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Le monumental travail d’Elizabeth Schoonmaker Auld, en son édition-traduction (en anglais) des Lettres de guerre de Lucien et Louise Durosoir : « Ma Chère Maman, mon Cher Enfant _ The Letters of Lucien and Louise Durosoir 1914 – 1919″, aux Editions Blackwater Press _ disponibles en France…

12déc

C’est un considérable extraordinaire monument à Lucien et Louise Durosoir _ à leurs personnes mêmes, je veux dire _ que vient de réaliser Elizabeth Schoonmaker Auld,

« Biz » ,

avec ce monumental travail de lecture, choix éditorial, ainsi que de traduction en anglais _ à destination d’abord d’un lectorat anglophone ; mais plus large évidemment aussi… _,
aboutissant à ce merveilleux livre de 544 pages « Mon Cher Enfant, ma Chère Maman, The Letters of Lucien et Louise Durosoir 1914 – 1919 » (Blackwater Press).
Qui vient constituer un extraordinaire apport (de témoignage profond) à qui s’intéresse au vécu des Poilus de la Grande Guerre, ici à travers les deux sensibilités hautement cultivées de Lucien et Louise Durosoir ;
et au-delà donc de ce qui peut intéresser déjà des musicologues attachés à l’œuvre musical si singulier de Lucien Durosoir compositeur (dont le travail de composition va de 1919 à 1950),
et aussi, plus largement, des mélomanes amoureux de musique profonde, juste et vraie, comme celle de Lucien Durosoir…
J’en ai profité pour relire mes deux contributions aux Actes du Colloque « Lucien Durosoir, un compositeur moderne né romantique » du 19 février 2011 au Palazetto Bru-Zane à Venise  ;
et suis assez surpris de ne pas en avoir honte, ni en éprouver de regrets, comme je m’y attendais _ mais ma position est forcément très partiale…
Exactement comme ce que je viens d’éprouver _ ni honte, ni regret _ à la relecture de mon texte perdu et retrouvé (en novembre 2022) de janvier 2006 « Lire ‘Liquidation’ d’Imre Kertész : ce qui dure d’Auschwitz » …
Bien sûr, mon écriture n’y est pas simple, mais je m’y reconnais tout entier ;
et surtout cette écriture me semble respecter le plus justement possible l’idiosyncrasie des auteurs dont je m’essaie à présenter-élucider les œuvres en la singularité de leur puissante voire sublime imageance.
Le temps n’est pas passé, ici ; rien n’a vraiment vieilli.
Le temps nous est bien une richesse reçue avec la vie, et dont il nous faut, chacun, essayer de saisir quelque chose de l’ordre, oui, de l’éternité
pour reprendre l’articulation, éminemment pratique, sensitive, voire expérimentale, que leur donne la pensée géniale d’un Spinoza…
Et que figure excellemment le malicieux petit dieu Kairos, généreux mais tranchant, du fait de l’absolument irrattrapable de l’irréversibilité du temps passant…
Car c’est cela avoir à apprendre à vivre sa vie passagère, et en cultiver les vraies richesses…
Et c’est aussi pour ces raisons-là que, au delà de sa si belle œuvre musicale qui nous touche si intensément _ cf mon article du 4 juillet 2008 « «  à propos du CD Alpha 125 des sublimissimes « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir par le Quatuor Diotima… _,
c’est la personnalité même, extraordinaire, de Lucien Durosoir (1878 – 1955) que j’admire et apprécie-aime du plus près, en sa fondamentale humilité-discrétion, et vérité exigeante aussi et surtout.
Voilà,
Francis
Ce lundi 12 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos de l' »Andenken » (1803) de Hölderlin, de Bordeaux (en 1802, 1965, 2000), et de l' »Andenken, je pense à vous », le film-documentaire (2000) de Christine Baudillon : un envoi à l’ami Pascal Chabot à Bruxelles

