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La perfection superlative de l’ « A Chloris » de Reynaldo Hahn par Benjamin Appl en le très original programme de son CD « Forbidden Fruit », avec son compère pianiste James Baillieu _ ou atteindre l’acmé de sérénité du plaisir…

29juil

Qu’on commence par écouter _ en boucle si nécessaire… _ la plage 11, d’une durée de 3’10, de l’assez extraordinaire CD « Forbidden Fruit » du baryton allemand Benjamin Appl _ Ratisbonne, 26 juin 1982 _ et de son compère pianiste James Baillieu _ Afrique-du-Sud, mars 1982 _,

le très original CD Alpha 912, enregistré à Lugano du 27 au 30 juillet 2020, et paru seulement _ du fait de sa marquante a priori peu commerciale singularité ?!? _ le 23 juin 2023 ;

soit une interprétation plus que parfaite

_ entre bien d’autres enregistrées d’excellente qualité ; cf par exemple mon article du 23 mai 2020 : « « ,

dans lequel je donnais à écouter deux interprétations très réussies de la sublime « À Chloris » de Reynaldo Hahn (Caracas, 9 août 1874 – Paris, 28 janvier 1945), sur un poème de Théophile de Viau (Clairac, 1590 – Paris, 25 septembre 1626 ; le poète avait été condamné à mort pour libertinage…) ;

un poème lui-même sublimissime (on découvrira l’entièreté de 100 vers des Stances « À Cloris«  aux pages 64 à 67 du passionnant « Après m’avoir tant fait mourir Œuvres choisies«  de Théophile de Viau, paru en 2002 en la collection Poésie-Gallimard… ; le poème datant de 1621)

S’il est vrai, Chloris, que tu m’aimes,
Mais j’entends, que tu m’aimes bien.
Je ne crois point que les rois mêmes
Aient un bonheur pareil au mien.
Que la mort serait importune
De venir changer ma fortune
Pour la félicité des cieux !
Tout ce qu’on dit de l’ambroisie
Ne touche point ma fantaisie
Au prix des grâces de tes yeux.

_ une interprétation, assez étonnante, par Philippe Jarrousky, en sa voix pour une fois non pas de haute-contre, mais de ténor, en son très réussi CD « Opium«  (Virgin Classics 50999 216621 2 6, un CD sorti en 2009) ;

_ et une autre, celle-ci, par Véronique Gens, en son très réussi, lui aussi, CD « Néère«  (Alpha 215, un CD sorti en 2015) ;

en un article que je concluais par ces mots « Reynaldo Hahn sait être prodigieusement simplement délicieux«  _

soit une interprétation plus que parfaite de ce chef d’œuvre insurpassable de la mélodie française qu’est le si délicatement fondant « À Chloris » du cher Reynaldo Hahn

Quelle diction française ! et au service de quel chant ! à un tel degré admirables !

Quel art superlatif de si merveilleusement incarner ce qu’il chante _ en français comme en anglais, et, bien sûr, en allemand ; et cela en des genres aussi divers, voire carrément opposés, aux antipodes les uns des autres, tels que la mélodie, le lied ou la chanson canaille de cabaret !… _ possède ainsi ce décidément prodigieux interprète chanteur-diseur qu’est Benjamin Appl, avec la complicité radieuse, elle aussi _ attentivissime ! _, du magique piano de James Baillieu…

Quelle enchanteresse incarnation, donc, ici,

lumineuse de douce, légère, méditative, claire, et tendre gravité _ à fondre on ne peut plus sereinement d’infiniment délicat plaisir : la « grâce«  même ainsi attrapée et restituée… _de ce sublimissime « À Chloris« … 

