qu’au Portugal ; au Brésil, veux-je dire) _ ;

mais tout de même : je veux y voir des filiations esthétiques, d’aisthesis ;

surtout pour quelqu’un (toujours au-delà de l’artiste en elle) dont, aussi, le père était italien…

Il n’est, encore, que de suivre, la liste des lieux _ selon cet article, déjà, d’Alain Lompech _ où a vécu Maria Curcio, de sa naissance à Naples, le 27 août 1920, jusqu’à sa disparition, le 30 mars dernier, à Cernache do Bonjardim :

_ Naples, d’abord, cette ville exceptionnellement musicale _ je me suis un peu penché sur la vie musicale à Naples au XVIIIème siècle, au moment de la préparation du CD Alpha 009 du « Stabat Mater » de Pergolèse par le Poème Harmonique de Vincent Dumestre _ ce qui m’a permis de faire la connaissance de Pino De Vittorio et Patrizia Bovi (extraordinaires artistes ! napolitains !) _ ;

_ Tremezzo, sur les bords du lac de Côme, où Maria Curcio allait recevoir des leçons de piano d’Artur Schnabel (1882-1951) entre 1935 et 1939, alors qu’elle était encore « enfant »… ;

_ Paris, où elle est élève, toujours encore « enfant », de Nadia Boulanger ;

_ Londres : elle y débute en février 1939 _ à l’« Aeolian Hall« , New Bond Street, en un programme « Beethoven, Mozart, Schubert et Stravinsky » : « La clarté latine fut la caractéristique première du jeu pianistique de Mademoiselle Maria Curcio de Naples« , commenta le chroniqueur musical du « Times« … _ ; avant de s’y installer durablement _ dans le quartier de Willesden _, avec l’aide de Benjamin Britten, comme « maître » de piano, en 1965 : Annie Fischer, Carlo-Maria Giulini et Mstislav Rostropovich lui envoient de nombreux étudiants, qu’elle  fait travailler « pas à pas« , au rythme qui convient vraiment à l’apprentissage de l’Art ; et avec l’exigence radicale de la qualité des « fondations » _ plutôt que d' »entreprendre la construction du bâtiment par le toit« … ; « Ne vous précipitez-pas !«  était son commandement (schnabelien) le plus constant ! ; « Ouvrez vos bras, et embrassez le monde !« , disait-elle aussi… « Ma tâche de pédagogue est de les libérer d’eux-mêmes«  disait-elle encore à propos de ses élèves : soit le nietzschéen « Deviens ce que tu es« , en suivant le conseil : « Vademecum, vadetecum » (in « Le Gai savoir« , les deux…)… Et, en rappelant le « but » (de l’artiste _ vrai !), elle disait aussi, après Artur Schnabel, qu’« en Art, aucun compromis n’est possible«  : voilà une excellente école : que celle de la plus haute vérité (et justesse)…

_ Amsterdam où elle passe les années de la seconde guerre mondiale, dans des conditions particulièrement difficiles (de logement, de sous-alimentation et terrible faim, de danger permanent) ; et qui altèrent irrémédiablement sa santé (tuberculose grave ; très grandes difficultés à marcher ; longues rééducations ; difficultés (jusqu’à l’incapacité) de se produire désormais en concert _ le dernier sera en 1963) ;

_ Edimbourg, où son mari avait brillamment « assuré » le rayonnement international du Festival de musique ;

_ Leeds, où elle est un membre actif du jury du concours de piano ;

_ le Portugal _ Cernache do Bonjardim _, où elle résidait depuis 2006, assistée de sa gouvernante Luzia…

Nécrologie

Maria Curcio, professeur de piano italienne

LE MONDE | 16.04.09 | 16h34

La pianiste Maria Curcio est morte le 30 mars, à Cernache do Boa Jardim (Portugal). Elle était âgée de 88 ans.

