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Après un stupéfiant hypnotique « Bolero », la délicieuse pochade de Franc-Nohain et Maurice Ravel, « L’Heure espagnole », servie à la perfection par François-Xavier Roth, ses chanteurs et ses Siècles…

18juin

À la suite de mon article d’hier samedi « « ,

voici, ce dimanche 18 juin,

quelques brèves remarques tout simplement enchantées sur la réussite parfaite qu’est l’interprétation par François-Xavier Roth, son orchestre Les Siècles, et les magnifiques diseurs-chanteurs que sont Isabelle Druet, Concepcion, Julien Behr, Gonzalve, Loïc Félix, Torquemada, Thomas Dollé, Ramiro et Jean Teitgen, Don Inigo Gomez,

de cette délicieuse délicate pochade de Franc-Nohain (1872 – 1934) et Maurice Ravel (1875 – 1937), « L’heure espagnole » (composée l’été 1907, et créée le 19 mai 1911) _ d’une durée ici de 49′ 20 _,

en cet époustouflant album Harmonia Mundi HMM 905361,

dont le complément _ en plus petites de lettres, pour une fois, sur la converture du CD _ de super-luxe, est rien moins que l’immense « Bolero«  _ d’une durée, ici, de 15’16…

On ne manquera pas de lire avec le plus grand profit, en le livret de ce CD,

la très détaillée présentation, intitulée « Rythmes et humeurs « avec un peu d’Espagne autour »« , de Jean-François Monnard, sur 5 pages ;

ainsi que, sur 4 pages, un tout à fait éclairant entretien de François-Xavier Roth avec Jean-Jacques Groleau _ avec, entre autres, un très intéressant parallèle de cette « Heure espagnole«  de Maurice Ravel et Franc-Nohain, en 1907, avec le « Pelléas et Mélisande » de Claude Debussy et Maurice Maeterlinck, en 1902…

Où se marque ce qui fait la singularité merveilleuse du génie musical de Ravel à ce moment lui-même intéressant de la musique française (et de la poésie !) d’avant le bouleversement de 1914… « L’heure espagnole«  ayant été reçue dans une certaine incompréhension, lors de cette création, en 1911…

Et pour en juger aussi à l’oreille, voici, et à ne surtout pas manquer, un jubilatoire _ orgasmique ! _ extrait vidéo (de 3′ 21) du somptueux bouquet final à cinq _ une merveille ! _ de cette « Heure espagnole« -ci, par François-Xavier Roth (d’une durée totale de 49′ 20, en ce merveilleux CD)…

Pourrez-vous donc y résister ?

Ce dimanche 18 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Absolument stupéfiant : le « Bolero » parfait de sensualité en sa plus stricte scrupuleuse justesse, et vie, de François-Xavier Roth et Les Siècles…

17juin

En la série superbe de ses enregistrements raveliens,

François Xavier Roth et son ensemble Les Siècles, viennent de nous offrir _ avec « L’Heure espagnole«  _ un « Boléro » de Ravel absolument parfait ! _ en écouter ici les sublimissimes 15′ 16 du podcast !!!

À un point tout simplement stupéfiant…

Soit l’album Harmonia Mundi HMM 905361.

Voici ce que de l’ensemble de cet album _ et surtout, d’ailleurs, de « L’Heure espagnole«  _, sur son site Discophilia,

et sous l’excellent intitulé « Fantaisie française« ,

en dit l’excellent Jean-Charles Hoffelé :

FANTAISIE FRANÇAISE

Qu’on ne s’y trompe pas, l’Espagne de fantaisie _ tout à fait ! _ qu’illustre Maurice Ravel dans son orchestre épicé (et pas seulement horloger), est un pur prétexte _ voilà… _ à l’Esprit français de _ finesse de _ la conversation _ clarissime _ qu’illustre avec un brio canaille _ mais dénué de la moindre vulgarité… _ le formidable livret de Franc-Nohain.

Il y faut mettre une prononciation vive et subtile _ oui _, infiniment mouvante _ voilà _ à l’égal d’un orchestre pensé en partenaire de chambre, ce que Les Siècles font entendre mieux qu’aucune autre formation _ voilà ! c’est là on ne peut plus excellemment dit. À ce jour, le disque n’aura capturé que des formations dont le format sonore était souvent trop opulent, seulement idéalement apparié avec le quintette final _ soit la sublime scène XXI (voir ici la vidéo) de cette « Heure espagnole« -ci…

Les timbres des instruments français peu ou prou de l’époque de Ravel _ et c’est un formidable plus ! _ rétablissent un _ magnifique, époustouflant... _ équilibre _ idéal ! _ entre la finesse _ subtilissime de cocasse… _ des parties vocales et l’art tour à tour évocateur (écoutez comment les instruments « frisent » autour de l’entrée de Gonzalve, qui chante d’abord sous le balcon), ou impétueux, de l’habillage orchestral _ somptueux, idéal, de ce sublime orchestrateur qu’était Ravel… Quelle cambrure dans l’air de Concepcion et quel caractère chez Isabelle Druet. Aurait-elle entendu Fanny Heldy, amoureuse avec cravache ? C’est possible, elle n’en est pas à sa première horlogère, y compris au disque, mais elle a encore raffiné son personnage depuis son enregistrement lyonnais pour Leonard Slatkin.

Subtilités dans la restitution des fantaisies _ oui _ de Franc-Nohain, exactitude absolue _ oui _ pour les notes et la prosodie de Ravel, surtout aucune caricature _ en effet _, ce que l’œuvre risque souvent à force de grossissement des personnages.

