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Musiques de joie : l’élégance splendide du tendre lullyste megevois Georg Muffat (1653 – 1704)

19juin

Parmi mes compositeurs préférés

du XVIIe siècle baroque,

le tendre et magnifique megevois _ et lullyste _ Georg Muffat

(Megève, 1er juin 1653 – Passau, 23 février 1703).

Parmi les musiciens à s’être rendus à Paris prendre des leçons de Jean-Baptiste Lully

(Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687)

puis à Rome, celles de Bernardo Pasquini

(Massa di Valdinievole, 7 décembre 1637 – Rome, 21 novembre 1710)

_ à Rome, où Muffat fut particulièrement séduit par les réalisations de son contemporain Arcangelo Corelli

(Fusignano, 17 février 1653 – Rome, 8 janvier 1713) _,

le savoyard (d’ascendance écossaise) Georges Muffat

voyagea pas mal entre Savoie, France, Italie, Allemagne et Autriche :

en Alsace (Strasbourg, Molsheim et Selestat) ;

en Italie (Rome) ;

en Bavière (Ingolstadt) ;

en Autriche (Vienne, Salzburg) ;

en Bohème (Prague) ;

pour achever sa carrière à Passau, sur le Danube,

maître de chapelle du Prince-Evêque Johannes-Philipp von Lamberg.

Sa musique,

de style français,

est d’une splendide élégance,

et d’une tendresse merveilleusement touchante, et sans excès.

De son œuvre _ de très grande qualité _,

j’ai choisi son recueil inaugural de cinq Concerti Grossi

_ les premiers de ce genre nouveau à être publiés : avant ceux de Corelli, en 1715... _

intitulé Armonico Tributoet publié à Salzbourg en 1682.

Et pour l’interprétation discographique,

_ après écoute attentive de 4 CDs de ma discothèque_,

j’ai choisi celle, magnifique, de l’Ensemble 415, dirigé par la violoniste Chiara Bianchini et le claveciniste Jesper Christensen,

en un superbe enregistrement d’octobre 1995, publié par Harmonia Mundi en 1996 :

soit le CD HMC 901581.

Georg Muffat,

ou une des premières réalisations,

et merveilleusement aboutie,

de ce que François Couperin

(Paris, 10 novembre 1668 – Paris, 11 septembre 1733)

nommera, quelques années plus tard, en 1724, « les Goûts réunis« …

Et voici, par l’Ensemble 415,

le podcast du Concerto n°3, en La majeur ;

ainsi que le podcast du Concerto n°4, en mi mineur,

de cet Armonico Tributo.

 Ce vendredi 19 juin 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la formidable jubilation musicale de la frénésie retenue, contenue, de La Valse de Ravel ; par Jean Martinon, par Martha Argerich et Nelson Freire, et par Beatrice Rana