28nov

En mon parcours de visionnage de plusieurs très remarquables vidéos liées au travail de penser de l’ami Pascal Chabot,

cet envoi-ci, ce lundi 28 novembre 2022 :
Je viens de regarder cet « Andenken, je pense à vous », de Christine Baudillon (en 2000), avec, intégrées dans le film, des vues d’un assez surprenant Bordeaux de 1965,
l’année même où j’étais en Hypokhâgne au lycée Michel-Montaigne, dont le proviseur était …M. Lacoue-Labarthe,
le père de Philippe le philosophe,
mais aussi d’Antoine, qui était mon condisciple en cette classe d’Hypokâgne à Montaigne.
Oui, bien des fils viennent se croiser, se nouer, se filer…
Un peu plus tard, à la Fac, 
c’est Jean-Marie Pontévia _ ami de Michel Deguy, avec lequel je me suis entretenu chez Mollat (cf le podcast de notre entretien du 9 mars 2017 à propos de son magnifique « La Vie subite« …) ; et de Gérard Granel… _ ;
Pontévia, remarquable prof de Philo ainsi que d’Esthétique qui nous a fait connaître ce poème, « Andenken« , de Hölderlin,
et l’usage que fait Heidegger de ces mots : « Ce qui demeure, les poètes le fondent »…
J’ai conservé tous les cours d’Esthétique de Pontévia.
 
 
Ce qui avec quelques corrections et ajouts en rouge, donne ceci :
Je viens de regarder cet « Andenken, je pense à vous », de Christine Baudillon, avec, intégrées dans le film, des vues d’un assez surprenant Bordeaux, noir, de 1965,
l’année même où j’étais en Hypokhâgne (1964-65) au lycée Michel-Montaigne, dont le proviseur était …Jean Lacoue-Labarthe (Paris, 3 octobre 1914 – La Teste de Buch, 14 juin 1999),
le père de Philippe le philosophe (Tours, 6 mars 1940 – Paris, 28 janvier 2007),
mais aussi d’Antoine (né en 1946 ou 47) , qui était mon condisciple en cette classe d’Hypokâgne à Montaigne.
Oui, bien des fils viennent se croiser, se nouer, se filer…
Un peu plus tard, à la Fac, 
c’est Jean-Marie Pontévia (Montreux-Château, 27 janvier 1930 – Bordeaux, 27 octobre 1982) _ ami de Michel Deguy (Draveil, 23 mai 1930 – Paris 5, 16 février 2022), avec lequel je me suis entretenu chez Mollat le 9 mars 2017, sur son « La Vie subite » : podcast à écouter… ; et de Gérard Granel (Paris, 3 janvier 1930 – Cornebarrieu, 10 novembre 2000)… _ ;
Jean-Marie Pontévia, remarquable prof de Philo ainsi que d’Esthétique, qui nous a fait connaître ce poème, « Andenken« , de Hölderlin,
         et l’usage que fait Heidegger de ces mots : « Ce qui demeure, les poètes le fondent »…
         J’ai conservé tous les cours d’Esthétique de Pontévia.

