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Chanter « L’hymne delphique à Apollon » harmonisé par Gabriel Fauré : Benjamin Bernheim au Stade de France ; et aussi Cyrille Dubois…

12août

Benjamin Bernheim en clôture des Jeux olympiques de Paris 2024

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Alors qu’il interprètera à partir de demain le rôle d’Hoffmann dans la nouvelle production des Contes d’Hoffmann de la metteuse en scène Mariame Clément au Festival de Salzbourg, chantait hier soir au Stade de France l’Hymne à Apollon de Gabriel Fauré (d’après un chant grec retrouvé à Delphes en 1893), lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris 2024. Il était accompagné par le pianiste et performer Alain Roche jouant sur un piano suspendu à la verticale. Une nouvelle version piano/voix de l’Hymne à Apollon créée pour l’occasion par Victor Le Masne, directeur musical des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris.

Revoir la performance (en une vidéo d’une durée de 3′ 44) :

Alain Roche et Benjamin Bernheim interprètent « L’hymne d’Apollon«  lors de la cérémonie de clôture

Écouter aussi la belle interprétation de Cyrille Dubois

accompagné au piano par Tristan Raës :

Avec aussi, pour l’événement d’hier soir au Stade de France, ce commentaire-ci du Figaro :

Cérémonie de clôture JO 2024 : L’Hymne d’Apollon, réinterprétation française d’un classique grec

L’Hymne d’Apollon, qui a résonné dimanche soir au Stade de France pour la clôture des Jeux olympiques, est la réinterprétation française d’un classique grec vieux de plus de deux mille ans.

«Parenthèse en lévitation», selon les mots des organisateurs de la cérémonie : Alain Roche était au piano, suspendu à la verticale, et le ténor Benjamin Bernheim au chant. Le pianiste jouait dans une position très inhabituelle et avec un costume constitué de bandes VHS.

Pour le chanteur lyrique, se produire devant 80.000 personnes et avec un micro était évidemment inédit. «J’ai eu la possibilité de chanter comme je le fais à l’opéra, sans changer de style. C’est une chance énorme», a-t-il déclaré à l’AFP après son interprétation.

«Moment magique»

Ce chant est l’un des «hymnes delphiques», interprétés à Delphes, dans le centre de la Grèce, en 128-127 avant notre ère. En 1892 et 1893, des archéologues français de l’École d’Athènes mettent au jour des fragments de marbre d’un mur de temple, où sont gravées les partitions (pour le chant) d’hymnes au dieu des arts.

Aidé des philologues Henri Weil et Théodore Reinach, le compositeur Gabriel Fauré va l’«harmoniser», sous le titre Hymne à Apollon. Il sera chanté pour la première fois en 1894, lors du congrès à Paris qui consacre l’invention des Jeux olympiques modernes, dont la première édition a lieu à Athènes deux ans plus tard.

L’Hymne d’Apollon, réorchestré en 2024 par le compositeur Victor Le Masne, est plus court, avec une tonalité plus élevée, plus de pauses dans le chant et davantage de place pour le piano. «Il fallait un air qui touche le public populaire, en respectant notre héritage du passé, la Grèce antique et Gabriel Fauré. Le résultat m’a beaucoup plu. C’était un moment magique», a commenté Benjamin Bernheim.

Ce lundi 12 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter le 8 mélodies « D’ombre et de soleil » de Louis Beydts, sur 8 poèmes des « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet…

24mar

Ce dimanche,

un très utile apport à mon article du jeudi 21 mars dernier

« « 

que j’ai pris soin de réviser pour y intégrer ce très utile complément à savourer à l’écoute :

je veux dire l’accès aux podcasts des 8 mélodies « D’ombre et de soleil » que Louis Beydts, en 1946, a composées et publiées à partir de son choix, pour ce recueil de mélodies siennes, de 8 poèmes _ de toute beauté ! _ parmi ceux publiés, en 1921, dans le recueil posthume des « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet.

En voici le détail,

désormais accessible ici _ en cliquant _ à l’écoute :

_ « Dans la saison qu’Adonis fut blessé » (1′ 39)

_ « Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver » (1′ 25)

_ « Dormez, ami » (1′ 50)

_ « Douce plage où naquit mon âme » (1′ 42)

_ « L’hiver bat la vitre et le toit » (1′ 52)

_ « Iris, à son brillant mouchoir » (1′ 04)

_ « Le temps irrévocable a fui » (2′ 44)

_ « Puisque tes jours ne t’ont  laissé » (2′ 41)

J’y joins aussi

la très intéressante et un peu détaillée notice biographique « Un prince de l’opérette, le bordelais Louis Beydts (1895-1953)« ,

découverte ce dimanche matin sur le site Musica et Memoria

Voilà,

pour aller directement au principal, à partager, de cette très heureuse surprise musicale que constitue ce splendide CD « Louis Beydts – Mélodies & Songs« , le CD Aparté AP 345,

dans l’interprétation au-dessus de tout éloge des magnifiques Cyrille Dubois, ténor, et Tristan Raës, au piano.