« Ton pouce ! » : de la cuisine où elle préparait les pâtes pour Laurent Cabasso, Maria Curcio avait entendu que le pianiste avait mis un mauvais doigté. Et des sucres lents, il allait en avoir besoin car, comme le dit ce musicien : « Quand Maria faisait travailler un élève, elle ne lâchait jamais prise, jusqu’à ce qu’elle obtienne _ voilà ce qu’est l’exigence _ ce qu’elle voulait. Le temps n’existait plus _ rien que l’éternité : qu’offre en effet la rencontre avec (et l’interprétation de) l’œuvre d’art ! On sortait épuisé _ mais heureusement : avec béatitude  _ de la leçon qui pouvait durer du matin au soir _ la durée étant celle (qualitative) de l’œuvrer, pas celle du temps (quantitatif et mécanique) physique de l’horloge (cf là-dessus les analyses de Bergson). Et quand elle se mettait au piano pour donner un exemple, c’était indescriptible _ en son « éclat » (plotinien)…  _ de beauté. Ce qui nous inspirait _ « L’artiste est moins l’inspiré que l’inspirant« , dit quelque part Paul Eluard… Des années après _ ces « leçons«  de Maria Curcio _, ce grand artiste dit que les séances de travail avec Maria Curcio ont changé sa compréhension du piano : « C’est difficile à expliquer, mais d’avoir travaillé avec elle fait qu’aujourd’hui je ressens dans mes muscles, dans mes mains, dans mes doigts chaque son joué par un autre pianiste _ voilà où porte la qualité de l’attention (ici l’écoute !), en son accueil exigeant et vrai de l’altérité ! _, ce qui me permet de mieux comprendre _ oui ! à côté de tant de surdité et d’inintelligence ; de tant d’in-attention ! _ les problèmes de mes _ propres _ élèves. »

Avant de devenir professeur, Maria Curcio avait donné des concerts. Née en Italie, à Naples, le 27 août 1920, d’une mère brésilienne _ et juive _ (Antonietta Pascal, pianiste et élève de Luigi Chiaffarelli, 1856-1923, à Sao Paulo) et d’un père italien _ homme d’affaire aisé _, Maria Curcio sera une enfant prodige _ apprenant le piano dès l’âge de trois ans, en 1923, et se produisant en de petits concerts dès l’âge de cinq ans, en 1925… Dotée d’un caractère ferme : elle refusera de jouer pour Benito Mussolini à qui elle _ elle avait sept ans, en 1927 _ trouvait une sale tête. Elève de Carlo Zecchi (1903-1984 _ lui-même élève d’Artur Schnabel _) _ ainsi que d’Alfredo Casella _, elle sera présentée à Artur Schnabel qui ne prenait jamais d’enfants parmi ses élèves. Il fera une exception.

Chaque été _ à partir de 1935, elle a quinze ans _ jusqu’au départ de Schnabel pour les Etats-Unis où, juif, il sera contraint de s’installer, Maria Curcio travaillera avec le grand pianiste dans sa maison _ de Tremezzo _ du lac de Côme (Italie) _ « un des plus grands talents que j’ai jamais rencontrés« , dira-t-il d’elle… A Tremezzo, elle accompagne aussi les chanteurs auxquelles Thérèse Behr, l’épouse d’Artur Schnabel et interprète reconnue de lieder, prodigue ses leçons ; et apprend aussi énormément d’elle (et du chant). Elle prend, encore, des leçons auprès du maître Fritz Busch… Elle sera également l’élève de Nadia Boulanger, à Paris. Quand Maria Curcio arrivait, la mère de l’illustre professeur disait à sa fille : « Ouvre la porte quand la petite Italienne joue…«  Mariée _ au lendemain de la guerre, en 1947 _ à Peter Diamand _ (autrichien ; né à Berlin, le 8 juin 1913 ; et mort à Amsterdam, 16 janvier 1998) qui avait été à partir de 1934 et jusqu’en 1939 le secrétaire particulier d’Artur Schnabel (ils avaient fait connaissance à Amsterdam) ; et juif, lui aussi ; avec lequel elle quitte Londres pour gagner Amsterdam en 1939, où Peter Diamand résidait et où il avait des projets de Festival (elle divorcera de lui, à l’amiable, en 1971 : son mari n’ayant pas su assez « résister«  à un penchant pour Marlene Dietrich ; mais ils demeureront « bons amis« ) _ qui sera le fondateur du Festival de Hollande _ où il exercera les plus hautes responsabilités de 1946 à 1973 _ et du Festival d’Edimbourg _ de 1965 à 1978 _, après la seconde guerre mondiale, Maria Curcio passera les années d’occupation à Amsterdam. Catholique, elle pouvait gagner quelque argent afin de nourrir son mari et la mère de celui-ci, qui se cachaient des nazis dans un réduit _ une soupente en un grenier.