Je commence par donner quelques précisions _ les ajouts ici en rouge _ à mon trop rapide courriel d’hier soir.
Et ensuite, plus tard, je commenterai ce très émouvant film-documentaire « Andenken, je pense à vous » de Christine Baudillon (avec la voix de Philippe Lacoue-Labarthe, en 2000),
et avec quelques images noir-et-blanc de Bordeaux _ avant tout ravalement de la ville… _ prises par Sylvain Dupasquier, en 1965 (!!!), qui n’ont pas manqué de me surprendre,
car on y voit les Allées de Tourny et la statue de Tourny, Place Tourny, sans y voir (!?!), justement, cet Hôtel Meyer, qui occupe tout le fond des Allées de Tourny, et tourne le dos à la Place Tourny (et à la statue de l’Intendant Tourny), où a résidé Hölderlin une partie des 102 jours qu’il a passés à Bordeaux en 1802,
entre le 28 janvier de son arrivée à Bordeaux et le 10 mai de son départ de Bordeaux pour retourner, à pied, en Allemagne…
Mais Sylvain Dupasquier, photographe, ne pouvait pas prévoir, en 1965, que c’est cet Hôtel Meyer qui nous intéresserait, toi, Pascal, et moi-même, en novembre 2022…
Cet Hôtel Meyer que je t’ai désigné d’un peu loin, mardi dernier, vers 16h 15, au coin, très aigu, du Cours du XXX juillet et des Allées de Tourny,
avant même de savoir, tout de suite après, que la pensée de la Garonne évoquée par le poème de Hölderlin, occupait à ce moment précis ton esprit !..
Wow !
Le consul Meyer disposait aussi d’une propriété à la campagne, le château de Fongravey, à Blanquefort, un peu au nord de Bordeaux : Hölderlin a dû y résider aussi, avec ses petites élèves.
Et très visiblement Hölderlin connaissait bien aussi cette colline de Lormont, avec quelques vestiges-ruines d’une tour du Prince-Noir, qui surveillait, de son surplomb autrefois guerrier, la Garonne ;
là où Christine Baudillon est venue planter sa caméra _ en quelle année ? en 2000 ! _ et a filmé ses deux panoramiques sur Bordeaux et la courbe de la Garonne, tout près de l’actuel Pont d’Aquitaine…
Quand avec mes parents et mon frère nous avons voyagé en Allemagne un peu plus tard que 1965, l’été 1967, en route vers Prague et la Bohème (dont Karlsbad), puis Vienne, 
nous sommes passés par Tübingen et avons vu, et j’y tenais beaucoup, la tour du menuisier Zimmer où Hölderlin (1770 – 1843) a séjourné les 36 années qui lui restaient de vie.
Voilà quelques uns des fils, tiens et miens, qui se recoupent donc…
À suivre,
Francis
P. s. : Entendre la voix de Philippe Lacoue-Labarthe, lisant sa traduction personnelle du poème de Hölderlin, c’est assez impressionnant… Et une voix qui parle, c’est important…
Surprenants sont donc ces divers chemins de nos mémoires respectives qui viennent de se croiser, une fois encore, généreux et impérieux Kairos aidant, à Bordeaux…
Ce lundi 28 novembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
P. s. :
en regardant très attentivement le lendemain matin, le très riche et passionnant film « Philippe Lacoue-Labarthe Altus« ,  produit en 2013, de Christine Baudillon et François Lagarde, consacré à Philippe Lacoue-Labarthe _ Tours, 6 mars 1940 – Paris, 28 janvier 2013 _, aux Éditions Hors Œil,
et dans lequel Philippe Lacoue-Labarthe
_ filmé le 20 juin 2000 au Centre Chorégraphique National de Montpellier ;
filmé en janvier 2001 sur la route menant à Waldesbach, au Ban de la Roche, dans les Vosges ;
enregistré le 7 mars 2001 dans les salons Albert-Mollat de la Librairie Mollat à Bordeaux ;
enregistré le 24 avril 2001 au téléphone depuis le Centre médical La Rouvière, à Valleraugues, dictant le texte du film… ;
filmé en juin 2001 à Montpellier ;
filmé en juillet 2001 à l’ïle Saint-Pierre, au bord du Lac de Bienne ;
et filmé le 13 juillet 2004 rue des Aiguerelles à Montpellier ;
et aussi,
mais en des prises de vue qui n’ont pas été datées dans le déroulé du générique final du film :
à Corniglia, sur les hauteurs de Saint-Moritz ;
à l’Université d’Iéna ;
à Sils-Maria, dans la maison où logeait Nietzsche ; à Surlèj, au bord du lac de Silvaplana, sur le rocher de l’Eternel Retour ; sur le lac de Sils, jusqu’à la presqu’île de Chasté, et à la pierre où est gravé le texte de « l’autre chant de la danse«  ;
et à Tübingen, sur les bords du Neckar, en face de la maison Zimmer dans laquelle Hölderin a vécu 36 ans…  _,
parle presque continument,
je découvre d’autres vues de Bordeaux _ que celles, moins nombreuses, retenues au montage du film de 2020 « Andenken, je pense à vous » _ prises par Sylvain Dupasquier en 1965, alors que celui-ci était élève de Philippe-Lacoue-Labarthe au Lycée Michel-Montaigne à Bordeaux.
Et sur ces images-là du film « Philippe Lacoue-Labarthe Altus« , cette fois, et à plusieurs reprises, nous pouvons enfin apercevoir, et sous plusieurs angles, le fameux Hôtel Meyer du bout des Allées de Tourny.
J’en déduis que l’absence _ un peu curieuse _ de ces images de l’Hôtel Meyer, où avait séjourné Hölderlin lors de son séjour à Bordeaux en 1802, provenait seulement d’un un peu malencontreux montage, qui, de façon assez surprenante, justement nous privait de lui, de sa belle et noble façade, dans le film tourné en 2000, mais achevé de réaliser et produit en juin 2020 : « Andenken, je pense à vous« …

En m’efforçant de suivre les étapes du passionnant parcours de recherche-penser en philosophe exigeant de comprendre au plus près la complexité enchevêtrée du réel, de Pascal Chabot…