Merveilleux Loïc Félix dont on sent la tendresse pour son épouse infidèle, formidable Jean Teitgen dans un Don Inigo Gomez plus amoureux que potentat – sa petite aria avant d’entrer dans l’horloge est délicieuse –, déménageur certes amateur mais surtout bon garçon et jamais benêt selon Thomas Dolié. La palme revient surtout au Gonzalve, juste lunaire comme il faut, de Julien Behr qui varie son personnage : on le comparera à lui-même en réécoutant la version d’Asher Fisch (voir ici) _ tout cela rendant parfaite justice à ces si savoureux et intelligents chanteurs.

François-Xavier Roth et Les Siècles ajoutent en _ plus que luxueuse… _ coda le Boléro, hypnotique _ oui, oui, oui _ revue de détail de la machine orchestrale qui rayonne _ à la perfection !!! _ de timbres épicés et de rythmes brillants. Magnifique, et au tempo giusto _ voilà. La perfection !

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)


L’Heure espagnole, M. 52
Boléro, M. 81

Isabelle Druet, mezzo-soprano (Concepcion)
Julien Behr, ténor (Gonzalve)
Loïc Félix, ténor (Torquemada)
Thomas Dolié, baryton (Ramiro)
Jean Teitgen, basse (Don Inigo Gomez)

Les Siècles
François-Xavier Roth, direction

Un album du label harmonia mundi HMM905361

Photo à la une : le chef d’orchestre François-Xavier Roth – Photo : © Holger Talinski

Et voici aussi

ce que,

impatient, lui aussi, comme moi, d’entendre en toute priorité le « Bolero » de Ravel de François-Xavier Roth et ses Siècles en ce tout nouvel album de sa magnifique Intégrale Ravel en cours,

dit de cet extraordinaire « Bolero« -ci de François-Xavier Roth à la tête des Siècles,

Bertrand Balmitgere, sur l’excellent site de Crescendo, en un article intitulé, lui, « François-Xavier Roth en Hispanie : l’Intégrale Ravel à l’heure de Bolero » :

François-Xavier Roth en Hispanie : l’intégrale Ravel à l’heure de Bolero

LE 17 JUIN 2023 par Bertrand Balmitger

Maurice Ravel (1875-1937) :

L’Heure espagnole, M.52 ; Bolero, M.81 (Version originale Ballet 1928).

Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Julien Behr, ténor ; Lotte Félix, ténor ; Thomas Dolié, baryton ; Jean Teitgen, basse.

Les Siècle, direction : François-Xavier Roth. 2021.

Livret en : français, anglais et allemand.

Texte chanté en français, traduction en anglais.

64’36.

Harmonia Mundi. HMM905361.

Nous l’attendions avec ferveur _ oui _ depuis de longues semaines… le voici enfin ! _ voilà ! Le nouvel opus de ce qui est sûrement le cycle le plus excitant du moment _ oui : quelle interprétation de pareille sublime musique ! _, à savoir les tribulations de François-Xavier Roth au sein de l’œuvre de Maurice Ravel. Ce dernier vole de succès en succès _ oui ! _ pour le plus grand bonheur de nos cœurs et de nos oreilles. Alors forcément quand s’annoncent l’Heure Espagnole et le Bolero, on ne tient plus en place !  _ mais on se précipite sur l’objet disque…

A tout seigneur tout honneur. Commençons donc par le totem de la musique orchestrale hexagonale. « Un ballet à caractère espagnol », tel est le Bolero de Maurice Ravel, interprété ici dans la version originale ballet 1928 (avec, entre autres, des castagnettes) restaurée par la RAVEL EDITION _ voilà. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture que nous en donnent François-Xavier Roth et son Orchestre des Siècles ne manque pas de caractère et d’identité. C’est un véritable diorama du Piel de Toro. La réussite est totale _ oui ! _ et ne trouve d’équivalent que chez John Wilson (Chandos) ou Igor Markevitch (RTVE/Decca), c’est dire ! _ avec, en plus, la merveille des instruments choisis, et idéalement servis par une somptueuse prise de son de Jiri Heger et Alice Ragon.

Le résultat est à la hauteur de nos espérances et de notre attente _ c’est dit. Clarté, lucidité et intelligence _ oui : au service le plus humble de la plus scrupuleuse sensualité ravelienne ! Comme, bien sûr, cela se doit ; sans le moindre pathos, ni écart à l’égard du texte musical extrêmement précis de Maurice Ravel, l’horloger suisse… _, Roth est encore et toujours au sommet de son art _ oui ! tout simplement, oui ! La rigueur et la minutie _ voilà ! _ qui caractérisent sa direction n’empêchent en rien _ et surtout pas _ la vie, les couleurs chatoyantes et une petite dose subtile de folie _ tout cela est, voilà, parfaitement senti et dit ici…