20mai

Il y a quelque chose d’une frénésie rageuse mais retenue, contenue,

dans La Valse de Ravel,

composée dans la solitude montagneuse de Lapras, près de Lamastre, en Ardèche,
entre le tout début de décembre 1919 et le 15 avril 1920
50 pages de musique en quatre mois et demi de travail acharné : Ravel est un perfectionniste.
A Lapras, dans les Cévennes,
en la résidence secondaire de son ami André-Ferdinand Hérold,
où Ravel s’était réfugié, pour pouvoir travailler vraiment au calme dans une solitude absolue _ sans voir personne _,
au sortir de la Grande Guerre,
et marqué, aussi _ à jamais _, par la perte de sa mère, le 5 janvier 1917.
Car ce n’est qu’un peu plus tard, en janvier 1921, que Maurice Ravel achètera sa petite maison de Montfort-L’Amaury, Le Belvédère :
« C’est à son amie Georgette Marnold, fille de son ami critique musical Jean Marnold, que revient le mérite d’avoir trouvé le Belvédère en décembre 1920. Le 25 mars 1920, le musicien lui avait confié _ la lettre se trouve aux pages 688-689 de l’indispensable Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel réunie très efficacement par Manuel Cornejo _ la mission de lui trouver une maison en ces termes :
Je me suis si bien fait à la solitude – un peu mortelle, c’est vrai : mais ça ne me gêne pas – que je vais vous prier de vous enquérir d’une bicoque à 30 km au moins de Paris. Vous avez le temps : je ne compte pas rentrer avant fin avril. […] Je pense quelquefois à un admirable couvent, en Espagne. Mais, sans la foi, ce serait complètement idiot. Et le moyen d’y composer des valses viennoises et autres fox-trotts »…
Ravel n’avait plus rien pu composer depuis son Trio,
à Saint-Jean-de-Luz, rue Sopite, l’été 1914.
La Valse pour orchestre _ est une commande chorégraphique,
à partir d’un projet déjà ancien, 
dont Ravel réalisera d’abord par commodité pratique de composition _ une version pour piano seul ;
ainsi, ensuite, qu’une transcription _ afin d’y inscrire durablement et conserver, pour le piano aussi, quelque chose de proprement orchestral : on sait le génie ravelien de l’orchestration..pour piano à quatre mains.
L’œuvre, avant de prendre ce titre
assez archétypique : « une espèce d’apothéose de la valse viennoise
à laquelle se mêle dans mon esprit l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal » :
le moindre mot, comme toujours chez Ravel, est capital ! Qu’on y médite !.. _
de La Valse,
fut d’abord, dans la tête de Ravel, intitulée Wien.
Et de fait, ce fut bien à Vienne, en Autriche,
que fut interprétée pour la première fois, et avec grand succès, la version pour piano à quatre mains de La Valse,
par Maurice Ravel et son ami Alfredo Casella, le 23 octobre 1920 ;
et cela pour la plus grande joie du compositeur…
Quant à l’œuvre symphonique chorégraphique
commandée dans l’optique d’un ballet (destiné au départ à Serge Diaghilev ; et qui n’en voulut hélas pas, au final : Ravel et lui se fâchant alors définitivement !..) ; 
et l’œuvre fut dédicacée, in fine, à l’amie Misia Sert _,
sa première a eu lieu à la salle Gaveau, à Paris, le 12 décembre 1920,
par l’Orchestre Lamoureux.
 En tête de la partition Ravel a écrit le descriptif _ très explicitement onirique _ suivant :
« Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir, par éclaircies, des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu : on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au ff. Une Cour impériale, vers 1855. »
Soit une démarche à la fois fantastique et ombrée de nostalgie _ qui semble anticiper de quelques années le chef d’œuvre d’exil au Brésil, très loin de Vienne _ du pur viennois, lui, qu’était Stefan Zweig,
le merveilleux et essentiel Le Monde d’hier _ Souvenirs d’un Européen
Et on remarquera que le tapuscrit du Monde d’hier fut expédié par Zweig à son éditeur le 21 février 1942,
soit la veille même des suicides conjoints de Stefan Zweig et son épouse, à Petropolis, au Brésil, le 22 février 1942.
Soit un legs en quelque sorte testamentaire de la part du viennois. 
Pour cette rayonnante Valse orchestrale-ci de Maurice Ravel,
j’ai choisi l’interprétation _ magistrale de frénésie contenue, suprêmement élégante en la sensualité si charnelle de ses frémissements presque jusqu’à la fin retenus… ;
la personnalité complexe (et résolument tenue secrète) de Maurice Ravel, tant l’homme que le compositeur, demeure mystérieuse ;
et c’est seulement en sa musique qu’elle se laisse, encore discrètement, entrevoir… _
de Jean Martinon
à la tête du Chicago Symphony Orchestra,
enregistrée à Chicago, par Decca, le 16 mai 1967
soit le CD n° 10 du coffret RCA 88843062752.
L’écouter ici avec ce bienvenu podcast de youtube.
C’est une merveille absolue de sensualité.
Quelle intelligence de chef
si intensément ravelien !
Pour la version pour piano à 4 mains de La Valse,
j’ai déniché cette vidéo d’une interprétation brillante, forcément, de Martha Argerich et Nelson Freire en octobre 2003 à Tokyo ;
et cette autre, par les mêmes, et plus merveilleuse encore, prise vingt et un ans plus tôt, à Munich, en 1982.
Et pour la version pour piano seul,
j’aime beaucoup l’interprétation de Beatrice Rana en son récent CD Warner Classics 0190295411091, en 2019 ;
ainsi que cette vidéo prise le 3 juin 2019.
On comprend ainsi assez bien ce qui a pu conduire, ensuite, Ravel à composer, en 1928,
et sur commande de la danseuse Ida Rubinstein,
en un assez similaire projet chorégraphique,
son encore plus vertigineux Bolero.
Je remarque ainsi, au passage, le lien très profond qui unit Maurice Ravel
au plus consubstantiel, probablement, du génie de l’esprit français,
je veux dire la tendresse la plus sensuelle inscrite en la légèreté la plus aérienne de l’envol,
parfois jusqu’au vertige, mais le plus souvent, sinon toujours contenu, du moins retenu, élégant, jamais sauvage,
de la danse
_ et je pense ici, aussi, au très lucide Degas, danse, dessein du magnifiquement subtil, et très sensuel, lui aussi, Paul Valéry, publié en 1936 :
la France (les Suites pour clavecin de Louis Couperin, Rameau, Degas, Ravel, Valéry) est d’abord une civilisation… _ :
le lien très consubstantiel de cette musique française à la danse…
Et Ravel, comme Rameau, et comme Louis Couperin,
fait très profondément corps musicalement à ce génie français de la joie de la danse.
En leur si parfaite élégance sensuelle, ces trois Valses-ci de Maurice Ravel
sont superbement, et « à la française », jubilatoires…
Ce mardi 28 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Cette mine d’intuitions passionnantes qu’est le « Dictionnaire amoureux de l’esprit français », du turco-suisse Metin Arditi

