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« Le plus beau pour la fin : « Wolfgang Sawallisch, grand chef d’opéra, était aussi pianiste accompagnateur » : ré-écouter à l’infini le parfait double album avec Dietrich Fischer-Dieskau « Richard Strauss – Lieder », paru en 1984 ; ou Wolfgang Sawallisch, un maître de la clarté et de la vie… »

29sept

En quelque sorte en post-scriptum à mon article d’hier samedi 28 septembre « « ,

je fais ici le choix, extraits du coffret Decca 485 4364 « Wolfgang Sawallisch – The Complete Recordings on Philips & Deutsche Grammophon » de 43 CDs, des deux ultimes CDs 42 et 43  de ce coffret, de Wolfgang Sawallisch accompagnant de son piano Dietrich Fischer-Dieskau,

soient un choix de 49 Lieder de Richard Strauss par Dietrich Fischer-Diskau, baryton, et Wolfgang Sawallisch au piano _ enregistrés à Munich en octobre 1981 et à Berlin en septembre 1983 _, repris d’un double album Deutsche Grammophon 447 512 – 2, paru en 1984 _ et que je possède depuis sa parution.

Et entre les 49 Lieder de ce double album-ci, en probable priorité d’écoute,

j’élis « Ständchen » TrV 149/2, sur un poème d’Adolf Friedrich Graf von Schack _ écoutez-en ici le podcast d’une durée de 2′ 17 _,

et le sublime « Morgen« , le N°4 des « Lieder » TrV 170, sur un poème de John Henry Mackay _ écoutez-en ici le podcast d’une durée de 4′ 04 _,

aux plages 9 et 25 du CD 42 de ce coffret « Wolfgang Sawallisch – The Complete Recordings on Philips & Deutsche Grammophon« …

Et aux deux articles de Jean-Pierre Rousseau « Wolfgang S. : les retards d’un centenaire« (du 4 mai dernier), et « En scènes : Alagna, Sawallisch et le Domino noir« (du 23 septembre dernier) que j’ai cités hier samedi,

j’ajoute ce dimanche ces renvois-ci à quatre autres articles, « Pas si sage«  (de Jean-Charles Hoffelé, le 23 juin 2024), « Wolfgang Sawallisch, l’inspirant«  (de Pierre-Jean Tribot, le 27 juin 2024), « Jugendzeit«  (de Jean-Charles Hoffelé, le 21 juillet 2024) et « Le centenaire oublié de Wolfgang Sawallisch » (de Christophe Huss, le 26 août 2024), qui ont été publiés à propos des trois récents copieux coffrets _ Decca 48543 64 de 43 CDs « Wolfgang Sawallisch – The Complete Recordings on Philips & Deutsche Grammophon » ; Warner Classics 5054197832178 de 65 CDs « Wolfgang Sawallisch – Complete Symphonic, Lieder & Choral Recordings«  ; et Warner Classics 5054197949463 de 31 CDs « Wolfgang Sawallisch – Complete Opera Recordings«  _ consacrés au legs discographique de Wolfgang Sawallisch (Munich, 26 août 1923 – Grassau, 22 février 2013), parus cette annnée-ci 2024, pour honorer, avec un an seulement de retard, le centième anniversaire de la naissance, à Munich, le 16 août 1923, de Wolfgang Sawallisch…

Voici donc ces quatre récents articles, deux de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, un de Pierre-Jean Tribot, sur le site du magazine belge Crescendo, et le quatrième de Christophe Huss, dans le journal Le Devoir, de Montréal, au Québec,

aux titres déjà, chacun, assez parlants :

_ en date du 23 juin 2024, sous la plus de Jean-Charles Hoffelé, l’article intitulé « Pas si sage » :

PAS SI SAGE

Beethoven, Brahms, Schumann ? Walter Legge, signant Wolfgang Sawallisch, lui proposa un pas de côté. Plutôt Dvořák, pas la « Nouveau Monde » (elle suivra bientôt), mais la Huitième (alors noté « Quatrième »), puis ce Scherzo capriccioso qui sous sa baguette prend un chic fou. Ce sera l’amorce d’un tropisme pour la musique tchèque qui se poursuivra lors d’une dizaine de concerts avec la Philharmonie tchèque (partiellement documentés dans un précieux petit coffret Supraphon), et trouvera son aboutissement dans une poignée d’albums Dvořák durant l’ère à Philadelphie, occasion d’une mémorable gravure du Concerto pour violoncelle avec Natalia Gutman.

Avec l’orchestre londonien de Karajan, Wolfgang Sawallisch, jeune encore (dans la trentaine), osait des libertés d’accents, des tempos fulgurants, une clarté aiguisée de la balance, le tout produisant des lectures de fort caractère, où certains croiront ne pas reconnaître son art. Epatantes ! les Suites du Lac des cygnes et de Casse-noisette ; Le Bourgeois gentilhomme pétille et persiffle (et quels souffleurs !), les Ouvertures de Weber vous ont des airs de contes noirs, les accompagnements pour Johanna Martzy, Annie Fischer ou Dennis Brain n’hésitent pas à prendre le primus. Toute une époque et une façon singulière qu’avait annoncé un stupéfiant Carmina Burana à Cologne, rareté enfin rééditée (avec les remerciements de Carl Orff, présent aux sessions, l’éditeur les a placés en postlude à l’enregistrement).

Wolfgang Sawallisch au piano, avec le baryton Dietrich Fischer-Dieskau à ses côtés – © Susesch Bayat/Deutsche Grammophon

 


Autre rareté, et même première en CD, l’album des Lieder orchestraux de Pfitzner, voulu autant par Dietrich Fischer-Dieskau que par Wolfgang Sawallisch, couronnement de leurs grandes anthologies de Lieder (Mendelssohn, Brahms) où le chef retrouvait son instrument premier, le piano. Quel accompagnateur inspiré _ oui ! _, guidant les premiers sillons Schumann de Thomas Hampson (et le guidant pour Winterreise), distribuant avec un art gourmand les Lieder de Strauss à Lucia Popp, Margaret Price et Barbara Hendricks en trois programmes exactement calibrés pour leurs voix. Le texte de Rémy Louis insiste avec raison sur cette part de l’art de Wolfgang Sawallisch, il sera un guide précieux pour voyager dans cette somme couvrant plusieurs décennies.

Le reste est plus connu, parfois hors du temps à force de perfection et d’évidence (le cycle Schumann à Dresde évidemment, toute la musique chorale, sacrée et profane de Schubert _ oui !!! _ avec ses équipes de la Bayerische Rundfunk), parfois surprenante à la réécoute (le cycle Beethoven au Concertgebouw, magnifique !, il avait trouvé l’orchestre idéal pour son Beethoven dès l’époque Philips, une « Pastorale » splendide le rappelle dans un coffret regroupant tous ses Philips (voir chronique prochainement), souvent plus attendu, comme la somme Brahms avec le London Philharmonic : les Concertos avec Stephen Bishop Kovacevich doivent s’entendre avant les Symphonies, la perle de l’ensemble est ajoutée en quelque sorte : le Trio avec cor où il retrouve son piano pour Frank Peter Zimmermann et Marie-Luise Neunecker. Les trois albums avec Berlin – la Lobgesang, le Concerto de Beethoven avec Zimmermann, surtout la Messe de Schumann, font regretter la minceur du legs.

Coda à Philadelphie, avec en concert une Sinfonia Domestica savoureuse, un remarquable album Hindemith, un Lac des cygnes d’une troublante beauté, immense symphonie sans ballet, vous herboriserez les autres Strauss, les Dvořák, pour mieux revenir à deux disques inoubliables, cet Empereur, ces 17e et 20e Concertos de Mozart, où Wolfgang Sawallisch, retrouvant le Philharmonia, écoute Youri Egorov _ oui, oui, oui.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Sawallisch, direction, piano


The Warner Classics Edition
Complete Symphonic, Lieder & Choral Recordings (1954-1997)

CD 1
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 17 en sol majeur, K. 453
Concerto pour piano et orchestre No. 20 en ré mineur, K. 466
Youri Egorov, piano – Philharmonia Orchestra (1985)

CD 2
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 21 en ut majeur, K. 467
Concerto pour piano et orchestre No. 22 en mi bémol majeur, K. 482
Annie Fischer, piano – Philharmonia Orchestra (1958)

CD 3
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour violon et orchestre No. 3 en sol majeur, K. 216
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64, MWV O 14
Johanna Martzy, violon – Philharmonia Orchestra (1954)

CD 4
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour violon et orchestre No. 3 en sol majeur, K. 216
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 77
Frank Peter Zimmermann, violon – Berliner Philharmoniker (1995)

CDs 5-9
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les Symphonies (Intégrale)
No. 1 en do majeur, Op. 21
No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55
No. 2 en ré majeur, Op. 36
No. 8 en fa majeur, Op. 93
No. 4 en si bémol majeur, Op. 60
No. 7 en la majeur, Op. 92
No. 5 en ut mineur, Op. 67
No. 6 en fa majeur, Op. 68 “Pastorale”
No. 9 en ré mineur, Op. 125 “Chorale”

Margaret Price, soprano – Marjana Lipovšek, mezzo-soprano – Peter Seiffert, ténor – Jan-Hendrik Rootering, basse – Städtischer Musikverein zu DüsseldorfRoyal Concertgebouw Orchestra (1991-1993)