Ce dimanche 24 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le formidable CD « Louis Beydts – Mélodies & Songs » de Cyrille Dubois et Tristan Raës : la découverte d’un compositeur (1895 – 1953) inconnu de nous jusqu’ici, bien que bordelais, la confirmation superbement réjouissante du merveilleux talent du ténor Cyrille Dubois (et de son pianiste-complice Tristan Raës) ; et un très précieux coup de projecteur sur le poète magnifique et très singulier qu’a été Paul-Jean Toulet (1867 – 1920)…

21mar

Oui,

c’est bien un formidable CD que ce « Louis Beydts – Mélodies & Songs« , le CD Aparté AP 345, de Cyrille Dubois et Tristan Raës qui nous fait gré à la fois

de la découverte d’un compositeur (notre compatriote bordelais Louis Beydts : Bordeaux, 29 juin 1895 – Caudéran, 15 août 1953), complètement inconnu de nous jusqu’ici ;

de la confirmation, une nouvelle fois, de l’exceptionnel talent du ténor Cyrille Dubois (et de son idéal complice pianiste Tristan Raës) ;

ainsi que d’un très précieux coup de projecteur, fort bienvenu, surtout sur le poète magnifique et très singulier qu’a été Paul-Jean Toulet (Pau, 5 juin 1867 – Guéthary, 6 septembre 1920), dont les parfaites sensualissimes  « Contrerimes » _ publiées post-portem en 1921 _ ont permis le cycle encore plus sensuel de 8 mélodies de Louis Beydts « D’Ombre et de soleil » (de 1946), le sublime sommet de la révélation éblouie que constitue ce CD de si belles mélodies françaises…



En effet,

c’est tout particulièrement ce recueil de mélodies sensualissimes que Louis Beydts, en 1946, et sous le titre de « D’Ombre et de soleil« , a choisi de consacrer à un choix de 8 « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet qui, à mon goût, vient toucher au sublime,

tant l’art du compositeur sait si bien servir, par sa musique subtile et merveilleusement juste, le sublime, déjà, de l’art si singulier et merveilleusement touchant, en ses « Contrerimes« , du poète Paul-Jean Toulet _ ce qui m’a ainsi amené à me procurer illico presto le recueil « Paul-Jean Toulet – Œuvres complètes » réunies par les soins de Bernard Delvaille, en 1986, dans la très commode collection Bouquins des Éditions Robert-Laffont…

Et, en cliquant sur les titres de chacun des poèmes de Paul-Jean Toulet, ravissez-vous à chacun des podcasts de ces merveilleuses 8 mélodies du recueil « D’Ombre et de soleil » de Louis Beydts, en lisant aussi les 8 poèmes de Paul-Jean Toulet, d’une sensualité folle, déjà, qu’a choisis de mettre en encore plus sensuelle musique, en son recueil, ce très étonnant compositeur qu’est Louis Beydts :

_ « Dans la saison qu’Adonis fut blessé« , Chansons I d, 

« Dans la saison qu’Adonis fut blessé,

Mon cœur aussi de l’atteinte soudaine

          D’un regard lancé.

 

Hors de l’abîme où le temps nous entraîne,

T’évoquerai-je, ô belle, en vain – ô vaines

          Ombres, souvenirs.

 

Ah ! dans mes bras qui pleurais demi-nue,

Certes serais encore, à revenir,

          La bienvenue. »

 


_ « Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver« , Contrerimes II,

« Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver

          Comme une rouge nue,

Où déjà te dessinait nue

          L’arôme de ta chair ;

 

Ni vous, dont l’image ancienne

          Captive encore mon cœur,

Ile voilée, ombres en fleurs,

          Nuit océanienne ;

 

Non plus ton parfum, violier,

          Sous la main qui t’arrose,

Ne valent la brûlante rose

          Que midi fait plier.« 

 


_ « Dormez, ami… », Contrerimes LXVIII,

« Dormez, ami ; demain votre âme

          Prendra son vol plus haut.

Dormez, mais comme le gerfaut

          Ou la couverte flamme.

 

Tandis que dans le couchant roux

          Passent les éphémères,

Dormez sous les feuilles amères,

          Ma jeunesse avec vous.« 

 


_ « Douce plage où naquit mon âme… », Contrerimes XLVI,

« Douce plage où naquit mon âme ;

          Et toi, savane en fleurs,

Que l’océan trempe de pleurs

          Et le soleil de flammes ;

 

Douce aus ramiers, douce aux amants,

          Toi de qui la ramure

Nous charmait d’ombre et de murmure

          Et de roucoulements ;

 

Où j’écoute frémir encore

          Un aveu tendre et fier –

Tandis qu’au loin riait la mer

          Sous le corail sonore. « 

 


_ « L’hiver bat la vitre et le toit… », Contrerimes XII,

« L’hiver bat la vitre et le toit.

          Il fait bon dans la chambre

À part cette sale odeur d’ambre

          Et de plaisir. Mais toi,

 

Les roses naissent sur ta face

          Quand tu ris près du feu.

Ce soir, tu me diras adieu,

          Ombre, que l’ombre efface.« 

 


_ « Iris, à son brillant mouchoir… », Contrerimes III,

« Iris, à son brillant mouchoir, 

          De sept feux illumine

La molle averse qui chemine,

          Harmonieuse à choir.

 

Ah! sur les roses de l’été,

          Sois la mouvante robe,

Molle averse, qui me dérobe

          Leur aride beauté.

 

Et vous, dont le rire joyeux

          M’a caché tant d’alarmes,

Puissé-je voir enfin des larmes

          Monter jusqu’à vos yeux.« 

 


_ « Le temps irrévocable a fui… » Chansons II,

« Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.