07mar

Le mardi 26 février dernier,

et suite à mon écoute, le dimanche 24, de l’émission Musique émoi, d’Elsa Boublil,

qui lui était consacrée

_ cf mon article  _,

j’avais brièvement présenté

mon très vif plaisir de l’entame

_ jusqu’à la page 167 / 661, ce premier soir de lecture : j’en arrivais à l’article Debussy, après l’article Dada _

de ma lecture de ce très riche travail

_ de l’helvéto-turc Metin Arditi (né à Ankara le 2 février 1945) _,

sur un sujet qui de très loin, moi aussi, et depuis très longtemps,

me travaille :

je veux dire

les mystères et arcanes de ce « esprit français« 

auquel je suis tellement sensible, moi aussi, dans les Arts

_ et sans nationalisme aucun (ni encore moins de sourcilleuse exclusivité !), est-il utile que je le précise ?!

Il s’agit seulement du simple constat renouvelé chaque fois

et non sans surprise

_ je ne le recherche en effet pas du tout ! Non, mais cela vient me tomber dessus,

et me ravir et combler… _

de ce qui vient au plus profond secrètement me toucher,

et me fait fondre de délectation :

telle la reconnaissance d’affinités intenses comme congénitales…

Voici,

pour aller d’emblée à l’essentiel de ce que vais un peu discuter,

le résumé

Dans ce dictionnaire, l’écrivain sélectionne des traits selon lui exemplaires de la culture française, comme le culte de l’élégance, le sens de l’ironie et l’art de la conversation _ rien à redire, bien sûr, à cet excellent choix-ci. Les entrées abordent aussi bien les institutions, les personnalités et des aspects historiques, de l’Académie française à Louise de Vilmorin, en passant par la haute couture, l’impressionnisme et Jacques Prévert.

puis la quatrième de couverture de ce Dictionnaire amoureux de l’esprit français, de Metin Arditi,

publié aux Éditions Plon et Grasset :

Dictionnaire amoureux de l’Esprit français :