CD 10
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano et orchestre No. 5 en mi bémol majeur, Op. 73 « L’Empereur »
Youri Egorov, piano – Philharmonia Orchestra (1982)

CD 11
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Euryanthe, Op. 81, J. 291 – Ouverture
Der Beherrscher der Geister, Op. 27, J. 122
Abu Hassan, J. 106 – Ouverture
Jubel-Ouvertüre, Op. 59, J. 245
Der Freischütz, Op. 77, J. 277 – Ouverture
Preciosa, Op. 78, J. 279 – Ouverture
Oberon, J. 306 – Ouverture

Philharmonia Orchestra (1958)

CD 12
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksCapella Bavariae (1977-1983)

Lied im Freien, D. 572
Die Bürgschaft, D. 435 (extrait : Räuberlied, « Hinter Büschen, hinterm Laub » – Acte II)
Die Advokaten, D. 37
Albert Gassner, Anton Rosner, ténors – Peter Schranner, basse
Trinklied, D. 148
Peter Schreier, ténor
Wilkommen, lieber schöner Mai, D. 244
Erika Rüggeberg, Karin Hautermann, Irmgard Lampart, sopranos – Albert Gassner, Anton Rosner, Heinrich Weber, ténors
Fischerlied, D. 364
Trinklied, D. 267
Trinklied, D. 356
Peter Schreier, ténor
Bergknappenlied, D. 268
Ruhe, schönstes Glück der Erde, D. 657
Trinklied im Winter, D. 242
Albert Gassner, Anton Rosner, ténors – Josef Weber, basse
Gott in der Natur, D. 757
Naturgenuß, D. 422
Der Schnee zerrinnt, D. 130
Frühlingsgesang, D. 740
Trinklied im Mai, D. 427
Frühlingslied, D. 243
Albert Gassner, Anton Rosner, ténors – Josef Weber, basse
Widerspruch, D. 865
Mondenschein, D. 875
Peter Schreier, ténor
Nachtmusik, D. 848
Gold’ner Schein, D. 357
Adelheid Schiller, Renate Freyer, mezzo-sopranos – Gudrun Greindl-Rosner, contralto
Frühlingslied, D. 914

CD 13
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksCapella Bavariae (1977-1983)

Nachtgesang im Walde, D. 913
Ernst Dörflinger, Willy Beck, Günther Weber, Olaf Klamand, cors
Der Gondelfahrer, D. 809
Die Nacht, D. 983c
Peter Lika, Peter Schranner, Josef Weber, basses
Nachthelle, D. 892
Peter Schreier, ténor
Die Nachtigall, D. 724
Lacrimoso son io, D. 131b
Erika Rüggeberg, Karin Hautermann, Isolde Mitternacht, sopranos
Der Entfernten, D. 331
Mailied, D. 129
Albert Gassner, Anton Rösner, ténors – Josef Weber, basse
Zum Rundetanz, D. 983b
Anton Rösner, ténor – Peter Lika, Peter Schranner, Josef Weber, basses
Wein und Liebe, D. 901
Geist der Liebe, D. 747
Liebe säuseln die Blätter, D. 988
Erika Rüggeberg, Karin Hautermann, Irmgard Lampart, sopranos
Andenken, D. 423
Albert Gassner, Anton Rösner, ténors – Peter Schranner, basse
Leise, leise lasst uns singen, D. 635
Erinnerungen, D. 424
Widerhall, D. 428
Anton Rösner, ténor – Peter Schranner, Josef Weber, basses
Lacrimoso son io, D. 131a
Albert Gassner, Anton Rösner, Heinrich Weber, ténors
Gesang der Geister über den Wassern, D. 714
Membres de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise
Sehnsucht, D. 656
Peter Lika, basse
Im Gegenwärtigen Vergangenes, D. 710
Bootgesang, D. 835

CD 14
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksCapella Bavariae (1977-1983)

Bardengesang, D. 147
Trinklied aus dem 16 Jahrhundert, D. 847
La pastorella al prato, D. 513
Klage um Ali Bey, D. 140
Erika Rüggeberg, Karin Hautermann, sopranos – Juliana Falk, mezzo-soprano – Gudrun Greindl-Rosner, contralto
Schlachtlied, D. 912
Der Geistertanz, D. 494
Ständchen, D. 920
Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano
Das Dörfchen, D. 598
Mailied, D. 202
Juliana Falk, mezzo-soprano – Gudrun Greindl-Rosner, contralto – Kurt Richter, Ernst Dörflinger, cors – Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Trinklied, D. 75
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton
Dreifach ist der Schritt der Zeit, D. 69
Vorüber die stöhnende Klage, D. 53
Albert Gassner, ténor – Peter Schranner, Josef Weber, basses
Unendliche Freude, D. 51
Hier strecket der wallende Pilger, D. 57
Dessen Fahne Donnerstürme wallte, D. 58
Hier umarmen sich getreue Gatten, D. 60
Unendliche Freude, D. 54
An den Frühling, D. 338
Frisch atmet des Morgens lebendiger Hauch, D. 67
Punschlied, D. 277
Selig durch die Liebe, D. 55
Albert Gassner, ténor – Peter Schranner, Josef Weber, basses
Ein jugendlicher Maienschwung, D. 61
Thronend auf erhabnem Sitz, D. 62
Majestät’sche Sonnenrosse, D. 64
Wer die steile Sternenbahn, D. 63
Liebe, D. 983a
Anton Rösner, ténor – Peter Lika, Peter Schranner, Josef Weber, basses
Die zwei Tugendwege, D. 71
Albert Gassner, ténor – Peter Schranner, Josef Weber, basses
Dreifach ist der Schritt der Zeit, D. 43

CD 15
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksCapella Bavariae (1977-1983)

Lützows wilde Jagd, D. 205
Johannes Ritzkowsky, Günther Weber, cors – Membres de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise
Die Einsiedelei, D. 337
Totengräberlied, D. 38
Mailied, D. 199
Juliana Falk, mezzo-soprano – Gudrun Greindl-Rosner, contralto – Albert Gassner, Anton Rösner, ténors – Kurt Richter, Ernst Dörflinger, cors – Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Flucht, D. 825b
Der Morgenstern, D. 203
Juliana Falk, mezzo-soprano – Gudrun Greindl-Rosner, contralto – Kurt Richter, Ernst Dörflinger, cors – Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Coronach, D. 836
Wehmut, D. 825
Grab und Mond, D. 893
Anton Rösner, ténor – Peter Lika, Peter Schranner, Josef Weber, basses
Ewige Liebe, D. 825a
Zur guten Nacht, D. 903
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton
Mirjams Siegesgesang, D. 942
Hildegard Behrens, soprano – Erika Rüggeberg, Karin Hautermann, sopranos – Juliana Falk, mezzo-soprano – Gudrun Greindl-Rosner, contralto
Jünglingswonne, D. 983
Das stille Lied, D. 916
Albert Gassner, Anton Rösner, ténors – Paul Hansen, Josef Weber, basses

CD 16
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Kyrie en si bémol majeur, D. 45
Kyrie en ré mineur, D. 49
Messe en fa majeur, D. 105*
Messe en sol majeur, D. 167
Lucia Popp, *Helen Donath, sopranos – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Adolf Dallapozza, *Peter Schreier, ténors – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton

CD 17
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Messe en si bémol majeur, D. 324
Deutsches Salve Regina, D. 379
Stabat Mater en fa mineur, D. 383*
Salve Regina en si bémol majeur, D. 386
Lucia Popp, *Helen Donath, sopranos – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Adolf Dallapozza, *Josef Protschka, ténors – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton

CD 18
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Messe en la bémol majeur, D. 678
Helen Donath, soprano – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Francisco Araiza, ténor – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton
Messe en ut majeur, D. 452
Lucia Popp, soprano – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Adolf Dallapozza, ténor – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton

CD 19
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Messe en mi bémol majeur, D. 950
Tantum ergo en mi bémol majeur, D. 962*
Offertorium, D. 963**
Helen Donath, *Lucia Popp, sopranos – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Francisco Araiza, **Peter Schreier, ténors – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton

CD 20
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Kyrie en ré mineur, D. 31
Kyrie en fa majeur, D. 66
Salve Regina en si bémol majeur, D. 106*
Totus in corde, D. 136**
Stabat Mater en sol mineur, D. 175
Tres sunt, D. 181
Gradual, D. 184
Salve Regina, D. 223**
Tantum ergo en ut majeur, D. 461***
Tantum ergo en ut majeur, D. 460
Magnificat en ut majeur, D. 486
Auguste jam coelestium, D. 488
Lucia Popp, **Helen Donath, ***Erika Rüggeberg, sopranos – Brigitte Fassbaender, ***Juliana Falk, mezzo-soprano – Adolf Dallapozza, *Francisco Araiza, ***Albert Gassner, ténors – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – ***Peter Lika, basse – Elmar Schloter, orgue

CD 21
Franz Schubert (1797-1828)
Chor des Bayerischen Rundfunks – **Capella BavariaeSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

