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Et maintenant au tour du chapitre « Max und Moritz, et ma mère », ou la remontée à la toute première source, en novembre 1942, du somptueux réalisme tragico-hilarant d’Hélène Cixous ; parce que « Guerre est le combustible de la littérature » et « l’écriture, c’est la guerre » ; ou le désopilant hyper-réalisme du tragique cixoussien…

18nov

En mon article d’hier dimanche « « ,

j’ai commencé à anticiper, par une citation un peu développée, ce que déploie, de la page 94 à la page 112, le chapitre « Max und Moritz, et ma mère« , et qui va, au passage, donner mine de rien au livre son titre : « Et la mère pond vite un dernier œuf » : son caractère formateur, sans le vouloir de la part de la mère-montreuse-de-marionnettes et narratrice aussi d’onomatopées significatives, ventriloquant les personnages de Max und Moritz de Whilelm Busch pour distraire ses deux enfants, Hélène et Pierre, des bruits terrifiants de la guerre au dehors de leur appartement du deuxième étage du 54 de la Rue Philippe à Oran, au mois de novembre 1942…

Et re-voici donc ce passage in fine décisif pour le titre élu et retenu par l’autrice de ce livre-recueil :

« J’ai commencé à réfléchir _ à l’âge de 5 ans, déjà _ sur les mystères du texte et les secrets _ des charmes envoutants _ de la littérature, rue Philippe à Oran pendant la guerre, en suivant ma mère en visite chez ces vauriens de Max et Moritz. Moi qui hurlait quand on me donnait l’ordre de manger un peu de poulet, une rareté précieuse sur une table famélique, je dégustais avec ravissement les vers suivants _ de Wilhelm Busch _ :

Hahn und Hühner… Coq et poules avalent l’hameçon

Les voilà pendus à la dure branche de l’arbre

(…)

Le cou des quatre pendus s’étire démesurément, leur chant s’angoisse également. Et ce qui me fait mal à crier me séduit par la musique des mots _ voilà ! de l’importance du jeu infiniment charmeur des signifiants sur les signifiés, et qui plus est dans la confrontation d’une langue à une autre… Les poules meurent en chœur, rime rime avec crime, les vers tapent du pied. J’avais beau hurler d’angoisse jusqu’au ciel avec les poules _ en passe d’être, sur le champ, massacrées : c’était en novembre 1942, à Oran, 54 rue Philippe, qu’Hélène, 5 ans, écoutait ainsi sa mère jouer-incarner en marionnettes confectionnées de sa main les contes tragico-archi-comiques de « Max und Moritz » (1865) de Wilhelm Busch (1832 – 1908)…  _, en tant qu’œuf  _ sic ! _ j’étais contente que ma mère ponde vite une dernière fois » : des bombes pleuvant alors dru, ce mois de novembre 1942, lors de l’Opération de libération Torch, sur Oran.

Et à la page 104, encore ceci qui éclaire encore d’une rincée, une louche, ce titre du recueil :

« Dans sa chambre ma mère centenaire _ Eve Klein (Srasbourg, 1910 – Paris, 2013) mourra le 1er juillet 2013, âgée de 103 ans  _ ne lit plus que Max und Moritz. Elle se prend pour une poule prête à _ et près de _ trépasser. Mais il y a dans ces images insupportables _ de Wilhelm Busch _ de quoi la faire pondre de rire.

Ce que m’apporte _ me révèle _ Wilhelm Busch : le rire dans l’horreur »…

Ce nouveau chapitre-ci s’inscrivant parfaitement, lui aussi, à son tour, dans la veine auto-explicitante _ mais en rien, surtout pas, didactique : tout vole et rit ici…  _  de l’œuvre entier _ et c’est considérable ! _ d’Hélène Cixous, que constitue ce recueil d’apparence a priori un peu composite de 11 textes-chapitres _ selon la présentation même de l’éditeur, en note d’avant-propos de précaution, à la page 9 du livre _, en en présentant le caractère comico-tragique…. 

Voici le début-cadre de ce récit, aux pages 94-95 :