Et demain,

après pareille toute simple mise en bouche auditive enchanteresse,

je reviendrai me pencher, cette fois en détails, sur l’originalité remarquable de ce véritable bijou discographique assurément singulier (!) _ ce qui permet probablement de comprendre (mais pas justifier !) la longueur du délai (de trois années !) écoulé entre l’enregistrement, en juillet 2020, et la parution de ce  CD, en juin 2023 : lors de leur enregistrement de juillet 2020, à Lugano, Benjamin Appl et James Baillieu avaient tous les deux 38 ans… _ qu’est tout ce CD « Forbbiden Fruit » _ Alpha 912 _, de Benjamin Appl et son compère pianiste, excellentissime lui aussi, James Baillieu…

Ce samedi 29 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le grand Michael Spyres dans les sublimes « Nuits d’été » d’Hector Berlioz et Théophile Gautier (version, avec orchestre, de 1856) : qu’en penser ?..

14avr

Les « Nuits d’été » d’Hector Berlioz sur des poèmes de Théophile Gautier, sont le plus sublime monument de la mélodie française ;

et Michael Spyres est un des plus merveilleux chanteurs en activité aujourd’hui.

Cependant, la prestation de celui-ci dans le CD « Les Nuits d’été Harold en Italie«  _ le CD Erato 5054197196850, paru le 18 novembre 2022 _, en un enregistrement à Strasbourg du 12 au 15 octobre 2021, sous la direction de l’excellent berliozien qu’est John Nelson, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg,

constitue une relative déception à mes oreilles et à mon goût :

pae ce que j’estime être un certain manque de naturel de l’interprète,

un peu trop opératique…

Voici l’opinion de Jean-Charles Hoffelé, en un article significativement intitulé « Timothy«  _ en l’honneur de l’altiste Timothy Ridout, en verve dans le « Harold en Italie » de ce CD Erato…en date du 7 janvier 2023, sur son site Discophilia :

TIMOTHY

…Passons à pieds joints _ rien que cela !!! _, sur le tour de force parfois pénible _ hélas, oui… _ des Nuits d’été selon Michael Spyres : si son « baryténor » lui permet d’offrir chaque mélodie dans sa tonalité originale, les dotant d’un français plus étudié que naturel _ hélas ! _, comment ne pas entendre que les notes lui résistent pourtant, plus que les sentiments d’ailleurs : Sur les lagunes est vraiment bien senti _ personnellement, je le trouve un peu trop théâtral, opératique… _, et évidemment John Nelson met à son orchestre une poésie, un art d’évoquer qui suffisent à rendre l’écoute attractive.

Pourtant, lorsque l’alto de Timothy Ridout murmure la première méditation de Byron de son archet diseur, soudain ce personnage qui manquait aux Nuits d’été parait. Il ne quittera plus l’auditeur au long de cet Harold en Italie débarrassé de toute grandiloquence jusque dans les tonnerres de l’orgie de brigands, voyage dans des paysages dont l’orchestre de peintre rêvé par Berlioz s’incarne enfin avec toutes ses subtilités : décidément les Strasbourgeois y sont étonnants, tout comme hier dans la Messe Glagolitique de Janáček. Mais c’est d’abord la sonorité ambrée du jeune altiste anglais qui vous cueillera.

Cet ambre des cordes, ce fluide de l’archet, quel altiste les aura possédés avant lui ? Lionel Tertis, et comme Tertis Timothy Ridout sait ce que chanter suppose, le phrasé, les mots imaginaires derrière les notes, les couleurs pour les émotions. Justement, il grave la transcription que Tertis réalisa à son usage du Concerto pour violoncelle d’Elgar, le compositeur l’ayant adoubée jusqu’à diriger la création de ce que l’altiste espérait comme un ajout majeur au répertoire de l’instrument.

Las, cette mouture singulière ne s’imposa pas, affaire de sonorité certainement, l’alto de Tertis était un mezzo haut et sa transcription tire à l’aigu, mais justement la sonorité claire de Timothy Ridout retrouve l’esprit de celle du transcripteur et dans l’orchestre savamment allégé par Martyn Brabbins donne à l’œuvre une couleur nostalgique émouvante.