De tous les élèves de Maria Curcio, Jean-François Dichamp est sans aucun doute celui qui en fut le plus proche, avec Rafael Orozco (1946-1996). Il raconte qu’elle lui avait dit « avoir souffert terriblement à Amsterdam, où l’on crevait de faim bien plus qu’à Paris ». Pendant la guerre, elle attrape la tuberculose qui met un terme à sa carrière _ d’interprète de concert virtuose. Elle sera donc professeur.

« LA MUSIQUE PARLAIT »

Lui-même enfant prodige (il jouait le rôle de Mozart enfant dans le film de Marcel Bluwal au côté de Michel Bouquet), Dichamp a vécu chez Maria Curcio à Londres pendant deux années. Il a pu voir et entendre les leçons qu’elle donnait aux nombreux étudiants qui passaient chez elle. Chaque samedi, elle recevait amis musiciens, élèves, anciens élèves dans son appartement londonien pour des soirées musicalo-amicales où il arrivait qu’elle se mette au piano. « C’était incroyable, le son était grand, jamais forcé, la musique parlait. Nous étions tous fascinés quand elle jouait les « Scènes d’enfants« , l’« Arabesque«  de Schumann, ou un nocturne de Chopin.« 

Pas loin de là, dans les années 1970, vivaient dans une grande maison les pianistes Martha Argerich, Nelson Freire, Rafael Orozco, la violoncelliste Jacqueline Dupré, les chefs d’orchestre Daniel Barenboïm, Youri Temirkanov, la violoniste Iona Brown. Ils formaient un phalanstère informel autour de cette musicienne aux conseils avisés, sans en être tous les élèves. Maria Curcio était très proche du compositeur Benjamin Britten _ et de son ami Peter Pears _ comme elle l’était du chef d’orchestre Carlo Maria Giulini et de la pianiste hongroise Annie Fischer _ elles passaient des nuits au téléphone ! _ mais aussi de Szymon Goldberg, Otto Klemperer, Josef Krips, Pierre Monteux et Elisabeth Schwarzkopf ; ou encore Charles Dutoit…

Pour Jean-François Dichamp, Maria Curcio apprenait à « avoir une relation entre le son et la main pour traduire une idée avec la palette sonore la plus large possible ». Elle apprenait « la continuité du discours. Une phrase respire _ c’est capital ! _ si on lui donne le souffle, sa respiration. Inspirer, expirer. La phrase doit avoir une continuité, une fin et un début » _ à comparer au chant : chez Mozart, chez Chopin…

Ses cours duraient le temps qu’il fallait _ idéalement. Ils n’étaient pas gratuits, mais quand l’élève n’avait pas les moyens de payer et que Maria Curcio pensait qu’elle pouvait lui apporter quelque chose, il n’était plus question d’argent entre eux _ voilà la générosité.

De l’Irlandais de Paris Barry Douglas au Roumain Radu Lupu, la liste des _ grands _ pianistes passés chez Maria Curcio est longue. Aux noms déjà cités, il faudrait ajouter ceux de Pierre Laurent Aimard, de Jean-François Heisser, de Marie-Josèphe Jude, d’Éric Lesage, d’Huseyin Sermet et de tant d’autres.