Ces mêmes qualités sont indispensables dans la seconde œuvre de cet opus, L’Heure Espagnole. En effet, si on en exagère trop les traits, c’est très rapidement le dérapage, la faute de goût ou, pire, le grotesque _ exactement. Ravel est de la famille musicale de François Couperin ; et exige le plus parfait tact de la plus parfaite justesse et délicatesse, à vif mais sans pathos, ni écart de goût… Cette comédie est poétique _ oui _, un petit trésor de subtilité _ oui ! ; Ravel est toujours de la plus fine subtilité, dans le plus parfait sentiment naturel d’évidence…  _ et non un vaudeville. Elle requiert donc à sa tête un alchimiste capable d’allier _ voilà _ les sourires _ nets, mais jamais gros, ni encore moins grossiers, du texte _ et l’émotion _ profonde, en son extrême discrétion et politesse (très française)… _ qui naît de la musique. Nous savons pouvoir compter sur François-Xavier Roth pour préserver l’esprit ravélien _ si singulier _ dans toutes ses dimensions _ voilà : feuilletées, en effet, et oxymoriques, sans jamais le moindre chichi, ni préciosité incongrue, mal venue… Saluons bien évidemment la performance de haute volée de l’ensemble de la distribution vocale : Isabelle Druet, Julien Behr, Loïc Félix, Thomas Dolié, Jean Teitgen et Mathieu Pordoy _ chef de chant.

Vous l’avez compris c’est encore un total succès _ oui ! _, un de plus dans ce qui apparaît de plus en plus comme un parcours quasi sans faute.

Son : 10 – Livret : 10 –  Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Bertrand Balmitgère

Une réussite incomparable, donc, que ce stupéfiant « Bolero« -là de Maurice Ravel par François-Xavier Roth…

Et j’ai préféré, pour ma part, réserver à demain, l’écoute-désouverte de cette « Heure espagnole« -ci de François-Xavier Roth et ses Siècles.

À demain dimanche, donc…

Ce samedi 17 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’alchimie rendue évidente, solaire, de la sublime pureté ravélienne en le velours subtil de ses secrets, ou une révélation : une batterie d’éloges sur l’éclat jubilatoire du CD Roth-Tiberghien-Degout comportant la merveille des 2 Concertos pour piano et orchestre de Maurice Ravel…

30juil

Ce samedi 30 juillet 2022,

je consacre une troisième fois un article de mon « En cherchant bien » à l’admirable réalisation, pour Harmonia Mundi,  du CD « Maurice Ravel Concertos pour piano Mélodies« , le CD HMM 902612 des Siècles, avec Cédric Tiberhien et Stéphane Degout, sous la baguette de François-Xavier Roth.

Mes deux articles précédents, «  « et «  », dataient du 12 août 2020 et du 31 mai 2022.

En y ajoutant l’article de Jean-Charles Hoffelé, en son Discophilia, « Vers le sombre «, en date du 28 mai 2022 ;

et celui de Patrice Lieberman, sur Crescendo, « Ravel plus magique que jamais, avec Cédric Tiberghien, François-Xavier Roth et Les Siècles « , en date du 24 juin 2022…

Ce soir, 30 juillet, c’est l’article de Matthieu Roc intitulé « Stéphane Degout, Cédric Tiberghien, François-Xavier Roth et Les Siècles dans Ravel «, paru le 27 juillet dernier sur le site de ResMusica,

que je tiens à citer ici… :

François-Xavier Roth poursuit chez Harmonia Mundi son exploration de répertoire ravélien, avec le Concerto pour la main gauche, le Concerto en Sol, et la Pavane pour un Infante défunte. Mais le fil conducteur de ce disque est le piano de Cédric Tiberghien, qui accompagne aussi Stéphane Degout dans un florilège de mélodies.

Le programme commence avec un éblouissant _ voilà qui d’entrée est ditConcerto en Sol, explosif de joie, de couleurs, de contrastes enivrants _ voilà _ dans l’Allegramente. Les couleurs magnifiques _ oui _ de l’ensemble Les Siècles et ses splendides instruments d’époque _ c’est bien sûr important… _, le piano boisé et distingué (un merveilleux Pleyel de 1892) sous les doigts enchantés de Cédric Tiberghien _ oui, oui, oui _ nous entraînent vers l’ivresse _ ravélienne. L’introspection sereine et progressivement fantasque _ voilà : beaucoup de Ravel est là aussi, dans ce glissement à la fois contrôlé et éclaté… _ de l’Adagio assai nous reconduit tout naturellement vers l’espièglerie déjantée _ oui _ du Presto. Une interprétation ébouriffante et régénérante _ les deux.

La Pavane pour une infante défunte est insérée à mi-parcours, pour varier un peu l’écoute parmi les mélodies pour baryton et piano. Cédric Tiberghien y démontre comme on peut y être dansant, brillant, voire étincelant _ oui  _ tout en restant dans un registre nostalgique et méditatif _ vers le sombre... Un modèle d’équilibre, qui regarde moins vers Chabrier (Ravel dixit) que vers les Gymnopédies de Satie _ sans jamais y céder : seulement un regard…

Le Concerto pour la main gauche est encore l’occasion de jouer des contrastes _ oui _, de la brillance _ ravélienne _, des couleurs _ toujours. À partir des douleurs sombres des premiers accords _ voilà _, émerge progressivement une exubérance flamboyante qui les transcende et les balaye _ à la Ravel, profondément. La joie du son l’emporte _ voilà _ sur la souffrance et la mutilation, et c’est bien le sens de cette œuvre magnifique _ pour Paul Wittgenstein _ qui est exalté. Rien de lugubre ni de macabre _ assez aux antipodes de Ravel, en effet. Des interrogations, certes, même des tâtonnements _ oui _ admirablement rendus (l’Andante), mais les réponses sont tellement éclatantes et jouissives ! _ c’est tout à fait cela ; ou l’idiosyncrasie ravélienne… Encore une grande réussite pour François-Xavier Roth, qui sent la pulsation _ oui, vibrante _ de cette musique de Ravel comme personne, et qui sait y jouer des couleurs, des nuances _ voilà _ avec un bonheur réellement communicatif.