Contraste total avec la Suite pour alto et orchestre aux couleurs extrêmes orientales que Bloch composa en 1919. C’est l’univers balinais qui ouvre le voyage (initialement Bloch avait intitulé le premier mouvement « Jungle »), le compositeur emportant son alto dans un orchestre hautement évocateur.

L’œuvre est demeurée rare, même au disque, elle culmine dans les lacis vénéneux d’un Nocturne ténébreux, moment magique où le jeune altiste déploie une incantation inquiète, phrasée pianissimo, d’une poésie fascinante, hypnose et sortilèges. Quelle œuvre !

LE DISQUE DU JOUR

Hector Berlioz (1803-1869)


Les nuits d’été, Op. 7, H. 81
Harold en Italie, Op. 16, H. 68

Timothy Ridout, alto
Michael Spyres, ténor
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
John Nelson, direction

Un album du label Erato 5054197196850

Sir Edward Elgar (1857-1934)


Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur, Op. 85 (arr. pour alto : Lionel Tertis)


Ernest Bloch (1880-1959)


Suite pour alto et orchestre, B. 41

Timothy Ridout, alto
BBC Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902618

Photo à la une : l’altiste Timothy Ridout – Photo : © Kaupo Kikkas…

Et lire aussi _ et surtout _ l’excellent article très détaillé, lui, de Laurent Bury, intitulé « Les Nuits d’été par Michael Spyres – et si en plus il était soprano ? » en date du 19 novembre 2022, sur le site de Première Loge :

Les Nuits d’été par Michael Spyres – Et si en plus, il était soprano ?

19 novembre 2022

Le label Erato poursuit son projet Berlioz dirigé par John Nelson, après notamment des Troyens très remarqués et un Benvenuto Cellini qui n’est pas non plus passé inaperçu. Le chef américain a trouvé ses interprètes de prédilection, que l’on retrouve donc d’un disque à l’autre (Joyce DiDonato, par exemple), mais pour graver Les Nuits d’été, il n’a pas choisi de respecter le souhait du compositeur, qui prévoyait _ en 1856 _ des chanteurs différents pour les six poèmes de Théophile Gautier. Ou du moins, il a préféré un seul interprète qui se targue d’avoir plusieurs voix. Ce n’est en effet plus un secret pour personne : après avoir longtemps été ténor, Rossini étant d’abord son terrain d’élection, Michael Spyres se présente désormais comme baryténor _ voilà ! cf par exemple mon article du 23 octobre 2021 : « «  _, alternant à volonté ces deux timbres, comme il le faisait récemment dans un disque portant exactement ce titre. C’est ce qui lui permet un exploit supplémentaire : respecter la tonalité d’origine pour chacune des pièces.

Heureusement, il ne prétend pas encore pouvoir être aussi soprano, mezzo, ou contre-ténor. Car, par-delà la performance physique, il n’est pas sûr que l’auditeur s’y retrouve vraiment _ aïe – aïe… D’une part, parce que l’on a plus d’une fois l’impression que Michael Spyres s’écoute chanter _ hélas… _ , tout content d’étaler des graves de baryton, voire de baryton-basse. C’est en particulier le cas dans « Le Spectre de la rose » _ ampoulé, en effet _ et dans « Sur les lagunes »  _ trop théâtral, opératique… _ : le chanteur se fait plaisir, s’enivre du beau son qu’il est capable de produire dans une tessiture où l’on ne l’attendait pas a priori, mais il en perd de vue l’émotion qui devrait affleurer _ avec bien plus de naturel… _ et qu’ont si bien su traduire d’autres artistes _ mais oui, à commencer par Régine Crespin ou Janet Baker, ainsi que pas mal d’autres… Il y a là un peu trop d’art et pas assez de naturel _ voilà, voilà ! C’est exactement ça ! De même, la Villanelle initiale manque _ voilà ! _ de fraîcheur : le tempo en est bien _ trop _ lent, et il manque surtout l’entrain _ voilà encore ! _ que l’on aimerait y entendre. De manière générale _ et c’est parfaitement juste _, c’est une approche très « opéra » qui a été adoptée ici  _ à tort !  en effet… _ , dont on peut penser qu’elle n’est pas forcément le meilleur choix pour cette partition qui, même orchestrée, n’est pas si éloignée de l’univers des salons _ mais oui _ auquel elle était au départ destinée.