Alain Lompech

Un autre de ses élèves, le pianiste Niel Immelman, dit que pour Maria Curcio, « il n’y a pas de différence entre la musique et la technique«  : un « beau son » en tant que tel est sans intérêt pour elle ; ce qu’elle cherche, c’est « un son faisant accéder à l’essence même de l’œuvre« , en « vérité« … Aussi recommandait-elle chaudement d’étudier aussi la musique à (un peu de) distance de l’instrument : « nous devons écouter ce que nous regardons ; et regarder ce que nous écoutons«  ; et elle était extrêmement précise (et pratique, ou pragmatique) dans l’enseignement des aspects physiques du jeu même de piano. Et sa volonté très ferme savait s’adapter à la singularité de chacun des élèves _ n’est-ce pas la clé du succès de tout enseigner ? _ ; de même que sa générosité énorme _ ce qu’elle donnait sans compter d’elle-même _ témoignait de la profondeur de son désir d’apporter vraiment aux autres…

Le répertoire austro-allemand était central dans son enseignement, mais, grâce à son travail avec Alfredo Casella _ et avec Nadia Boulanger ! _ elle se trouvait « également » chez elle dans la musique française. Tout comme dans l’idiosyncrasie radicale de Leoš Janáček…

Et ses curiosités débordaient largement la musique _ cela me rappelle la personnalité de Gustav Leonhardt, lui aussi un « maître » de musique particulièrement attentif à la singularité de chacun de ses élèves (cf Jacques Drillon : « Sur Leonhardt » ; ainsi que mon article du 15 mars 2009 : « Du génie de l’interprétation musicale : l’élégance exemplaire de “maître” Gustav Leonhardt, par le brillant talent d’écriture (et perception) de Jacques Drillon« )…

Maria Curcio disait aussi, à propos de ses relations, parfois un peu complexes, avec certains « grands artistes« , et de son propre tempérament, en digne discipline du grand (et merveilleux : d’humanité) Artur Schnabel : « Vous ne pouvez pas être l’ami de tous les grands artistes, parce que tous les grands artistes ne sont pas de grands humains« 

Une belle « leçon de musique » ;

et de « grandeur » : simples…

Titus Curiosus, ce 20 avril 2009

Au pays du off shore : l’élan du port de voix ; ou la vérité du style…

25nov

Sur « Voix off » de Denis Podalydès, au Mercure de France,

dans la (très) belle collection « Traits et portraits« , de Colette Fellous

(avec photos ; cf déjà ses très beaux « Tuiles détachées« , de Jean-Christophe Bailly ;

et « La première main« , de Rosetta Loy)…

_ avec un CD de 14 plages de textes, dits par Denis Podalydès lui-même

et bien d’autres (et quelle anthologie sonore !!!) :

Jean Vilar , Gérard Desarthe, André Dussolier, Jean-Louis Trintignant, Pierre Reverdy, Daniel Mesguich, Michael Lonsdale, Roland Barthes, Sarah Bernhardt, Michel Simon, Charles Denner, Marcel Bozonnet, Richard Fontana, Ludmila Mikaël, Christine Fersen, Jean-Luc Boutté, Eric Elmosnino, Orson Welles & Fernand Ledoux, Pierre Mendès-France, Coluche, Guy Lux, Roger Lanzac, Valéry Giscard d’Estaing, Jean Cocteau, Paul Claudel, Paul Léautaud, Gérard Philipe, Michel Bouquet, Jacques Weber et Bruno Podalydès… ;

et, accessoirement, prix Fémina de l’Essai 2008…

« Est-il, pour moi, lieu plus épargné, abri plus sûr, retraite plus paisible,

qu’un studio d’enregistrement ?

_ énonce tranquillement, en ouverture de ce livre (et disque), l’acteur diseur (lecteur) Denis Podalydès…

Enfermé de toutes parts, encapitonné, assis devant le seul micro, à voix haute _ sans effort de projection, dans le médium _, deux ou trois heures durant,

je lis les pages d’un livre.