Mais toi, quand tu reviens et traverses mon rêve,

Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,

          Tes yeux plus clairs.

 

À travers le passé ma mémoire t’embrasse.

Te voici. Tu descends en courant la terrasse

Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent

          Parmi les fleurs.

 

Par un après-midi de l’automne, au mirage

De ce tremble inconstant que varient les nuages,

Ah ! verrai-je encore se farder ton visage

          D’ombre et de soleil ?« 

 


_ « Puisque tes jours ne t’ont  laissé… », Dixains XII,

« Puisque tes jours ne t’ont laissé

Qu’un peu de cendre dans la bouche,

Avant qu’on ne tende la couche

Où ton cœur dorme, enfin glacé,

Retourne, comme au temps passé,

Cueillir, près de la dune instable,

Le lys qu’y courbe un souffle amer.

– Et grave ces mots sur le sable :

Le rêve de l’homme est semblable

Aux illusions de la mer.« 

 

Et tâchez d’écouter au plus vite

l’intégralité de ce que Louis Beydts, en ses subtilissimes mélodies, réussit à obtenir des poèmes (de Paul Fort, Robert Honnert, Henri de Régnier, Guillaume Apollinaire et Henry Bataille, aussi) qu’il met en musique, tels que nous les offre ici aussi subtilement Cyrille Dubois et Tristan Raës en ce si beau CD…

Et il me faut aussitôt signaler au passage ici la très grande qualité du livret de ce CD Aparté AP 345, avec tout spécialement, aux pages 21 à 24, un très éclairant « Louis Beydts mélodiste » sous la plume de la musicologue Justine Harrisoncitant, par exemple, à la page 24, ces très justes mots du crtique musical Paul Landormy pour caractériser l’idiosyncrasie de l’art de Louis Beydts :

la musique de Beydts « est une musique de gourmet. Vous y admirez des courbes mélodiques remarquables par leur naturel et leur grâce, une harmonie extrêmement coulante et des modulation d’un imprévu _ après celui, si merveilleux et surprenant, mais si juste, extraordinaire art de l’imprévu, déjà, des « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet : « Les contrerimes sont construites autour d’un quatrain à rimes embrassées, alternant octo- et hexasyllabes (8+ 6 +8 + 6), les vers courts rimant avec les vers longs« , précise en son article Justine Harrison, page 21… _ qui enchante, marque d’une sensibilité des plus affirmées. Et c’est un plaisir de choix que nous offre toujours cet exquis compositeur« .
…;

Bien sûr,

nous connaissons et apprécions à un très haut degré l’art superbe de la prononciation, au service des plus fines inflexions du texte, de Cyrille Dubois, inflexions mêlées le plus finement aux subtiles inflexions tant mélodiques qu’harmoniques de la musique, idéalement serties par le piano idoine du toujours parfait Tristan Raës :

pour un parfait service de l’art si délicat _ et sublime _ de la mélodie française tout spécialement…

Lire aussi, à propos de ce rare CD, ces deux récents articles :

_ de Charles Sigel, sur le site de forumopera.com,

« Louis Beydts, Mélodies, par Cyrille Dubois et Tristan Raës« , en date du 9 mars dernier ;

_ et de Nicolas Mesnier-Nature, sur le site de ResMusica,

« Mélodies et chansons de Louis Beydts, magnifiées par Cyrille Dubois et Tristan Raës« , en date de ce jour même, 21 mars 2024…

Et quant à l’art si remarquable du chant, et tout particulièrement dans la mélodie _ et même la mélodie française… _, du cher Cyrille Dubois,

je renvoie ici à 8 de ses précédents CDs _ classés ici dans l’ordre chronologique de leur enregistrement _ainsi qu’aux articles que je leur ai consacrés :

1°) le CD Aparté AP 224 « Lili & Nadia Boulanger – Mélodies« , enregistré à Venise les 8 et 9 mars 2018

_ cf mes articles «  » et « « , en date des 26 février et 2 mars 2020 _ ;

2°) le CD Aparté AP 200 « Liszt – O lieb !« , enregistré à  Paris les 15, 17 et 18 octobre 2018

_ cf mes articles « « , «  » et «  » en date des 5 novembre, 25 novembre et 17 décembre 2019 _  ;

3°) le triple CD  Aparté AP 284 « Fauré- Complete Songs« , enregistré à Paris du 1 au 3 juillet, les 10 et 17 août 2020 et du 14 au 17 juin 2021

_ cf mes articles «  » et «  » en date des 3 juin et 6 août 2022 _ ;

4°) le CD NoMadMusic NMM 117 « Cyrille Dubois & Anne Le Bozec – Schubert Winterreise« , enregistré à La Grange de Mels au mois de janvier 2021 ;

5°) le CD Aparté AP 281 « Christophe Rousset – Cyrille Dubois – François Couperin – The Sphere of intimacy« , enregistré à Paris les 16 et 17 avril 2021

_ cf mes articles «  » et «  » en date des 14 janvier et 25 avril 2023 _ ;

6°) le CD Alpha 924 « So romantique !« , enregistré à Lille au mois de juillet 2021

_ cf mes articles «  » et « «  en date des 19 mars et 17 mai 2023  _ ;

7°) le CD Aparté AP 319 « Jouissons de nos beaux airs !« , enregistré à Pécs, en Hongrie, du 15 au 17 novembre 2021