La virtuosité jusqu’au-boutiste de Cédric Tiberghien se ressent aussi dans l’accompagnement des mélodies chantées par Stéphane Degout. Leurs esthétiques peuvent paraître complètement différentes _ certes, au départ de leur inspiration _ : autant Tiberghien va à fond dans son expressivité avec un toucher chantant, percussif, autant Degout semble gourmé, concentré sur sa ligne et les intentions qu’il veut donner à son phrasé. Et pourtant, ces deux discours se superposent très bien et s’enrichissent mutuellement _ oui. Les Don Quichotte à Dulcinée font pleurer dans sa chanson épique et rire dans la chanson à boire. Tiberghien donne une dimension cosmique à la prière, et décrit l’ivresse et les éructations de Don Quichotte avec un humour digne des Marx brothers. Stéphane Degout est évidemment parfait _ comme toujours : quel chanteur ! _ de noblesse, de grandeur et d’émotion à la fois contenue et délirante _ encore un trait éminemment ravélien.

Le sommet est atteint dans le Kaddish, morceau de bravoure ô combien difficile, donné ici en araméen et avec accompagnement de piano. Stéphane Degout réussit à ne pas trop prendre sa stature de prophète (ce qui lui serait pourtant facile), et à rester orant, concentré sur le sens de ce texte antique et admirable, prière de deuil et action de grâce. Les vocalises de la fin, faciles pour cet ancien baroqueux, rayonnent d’espoir _ oui _, et la louange exprimée est proprement admirable _ absolument.

Sainte et les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé sont au même niveau dans ce programme riche et varié. Réellement, un disque exemplaire _ voilà _ : tous les interprètes y excellent, et Ravel triomphe _ oui, oui, oui.

Maurice Ravel (1875-1937) :

Concerto en Sol M. 83 ;

Pavane pour une infante défunte M. 19 ;

Concerto pour la main gauche M. 82 ;

Don Quichotte à Dulcinée M. 8441 ;

Deux Mélodies hébraïques A. 22 ;

Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé M. 64 ;

Sainte M. 9.

Cédric Tiberghien, piano Pleyel 1892 ;

Stéphane Degout, baryton ;

ensemble instrumental Les Siècles, direction : François-Xavier Roth.

1 CD Harmonia Mundi.

Enregistré en décembre 2020 et septembre 2021 à la Philharmonie de Paris.

Livret en français et en anglais.

Durée : 73:54

Une réalisation discographique qui fait pleinement honneur au génie musical singulier et si personnel de Ravel,

homme aussi ferme et discret en sa vie que compositeur parfait à l’œuvre et en son œuvre. 

Et c’est par de telles splendides réussites musicales discographiques que le fascinant mystère Ravel révèle, peu à peu, lentement, à nous qui l’admirons, ses pudiques, discrets et suprêmement élégants, secrets…

Rendons grâce à ces musiciens et à leurs performances travaillées et inspirées, qui nous les font, ces subtils secrets, pas à pas, approcher, et délicatement musicalement, avec raffinement, mais sans maniérismes, solairement, comme ici, jouir de leur alchimie naturelle, spontanée, et tellement évidente en sa pureté ravélienne ainsi à la perfection révélée…

Ce samedi 30 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un « Ravel plus magique que jamais », celui de François-Xavier Roth et les Siècle, Cédric Tiberghien et Stéphane Degout, justement célébré en sa lumineuse évidence par Crescendo…

25juin

Pour continuer l’élan Ravel de mon article d’hier «   » ;

ainsi que mes articles «  » du 31 mai 2022 ;

« « , du 12 août 2020 ;

et «  » du 27 mars 2018 ;

voici un nouvel article très justement enthousiaste,

intitulé « Ravel plus magique que jamais avec Cédric Tiberghien, François-Xavier Roth et les Siècles« ,

sur le blog Crescendo, et sous la signature de Parice Lieberman, en date d’hier 24 juin 2022,

 

célébrant le bonheur évident du merveilleux CD « Maurice Ravel Concertos pour piano Mélodies » _ le CD Harmonia Mundi HMM 902612.

Ravel plus magique que jamais avec Cédric Tiberghien, Francois-Xavier Roth et Les Siècles

LE 24 JUIN 2022 par Patrice Lieberman

Maurice Ravel(1875-1937) : Concerto pour piano, Concerto pour la main gauche, Pavane pour une infante défunte, Mélodies. Cédric Tiberghien, piano ;  Stéphane Degout, baryton, Les Siècles, direction : François-Xavier Roth. 2022.  73’52 – Textes de présentation en français et anglais.  Harmonia Mundi HMM 902612

 

 

 

Ce n’est pas tous les jours qu’un nouvel enregistrement vient revendiquer une place en haut de classement dans une discographie aussi riche que celle des concertos pour piano de Ravel _ de fait…  Est-ce à dire que le collectionneur devrait se débarrasser des précieuses versions Michelangeli/Gracis et Argerich/Abbado du Concerto en sol ? Ou du témoignage historique de Perlemuter/Horenstein ? Ou des deux gravures dirigées par Pierre Boulez avec en solistes Krystian Zimerman et Pierre-Laurent Aimard (ce dernier parfait dans le Concerto pour la main gauche, mais un peu guindé dans celui dit en sol) ? Ou des excellents Collard/Maazel ? Certes, non. Mais cette nouvelle version est désormais à compter au nombre des meilleures _ voilà.  D’autant plus, qu’elle propose le premier enregistrement des éditions révisées Ravel Edition de ces deux partitions concertantes _ oui _, éditions révisées auxquelles Cédric Tiberghien a pris part comme membre du comité de lecture.  Une évidence musicale et éditoriale !