Le monde est alors _ féériquement _ celui de ce livre.

Le monde _ tout entier _ est _ miraculeusement _ dans le livre.

Le monde est le livre.

Les vivants que je côtoie, les morts que je pleure, le temps qui passe, l’époque dont je suis le contemporain, l’histoire qui se déroule, l’air que je respire,

sont _ entièrement _ ceux du livre.

 J’entre _ sacralement _ dans la lecture« ,

s’ouvre

_ en beauté, et mystère, comme une cérémonie (un peu secrète) d’intronisation (à Éleusis) _

le livre, page 11 ;

et ces mêmes mots-là, et à plusieurs reprises,

soit avec (quelques) coupures,

soit avec de légères variantes,

vont revenir scander l’ouverture (ou la clôture) des divers chapitres

donnant à retentir et vibrer, à nouveau, toutes ces voix : pages 97, 153 et 219…


(…) 13 lignes plus loin, à la page 12 :

« Nacelle ou bathyscaphe,

le réduit sans fenêtre où je m’enferme _ pour l’enregistrement, en ce studio (ou studiolo)… _

autorise une immersion ou une ascension totales.

Nous

_ Denis Podalydès inclut en cette « expédition » et l’ingénieur du son et le directeur artistique (de l’enregistrement) _

descendons dans les profondeurs _ page après page, abyssales _ du livre,

montons dans un _ septième _ ciel de langue.

Je confie à la voix le soin _ = une ascèse… _ de me représenter _ furieusement, bien que tout soit tranquille _ tout entier.

Les mots écrits et lus me tiennent lieu _ métamorphose quintessentielle _ de parfaite existence. »

Et un tout petit peu plus loin, encore, page 14, le fin mot de tout ce « dispositif » :

« Mais de ma voix

_ Par l’odeur de la pluie m’était rendue _ en un « admirable tremblement du temps«  ! _

l’odeur des lilas de Combray,

par l’assourdissement des bruits dans la chaleur de la matinée,

la fraîcheur des cerises : quels délices ! _,

lisant les mots d’un autre _ Marcel Proust, en l’occurrence, pour ici

(« Combray » : l’ouverture de « La Recherche« , « Du côté de chez Swann« ) _

ceux d’un mort lointain _ le 18 novembre 1922 _,

dont la chair est anéantie _ peut-être bien… _,

mais dont le style,

la beauté de ce style,

fait surgir _ tel son pouvoir _

un monde _ oui ! _ d’échos, de correspondances et de voix vivantes _ ou le seuil ! _

par lesquelles je passe,

parlant à mon tour,

entrant dans ces voix _ soit la clé de la métamorphose ! _,

me laissant aller à la rêverie,

à l’opération précise d’une rêverie continue, parallèle et libre,

je sais que je parle,

je sais que c’est de moi qu’il s’agit,

non pas dans le texte,

bien sûr,

mais dans la diction

_ voilà l’opération de trans-substantiation qui, ici, donc, se livre _

de ces pages. »

Pour aboutir à cette ultime phrase, de l’ouverture,

et clé de tout ce « Voix off« , page 15 :

« Alors d’autres voix encore se font entendre,

dans la mienne.« 

Deux exemples, j’élirai, seulement :

d’abord,

celui d’une voix « personnelle » au récitant,

celle de « Mamie d’Alger«  _ Jeanne, la mère de son père (Jean-Claude Podalydès) ;

qui n’est même pas « la plus proche » de ses deux grand-mères ;

lui, Denis, se sentant bien davantage « du côté » des Ruat _ versaillais _, et de Mamie Odette :

« Elle parle lentement. Son accent pied-noir froisse, accroche chacune des syllabes qu’elle prononce. Discours patiemment élaboré, au discours toujours plus ralenti. La salive lui manque toujours. Phrases infiniment longues et détaillées. ses évocations ont une précision maniaque, dont Maman _ versaillaise, elle : côté Ruat ; et pas Podalydès _ gentiment se moque :