« Je voudrais bien savoir, dit Molière _ plaidant ici pro domo _, si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire. » Partant de ce constat, Metin Arditi examine d’une plume tendre _ en effet _ les formes dans lesquelles s’incarne cet impératif de séduction _ oui… _ : le goût du beau _ davantage que du sublime _, le principe d’élégance _ oui, toujours ! a contrario de la moindre vulgarité _, le sens de l’apparat _ un peu survalorisé par l’auteur, selon moi _, mais aussi le souci de légèreté _ fondamental, en effet _, l’humour _ oui, avec toujours un léger décalage… _, l’art de la conversation _ très important : civilisateur _, un attachement historique à la courtoisie _ parfaitement ! _, l’amour du trait _ d’esprit et parole, seulement _ assassin, la délicatesse _ c’est très, très important aussi !!! l’égard et ses formes, envers l’autre _ du chant classique « à la française » _ la quintessence peut-être du goût français _, un irrésistible penchant pour la théâtralité _ surévalué à mon goût, à contresens de la délicatesse et de la discrétion, selon moi _, l’intuition du bon goût _ oui ! _, la tentation des barricades _ à l’occasion, faute de parvenir à assez se bien faire entendre _, une obsession du panache _ surévaluée, elle aussi, comme le penchant à la théatralité : le panache de Cyrano illustrant la couverture du livre ! _, et, surtout, une _ sacro-sainte et irrépressible ! _ exigence de liberté _ oui, cela, c’est incontestable : ne jamais être comdamné à emprunter des voies toutes tracées, ou disciplinaires ; mais disposer d’une capacité permanente d’invention, et de singularité. En un mot, le bonheur à la française _ oui : à savourer assez paisiblement et durablement en sa profonde et somme toute discrète intensité. À l’heure où chacun s’interroge sur la délicate question de l’identité _ mais non assignable à des traits fermés et une fois pour toutes donnés, invariants… _, ce dictionnaire rappelle que l’esprit français est, surtout, un inaltérable cadeau _ d’ouverture et fantaisie. Une lecture qui fait plaisir… et pousse à réfléchir _ et discuter, entamer le dialogue.

Voici aussi le texte accompagnant le podcast de l’émission Musique émoi du dimanche 24 février dernier,

qui reprend ces diverses thématiques :

Metin Arditi, amoureux  comme personne de  l’esprit français, examine d’une plume légère et souvent espiègle les  diverses formes dans lesquelles s’incarne en France le désir de plaire.

« On ne considère en France que ce qui plaît », dit Molière, « C’est la grande règle, et pour ainsi dire la seule ».


Partant de cet indiscutable constat, l’auteur de ce dictionnaire,  lui-même amoureux  comme personne de l’esprit français, examine d’une  plume légère et souvent espiègle les diverses formes dans lesquelles  s’incarne en France le désir de plaire : au fil des siècles se sont  développés le goût du beau, bien sûr, mais aussi le principe d’élégance,  le sens de l’apparat, le souci de légèreté, l’humour, l’art de la  conversation, un attachement historique à la courtoisie, la délicatesse  du chant classique « à la française », le penchant pour la théâtralité,  l’amour du juste, le goût des barricades, du panache, oui, du panache,  et, surtout, une exigence immodérée de liberté. Ce dictionnaire parle de  Guitry et de Piaf, de Truffaut et de Colette _ oui _, mais aussi de Teilhard de  Chardin, Pascal, Diderot, Renan, Péguy, les prophètes qui ont nourri  les artistes de leur pensée et les ont libérés dans l’exercice de leurs talents.


L’esprit français a aussi ses interdits. Ne jamais être lourd…  Ne pas faire le besogneux… _ c’est en effet capital ! Et Nietzsche vénérait tout spécialement cet aspect-là de l’esprit français… Comment plaire, sinon ?


Au fil des pages, ce dictionnaire rappelle que le goût des belles choses a _ aussi _ un prix _ économique, financier _, qu’un tel bonheur ne vient pas sans facture _ à régler in fine ! À défaut,  l’esprit français ne serait pas ce qu’il est… _ assez impécunieux…  Sans vouloir  transformer un pays qui, c’est heureux, n’est pas transformable, on  pourrait peut-être imaginer, ça et là _ mais c’est bien un vœu pieux ! une pure vue de l’esprit… _, quelques mesures aptes à diminuer _ mais est-ce vraiment réaliste ? _ le montant de l’addition.