La deuxième partie du recueil est en revanche beaucoup plus enthousiasmante _ et je partage complètement cet avis _, avec deux mélodies dans lesquelles on retrouve celui qui fut le plus somptueux des titulaires du Faust de La Damnation, qui savait nous tirer des larmes lorsqu’il invoquait la Nature immense. « Au cimetière » est une réussite totale _ oui, oui : sobre et juste, ai-je noté pour ma part… _, sur un texte qui convient à merveille au ténor – car c’est bien un ténor que l’on y entend, avec un chant qui relève bien plus de l’évidence _ oui ! et c’est cela qu’il faut pour entraîner la conviction… _ dès lors qu’il ne cherche plus à prouver quoi que ce soit. Michael Spyres y convainc pleinement _ oui _ et trouve _ enfin _ sans effort les accents les plus adéquats, avec cette diction stupéfiante du français qui est depuis longtemps sa caractéristique. « L’île inconnue » fonctionne aussi très bien _ c’est exactement ce que j’ai moi-même aussi noté ! _, prise à un tempo allant _ oui, oui _, et avec un bel effet de dialogue entre le nautonier et sa belle.

Le programme est complété par Harold en Italie avec le jeune altiste britannique Timothy Ridout en soliste. Déjà protagoniste des deux intégrales d’opéra mentionnées plus haut, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg y livre également une fort belle prestation, John Nelson excellant à traduire les atmosphères évoquées par Berlioz, comme le montrait déjà « Au cimetière », décidément le sommet _ oui, avec L’île inconnue _ de ces Nuits d’été. Ah, si monsieur Spyres avait bien voulu partager avec ses camarades…

Voici aussi un choix de quelques liens _ au nombre de 5 _ à un florilège de précédents articles miens à propos de diverses belles interprétations de ces sublimes berlioziennes « Nuits d’été » que j’aime tant… :

_ le 24 octobre 2011 : « « 

_ le 19 janvier 2019 : « « 

_ le 12 février 2019 : « « 

_ le 22 février 2019 : « « 

_ le 23 mai 2020 : « « 


Voilà.

Ce vendredi 14 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un retour de trop long exil de Henry Desmarest (1661 – 1741), et de sa « Circé », sa tragédie en musique de 1694 : par les Nouveaux Caractères, de Sébastien d’Hérin…

04avr

Le très remarquable compositeur qu’est Henry Desmarest (Paris, février 1661 – Lunéville, 7 septembre 1741), a subi un durable exil _ de 1699, en Espagne, à la cour de Philippe V, puis en Lorraine, à partir de 1707, et jusqu’à son décès, à Lunéville, en 1741 _ hors du royaume de France,

et a eu, en conséquence, une carrière de compositeur hélas pour lui _ et pour nous aujourd’hui : beaucoup de ses musiques sont perdues… _, un peu compliquée…

De même sa belle tragédie en musique « Circé« , créée à l’Académie royale de musique, à Paris, le 1er octobre 1694,

vient seulement de reparaître, d’abord sur la scène de l’opéra de Versailles, et maintenant au disque,

avec ce précieux double album _ « World Premiere Recording«  _ du label Châtean de Versailles Spectacles CVS 085 _ numéro 16 de sa collection « Opéra français« .

