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Un nouveau sublime récital de « concerts à plusieurs instruments » de Johann-Sebastian Bach, par Café Zimmermann : une nouvelle pépite Alpha, pour fêter l’an en beauté radieuse !

02jan

A la fois

pour fêter (en beauté radieuse !) l’an neuf

_ et l’ouverture de la seconde décennie du siècle ! _,

et marquer la réussite exceptionnelle _ une saison dorée !!! _ de l’éditeur Alpha en 2010 :

avec,

entre autres merveilles (!) à son actif et à son catalogue :

de François Lazarevich & Les Musiciens de Saint-Julien,

le CD « Et la fleur vole !« 

(soit le CD Alpha 164) _ cf mon article du 19 octobre 2010 : « une rafale de jouissances musicales : en poursuivant hors des sentiers battus« … ; cf aussi le très bel article de Christophe Huss, sur le site de Classics-Today-France, en décembre dernier : « assurément l’un des disques de musique ancienne de l’année«  et « un des enregistrements de musique ancienne les plus intègres que je connaisse. Et peut-être un des plus beaux dans sa simplicité«  _ ;

de Vincent Dumestre & Le Poème Harmonique,

le CD Monteverdi-Marazzoli « Combattimenti« 

(soit le CD Alpha 172) ;

d’Éric Le Sage et ses amis,

l’achèvement de l’intégrale de la musique pour piano et musique de chambre de Robert Schumann, avec le volume XI de ses « Klavierwerke & Kammermusik« 

(soit le double CD Alpha 169) ;

et _ at least (maybe…), but not at last _,

de l’Ensemble Calliopée,

le troisième volet de l’intégrale en cours de l’œuvre complet de Lucien Durosoir, « Jouvence« 

(soit le CD Alpha 164)…

voici que nous tombe comme du ciel (!)

le cinquième volet des « Concerts à plusieurs instruments » de Johann-Sebastian Bach par Café Zimmermann _ que dirigent le violoniste Pablo Valetti et la claveciniste Céline Frisch : merveilleux tous deux ! _ (soit le CD Alpha 168) :

comportant _ quel programme festif ! _

l' »Ouverture » n° 3 en ut majeur BWV 1068,

le « Concerto brandebourgeois » n° 6 en si bémol majeur BWV 1051

le « Concerto » pour clavecin en fa mineur BWV 1056,

et le « Concerto » pour trois clavecins en ré mineur BWV 1063…

Cette interprétation-ci de ces œuvres concertantes,

de plus,

est tout simplement,

et en chacune de ses pièces,

sublimement radieuse !!!

Un unique (infime !) regret :

qu’il nous faille devoir patienter encore un peu

pour jouir de l’intégralité de ces « Concerts à plusieurs instruments » de Bach,

dans l’impatience de l’ultime CD qui viendra couronner, cette année 2011, cette exceptionnelle réalisation !


Quel parcours (de parfaite musicalité !!!) aura réalisé Café Zimmermann

depuis la parution du premier volet de cet ensemble de musique concertante de Bach,

en 2001 !..

La réussite de ce CD est complétée par les très précises

et très éclairantes

notices, dans chaque livret, de Gilles Cantagrel !

faisant le point, pour chaque œuvre, sur les tout derniers acquis de la recherche musicologique la plus pointue et compétente…

Quel extraordinaire _ prodigieux ! _ sourcier de tels talents musicaux

s’est donc révélé être

leur Pygmalion,

Jean-Paul Combet ! ;

avant d’entreprendre, désormais, de nouvelles formes

_ inventives et encore plus audacieuses ! _

de réalisations musicales

_ qui ne manqueront pas de surprendre, à nouveau, et, pour le meilleur,

émerveiller plus d’un !..

En attendant,

je suis aussi,

personnellement, très impatient _ encore ! _ de découvrir

et écouter _ longtemps… _

le quatrième volet de l’intégrale Alpha « Lucien Durosoir« 

_ après les CDs 105 (« Musique pour violon & piano« , par Geneviève Laurenceau & Lorène de Ratuld) ;

125 (« Quatuors à cordes« , par le Quatuor Diotima ; cf mon article du 4 juillet 2008 : « Musique d’après la guerre« …) ;

et 164 (« Jouvence« , par l’Ensemble Calliopée ; cf mon article du 29 juillet 2010 : « le “continent Durosoir” livre de nouvelles merveilles : fabuleuse “Jouvence” (CD Alpha 164) !!!« …)_,

qui doit paraître ce mois de janvier

et en avant-première au colloque « Lucien Durosoir » (1878-1955),

qui se tiendra les samedi 19 et dimanche 20 février 2011

au Palazzetto Bru-Zane, à Venise

_ soit la résidence du très actif et merveilleusement fécond « Centre de Musique Romantique Française«  (dans le sestiere de San Polo, pour se repérer sur un plan…) ; à Venise, donc.

En l’espèce de ce 4ème CD de l’œuvre intégrale de Lucien Durosoir,

je veux parler du CD qui s’intitulera « Le Balcon« ,

d’après l’œuvre

chantant _ par une voix de basse _ le poème

des Fleurs du mal de Charles Baudelaire…

En attendant ces prochaines parutions de cet excellentissime catalogue de CDs Alpha,

d’ores et déjà,


réjouissez-vous pleinement

le cœur et les oreilles

de ce grandiose CD si éloquemment festif !

qu’est le volume V des « Concerts à plusieurs instruments » de Johann-Sebastian Bach

par les virtuoses de Café Zimmermann

_ au nombre desquels nous retrouvons quatre des interprètes d’un autre sublime CD,

(que je recommande aussi tout particulièrement,

en cette période, encore.., de fêtes) ;

membres, cette fois, de l’Ensemble Stylus Fantasticus :

Friederike Heumann, à la viole de gambe (et à la direction),

Pablo Valetti, au violon baroque,

David Plantier, au violon baroque,

& Dirk Börner, au clavecin et à l’orgue positif ;

auquel se joint pour lors le très excellent lui aussi Eduardo Egüez _ mais son absence de la troupe de Café Zimmermann dans le CD Bach s’éclaire quand on prend conscience qu’il n’y a pas de luth requis dans les « Concerts à plusieurs instruments«  de Johann-Sebastian Bach…

Ces cinq musiciens _ merveilleux ! _

constituant l’Ensemble Stylus Fantasticus,

interprètent _ à la perfection ! j’ai comparé avec les interprétations de Reincken que je collectionne ! _ les Partitas I, II, IV & VI de l’Hortus Musicus de Johann-Adam Reincken

en un CD Accent 24217 « Johann-Adam Reincken« ,

sous la direction particulièrement splendide de finesse et de justesse de jeu _ entre équilibre et feu de la virtuosité ! du stylus fantasticus !.. _,

de l’excellente Friederike Heumann…

Quand on sait que Reincken (1623, ou plutôt 1643, Deventer – 1722, Hambourg) _ qui officiait à l’église Sainte-Catherine de Hambourg _

fut un ami très proche de Dietrich Buxtehiude (1637-1707)

et un des formateurs de Johann-Sebastian Bach (1685-1750), qui lui a voué toute sa vie une très haute dévotion musicale,

on peut d’ores et déjà mesurer,

si on n’a pas encore fait connaissance avec cette musique « de génie » _ cf la signification même de « fantasticus« _,

le niveau d’excellence _ ou de sublimité _ de celle-ci !!!

Bref,

écoutez

et le CD Bach Alpha 168, par Café Zimmermann,

et le CD Accent 24217, par Hortus Musicus :

deux sublimes enchantements !


Titus Curiosus, le 2 janvier 2011

le « continent Durosoir » livre de nouvelles merveilles : fabuleuse « Jouvence » (CD Alpha 164) !!!

29juil

Après une série d’œuvres de Musique pour violon & piano

(= le CD Alpha 105 _ paru en 2006),

et le coup de tonnerre des trois chefs d’œuvre (somptueux !!! et faisant date dans l’histoire de la musique française ! qu’on se le dise et qu’on se le chante !!! de par le monde entier !) des trois quatuors à cordes de 1919-1920, 1922 et 1934

(= le CD Alpha 125 Quatuors à cordes _ paru en 2008 ; cf mon article on ne peut plus significatif (!) du 4 juillet 2008 : Musique d’après la guerre !),

voici que le « continent Durosoir« 

(= l’œuvre musical de Lucien Durosoir, composé en quelques 46 opus, entre février 1919, à sa démobilisation de la Grande Guerre (passée plus de quatre ans durant, et sans discontinuer, en première ligne, sur le front des tranchées : à Verdun-Douaumont, à Craonne, à Neuville-Saint Vaast), et 1950)

s’enrichit pour nous, mélomanes, de sept nouvelles merveilles

mises ainsi à la disposition de notre jubilation !

Le programme de ce troisième CD Durosoir est encadré par deux chefs d’œuvre de très amples dimensions (20’55, pour la Fantaisie (Jouvence) ; 24’35 pour le Quintette pour piano et cordes) :

_ d’une part, et en ouverture, une Fantaisie (pour violon principal, d’une part, et octuor : deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, cor et harpe, d’autre part) intitulée Jouvence, en référence _ mais non sans ironie musicale… _ à un poème de José-Maria de Heredia, le second des Conquérants, dans Les Trophées ; l’œuvre est de 1921…

_ d’autre part, en final, le Quintette pour piano et cordes en Fa Majeur ; l’œuvre _ merveilleusement trépidante de vie ! _ est de 1925…

Je remarque au passage le contraste entre,

d’une part, une forme libre _ et Lucien Durosoir s’y adonne à cœur-joie ! _, la « fantaisie » ; et qui plus est « pour violon principal et octuor » : une formule éminemment singulière ! ainsi qu’un instrumentarium lui-même peu couru pour un octuor (deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, cor et harpe) ! pour ce qui concerne cette pièce merveilleusement colorée et puissante _ et ludique ! c’est du secret de la vraie (!) jeunesse qu’il s’agit ! _ qu’est Jouvence ;

et, d’autre part, un genre bien reconnu, lui, par la tradition de musique de chambre _ mais, ici encore, interprété avec une joie malicieusement ludique ô combien souveraine ! la note (très, très discrètement !) jazzy du piano apportant une touche qui se situerait quelque part, mais bien plus malicieusement, entre Chostakovitch et Bartok : c’est tout dire !!! _ : le quintette pour piano et cordes…

_ les cinq autres œuvres _ ramassées, elles, denses, mais toujours sans la moindre lourdeur : élégance ! élégance de la justesse ! à la française… en leur brièveté (couperinienne ?) _ de ce CD Alpha 164 sont toutes destinées à des combinaisons pas trop fréquentées _ d’où des univers chaque fois pleinement singuliers ! même si rapidement dessinés, effleurés… _ de deux instruments _ peut-être, même si aucune de ces pièces n’est de forme « sonate« , dans l’esprit (si ce n’est qu’il s’agit là de « fantaisies«  : de formes libres !) de la série envisagée par Debussy (et demeurée hélas ! inachevée) de six sonates (pour divers instruments) : n’ont été réalisées que celle pour violoncelle et piano, en 1915, celle pour flûte, alto et harpe, en 1915, aussi, et celle pour violon et piano, composée entre octobre 1916 et avril 1917… Debussy est mort le 25 mars 1918.