À l’heure où chacun s’interroge sur la délicate question de l’identité du pays, ce dictionnaire rappelle combien l’esprit français est un  cadeau _ sans prix, eu égard au bonheur (d’être vraiment d’esprit français).

 

Je regrette aussi que manquent en ce Dictionnaire amoureux

certaines entrées

que pour ma part je trouve bien plus essentielles

que Sacha Guitry ou Edmond Rostand,

telles

Joachim du Bellay, Montaigne, Marivaux, Chardin, Monet, Paul Valéry, Pierre Bonnard, Charles Trenet, par exemple,

qui,

les uns comme les autres,

ont si merveilleusement _ et idiosyncrasiquement : un trait lui aussi bien français ! _ su chanter

l’incomparable douceur de notre France.

En tout cas,

j’éprouverais un très vif plaisir à dialoguer de tout cela

avec Metin Arditi,

s’il venait à Bordeaux.

Ce jeudi 7 mars, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un très joli « Silentium » de Jean-François Novelli et l’ensemble Sébastien de Brossard (Fabien Armengaud)

23mar

Un peu par hasard,

je tombe sur ce CD, esseulé sur la table d’arrivage, du rayon Musique de la librairie Mollat :

Silentium, Motets pour taille (En Phases ENP001), par Jean-François Novelli, taille ; et l’Ensemble Sébastien de Brossard, que dirige Fabien Armengaud.


Au verso du CD,

son programme :

oh ! chic !, rien que de la musique française de la fin du règne de Louis XIV _ me semble-t-il, du moins, tout d’abord _, à lire très rapidement, sinon la liste des œuvres (des Motets), mais celle de leurs compositeurs :

Sébastien de Brossard (1665 – 1730), justement ! _ l’introducteur de la musique italienne en France !!! _ ;

Pierre Bouteiller (c. 1655 – c. 1717) _ et pour deux œuvres, pas rien qu’une seule ; un nom de compositeur qui me dit vaguement quelque chose, mais il serait assez étonnant que je possède un seul CD à ses seules œuvres consacrées ! mais qui sait ? Peut-être est-il sorti de ma mémoire : probablement que oui, il me semble bien, à mieux y réfléchir… _ ;

puis André Campra (1660 – 1744) _ bien répertorié, lui, et assez bien servi au disque ; et pour deux œuvres lui aussi _ ;

je poursuis : Henry Dumont (1610 – 1684) _ bien plus précoc, lui, dans le XVIIéme siècle, et auteur célèbre de très beaux Motets ; et pour deux œuvres, lui encore _ ;

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704) _ dont il me semble pouvoir instantanément reconnaître la patte (ou la pâte ?), le style ; je l’ai bien dans l’oreille, lui, depuis le CD dont j’ai participé (avec le chef, et flûtiste, et même hautboïste, Hugo Reyne) à la composition du programme, en 1995-96 : le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, de la Simphonie du Marais, le CD EMI-Virgin  ; et pour trois œuvres, encore, lui _ ;

puis Louis Couperin (c. 1626 – 1661) _ le sublime, et si tôt décédé dans le siècle, l’ami de Froberger : une Simphonie _ ;

et enfin, pour clore le programme, une œuvre d’un nommé Suffret _ sans même de prénom : un total inconnu de moi, par conséquent !

C’est donc le ténor, ou plutôt ici la taille !!!,

qui chante en soliste ces Motets,

d’une voix infiniment douce,

dont il a pris soin de préciser dans le livret, la relative discrétion par rapport aux voix plus sonores de haute-contre et de basse.

Et de fait, c’est une sublime douceur _ ô combien française ! _ qui nous berce avec tendresse dans ce très, très beau disque

_ qui demeurera probablement, trois fois hélas !!!, fade à la plupart des oreilles trop habituées ne serait-ce qu’aux prouesses vocalisantes de la vocalité italienne ; laquelle commençait, de fait, à envahir le doux pays de France au tournant du siècle, à Paris du moins, sinon, mais pas encore, à la cour de Versailles ;

et dont Sébastien de Brossard, qui, avant de venir résider à Meaux, me semble-t-il, avait vécu près des Terres d’Empire, à Strasbourg ; et s’était familiarisé avec leur style..,

s’était fait un des introducteurs, proche qu’il était, depuis, de l’abbé Mathieu, qui résidait, lui, rue Saint-André des Arts, à Paris...