« Dehors, c’est la guerre. Après l’alerte de la nuit les sirènes ont lancé leurs youyous dans l’air noir percé de feux de Bengale de la DCA _ des troupes vichystes qui tiennent la ville et ses forts _, la Ville _ d’Oran _ fait encore l’escargot, il n’y a personne dans les rues, sauf les jeeps. Dedans _ dans l’appartement du deuxième étage Cixous-Klein-Jonas du 54 rue Philippe _, il fait donc chaud et tendre, comme si l’on venait de naître, le monde est un gâteau encore tiède, l’enfance _ Hélène a 5 ans et son petit frère Pierre tout juste 4 _ c’est le paradis encerclé par la mort, un délice. Désormais il y aura toujours _ voilà ! à vie… _ pour mon for intérieur cette terre à deux univers. Hier mon frère _ petit Pierre _ a été écrasé par une jeep sur la Place d’Armes, et il n’est pas mort. Il a été couronné petit malade principal _ à dorloter _ de la maison. C’est pour lui que ma mère devient d’un jour à l’autre metteuse en scène, auteur de théâtre et Grand Maître du Livre _ qu’elle interprète pour ses enfants. Alors elle crée. En premier lieu, elle fabrique l’homme. Puis la femme. Ce sont des marionnettes qui ont la dimension de sa main. Le peuplement croît vite. Le théâtre du monde est dans la chambre. Entrent tous les personnages de Shakespeare et des Grecs, parmi lesquels plusieurs paires de Roméo et Juliette, un Hitler complet un seul, deux professeurs avec lunettes et sans, une concierge avec balai pour balayer les débris des personnages _ battus et abattus _, une Bécassine anti-Hitler, et en haut de l’affiche Max et Moritz, sacripants, et désormais nos éternels inséparables. Les tréteaux, c’est le pied du lit du blessé. Le répertoire est bilingue, en vedette l’allemand et le français, compères lurons, joyeux larrons, l’un parlant l’autre, avec l’infime sel d’un accent, l’un tirant la langue à l’autre. Et la voix grave de Maman. Ce fut alors que Maman nous présenta le Créateur de la Littérature. C’est un Satan pour enfants, un dieu moqueur, un savant, un satyre, un généalogiste de l’amorale, et ce fabuleux philosophe-artiste, chantre de l’art pour lard, ma mère, qui l’a eu pour pédagogue, l’appelle Wilhelm Busch, dans sa langue. Dans notre langue il s’appelle Vilaine Bouche. Qu’est-ce qu’il y a dans un nom ?

Je dois tout _ confie ici Hélène écrivaine _ à Wilhelm Bouche, tout ce qui fait le brouet enchanté. Dès qu’on l’a goûté il transfigure la réalité en littérature. Qui en a pris une louche au premier tour, en aura sur la langue, et donc jusqu’à la cervelle, le piquant, le souffle, la recette, les mots et clés de la littérature, jusqu’à son dernier jour _ voilà, voilà. Wilhelm Bouche c’est Rimbaudelaire interprété _ voilà : joué et incarné _ par ma mère au 54 rue Philippe à Oran, c’est-à-dire , avec une pincée d’accent allemand volontaire, Reinbotdelehr. Saint démoniaque, Busch est le chroniqueur sans peur ni proche des malheurs et méfaits de la petite humanité. Il en montre tout le mal possible. Le monde entier est un cirque, pense-t-il et einszweidrei, en un mot tous les maux, comme le dit l’allemand, berceau linguistique du génie d’Einstein, celui qui fait d’une pierre Ein Stein à tous les coups _ qu’est-ce qu’il y a dans un nom ? _ en piste ! et tout un peuple de benêts, de petits monstres, de maltraités, oncles, tantes, animaux, bourreaux, se presse dans ses spectacles en vers et en images  » _ voilà le décor splendidement reconstitué et planté.

Et le récit continue ainsi page 96 :

« La cruauté est la clé de l’homme _ nous y voici donc… La vengeance est un pain quotidien. Bons sentiments : zéro _ éliminés à plate-couture. Chacun est armé contre la justice avec les moyens du bord. On vole. Un dos tourné : on saute sur l’occasion. Une mare ? On y noie ce monsieur, ou cette demoiselle. On mord. On meurt à qui mieux mieux et pas n’importe comment.

(…)

Max et Moritz, nos affreux petits camarades, sont à tort et à tue avec tout ce qu’ils peuvent zigouiller sans distinction de sexe ou d’espèce, pas une poule _ tiens, les voici déjà… _ qui échappe à leur jubilation, jusqu’à ce que leur propre mort s’ensuive. Après tout, ils ont eu droit à bien des pages, au suivant !«  _ et c’est bien sûr désopilant.

Et pages 97-98 :

 « Il n’y a rien à manger, dit ma mère _ ce mois de novembre 1942 à Oran _, sauf des vers. Tout le monde se régale. Ce qui est étrangement étonnant, c’est que, la bouche pleine de vers et de côtelettes de chien, on pouffe de rire de ces horreurs _ voilà. La littérature, c’est ça ? Avec la même scène, Euripide me tire des frissons, avec Sophocle je pleure, Busch me fait rire aux larmes. Comment expliquer cela ? _ et dans le jeu de la prose d’Hélène Cixous sans cesse ces modes et styles en permanence se chevauchent et rebondissent, pour notre formidable jubilation !..

_ Demande à ce convive familier. C’est le jeune Sigismund Freud. Lui aussi est un élève _ lecteur fervent _ de Wilhelm Busch.

C’est en suivant les farces atroces de Max et Moritz que le lycéen a fait l’expérience des mystères de la Prime de Plaisir. Où l’on peut jouir, sans culpabilité, de tout ce qui se moque de tous les commandements. Sans Busch, pas de psychanalyse, Les pulsions s’en donnaient à chœur joie chez les deux Bösenbuben, Max et Moritz Vilains Vauriens nos semblables nos frères. Pour les enfants c’est un festin. Le Chef  Busch, c’est Homère pour les petits, à chaque chant son jet de sang ». 