Voici l’article « Les Enchantements » que lui a consacré, sur son site Discophilia le 31 mars dernier, Jean-Charles Hoffelé : 

LES ENCHANTEMENTS

Avant sa disgrâce qui l’aura _ en 1699 _ contraint à l’exil en Espagne puis _ à partir de 1707 _ à ses années lorraines, Henry Desmarest reprit en quelque sorte le flambeau de Lully _ décédé en 1687. Circé devait renouveler _ en octobre 1694 _ le succès de Didon qui _ en 1693 ; cf l’accès à la vidéo donné plus bas…  _ avait sacré Desmarest, tout juste trentenaire, nouveau maître de la tragédie lyrique, mais la demi-teinte de l’accueil, qui n’autorisa que sept représentations, empêchera l’ouvrage d’être repris.

Injustice !, lorsque l’on entend l’alliage d’enchantements et de passions que le sujet autorise, coulant dans la veine lullyste une fantaisie supplémentaire et un élargissement des affects. Les Nouveaux Caractères s’en saisissent avec finesse, se gardant bien d’en faire trop, animant les danses avec esprit et détaillant tous les charmes dont Desmarest a habillé le beau livret de Madame de Saintonge.

Pour Circé, pour l’amoureuse voluptueusement tourmentée et la magicienne dangereuse, pour sa colère qui détruit son royaume à l’Acte V, il fallait bien une tragédienne aussi saisissante que Véronique Gens. Peu importe qu’elle ne soit pas dans sa meilleure voix, ses mots tranchants, son sens des affects, la profondeur de son incarnation laissent pantois _ voilà.

Face à elle, l’Ulysse de Mathias Vidal sauve le personnage que Madame de Saintonge n’a guère gâté. Émouvant Elphénor, élégiaque, blessé, selon Nicolas Courjal, face à la parfaite Astérie de Caroline Mutel, mais cherchez la perle, écoutez au début de l’Acte III « Désirs, transports, cruelle impatience » d’Eolie ; c’est Cécile Achille : impossible qu’elle ne vous tire pas des larmes.

Et si demain Les Nouveaux Caractères redonnaient vie à Théagène et Cariclée _ de 1695 _ ?

LE DISQUE DU JOUR

Henry Desmarest
(1661-1741)


Circé

Véronique Gens, soprano (Circé)
Mathias Vidal, ténor (Ulysse)
Caroline Mutel, soprano (Astérie, Minerve)
Cécile Achille, soprano (Éolie)
Romain Bockler, baryton (Polite, Phantase)
Nicolas Courjal, basse (Elphénor)

Les Nouveaux Caractères
Sébastien d’Hérin, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS085

Photo à la une : les gravures pour un décor au second acte de Mirame (1741) de Henry Desmarest – Photo : © DR

Henry Desmarest est un merveilleux compositeur,

que j’ai personnellement découvert en 1998 avec l’enregistrement enchanté de « La Diane de Fontainebleau » (de 1686) par La Simphonie du Marais et Hugo Reyne _ dont j’étais alors conseiller artistique…

Et, depuis, ma discothèque comporte la plupart des CDs consacrés à l’œuvre fine, vive et délicate de Henry Desmarest…

Et je suis toujours très curieux de découvrir des œuvres injustement oubliées jusqu’ici de notre pourtant très riche patrimoine,

plutôt que d’assez inutiles ré-interprétations des toujours mêmes œuvres rabachées à destination du plus grand public…

Et, pour le plaisir,

voici aussi un accès à la vidéo (de 157′) d’un superbe enregistrement en version de concert de la « Didon » (de 1693) de Desmarest, par Christophe Rousset et ses Talens lyriques, à l’opéra royal de Versailles, le 9 octobre 1999…

De la bien belle musique !!!