Dans ses lettres à sa mère de la période de la guerre, en mars 1918 _ Lucien se trouve au colombier de Suippes (dans la Marne, non loin d’Epernay) avec André Caplet _, il adresse ceci à sa mère demeurant à Vincennes : « Je t’envoie une invitation pour le 8, audition de la SMI _ la Société de Musique Indépendante (1910-1935) _ ; c’est Caplet qui a reçu cela. Le concert est à 3 heures : c’est pratique ; programme superbe et intéressant. La sonate piano et violon de Debussy, par Yvonne Astruc et madame Fourgeaud-Groulez, Ombres de Florent Schmitt, pièces de piano par Loyonnet, et un quintette pour cordes et harpe de Ingelbrecht, et cinq mélodies de Caplet. Un programme magnifique, outre que tu entendras la sonate de Debussy ; je serais heureux de connaître ton impression. Je te prierai même de me l’envoyer, car je travaillerai _ voilà ! _ cette œuvre avec Caplet« .., pages 193-194 de Deux musiciens dans la Grande Guerre, recueil de « Lettres du front«  de Lucien Durosoir à sa mère et des « Carnets de guerre«  de Maurice Maréchal..  .

Voici ces cinq pièces :

à l’exception de Caprice (pour violoncelle et harpe ; et dédiée en 1921 à son camarade Maurice Maréchal « en souvenir de Géricourt (hiver 1916-1917)« )

et de Berceuse (pour flûte et piano : composée pendant les derniers moments de Louise Durosoir, l’automne 1934 _ celle-ci mourut au mois de décembre _ et que Lucien Durosoir qualifia de « Berceuse funèbre » quand il la « reprit » et « améliora« , en février 1950, pour son Chant élégiaque, en mémoire de Ginette Neveu, pour violon et piano, cette fois),

dont les titres correspondent à des genres musicaux _ ainsi Frescobaldi donne-t-il à ses douze Capricci pour l’orgue (en 1624) un style fugué, avec des mouvements vifs exigeant « du feu«  dans leur exécution ; quant à la berceuse, Lucien joue assez fréquemment au front la Berceuse de Gabriel Fauré : par exemple, avec André Caplet, les 17 et 22 novembre 1915 (cf les pages 145 et 147 de Deux musiciens dans la Grande Guerre) ; de même que Lucien Durosoir a baptisé Berceuse une de ses cinq Aquarelles (pour violon et piano ; la pièce étant aussi transcrite pour violoncelle et piano) en 1920 : la berceuse a une vertu consolatrice… _,

les trois autres pièces à deux instruments

font référence, elles, à des poèmes :

_ de Leconte de Lisle (il s’agit de la strophe 4 du second poème des Poèmes antiques, Prière védique pour les morts _ le premier poème, Sûrya, étant un hymne védique _, quasi à l’ouverture du recueil _ paru en 1852),

pour Incantation bouddhique (pour cor anglais et piano, en 1946) : sous la forme d’un exergue inscrit en tête de la partition ;

et plus directement, par leur titre même reproduisant (sans expressément l’indiquer, toutefois : cela pouvant ne pas se remarquer…) le titre d’un poème :

_ de José-Maria de Heredia (le poème Vitrail est le premier de la série intitulée « Le Moyen-Âge et la Renaissance » dans Les Trophées _ parus en 1893),

pour Vitrail (pour alto et piano, en 1934) ;

_ et de Gabriel Dufau (pour son recueil Au Vent des Landes _ paru à l’Imprimerie d’Editions d’Art à Montpellier, en 1914 : le Docteur Gabriel Dufau, landais, fut maire de Léon, proche de l’océan, là où se jette le courant d’Huchet _),

pour Au Vent des Landes (pour flûte et piano, en 1935)…

Ces trois pièces sont ainsi immédiatement _ et musicalement ! _ mémorielles pour leur compositeur…

Lucien Durosoir

_ l’homme est né à Boulogne sur Seine le 6 décembre 1878 et est mort le 5 décembre 1955 à Bélus, non loin de Peyrehorade, au pays d’Orthe, à l’extrémité sud-ouest (et surplombante, sur son éminence assez proche du confluent de l’Adour et des Gaves réunis) de la Chalosse, dans le département des Landes, où Lucien Durosoir a résidé depuis son installation là (en ce que son fils et sa belle fille nomment « son ermitage«  !), en 1927 : la vue s’étend au loin sur la chaîne des Pyrénées ; et l’air comme le climat devaient être suffisamment salubres pour la santé désormais fragile de sa mère, Louise, qui y vécut ses sept dernières années… _,

le compositeur,

est né, lui, à la composition musicale (aboutie) en 1919 !

alors qu’il était devenu violoniste (virtuose) dès l’âge de vingt ans, soit en 1899 :

« sa vie le mena, dès l’âge de vingt ans, dans les itinérances d’une carrière de soliste international« , rencontrant un brillant succès notamment sur les scènes les mieux en vue d’Europe centrale et orientale : à Berlin, à Vienne, à Moscou ; où Lucien Durosoir fit resplendir la plus récente musique française d’alors (Saint-Saëns, Lalo, Widor, Bruneau) ; par exemple, c’est lui, Lucien Durosoir, qui assura la création viennoise de la Sonate en la majeur pour violon et piano de Gabriel Fauré, en 1910 ;

de même qu’en France, Lucien Durosoir assura, en février 1903, la création du Concerto pour violon et orchestre de Brahms, à la salle Humbert de Romans : il avait été l’élève du dédicataire même (en 1878) de ce concerto, l’immense Josef Joachim (1831-1907) !

Au cours de son premier concert à la salle Pleyel, le 7 avril 1899, Lucien Durosoir a donné en première audition française le Concerto de Niels Gade ; de même que, en mai 1901, il donne, pour la première fois en France, le Concerto pour violon de Richard Strauss !..

le compositeur _ donc, je reprends l’élan de ma phrase _

est né, lui, à la composition musicale (aboutie) en 1919 ! avec son premier quatuor à cordes, en fa mineur _ cf le CD Alpha 125, par le Quatuor Diotima…

Et le travail d’analyse musicale avec André Caplet, trois années pleines durant (du 16 octobre 1915 au 15 octobre 1918, très précisément !), sur le front

_ et parmi même les bombardements :

cf ce témoignage de Lucien en une lettre (d’août 1916) à sa mère sur les conditions de son travail d’analyse musicale avec André Caplet sur le front, dans le secteur des Éparges et de Rupt (au sud-est de Verdun), alors : « Caplet a reçu hier douze études de Debussy. Pendant que nous étions en train de les lire, il est tombé à moins de cinquante mètres de notre ferme sept obus qui n’ont blessé personne, et qui n’ont rien détruit. Il y a eu un moment de stupeur (…). C’est un petit incident« , page 171 de Deux musiciens dans la Grande Guerre… ;

cf aussi en février précédent (1916), ces autres incidents-ci, à Cappy (dans la Somme), cette fois :

« Aujourd’hui, la journée est assez calme, nous avons toujours nos petits bombardements quotidiens, c’est-à-dire une centaine d’obus qui tombent sur Cappy. Nous vivons en partie dans les caves. Le piano du lieutenant Poumier est en miettes ; il est accordé pour toujours« , page 158 ;

et encore, en une autre lettre à sa mère quelques jours plus tard :

« La maison que j’occupais à Cappy a été rasée par un obus. Mon violon et celui de Dumant ont été engloutis, car ce dernier depuis trois semaines en avait fait venir un. Nous avons déblayé par la suite, le violon de Dumant est en miettes, le mien par le plus grand des hasards n’a absolument rien. Quelle chance ! (…) Je venais de sortir il n’y avait pas cinq minutes, appelé par le médecin pour prendre le commandement de trois équipes de brancardiers. C’est une chance. Je n’ai pas voulu t’écrire cela de suite, de peur de te tourmenter ; maintenant que nous sommes relevés, cela n’a plus d’importance. J’ai de la veine« , page 160 : il n’y a donc pas eu que le piano de Poumier, de détruit ; et pas que le violon de Lucien, de sauvé ! en cet « incident« -là, de bombardement d’obus, à Cappy (entre Albert et Péronne)… _,


Et le travail assidu d’analyse musicale avec André Caplet, trois années pleines durant, sur le front,

y est pour pas mal !..

_ sur ce « passage« , crucial, d’instrumentiste (-interprète de musique) à compositeur (-créateur même de l’œuvre de musique !) de Lucien Durosoir,

j’aurai à revenir bien plus précisément ! cette affaire-ci est passionnante !

cf sur ce point de la relation décisive de Lucien Durosoir (en gestation de « compositeur« …) avec André Caplet en tant que compositeur confirmé déjà lui-même ; même si Caplet est alors, à ce moment (de la guerre), surtout célèbre comme « directeur de musique«  : à l’Opéra de Boston, dont il revient au printemps de 1914 ; et que lui-même _ ainsi que Lucien _, se consacrera à la « composition«  surtout après la guerre : de 1919 à sa mort, le 22 avril 1925… :


André Caplet et

Claude Debussy

De retour de Boston début 1914 et nommé chef de l’orchestre de l’Opéra de Paris et, bien qu’exempté du service militaire, André Caplet s’engage au moment de la déclaration de la Guerre.