Ce qui fait si fortement pencher la balance en faveur de ce nouveau venu, c’est l’extraordinaire clarté _ oui ! _ et la mise en avant des inouïes richesses orchestrales de ces partitions obtenues par la direction fouillée et analytique (mais certainement pas clinique) du chef _ oui ! _, alliée aux superbes timbres des instruments d’époque _ voilà ! _, à commencer par les fabuleuses sonorités des vents, si authentiquement français _ c’est très juste. Si on y ajoute la chaleur des cordes en boyau des archets des Siècles et l’oreille infaillible du chef, on obtient un tissu orchestral d’une rare transparence _ oui _ qui permet mieux que jamais d’apprécier l’originalité de l’écriture et de l’instrumentation de Ravel _ les deux ! _, écrin parfait pour un soliste tout simplement inspiré _ lui aussi.

La prestation de Cédric Tiberghien serait d’ailleurs remarquable sur un piano actuel, mais le choix d’un beau Pleyel « Grand Patron » de 1892 (hélas, non représenté dans l’excellent livret) est vraiment à saluer _ parfaitement ! Le caractère et la sonorité de cet instrument sont à mille lieues des monstres de puissance et d’homogénéité que sont devenus les pianos de concert contemporains. On est charmé ici par la clarté _ oui, oui _ de l’instrument, par ces basses sans lourdeur, ce médium soyeux, ces aigus cristallins et légèrement percussifs si typiques de ce grand facteur. C’est ainsi que dans l’Adagio assai du Concerto pour piano, le timbre de l’instrument permet d’éviter la lourdeur mécanique qu’on constate si souvent à la main gauche dans le soliloque d’ouverture du piano que Tiberghien construit -comme l’ensemble du mouvement- avec patience, délicatesse et imagination _ oui. Et que dire des superbes interventions des vents dont l’imbrication avec le piano est tout simplement parfaite ? Magnifiquement joué par Stéphane Morvan, le cor anglais Lorée de 1890 -ni nasillard, ni trop vibré- dialogue merveilleusement avec le soliste. Mais tant d’autres détails sont perçus avec une totale clarté _ encore _, comme les harmoniques de harpe qui semblent venues d’un autre monde dans un premier mouvement où à certains moments l’orchestre sonne comme un gamelan. La façon dont les bois, vifs et moqueurs, dialoguent avec un piano hyperactif et transparent dans le Presto est un régal _ absolument délectable. 

Toutes les qualités du soliste, de l’orchestre et du chef se retrouvent bien sûr également dans le Concerto pour la main gauche. Dès l’entrée menaçante du contrebasson, la transparence des timbres orchestraux est une merveille. Après l’introduction cataclysmique menée de main de maître par Roth, Tiberghien saura tout au long de l’œuvre faire preuve autant de fermeté que de délicatesse  _ les deux _ (et le beau Pleyel n’y est pas pour rien _ en effet ! _), et ce jusqu’à l’apothéose finale de l’œuvre.

Après avoir brillé dans les concertos, Cédric Tiberghien offre en guise de bis la si galvaudée Pavane pour une infante défunte, rendue ici avec dans une atmosphère de rêverie un peu parfumée _ oui _ quoique sans minauderie aucune.

Le pianiste se montre aussi un accompagnateur de choix pour le baryton Stéphane Degout -invariablement viril, ferme _ oui _, à la voix chaude _ et grave _, à l’articulation claire _ toujours, comme c’est absolument nécessaire… _ et au vibrato bien mené- dans trois cycles de mélodies de Ravel. Dans Don Quichotte à Dulcinée, on apprécie particulièrement la belle réussite des artistes dans l’hispanisante Chanson à boire qui clôture le cycle. Les Deux Mélodies hébraïques sont autant de réussites. Le Kaddisch est interprété avec beaucoup de dignité et en évitant l’émotion facile, alors que l’Enigme éternelle est rendue avec une vraie simplicité dépourvue de toute ironie.

Stéphane Degout aborde les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé _ ces chefs d’œuvre… _ sans préciosité dans ce cycle destiné à l’origine à une mezzo-soprano, alors que Tiberghien ne fait pas vraiment regretter l’ensemble de neuf musiciens de la partition originale, surtout dans l’exquis halo de piano _ oui _ de Soupir. Et c’est sur la belle mélodie de jeunesse Sainte (toujours sur texte de Mallarmé) que les deux complices mettent le point final à une superbe _ et enthousiasmante, voilà ! _ parution.

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

Patrice Lieberman

Bravo, et un très grand merci !