Ce mardi 4 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter précisément, et en sa variété, l’oeuvre jouissive de Reynaldo Hahn (1874 – 1947), « le Parisien du Venezuela »…

22mar

Le premier chapitre que, en son passionnant et détaillé « L’autre XXe siècle musical » _ aux pages 35 à 59 ; après une éclairante Introduction et un « Prélude : Marcel Proust : à la recherche de la musique » _,

Karol Beffa consacre à un compositeur du siècle dernier qu’une certaine tradition moderniste jusqu’il y a naguère dominante _ et carrément sectaire _ a assez vilainement déprécié, méprisé,

s’intitule « Reynaldo Hahn, le Parisien du Venezuela« .

Reynaldo Hahn : Caracas, 9 août 1874 – Paris, 28 janvier 1947.

Et ce chapitre est très représentatif de la manière, juste, tempérée, en même temps que personnelle et très intéressante pour le lecteur, avec laquelle Karol Beffa s’intéresse très précisément à l’œuvre des compositeurs dont il entend réhabiliter le talent ou le génie injustement dépréciés par cette tradition moderniste sectaire ;

ne serait-ce que eu égard aux plaisirs que les œuvres viennent offrir aux mélomanes un tant soit peu ouverts, curieux, et d’abord attentifs…

En recensant, à peu près, ce dont dispose ma discothèque d’œuvres discographiques de Reynaldo Hahn,

voici le résultat _ provisoire _ auquel je suis parvenu :

_ un très précieux coffret « Reynaldo Hahn » de 7 CDs Forlane FOR 17003 publié en 2013, comportant « Mozart« , « Brummel« , « Malvina« , la « Pastorale de Noël« , la « Sonatine en Ut majeur« , le « Concerto pour piano et orchestre » et diverses mélodies, souvent sous la direction de Reynaldo Hahn lui-même…

_ un coffret de 2 CDs « Songs by Reynaldo Hahn » du label Hyperion CDA 67141/2, par Felicy Lott, Susan Bickley, Ian Bostridge et Stephen Varcoe, accompagnés par le piano de Graham Johnson, enregistrés en 1995

_ un coffret de 4 CDs « Reynaldo Hahn Complete Songs« , publié par le Palazzetto Bru-Zane, dans l’interprétation du baryton Tassis Christoyannis et Jeff Cohen au piano, enregistrés à Venise entre novembre 2018 et février 2019

_ un CD de Mélodies intitulé « La Belle Epoque  The Songs of Reynaldo Hahn« , du label Sony SK 60168, par la mezzo Susan Graham accompagnée par le piano de Roger Vignoles, enregistré à New-York en 1998

_ un double CD de l’opérette « Ciboulette« , du label Erato 395128, avec Mady Mesplé, José Van Dam, Nicolaï Gedda, Colette Alliot-Lugaz, François Leroux, etc., avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Cyril Diederich, enregistré à Monte-Carlo en 1981-82

_  un CD du « Concerto pour Violon et Orchestre » et de la « Sonate en Ut majeur pour Violon et Piano« , du label Maguelone MAG 358.410, avec Denis Clavier, violon, Dimitris Saroglou, piano, et l’Orchestre Philharmonique de Lorraine sous la direction de Fernand Quattrocchi, enregistré en 1997

_ un double CD « Le Rossignol éperdu« , du label Passavant PAS 114273, par le pianiste Bernard Paul-Reynier, enregistré en mai 2014

_ un CD « Reynaldo Hahn Piano Works« , du label ProPiano PPR 224538, par la pianiste Laure Favre-Khan, enregistré à New-York le 11 mars 2003

_ un CD « Reynaldo Hahn Room Music« , comportant notamment le « Quatuor avec Piano« , la « Sonate en Ut majeur pour violon et piano« , du label Hyperion CDA 67391, par Stephen Coombs, piano, Charles Sewart, violon, Yuko Inoue, alto et Philip De Grotte, viooloncelle, enregistré à Londres en mai 2003

_ un CD « Reynaldo Hahn« , comportant le « Quintette pour Quatuor à cordes et Piano en Fa mineur« , le « Quatuor à cordes en La mineur » et le « Quatuor à cordes en Fa majeur » du label Valois Naive V 4848, par le Quatuor Parisii et Alexandre Tharaud au piano, enregistré à Paris en décembre 1998