« Nous étions donc un lundi, lundi 23 février, il devait être neuf heures trente du matin, en tout cas il n’était pas dix heures, la température, je m’en souviens, était tout de même assez fraîche, tu me diras que c’est normal en février, Papi, le pauvre, ne s’était pas encore rasé, il se rase toujours au rasoir à main, tu le sais

_ l’histoire qu’elle raconte ne commence jamais avant l’inventaire de toutes les circonstances énonçables, infinies _ en effet !… _,  dont la mémoire ne lui fait jamais défaut _ ;

c’était la Saint-Lazare, je m’en souviens parce que Papi disait toujours, le pauvre, tu sais s’il était drôle, même s’il pouvait avoir des colères, mon Dieu, des colères ! Ton père a dû t’en raconter quelques unes, bon, je disais, oui, alors, bon, voilà, Papi disait qu’il était curieux de fêter les gares, de fêter celle-là particulièrement, alors qu’on ne fêtait pas la Saint-Montparnasse ! Tu comprends la blague, je pense, alors, nous étions donc le 23 février… »


L’histoire alors reprend à son début,

on s’aperçoit peu à peu qu’il n’y a pas d’histoire,

que l’histoire est ce qui précède _ en abyme(s) _ l’histoire,

que l’argument principal, par lequel, en principe, le récit a commencé depuis une vingtaine de minutes,

est perdu,

inexistant,

ou si maigre,

que sa venue enfin,

dans le cours des phrases,

ne sera pas même remarquée,

emportée _ comme chez Montaigne ! _ par les fioritures infimes et inutiles _ pas tout à fait, toutefois… _,

divisées à l’infini.


Et pourtant,

de sa voix asséchée de mélancolie et de médicaments,

ralentie par les menus détails, les regrets et lamentations sempiternels,

 elle m’en dit des choses«  : en effet ! pages 134-135…

Mon second exemple sera la voix de Roland Barthes (pages 201 à 204),

parmi les « Voix des morts« …


« On entend toujours affleurer ce qu’il désigne lui-même _ Roland Barthes _ sous l’expression l' »angoisse de délicatesse ».
La voix découpe les masses, ou plutôt les ensembles signifiants

en haïkus » _ page 201.

« Barthes échappe cependant à toute affectation.

Tout le long de ce cours  _ au Collège de France, sur le Neutre _

si précis dans la conduite de son propos

_ il faudra donc entendre qu’il y a une violence du Neutre _

malgré les sinuosités _ encore, aussi : Montaigne… _ de l’exposé

_ mais que cette violence est inexprimable _ ;

si scrupuleux dans la tension de ses paradoxes

_ qu’il y a une passion du Neutre, mais que cette passion n’est pas celle d’un vouloir-saisir _

si constamment anxieux d’échapper aux déterminations,

aux partis pris,

à toute voie trop droite

_ revoilà donc notre Montaigne ! _

mais plus encore aux attaques de sa profonde mélancolie,

dont les leçons successives révèlent le travail souterrain,

à laquelle il accorde sa place dans le système ;

et c’est peut-être à ce mélange de la mélancolie et de la méthode,

à cette acceptation d’un fond irrémédiable de tristesse dans la progression même de la pensée,

que la voix de Barthes doit sa beauté,

son phrasé généreux,

musical. » 


On voit combien l’oreille _ et la voix _ de Denis Podalydès a de justesse de générosité et de sens,

autant que de

musicalité…

Et je n’ai même pas encore écouté le CD !!!