Le génie ravélien est ici parfaitement offert à percevoir, en sa plus lumineuse évidence, ombres comprises, à notre écoute…

Ce samedi 25 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un Ravel « vers le sombre », en effet, par François-Xavier Roth et Les Siècles, Cédric Tiberghien et Stéphane Degout…

31mai

Oui,

j’approuve pleinement l’appréciation « Vers le sombre«  que Jean-Charles Hoffelé, en son Discophilia, porte sur l’admirable et absolument enthousiasmant CD « Concertos pour piano, Mélodies » _ écoutez-en ici de très éloquents extraits ! _

que nous offfrent ce mois de mai 2022 François-Xavier Roth et Les Siècles, Cédric Tiberghien ainsi que Stéphane Degout,

avec leur très beau CD Harmonia Mundi HMM 902612…

VERS LE SOMBRE

Le piano file, clavier léger de geste, savoureux de timbres. Accordé au souci philologique que François-Xavier Roth déploie au long de son parcours Ravel parvenu à son quatrième album, Cédric Tiberghien, dont je désespérais qu’il vienne enfin à Ravel, joue un élégant Pleyel « Grand Patron » de 1892. Une certaine nostalgie naturelle de son nuancier fait merveille dans les gris colorés de l’Adagio assai du Concerto en sol, Les Siècles raffinant un décor onirique.

C’est l’un des plus beaux moments de cet exaltant disque Ravel, partagé entre piano et voix. Stéphane Degout met son timbre noir à Don Quichotte, aux mystères des Mélodies hébraïques, surtout à des Mallarmé à tomber, où pour Soupir Cédric Tiberghien transforme son Pleyel en gamelan, empêchant de son clavier-couleurs que je puisse regretter la vêture instrumentale dont Ravel aura aquarellé l’original. Et quel raffinement dans les aigus du Placet futile.

Sombre disque qui va d’un mouvement implacable même pour une Pavane pour une infante défunte pourtant allégée, vers le Concerto pour la main gauche emporté entre fureur et rêve par Cédric Tiberghien, inspiré par les singularités de son Pleyel. Abîme vertigineux des cadences, marche de cauchemar, ciel noirci d’étoiles mortes, toute une poésie macabre qui se donne à entendre dans la nouvelle version éditée sous le contrôle de François Dru.

Puis Sainte, ce chef-d’œuvre ignoré, pur mystère de mélancolie. Ecoutez seulement.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)


Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, M. 83
Don Quichotte à Dulcinée,
M. 84

2 Mélodies hébraïques,
M. A22

Pavane pour une infante défunte, M. 19
3 Poèmes de Stéphane Mallarmé, M. 64
Concerto pour la main gauche en ré majeur, M. 82
Sainte, M. 9

Cédric Tiberghien, piano
Stéphane Degout, baryton
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902612

Photo à la une : le pianiste Cédric Tiberghien – Photo : © Jean-Baptiste Millotui, en effet, 

 

Oui, en effet,

existe aussi le sombre _ délicat, jamais insistant ni complaisant, bien sûr _ de cette mélancolie ravélienne,

fort bien saisi et rendu ici par ces superbes interprètes…

Gratitude à eux. Merci !

Je dois cependant ajouter l’analyse tout à fait magnifique que fait de cet admirable CD, ce 31 mai, lui aussi, Charles Sigel, sous l’intitulé, à nouveau, « La Part d’ombre« , sur le site de ForumOpera.com :

CD
Par Charles Sigel | mar 31 Mai 2022 |

Il y a dans ce disque Ravel composé comme un récital tout à la fois sa sensualité et sa part d’ombre.
C’est surtout aux mélodies que nous nous arrêterons, parce que la voix est la vocation première de ForumOpera bien sûr, et aussi parce qu’elles offrent l’occasion de retrouver Stéphane Degout dans ses œuvres, dans une période décidément faste, après son sublime Jésus dans la Passion selon Saint Matthieu dirigée par Raphaël Pichon, et le non moins merveilleux Chant de la terre, de Mahler/Schönberg, tant admiré il y a peu.


© D.R.

« Une volupté un peu coupable »

Outre le plaisir d’entendre la complicité _ oui _ entre Stéphane Degout et le merveilleux Cédric Tiberghien, c’est celui des timbres _ oui ! _ qui ajoute à l’intérêt de ce disque : un piano Pleyel « Grand patron » de 1892, les cordes en boyaux et les instruments « d’époque » des Siècles, tous plus vénérables les uns que les autres, apportent leurs couleurs singulières _ oui!

Rien d’archéologique dans cette entreprise. Emile Vuillermoz, familier de Ravel, écrit ceci (que cite Marcel Marnat dans son indépassable biographie du compositeur (Fayard, 1986) : « Bien qu’il s’en défende, [Ravel] aime le son pour le son, ne faisant pas mystère de la volupté aigüe et un peu coupable qu’il recherchait en ouvrant, dans une maison de campagne longtemps abandonnée, un vieil instrument désaccordé dont les sons décalés créaient les plus savoureuses interférences », ajoutant : « Il est indiscutable que le timbre possède à lui seul une radioactivité qui peut nous donner une émotion artistique » _ merci pour cette très judicieuse citation.

Mi-voix

Le plus beau, à notre goût, évidemment subjectif, ce sont les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, écrits en 1913 et créés en 1914 dans leur version avec ensemble de chambre. La version avec piano seul, qui se prive des charmes sonores exquis de l’orchestration ravelienne, met d’autant plus l’accent sur les textes de Mallarmé. Grâce à la diction parfaite _ oui _ de Stéphane Degout, on ne perd rien de leurs syllabes parfois absconses…
Le clair Pleyel fait des merveilles dorées des quelques arpèges d’introduction à Soupir, avant que la voix du baryton ne s’élève comme le blanc jet d’eau dont parle le poète… ne s’élève pas beaucoup d’ailleurs puisqu’elle restera dans d’intimes demi-teintes : Degout donne peu de volume et passe très souvent en registre de tête, disant autant qu’il les chante les mots subtils.