Salve Regina, D. 676*
Antiphonen zum Palmsonntag, D. 696
Psalm XXIII, D. 706
Tantum ergo en ut majeur, D. 739
Tantum ergo en ut majeur, D. 750
Salve Regina en ut majeur, D. 811**
Deutsche Messe, D. 872
Psalm XCII, D. 953**
Hymnus an den heiligen Geist, D. 948**
*Helen Donath, **Erika Rüggeberg, **Karin Hautermann, sopranos – **Juliana Falk, mezzo-soprano – **Gudrun Greindl-Rosner, contralto – **Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Elmar Schloter, orgue

CD 22
Franz Schubert (1797-1828)
Lazarus, oder die Feier der Auferstehung, D. 689
Maria Venuti, Helen Donath, Lucia Popp, sopranos – Robert Tear, Josef Protschka, ténors – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Chor des Bayerischen RundfunksSymphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1981-1983)

CD 23
Franz Schubert (1797-1828)
Winterreise, D. 911
Thomas Hampson, baryton (1997)

CD 24
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Symphonie No. 2 en si bémol majeur, Op. 52, MWV A 18 « Lobgesang »
Krisztina Laki, soprano – Mitsuko Shirai, mezzo-soprano – Peter Seiffert, ténor – Chor des städtischen Musikvereins zu Düsseldorf e.V.Berliner Philharmoniker(1987)

CDs 25-26
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Schlafloser Augen Leuchte, WoO 4/1, MWV K 85
2 Lieder, WoO 17 (MWV K 87, MWV K 75)
12 Gesänge, Op. 8 (2 extraits : No. 4. Erntelied, MWV K 37 ; No. 8. Andres Maienlied (Hexenlied), MWV K 33)
12 Lieder, Op. 9 (extraits : No. 6. Scheidend, MWV K 50)
6 Gesänge, Op. 19a [MWV K 56, 63, 72, 70, 71, 65]
6 Gesänge, Op. 34 (4 extraits : No. 1. Minnelied, MWV K 80 ; No. 2. Auf Flügeln des Gesanges, MWV K 86 ; Np. 3. Frühlingslied, MWV K 89 ; No. 6. Reiselied, MWV K 90)
6 Gesänge, Op. 47 (5 extraits : No. 1. Minnelied, MWV K 97 ; No. 2. Morgengrüß, MWV K 100 ; No. 3. Frühlingslied, MWV K 101 ; No. 4. Volkslied, MWV K 102 ; No. 6. Bei der Wiege, MWV K 77)
6 Lieder, Op. 57 (5 extraits : No. 1. Altdeutsches Lied, MWV K 104 : No. 2. Hirtenlied, MWV K 103 ; No. 4. O Jugend, o schöne Rosenzeit, MWV K 106 ; No. 5. Venetianisches Gondellied, MWV K 114 ; No. 6. Wanderlied, MWV K 108)
6 Lieder, Op. 71 (5 extraits : No. 1. Tröstung, MWV K 120 ; No. 3. An die Entfernte, MWV K 126 ; No. 4. Schilflied, MWV K 116 : No. 5. Auf der Wanderschaft, MWV K 124 ; No. 6. Nachtlied, MWV K 125)
3 Lieder, Op. 84 (2 extraits : No. 1. Verschwunden, MWV K 69 ; No. 3. Jagdlied, MWV K 82)
6 Gesänge, Op. 86 (3 extraits : No. 1. Das Fenster, MWV K 29 ; No. 4. Allnächtlich im Traume seh ich dich, MWV K 78 ; No. 5. Der Mond, MWV K 122)
6 Gesänge, Op. 99 (2 extraits : No. 1. Erster Verlust, MWV K 110 ; No. 5. Fahrwohl, MWV K 121)
Der Blumenkranz, WoO 7, MWV K 44
Warnung vor dem Rhein, WoO 16, MWV K 105

Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (1970-1979)

CDs 27-29
Robert Schumann (1810-1856)
Symphonie No. 1 en si bémol majeur, Op. 38 « Le printemps »
Symphonie No. 4 en ré mineur, Op. 120
Symphonie No. 2 en ut majeur, Op. 61
Ouverture, Scherzo et Finale, Op. 52
Symphonie No. 3 en mi bémol majeur, Op. 97 « Rhénane »
Manfred, Op. 115 – Ouverture

Staatskapelle Dresden (1972)

CD 30
Robert Schumann (1810-1856)
Messe en ut mineur, Op. 147
Mitsuko Shirai, soprano – Peter Seiffert, ténor – Jan-Hendrik Rotring, basse – Chor des städtischen Musikvereins zu Düsseldorf e.V.Berliner Philharmoniker (1987)

CD 31
Robert Schumann (1810-1856)
Liederkreis, Op. 24
Der arme Peter, Op. 53 No. 3
Dichterliebe, Op. 48
5 Lieder und Gesänge, Op. 127 (2 extraits : No. 2. Dein Angesicht ; No. 3. Es leuchtet meine Liebe)
4 Gesänge, Op. 142 (2 extraits : No. 2. Lehn’ deine Wang’ ; No. 4. Mein Wagen rollet langsam)
Thomas Hampson, baryton (1994)

CD 32
Richard Wagner (1813-1883)
Götterdämmerung, WWV 86D – Siegfrieds Rheinfahrt & Trauermarsch
Tannhäuser, WWV 70 – Ouverture
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96 – Prélude de l’Acte I
Philharmonia Orchestra (1958)

CD 33
Richard Wagner (1813-1883)
Das Liebesverbot, WWV 38 – Ouverture
Symphonie en mi majeur, WWV 35 (extrait :I. Allegro con spirito)
Eine Faust-Ouvertüre, WWV 59
Wesendonck-Lieder, WWV 91 (version orchestrale : Hans Werner Henze)
Rienzi, WWV 49 – Prélude
Marjana Lipovšek, mezzo-soprano – The Philadelphia Orchestra (1995)

CD 34
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 4 en mi bémol majeur, WAB 104 « Romantique »
The Philadelphia Orchestra (1993)

CDs 35-38
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Schicksalslied, Op. 54*
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73
Variations sur un thème de Haydn, Op.56a
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90
Ouverture pour une fête académique, Op. 80
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
Ouverture tragique, Op. 81
*Ambrosian SingersLondon Philharmonic Orchestra (1989-1991)

CD 39
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ré mineur, Op. 15*
2 Gesänge, Op. 91**
Stephen Kovacevich, piano
*London Philharmonic Orchestra (1991)
**Ann Murray, mezzo-soprano – *Nobuko Imai, alto (1992)

CD 40
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en si bémol majeur, Op. 83*
5 Lieder, Op. 105**
Stephen Kovacevich, piano
*London Philharmonic Orchestra (1993) – **Ann Murray, mezzo-soprano (1994)

CD 41
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur, Op. 102
Frank Peter Zimmermann, violon – Heinrich Schiff, violoncelle – London Philharmonic Orchestra (1996)
Trio pour cor, violon et piano en mi bémol majeur, Op. 40
Frank Peter Zimmermann, violon – Marie-Louise Neunecker, cor (1996)

CDs 42-44
Johannes Brahms (1833-1897)
6 Gesänge, Op. 3 (extrait : No. 4. Lied aus dem Gedicht « Ivan »)
6 Gesänge, Op. 6 (4 extraits : No. 2. Der Frühling ; No. 3. Nachwirkung ; No. 4. Juchhe! ; No. 5. Wie die Wolke nach der Sonne)
6 Gesänge, Op. 7 (3 extraits : No. 1. Treue Liebe ; No. 4. Volkslied ; No. 6. Heimkehr)
8 Lieder und Romanzen, Op. 14
5 Gedichte, Op. 19 (2 extraits : No. 2. Scheiden und Meiden ; No. 5. An eine Äolsharfe)
4 Gesänge, Op. 43 (3 extraits : No. 1. Von ewiger Liebe ; No. 2. Die Mainacht ; No. 3. Ich schell mein Horn ins Jammerthal)
4 Lieder, Op. 46
5 Lieder, Op. 47 (4 extraits : No. 1. Botschaft ; No. 2. Liebesgluth ; No. 3. Sonntag ; No. 4. O liebliche Wangen, ihr macht mir Verlangen)
7 Lieder, Op. 48 (4 extraits : No. 1. Der Gang zum Liebchen ; No. 2. Der Überläufer ; No. 5. Trost in Thränen ; No. 6. Vergangen ist mir Glück und Heil ; No. 7. Herbstgefühl)
5 Lieder, Op. 49
8 Lieder und Gesänge, Op. 57 (7 extraits : No. 2. Wenn du nur zuweilen lächelst ; No. 3. Es träumte mir ; No. 4. Ach, wende diesen Blick ; No. 5. In meiner Nächte Sehnen ; No. 6. Strahlt zuweilen auch ein mildes Licht ; No. 7. Die Schnur, die Perl an Perle ; No. 8. Unbewegte laue Luft)
8 Lieder und Gesänge, Op. 58
8 Lieder und Gesänge, Op. 59 (7 extraits : No. 1. Dämmrung senkte sich von oben ; No. 2. Auf dem See ; No. 3. Regenlied ; No. 4. Nachklang ; No. 6. Eine gute, gute Nacht ; No. 7. Mein wundes Herz verlangt nach milder Ruh ; No. 8. Dein blaues Auge hält so still)
9 Lieder und Gesänge, Op. 63
7 Lieder, Op. 95 (extrait : No. 3. Beim Abschied)
4 Lieder, Op. 96 (extrait : No. 3. Es schauen die Blumen)
6 Lieder, Op. 97 (5 extraits : No. 1. Nachtigall ; No. 2. Auf dem Schiffe ; No. 3. Entführung ; No. 5. Komm bald ; No. 6. Trennung)
5 Lieder, Op. 105 (4 extraits : No. 1. Wie Melodien zieht es mir ; No. 3. Klage ; No. 4. Auf dem Kirchhofe ; No. 5. Verrat)
5 Lieder, Op. 106
5 Lieder, Op. 107 (3 extraits : No. 1. An die Stolze ; No. 2. Salamander ; No. 4. Maienkätzchen)
4 ernste Gesänge, Op. 121
Mondnacht, WoO 21
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (1973)