_ cf mes articles « « , « « , «  » et «  » en date des 20, 22 et 25 septembre et 7 octobre 2023 _ ;

et 8°) le triple CD Harmonia Mundi HMM 902356.358 « Les Heures claires – The Complete Songs – Nadia & Lili Boulanger« , enregistré à Boulogne-Billancourt en février et juin 2022

_ cf mon article «  » en date du 14 mars 2023 _,

8 très remarquables réalisations discographiques, donc, auxquels ce stupéfiant CD « Louis Beydts – Melodies & Songs » vient ajouter un merveilleux complément de service, et à ce degré de si haute qualité, de, tout particulièrement _ à coté, je veux dire, des CDs que Cyrille Dubois a consacrés aussi aux Lieder de Schubert et de Liszt, ainsi que des CDs d’Airs d’opéras, eux, bien sûr, avec orchestre… _, la mélodie française avec piano… 

Bref,

une très marquante découverte, à ces divers et riches égards, que ce singulier et si idéalement réussi CD « Louis Beydts – Melodies & Songs » de Cyrille Dubois et Tristan Raës, pour le label Aparté…

Mais de l’art si fin de Louis Beydts,

écoutez d’abord et surtout les 8 merveilleuses mélodies du recueil « D’Ombre et de soleil » (en 1946), sur les décidément génialissimes « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet, parues posthumes en 2021.

C’est le sommet sensualissime de ce sublimissible CD qui vient de paraître pour Aparté.

Ce jeudi 21 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter les mélodies avec piano de Nadia Boulanger (1887 – 1979) : quel(s) chanteur(s) et quel(s) pianiste(s) choisir en CD ?

14mar

Aux pages 93 à 123 de son passionnant « L’Autre XXe siècle musical« , au chapitre intitulé « Nadia Boulanger la grande « Mademoiselle »« ,

Karol Beffa _ cf aussi la vidéo de mon entretien avec lui à la Station Ausone le 25 mars 2022 ; ainsi que mon article, en suivant, « « , du jeudi 7 avril 2022… _ met brillamment en valeur l’œuvre superbe _ et bien trop prématurément interrompue, après 1921, par elle, Nadia, qui la jugeait « inutile« , auprès de l’œuvre de sa sœur Lili !.. _ de Nadia Boulanger (Paris, 16 septembre 1887 – Paris, 22 octobre 1979).

Jusqu’ici, ma discothèque personnelle ne comportait, en matière de Mélodies de la composition de Nadia Boulanger, que le très beau CD « Lili & Nadia Boulanger, Mélodies« , par les épatants Cyrille Dubois, ténor _ magnifique interprète ! Cf aussi son coffret Fauré Aparté AP 284 ; et sur celui-ci, notamment mon article du 3 juin 2022 : « «  _, et Tristan Raës, piano, soit le CD  Aparté AP 224, enregistré au Palazzetto Bru-Zane, à Venise, les 8 et 9 mars 2018.

Et de ce très réussi CD de Cyrille Dubois et Tristan Raës consacré aux Mélodies avec piano des sœurs Boulanger,

se reporter à ce qu’en ont dit deux de mes articles, en date du 26 février 2020 « « , et du 2 mars 20220, « « …

Or voici que vient ces jours-ci de paraître, pour le label Harmonia Mundi, un très intéressant triple album _ complet ! Et son intitulé même le proclame ! _, intitulé, lui, « Les Heures claires – The Complete Songs – Nadia & Lili Boulanger« ,

l’album HMM 902356.58, par, surtout, Lucile Richardot, mezzo-soprano, et Anne de Fornel, piano _ mais aussi Stéphane Degout, baryton, Raquel Camarinha, soprano, Sarah Nemtanu; violon et Emmanuelle Bertrand, violoncelle… _, enregistré à Boulogne-Billancourt aux mois de février et juin 2022 _ et au passage, on peut remarquer que l’ordre de mention des deux sœurs Boulanger, a été ici inversé : Nadia, l’aînée (Paris, 16 septembre 1887 – Paris, 22 octobre 1979), passant cette fois (voire désormais ?..) avant sa cadette Lili (Paris, 21 août 1893 – Mézy-sur-Seine, 15 mars 1918).

Faut-il y voir, je me le demande, quelque impact-résurgence, non explicite certes dans la notice de présentation du livret, ni encore moins revendiqué, de l’article consacré à Nadia Boulager en le très important « L’Autre XXe siècle musical«  de l’ami Karol Beffa ?..

Sur lequel triple album « Les Heures claires – The Complete Songs – Nadia & Lili Boulanger« , donc, vient aussi de paraître, hier 13 mars, sur le site Discophilia et sous la plume de Jean-Charles Hoffelé, l’article suivant, intitulé « Sisters » :

SISTERS

Côté compositeur, au chapitre Boulanger, Lili éclipsa Nadia, cette dernière s’effaçant _ très volontairement _ devant le génie trop intense de sa cadette _ comme l’a excellemment souligné Karol Beffa en son livre pré-cité… Injustice consentie _ et même fièrement assumée, en effet ! _ par l’intéressée.