La seconde strophe sera encore plus improbable: un mi mineur indécis comme l’esprit du texte achoppe sur les accords dissonants tombant  sur « pâle et pur » et la voix monte vers « langueur infinie » comme s’il fallait mourir là et semble, sur les ponctuations dans le grave, errer à l’image de « la fauve agonie des feuilles ». Merveilleuse fusion _ oui _ entre les mots, la ligne musicale sinueuse et la voix du diseur qui se donne de faux airs fragiles.


Stéphane Degout © Julien Benhamou

Placet futile n’est que causticité moqueuse, préciosité faussement Louis XV et second degré. L’introduction module insaisissablement et la voix s’amuse à se faire considérable, puis elle ondule comme cet abbé de cour maniéré qui emberlificote ses métaphores et s’y perd. L’humour de Degout, qu’on admirait récemment en Ford d’un Falstaff lyonnais, s’y donne libre cours, la voix s’offre des éclats sur « bichon embarbé », puis s’en va onduler avec les « coiffeurs divins », que ne renierait pas Gonzalve, le rimailleur de L’Heure espagnole. Au passage toute la palette des couleurs de cette voix sont mises à contribution, sur un accompagnement impalpable du piano aux tonalités flottantes. _ oui, oui, oui.

Le mini-cycle s’achève avec Surgi de la croupe et du bond, qui, après traduction, n’est en somme que l’évocation énigmatique et pince-sans-rire d’un vase sans fleur et donc sans parfum, contemplé par un sylphe peint au plafond _ voilà. Tonalité suspendue et phrasé ondoyant, la voix se timbre à nouveau (mais pas trop) pour simplement dire les mots, plaisir mallarméen des consonnes et des voyelles, sur les notes cristallines du Pleyel et d’impalpables harmonies. Bel exercice d’effacement discret _ tout à fait ravélien _ de la part des deux interprètes.

Sainte mettait déjà en musique le poète de Valvins quelque vingt ans plus tôt (1896, Ravel avait 21 ans) et clora le disque dans sa simplicité. Quatre quatrains et des accords sages comme une procession, une ligne mélodique plus traditionnelle (fauréenne ?) et moins proche de l’intime du texte. Sobre legato, crescendo montant vers « Magnificat » puis lente descente jusqu’au silence. Effacement devant le mystère _ voilà.


© D.R.

Les derniers mots de Ravel

Don Quichotte à Dulcinée est la dernière composition de Ravel, datée de 1932-33, formant avec le Concerto en sol (1929-30) et celui pour la main gauche (1929-1931) son legs ultime.
Les trois mélodies sur des textes de Paul Morand s’appuient sur des rythmes de danses hispanisantes, successivement guajira, zortzico basque et jota aragonaise, et les imitations de guitare en tombent naturellement sous les doigts de Cédric Tiberghien sur ce Pleyel si léger, pour accompagner la voix de Stéphane Degout qui retrouve là toute sa superbe _ en effet.
Fière interprétation, cambrée, d’un beau métal pour la Chanson romanesque, avec la juste pointe de galanterie du « Madame » ; ferveur et legato de la Chanson épique, puissance à partir de « bénissez ma lame », puis douce piété de la dernière strophe, et allègement sensible de l’Amen final ; truculence de la Chanson à boire, éclatante à souhait, et rutilances du piano, dont on admire le rebond, le brillant et la pétulance, en dépit de ses 130 ans au compteur (mais il est vrai qu’on lui a offert une cure de jouvence). Belle interprétation évidemment, à laquelle manque l’on ne sait quoi de charme enivrant qu’y apportait un José van Dam, dont c’était un des morceaux de bravoure _ en effet.

Autre sommet, Kadisch, d’une sobre grandeur, s’appuie sur toute la solidité de la voix, et monte sans pathos jusqu’à d’admirables vocalises, puissantes, portant à la fois le désespoir et l’espoir. Plus aucun pittoresque ici, ni maniérisme, mais un appel à ce qu’il y a de plus grand, quelque chose de profondément humain et de surhumain en même temps _ oui, cela aussi très ravélien… La musique dans ce qu’elle a de plus illimité.
Le piano scande d’abord une note obsessionnelle, une manière d’appel, puis par une vague d’arpèges ascendants, semble libérer la prière, et enfin, sous les vocalises, sonne comme un glas sur un obsédant accord do-mi bémol, dans l’extrême grave. Et le Pleyel ajoute sa richesse de timbres et de couleurs à un chant d’une funèbre noirceur _ oui.
Après cela l’Enigme éternelle, la seconde des Mélodies hébraïques, avec sa fausse joie _ dans tout l’éclat discret de l’humble profondeur ravélienne _, viendra comme une manière de soulagement.


Le Pleyel Grand Patron 1892 © Atelier Galland

A la fin c’est l’ombre qui gagne

Deux mots sur le reste du programme, où le piano prend toute la lumière _ en effet, et comment !

La Pavane pour une Infante défunte sur le Pleyel de 1892, prise sur un tempo assez rapide, – mais après tout Ravel disait que c’est pour le plaisir seul de l’allitération qu’il l’avait dédiée à cette espagnole expirée, donc pas de raison d’en accentuer le côté funèbre – sonne dorée et limpide _ oui _, au-dessus d’amples graves voluptueux, et la différence entre les registres y est particulièrement audible : la ténuité aigrelette des aigus, l’éclat puissant et dru du médium, l’ampleur majestueuse des basses.