Et c’est ici, à la suite immédiate de ce passage, que prend place, pages 98-99, la longue citation déjà donnée en mon  article précédent, de la pendaison des poules, et le dernier œuf vite pondu de la mère, qui va donner son titre plutôt comique à l’ensemble du recueil…

Puis :  « dehors c’est toujours une autre guerre. Bang ! dehors ! Plump ! Platsch ! dedans ! La fin de Max et Moritz c’est La Colonie Pénitentiaire _ de Kafka, mais lui aussi est d’un constant monstrueux irrésistible comique !.. _ pour écoliers du primaire, la machine à débiter les polissons est nettement plus rapide que l’invention sophistiquée de la colonie, car elle est adaptée à l’économie libidinale toujours hâtive _ certes _ des criminels de sept ans, ceux qui tirent la langue aux passants, torturent les animaux et passent d’une farce à l’autre les deux poings dans l’aine. Et ma mère en fouettant Busch avec Rimbaud, écrit l’aîne avec un h au crayon _ dans le livre même.

Quand dehors ça canarde et dedans ça rime avec poignarde, que la mort est Herr Tod, le voisin au balai impassible, c’est la première comédie de ma vie _ à 5 ans. C’est une tragédie. Qu’une tragédie soit une comédie, c’est une tragédie. Qu’une comédie soit une tragédie refoulée, Wilhelm Busch le formule ainsi : « Das Gute _ dieser Satz steht fest _ / Ist stets, was man lässt  » Comment traduire lässt ? se demande ma mère« 

Et le texte se poursuit, page 100 :

« Ma mère lit Wilhelm Busch acrobatiquement. Jongle un mot avec un moqueur prochain. Avec oreille et énergie. Les vers militent, les bombes tonnent. Cravachés par sa voix grave les sons courent après les sens. L’allemand sautille avec une gaieté de chat botté. A tout moment il peut se retourner en français. Quel plaisir quand les frontières violemment barbelées en « réalité » se trouvent allègrement déjouées par des accords de coopération linguistique. Entre êtres vivants, les parlers sont naturellement translingues, ainsi s’ébattait Wilhelm Busch, il y a déjà plusieurs grandes guerres de cela, entre chien et humain comme entre allemand et français, on s’entendait bien en s’entretraduisant,

« Alleh, Plisch und Plum, apport ! »

Tönte das Kommandowort.

Les vers français langourent moins, ils attrapent une certaine vigueur militaire que l’allemand leur inocule. Ces deux-là sont des compères, ils se foutent la paix dans la figure. Je n’imagine pas jouer l’un sans l’autre. L’horrible est pire s’il est furchtbar, la catastrophe est trochaïque. Ach ! Comme la mélodie d’une langue nous embobine _ dont acte.
A Oran sous la guerre, sous la musique de ma mère, j’en ai fait l’expérience, tout ce qui ne peut pas se dire, peut se dire : il suffit d’
écrire, c’est-à-dire traduire, ce qui ne peut pas se dire en français peut en s’étrangeant se faire entendre autrement outrallemant.

Avec ma mère, « traduire » n’aua jamais été que bondir en extraordinaire liberté, je veux dire « bondire », ne jamais parler en moins de plusdunelangue rire d’un mot avec l’autre, néologer à volonté, d’une trouvaille idiomatique faire deux coups de couleur, elle ne traduit pas, elle ne met jamais une langue au service de l’autre, il s’agit toujours d’une danse _ voilà : effervescente _, d’un pas de deux, d’un acccroissement de plaisir _ oui _, d’une taquinerie, d’une émulation, d’une prime de séduction, suis-moi ! dit le français à l’allemand, sois-moi (sois toi) aussi sûrement infidèle dit l’allemand aussi librement fidèlement _ file devant, plaisante-moi _ qu’un trapéziste à ses trapèzes, avec les petites difficultés jongle, elle ne traduit pas elle joue des deux  » : ça virevolte très effectivement, et c’est magnifique !

Et un peu plus loin, page 102 :

« Tout se passe avec guerre. Pas de guerre sans résistance, sans guerre à la guerre, sans fuite, sans interventions de liberté, sans ruse. Et sans littérature. Pas de jeu de mort sans jeu de mot. Et pas de littérature sans les nerfs de la guerre, les énergies furieuses, les colères, et les révoltes contre les condamnations et les injustices. Guerre est le combustible de la littérature _ voilà, voilà. Ma mère ne connaissait pas Homère, mais elle l’était _ lire ici l' »Homère est morte » d’Hélène Cixous, paru en 2014. A Osnabrück et environs c’était l’Iliade recommencée et par la suite pour ma mère, son peuple et ses familles, c’était l’Odyssée. La route est très accidentée, à chaque halte on perd des membres de l’équipage.

A la fin ne reste que celui que le sort a choisi pour faire le récit des nombreux chapitres de la ruine _ le témoin ultime, s’il survit et témoigne. Puis le reste est silence« , page 103.