CD 45
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 8 en sol majeur, Op. 88, B. 163
Scherzo capriccioso en ré bémol majeur, Op. 66, B. 131
Philharmonia Orchestra (1954)

CD 46
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 7 en ré mineur, Op. 70, B. 141
Symphonie No. 8 en sol majeur, Op. 88, B. 163
The Philadelphia Orchestra (1989)

CD 47
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178 « Du nouveau Monde »
Ouverture « Carnaval », Op. 92, B. 169
Philharmonia Orchestra (1958)

CD 48
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178 « Du nouveau Monde »
Scherzo capriccioso en ré bémol majeur, Op. 66, B. 131
The Philadelphia Orchestra (1988)

CD 49
Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en si mineur, Op. 104, B. 191
Variations symphoniques en ut majeur, Op. 78, B. 70
Natalia Gutman, violoncelle – The Philadelphia Orchestra (1991)

CD 50
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Le Lac des cygnes – Suite, Op. 20a, TH 219 (version courte)
Casse-noisette – Suite, Op. 71a, TH 35
Philharmonia Orchestra (1957, 1958)

CDs 51-52
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Le Lac des cygnes – Ballet, Op. 20, TH 12
The Philadelphia Orchestra (1993, 1994)

CD 53
Richard Strauss (1864-1949)
Also sprach Zarathustra, Op. 30, TrV 176
Burleske pour piano et orchestre en ré mineur, TrV 145
Don Juan, Op. 20, TrV 156
Emanuel Ax, piano – The Philadelphia Orchestra (1995)

CD 54
Richard Strauss (1864-1949)
Der Bürger als Edelmann – Suite, Op. 60b, TrV 228c
4 sinfonische Zwischenspiele aus « Intermezzo », TrV 246a (extrait : I.a. Walzerscene)
Philharmonia Orchestra (1958)

CD 55
Richard Strauss (1864-1949)
Ein Heldenleben, Op. 40, TrV 190
Concerto pour hautbois et petit orchestre en ré majeur, TrV 292*
Richard Woodhams, hautbois – The Philadelphia Orchestra (*1994, 1995)

CD 56
Richard Strauss (1864-1949)
Festliches Präludium en ut majeur, Op. 61, TrV 229
Till Eulenspiegels lustige Streiche, Op. 28, TrV 171
Sinfonia domestica, Op. 53, TrV 209
The Philadelphia Orchestra (1993)

CD 57
Richard Strauss (1864-1949)
Concerto pour cor et orchestre No. 1 en mi bémol majeur, Op. 11, TrV 117
Concerto pour cor et orchestre No. 2 en mi bémol majeur, TrV 283
Denis Brain, cor – Philharmonia Orchestra (1956)

CD 58
Richard Strauss (1864-1949)
Rote Rosen, TrV 119
Die erwachte Rose, TrV 90
Begegnung, TrV 98
8 Gedichte aus « Letzte Blätter », Op. 10, TrV 141
5 Lieder, Op. 15, TrV 148 (extrait : No. 5. Heimkehr)
3 Lieder, Op. 29, TrV 172 (extrait : No. 2. Schlagende Herzen)
4 Lieder, Op. 31, TrV 173 (extrait : No. 3. Weisser Jasmin)
4 Lieder, Op. 36, TrV 186 (2 extraits : No. 2. Für fünfzehn Pfennige ; No. 3. Hat gesagt—bleibt’s nicht dabei)
6 Lieder, Op. 37, TrV 187 (extrait : No. 3. Meinem Kinde)
5 Lieder, Op. 39, TrV 189 (extrait : No. 1. Leises Lied)
5 Lieder, Op. 41, TrV 195 (2 extraits : No. 1. Wiegenlied ; No. 5. Leise Lieder)
5 kleine Lieder, Op. 69, TrV 237 (extrait : No. 5. Schlechtes Wetter)
Lucia Popp, soprano (1984)

CD 59
Richard Strauss (1864-1949)
8 Gedichte aus « Letzte Blätter », Op. 10, TrV 141 (3 extraits : No. 1. Zueignung ; No. 3. Die Nacht ; No. 8. Allerseelen)
6 Lieder, Op. 17, TrV 149 (extrait : No. 1. Seitdem dein Aug’ in meines schaute ; No. 2. Ständchen)
Schlichte Weisen, Op. 21, TrV 160 (extrait : No. 1. All’ mein Gedanken, mein Herz und mein Sinn ; No. 2. Du meines Herzens Krönelein)
4 Lieder, Op. 27, TrV 170
5 Lieder, Op. 39, TrV 189 (extrait : No. 4. Befreit)
5 Lieder, Op. 41, TrV 195 (extrait : No. 1. Wiegenlied)
5 Lieder, Op. 48, TrV 202 (4 extraits : No. 1. Freundliche Vision ; No. 2. Ich schwebe ; No. 3. Kling! ; No. 4. Winterweihe)
Margaret Price, soprano (1986)

CD 60
Richard Strauss (1864-1949)
8 Gedichte aus « Letzte Blätter », Op. 10, TrV 141 (3 extraits : No. 4. Die Georgine ; No. 7. Die Zeitlose ; No. 8. Allerseelen)
5 Lieder, Op. 15, TrV 148 (extrait : No. 5. Heimkehr)
Mädchenblumen, Op. 22, TrV 153
4 Lieder, Op. 27, TrV 170
4 Lieder, Op. 36, TrV 186 (extrait : No. 1. Das Rosenband)
6 Lieder, Op. 68, TrV 235 (2 extraits : No. 2. Ich wollt’ ein Sträusslein binden ; No. 3. Säusle, liebe Myrthe! – versions orchestrales)*
Vier letzte Lieder, TrV 296*
Barbara Hendricks, soprano – *The Philadelphia Orchestra (1995, *1994)

CD 61
Hans Pfitzner (1869-1949)
Herr Oluf, ballade pour baryton et orchestre, Op. 12
An den Mond, Op. 18 (version orchestrale)
4 Lieder, Op. 4 (extrait : No. 2. Sie haben heut’ abend Gesellschaft – version orchestrale)
Lethe, pour baryton et orchestre, Op. 37
4 Lieder, Op. 15 (2 extraits : No. 3. An die Mark ; No. 2. Zorn – versions orchestrales)
Der arme Heinrich (extrait : Dietrichs Erzählung, extrait de l’Acte I, « Auf grüne Wipfel lacht nun wonnig der Lenz »)
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (1978)

CD 62
Paul Hindemith (1895-1963)
Symphonische Metamorphosen über Themen von Carl Maria von Weber
Nobilissima Visione – Suite de concert
Mathis der Maler – Symphonie
The Philadelphia Orchestra (1994)

CD 63
Carl Orff (1895-1982)
Carmina Burana
Agnes Giebel, soprano – Paul Kuen, ténor – Marcel Cordes, basse – Chorus of the Westdeutschen RundfunkKölner Rundfunk-Sinfonie-Orchester (1956)

CD 64. Twentieth-Century Trumpet
Henri Tomasi (1901-1971)
Tryptique
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Sonatine
Georges Enesco (1881-1955)
Légende
Alexandre Glazounov (1865-1936)
Albumblatt en si bémol majeur
Alexander Goedicke (1877-1957)
Etude concertante en sol mineur, Op. 49
Niels Viggo Bentzon (1919-2000)
Sonate pour trompette et piano, Op. 73
Edvard Hagerup Bull (1922-2012)
Perpetuum mobile
Eugène Bozza (1905-1991)
Rustiques
Gabriel Parès (1860-1934)
Fantaisie-Caprice
Jacques Ibert (1890-1962)
Impromptu
Paul Hindemith (1895-1963)
Sonate pour trompette et piano
Ole Eduard Antonsen, trompette (1996)

CD 65. Stokowski Transcriptions
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Schafe können sicher weiden (No. 8, air pour soprano, de la Cantate « Was mir behagt, ist nur die muntre Jagd » BWV 208)
Choral « Wachet auf, ruft uns die Stimme » (de la « Cantate, BWV 140 »)
Ein feste Burg ist unser Gott » Chorale (de la « Cantate, BWV 80 »)
Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 565
Luigi Boccherini (1743-1805)
Quintette à cordes No. 1 en mi majeur, Op. 11 No. 5, G. 275 – III. Minuetto e Trio
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 14 en ut dièse mineur, Op. 27 No. 2 « Clair de lune – I. Adagio sostenuto
Frédéric Chopin (1810-1849)
Prélude en mi mineur, Op. 28 No. 4. Largo
César Franck (1822-1890)
Panis Angelicus (No. 5, extrait de la « Messe en la majeur, Op. 12, CFF 203 »)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893)
Quatuor à cordes No. 1 en ré majeur, Op. 11, TH 111 – III. Andante cantabile
6 Romances, Op. 38, TH 101 (extrait : No. 3. Sred’ shumnogo bala)*
Claude Debussy (1862-1918)
Suite bergamasque, CD 82 (extrait : III. Clair de lune)
Préludes, Livre I, CD 125 <small<(extrait : X. La cathédrale engloutie)
Sergei Rachmaninoff (1873-1943)
Prélude en ut dièse mineur, Op. 3 No. 2
*Marjana Lipovšek, mezzo-soprano – The Philadelphia Orchestra (1995)