De tempérament « malingre » (selon l’adjectif de Lucien, qui en esquisse un premier portrait à sa mère, page 141 de Deux musiciens dans la Grande Guerre :

« Il est sergent, on va lui trouver un filon _ si peu que ce soit protecteur, sur le front ! _, d’autant plus qu’il est malingre. il fait partie de ces renforts douteux _ sur le front, donc, à cette date d’octobre 1915 _ que nous recevons maintenant. Il faut vraiment avoir besoin d’hommes pour prendre des gens comme lui« , commente Lucien l’arrivée d’André Caplet sur le front de l’Artois, à Beaudricourt, dans le Pas-de-Calais, le 17 octobre 1915…)

et gazé, sa santé au retour des quatre années de guerre, l’empêchant de continuer sa carrière de chef d’orchestre,

André Caplet se retire en Normandie, se marie, a un fils, Pierre (né le 20 octobre 1920) et consacre son activité musicale d’une part à l’orchestration (La boîte à joujoux, Jet d’eau ou Clair de lune de son ami disparule 25 mars 1918, d’un cancer _ Claude Debussy, par exemple) et d’autre part, et surtout, à la composition personnelle avec une dominante religieuse (Messe à trois voix, La Part à Dieu ou Le Miroir de Jésus : Mystères du Rosaire…)…

cf sur ce point de la relation décisive de Lucien Durosoir (en gestation de « compositeur« …) avec André Caplet « compositeur«  confirmé déjà lui-même _ je reprends ma phrase _,

cf, donc, cette analyse très éclairante de Luc et Georgie Durosoir : « Lucien Durosoir et André Caplet passèrent ensemble ces années terribles

_ trois ans jours pour jour, même, très exactement : de l’arrivée au départ de Caplet du front (où demeura Lucien jusqu’à la fin des hostilités, le 11 novembre 1918 : Lucien se trouvant alors non loin de Gand, en Belgique) :

soit, et très précisément,

du 16 octobre 1915 (arrivée de Caplet à Beaudricourt, sur le front de l’Artois

cf la lettre du 17 octobre 1915 :

« Il est arrivé hier matin, dans un nouveau renfort _ afin d’« organiser le quatuor » que « le colonel (Viennot ; ou Valzi ?) voudrait que je forme« , page 140 _, André Caplet, le prix de Rome, chef d’orchestre bien connu qui dirigeait à Boston depuis plusieurs années la saison d’opéra (…) Il jouerait de l’alto dans le quatuor ; inutile de dire qu’il serait intéressant comme musicien _ interprète, d’abord ; mais plus encore analyste, compositeur ! Il paraît fort timide, il faut dire qu’il était désorienté de se retrouver au front, c’est la première fois qu’il y venait« , pages 140-141 de Deux musiciens dans la Grande Guerre… )

au 15 octobre 1918 (départ de Caplet, des avancées des troupes sur l’Yser

_ cf ici la lettre de ce 15 octobre 1918 de Lucien à sa mère, page 209 :

« Est parvenue une nouvelle qui m’a causé, ainsi qu’à Caplet _ tous deux préposés au service de transmission colombophile _, une grosse émotion. Est arrivée une note du Grand Quartier général qui envoie Caplet à Chaumont comme directeur de l’Ecole technique américaine de musique militaire. (…) Ce matin, après avoir trié toutes ses affaires, j’ai conduit Caplet jusqu’à une auto qui devait l’emmener jusqu’à Calais _ le théâtre des hostilités s’est déplacé, lui, depuis quelques jours ce mois d’octobre 18, plus au nord, au « pays de la gueuse Lambic«  (expression in la lettre du 30 septembre, page 208) : en Belgique !..

Ce n’est pas sans émotion que nous nous sommes séparés, après deux _ ou trois ? octobre 1915 – octobre 1918 ! _ ans de vie commune et de tous les instants _ un élément capital : et pas seulement pour le devenir musical (de compositeur) de Lucien ; pour celui d’André Caplet aussi (même bref, hélas !) : il se consacre lui aussi à la composition désormais !.. Je ne puis oublier tous les bons moments de musique _ plus encore d’analyse et de composition que de répétitions et d’exécutions de musique ! _ et les mille souvenirs qui s’attachent aux lieux parcourus ensemble dans cette vie misérable et pittoresque _ dans les tranchées et sous les obus à proximité immédiate du front ! Et tout particulièrement le séjour fécond, cette année 1918, au colombier de Suippes… Caplet aussi était fort ému.

Me voici donc le dernier survivant de l’ancien groupe musical, car Mayer _ Pierre Mayer : violoniste, intégré plus tardivement au « groupe« , lui _ est toujours au CID. Mais de l’ancien groupe, Caplet _ qui y jouait de l’alto _, Lemoine _ second violon _, Maréchal _ violoncelle _, Magne _ piano _, Cloëz _ piano ; ce dernier donne aussi des leçons d’harmonie à Lucien (note de la page 237) _ sont maintenant partis. J’avoue que je vais me trouver bien isolé _ intellectuellement, disons… _, car, de tous ceux qui m’entourent et qui sont certes de bons camarades, il n’y avait que Caplet avec lequel je pouvais causer de choses élevées _ de l’ordre de l’art ! _ et avec lequel je sympathisais » _ et faisais de la musique ! Pages 209-210 de Deux musiciens dans la Grande Guerre

Le 3 janvier 1915, à propos du « port de médailles bénites«  évoqué dans des cartes de vœux reçues (et jugées par Lucien « bêtes et ridicules« ), Lucien confiait à sa mère : « Il est évident que s’il est heureux pour l’homme de posséder un large sentiment religieux dans la grande acception du mot

_ les références culturelles (spirituelles) de Lucien ne sont pas (à la différence d’un André Caplet) « religieuses«  au sens étroit du terme ; ou « chrétiennes« , si l’on préfère, comme c’est le cas de l’inspiration de Caplet ; mais plutôt philosophiques en l’espèce d’un paganisme (panthéiste) puissamment présent chez les Tragiques grecs (et Eschyle plus encore que Sophocle) et les Stoïciens : d’où le goût très fort chevillé à l’âme de Lucien, et toute sa vie, pour l’« élévation«  d’inspiration d’un Leconte de Lisle et des poètes parnassiens ; puis, autour du tournant du siècle, des romanistes : Jean Moréas, en l’occurrence, ou un Raymond de La Tailhède, en ses références poétiques de toute sa vie… _,

il est non moins évident que je considère comme faiblesse d’esprit _ voilà _ le port de médailles bénites et autres objets pris plus ou moins comme fétiches ; il y a là un sentiment puéril et mesquin dont il faut _ en stoïcien ! _ se défendre. J’excuse beaucoup les gens (esprits ordinaires) de donner dans de pareils travers, mais je considère que l’esprit élevé et large que je suis _ voilà : et sans forfanterie _ n’a pas besoin de pareilles choses pour se soutenir. L’idéal élevé que je soutiens en ce moment _ mais pas seulement alors ! _ se suffit à lui-même. Certes, mon sort est entre les mains de Dieu _ ou d’Anankhé _, il suffit d’un obus pour trancher la question, mais le port d’une médaille quelconque ne peut rien faire à la chose, ce serait trop facile. Laissons cette illusion _ superstitieuse _ à ceux qu’elle berce _ je relève le terme : sa fonction est thérapeutique… _ ; tant mieux, ils puisent là une force ; mais moi je n’ai pas besoin de cette force-là, je la possède en moi-même. (…) Haut les esprits et les cœurs, mais pas de mesquineries, évidemment«  (pages 70-71) ;

et le 5 : « Je te remercie d’avoir fait brûler un cierge pour moi, mais je ne verrai certainement pas avec plaisir une évolution trop grande _ on note le délicat de la nuance (et de l’appel, en l’élégance de l’impersonnalité indéfinie de son expression…) _ vers ce que je considère comme le contraire d’un esprit large, trouvant en lui-même et en l’idéal de sa vie _ ce sont là des points d’appui majeurs ! pour pénétrer l’idiosyncrasie de Lucien Durosoir ! _ l’élément nécessaire au soutien. Aie confiance, chère maman, aie confiance !«  (page 72); fin de l’incise sur l’« élévation«  revendiquée comme « nécessaire » de l’esprit….

cf cette analyse très éclairante de Luc et Georgie Durosoir : « Lucien Durosoir et André Caplet passèrent ensemble ces années terribles _ je reprends le fil de ma phrase et de la citation _,

et leur amitié se scella aussi bien dans les tranchées _ sous le déluge des balles et des obus _ que dans les positions de repli _ un peu tant soit peu moins exposées… _ où ils faisaient de la musique _ de diverses manières : en en jouant (et devant divers publics : notamment le cercle du général Mangin ; ou d’autres officiers supérieurs mélomanes : le colonel Viennot, le colonel Valzi ; etc.) ; mais, plus encore et surtout, en travaillant assidument l’analyse de partitions ; et en s’intéressant au travail même de la composition (y compris en la pratique d’exercices…). L’idée de composer s’affirme _ voilà ! _ de plus en plus fortement dans l’esprit de Lucien Durosoir _ elle fait son chemin…

Songeant à la fin de la guerre, il écrit, le 12 septembre 1916 : « Je commencerai la composition afin de m’habituer à manier les formes plus libres _ la notation est d’importance ! voilà un axe de priorité de Lucien ! _, et je donnerai, j’en suis persuadé, des fruits mûrs » «  _ même si Lucien n’a jamais cessé d’y songer, depuis sa formation musicale, au sein du Conservatoire, comme en dehors (il s’en fait renvoyer par le directeur, Ambroise Thomas), notamment auprès de Charles Tournemire ! avec lequel il continuera de travailler : Lucien n’est tiède ni en ses rejets, ni en ses fidélités… _

..