Le grand bouquet de mélodies qui emplit le premier disque et ouvre le second de ce bel album _ triple _, dont le recto fait voir les deux amies dansant au bord de la mer d’Edvard Munch (Danse sur la plage, 1900), atteste pourtant _ et sans conteste aucun _ d’un talent considérable. Une touche de sombre écarte l’ombre de Fauré, le chromatisme arde un expressionisme que la mélodie française évitait volontiers, et une expansion de l’émotion et de la durée (Écoutez la chanson bien douce : six minutes passées, géniale conversion en notes des mots de Verlaine) que Lili pratiquera dans une moindre mesure avec son opus majeurs Clairière dans le ciel, indiquent bien que Nadia empêcha _ voilà _ son génie. Plus qu’un souvenir, presque un regret, paraît dans son opus ultime, Vers la vie nouvelle, pour le seul piano _ à la plage 15 du premier de ces trois CDs.

Dans les trente-huit mélodies (y compris le cycle Les Heures claireécrit à quatre mains avec l’ami-amant Raoul Pugno) s’insèrent _ à la plage 11 du premier de ces trois CDs _ les haïkus des Trois Pièces pour violoncelle et piano, qu’Emmanuelle Bertrand joue comme une voix humaine, merveilles jusque dans le Vif un peu chinois ! Le timbre de sa grande caisse fait écho au mezzo ambré, sombre, de Lucile Richardot et au baryton enveloppant de Stéphane Degout.

Grande coda dédiée à Lili. Le troisième disque bute pourtant _ et c’est dommage ! _ sur le choix de confier Clairières dans le ciel à une soprano. La tessiture tendue éprouve Raquel Camarinha, soulignant que le cycle est écrit (et de sens premier les poèmes de Francis Jammes itou) pour un homme (le narrateur, Jammes lui-même), en fait un ténor avec aigu, Eric Tappy hier, Cyrille Dubois aujourd’hui _ oui ! Cf mes deux articles cités ici même plus haut _ l’ont affirmé.

Les autres mélodies, plus rares, retrouvent Lucile Richardot et Stéphane Degout, les petits poèmes à deux instruments, violon ou violoncelle sont sublimées par Sarah Nemtanu et Emmanuelle Bertrand dans les paysages, les évocations que le piano d’Anne de Fornel aura dispensés au long de ce voyage entre la rue Ballu et les Maisonnettes de Gargenville.

LE DISQUE DU JOUR

Nadia Boulanger (1887-1979)


Mon cœur
Écoutez la chanson bien douce
Soleils couchants
Allons voir sur le lac d’argent (pour 2 voix)
Versailles
Un grand sommeil noir
Ilda
Mon âme
Poème d’amour
Cantique
Heures ternes
Chanson
Soir d’hiver
Doute
Au bord de la route
J’ai frappé
Extase
Aubade
Désespérance
Élégie
La Sirène*
O, schwöre nicht
Was will die einsame Thräne
Ach! die Augen sind es wieder
Prière*
Le Beau Navire
La Mer
L’Échange
Le Couteau
Chanson

3 Pièces pour violoncelle et piano
Vers la vie nouvelle, pour piano seul
Petites pièces, pour piano seul

Nadia Boulanger (1887-1979) / Raoul Pugno (1852-1914)


Les Heures claires

Lili Boulanger (1887-1979)


Attente
Reflets
Le Retour
Dans l’immense tristesse
Clairières dans le ciel*, cycle de 13 mélodies

Pièce, pour violon et piano
Nocturne, pour violon et piano
Introduction et Cortège, pour violon et piano
D’un matin de printemps, pour violon et piano
D’un soir triste, pour violoncelle et piano (arr. Nadia Boulanger)

Lucile Richardot, mezzo-sopano
Stéphane Degout, baryton
*Raquel Camarinha, soprano
Anne de Fornel, piano
Emmanuelle Bertrand, violoncelle
Sarah Nemtanu, violon

Un album de 3 CD du label harmonia mundi HMM 902356.58

Photo à la une : Edvard Munch, Danse sur la plage, 1900 (détail de la couverture) – Photo : Prague, National Gallery

Alors qu’en penser ?..

Qu’en est-il de ces diverses interprétations par ces divers interprètes des Mélodies de Nadia et Lili Boulanger ?..

En tout cas, au moins une étape marquante dans le panorama révisé-rénové des belles interprétations des délicates et raffinées Mélodies françaises

Ce mardi 14 mars 2023, TItus Curiosus – Francis Lippa

En une assez jolie promenade au pays du lied, « In meinem Lied », avec Helmut Deutsch et Sarah Traubel : à comparer au trésor bien heureusement conservé d’autres interprétations des mêmes oeuvres (ici de Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich-Wolfgang Korngold, Richard Strauss)…

13août

Le bien connu pianiste Helmut Deutsch, grand amoureux et praticien du lied,

vient de nous proposer

intitulé « In meinem Lied«  _ soit l’expression qui conclut le poème de Ruckert « Ich bin der Welt abhanden gekommen » du sublime lied de Gustav Malher, en ses « Ruckert Lieder » de 1902 _,

un très joli CD _ Aparté AP 288 _ comportant des Lieder de Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich Wolfgang Korngold et Richard Strauss,

nous donnant l’occasion de découvrir le timbre de voix _ et l’art, à la diction bien lisible _ de la soprano Sarah Traubel _ Helmut Deutsch faisant l’éloge de l’enthousiasme de Sarah Traubel, auquel il ne trouve de comparaison, page 21 du livret, qu’avec l’enthousiasme de Hermann Prey !.. _,

en un répertoire ou bien déjà très bien connu _ y compris en des CDs de Lieder avec Helmut Deutsch lui-même au piano _, ou bien pour beaucoup encore à découvrir…