Un coffret de 65 CD du label Warner Classics 5054197832178
Acheter l’album sur le site du label www.jpc.de ou sur Amazon.fr

Photo à la une : le chef d’orchestre Wolfgang Sawallisch, vers 1969, à Hambourg – Photo : © DR

 

_  en date du 27 juin 2024, sous la plume de Pierre-Jean-Tribot, l’article intitulé « Wolfgang Sawallisch, l’inspirant » :

Wolfgang Sawallisch, l’inspirant

LE 27 JUIN 2024 par Pierre Jean Tribot

Wolfgang Sawallisch. The Warner Classics Edition. Complete Symphonic Lireder & Choral Recordings. 1954-1997. Livret en anglais, allemand et français. 66 CD Warner Classics.

Warner réédite en deux temps le legs du chef d’orchestre Wolfgang Sawallisch (1923-2013) avec un premier coffret consacré aux œuvres orchestrales, chorales et aux lieder alors qu’un second coffret centré sur les gravures lyriques sera publié cette automne.

Wolfgang Sawallisch, c’est certes un immense chef d’orchestre et un pianiste raffiné à son aise tant dans la musique de chambre que dans l’exercice pas si simple de l’accompagnement de récitals, mais c’est un chef d’orchestre comme on n’en fait plus ! Un chef au répertoire assez vertigineux, à l’aise avec la création de son temps (on oublie trop souvent les premières mondiales qu’il a donné avec des partitions de Gottfried von Einem, Wolfgang Fortner, Wolfgang Rihm, Isang Yun…), mais aussi un musicien tout autant à son affaire au pupitre symphonique qu’en fosse lyrique ou à la tête d’un choeur ! Une flexibilité totale qui dénote à notre ère de spécialisation à outrance et de fuite devant la fosse des poupons des podiums, trop vite jetés dans la bain du star system…Analysons ce coffret en 4 temps.

……

Le jeune virtuose de la baguette

Les débuts de carrières du jeune Wolfgang Sawallisch sont fulgurants. Il débute avec le philharmonique de Berlin en 1952 ! En 1953, il est chef d’orchestre à Aix-la-Chapelle, puis Wiesbaden et Cologne (1960-1963). Il est repéré par Walter Legge, le légendaire producteur de disques qui lui offre en 1954 son premier enregistrement avec le Philharmonia Orchestra à Londres.  A partir de 1957, il est un invité régulier du Festival de Bayreuth, où il retourne chaque année jusqu’en 1962 _ voilà. Il est l’un des piliers du renouveau du festival et il répond par sa musicalité tranchante à la nouvelle vision scénique épurée d’un Wieland Wagner qui cherche à dépoussiérer la dramaturgie scénique des opéras : Tristan und Isolde, Lohengrin, Der Fliegende Holländer et Tannhäuser marquent leur temps.  De 1961 à 1970, il est directeur musical des Wiener Symphoniker.  Car le jeune  Wolfgang Sawallisch impressionne et pas qu’un peu. Son style rigoureux et vif _ voilà _, change de celui des chefs allemands de la génération précédente, comme l’explique Alain Pâris, chef d’orchestre et auteur du Dictionnaire des interprètes chez Robert Laffont : “ après les chefs germaniques légendaires que furent Furtwängler, Knappertsbusch ou Karajan, Sawallisch a été l’un des premiers à mettre fin à des excès stylistiques qui avaient enfermé la direction d’orchestre allemande dans un excès de dramatisme et la recherche d’une pâte sonore parfois éloignés de la vérité des textes. Avant lui, on peut en trouver les prémices chez Bruno Walter ou Fritz Busch, mais leur lecture passionnée n’avait pas encore cette rigueur qu’il a su concilier avec la tradition germanique ». Dès lors à l’écoute de ses premiers enregistrements avec le Philharmonia Orchestra, on peut apprécier ce style fait de clarté des textures _ oui _, de lisibilité des lignes mélodiques _ oui _ et d’une énergie vigoureuse et dégraissée _ voilà. Dès lors, écoutons les Symphonies n°8 et n°9 de Antonín Dvořák, coupantes comme l’épée et vives __ voilà, voilà _ comme un ruisseau de montagne _ de Bohème… C’est un Dvořák décapé et énergique qui s’impose comme une référence alors que le Philharmonia Orchestra est en parade avec des pupitres aiguisés ! Autres grandes références les Ouvertures de Weber, tissées par un maître des saynètes et des extraits wagnériens épiques et nerveux _ oui. Du côté de Richard Strauss, les suites assez mineures du Bourgeois Gentilhomme et le Divertimento d’après Couperin, que le chef fait exploser dans un torrent d’énergie et de virtuosité, parvenant à transcender ces exercices de styles souvent besogneux.  L’accompagnement de concertos _ oui, oui _ était également l’une des grandes qualités du chef qui est aussi à l’aise avec des personnalités aussi variées que la pianiste Annie Fischer (Mozart), la violoniste Johanna Martzy (Mendelssohn et Mozart) ou le corniste Denis Brain.  Mention très bien pour un inattendu albums d’extraits des ballets de Tchaïkovski, de la musique de ballet allégée et nerveuse !


Schumann, Beethoven et Brahms en intégrales  


3 grosses intégrales symphoniques sont regroupées dans ce coffret: Schumann, Beethoven et Brahms.

Référence des références, l’intégrale des symphonies de Schumann complétée de l’ouverture Manfred et du triptyque Ouvertüre, Scherzo und Finale avec la Staatskapelle de Dresde enregistré en RDA en 1972. Wolfgang Sawallisch était très à son aise avec cette phalange avec laquelle il avait enregistré une magistrale intégrale des Symphonies de Schubert mais pour les Néerlandais de Philips.  Le chef d’orchestre atteint une quadrature du cercle entre la puissance du souffle romantique, la cursivité de son geste, la beauté fabuleuse de l’orchestre et la capacité à cerner l’originalité du geste compositionnel de Schumann _ tout cela est très juste. Prenons la Symphonie n°4, qui combine la puissance tellurique avec une finesse apportée aux transitions avec un esprit parfois dansant ou chambriste. Bien sûr, une telle vision ne serait pas possible sans la complicité avec des musiciens tantôt félins, tantôt hautement poétiques. Certes, la discographie de ces symphonies est de très haut vol, mais 50 ans après son enregistrement, cette somme peut légitimement être considérée comme un absolu _ pas moins !

Au fil des années, le chef perd un peu de son influx nerveux pour garder l’approche rigoureuse et équilibrée au service de la musique. Il en va ainsi de son intégrale des Symphonies de Beethoven (la seule qu’il a laissée alors qu’il existe des témoignages au fil de sa carrière dans l’une ou l’autre symphonie), enregistrée avec rien moins que le Concertgebouw d’Amsterdam dans les années 1990. A sa sortie, ce cycle n’avait pas été très bien reçu par les critiques qui ne juraient alors que par les expériences historiquement informées. Certes, tout est contrôlé avec cette direction qui soigne la lisibilité sans jamais alourdir  le propos. Ce concept de “mesure” s’applique à toutes les symphonies, point de puissance tellurique dans la Symphonie n°5 ou de transe endiablée dans le finale de la Symphonie n°7, mais un contrôle parfait qui construit le geste musical. Prenons le final de la Symphonie n°7, Sawallisch y construit le gradations et apporte une grande exigence aux transitions thématiques, jamais brutales mais toujours limpides _ voilà, voilà. C’est la logique de l’architecte qui édifie pierre par pierre une cité imposante et impressionnante !  Forcément, les symphonies n°3 ou n°6 sortent plutôt renforcées par cette approche alors que les autres symphonies se dévoilent avec une ampleur dynamique considérable. En apothéose de ce cycle, la symphonie n°9 en impose par sa puissance dramatique !

Autre grande intégrale tardive : les symphonies et œuvres orchestrales de Brahms avec le London Philharmonic, des lectures, complétées par des concertos pour avec Stephen Kovacevich au piano, Frank Peter Zimmermann pour le concerto pour violon (mais avec les Berliner philharmoniker) et le double concerto avec le même  Frank Peter Zimmermann et Heinrich Schiff au violoncelle. Tout est très bien fait et mesuré, mais les symphonies ne masquent pas un certaine forme de distance, d’ennui dirons certains. Les concertos sont assez décevants avec un  Stephen Kovacevich certes virtuose et puissant mais plus massif que cursif et un Frank Peter Zimmermann un peu lisse et distancé dans le Concerto pour violon. Seul l’album composé du Double concerto superbement automnal et complété par une lecture magistrale du trio avec cor (avec une dream team : Wolfgang Sawallisch au piano, Heinrich Schiff au violoncelle et Marie-Luise Neunecker au cor) peut s’affirmer comme une référence.