Revenir de la guerre n’est pas, pour Lucien Durosoir, un simple retour au pays _ et au domicile familial de Vincennes. Dans le délabrement économique, mental et physique de nations dont presque toute la jeunesse a été fauchée _ cette Guerre fut rien moins que le premier suicide collectif de l’Europe ; cf le livre lumineux de Stefan Zweig Le Monde d’hier _ souvenirs d’un Européen… ; ou ceux, tout aussi passionnants, d’André Suarès… _, quelle place un violoniste, auparavant de renommée internationale _ tout spécialement en Europe centrale et orientale : bouleversée et ruinée par la défaite, pour l’Allemagne ; dépecée pour l’ancienne Autriche-Hongrie ; ou chamboulée et claquemurée sur soi par la révolution d’octobre, pour la Russie _, peut-il retrouver ? Faut-il totalement renoncer _ au profit de la composition (et de l’œuvre à mener de compositeur) : et Lucien Durosoir s’y adonne intensément ces années 1919-1920 : naissent ces deux années-là rien moins que le premier quatuor à cordes (en fa mineur), le Poème pour violon et alto avec orchestre (deux œuvres, toutes deux, de grande dimension !) et les 5 Aquarelles pour violon et piano ; et l’année 1921, Lucien s’attelle, outre au Caprice pour violoncelle et harpe, qu’il dédie à son ami des tranchées, le magnifique violoncelliste, Maurice Maréchal (« en souvenir de Géricourt (hiver 1916-1917)« , spécifie la dédicace), à la jubilatoirement merveilleuse Fantaisie Jouvence (« Fantaisie pour violon principal et octuor« ) ; à la grande Sonate Le Lis pour violon et piano ;  ainsi qu’au second quatuor à cordes (en ré mineur), de très grande ampleur, ces trois œuvres-là : Lucien disposait-il de beaucoup de temps pour travailler aussi, outre cela, son violon, et surtout se soucier de contacts à des fins d’engagements à des concerts (d’orchestre) où se produire (en soliste) ?..  _ à la carrière de virtuose ? Faut-il consacrer à la « remise à niveau » du concertiste les deux années de travail _ techniquement _ indispensables ? Quel public retrouver _ peut-il être inchangé ? certes, non… _, pour celui qui se faisait acclamer dans l’Europe germanique et centrale, qui avait perfectionné, à vingt ans, son art de l’interprétation auprès des deux plus grands maîtres allemands du violon : Josef Joachim et Hugo Heermann ? _ la France nouvelle a plutôt la tête, elle, à se divertir, en ces Années qui seront bientôt dites folles… Et ce n’est pas vers cela qu’incline le penchant du « génie«  de Lucien Durosoir… 

Lorsque lui parvient une offre du Boston Symphony Orchestra, en 1921 _ Pierre Monteux, qui le dirige alors, remodèle de fond en comble l’orchestre _, il entrevoit _ comme il y avait pensé _ une nouvelle vie, une renaissance de violoniste (le poste offert est celui de premier violon solo de l’orchestre). L’accident qui rend sa mère impotente en décide autrement : cette fois-ci, il ne partira pas _ mais c’est lui qui prend la décision ! dans l’instant !

C’est ainsi qu’il décida de _ préférer se consacrer à _ réaliser un rêve, souvent caressé pendant la guerre, durant les longues heures de compagnonnage _ de trois années au quotidien : et d’un travail assidu et passionné _ avec le compositeur André Caplet : composer _ voilà ! Durant ses études, il avait travaillé le contrepoint avec Charles Tournemire et l’écriture avec Eugène Cools, répétiteur d’André Gédalge _ André Gédalge dont un des mots d’ordre (musical !) était « ni littérature, ni peinture«  : une piste de recherche à creuser… Puis, pendant les premiers mois de l’année 1918, dans l’inconfort du pigeonnier de Suippes où il était l’adjoint du sergent colombophile Caplet

_ Lucien obtient une place de colombophile en octobre 1917 et devient le second du sergent Caplet dans cette fonction (page 188 de Deux musiciens dans la Grande Guerre) ; en novembre, il écrit à sa mère (page 189) : « Ne t’inquiète pas de l’après-guerre : certainement je travaillerai la composition (voilà ! pour le compositeur qu’il va, en effet _ et même exclusivement ! _, devenir !) ; mais, au point de vue violoniste (= instrumentiste), je n’aurai besoin de personne et me pousserai bien moi-même ; mais pour cela je ne resterai pas en France. L’Amérique sera là qui nous (sic) offrira d’énormes possibilités (cf Pierre Monteux ! qui obtient d’y accompagner une tournée des Ballets russes en 1916 ; et y séjournera très activement jusqu’en 1924 ; il finira par se faire naturaliser américain en 1942…) ; il serait idiot de ne pas aller au-devant«  : Lucien avait bien du recul !!!..

Ensuite, Durosoir et Caplet se trouvent au colombier de Suippes en mars 1918 : « nous n’avons jamais été aussi bien » _ pour travailler la musique… (page 193) ;

même si, un peu plus tard, le 5 juin 1918 : « C’est demain _ 6 juin _ que j’aurai trente-neuf ans et demi. La quarantaine pointe donc ; c’est un cap _ voilà ! _ pour les hommes ; c’est en général le moment où l’on dételle _ des fantaisies, voire folies, de la jeunesse _ et où on se range _ en la maturité épanouie… Pour moi, je n’ai pas à me ranger, car je ne me suis guère dérangé _ voilà ! Ce qui est le plus triste, c’est de constater que l’âge vient, et que l’on n’a pu rien réaliser ou à peu près _ tiens donc ! _ de ses rêves de jeunesse _ le mot est là ! Il est vrai que, au fond, nous vivons pour nous, de la vie intérieure _ voilà ! ce point est décisif, en Lucien ! _, et si l’on a conscience d’avoir fait des progrès moraux, la vie n’est pas perdue _ le temps de l’œuvre va en effet venir pour Lucien ! qui reprend et récapitulera alors qui était demeuré jusqu’ici, disjoint et épars, seulement virtuel : et avec quel élan, quelle joie, quelle force !.. Nous retrouverons plus tard ces acquisitions«  _ quelle magnifique lucidité prospective ! la vocation du créateur s’exprime là ! _, page 199… _,

il avait multiplié, sous la houlette du Prix de Rome, les essais et exercices _ voilà ! C’est donc fort de cette lente maturation _ voilà le processus en germination ! _ de ses idées _ sur un terreau ancien ! et déjà excellemment « préparé«  : Lucien Durosoir est inlassablement curieux ! et a une très haute idée de l’Art !.. _, qu’il entreprend, durant l’année 1919, ses premières compositions : en deux ans (1919 et 1920), il produit plusieurs œuvres pour violon et piano (Cinq Aquarelles), un 1er quatuor à cordes et le Poème pour violon et alto avec accompagnement d’orchestre.

Fin de la référence à l’impact de la relation avec André Caplet-compositeur _ lui aussi va y consacrer les six dernières années de sa vie trop courte (Le Havre, 23 novembre 1878 – Neuilly-sur-Seine, 22 avril 1925), en travaillant surtout chez lui, en Normandie… _

sur le devenir-compositeur de Lucien Durosoir _ je creuserai la chose, passionnante !, plus tard !

Je reviens au CD Alpha 164 (Jouvence) et à son immense apport musical !

Au-delà de la poésie (musicale !) puissante (et combien inventive ! variée et mobile : jamais répétitive ni attendue _ peut-être une leçon que Caplet lui a transmise de Debussy…) des cinq pièces pour deux instruments que sont Caprice (pour violoncelle et harpe, en 1921), Berceuse (pour flûte et piano, en 1934), Incantation bouddhique (pour cor anglais et piano, en 1946), Vitrail (pour alto et piano, en 1934) et Au Vent des Landes (pour flûte et piano, en 1936),

et fine, et toujours élégante,

en ces pièces assez brèves _ de 8’37 pour Caprice à 3’52 pour Au Vent des Landes _ qui jamais ne sauraient si peu que ce soit peser, en dépit de leur composante indéniable, aussi, de gravité, telle l’ombre portée d’une inguérissable tragédie survécue _ apparentant par là le compositeur Lucien Durosoir, au-delà, bien sûr, des styles (lui est très intimement et puissamment français !), à un Béla Bartók et à un Dimitri Chostakovitch, sur les œuvres desquels son œuvre si éminemment originale et singulière, peut sembler aussi, en certains de ses si riches aspects et diaprures, comme anticiper !..

c’est le tissu complexe, chatoyant de la diaprure _ ce mot me revient ! décidément… _ tout en souplesse _ mobile _ de ses richesses et finesses multiples,

des grandes pièces que sont la Fantaisie Jouvence (de 20’55, en 1921) et le Quintette pour piano et cordes (de 24’35, en 1925),

et la force et la vie _ et l’humour aussi : il a quelque chose du rire de Voltaire ! _ de leur flux, et de leurs impulsions et rebonds,

qui ravissent et emportent la jubilation de l’auditeur,

par la richesse et la densité, toujours élégante et sans lourdeur, jamais, de ces œuvres si vivantes !

Aussi suis-je particulièrement impatient de tendre l’oreille (et le cœur) aux autres pièces de grande ampleur _ et permettant un déploiement sur une base contrapuntique _ de Lucien Durosoir :

je veux dire les pièces symphoniques ;

et j’entends plus précisément par là

_ le Poème pour violon et alto avec orchestre, composé en 1920 : inspiré par Le Centaure de Maurice de Guérin _ écrit en 1835-36, et paru, posthume, en 1840 _ ;

_ Dejanira, étude symphonique, composée en 1923 : d’après Les Trachiniennes de Sophocle _ en une traduction de Leconte de Lisle, parue en 1877 _ ;

_ Le Balcon, poème symphonique pour basse solo, cordes vocales et cordes instrumentales, composé en 1924 : sur Le Balcon des Fleurs du mal de Baudelaire _ le recueil est paru en 1857 _ ;

_ Funérailles, suite pour grand orchestre, composée en 1927-30 : à partir de poèmes de Jean Moréas extraits de son recueil Les Cantilènes _ paru en 1886 _ ;

_ Suite pour flûte et petit orchestre, composée en 1931.

Oui, je découvre avec de plus en plus d’évidence

que le génie _ singulier et universel ! _ de Lucien Durosoir se déploie le mieux

_ avec toute l’amplitude (généreuse tout autant que formidablement exigeante, comme il se doit, pour son auteur !) dont il a besoin _
dans la diaprure et le tissage riche et généreusement fourni _ à la fois pétri et contrapointé en géniale souplesse et bondissements et rebonds _ des pièces complexes :

dans l’entremêlement _ contrapuntique : somptueux ! et avec quelles couleurs ! _ des voix dont il tire (= subsume !) ses lignes (claires) de force, au sein de ce tissu ô combien riche, vivant, à la fois mobile et cohérent _ splendidement ! _

et d’une ampleur de temps, aussi, qui lui est nécessaire _ et à rebours du formalisme : jamais de pures et simples reprises ! on retrouve peut-être ici quelque chose de l’esprit musical d’un Jean-Marie Leclair (1697-1764), qu’aimait tout spécialement Lucien… _ : dépassant les 20 minutes…

Avec une nécessité de qualité d’écoute équivalente, en quelque sorte (quasi immédiatement jubilatoire !), de la part de l’auditeur, qui doit avec confiance (et très vite jubilation, donc !) s’y plonger, s’y laisser prendre et surprendre,
face à la richesse de densité de tissu et de vie de pareils chefs d’œuvre, si parfaitement inventifs et originaux en leur singularité !!!
Quelle évidence très vite alors

_ et j’en ai d’autres témoignages que celui de ma propre écoute !