Et page 108  :

« A Oran, faute de merles on mangeait les vers de Busch. Qui dort dîne, ma mère a appris le dicton et nous met au lit pour le dîner. Sans pain, sans beurre, mais pas sans Wilhelm Busch. (Cependant à Theresienstadt, la famille… sans son chien à manger, mais je l’ai déjà conté.)

La vie est une fatalité d’ironie dramatique, un enchaînement de chances qui ébranlent le sens _ c’est superbe ! Nous sommes des mouches pour les dieux garnements, as flies to wanton boys are we to th’gods (ils jouent à nous tuer) ils nous tuent pour s’amuser. Comme le dit Wilhelm Busch. Il s’amusent à nous tuer.

ça valait la peine que mon frère se fasse écraser par la jeep : à la fin on s’en tirait« .

Quelle leçon ! et pas seulement de style !

Ce lundi 18 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Enchantement ébloui du nouveau Hélène Cixous : le délicieux, effrayant et hilarant tout à la fois, et justissime d’écriture, « Et la mère pond vite un dernier oeuf »…

10nov

Spécialement adressé à mon nom à l’adresse de mon libraire préféré, et avec dédicace « pour Francis Lippa grand lecteur de cœur, Hélène avec Haya et Isha« , et déposé, m’attendant, au rayon Musique,

le tout nouveau Hélène Cixous, « Et la mère pond vite un dernier œuf« , se révèle à nouveau et immédiatement, dés les trois premiers chapitres _ « L’an 2021 nuit« , « La vie est une chasse » et « Je n’ai pas été en c. c.« … _ que je viens de commencer à lire avec jubilation ce dimanche, d’un enchantement absolu…

De nouveau, cette merveilleuse intelligence si aiguë et justissime ô combien ! jointe à un style éblouissant et à surprises constantes, d’une page à l’autre, d’une ligne à l’autre, d’un mot _  joué, très souvent, en son « rêvoir« … _ à l’autre…

Je ne peux m’empêcher de m’empresser de le signaler tout de suite, dès la lecture, déjà, de la page 29 _ puisque c’est là que j’en suis, pour l’heure, en ma toute première lecture de ce nouvel opus (vite ou pas vite ?) « pondu » par Hélènee Cixous : d’autres lectures-relectures suivront, bien sûr, afin de poursuivre et continuer encore, toujours un pas de plus plus loin, et parfaire, à notre tour, en notre jouissif exercice du lire, la joie infiniment renouvelée des déchiffrages des multiples cryptages de cet écrire poursuivi, en chacun de ses livres, tellement suivis ou plus exactement entre-suivis, l’un après l’autre, et plus encore l’un avec l’autre (ainsi faut-il vraiment tout lire ! et on ne le regrettera fichtrement pas !..) en un opus in fine unique, comme pour Montaigne ou pour Proust, d’Hélène Cixous, au nombre desquels cryptages ceux de l’Inconscient follement joueur, malin, ludique, avec lequel l’autrice joue aussi et d’abord elle-même en son fécond « rêvoir« , après en être elle-même consubstantiellement jouée, en ses rêves nocturnes qu’elle reprend et amplifie de sa propre imageance, en cet actif-passif et follement éclairant « rêvoir« , donc, auquel, de livre en livre, Hélène Cixous se livre,, en la jouissance peu banale, et même réellement extra-ordinaire, du propre plaisir, au présent constamment activé et jubilatoirement ré-activé, de son si passionnant écrire et ré-écrire, à son écritoire fidèle, et en la reprise-lecture-ré-écriture retissée, telle la Pénélope d’Ulysse, de ses anciens cahiers d’écrire ardemment ainsi relus et re-fouillés, et autres carnets de bord, emplis de noms de parents et cousins Jonas (d’Osnabrûck), d’Eve Klein, sa chère et si dynamique mère, infiniment présente et archi-fidèlement revenante, elle même si joueuse et infatigable voyageuse-marcheuse-arpenteuse de par le monde entier, jusqu’en Australie et Nouvelle-Zélande, toujours avec son inusable sac-à-dos et chaussée de ses inusables godasses de marche, et cela jusqu’en son ultime vieillesse de centenaire (Strasbourg, 14 octobre 1910 – Paris, 1er juillet 2013)… : « tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , dirait notre cher Montaigne, ainsi que la force et l’énergie d’un souffle de vie, tellement positive : soit les « pulsions de vie » arquées face à la « pulsion de mort« , dirait Freud, pour ce qu’il en est de cette folle fécondissime et géniale énergie d’écrire, et cette fois-ci en ce tellement réjouissant jouissif « Et la mère pond vite un dernier œuf » d’Hélène Cixous (Oran, 5 juin 1937)… _ sur les 137 pages que compte ce livre si délicieux et effrayant tout à la fois de vérité, et suprêmement hilarant, aussi, forcément, face au constat hallucinant des catastrophes qui ne manquent pas de se succéder, à la fois identiques et à la fois autres, chaque fois particulières _ et même singulières _, clamés, de temps en temps _ Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Paul Celan, Vann Nath (page 25), Primo Levi (page 26), et aussi Piotr Rawicz, et puis Imre Kertész, Edith Bruck, etc. _, d’une langue de témoin à une autre langue de témoin de ces successives répétitives catastrophes, et nous tomber dessus, au coin de maintes rues, emportant et mordant et accablant tant et tant de malencontreuses proies qui n’en ont pas échappé _ quand d’autres, qui, eux, ont réussi, comme miraculeusement, à s’en sortir, en gardent pourtant à vie, sans rémission ni guérison jamais, de permanentes cicatrices-séquelles toujours à vif… _ , au passage de leur folie, dans les tourbillons sauvages barbares diablement malins de l’Histoire mondiale, qui n’en sont certes pas, et à jamais, à un vilain tour de cochon près…

« La vie est une chasse, dis-je.