Le pianiste Helmut Deutsch est en effet l’âme de ce CD « In meinem Lied » _ le CD Aparté AP 288 _,

dont il signe aussi la présentation en un entretien _ avec Thomas Voigt _ développé sur 5 pages du livret, intitulé « Certainement aussi une devise pour la vie« …

Et Helmut Deutsch de situer ce présent travail sur le Lied, en ce CD avec Sarah Traubel enregistré sous la direction artistique de Nicolas Bartholomée du 31 août au 4 septembre 2021 à Hohenems, en Autriche, au sein de sa très vaste discographie sur le Lied _ j’ai dénombré pas moins de 107 CDs _dont, à propos de ses enregistrements discographiques précédents des compositeurs interprétés ici, soient Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich-Wolfgang Korngold et Richard Strauss, Helmut Deutsch mentionne ses CDs de Lieder de Liszt avec Diana Damrau (« Liszt Lieder« , Virgin Classics LC 7873), en 2011 ; et Jonas Kaufmann (« Freudvoll und Leidvoll« , Sony Classical SK 19439892602) en 2021 ;

ainsi que ses CDs de Lieder de Korngold avec Angelika Kirschlager (« Debut Recital Recording« , Sony Classical SK 68344), en 1996 ; Dietrich Henschel (« E.W. Korngold Lieder« , Harmonia Mundi HMC 901780), en 2001 _ je possède ce CD _et Bo Skovhus (« Wolf -Korngold Einchendorff Lieder« , Sony Classical SK 57969), en 1993 ;

ainsi qu’il évoque, mais sans précisément les mentionner, ses deux CDs des « Quatre derniers Lieder » de Richard Strauss, avec Konrad Jarnot (« Richard Strauss« , Œhms Classics OC 518), en 2005 ; et Sumi Hwang (« Strauss Liszt Britten Songs« , Deutsche Grammophon DG 4818777), en 2019 ; deux CDs que charitablement il préfère ne pas nommer ici : « J’espère avoir fait mieux cette fois que dans mes précédents enregistrements, et je suis très reconnaissant à Sarah Traubel de m’avoir offert cette occasion« , se borne-t-il à déclarer à la page 20 de la notice de ce CD « In meinem Lied » de 2021…

Bref une étape à noter dans le parcours discographique d’accompagnateur de Lieder au piano de Helmut Deutsch.

À propos des Lieder de Liszt _ auquel je dois bien constater que jusqu’ici mon oreille s’est montrée hélas assez souvent réfractaire aux enregistrements discographiques… _,

je renvoie ici à deux excellents articles parus sur ForumOpera.com,

le premier intitulé « Mehr Liszt…« , paru le 15 février 2012, sous la plume de Hugues Schmitt, à propos du CD de Diana Damrau et Helmut Deutsch ;

et le second, intitulé « Une voix ne fait pas tout« , paru le 13 octobre 2021, sous la plume de Claude Jottrand, à propos du CD de Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch.

Mehr Liszt…

CD Lieder de Liszt
Par Hugues Schmitt | mer 15 Février 2012 |

N’est-ce pas ainsi qu’il fallait comprendre les mots que porta le dernier souffle de Goethe ? Car Liszt ne composa pas plus de six Lieder sur les vers du poète de Weimar. Tout comme Schumann, tout comme Brahms. Six Lieder dont quatre (cinq si l’on compte les deux versions de « Freudvoll und Leidvoll ») sont rassemblés dans cet album, qui pris isolément du reste font apparaître de manière éclatante combien Liszt, plus que Schumann et plus que Brahms, occupe une place irremplaçable _ voilà qui est dit _ dans le Lied « germanique » romantique. Ces six Lieder sont le chaînon nécessaire _ voilà qui est réaffirmé _ qui unit les quelque soixante-dix Lieder que Schubert a consacrés à Goethe aux cinquante pièces que Wolf compose sur ses vers, à l’autre extrémité du siècle.

Plus que dans les flamboyants « Sonnets de Pétrarque », restés sans postérité véritable dans le répertoire vocal tant ils appellent les versions pour piano seul, ou plus que « Liebestraum », dont l’héritage sera plus français et italien qu’allemand, c’est dans cette petite collection de Lieder sur les vers de Goethe, mais aussi de Heine ou Lenau, que se révèlent les apports de Liszt à l’esthétique du romantisme tardif _ voilà. Schumann avait, en travaillant l’extrême grave du piano, introduit dans le Lied un monde abyssal insoupçonné ; Liszt explore l’aigu et l’extrême aigu _ voilà _, où le piano se mêle à la voix, se tresse à elle, l’enveloppe dans un voile de fines gouttelettes parfois tendres mais parfois cliquetantes et corrosives, et l’y laisse comme suspendue, sans recours possible aux solides appuis _ voilà _ des puissantes fondamentales schumaniennes ou brahmsiennes. C’est peu de dire que le piano dialogue avec la voix : il dialogue quand la main droite se fait monodique ; le reste du temps, il la colore, en altère les timbres, en diffracte la clarté. La voix passe par le piano comme la lumière traverse un vitrail. La voix ne commande pas : elle n’est pas une pure volonté, aboutissement et principe de l’ordonnancement des timbres et des registres. Elle ne commande pas _ oui _ comme, dans la célèbre analogie musicale de Schopenhauer, l’homme commande aux forces de la nature. Dans les Lieder de Liszt s’exprime une force supérieure, l’homme lutte avec l’ange _ oui.