Au passage, la notion de « berceuse » me paraît importante dans la genèse _ et l’historicité (après la Grande Guerre)… _ du travail de composition de Lucien Durosoir :
outre le titre d’une des Aquarelles de 1920,
et celui de la « Berceuse funèbre » de 1934 (ainsi que lui-même la qualifie en la « reprenant » et « enrichissant« , ainsi qu’il le dit, en 1950 dans le Chant élégiaque en mémoire de Ginette Neveu),
la thématique de la « berceuse » est assez souvent présente dans les poèmes, déjà, ayant inspiré d’autres œuvres (musicales, elles) de Lucien Durosoir,
notamment ceux de Jean Moréas :
« dorloter« , est-il dit dans Oisillon bleu (extrait des Syrtes, en 1884), à la source de la pièce homonyme de Durosoir en 1927 (cf le CD Alpha 125) ;
« Voix qui revenez, bercez-nous« , est-il dit dans « Les Cantilènes » (en 1886) qui ont inspiré l’important Funérailles en 1927-30 _ « à la mémoire des soldats de la Grande Guerre« , indique la dédicace…
Idem pour le A un enfant de Raymond de La Tailhède (dont la réunion des poèmes a paru en 1926), pour la pièce homonyme de Durosoir, en 1930 : « Si, lorsque tu rêves, tu vois le ciel doré, si tu vois cette mer, aux heures de douleur, tes douleurs seront brèves. Quand la vie aura fait ton esprit plus amer, tu te rappelleras ces fantômes magiques, pour t’endormir au souvenir de leurs musiques« …
Cf aussi l’Incantation bouddhique de 1945…

Il y a là une des fonctions _ consolatrice : en surmontant ! « Haut les esprits et cœurs !«  dit-il à sa mère le 3 janvier 1915 ; afin de prévenir toute pente vers quelque apitoiement !.. _ de l’Art, et de la musique, me semble-t-il, pour Lucien Durosoir,
jusque dans la grandeur de sa force de composition
_ ni doloriste, ni tiède, ni mièvre : aux antipodes de tout cela !

La dimension de « grandeur » (voire de sublime ! _ mais sans le moindre pathos ! _ en une « élévation » évidente !) y étant ô combien prégnante, mais en toute lucidité, et sans la moindre vanité !

Par ce qu’elle réussit à surmonter et à ordonner jusque dans le tragique des vies qui passent et, parfois, ne donnent pas leurs fruits :

par son style !

c’est-à-dire la noblesse toute probe (et vraie !) de sa retenue et de sa simplicité _ et élégance, ainsi qu’humour _ au sein de la vie et du flux de la complexité vibrillonnante ! _ rien de simplificateur en cette transmutation, bien sûr !

http://durosoir.megep.pagesperso-orange.fr/images/portrait_lucien.gif

Lucien Durosoir,

dessin à la mine de plomb

par Jean Coraboeuf _ 1914.

C’est aussi l’homme Lucien Durosoir, qui transparaît ainsi  _ mais sans expressionnisme seulement débridé ; ni « brutisme« , si j’ose le dire ainsi _ dans cette œuvre si riche (= généreuse !), et si maîtrisée _ par la qualité de patience et de maturation à l’égard du passage du temps ! en la vie… _ en la noblesse du flux qu’elle transcende.

Et si je puis ajouter une note plus personnelle,
je dois dire que je me sens plus que pleinement en accord avec cette esthétique ! J’en jubile !

Un dernier mot pour saluer le goût de l’initiateur singulier de l’édition discographique de l’œuvre-Durosoir :

je veux dire Jean-Paul Combet, le créateur d’Alpha,

qui nous donne là _ lui aussi généreusement _ à écouter, au disque,

mieux qu’un  jalon majeur de la musique française au XXème siècle ! mieux qu’un égal d’un Debussy et d’un Ravel !

je veux dire

un génie musical de l’humanité.

Merci, Jean-Paul,

d’avoir su si bien écouter, en sa fondamentale pudeur, la demande de reconnaissance musicale (de compositeur) post mortem

de Lucien Durosoir lui-même,

via les voix d’abord de son fils, Luc, et de sa belle-fille, Georgie Durosoir !

Désormais, le chant d’un musicien génial est en passe d’atteindre et toucher toutes les oreilles et tous les cœurs et esprits

des mélomanes

de par la planète !


C’est dire mon impatience d’écouter les opus Durosoir qui vont suivre…
Et je crois savoir que l’opus discographique n°4 est d’ores et déjà enregistré !

Vive le chant si puissant et singulier de Lucien Durosoir !

Ce CD Alpha 164 Jouvence est une pure merveille !

Durosoir, ou le secret de la jeunesse transcendée

en sa dimension, sensible musicalement, d’éternité !

Voilà ce que nous révèle en sa générosité assumée Jouvence !

Titus Curiosus, le 29 juillet 2010

Post-scriptum :

comme pour les CDs Alpha 105 Musique pour violon & piano

et Alpha 125 Quatuors à cordes,

la notice par Georgie Durosoir du livret de ce CD Alpha 164 Jouvence

est un enchantement de finesse, précision et justesse…

Curiosité, inspiration et génie : splendeur de la conférence (artiste et rigoureuse) de Mireille Delmas-Marty au Festival Philosophia 2010 à Saint-Emilion

30mai

Hier, sur la foi de la satisfaction de ma découverte l’an passé du Festival « Philosophia » (à Saint-Émilion),

avec, notamment les conférences (superbes !) d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler _ le « thème«  de cette cuvée-là était « le monde » (« à l’heure de la mondialisation« ) ; cf mon article (avec lien au podcast) de compte rendu, le 31 mai 2009 : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion«  _,

j’avais hâte de renouveler l’expérience,

d’autant que le « thème » de cette année-ci était « l’imagination » _ un mets de choix pour qui s’intéresse à la poïétique ! à la création par l’esprit (en acte et à l’œuvre !) : artistique et autre…

Un dilemme, toutefois, se posait à moi :

à l’heure de 15 heures 30,

et l’anthropologue Franco La Cecla

et la juriste, professeur au Collège de France, Mireille Delmas-Marty

proposaient simultanément deux (très prometteuses) conférences :

le premier, au Clos Fourtet, sur le sujet de « L’Imagination au masculin » ;

la seconde, répondant aux questions de l’excellent Nicolas Truong _ l’animateur de rencontres dans le cadre du Festival d’Avignon : Le Théâtre des idées : 50 penseurs pour comprendre le XXIème siècle_, sur le sujet de « Imaginaire et rigueur : imaginer un droit mondial« …

De Franco La Cecla _ aujourd’hui professeur d’anthropologie culturelle à Milan et Barcelone, ce natif de Palerme a aussi enseigné à la faculté d’architecture à Venise et été « consultant » auprès de Renzo Piano… _, j’avais découvert avec beaucoup de plaisir et d’intérêt, en 2004, d’abord le passionnant et très incisif Je te quitte, moi non plus _ ou l’art de la rupture amoureuse, puis, dans la foulée, Le Malentendu _ sur une question que j’estime cruciale, au sein des rapports humains ! et sur les conseils d’Isabelle, libraire au rayon « Sciences humaines » de la librairie Mollat : le livre est paru en 1997 aux Éditions Balland _, et Ce qui fait un homme, paru aux Éditions Liana Levi en 2002 ;

ce mois-ci, je me suis plongé avec satisfaction encore _ et je dois en rédiger, pour ce blog, un compte-rendu _ dans le délicieusement incisif, lui aussi, Contre l’architecture (aux Éditions Arléa) : c’est-à-dire vis-à-vis de certaines dérives du « gratin » des architectes les mieux (!) reconnus internationalement (= sur le marché !) au détriment du souci (et de la qualité) de l’urbanisme ! un enjeu d’importance, on peut (et on pourra) en juger… ;

quant à Mireille Delmas-Marty,

pour goûter tout spécialement _ et c’est un euphémisme ! _ la diffusion, le matin entre 6 et 7 heures (quand je prends la route pour gagner mon lieu de travail), de ses splendides cours au Collège de France ; de même que sa participation, parfois, à l’excellent « Le Bien public« , d’Antoine Garapon, le mercredi de 11 heures à midi ; les deux sur l’antenne de France-Culture

_ une exception (pour combien de temps encore ?) que ce France-Culture ! dans un paysage audio-visuel se dégradant (= dégradé !) à vitesse grand V, parmi les effluves nauséabonds triomphants (= « l’air du temps » !) de l’affairisme et du populisme conjugués de la com’, dans tant de médias, ces temps-ci…

je me suis précipité dès sa parution, sur son tout récent Libertés et sûreté dans un monde dangereux (aux Éditions du Seuil) _ j’y consacrerai aussi un article ; j’ai déjà indiqué que Michaël Foessel le citait en son important État de Vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire !

cf mon article du 22 avril dernier : « Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel«  _,

Mireille Delmas-Marty est, à mes yeux, un contemporain majeur !

Et sa conférence _ en la salle des Dominicains _ m’a comblé :

rien que pour des contributions de cette qualité-là, un Festival (de philosophie) tel que Philosophia se justifie !!!

Voici ce que, dès la première heure ce matin,

et pour remercier son remarquable interviewer _ les meilleures conférences étant les conversations vivantes !!! _

j’écrivais à Nicolas Truong :

De : Titus Curiosus

Objet : Philosophia hier à Saint-Emilion + des curiosités croisées
Date : 30 mai 2010 09:09:14 HAEC
À :   Nicolas Truong

Cher Nicolas Truong,

d’abord, j’ai plaisir à vous féliciter pour la qualité de votre « dialogue » avec Mireille Delmas-Marty,
même si l’
opération est, ici, éminemment facilitée _ et comment ! _ par la personnalité « d’exception » (= géniale ! tout bonnement ! cf le concept tel que le propose Kant en sa Critique de la faculté de juger) d’un interlocuteur tel que Mireille Delmas-Marty :
une personnalité
_ et un esprit ; et un auteur _ proprement admirable !