Je suis un lièvre. Pas grand. Je dévale la longue pente blanche à toute vitesse. Si une neige, elle n’est pas froide, ou bien je ne la sens pas. À toute vitesse une grosse pintade me poursuit pour me mettre à mort. La pente est raide. Elle a ses limites. Même si je cours comme l’éclair, il n’y a nulle part où se cacher. Je me retourne, je suis en bas, je suis acculée, je vois l’ennemi, fondre bientôt sur moi. Un dernier recours : terrifier l’ennemi. Il me faudrait un pistolet, l’abattre, je n’ai pas d’arme, ou bien pousser un tel cri qu’il soit épouvanté. Mais les lièvres n’ont pas de voix. Seulement un rêve de cri. Faute de cri, je me brandis moi-même, je deviens petit, noir, dur comme une balle, je vise, puisse l’ennemi me prendre pour une arme, mais pour l’instant l’animal qui charge ne semble pas me voir changée en munition, je n’ai plus d’espace, la distance entre nous diminue, je suis au bord du rêve, au bas de la page je vois ma fin, s’approcher, c’est une grosse pintade grise.

Fin du lièvre. Reste le livre. » , page 14.

Ce dimanche 10 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le bonheur d’un magistral Francesco Corti en un resplendissant magique CD Arcana « Domenico Scarlatti – A Man of Genius » : un éblouissement du plaisir d’imageance folâtre du compositeur !

01oct

Domenico Scarlatti (Naples, 26 octobre 1685 – Madrid, 23 juillet 1757) est un compositeur au génie musical unique ; et Francesco Corti (Arezzo, 1984) est un claveciniste magistral !

Nulle surprise, par conséquent, et paradoxalement !, en l’éblouissement confondant _ waou !!! _ de ce resplendissant absolument magique CD Arcana A 568 « Domenico Scarlatti – A Man of Genius – Sonatas 1752-1753 » _ regardez cette toute récente brève vidéo de présentation du CD (de 3′ 47) par le flamboyant Francesco Corti lui-même, à Royaumont ; ainsi que cette autre d’un bref extrait (de 1’11, seulement…) de son interprétation, toujours à Royaumont, de la Sonate K. 242, Vivo… _,

enregistré du 4 au 6 décembre 2023 à l’Abbaye de Royaumont, sur un clavecin du cher Philippe Humeau de 2002 _ à Barbaste _, d’après des modèles italiens, prété pour cette occasion par l’ami Bertrand Cuiller,

et pour un choix-florilège de 16 Sonates totes conservées sur des manuscrits _ de quelle(s) main(s) ?… _ datés de 1752 et 1753 conservés à la Bibliothèque Marciana de Venise et à la Bibliothèque Palatine de Parme.

Et qui semblent, ainsi intentionnellement transcrites couplées deux par deux, faire partie d’une période de somptueuse maturité (1742 – 1752) de l’œuvre pour clavier _ de possiblement 555 Sonates… _ du compositeur, Domenico Scarlatti,

dont l’historique de la publication de l’œuvre continue de faire question pour les musicologues, ainsi que le rapporte en son très détaillé article de présentation de ce choix de 16 Sonates couplées deux par deux _ K. 208 et K. 209, K. 213 et K. 214, K. 215 et K. 216, K. 217 et K.218, K.219 et K. 220, K. 242 et K. 243, K.244 et K. 245, K. 248 et K. 249, dans le catalogue Kirkpatrick… _, « Scarlatti, l’accord des contrastes », Marco Moraighi, aux pages 10 à 14 du très intéressant livret de ce splendide CD Arcana A 568…

Le second article du livret de ce CD, intitulé « Un homme de génie » _ à partir d’un qualificatif, en 1773, de Charles Burney _, aux pages 15 à 17, est tout aussi passionnant sur l’idiosyncrasie très remarquable et tellement évidente du mode d’invention débridé, hors normes, de la composition de ses Sonates par Domenico Scarlatti ; et il est de la plume de Francesco Corti lui-même :