Il serait un lieu commun de dire que Liszt importe la rhapsodie dans le Lied : c’est bien plus que cela. Liszt rompt _ voilà _ avec le mode de discours continu, unifié, organique de Beethoven et Schubert, et renoue avec un discours discontinu plus proche de Mozart : une idée apparaît, évidente et radieuse, et disparaît aussitôt ; une autre prend la place, sans lien immédiatement perceptible, et s’interrompt à son tour _ rhapsodiquement. Le propos, fantasque _ oui, à la Hoffmann… _, suit ainsi son chemin, à sauts et à gambades. Et Liszt désoriente _ oui, malmène diaboliquement _ son interprète, son auditoire, les réoriente, pour les désorienter à nouveau. Le Roi de Thulé en est l’exemple même : un début entièrement conforme au canon schubertien, bientôt interrompu… Rien n’y fait, les reprises du motif initial, loin de marquer la forme, ne servent plus qu’à souligner le décousu _ voilà _ du propos ; puis il réexpose, prépare apparemment une coda schubertienne, la brise encore, module et assombrit, effiloche le tissu pianistique, prend à peine le soin de résoudre. Wolf saura s’en souvenir _ en effet.

Mehr Liszt, donc. Car cet album n’explore qu’une facette de l’écriture de Liszt pour voix et piano. Il faut à ces Lieder adjoindre désormais, dans un second volume, les Mélodies françaises (Hugo est, avec Goethe, le second grand inspirateur de Liszt pour la voix), les Airs hongrois de la fin de sa vie, les Chansons anglaises, russes, tout ce par quoi Liszt dépasse le Lied, et montrer ainsi qu’aucun compositeur _ aussi expérimentateur _ , dans toute l’histoire de la musique, n’aura coulé ses notes, avec un égal succès, dans tant de langues et d’esthétiques diverses.
Mehr Liszt, enfin parce qu’on eût souhaité que cet enregistrement fût plus lisztien, plus charmeur, plus âpre, plus fantasque, plus sombre _ voilà. Somme toute, plus contrasté. Entendons-nous bien, la prestation est de remarquable tenue, et nulle verrue ne vient la défigurer. Diana Damrau, dont la diction ne souffre guère de reproche, montre, opportunément, de beaux élans passionnés. Malheureusement, la voix reste trop souvent monochrome, et seule l’intensité varie lorsque tout _ oui, tout _ devrait _ diaboliquement _ chavirer : timbre, débit, émission. La gageure est, vocalement, presque intenable : il faudrait malmener _ oui ! _ l’instrument – au demeurant superbe –, le pousser à bout. Car s’il est une chose que le dernier siècle d’enregistrements lisztiens nous a apprise, c’est bien que la véritable grandeur de Liszt réside davantage dans la démesure _ voilà ! _ que dans la maîtrise. Comment ne pas le reprocher, surtout _ probablement oui ! _, à Helmut Deutsch, dont le piano sans vice ni vertu est toujours _ trop _ impeccablement peigné, et qui ne quitte jamais la sage réserve de l’accompagnateur alors que tout, dans l’écriture même des parties de piano, lui crie d’ _ oser _ être soliste ? Son jeu est distant, flegmatique, glacé. Il est à côté du style, à côté du sens _ voilà. Alors qu’on songe au fougueux coursier arabe auquel Liszt comparait son piano, Helmut Deutsch nous fait l’impression d’un trotteur de Vincennes, certes trotteur de grand prix, mais trotteur quand même…
Il était question de cet album dans le dernier n° de Cave Canem, notre tribune des critiques

NB. Il ne sera pas indifférent au lecteur d’apprendre que le producteur de ce disque a nom Wilhelm Meister !

Franz Liszt

Lieder
….
Diana Damrau
Soprano

Der Fischerknabe S 292b/2
Im Rhein, im schönen Strome S 272/2
Die Lorelei S 273/2
Die Drei Zigeuner S320
Es war ein König in Thule S 278/2
Ihr Glocken von Marling S 328
Über allen Gipfeln ist Ruh S306
Der du von dem Himmel bist S 279/1
Benedetto sia’l giorno S 270a/2
Pace non trovo S 270a/1
I vidi in terra angelici costumi
Freudvoll und leidvoll (1848) S 280/1
Vergiftet sind meine Lieder S289
Freudvoll und leidvoll (1860) S 280/2
Es rauschen die Winde S294/2
Die stille Wasserrose S 321
Bist du !
Es muss ein Wunderbares sein S314
O lieb S 298/2
Helmut Deutsch, piano
Enregistré à l’August Everding Saal, Grünwald, juillet 2011

1 CD, Virgin Classics LC 7873 – 76’37

Une voix ne fait pas tout

CD Freudvoll und Leidvoll
Par Claude Jottrand | mer 13 Octobre 2021 |

Liszt n’occupe pas, dans le panthéon des compositeurs de Lieder, la place qui est dévolue aux plus grands : il n’a ni la spontanéité confondante de Schubert, ni la profondeur poétique de Schumann, ni le lyrisme intense de Brahms, ni la concision imaginative de Wolf. Ni quantitativement (guère plus de 80 Lieder), ni qualitativement il ne peut rivaliser avec ses illustres compétiteurs. Mais son œuvre comprend néanmoins quelques pages intéressantes, très peu présentes dans les programmes de récital et rarement enregistrées.