Avec et de l' »inspiration » et du « génie » (tout à la fois poïétique et conceptuel : mais les deux sont-ils, de fait, séparables ? _ peut-on séparer radicalement la métaphore du concept ? ce point a aussi été abordé, en la (très belle !) conférence, à 17 heures de Jean-Jacques Wunenburger : « L’Imagination au cœur de l’existence«  _),
car ils se sont fait parfaitement (= très clairement) « sensibles » _ au public hyper attentif ! _ cette heure et demie là, en la salle des Dominicains :

merci à elle ! et merci à vous de lui avoir permis

et d’en faire preuve, en son exposé en répondant à vos questions « centrales«  _ c’est important d’avoir su (si) bien préparer (sur le fond !) la rencontre _

et en sachant si bien en exposer quelques tenants et aboutissants « théoriques« , sinon « épistémologiques« , à l’œuvre en sa recherche juridique : toujours vivante ; continûment en chantier, ainsi qu’elle l’a elle-même indiqué à propos de nouvelles éventualités (= hypothèses, pistes, programmes) de recherche _ l’institution du Collège de France, par François Ier, en 1530, est une institution prodigieuse…


« Inspiration« , « Génie » : c’est d’ailleurs là
LA question de fond

(= LE fondamental !)

qui devait être « traitée » par une manifestation « philosophique » telle que « Philosophia« 

se donnant pour « thème«  (= matière à problématisations ! par les conférenciers invités : « à plancher » !) l’imagination…

Mireille-Delmas-Marty l’abordant, elle,

et à partir de vos excellentes questions, donc,
à partir de sa pratique propre _ particulière et empirique : juridique ! _

de ce qu’elle nomme les « forces imaginantes » du Droit ;

et pas « théoriquement » (ou philosophiquement, si l’on préfère),
ainsi qu’elle l’a précisé, en réponse à ma question _ à la fin _, de son « impasse« , en sa conférence, sur le « champ » plus spécifiquement « philosophique » (théorique ! voire épistémologique) de l’exploration _ c’est une dynamique ! _ de la faculté d’imagination :

le concept de « génie » tel qu’il est exploré par Kant en sa Critique de la faculté de juger,
L’Institution imaginaire de la société
, cet ouvrage majeur du XXème siècle, et l’exploration de Cornelius Castoriadis ;
mais aussi
, moins repérés, L’Invention intellectuelle de Judith Schlanger (aux Éditions Fayard, en 1983)

et La pensée vive _ essai sur l’inspiration philosophique de Marianne Massin _ la fille de Jean et Brigitte Massin, les musicologues…

Je pense aussi aux travaux (bien connus) d’Edgar Morin ;

ainsi qu’à ceux de Nicole Lapierre : Pensons ailleurs ;

ainsi que ceux d’un François Jullien : par exemple Penser d’un dehors (la Chine), en dialogue avec Thierry Marchaisse, ici : en 2000, un livre passionnant !..

J’étais d’autant plus « aux anges »
que je venais d’être déçu par le non professionnalisme de la conférencière que j’avais écoutée l’heure d’avant (en un exposé réduit à 40 minutes : à son plus grand soulagement !),
qui n’avait rien de vraiment senti, ni de personnel à « dire« ,
pas davantage que le (moindre) désir de susciter l’attention et la compréhension du public présent _ à un point caricatural d’égocentrisme (carriériste ? et germano-pratin ?) ! me suis-je dit en mon for intérieur : c’est ainsi que j’ai ressenti la « performance« …

Quelques ressucées _ à propos de Gaston Bachelard et d’Henry Corbin _ d’une thèse universitaire sienne (déjà ancienne, a-t-elle elle même avoué-proclamé) + quelques aperçus sur son dernier ouvrage publié (de plus fraîche mémoire, lui), lui suffisant apparemment !

D’ailleurs, ce dernier livre que je suis en train de lire est lui-même fort brouillon, à mon goût ; et je ne le recommanderai pas !

Heureusement,
la conférence à 17 heures de Jean-Jacques Wunenburger
(maîtrisant, lui, son sujet) fut tout à la fois et (bien plus) sérieuse (précise, éclairante) et (bien mieux) inspirée :

le conférencier non seulement avait « préparé« , lui, sa conférence _ et pas seulement « ramassé«  précipitamment (entre deux trains…) quelques anciennes « notes« , sans prendre la peine (ou si peu, de rien « situer » auprès d’un public non universitaire guère averti ni du bachelardisme, ni du soufisme décortiqué par Corbin !) : un défaut que ne se permettrait pas un professeur de Terminales de lycée!) _ mais il recherchait « vraiment » (et avec talent !) la compréhension réceptive du public (tel qu’il était) : il l’a trouvée ! en sachant « se faire pédagogique » et « vivant » ! _ encore faut-il au moins le désirer ! et désirer partager sa pensée, sa recherche, ses explications, ses lumières…

Au passage _ à propos de la sélection des intervenants à Philosophia _,
je regrette que les « décideurs » de Philosophia aient négligé de faire appel
à Marie-José Mondzain : sur l’image !


Bref,

vos questions

allaient à l’essentiel ;
et j’ai bien apprécié, déjà, votre question d’ouverture
de l’échange

invitant Mireille Delmas-Marty à présenter (= « situer » !!!)  ce qui dans son histoire personnelle avait pu l' »incliner » à ces (et ses) recherches _ quant à un « droit mondial« , tant « se construisant«  (de bric et de broc : très empiriquement ; et non sans dissensions, en son disparate !..), qu’« à essayer (de proposer) à construire«  ! _

et à leurs modalités idiosyncrasiques : assez originales (« artistes« ) dans le milieu juridique, en particulier…

Le faisceau du souci « protestataire«  (en faveur de la justice _ et à rebours des aspects de « conservation«  du Droit positif établi…) de l’héritage (familial) protestant,
et de la « curiosité » tous azimuts
_ et notamment en faveur de « singularités« , tout spécialement d’artistes ! en leurs gestes ! plus qu’en des « concepts » : d’artistes tels que Paul Klee (au Bauhaus), ou Vieira da Silva, parmi d’autres encore… _ de la personnalité propre de la conférencière

ainsi que sa « méthode » (bricolée « sur le tas« , et au fil des circonstances de ses rencontres, découvertes et « explorations« , surtout _ ainsi a-t-elle entamé, nous a-t-elle confié, des études de biologie, de médecine, de chinois (aux Langues Orientales : deux ans !), de même que de philosophie ; à côté de sa vive curiosité artistique ! _)

d’hypothèses de travail très « pratiques«  _ dans le champ du Droit (tant « fait« , que « se faisant« , et « à faire« , c’est-à-dire « à inventer« , « créer«  ! : dynamiquement !) et de son « analyse«  de tout cela _ résultant de « regards croisés« 


m’ont personnellement bien éclairé
quant au plaisir (passionné !) que j’éprouve chaque fois

à écouter les exposés de recherche de Mireille Delmas-Marty (au Collège de France) donnés sur France-Culture.

Mireille Delmas-Marty constituant pour moi, ainsi, un « contemporain majeur » !
….

Comme je vous l’ai dit très rapidement,
ma propre « curiosité« 

_ ainsi mon blog sur le site de la librairie Mollat a-t-il pour sous-titre : les « carnets d’un curieux » ;
cf son article de présentation, le 8 juillet 2008 :
« le Carnet d’un curieux »

voilà ! _

ma propre curiosité, donc,

est, elle aussi, « croisée » :
elle est née à la fois, les deux « se tissant« ,
du silence de mon père
, né le 11 mars 1914 à Stanislawow en Galicie (non loin de la Bolechow dont traite l’enquête _ superbe ! _ de Daniel Mendelsohn en ses Disparus),
ainsi que du tropisme argentin (éloigné : outremer) d’Adolfo Bioy Casares, cousin de ma mère (toujours vivante, elle : elle a 92 ans ; et une excellente mémoire !) ;
et nous avons de nombreux cousins passionnants en Argentine ;
tel Francisco Erize qui dirigea les Parcs Nationaux d’Argentine et est l’auteur de nombreux ouvrages sur la faune et la flore de son immense pays…
Sa mère, Jeannette Arata de Erize dirige encore (depuis les années 50) le Mozarteum Argentino, au Teatro Colon (qui vient de brillamment rouvrir) ;
elle connaît le « gratin » des musiciens-artistes, et pas seulement les Argentins tels que Marta Argerich ou Daniel Barenboim…

Mais mon côté Gascon, voisin de Montaigne _ j’ai vécu mon enfance à Castillon-la-Bataille, à moins de deux heures à pied de la tour de Montaigne) _
m’entraîne souvent vers la prolixité _ gaspilleuse du temps de qui me lit ou m’écoute : il me faut toujours mieux y veiller !!!

Aussi,
me contenterai-je à ce point de ce déjà bien trop long message
de vous adresser _ afin de donner à « pénétrer » un peu ma propre « curiosité«  _ les liens suivants d’articles de mon blog :

l’un concerne la session 2009 de « Philosophia » (avec les exposés d’Olivier Mongin et de Bernard Stiegler
_ dont le site « Ars Industrialis » a publié en avril 2008 mon article (je vous l’adresserai une autre fois !) « Pour célébrer la rencontre«  _ : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion »

deux autres, les travaux très percutants du très remarquable Michaël Foessel :

« La Privation de l’intime » (au Seuil) : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie »

et « Etat de vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire » (au Bord de l’eau) : « Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel« .


La « poiesis«  _ clé des « forces imaginantes » : c’est le concept qu’a magnifiquement proposé hier Mireille Delmas-Marty _ m’intéresse tout particulièrement.