« Excellent maître des jeux, Scarlatti, la plupart du temps, nous étonne et nous amuse _ et même nous enchante et  passionne ! _ avec une inventivité _ absolument libre et radieusement joyeuse… _ qui semble infinie « ,

car « rompant les schémas classiques  des attentes galantes _ un peu trop formelles et convenues, elles _ du baroque mûr, Scarlatti joue magistralement avec le matériel musical _ dont il s’amuse à plaisir : royalement… On le voit construire des architectures éphémères et instables, établir chez l’auditeur des attentes qui seront immanquablement (et délicieusement _ voilà ! avec tellement d’humour… _) déçues. Dans ce petit jeu de subtiles évocations, de surprises et d’expectatives, se trouve le genius _ dont a qualifié Scarlatti, à Londres en 1773, en son célèbre « Voyage musical dans l’Europe des Lumières« , le fameux Charles Burney... Scarlatti est parmi les premiers à inaugurer la saison de l’exploration systématique _ mais déconstruite, ouverte, ludique _ des possibilités formelles : le classicisme. Son choix de mettre en pratique cette recherche personnelle en se concentrant de manière obsessionnelle _ en totale liberté d’invention _ sur une unique forme musicale durant toutes les années de sa maturité, rend l’expérience véritablement unique » _ voilà ; et géniale….

Francesco Corti qui poursuit sa présentation ainsi :

« Pour cet enregistrement, j’ai décidé de me limiter à un groupe de sonates copiées (parfois décomposées) dans un laps de temps bref : la pleine maturité de Scarlatti _ celle des années 1742-1752… _, mais loin de ses expériences tardives _ plus étranges encore en l’exploration aventureuse et inépuisable de ce que je me permets de nommer l’admirable « imageance » scarlatienne ; et sur ce Scarlatti tardif, écouter le grand et génial lui aussi Pierre Hantaï… Dans sa très vaste production, il m’a paru intéressant de réduire le spectre de ma recherche à une unique période, plutôt que de concevoir un programme « à la carte » _ aux variables et combinatoires effectivement infinies. J’ai aussi décidé de respecter de manière rigide leur regroupement par paires. Cette organisation est systématique dans les volumes conservés à Parme et à Venise, et elle est à mon avis significative musicalement » _ ce qui constitue un point tout à fait décisif, en effet !

Et il conclut :

« En fouillant dans la mémoire de ses auditeurs comme de ses interprètes, Scarlatti ne peut que stimuler des réponses _ ouvertes _ personnelles. Les approches possibles de sa musique seront donc aussi nombreuses _ oui _ que le seront les musiciens _ interprètes, au disque comme au concert, ou même chez eux et pour eux... _ qui décideront de redonner vie _ bondissante et toujours surprenante, pour le pur plaisir de folâtrer ! _ à ces merveilleux chefs d’œuvre » _ c’est là parfaitement vu et dit.

Voici donc, en cette performance-ci du décidément chaque fois magnifique Francesco Corti, des interprétations magistrales de pur plaisir, à nulle autre pareilles _ et pourtant… _, vraiment !

En un CD enthousiasmant et à la joie irradiante, qui fait date !

Un bonheur donc à partager !

Ce mardi 1er octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie – Une ténébreuse affaire » ?..

11sept

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer _ aux Éditions Odile Jacob _ le très érudit et perspicace Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire » ?..

Je me le suis demandé en l’achetant tout de même _ sur le nom de Philippe Desan, d’abord ; mais aussi sur la mention de repérage de dates et de lieux très précis en tête de chacun des chapitres de ce livre : un gage de confiance indispensable pour le passionné de repérages spatiaux et temporels d’orientation que je suis ! _, après avoir bien hésité devant pareil scandaleux mélange des genres, entre recherche historique et roman (page 5), voire polar (4ème de couverture)…

Ce soir, j’en suis _ pour le moment un peu perplexe, pris à total contrepied que je suis de ce que je me représente jusqu’ici de Montaigne à travers la fréquentation de ce que lui-même présente et détaille de sa personne en ses très consubstantiels « Essais«  _, à la page 79 de ma première lecture, peu après le récit du décès _ voire meurtre : indirectement suggéré par une délicate et très habile succession de menus détails-indices suggestifs, mais jamais massivement affirmé comme tel, un tel meurtre de La Boétie de la main même, insistante à diverses reprises, de son ami (« parce que c’était lui, parce que c’était moi…« ) Montaigne _, le 18 août 1583, d’Étienne de La Boétie, à la page 73…

Mais attendons bien sûr la lecture exhaustive des 376 pages de cette fiction de Philippe Desan avant de prononcer _ très fervent montaignien que je suis ; cf ce qu’y disait de ma vénération pour mon très admiré voisin Montaigne (j’ai vécu toute mon enfance à Castillon-la-Bataille, et me suis rendu maintes fois à pied à la sublime tour de Montaigne : une promenade d’un peu plus de 16 kilomètres aller-retour…) l’article liminaire de présentation de ce blog même, le 3 juillet 2008 : « «  _ mon tout personnel avis…

Voici, au passage, ce que j’écrivais de mon affection pour Montaigne en l’article de présentation de mon blog « En cherchant bien » du 3 juillet 2008 :

J’évoquerai l’ombre tutélaire et protectrice (depuis un 13 septembre 1592) _ l’ombre “amie”... _ de Montaigne, et l’humour infini _ tant qu’il y aura(it) de l’encre et du papier ; ainsi qu’”à sauts et à gambades”…de ce merveilleux (et humble) essayeur gascon ;