_ le DVD « L’Île du Rêve« , publié par le Palazzetto Bru-Zane, avec Hélène Guilmette, Cyrille Dubois, Anaïk Morel, Artavazd Sargsyan, Ludivine Gombert et Thomas Dolié, avec le Münchner Rundfunkorvhester et le Chœur du Concert Spirituel sous la direction d’Hervé Niquet, enregistré à Munich en janvier 2020

_ et encore diverses interprétations de mélodies par divers interprètes, tels, par exemple, l’excellente Véronique Gens _ dans le très beau CD « Néère«  pour Alpha _, et même, en une étonnante et très réussie performance, Philippe Jaroussky _ dans l’étonnant et merveilleux CD « Opium » pour Erato _, pour divers CDs… 

Ce mardi 22 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter et goûter l’admirable « Hôtel » (extrait de « Banalités) » de Francis Poulenc – Guillaume Apollinaire : le dialogue fécond des imageances idiosyncrasiques à l’oeuvre, exprimé et décrit dans « L’autre XXe siècle musical » de Karol Beffa…

06mar

Les pages 128-129-130 du chapitre « Interlude Francis Poulenc » (pages 125 à 135) de « L’autre XXe siècle musical » de Karol Beffa (qui vient de paraître aux Éditions Buchet – Chastel) consacrées à la mélodie « Hôtel » de Francis Poulenc, en 1940, sur un poème de Guillaume Apollinaire _ un poème publié pour la première fois le 15 avril 1914 dans la revue d’avant-garde éditée à Florence “Lacerba“ _ dans le recueil intitulé « Banalités« ,

m’ont bien sûr fortement incité à rechercher, pour en écouter et apprécier diverses interprétations, les CDs de ma discothèque la comportant.

Et jusqu’ici, j’ai réussi à mettre la main sur 7 CDs proposant cette admirable brève mélodie, « Hôtel » :

par Pierre Bernac et Francis Poulenc au piano, en 1950, à New-York _ pour l’écouter (1′ 38) ; la prise de son, très proche, nous fait accéder de très près à l’excellence de l’art de dire de Bernac et de l’art d’accompagner au piano de Poulenc… _ ;

par Nicolaï Gedda et Aldo Ciccolini, en 1967, à Stockholm ;

par Felicity Lott et Graham Johnson, en 1993, à Paris _ une merveilleuse lumineuse version ! _ ;

par Gilles Cachemaille et Pascal Rogé, en 1994, à Corseaux, en Suisse _ c’est tout à fait excellent ! _ ;

par Véronique Gens et Roger Vignoles, en 2000, à Metz _ une exceptionnelle réussite ; pour l’écouter (2′ 00) _ ;

par Lynn Dawson et Julius Drake, en 2004, en Allemagne ;

et par Stéphane Degout et Cédric Tiberghien, en 2017, à Paris _ et c’est très bien aussi…

Et sur le web, j’ai déniché ceci _ vraiment superbe !!! _cette merveilleuse interprétation :

par Régine Crespin et John Wustman, en 1967 _ pour l’écouter (2′ 05).

Et voici maintenant ce qu’analyse Karol Beffa, page 128, de cet exemple de la mélodie « Hôtel » de Francis Poulenc, à propos de ce qu’il nomme « les saveurs jazzistiques » qui « parsèment nombre des pièces » de Francis Poulenc, et cela en dépit de maintes « proclamations » de « détestation« , voire de « phobie« , du jazz, de la part de Poulenc :