Jean-François Novelli n’est pas un novice ; il est, avec Arnaud Marzoratti, le fondateur de l’ensemble Les Lunaisiens).

Il a beaucoup de goût.

Ce jeudi 22 mars, Titus Curiosus – Francis Lippa                                                                            

 

La probité tranquille de François Azouvi, en son enquête sur la mémoire des Français sur Auschwitz : un entretien avec Francis Lippa

30nov

Le mardi 20 décembre, le salon Mollat du « 91 rue Porte-Dijeaux » a reçu le philosophe François Azouvi présentant, en un entretien avec le philosophe Francis Lippa, son tout récent livre d’enquête historique : Le Mythe du Grand Silence _ Auschwitz, les Français, la mémoire

Le podcast de cet entretien (de 70′) donne à ressentir l’efficacité sereine de la magnifique probité toute de sobriété et de précision tant dans l’étendue de la documentation réunie _ cinq années durant, apprenons-nous : elle est stupéfiante ! _ que dans la délicatesse infiniment nuancée des analyses de François Azouvi, en son enquête historique pour déterminer ce que furent les variations, de 1944-45 à aujourd’hui de la mémoire des Français _ aujourd’hui : c’est-à-dire plus précisément et surtout les déclarations solennelles du Président de la République Jacques Chirac, « avec le discours du 16 juillet 1995 et la déclaration de repentance des évêques de France du 30 septembre 1997« , page 383. « Non que leur nouveauté soit radicale : ils répètent, l’un, le discours du même Chirac du 18 juillet 1896 au Vél’d’Hiv’, l’autre la déclaration de repentance du père Dupuy du 21 septembre 1986. Mais la solennité des deux événements, leur caractère public, leur confèrent une importance immense et font la véritable conclusion du processus de reconnaissance que j’ai essayé de retracer« , précise encore François Azouvi, page 383. Et nous savons bien tous, depuis Benedetto Croce ou Lucien Febvre, que « toute Histoire est contemporaine » de l’historien qui la réalise en son travail (au présent !) d’historien… Et que c’est cette situation-là qui précisément et justement permet, pas après pas, œuvre après œuvre, les progrès, par petits sauts, de la connaissance historienne, en sa propre historicité : riche et heureuse… Là-dessus, on lira aussi les travaux de réflexion sur sa discipline _ dont les indispensables Le Fil et les traces et Mythes, emblêmes, traces, traduits par l’ami Martin Rueff _, de Carlo Ginzburg… 

Ce travail, à la croisée de la démarche historienne _ surtout, et la plus méthodique et méticuleuse, comme il se doit, évidemment ! _ et de la réflexion philosophique _ aussi, dans la filiation des travaux de Paul Ricœur sur la mémoire et l’Histoire… _ de François Azouvi, porte sur l’historicité des représentations collectives, en l’occurrence ici celles des Français.

Et il me semble que c’est en cela que la focalisation de François Azouvi se démarque un peu de celles des grands historiens que sont, par exemple, Annette Wiewiorka et Georges Bensoussan, autorités en la matière. Et c’est la sous-partie intitulée « Traumatisme, refoulement, retour du refoulé« , aux pages 372 à 378 du chapitre « Le Mythe du Grand Silence« , pages 365 à 378, qui précise minutieusement et sans désir de polémiquer, sereinement et sobrement, le détail circonstancié et minutieux des désaccords avec les uns et les autres, avec ce qu’apporte à ce dossier de la mémoire des Français, ce travail patient, rigoureux et au résultat magnifique, de François Azouvi…