Cf mes 2 articles sur le livre (puis la conférence chez Mollat, en compagnie de Michel Deguy) de Martin Rueff « Différence et identité«  (chez Hermann) à propos de la poétique de Michel Deguy :
« la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff _ deuxième parution »

et
« De Troie en flammes à la nouvelle Rome : l’admirable “How to read” les poèmes de Michel Deguy de Martin Rueff _ ou surmonter l’abominable détresse du désamour de la langue »


J’avais aussi, plus lointainement (= avant l’ouverture de mon blog : le 3 juillet 2008),
composé un article sur le livre majeur de mon amie Marie-José Mondzain « Homo spectator«  (chez Bayard),
en lui proposant de nommer « imageance » le processus (« imageant« ) qu’elle analyse…


Mon plus récent article porte sur l’admirable film « Copie conforme »
ainsi que sur l’essai de Frédéric Sabouraud « Abbas Kiarostami _ Le cinéma revisité« 
(aux Presses Universitaire de Rennes) :
« Jubilation de la déprise du cinéma d’Abbas Kiarostami : la question de l’amour du couple de “Copie conforme” ; et la profonde synthèse de la “lecture” de Frédéric Sabouraud en son “Abbas Kiarostami _ le cinéma revisité” »



Voilà.
J’espère ne pas trop vous importuner avec cette avalanche de lectures trop longues…

J’apprécie, cher Nicolas Truong, votre « regard croisé » !

Une autre fois,

je vous adresserai l’historique de mes curiosités : j’avais rédigé un CV pour France-Musique, à l’occasion d’une émission (de François Dru : « le kiosque des amateurs » _ pour le vingtième anniversaire du Centre de Musique Baroque de Versailles, en direct du Château de Versailles, le 22 septembre 2007) dont j’étais l’invité :
car je suis aussi passionné de musique ;
j’ai été « conseiller artistique » de La Simphonie du Marais (et Hugo Reyne) durant la décennie 90
(je suis le co-auteur (avec Hugo Reyne) du programme du CD « Un portrait musical de Jean de La Fontaine« , paru chez EMI en 1996 :
et à l’occasion des recherches duquel j’ai découvert un petit opéra de La Fontaine et Marc-Antoine Charpentier : « Les Amours d’Acis et de Galatée«  (donné à Paris en février 1678) ;
Catherine Cessac mentionne cette « découverte » en la seconde édition de son « Marc-Antoine Charpentier« , aux Éditions Fayard, parue en août 2004) ;

j’ai tenu une chronique d’esthétique pour l’éditeur de CDs Alpha (Jean-Paul Combet : un ami !) ;
ainsi que rédigé des livrets de CDs (« L’orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux« , par Gustav Leonhardt : CD Alpha 017 ;
« Le Sermon sur la mort » de Bossuet, par Eugène Green : CD Alpha 920)
;

et donnerai les 19 et 20 février prochain (2011) 2 conférences au colloque « Lucien Durosoir 1878-1955 »
qui se tiendra à l’Institut de la musique française romantique (la Fondation Bru-Zane), à Venise

Cf mon article « Musique d’après la guerre »

à propos du CD des « 3 Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125 : admirable ! sublimissime ! de la hauteur des Quatuors de Debussy et de Ravel, tragique en plus !).

De même que j’ai écrit 2 essais (inédits) :
« Lire « Liquidation » d’Imre Kertész _ ce qui dure d’Auschwitz« 
_ Imre Kertész (génial !) n’est pas assez lu en France, en dépit de (la célébrité seulement nominale ! de) son Prix Nobel en 2002 ! _
et « Cinéma de la rencontre _ à la ferraraise« , sous titré « Un Jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) _ à la Antonioni« …
dont j’ai présenté une « synthèse » (avec projection de la séquence ferraraise de « Par delà les nuages« , en 1995) à la galerie La Non Maison à Aix-en-Provence, le 13 décembre 2008.

Je suis un ami de Michèle Cohen, la galeriste de La NonMaison,
et de
(l’immense) Bernard Plossu _ plus et mieux célébré (jusqu’ici) à l’étranger : États-Unis, Italie, Espagne, Belgique, qu’en France _ :
« L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma” »


Enfin, il m’arrive aussi de « faire le modérateur » de conférences à la librairie Mollat :

cf ces podcasts récents :
avec mon ami Yves Michaud

(il a mis un lien vers mon blog sur son blog Traverses in Libération)
pour son « Qu’est-ce que le mérite ?«  (aux Éditions Bourin) :

pour la conférence d’Yves Michaud le 13 octobre 2009
« Où va la fragile “non-inhumanité” des humains ? Lumineux déchiffrage du “mérite” tel qu’il se dit aujourd’hui, par Yves Michaud le 13 octobre dans les salons Albert-Mollat »


et avec l’historienne Emmanuelle Picard

pour « La Fabrique scolaire de l’histoire«  (aux Editions Agone) :
pour la conférence d’Emmanuelle Picard le 25 mars 2010 

« De la latitude de faire comprendre la complexité de l’Histoire : l’éclairante conférence d’Emmanuelle Picard à propos de “La Fabrique scolaire de l’Histoire” »


De quoi vous noyer sous pareille avalanche !
J’ose espérer que vous aurez le temps d’y picorer si peu que ce soit…

Bien à vous,
et très heureux de vous avoir rencontré,
et ainsi « croisé » votre propre « curiosité« 
_ celle qui vous anime, aussi, à Avignon, dans le cadre d’un autre Festival…

Titus Curiosus


Voilà.

C’est dire si le dialogue de Mireille Delmas-Marty

sur l’invention (« se faisant » comme « à faire » : entre « technique du Droit » et « art du Droit » !)

d’un Droit mondial,

avec ses enjeux pour une humanité peut-être « moins inhumaine » _ ce fut un pan majeur de son intervention ! et ce qui anime et illumine son travail ! _

m’a passionné !


Démêler la complexité dans un esprit de justice et de justesse,

et en préservant (ou/et faisant progresser) les droits de l’indétermination et de la plasticité (= vraie liberté) de la singularité de la personne ! face à tant de pouvoirs _ cf Michel Foucault en la fécondité d’esprit de ses dernières années, luttant (en « pensant« …) contre la montre… _ qui les broient…


Voilà la flamme qui « inspire » Mireille Delmas-Marty en son œuvre d' »imageance«  _ je reprends ici le concept que j’ai proposé à Marie-José Mondzain : autre battante constructive et patiente !


Et quand le podcast de cette conférence sera disponible,

j’ajouterai un lien « en » cet article

afin de contribuer à sa plus large diffusion…


Titus Curiosus, ce 30 mai 2010

Trois (belles !) curiosités musicales _ dont une au splendide catalogue Alpha : les chansons de Gustave Nadaud, par Arnaud Marzorati

27avr

En rafale,

voici trois (très belles !) « curiosités » musicales discographiques :

1) la première est à mettre au compte du splendide _ voire époustouflant ! cette saison 2010 ; cf mon article du 14 mars 2010 : « Alpha, éditeur de la “présence” (au disque) de la musique : François Lazarevitch et Yves Rechsteiner, entre Céline Frisch et Benjamin Alard _ un catalogue de merveilles !«  _ catalogue Alpha :

il s’agit du CD Alpha 160,

une nouvelle pépite de ce sourcier assez prodigieux qu’est Jean-Paul Combet :

soit le récital La Bouche et l’oreille, composé de 17 chansons, de Gustave Nadaud (1820-1893),

auteur-compositeur _ à la fois ! _ de ces petites merveilles,

qu’a su dénicher ce musicien magnifique _ je veux dire bien plus qu’un magnifique interprète-chanteur _ qu’est Arnaud Marzorati, baryton.

Celui-ci explore, en effet, très méthodiquement, depuis une dizaine d’années, le répertoire _ un peu trop en déshérence, ces derniers temps, hélas ! de quoi nous privons-nous, aussi stupidement !?! _ de la chanson française :

depuis son premier CD pour Alpha (je veux dire en tant qu’initiateur de projet _ de concert ou de disque _ ; pas en tant qu’interprète pour divers chefs…),

le CD Alpha 075 (enregistré en 2004) de chansons de Jacques Prévert (1900-1977) & Joseph Kosma (1905-1969) : Et puis après… ;

puis, le CD Alpha 111 (enregistré en 2006) de cantates françaises de Jean-Baptiste Stuck (1680-1755) : Tyrannique empire… ;

et aussi  le CD Alpha 131 (enregistré en 2007) de chansons de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) : Le Pape musulman & autres chansons

Et maintenant voici que ce CD La Bouche et l’oreille de 17 chansons (paroles & musique, s’il vous plaît !) de Gustave Nadaud

est une réussite absolue

qui nous donne à écouter et jouir de tout un (grand) art de la chanson _ davantage pour des concerts privés, dans des salons un peu (mais pas trop !) encanaillés : avec juste ce qu’il faut d’esprit !, que pour des cafés-concerts, ou des concerts publics immenses… _ ;

et quand Gustave Nadaud se dit lui-même « modéré« ,

cela donne la mesure de ce qui pouvait alors se dire, ou plutôt se chanter ! et avec quelle poésie !

d’un art qui sait être « populaire » sans être ni vulgaire, ni populiste ! et raffiné, plein d’esprit _ français, justement !

Arnaud Marzorati nous offre tout cela avec précision, subtilité et liberté, tout à la fois,

jubilatoirement accompagné qu’il est _ comme au concert ! _ de musiciens (Daniel Isoir, au piano ; Stéphanie Paulet, au violon ; Alexandre Chabod, à la clarinette ; et Paul Carlioz au violoncelle) qui savent servir ce genre (entre deux, mais avec la liberté de ses audaces !) et ce répertoire…

Combien la chanson _ et la langue, le français parlé ! _ ont « perdu » _ en finesse comme en force de percussion ! _ depuis ce temps :

en gros celui du second empire et de la troisième république !

Quel plaisir d’écouter cette langue-là servie ainsi !!!


Qu’on en juge avec la chanson d’ouverture de ce récital, « La Vie moderne« , composée en 1857 :

« Vois-tu, là-bas, le tourbillon,

Qui, dans sa course échevelée,

Trace ce flamboyant sillon

A travers mont, plaine et vallée ?

Flamme et fumée, éclat et bruit,

S’éteindront sans laisser de traces :

Sais-tu quel est le char qui fuit ?

C’est ton existence qui passe !


Oui, le temps a doublé son cours,

L’humanité se précipite

Tous les chemins deviennent courts ;

L’océan n’a plus de limites.

La vie était longue autrefois ;

Sur la pente elle est entraînée ;

Nous vivons plus en un seul mois

Que nos aïeux dans une année.


La nature avait des poisons :

Le génie humain les révèle ;

Il arrache aux vieux horizons

Une perspective nouvelle.