Montaigne _ le maître (sans disciple), dans les couloirs limpides du labyrinthe duquel (à qui consent de jouer, en « diligent lecteur » tout de même ! à l’y suivre, ou plutôt ac-compagner, et converser avec !..) introduit lumineusement le récent livre, indispensable, de Bernard Sève,Montaigne. des règles pour l’esprit (aux PUF en octobre 2007) _ ;

Montaigne “fondant” _ au participe bien présent du verbe “fonder” _, et sans le moins du monde le chercher, par la seule grâce (et autorité _ non didactique, loin de la chaire et du moindretitre _) de son espiègle _ non didactique, j’insiste, mais très ludique et malicieux _ exemple _ cf le défi àl’indiligent lecteur:Quitte mon livre ! _ ;

Montaigne « fondant » donc _ sans rien chercher du tout à « fonder » en fondateurce qui va tout aussitôt, et en Angleterre d’abord (où “il” est très vite traduit), devenir quasi immédiatement un genre, et littéraire, et philosophique _ lui ne les disjoint certes pas ! ; ou plutôt “il” n’est pas, lui, Montaigne, dans (dedans, enfermé jamais dans) des “genres”, tant son génie mutin et facétieux, en même temps qu’il n’y a, et vraiment pas !, plus sérieux ni grave ; tant son génie mutin et facétieux  est,à sauts et à gambades, absolument trans-genres… _ ;

Montaigne “fondant”, donc, pour dorénavant en quelque sorte, si j’ose dire _ et lui n’en sait fichtre rien ! et combien s’en rirait ! _“fondant”, si l’on y tient, l’”essai _ lui ne disant (et c’est la chose même !) qu’“essais, au pluriel et sans article… _,

tel, ou plutôt tels, par exemple, ceux, très vite (dès 1597), de Francis Bacon _ Francis Bacon, celui (1561-1626) du tournant du XVIIème siècle élisabéthain, pas le génie tourmenté, pictural, et sublime, du siècle qui vient de passer (1909-1992, pour cet autre) _ ; un des « fondateurs », ce Bacon de Verulam-là, philosophe et politique (« chancelier d’Angleterre« ), par l’”essay“, donc, de la “méthode expérimentale” du connaître (qui est forcément un peser et supposer, sous diverses coutures, un juger)…

Et juste au moment précis où je m’apprête à mettre en ligne cet article-ci, voici que tombe le courriel hebdomadaire de la Librairie Mollat annonçant la séance de présentation par l’auteur, Philippe Desan, à la Station Ausone, vendredi 20 septembre prochain, à 18 h, de son tout récent livre ;

présentation que voilà :

« Philippe Desan est l’un des plus grands spécialistes de Montaigne, c’est avec bonheur _ nous allons bien voir…qu’il s’essaye _ voilà ! _ aujourd’hui au roman.

Dans Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire, il rend compte de la complexité _ tiens donc… _ de cette amitié légendaire« …

Ce qui ne fait que renforcer ma curiosité

_ et je dois encore ajouter que j’ai déjà rencontré Philippe Desan à divers colloques tenus à Bordeaux à l’université à propos de notre très cher Montaigne ; ainsi que lors de présentations de quelques uns de ses travaux montaigniens à la librairie Mollat…

Ce mercredi 11 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le Ravel à fuir (!!!), glacial et d’âge glaciaire, du piano trop mécanique de Keigo Mukawa : faire le test comparatif de l’enlevé et merveilleux « Rigaudon » du délicat et délicieux « Tombeau de Couperin »…

30mai

Ce n’est bien sûr pas tout à fait pour rien qu’en sa notice intitulée « L’homme Ravel : une dualité séduisante« , aux pages 13 à 16 de son double album Etcetera KTC 1816 « Keigo Mukawa – Maurice Ravel – Complete Works for Solo Piano«  _ enregistré au Chichibu Muse Park Music Hall  _,

Keigo Mukawa prononce rien moins que 6 fois le bien significatif qualificatif de « froid« ,

et qu’il utilise aussi 2 fois l’image éminemment répulsive de « sculpture de glace » pour qualifier son abord personnel du génie ravélien :

« À l’âge de treize ans, j’ai commencé à travailler sa « Sonatine« , c’était la première œuvre de Ravel que j’étudiais, et l’impression que me faisait sa musique _ voilà ! _ était celle d’une « sculpture de glace froide« . Probablement était-ce la texture de la musique, si précise, si réglée comme une mécanique parfaite _ voilà _, ou bien cette sonorité ferme construite avec des accords dissonants si bien calculés _ voilà encore _, qui m’ont évoqué cette sensation de froideur.