François Azouvi inscrit ainsi ce travail sien-ci dans le droit fil de son précédent Descartes et la France _ histoire d’une passion nationale ; ainsi que La Gloire de Bergson _ essai sur le magistère philosophique. Travail qui s’inscrit dans une réflexion continuée sur ce qu’est la tradition _ universaliste et singulière : ensemble _ de la France et ce que signifie être français _ une question présente aussi dans l’entretien avec Antoine Compagnon (à propos de son récent La Classe de rétho...) que Jean Birnbaum présente page 12 du supplément littéraire du Monde de ce vendredi 30 novembre 2012, et qui tombe (avec un étrange et merveilleux à-propos !) sous mes yeux :

« Tout naturellement, la question m’est venue : ce récit d’apprentissage n’est-il pas justement un roman national, c’est-à-dire une fiction dont le héros principal s’appelle « l’angoisse d’être français » ? Et cela vous pose-t-il « problème », à vous aussi ?« , s’interroge (et interroge Antoine Compagnon) Jean Birnbaum.

«  »Oui, bien sûr, tout mon livre est consacré au problème que cela pose », a répondu Compagnon. »

Qui développe sa réponse : « Ce texte soulève la question : vivre dans ce pays, qu’est-ce que cela signifie ? Et s’identifier à lui, qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? (…) La France, c’est d’abord la langue, l’identification à une certaine langue. En écrivant ce livre, j’avais envie de retrouver les mots qui étaient les nôtres à cette époque _ 1965-66 _, et qui allaient avec un certain mode de vie que je connais très mal, celui de la province, celui de la ruralité aussi, qui n’est jamais très loin dans les familles françaises. Vous savez, chaque année, je vais me balader au Salon de l’Agriculture, porte de Versailles. Puis je retourne au même endroit, quinze jours plus tard, pour le Salon du livre. A mes yeux, ce sont deux aspects complémentaires de l’identité française.« 

Et relevant la référence qu’Antoine Compagnon fait à « l’historien Ernest Renan (1823-1892), auteur du fameux Qu’est-ce qu’une nation ?, et dont une citation trône en exergue de La Classe de rétho, nous retombons sur le « problème » de l’identité française comme fable collective et comme récit imaginaire. Et donc sur cet ensemble complexe de récits et de contre-récits, de valeurs et de contre-valeurs, qui s’impose à chacun d’entre nous, à la manière d’une libre fiction, d’une véritable discipline littéraire », conclut son article Jean Birnbaum…  Fin de l’incise sur la question de l’identité française.


Je forme donc le vœu que ce très beau, très probe, sobre autant que précis et très délicat _ et non polémique : il faut bien le souligner… _ travail de François Azouvi rencontre la lecture attentive de la communauté des historiens français, à propos de la mémoire et de l’oubli, et des diverses formes de silence, des Français, en leur diversité, de ce que fut ce qui a été qualifié de « génocide« , de « holocauste« , puis de « Shoah« , et auquel on donne le nom métonymique de « Auschwitz » : afin de faire avancer sereinement l’établissement de cette histoire de la mémoire des Français face à l’entreprise d’extermination très effective des Juifs d’Europe et de France par les Nazis…


Là dessus, les patients _ un peu curieux _ pourront se reporter à mes articles _ de ce blog _ sur les ouvrages
de Timothy Snyder Terres de sang _ L’Europe entre Hitler et Staline :

chiffrage et inhumanité (et meurtre politique de masse) : l’indispensable et toujours urgent « Terres de sang _ l’Europe entre Hitler et Staline » de Timothy Snyder ;

d’Ivan Jablonka Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus _ une enquête :

Entre mélancolie (de l’Histoire) et jubilation de l’admiration envers l’amour de la liberté et la vie, le sublime (et très probe) travail d’enquête d’Ivan Jablonka sur l’ »Histoire des grands parents que je n’ai pas eus ;

et de Florent Brayard Auschwitz, enquête sur un complot nazi :

Le travail au scalpel de Florent Brayard sur les modalités du mensonge nazi à propos du meurtre systématique des Juifs de l’Ouest : le passionnant « Auschwitz, enquête sur un complot nazi »


À suivre…

Titus Curiosus, ce 30 novembre 2012

 

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