De ces trois intégrales, on retient celle consacrée à Schumann qui reste une immense référence, et on réécoute avec attention celle dédiée à Beethoven qui est une leçon de direction et un festival orchestral.

Philadelphie, la machine à jouer 

En 1993, à l’âge de 70 ans, Wolfgang Sawallisch, au sommet de sa gloire, auréolé de l’immense succès de son mandat de Staatsoperndirektor de l’Opéra d’Etat de Bavière à Munich, accepte la direction musicale du Philadelphia Orchestra désireux de ne se concentrer que sur le répertoire symphonique, ce mandat durera 10 ans. Mais le chef n’est pas du style à prendre son rôle à la légère ! Dès sa première saison, c’est retour aux fondamentaux avec une symphonie de Haydn à chacun de ces programmes car le chef d’orchestre considérait qu’il n’y avait pas meilleure école pour un orchestre, même pour une phalange de légende. Mais cette période est celle de la transition du marché du disque classique et l’orchestre perd en 1996 son rémunérateur contrat avec EMI, et il s’ensuit une grève des musiciens pendant 64 jours. Dès lors, le legs étasunien de Sawallisch n’est pas numériquement le plus important. On place aux sommets trois albums Richard Strauss dont une incroyable Sinfonia Domestica captée en concert, l’un des absolus de la discographie par la plastique vertigineusement belle de l’orchestre et l’impact incisif de la direction et une Heldenleben, épique, virtuose et qui s’appuie sur la beauté magique des cordes de cette phalange au galbe phonogénique. Autre grande réussite, un album vrombissant Hindemith avec le trio symphonique de démonstration : les pétaradantes Variations sur un thème de Weber, la linéarité contemplative de la symphonie Mathis der Maler et les sympathiques Nobilissima visione, la mécanique orchestrale est rutilante et ça en met les oreilles !  Quand on pense Philadelphia Orchestra, le nom de Stokowski revient vite à notre mémoire et en guise d’hommage, le chef a enregistré une sélection de ses orchestrations auxquelles il apporte une rigueur bienvenue qui met en avant la science de l’orchestre de son prédécesseur, mais sans les excès parfois dégoulinants de kitsch de ce dernier.  Saluons également des solides lectures de la Symphonie n°4 de Bruckner et un disque l’autre Wagner avec les plus rares ouvertures de  Wagner (Das Liebesverbot, Eine Faust-Ouverture, Rienzi) avec en complément le mouvement de la Symphonie en mi majeur et les Wesendonck-lieder dans une orchestration de Hans Werner Henze avec la _ magnifique _ mezzo slovène  Marjana Lipovšek).   On est par contre moins fans du ballet intégral du Lac des cygnes, un peu lourd et des symphonies n°7 à n°9 de Antonín Dvořák bien menées mais trop neutres.

La passion des voix 

Wolfgang Sawallisch était par sa carrière et sa culture, un passionné de la voix _ oui ! _, qu’il soit au clavier en tant qu’accompagnateur de lieder, chef de chœur dans la musique sacrée et profane de Schubert ou encore chef d’orchestre dans des fresques chorales comme la Symphonie n°2 de Mendelssohn, la rare Messe en Ut ou même d’excellentes et inattendues Carmina Burana de Orff pour lesquelles le chef avait même reçu les félicitations du compositeur.

En matière d’accompagnement de lieder que ce soit au piano ou à l’orchestre (superbe album d’airs de Pfitzner avec Dietrich Fischer-Dieskau), est toujours à son sommet au service des chanteurs _ oui, absolument. Bien sur le tandem avec  Dietrich Fischer-Dieskau dans les lieder de Brahms et Mendelssohn, le duo est sans égal, mais le pianiste sait tout autant s’adapter aux timbres si différents de Margaret Price et Lucia Popp dans Richard Strauss. tout en parvenant à canaliser une Barbara Hendricks.

L’intégrale de la musique profane et sacrée de Schubert est sans aucun doute l’un des absolus du legs du chef _ absolument ; et on ne le redira jamais assez. En compagnie du Chœur et de l’Orchestre de la Radio Bavaroise, il rend à ces partitions leur saveur et leur esprit _ oui, oui, oui. Fervent dans les Messes, il est un narrateur passionné _ oui, jamais neutre _ dans les petites partitions pour chœurs, certes souvent mineures, mais qui respirent l’esprit de Schubert _ oui ! _ par cette simplicité poétique et touchante _ tout à fait… Les solistes vocaux, quand ils sont requis par les nomenclatures sont des immenses chanteurs comme Lucia Popp, Helen Donath, Peter Schreier et même Dietrich Fischer-Dieskau en personne. Cette passion et cette dévotion, alliées à cette qualité artistique vertigineuse ne seront sans doute jamais égalées _ probablement…   

Dès lors, malgré quelques faiblesses notées, ce coffret est un indispensable _ oui !!! _ d’un maître de la musique, d’un parangon de la rigueur interprétative et de dévotion exemplaire _ et d’une absolue justesse, voilà _ pour la musique. Un modèle qui doit inspirer les générations futures par son éthique musicale _ oui.

Note globale : 10

Crédits photographiques : Abe Frajndlich et Reg Wilson

_  en date du 21 juillet 2024, sous la plume de Jean-Charles Hoffelé, l’article intitulé « Jugendzeit » :

JUGENDZEIT

Rémy Louis, dans le foisonnant texte qui accompagne cette boîte exemplaire, rappelle le mot d’Hans Knappertsbusch découvrant Wolfgang Sawallisch lors de ses débuts à Bayreuth : « Le jeune est super ! ». Il prônait pourtant l’envers même de l’art de son aïeul : une clarté, un allant, une vigueur _ voilà ! _ qui regardaient plutôt vers l’Italie que vers l’Allemagne.

Cette vertu méditerranéenne n’est pourtant pas restée dans l’imaginaire des mélomanes, comme la nature même de l’art de Wolfgang Sawallisch, trop d’années munichoises vouées d’abord à l’opéra, trop de fréquentations répétées du grand répertoire romantique l’auront ancré dans une certaine tradition germanique dont certains auront déduit une minoration de son art, le rétrogradant au rang de kappellmeister, ce que les habitués du Staatsoper savaient absolument improbable et qu’infirment les gravures viennoises qui ouvrent ce voyage en « sawallie ».

Pour le disque, le jeune Wolfgang commença sous la houlette de Walter Legge, avec le Philharmonia de Karajan, rien moins (voir ici le coffret édité par Warner), c’est encore l’esprit de Karajan qu’il retrouva chez les Wiener Symphoniker dont le jeune prodige avait illuminé la balance, éclairé les timbres, discipliné les pupitres.

Son fluide et vif, orchestre sans pesanteur _ voilà, voilà _, l’envers de tant de formations germaniques, mais un idéal sonore que Sawallisch raffina encore et qui culminera dans un cycle Brahms, Symphonies, Ouvertures, Variations, Requiem allemand, Schicksalslied que viendra couronner l’étreignante _ absolument !Rhapsodie avec Aafje Heynis. Partout un élan, une clarté, une fougue _ oui ! _, et ces tempos vifs qu’il ne retrouvera pas à Londres des décennies plus tard.

Cet ensemble parfait, cette fois magnifiquement réédité, ne doit pas masquer les autres gravures viennoises : irrésistible 9e de Schubert entre tendresse et brio, poésie et éclat, un modèle trop oublié qui sera la porte d’entrée pour musarder dans les Première, Cinquième et Huitième. Il reprendra le cycle au complet avec la Staatskapelle de Dresde, magnifique certes, mais sans ce sourire encore mozartien qu’il mettait également aux Haydn, à l’Italienne de Mendelssohn si envolée, fruits dorés de ses années viennoises dont émergent aussi des albums Johann Strauss un peu surveillés et deux disques Wagner transcendants de théâtre et de poésie : écoutez cette Siegfried-Idyll, l’érotisme de ce Venusberg annonçant son prodigieux Tannhäuser de Bayreuth.

De Londres, avec le New Philharmonia Orchestra, toutes les Symphonies de Mendelssohn fuient le classicisme pour l’espressivo, intégrale majeure et trop oubliée ; de Dresde, les deux grandes Messes de Schubert d’une sidérante puissance, annonceront l’intégrale bavaroise à venir.

Un triptyque étonne plus encore : 5e de Tchaikovski, d’une fébrilité, d’un emportement, d’une violence où semble passer l’ombre d’un Van Kempen, 6e et 7e de Beethoven fabuleuses simplement, il s’en souviendra, gravant le cycle complet avec les Hollandais pour EMI.

Un rare album d’extraits d’opéra (Cavalleria rusticana avec Schech et Pease en allemand et en italien) inaugure la collaboration avec Deutsche Grammophon qui ne sera reprise que bien tardivement, et d’abord par l’accompagnateur de lieder pour les Strauss de Fischer-Dieskau, les Liebeslieder-Walzer de Brahms avec Karl Engel et un faramineux quatuor de gosiers. Suivra ce Château de Barbe-Bleue hypnotique, resté à part dans la discographie.