Il a d’invisibles moteurs,

Des agents subtils, des essences

Qui savent calmer nos douleurs

Et décupler nos jouissances.

Les fleurs n’ont plus besoin d’été ;

Les fruits n’attendent plus l’automne ;

Ce que le sol n’a pas porté,

L’industrie active le donne.

Nous avons fait de nos loisirs

La mer et le ciel tributaires ;

Nos appétits et nos plaisirs

Épuisent les deux hémisphères.


Mais à peine respirons-nous

Dans cette course haletante ;

La vapeur nous emporte tous

Debout sur la machine ardente.

L’essieu se fatigue et se rompt,

Usé, vaincu par la distance ;

Ainsi bientôt se briseront

Les ressorts de notre existence.

L’aiguille avance ; soyons prêts !

Nous mourrons vieillis avant l’âge ;

Nos fils nous suivront de plus près

Dans le vertigineux voyage.

Ils auront la vie, à leur tour,

Plus rapide encore et meilleure ;

Ce que nous usons dans un jour,

Ils l’épuiseront dans une heure.

Ô le terrible enseignement !

Songes-y, l’instant est suprême.

Où trouveras-tu le moment

De te recueillir en toi-même ?

Beau voyageur, tu vas partir :

As-tu pris soin de bien vivre,

Ou le temps de te repentir ?

Le convoi passe, il faut le suivre !


Vois-tu, là-bas, le tourbillon« …


C’est superbe ! Une « vanité » à la Paul Virilio !

Bravo les artistes !

Et bravo l’éditeur (d’Alpha : Jean-Paul Combet _ il accomplit

(« monacalement« , dit Christophe Huss, en lui rendant, lui aussi hommage ! ;

soit, replacé dans le contexte de l’article de Christophe Huss :

« Il est clair qu’Harmonia Mundi a été ces cinq dernières années le phare de l’édition phonographique classique, l’éditeur qui a offert de beaux produits et des révélations artistiques dans de nombreux domaines

(cette considération n’enlève rien au génie de Jordi Savall sur Alia Vox,

au travail monacal d’Alpha _ voilà ! « monacal« , concerne la solitude, la rigueur, la vertu, presque l’austérité ; sinon la sainteté !.. _,

aux explorations de CPO

et à la constance de Bis)…« ,

disait-il en chroniquant un concerto pour clarinette de Mozart pas terrible, produit par Harmonia Mundi USA ;

et situant ainsi ce qui se fait actuellement de mieux, artistiquement, sur le marché de l’édition discographique !..)

il (= Jean-Paul Combet) accomplit un travail rare et magnifique ;

et cette saison-ci, tout particulièrement, est quasi sans déchets !)…

Mes deux autres satisfactions de « curiosité » concernent, elles, la période (des Arts ; de la musique) dite « baroque » : mais en des versions, toutes deux _ même si très diversement ! _ toutes de finesse et de subtilité.


2) D’abord, un rare _ par les pièces choisies ! d’abord… _ CD de musique de luth française au tournant des XVII & XVIII èmes siècles :

le CD Manuscrit Vaudry de Saizenay, interprété par Claire Antonini (CD AS Productions ASM 004)

d’après un des deux manuscrits conservés à la Bibliothèque municipale de Besançon (en l’occurrence le premier des deux : cote 279.152, très exactement !), de la main et du choix de Jean Etienne Vaudry de Saizenay, seigneur de Saizenay et Poupet, en Franche-Comté (non loin de Salins).

Né le 26 septembre 1678 à Saizenay, ce conseiller au Parlement de Besançon (de 1704 à 1725, date à laquelle il résigna sa charge) _ et qui mourut à Besançon le 21 juillet 1742 _, prit, pendant ses études à Paris, des leçons des maîtres luthistes Guillaume Jacquesson et Robert de Visée.


« Il entreprit alors de noter les nombreuses pièces de luth et de théorbe qu’il avait pu recueillir, souvent même auprès de ses maîtres ou de quelques uns des plus célèbres luthistes de son temps« , nous apprend, page 6, l’excellente notice du livret de ce CD, sous la plume plus qu’experte (!) de notre Claude Chauvel bordelais !.. Et « la rédaction de ses deux livres _ les seuls de sa main qui nous soient parvenus _ s’est poursuivie pendant plusieurs années, comme en témoigne la diversité stylistique du répertoire consigné« , pages 6-7.

Mais « alors que les luthistes du XVIIème siècle ont bien souvent une vision rétrospective _ et presque mélancolique _ de leur répertoire, Vaudry, sans ignorer la tradition des Gaultier et de Du Fault, fait une large place aux œuvres de ses proches contemporains Du But le Fils, Mouton et Gallot«  _ apparaissent ainsi, aussi, les noms de Emond (noté aussi « Aymond« , ou « Hémon« ), Du Pré (dit « d’Angleterre« ), Jacquesson ; ainsi que de Hardel (le claveciniste)…  De même que « pour son instrument, il n’hésite pas à transcrire : Lully, Marin Marais, Forqueray, Couperin, les pièces de théorbe et de guitare de Visée, Corelli, voire des chansons et autres vaudevilles à la mode«  _ soit le tout-venant de ce que pratiquait alors au quotidien un luthiste : interprète pour son plaisir, et celui de ses proches…

Aussi « son livre, rédigé d’une main uniforme (excepté les premières pièces), abonde (-t-il) en détail techniques (doigtés, tenues) et en signes d’interprétation (agréments, harpégements, séparations). Source unique _ voilà ! _ pour de nombreuses pièces, il en corrige parfois le texte ou précise les attributions. »  Avec cette conséquence notable que « la meilleure connaissance que nous avons aujourd’hui du répertoire du luth en France, au XVIIème siècle, doit beaucoup _ voilà _ à la passion _ musicienne autant que musicale : elles étaient alors confondues pour l’essentiel ! la musique se pratiquait plus qu’elle ne s’écoutait seulement… _ de Vaudry, autant qu’à sa diligence.« 

Ainsi « sa seule bibliothèque musicale, riche de publications les plus récentes _ alors : « contemporaines«  (de lui), dirions-nous maintenant _, prouve suffisamment le goût et l’éclectisme du personnage.«  Et « on déplorera, malheureusement, la disparition _ provisoire ? _ de trois autres manuscrits de luth qui figuraient dans la collection » ; « et, on le présume, quelques livres gravés, dont ceux pour la guitare de Robert de Visée« , page 7 du livret.

Tout un monde pour nous est ainsi restitué ! en ce récital de ce disque, sous les doigts fins, habiles et poétiques de Claire Antonini, sur un luth à 11 chœurs (un instrument réalisé par Paul Thomson, à Bristol, en 1997)…

Nous qui avons découvert aussi, naguère, en Jean de La Fontaine, un admirateur éperdu de cette musique si merveilleusement poétique : cf par exemple son éloquente (contre le trop « bruyant » et pas assez poétique nouveau genre musical qu’était le très ambitieux, lui, opéra de Lully…) « Épître à Monsieur de Nyert« 

(et mon texte pour le livret du CD « Jean de La Fontaine : un portrait musical« , par la Simphonie du Marais et Hugo Reyne : CD EMI 7243 5 45229 2 5, en 1996 ; CD dont j’avais composé le programme avec Hugo Reyne :

pour évoquer musicalement cette incisive et nostalgique, tout à la fois, « Épître à Monsieur de Nyert » _ dans laquelle le poète, amoureux fou de musique (et authentique initiateur de la critique de réception musicale ! La Fontaine fonde cette « esthétique«  : cela ne se sait pas assez ! même de la part de ce lafontainien éminent qu’est Marx Fumaroli : cf son Le poète et le roi _ La Fontaine en son siècle, paru en 1997) citait, mêlant les instruments et les genres :

« Boesset, Gaultier, Hémon, Chambonnières, La Barre,

Tout cela seul déplaît, et n’a plus rien de rare ;

On laisse là Du But, et Lambert et Camus ;

On ne veut plus qu’Alceste, ou Thésée, ou Cadmus« _

Avait été choisie alors la courante « L’Immortelle » du Vieux Gaultier, Ennemond,

qu’interprète magiquement, au théorbe, Vincent Dumestre, en ce disque enregistré l’été 1995 en l’abbatiale de Saint-Michel-en-Thiérache : j’y étais…)…

De même que nous avons découvert, aussi, et exploré, plus avant, ce goût, ou plutôt cette passion, pour cette musique,

aujourd’hui si méconnue _ mais que nous rendent les interprètes ! quand on va les écouter ! au concert comme au disque ! _,

dans les lettres « chantantes » si savoureuses de Madame de Sévigné à sa fille : toutes deux pratiquaient (plus que passionnément : à la folie !) la musique, et l’une, le chant, l’autre, la danse…


Enfin,

3) un CD d’une virtuosité époustouflante au service de la poésie de la musique

_ si rayonnante ! à conseiller d’urgence aux neurasthéniques ! _ :

l’interprétation par le génial flûtiste à bec Maurice Steger (et The English Concert, dirigé par Laurence Cummings, du clavecin…)

de versions orchestrées par Francesco-Xavero Geminiani,

et avec des agréments (virtuosissimes !) « of severall Eminent Masters« ,

tels que les Signori Cateni & Valentini, Pietro Castrucci, Christopher Petz, ou Jacques Paisible, tous présents alors à Londres,

des Sonates opus V d’Archangelo Corelli,

telles qu’elles eurent un succès fou (et durable : tout au long du XVIIIème siècle !) à Londres et en Angleterre, et tout le Royaume-Uni !

Le CD Harmonia Mundi Mr. Corelli in London _ Recorder Concertos ; La Follia (after Corelli’s op.5) CD HMU 907523,

par Maurice Steger, The English Concert & Laurence Cummings,

est ainsi une merveille de plaisir fou : rare !

Peut-être ce CD va-t-il même parvenir à détrôner la « merveille des merveilles » qu’est le double CD des Partitas (Clavier-Übung-I) de Jean-Sébastien Bach, par l’extraordinaire Benjamin Alard, l’album Alpha 157,

qui ne quitte pas ma platine depuis plus d’un mois

_ non plus que celle de Vincent, du rayon Musique de la librairie Mollat,

ainsi qu’il me l’a confié ;

et je ne crois pas trahir là un secret ! Il le fait largement partager !..

Un CD de pur bonheur ! A passer sans se lasser en boucle…


Titus Curiosus, ce 27 avril 2010

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