Dès lors, comme il semblait prometteur, ce nouvel enregistrement de Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch ! Un duo de très grand renom cumulant une longue expérience, et qui avait déjà fait ses preuves dans le Winterreise de Schubert ou dans un autre enregistrement de Lieder romantiques intitulé Selige Stunde il y a quelques années, un répertoire sortant un peu des sentiers battus, des moyens vocaux quasi inégalés, une parfaite maîtrise pianistique dans le domaine du Lied, tout semblait réuni pour une réussite complète.

D’où vient alors que l’écoute ne tient pas toutes les promesses de l’affiche ?

Cela tient peut-être à la composition même du récital dont le fil, la trame dramatique ou poétique nous échappe _ et nous perd. Le cœur du programme est constitué des Trois Sonnets de Pétrarque (en italien, naturellement) que les deux partenaires ont souvent donnés en concert, qu’ils maîtrisent et qu’ils donnent avec beaucoup de conviction,mais pas toujours avec légèreté _ ah ! Le choix des pièces qu’ils ont réunies autour de ce cœur de programme, _ fâcheusement _ on n’en perçoit guère la logique ni la pertinence.

Cela tient peut-être aussi aux grandes disparités de ton et de caractère que le chanteur met en œuvre d’un Lied à l’autre, mais aussi au sein d’une même pièce _ ce que Hughes Schmitt caractérisait en son article du 15 février 2012 comme « typiquement lisztien«  ! _, qui rompent l’homogénéité du récital et font que les numéros s’enchaînent sans parvenir à créer l’atmosphère d’un véritable Liederabend _ probablement étranger à l’idiosyncrasie de Liszt ! _, sans créer de tension poétique durable. Le sentiment d’intimité, de chaleureuse communion _ à la Schubert… _ avec les artistes n’émerge que sporadiquement, sans cesse mis en péril par l’ampleur des moyens vocaux, évidemment considérables, mais pas nécessairement adéquats ni dispensés avec souplesse, et souvent disproportionnés par rapport aux textes ou au propos musical ; saluons cependant les efforts constants fournis par le pianiste pour établir et entretenir la trame poétique.

L’entame du disque est particulièrement étrange, tout en énergie et en force avec de très grands contrastes – que le texte ne justifie guère – mais peu de distance ou de second degré, pourtant si précieux chez Heine. On goutera bien, par petites tranches, quelques réussites ponctuelles, comme Im Rhein, im schönen Strome et Die Loreley (plages n°5 & 6), avec de belles demi-teintes et une émouvante transparence vocale, ou Die stille Wasserrose (plage 14), insuffisantes hélas à sauver l’ensemble.

Il reste bien entendu que la voix est grande, très grande – mais pas toujours très homogène ni très précise, que le piano est particulièrement soigné et intelligent, que la diction est irréprochable. Mais voilà, l’art du Lied est un des plus difficile, où le chanteur se trouve complètement à découvert, en constante quête de sens, où il doit porter le son plutôt que se laisser porter par lui, un art qui demande une très grande souplesse, une grande simplicité de ton, si différent de l’opéra…

J’gnorais jusqu’ici ces deux articles,

et tout spécialement, celui, très remarquablement lucide et éclairant sur Liszt, de Hugues Schmitt,

mais ma connaissance jusqu’ici des Lieder de Liszt ne m’avait guère prédisposé alors à l’écoute de ces deux CDs de Lieder de Liszt, parus en 2011 et 2021, interprétés par Diana Damrau et Jonas Kaufmann, avec le piano de Helmut Deutsch.

Cf toutefois, et a contrario (!), mes articles à propos de 3 CDs de Lieder de Liszt que je possède, et ai, eux, beaucoup appréciés :

mon article du 5 novembre 2019 : «  » ;

celui du 25 novembre 2019 : «  » ;

celui du 17 décembre 2019 : « « … ;

et celui du 11 mars 2020 : « « …

J’en tire cette modeste conclusion que

le talent d’exécution des interprètes, au concert comme au disque _ soient ici les chanteurs Cyrille Dubois, André Schuen, Stéphane Degout, et les pianistes qui les accompagnent dans les CDs cités, soient Tristan Raës, Daniel Heide et Simon Lepper _, a une non négligeable importance sur la réception-écoute des œuvres des compositeurs _ même les plus grands ! _, par le mélomane,

dont le goût, jamais non plus, et c’est bien sûr aussi à remarquer, ne saurait être parfaitement neutre et objectif en sa réception, toujours circonstancielle

_ ainsi que toujours révisable, mais oui !, à de nouvelles écoutes ; telles que celles qu’offrent bien opportunément, et à contre-courant du passage du temps, les CDs bien matériels et durables de nos discothèques précieusement et bien heureusement conservées…

Un trésor !

Bref, un assez joli CD

_ qu’on écoute ici par exemple son « Ich bin der West abhanden gekommen » (6′ 04) ; ou son « Im Abendrot » (6′ 57)… _

mais qui ne soulève pas vraiment _ peut-être d’abord une affaire de timbre de la voix : et c’est hélas rédhibitoire… _ mon enthousiasme de mélomane…

Ce samedi 13 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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