Mais côté lieder, le plus beau _ nous y venons _ reste ce Winterreise et ces Strauss pour Hermann Prey, son alter-ego en pur lyrisme. Puis Bayreuth, dont il fut le héros rénovateur au côté de Pierre Boulez. Au Français Parsifal et Tristan (qu’il fera aussi), à l’allemand Fliegende Höllander, Tannhäuser, Lohengrin, trois spectacles historiques réinventés où venait se brûler pour l’éternité la fabuleuse Anja Silja. Ecoutez seulement….

LE DISQUE DU JOUR..;

Wolfgang Sawallisch, piano, direction


The Complete Recordings
on Philips & Deutsche Grammopho
n


CD 1
Ludwig van Beethoven(1770-1827)
Symphonie No. 6 en fa majeur, Op. 68 « Pastorale »
Fidelio, Op. 72 – Ouverture
Concertgebouw Amsterdam (publ. 1970)

CD 2
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 7 en la majeur, Op. 92
König Stephan, Op. 117 – Ouverture
Concertgebouw Amsterdam

CD 3
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90*
Wiener Symphoniker (1962, *1961)

CD 4
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98*
Wiener Symphoniker (1959, *1963)

CD 5
Johannes Brahms (1833-1897)
Ein deutsches Requiem, Op. 45
Wilma Lipp, soprano – Franz Crass, baryton – Singverein der Gesellschaft der MusikfreundeWiener Symphoniker (1962)

CD 6
Johannes Brahms (1833-1897)
Ouverture pour une fête académique, Op. 80
Ouverture tragique, Op. 81*
Schicksalslied, Op. 54**
Rhapsodie pour contralto, choeur d’hommes et orchestre, Op. 53**
Variations sur un thème de Haydn, Op. 56a
**Aafje Heynis, contralto – **Singverein der Gesellschaft der MusikfreundeWiener Symphoniker (1959, *1961, **1962)

CD 7
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 94 en sol majeur, Hob. I:94 « Surprise »
Symphonie No. 100 en sol majeur, Hob. I:100 « Militaire »
Wiener Symphoniker (1961)

CD 8
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 92 en sol majeur, Hob. I:92 « Oxford »
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 1 en ré majeur, D. 82
Wiener Symphoniker (1963)

CD 9
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 101 en ré majeur, Hob. I:101 « L’Horloge »
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, D. 485
Wiener Symphoniker (1962)

CD 10
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 8 en si mineur, D. 759 « Inachevée »
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Symphonie No. 4 en la majeur, Op. 90 « Italienne »
Wiener Symphoniker (1959)

CD 11
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 9 en ut majeur, D. 944 « Grande »
Wiener Symphoniker (1961)

CDs 12-14
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 11, MWV N 13*
Symphonie No. 3 en la mineur, Op. 56, MWV N 18 « Ecossaise »*
Symphonie No. 2 en si bémol majeur, Op. 52, MWV A 18 « Lobgesang »*
Ruy Blas, Op. 95, MWV P 15*
Symphonie No. 4 en la majeur, Op. 90 « Italienne »
Symphonie No. 5 en ré mineur, Op. 107 « Réformation »
Helen Donath, soprano – Rotraud Hansmann, mezzo-soprano – Waldemar Kmentt, ténor – New Philharmonia ChorusNew Philharmonia Orchestra (1966, *1967)

CDs 15-16
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Elijah, Op. 70, MWV A 25 (enregistrement en allemand)
Elly Ameling, soprano I (Die Witwe, Der Engel, Ein Seraph) – Renate Krahmer, soprano II (Der Knabe, Ein Seraph) – Annelies Burmeister, contralto I (Ein Engel, Ein Seraph) – Gisela Schröter, contralto II (Die Königin, Ein Seraph) – Peter Schreier, ténor I (Obadjah) – Hans-Joachim Rotzsch, ténor II (Ahab) – Theo Adam, basse (Elias) – Hermann-Christian Polster, basse II (Elias) – Rundfunkchor LeipzigGewandhausorchester Leipzig (1968)

CDs 17-18
Franz Schubert (1797-1828)
Messe en la bémol majeur, D. 678
Messe en mi bémol majeur, D. 950**
Helen Donath, soprano – Ingeborg Springer, contralto – Peter Schreier, ténor – **Hans-Joachim Rotzsch, ténor II – Theo Adam, basse – *Christoph Albrecht, orgue – Rundfunkchor LeipzigStaatskapelle Dresden (1971)

CDs 19-22
Franz Schubert (1797-1828)
Staatskapelle Dresden (1967)

Symphonie No. 1 en ré majeur, D. 82
Symphonie No. 2 en si bémol majeur, D. 125
Ouverture dans le style italien en ré majeur, D. 590
Ouverture dans le style italien en ut majeur, D. 591

Symphonie No. 3 en ré majeur, D. 200
Symphonie No. 4 en ut mineur, D. 417 « Tragique »

Symphonie No. 5 en si bémol majeur, D. 485
Symphonie No. 6 en ut majeur, D. 589

Symphonie No. 8 en si mineur, D. 759 « Inachevée »
Symphonie No. 9 en ut majeur, D. 944 « Grande »

CDs 23*-24**
Johann Strauss II (1825-1899)
An der schönen blauen Donau, Op. 314
Rosen aus dem Süden, Op. 388
Wein, Weib und Gesang, Op. 333
Kaiserwalzer, Op. 437
Künstlerleben, Op. 316
Frühlingsstimmen, Op. 410
Geschichten aus dem Wienerwald, Op. 325
Wiener Blut, Op. 354
Tritsch-Tratsch-Polka, Op. 214
Wiener Bonbons, Op. 307
Neue Pizzikato-Polka, Op. 449
Accelerationen, Op. 234
Tik-Tak, polka schnell, Op. 365
Unter Donner und Blitz, polka, Op. 324
Morgenblätter, Op. 279
Perpetuum mobile, Op. 257
Wo die Zitronen blüh’n, Op. 364
Auf der Jagd, Op. 373
Wiener Symphoniker (*1961, **1965)

CD 25
Piotr Ilitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie No. 5 en mi mineur, Op. 64, TH 29
Concertgebouw Orchestra (1962)

CD 26
Béla Bartok (1881-1945)
Le Château de Barbe-bleue, Op. 11, Sz. 48, BB 62
Julia Várady, soprano (Judith) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Barbe-bleue) – Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière (1979)

CD 27
Otto Nicolai (1810-1849)
Die lustigen Weiber von Windsor – Ouverture
Albert Lortzing (1801-1851)
Der Wildschütz (2 extraits : Ouverture ; Aria « Wie freundlich strahlt die holde Morgensonne »* – Acte III)
Pietro Mascagni (1863-1945)
Cavalleria rusticana (extrait : Scène complète du duo entre Alfio et Santuzza, chanté en allemand**)
*Horst Günter, baryton –
**Marianne Schech, soprano – James Pease, baryton
Bamberger Symphoniker (1953)

CDs 28-29
Richard Wagner (1813-1883)
Der fliegende Holländer, WWV 63 – Ouverture
Rienzi, WWV 49 – Ouverture
Tannhäuser, WWV 70 – Bacchanale du Venusberg**
Siegfried Idyll, WWV 103*
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96 – Préludes des Actes I & III***
Lohengrin, WWV 75 – Préludes des Actes I & III***
Parsifal, WWV 111 – Prélude & Enchantement du Vendredi Saint***
Wiener Symphoniker (1959, *1960, **1961, ***1963)

CDs 30-31
Richard Wagner (1813-1883)
Der fliegende Holländer, WWV 63
George London, baryton-basse (Holländer) – Anja Silja, soprano (Senta) – Fritz Uhl, ténor (Erik) – Josef Greindl, basse (Daland) – Georg Paskuda, ténor (Der Steuermann) – Res Fischer, contralto (Mary) – Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele (Bayreuth, 1961)

CDs 32-34
Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, WWV 70
Josef Greindl, basse (Hermann, Landgraf von Thüringen) – Wolfgang Windgassen, ténor (Tannhäuser) – Eberhard Wächter, baryton (Wolfram von Eschenbach) – Gerhard Stolze, ténor (Walther von der Vogelweide) – Franz Crass, basse (Biterolf) – Georg Paskuda, ténor (Heinrich der Schreiber) – Gerd Nienstedt, basse (Reinmar von Zweter) – Anja Silja, soprano (Elisabeth) – Grace Bumbry, mezzo-soprano (Venus) – Else-Margrete Gardelli, soprano (Ein junger Hirt) – Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele (Bayreuth, 1962)

CDs 35-37
Richard Wagner (1813-1883)
Lohengrin, WWV 75
Franz Crass, baryton (Heinrich der Vogler) – Jess Thomas, ténor (Lohengrin) – Anja Silja, soprano (Elsa von Brabant) – Ramón Vinay, baryton (Friedrich von Telramund) – Astrid Várnay, soprano (Ortrud) – Tom Krause, basse (Der Heerrufer Des Königs) – Niels Möller, Gerhard Stolze, ténors & Klaus Kirchner, Zoltan Kelemen, basses (Quatre nobles brabançons) – Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele (Bayreuth, 1962)