26mai

En m’efforçant de mieux connaître, étape après étape, le passionnant et très éclairant parcours de recherche-penser vraiment en philosophe, de Pascal Chabot,

soucieux de comprendre au plus près, et avec le plus lucide recul possible, le réel, en le plus délicat et détaillé déchiffrement de la complexité de ses détails enchevêtrés,

et à la suite de mon article d’hier 25 mai « « ,

à propos de ce décisivement éclairant essai « Avoir le temps _ essai de chronosophie« , paru le 3 février 2021 ;

j’ai à la fois repris ses essais précédents, tous parus aux PUF _ et qui figuraient en ma bibliothèque personnelle _ :

« Global burn-out« , paru le 9 janvier 2013 ;

« L’Âge des transitions« , paru le 4 mars 2015 ;

« Exister, résister. Ce qui dépend de nous« , paru le 6 septembre 2017 ;

et me suis, aussi, immédiatement procuré son « Traité des libres qualités« , paru le 4 septembre 2019 _ cette parution ayant malencontreusement, et j’ignore pour quelles raisons, échappé alors à mon attention ! _ : un essai très riche et très fouillé ;

ainsi que son « Six jours dans la vie d’Aldous Huxley« , qui, lui, vient tout juste de paraître, toujours aux PUF, ce 4 mai 2022 :

éclairant lui aussi, et d’un autre biais, l’histoire de ce qui a pu concourir, à sa façon _ ici l’audace d’un penseur singulier très audacieux tel que Aldous Huxley (1894 – 1963)_ , à enrichir sa propre imageance, à lui, Pascal Chabot, de philosophe exigeant… :

Et ce très bref essai de 51 pages est un très bel et émouvant hommage à quelqu’un, Aldous Huxley, qui a bien essayé _ à la Montaigne, dirai-je _, de, en la vie, au jour le jour, année après année, de sa propre personne, « bien faire l’homme« …

Les derniers mots de cet essai, à la page 51,

rendent hommage aux « bulles d’air dont nous avons besoin pour ne pas étouffer sous la masse d’informations et de contraintes qui enserrent nos vies. Et c’est bien ce qu’est la culture : un vaste réservoir d’oxygène. Il est ainsi des passés qui vivifient le présent » et l’aident, non seulement à se connaître, mais aussi à s’inventer et un peu mieux se construire,

plus dignement et librement…

C’est ainsi que j’ai pu identifier quelques uns des outils de déchiffrement, donc,

que Pascal Chabot, essai par essai successifs, s’est peu à peu à la fois par sa propre imageance, ainsi que par hybridation à diverses lectures majeures qui l’ont nourri _forgés et donnés :

ainsi et surtout : « transition« , « libres qualités », et « schèmes« , tels que ceux de « Destin« , « Progrès« , « Hypertemps« , « Délai » et « Occasion » _ ou Kairos _etc.

À suivre…

Ce jeudi 26 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Plossu voyage (en Italie, et à Rome) avec Granet : une présentation-regard de l’aixois Alain Paire de l’Expo aixoise, au Musée Granet, « Italia discreta »…

02mai

Un charmant texte-regard de l’aixois Alain Paire sur l’Exposition aixoise, au Musée Granet, intitulée « Italia discreta« ,

et rassemblant des œuvres de François-Marius Granet et de Bernard Plossu,

deux arpenteurs tranquilles et passionnés _ et pudiques _ des mêmes discrètes beautés romaines…

Plossu voyage avec Granet

Petits formats, affnités et cousinages : sous les combles du musée d’Aix, un photographe intuitif croise un lointain précurseur de l’impressionnisme.

En préambule, on félicitera chaleureusement les conservateurs du musée, Pamela Grimaud et Bruno Ely qui ont inventé les séquences de cette exposition. L’équation n’était pas simple à résoudre, François-Marius Granet est le fls d’un maçon aixois qui découvre Rome en 1802. C’est un novateur discret, son goût pour les ruines et les vedute relève pour partie de l’Ancien Régime. Né en 1945, Bernard Plossu se considère comme un enfant de la Beat Generation et de la Cinémathèque de Paris. Pour ses apprentissages de jeune artiste, il cite Robert Bresson, Vittorio de Sica et Pasolini. Cette union libre n’était pas évidente, de grands écarts d’âge et d’époque séparent les protagonistes. L’insatiable passion qu’ils éprouvent pour les voyages et les séjours en Italie ne suffisait pas pour qu’ils dialoguent.