Plus tard, je suis entré au conservatoire de Paris en 2014 , là même où Ravel avait fait ses classes. J’ai pu étudier ses œuvres, en profondeur, et les jouer de nombreuses fois lors des concerts. Et même si Ravel est devenu le compositeur pour lequel j’éprouve le plus de sympathie, cette image de sculpture de glace n’a pas varié« …

Mais cette fâcheuse impression ne quitte pas hélas non plus l’auditeur que je suis de ce double CD de Keigo Mukawa, que, sur la foi malencontreuse de divers critiques musicaux _ par exemple Émilie Munera et Rodolphe Bruneau Boulmier, en leur émission En pistes ! de France Musique, ou Bénédict Hévry, le 7 mai dernier, sur le site de ResMusica en un article laudatif intitulé « Keigo Mukawa dans une éminente et fervente somme ravélienne«  ; mais aussi Bertrand Boissard, à la page 98 du numéro du mois de mai 2024 de Diapason ; ou encore Gérard Belvire, à la page 93 du numéro du mois de juin de Classica… _ je désirais vivement découvrir et connaître, et écouter :

or l’impression tout bonnement désastreuse que j’en ai à l’audition, est d’être livré ici à la tronçonneuse glacée et sans esprit de Glenn Gould débitant à la furibonde décérébrée les fugues mécaniques de Jean-Sébastien Bach, ou, pire encore, massacrant sans pitié les délicieuses délicates sonates pour piano, vives d’esprit, de Mozart…

J’ai donc procédé à un test comparatif _ qui a tant plu à mon petit-fils Gabriel, très fan de ce Rigaudon de Ravel… _ du preste et à jamais juvénile « Rigaudon » (dédié aux frères luziens Pierre et Pascal Gaudin _ beaux-frères de la cousine de Maurice : Magdeleine Hiriart-Gaudin… _) de cette merveille de finesse qu’est « Le Tombeau de Couperin » :


_ voici donc à écouter ici ce qu’y donne, en un podcast de 3′ 28, l’Assez vif de ce Rigaudon sous les doigts un poil balourds et mécaniquement tricotteurs _ sans esprit, et dénués de charme, et de fantaisie et malices et humour, si raveliens…  _, et surtout incomparablement trop lents pour la prestesse enjouée et mutine d’un rigaudon de ce basque mince et bondissant, et infiniment vif d’esprit, qu’était Maurice Ravel _ comparez avec les autres interprètes choisis ci-après… _, de Keigo Mukawa… 

_ et maintenant, sous les doigts bien plus justement mutins _ à la luzienne ! j’aime beaucoup, beaucoup ! _ de Martin James Bartlett, en ce podcast de 3′ 05…

_ ou encore, par Alexandre Tharaud, en un podcast magnifiquement preste et juvénile _ bravo ! bravissimo ! c’est à la perfection senti ! _ de 3′ 01…

_ et aussi par Bertrand Chamayou_ pas mal du tout non plus ! _ en un podcast de 3’06…

_ et encore par l’excellent Steven Osborne, en un podcast bien preste et alerte, lui aussi _ et comme il le faut !.. _, de 3’01…

Et maintenant faites votre choix !!!


Maintenant, en y réfléchissant encore un peu,

il me semble que cette approche trop strictement mécanique (et froide) du piano de Ravel de la part du jeune Keigo Mukawa, tient à sa pourtant juste principielle obsession (de métier) d’atteindre la perfection technique nécessaire, en effet, à servir l’idéal d’interprétation la plus juste possible des œuvres tout spécialement de Ravel, mais qui, pour le moment du moins de son propre parcours d’interprète très justement exigeant à l’égard de lui-même _ Ravel lui-même n’ayant jamais été, lui, un parfait interprète, ni au piano, ni à la baguette de chef, de ses propres génialissimes œuvres… _, passe encore, pour le moment du moins, à côté de l’objectif absolument fondamental, et rédhibitoire sinon, de l’interprétation ravelienne : servir l’esprit le plus fin, tendre, chaleureux, insidieusement torride même, voilà, de l’œuvre de Ravel, par la médiation seulement, si je puis le dire ainsi, de la parfaite maîtrise obligée, certes, en effet, de la technique, mais qui n’en qu’un nécessaire moyen, un étai, et qu’il faut absolument, à l’interprète, apprendre à dépasser-transcender, faire complètement oublier à l’auditeur ; sinon l’interprète, encore besogneux, malhabile, en reste, en effet, à une rédhibitoire réfrigérante « sculpture de glace » de cette musique subtilissime de Ravel, au-delà de son obligée perfection technique ; en ne réussissant pas, lui interprète, à atteindre et surtout faire s’envoler-virevolter-tournebouler dans le charme le plus pur et aérien, l’esprit ludique, finement sensuel et même érotique, de la sublime fantaisie narquoise du génie français absolu de Maurice Ravel compositeur ; dans l’esprit, mine de rien très audacieux et moderne, franchement rieur et léger, leste (car délesté…), d’un Couperin, d’un Rameau, mais aussi d’un Mozart, et même encore du jeune Mendelssohn _ par-delà, à la Nietzsche, le tragique fatal de toute vie, qui s’y perçoit bien sûr aussi, en filigrane estompé d’un constant et bien présent arrière-fond, sensible à l’horizon rosé des plus beaux soirs d’été…

Ce jeudi 30 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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