L’écriture de Denis Podalydès est une exploration _ magnifiquement inspirée ! et de quelle justesse ! _
de ce que peut être « l’œuvre de voix »

_ c’est-à-dire l’œuvre de la voix _,
au premier chef des comédiens eux-mêmes,
et au théâtre, d’abord _ bien sûr ! _ ;

mais pas seulement d’eux ;

et elle constitue,
cette écriture même en ce livre
_ rare, et/ou peut-être même unique ! _,
un véritable « bréviaire »
théâtral
pour qui voudrait _ et voudra _ « retrouver »
ce que furent les « apports »
_ singuliers ! _ de quelques grands noms

désormais

_ car désormais _ sinon, bientôt… _ fantômes

hantant _ ou voués à « hanter »… _ rien que notre mémoire et notre nostalgie :

cf la page (page 90) consacrée au souvenir d’Annie Ducaux :

« époque où l’on s’évanouit, où l’on se pâme, en écoutant une tirade d’« Athalie«  _ C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit _ ;
époque dont Annie Ducaux, voix noble, drapée
_ Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée _
aisée, rythmée, _ Comme au jour de sa mort pompeusement parée _
capable de frapper le dernier rang de spectateurs _ J’ai senti tout à coup un homicide acier _ d’une violence inouïe qui les transperce plus vivement que le gel _ Que le traître en mon sein a plongé tout entier _,

époque révolue, dis-je,

dont Annie Ducaux est _ on note, ici, l’usage du présent ! _ peut-être la dernière manifestation vocale«  (page 91) ;

maintenant que non seulement

le moment de la « représentation »
_ ou « performance« , comme cela se dit en anglais ;

et « performance » sur la scène même, sur les « tréteaux » dressés _,
a passé

_ mais ce n’est rien là que la loi (de l’éphémère !) du spectacle vivant, hic et nunc, ce soir-là, sur cette scène-là ; et pas le lendemain, ni la veille, « au théâtre » !..  ;

et que le temps a fait son œuvre ;

et, pire que le temps,
la « maladie de la mort », aussi ;

et son fruit

_ qui tout à la fois va germer,

nous nourrir,

et pourrir…

Mais c’est ce qu’il nous faut _ et vite ! _ apprendre de la vie,

que cet « éphémère »-ci ;

et « lui rendre grâce »,

comme le fait (notre) Montaigne…


Ainsi,
Denis Podalydès a-t-il des pages bouleversantes
sur son souvenir vivant
_ ô combien ! et comment ! _
de comédiens en de derniers moments sur la scène,

ou ailleurs :

un tournage de cinéma,
ou même croisé en quelque rue :

tels que Richard Fontana (« il joue « La Fausse suivante » à la Comédie-Française« , page 94),
et Jean-Luc Boutté (« à quelques pas de moi, sur le tournage de « Mayrig« , où je fais un petit rôle » :
« il attend immobile, sans un mot ni regard. Je scrute son décharnement, sa patience, sa souffrance irradiante et mutique » (page 94, aussi) ;

ainsi que quelques _ « grands » _ autres (Gérard Philipe, Bernard Blier, page 93),
déjà…

De plus longs passages, plus loin, seront consacrés aux voix _ en action _ de ces mêmes Richard Fontana et Jean-Luc Boutté, sur la scène ;

comme
à la voix d’Éric

_ le frère de Denis, de Bruno, de Laurent Podalydès _,
suicidé « le 10 mai 1997 » (pages 144 à 147) ;

ou comme
aux « Voix des toreros« 
,

« Voix sans voix« ,

car
« nuit fait homme
il

_ le torero José Tomás , « le 10 septembre à Nîmes« , en 2007 _ ;

il appelle les taureaux d’un souffle. Ce même souffle que l’arène retient. Silence médusé. La respiration du taureau. Halètement. Ce va-et-vient du poitrail.
José Tomás avance la main. Regard du taureau. Saisi, tenu. Flexion du poignet. Ondulation de la muleta. Appel, absence de voix. Charge.
Le taureau entre dans l’illusion, la voilure fuyante du leurre. Navigation de la bête, ralentie, allégée. Courbe. Absence de voix.
Toujours du silence au principe de chaque mouvement.
« 

Etc… : encore 13 lignes…

C’est magnifique : parce que juste ! (aux pages 147-148).

Chapeau ! Monsieur le regardeur-écrivain !..

Ou

l’œil d’un artisan praticien, probe ;

et maître artiste,

simplement…

Merci…

Titus Curiosus, ce 25 novembre 2008

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