François-Xavier Roth © D.R.

Grâce aux instruments des Siècles, dont l’inventaire minutieux a quelque chose de poétique _ oui _, et à la direction ardente _ en effet : c’est très juste ! _ de François-Xavier Roth, le Concerto en sol est plus polychrome _ oui _ que jamais. Et on prête l’oreille aux moindres faiblesses du piano vénérable. On croit entendre de touchantes fragilités dans l’aigu, mais aussitôt la santé pétulante du centre du clavier et la profondeur des graves rassurent. Cédric Tiberghien est un coloriste subtil, on le sait depuis longtemps, ses arpèges et ses trilles en demi-teintes ont l’éclat méditerranéen d’un Bonnard _ oui. Il y a des graves percutants qu’on prend dans l’estomac, des flûtes agaçantes, des trompettes pétaradantes qui évoquent ironiquement un quartier de cavalerie le matin, de l’électricité dans l’air _ absolument…

Le mouvement lent demande une bonne installation d’écoute pour entendre les résonances de ce vieux Pleyel, qui pourront sembler un peu courtes. On y perd un peu de suavité et de fondant, mais on y gagne une sorte de fragilité, de nudité, d’émotion _ ravéliennes, elles aussi _, naissant d’une sonorité qui semble menacée… A partir de l’entrée des partenaires, la clarinette basse, la flûte (stridente à souhait), et surtout le cor anglais, promu partenaire privilégié d’un moment chambriste, ce sentiment craintif disparaîtra et ce son un peu grêle et mal assuré ajoutera une saveur de plus, sur le noble tapis des cordes en boyaux. Il y a quelque chose de bonhomme, d’agreste, dans cette palette de sons, et on aime définitivement la sonorité narquoise de ces bois français.
Plus aucune inquiétude pour le vieux monsieur plus que centenaire _ qu’est ce piano Pleyel « Grand patron«  de 1892… _ dans la frénésie du troisième mouvement, coruscant et acidulé. Basson français nasal, cors boisés, clarinettes sardoniques, glissando des trombones, tout cela éclate de saveur et d’impertinence _ ravéliennes elles aussi.


François-Xavier Roth © D.R.

Qu’importe le flacon ?

Le Concerto pour la main gauche est l’autre sommet de ce disque _ oui. Faisant appel à un orchestre énorme (à la différence de celui en sol qui n’a besoin que d’un effectif restreint), c’est ici un festival de sonorités intrigantes, roboratives, voluptueuses, mais aussi angoissées/angoissantes _ oui. De quelle terreur, de quel pressentiment, à l’image de celles de La Valse _ mais oui ! ces deux œuvres composées pour l’apocalys joyeuse de Vienne… _, sont-elles le signe ?

Ce Concerto avait déjà fait l’objet d’un enregistrement « historiquement informé » en 2005, par Claire Chevallier sur un piano Erard de 1905 et Jos Van Immerseel dirigeant Anima Eterna sur instruments « d’époque ». Le piano n’avait pas de son et la direction était languissante, le tout dégageait un ennui profond. Conclusion : qu’importe le flacon, si l’on n’a pas l’ivresse.
Ici, l’ivresse on l’aura _ oui ! _, mais sans doute l’aurait-on tout autant avec les mêmes interprètes sur des instruments standard… N’empêche, ça sonne très bien (et la prise de son est d’une clarté exemplaire), mais c’est surtout l’élan _ oui _ qui emporte l’adhésion.

Les premiers grondements des contrebasses, les premiers grincements du contrebasson sont d’une profondeur tellurique_ oui. Puis des cors d’outre-tombe _ voilà _ apparaissent dans la pénombre _ seulement… _, les violoncelles ondulent et le cor anglais peut préluder au premier tutti. Après ce frontispice, le piano semble monter des entrailles de la terre _ oui _ : des basses vrombissantes, roulant sinistrement, la main solitaire essayant de partir à l’assaut du médium mais retombant à chaque fois…


Cédric Tiberghien © Frances Marshall

Cédric Tiberghien, qui a joué maintes fois ce concerto sur Steinway, se délecte de toute évidence _ oui _ à faire mugir le vieux Pleyel. On aime son toucher liquide et la douceur rêveuse des passages où le piano joue en solitaire, les accelerando venus de très loin, les ascensions difficultueuses du clavier, comme pour se libérer, ces martèlements énergiques jamais durs _ en effet _, la finesse de la petite harmonie, le cor anglais onirique, cette petite flûte pointue qui esquisse un jeu d’enfant avec le piano, le basson songeur qui rappelle celui de l’Apprenti sorcier, la scansion de plus en plus oppressante (qui fait penser au Boléro, composé peu de mois auparavant), les cuivres radieux. Par moment, comme les micros sont tout près, on perçoit (et c’est touchant) la mécanique de la pédale. Surtout, on entend les vocalises légères et la grande cadence rêveuse qui amènent la lumière finale.

Marguerite Long raconte que Ravel, à qui elle demandait lequel de ses Concertos il préférait, avait répondu malicieusement : « Le vôtre [celui en sol ], il est plus Ravel »… Manière _ ravélienne _ de dire sans le dire que c’était de celui pour la main gauche, effrayant et prémonitoire, qu’il était le plus proche.

 

Tout cela est de superbe écoute

de ce CD indubitablement marquant en la discographie ravélienne !

Ce mardi 31 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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