Avec ses poutres et ses découpes d’espaces inattendus, la structure de l’ultime étage du musée _ le Musée Granet _ de la rue Cardinale est propice. Ce dossier impliquait des rapprochements rigoureux, de l’élégance et de la précision, rien qui soit lourd et démonstratif. La surprise et l’enchantement sont au rendez-vous, les petits et les moyens formats se succèdent : souvent minuscules, une centaine de noirs et blancs accompagnent les teintes assourdies de vingt tirages Fresson _ qui me plaisent personnellement tant… Chez Granet, voici soixante lavis rehaussés de brun, des aquarelles et des dessins fnement encadrés. Dans les photographies, exception faite pour quelques silhouettes furtives – des jeunes femmes, les passagers d’un bus, l’apparition d’une robe de moine – les présences humaines sont _ comme le plus souvent dans l’oeuvre de Plossu _ infimes. La précarité, la ferveur ou bien la légèreté peuvent surgir. On est sur un col de haute-montagne, dans les jardins de la Villa Adriana, en Toscane, ou bien à Vérone. Une fois de plus, voici « ce qu’on ne peut toucher autrement qu’en prenant des photos », l’improbable « courant d’air doux » désigné par Denis Roche quand il commentait Le _ plossuien _ Voyage mexicain : Guillaume Geneste en est témoin, Plossu « dépose tous les jours… un peu plus qu’il ne prend ».

On chemine parmi les chemins de crête, les arrière-cours, les placettes et les ruelles de l’accrochage. On ne capte pas une totalité _ mais toujours des interstices _ : les strates, les réponses et les détails de ces miniatures sont innombrables. Les rênes du sismographe _ du cadrage _ sont fermement tenues, Plossu confesse les éventuelles lacunes de son inventaire : des interlocuteurs qu’il rencontrera plus tard, les Dolomites pris par la neige, Urbino qui l’a toujours fasciné, la ville natale de son arrière-grand-mère.

Pour mieux comprendre l’Italie, des livres et des peintures

L’Italie est captivante. Elle ne se donne pas immédiatement. Appréhender et traduire les particularités d’un territoire procède aussi de la lecture. En vitrine, confectionnée avec des livres modestes que Plossu affectionne, une bibliothèque intime se dévoile : on aperçoit des pages de garde griffonnées, Cesare Pavese, Vincenzo Consolo, ou bien Antonio Tabucchi en édition de poche, des ouvrages dont les titres et les maquettes suscitent immédiatement l’adhésion, Les routes de poussière de Rosetta Moy, Un hiver à Rome d’Elisabetta Rasy _ notre amie romaine _, La mer couleur de vin de Sciascia. Dans une seconde vitrine, des références picturales indiquent que la liberté la plus farouche, les décentrements et les impulsions natives n’empêchent pas une acculturation de tous les instants. Plossu connaît bien _ en effet _ la peinture métaphysique italienne avant Mussolini. Pas seulement Corot, Morandi ou De Chirico.

Une exposition dédiée à celle qui vient de partir _ Françoise…

Granet vécut en Italie pendant presque 25 ans. En son époque, Rome était une cité meurtrie et déclinante de 130.000 habitants qu’il parcourait à cheval ; les monuments antiques étaient envahis par les herbes et les troupeaux. Des vues de campagne, des tours crénelées, des couvents, des fragments du Colisée envahis par les arbres fgurent parmi ses motifs de prédilection. Avec davantage de liberté et de subjectivité, une attention _ voilà, et ses saisies au vol _ identique se manifeste chez Plossu. Ce qui le distingue de ses prédécesseurs, ce sont les accélérations et les coupes de son tempo, la rapidité-fugacité _ Kairos complice _  de ses intuitions : des jeux d’ombres et de rêve, la lumière et la mémoire transforment le réseau des apparences.

Une personne lui manque _ désormais _ infiniment. Pendant la visite de presse, ou bien au téléphone, Bernard Plossu raconte sobrement son déchirement et son immense chagrin. Sa compagne depuis 1980, Françoise Nunez, la mère de ses deux enfants, l’a quitté le 22 décembre 2021. Un cancer a précipité sa vie, elle avait 64 ans. Une complicité rigoureusement magique leur permettait de travailler ensemble. Plossu repérait parmi ses planches-contact les images qu’il fallait développer, Françoise Nunez dont on évoquera l’œuvre photographique dans un autre article, traduisait magistralement les nuances des tirages de Bernard : « Elle avait l’intelligence du gris » .