« Il est rare que Poulenc utilise l’accord de septième de dominante à l’état pur, il l’enrichit presque toujours d’une neuvième, d’une onzième, éventuellement d’une treizième. Cette construction d’harmonies par empilement de tierces ne surprend pas chez un compositeur post-debussyste. Ce qui est original, en revanche _ nous y voilà _, est l’insistance sur la septième ajoutée, dans les accords majeurs ou mineurs. Sans doute l’inspiration vient-elle du jazz, directement ou par l’intermédiaire de Ravel, la concomitance de certaines innovations harmoniques chez Ravel et chez Duke Ellington faisant qu’il est difficile de déterminer lequel des deux a influencé l’autre. « Hôtel » _ nous y voici ! _, extrait de « Banalités » _ le recueil des 6 mélodies de Poulenc, en 1940, reproduit le titre du recueil des 6 poèmes d’Apollinaire, en 1914 _, est comme un condensé de tous ces traits stylistiques communs à Poulenc, à Ravel et au jazz : enrichissement des accords de septièmes d’espèce et de dominante par ajout de sixtes, de neuvièmes ou de onzièmes, fausses relations intentionnelles, retard de la présence de la basse d’un accord de dominante pour colorer un enchaînement et en différer l’impact. C’est pour toutes ces raisons qu’« Hôtel«  plonge _ superbement _ l’auditeur dans l’atmosphère moite et interlope d’un jazz frelaté« .

Et Karol Beffa d’ajouter alors aussitôt, page 129 :

«  »Hôtel«  m’a beaucoup marqué.C’est à travers cette pièce et d’autres œuvres vocales que j’ai vraiment pénétré l’univers de Poulenc« _ le mystère attractif et fascinant de son idiosyncrasie de compositeur singulier et marquant.

Et toujours à cette page 129 :

« Si l’univers harmonique de Poulenc ne m’a guère influencé, je me reconnais en revanche _ toutes proportions gardées _ dans ce que Jean-Joël Barbier a écrit de sa démarche : « Dans Apollinaire par exemple, il ne choisira pas les poèmes les plus célèbres, mais les meilleurs quant au résultat _ musical _ final _ envisagé-escompté-espéré pour l’imageance féconde de la composition à venir _ (…) : ceux qui laissent une marge autour des mots,  ceux qui n’étant pas rigidement cimentés _ le mot n’est pas très heureux _ au départ, justifient un ciment musical, laissant la place à un espace sonore qui, sans faire pléonasme _ bien sûr ! _ avec les mots, leur donnera, au contraire, des dimensions _ poétiques et musicales _ nouvelles ». 

Et page 130 :

« Poulenc est connu pour avoir été un admirable pianiste et accompagnateur. Et lorsque j’écris _ nous y voici ! _ pour voix et piano, j’essaie de garder à l’esprit le soin extrême qu’il accordait à la partie instrumentale dans ses cycles de mélodies.

Quant à son écriture vocale proprement dite, là aussi il s’y montre un maître, tant il sait parfaitement ce qu’il peut exiger des voix : émettre les aigus les plus doux, les graves les plus timbrés, et toujours dessiner des lignes souples _ fluides, flottantes, aériennes…

« Primauté de la mélodie » : ce credo de Messiaen, Poulenc aurait pu le faire sien« …

Voilà ce que la création singulière d’un compositeur se mettant à son tour à l’œuvre peut, en dialogue hyper-attentif, apprendre à la lecture et à l’écoute extrêmement précises, jusqu’aux plus infimes détails, des œuvres les plus originales, riches et, en puissance, inspirantes, du travail singulier (et de la poiesis en acte !) d’autres compositeurs éminemment créateurs à leur propre table de travail ; et de leur imageance idiosyncrasique féconde, en cet artisanat patient infiniment exigeant et  précis…

« Le style, c’est l’homme même« , disait Buffon :

le défi étant de parvenir, œuvre à œuvre, pas à pas, coup de crayon à coup de crayon (et de gomme) à réaliser _ ainsi nourrie par ce riche dialogue avec d’autres œuvres marquantes  _ cette singularité sienne _ et très vite ce style propre à soi s’entend, se perçoit et se reconnaît…


Ce dimanche 6 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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