Alain Paire.

Jusqu’au 30 août, Italia discreta, musée Granet, Aix-en-Provence, ouvert du mardi au dimanche, de 12 h à 18 h,

Catalogue, éditions Filigranes, 29 euros.

Ce lundi 2 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

En revenant méditer, avec un peu de recul, sur le passionnant, très riche et très fluide, entretien que j’ai eu la chance de mener le 25 mars dernier avec un interlocuteur de la qualité d’intelligence, de sensibilité et de culture tel que Karol Beffa…

10avr

Le visionnage attentif, à diverses reprises, du passionnant très riche et très fluide entretien que j’ai eu, sans public présent le 25 mars dernier, entre 13 et 14h sur la scène éclairée de la très vaste salle de la Station Ausone, obscure et très calme pour l’occasion, avec Karol Beffa, à propos de son déjà lui-même très riche et très clair livre de réflexion-méditation _ et commentaires extrêmement judicieux… _ « L’Autre XXe siècle musical » (aux Éditions Buchet-Chastel),

m’apporte, par divers _ et chaque fois plus nombreux _ infra-détails, qui, peu à peu, et uns à uns, adviennent ainsi, par surprise advenant _ par la grâce de l’incisif, généreux et tranchant, Kairos _ au regardeur-écouteur à chaque attentive nouvelle vision de la vidéo, à une prise de conscience, de nouveaux éléments de paroles _ mais aussi expressions du visage _ de Karol Beffa, qui viennent enrichir chaque fois un peu davantage ma propre réflexion _ in progress _ de regardeur, après avoir été un interlocuteur _ comme ce que vient offrir, aussi, au lecteur attentif la lecture attentionnée et méditative de la succession des lignes et pages d’un livre… _ ;

et c’est bien sûr là un des multiples avantages et ressources  _ et pas les moindres _ d’une telle archive vidéo ou podcastée, à consulter, en sa disponibilité présente, là, et conservée, afin de pouvoir, tout à loisir, y revenir méditer et approfondir, au calme fécond du silence propice à la méditation du chez soi, peu, ou un peu plus longtemps, après le feu d’artifice exaltant de l’échange improvisé sur le champ et à vif des paroles de l’exaltant entretien-conversation que nous avons eu ce 25 mars là en cette Station Ausone bordelaise…

Depuis cet entretien du 25 mars dernier

_ et auparavant, déjà, au fil de mes lectures et relectures successives de ce petit trésor judicieux que constitue ce si riche et très clair « L’Autre XXe siècle musical« ,

le 6 mars, à propos de l’admirable mélodie « Hôtel«  de Francis Poulenc, telle que la commente Karol Beffa, cet article-ci :  ;

puis le 22 mars, à propos de tout l’œuvre de Reynaldo Hahn abordée par le regard affuté, tant analytique que synthétique, de Karol Beffa, cet article-la : _,

j’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises déjà, de livrer, sur ce blog quotidien « En cherchant bien » dont en toute liberté je dispose, diverses infra-réflexions, dont voici les liens d’accès :

_ le 26 mars : 

_ le 27 mars : 

_ le 28 mars : 

_ le 30 mars : 

_ le 1er avril : 

_ et le 7 avril, afin de donner le lien à la vidéo de l’Entretien publiée et désormais accessible : 

Il me semble donc que la présente réflexion à mener sur ce que viennent m’apporter, sur le fond, les successifs visionnages de cette riche vidéo de notre Entretien du 25 mars dernier, doivent démarrer sur ce qui me semble constituer le projet de base de ce livre, « L’Autre XXe siècle musical« , de Karol Beffa, soit sa signification même, qui  me paraît être de lever urgemment quelques obstacles fâcheusement inhibiteurs d’une création musicale contemporaine bien plus ouverte et joyeuse, et heureuse ;

ainsi que le public auquel ce livre me semble destiné d’abord en priorité : celui de nouvelles générations de compositeurs jeunes, à encourager, stimuler dans (et à) la joie, et ouvrir à des créations bien plus ouvertes et décomplexées ; le public des mélomanes curieux et ouverts (et hédonistes), lui, venant immédiatement en second…

Il s’agissait donc pour Karol Beffa, et c’est parfaitement explicite, de corriger la partialité, le sectarisme et les terribles injustices de la doxa dominante en matière d’histoire de la musique du XXe siècle _ cf le « La Musique du XXe siècle » publié en 1992, et constamment republié depuis, dont Karol Beffa a eu entre les mains un exemplaire en 1997, à l’âge de 24 ans… _, caractérisée par une conception adornienne de l’Histoire même _ héritée par Adorno de Hegel _et de la discipline qui en rend compte _ ici pour la musique _, l’histoire d’un irréversible et nécessaire uniforme progrès _ ici en l’occurrence musical… _, qui, par ses accents péremptoires _ pire qu’intimidants : carrément castrateurs ! _, rejette impitoyablement aux poubelle de l’Histoire tout ce qui ose s’écarter de la voie magistrale impériale _  et voie unique de l’Avenir _ vers toujours davantage de la radicalité idéale affirmée triomphante par ces idéologues sectateurs, coupant sans pitié les moindres rejets s’écartant du tronc unique, comme constituant de vaines pièces stériles, hors de la voie unique de la glorieuse postérité à venir…

Et c’est donc aussi en tant que lui-même compositeur en voie d’oser créer sa propre musique, œuvre après œuvre, comme improvisation après improvisation, à la recherche de sa propre singularité musicale, qui apprend à oser aussi faire son miel _ par naturelle hybridation joyeuse _, via un formidable appétit de curiosité et ouverture à toutes les musiques disponibles, de très multiples et très divers riches éléments de compositeurs très variés, dans le passé comme dans le présent de la musique, et ici et là, de par le monde, par tranfiguration de tout cela, ludiquement et joyeusement _ à la façon de l’évidence la plus naturelle et bondissante d’un Mozart… _, que s’adresse aussi à lui-même ici Karol Beffa, de tels encouragements à oser créer avec toujours plus d’ouverture et plus de confiance et de joie…

 

Et il me semble que, à cet égard, le chapitre consacré à Nadia Boulanger _ aux pages 93 à 123 _ fonctionne dans le livre comme l’avertissement d’un écueil _ démesurément et à tort intimidant et carrément castrateur, au final, dans le cas malheureux de Nadia Boulanger, qui cessa de composer en 1920, elle n’avait pas 32 ans…  _ à éviter et surmonter pour ne pas se laisser abattre par un Idéal du Moi – Sur-Moi par trop inhibiteur d’œuvre propre et singulière _ vaillance et courage (versus paresse et lâcheté) étant les conditions nécessaires de la sortie, même une fois devenu adulte par l’âge, de l’état de minorité réductrice, ainsi que l’affirmait splendidement Kant en ouverture de son indispensable « Qu’est-ce que les Lumières ?« 

Tout créateur _ y compris de (et en) sa propre existence d’humain, au quotidien des jours _ doit, outre la vaillance au travail et son patient artisanat _ à la Ravel _ apprendre le courage d’oser !

De même, inversement, le chapitre consacré aux Minimalistes américains, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, John Adams _ aux pages 161 à 180 _, ainsi que, plus spécifiquement encore, celui, très détaillé _ aux pages 181 à 200 _, consacré à ce chef d’œuvre qu’est l' »El Dorado » de John Adams (en 1991), présentent des exemples pleinement positifs de créations _ américaines, donc, d’abord _ parfaitement et très heureusement décomplexées, et donc tout à fait encourageants, d’ouverture et d’hédonisme heureusement débridé et joyeux, pour sa propre œuvre à venir oser laisser naître, enfanter et former, et donner à partager, pour Karol Beffa lui-même en tant que compositeur, comme, aussi et surtout, pour les jeunes futurs compositeurs de l’assistance auxquels ses « Leçons » à l’École Normale Supérieure s’adressaient au départ _ et c’est sur la pirouette rieuse de cette note heureuse de joie musicale de création osée réaliser, qu’a été conclue, au montage, la vidéo de notre Entretien…

Et à plusieurs reprises j’ai pu percevoir ainsi, à divers re-visionnages de la vidéo, certains sourires rieurs de Karol Beffa…

À suivre…

Ce dimanche 10 avril 2022, Titus Curiosus, Francis Lippa

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