CD 38
Johannes Brahms (1833-1897)
Liebeslieder-Walzer, Op. 52
Neue Liebeslieder Waltzer, Op. 65
3 Quartette, Op. 64
Edith Mathis, soprano – Brigitte Fassbaender, mezzo-soprano – Peter Schreier, ténor – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Karl Engel, piano (1981)

CD 39
Franz Schubert (1797-1828)
Winterreise, D. 911
Hermann Prey, baryton (1972)

CD 40
Johannes Brahms (1833-1897)
49 Deutsche Volkslieder, WoO 33 (3 extraits : No. 1. Sagt mir, o schönste Schäf’rin mein ; No. 15. Schwesterlein ; No. 34. Wie komm’ ich denn zur Tür herein)
5 Romanzen und Gesänge, Op. 84 (extrait : No. 5. Spannung)
5 Lieder, Op. 49 (extrait : No. 4. Wiegenlied)
Sergei Prokofiev (1891-1953)
3 Chansons enfantines, Op. 68
Le vilain petit canard, Op. 18
Robert Schumann (1810-1856)
Dichterliebe, Op. 48
Myrthen, Op. 25 (extrait : No. 3. Der Nussbaum)
Peter Schreier, ténor (1984)

CD 41
Richard Strauss (1864-1949)
8 Gedichte aus « Letzte Blätter », Op. 10, TrV 141 (4 extraits : No. 1. Zueignung ; No. 2. Nichts ; No. 3. Die Nacht ; No. 8. Allerseelen)
6 Lieder, Op. 17, TrV 149 (extrait : No. 2. Ständchen)
Schlichte Weisen, Op. 21, TrV 160
4 Lieder, Op. 27, TrV 170 (2 extraits : No. 3. Heimliche Aufforderung ; No. 4. Morgen)
3 Lieder, Op. 29, TrV 172 (2 extraits : No. 1. Traum durch die Dämmerung ; No. 3. Nachtgang)
5 Lieder, Op. 32, TrV 174 (extrait : No. 1. Ich trage meine Minne)
6 Lieder, Op. 37, TrV 187 (extrait : No. 2. Ich liebe dich)
5 Lieder, Op. 39, TrV 189 (extrait : No. 4. Befreit)
5 Lieder, Op. 41, TrV 195 (extrait : No. 4. Bruder Liederlich)
5 Lieder, Op. 48, TrV 202 (extrait : No. 1. Freundliche Vision)
6 Lieder, Op. 56, TrV 220 (extrait : No. 4. Mit deinen blauen Augen)
Hermann Prey, baryton (1972)

CDs 42-43
Richard Strauss (1864-1949)
8 Gedichte aus « Letzte Blätter », Op. 10, TrV 141 (6 extraits : No. 2. Nichts ; No. 3. Die Nacht ; No. 4. Die Georgine ; No. 5. Geduld ; No. 6. Die Verschwiegenen ; No. 7. Die Zeitlose)
5 Lieder, Op. 15, TrV 148 (2 extraits : No. 2. Winternacht ; No. 5. Heimkehr)
6 Lieder, Op. 17, TrV 149 (extrait : No. 2. Ständchen)
6 Lieder aus « Lotosblätter », Op. 19, TrV 152
Schlichte Weisen, Op. 21, TrV 160
2 Lieder, Op. 26, TrV 166
4 Lieder, Op. 27, TrV 170 (3 extraits : No. 1. Ruhe, meine Seele ; No. 3. Heimliche Aufforderung ; No. 4. Morgen)
3 Lieder, Op. 29, TrV 172 (2 extraits : No. 1. Traum durch die Dämmerung ; No. 3. Nachtgang)

4 Lieder, Op. 31, TrV 173 (extrait : No. 4. Stiller Gang)
5 Lieder, Op. 32, TrV 174
4 Lieder, Op. 36, TrV 186 (2 extraits : No. 1. Das Rosenband ; No. 4. Anbetung)
6 Lieder, Op. 37, TrV 187 (4 extraits : No. 1. Glückes genug ; No. 2. Ich liebe dich ; No. 5. Herr Lenz ; No. 6. Hochzeitlich Lied)
8 Lieder, Op. 49, TrV 204 (extrait : No. 6. Junggesellenschwur)
6 Lieder, Op. 56, TrV 220 (2 extraits : No. 1. Gefunden ; No. 3. Im Spätboot)
6 Lieder, Op. 67, TrV 238 (extrait : No. 6. Wanderers Gemütsruhe)
5 kleine Lieder, Op. 69, TrV 237 (3 extraits : No. 3. Einerlei ; No. 4. Waldesfahrt ; No. 5. Schlechtes Wetter)
Vom künftigen Alter, TrV 260
Und dann nicht mehr, TrV 258
Im Sonnenschein, TrV 268
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (DGG, 1984)

Un coffret de 43 CD du label Decca 4854364
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Photo à la une : le chef d’orchestre Wolfgang Sawallisch – Photo : © DR…

 

_ et en date du 26 août 2024, sous la plume de Christophe Huss, l’article intitulé « Le centenaire oublié de Wolfgang Sawallisch » :

Wolfgang Sawallisch devant l’Opéra de Hanoi, le 21 mai 1999.

Photo: Frederik Balfour Archives Agence-France Presse Wolfgang Sawallisch devant l’Opéra de Hanoi, le 21 mai 1999.

Le chef d’orchestre et pianiste allemand Wolfgang Sawallisch a été une des figures musicales les plus importantes _ indubitablement _ de la fin du XXe siècle. Des coffrets viennent honorer sa mémoire. Ainsi, Decca publie en 43 CD l’intégrale de ses enregistrements parus chez Philips et Deutsche Grammophon.

En voyant sortir coup sur coup deux gros coffrets Sawallisch, celui-ci chez Universal et l’autre, que nous attendons, chez Warner, on se dit qu’il doit y avoir un anniversaire dans l’air.

Chose très curieuse en la circonstance, alors que l’édition phonographique a pris l’habitude de célébrer les anniversaires par anticipation, on s’aperçoit que Sawallisch aurait eu 100 ans en août 2023, et qu’il est décédé en février 2013. Bref, à voir débouler de tels coffrets en plein milieu de l’année 2024, c’est un peu comme si l’édition phonographique reconnaissait avoir oublié le chef, l’an passé !

Un chef lyrique

Wolfgang Sawallisch est connu et reconnu pour avoir été le directeur musical emblématique de l’Opéra d’État de Bavière de 1971 à 1992. Il fut ainsi une « autorité » en matière d’opéra et de répertoire germanique (Richard Strauss, Richard Wagner) _ voilà. C’est aussi en Bavière que se niche le Festival de Bayreuth, dont il fut un habitué. Le vaisseau fantôme, Tannhäuser et Lohengrin, captés lors des festivals 1961 et 1962, ont été les enregistrements de ces oeuvres cimentant le catalogue Philips. Ils figurent dans ce coffret.

Cette idée de « valeur sûre » fut également établie dans le répertoire symphonique dès les débuts de sa carrière. Chef de l’Orchestre symphonique de Vienne de 1960 à 1970, Sawallisch fut invité à diriger l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam et, surtout, la Staatskapelle de Dresde, avec laquelle il enregistra son opus le plus fameux : l’intégrale des Symphonies de Schumann pour EMI (qui se trouvera dans le coffret Warner).

Ceci pose les jalons et limites de ce que l’on trouve dans ce coffret Decca, hors opéras, périmètre qui se réduit aux trois Wagner, à un CD d’extraits de Lortzing, de Nicolai et de Mascagni et au fameux Château de Barbe-bleu (DG) de Bartók avec Fischer-Dieskau et Varady.

Limitations

Le gros du répertoire est symphonique, et on y retrouve notamment des documents qui ont alimenté le catalogue « Philips Duo » (intégrales Mendelssohn, Schubert). On peut en tirer trois grandes lignes.

La première est que Sawallisch dans les années 1960 et 1970, n’est pas forcément le ponte solide, mais un peu ennuyeux que l’on imagine. Plusieurs de ses interprétations (1ère de Mendelssohn, Pastorale à Amsterdam, l’allant de ses Valses de Strauss, voire quelques mouvements de Haydn) ont une certaine sève et énergie _ oui.

La seconde se perçoit aisément lorsqu’on écoute les Symphonies et les Messes de Schubert enregistrées à Dresde ou l’Elias de Mendelssohn gravé à Leipzig : par comparaison, l’Orchestre symphonique de Vienne des années 1960 et 1970 est une phalange honorable, mais grise, sans relief sonore particulier. Comparer la 9e Symphonie de Schubert de février 1961 à Vienne (Sawallisch la reprendra heureusement à Dresde en 1966) avec la version Decca de Krips à Londres en 1959 est assez cruel.

Cette comparaison nous amène sur le troisième point : les enregistrements des années 1960 et 1970 sonnent très « années 1960 ». Comme EMI, Philips avait une longueur technique de retard dans la fidélité et subtilité de la captation. Même les Symphonies de Mendelssohn avec le Philharmonia à Londres sont étriquées.

Tout ceci mis bout à bout, les vertus en matière d’archives, qui permettent désormais une connaissance complète de l’art de ce chef à ses débuts, occultent totalement l’idée qu’il pourrait se trouver ici des révélations majeures.

La boîte Warner documentera notamment la fin de la carrière de Sawallisch, lorsqu’il fut directeur musical de l’Orchestre de Philadelphie (1993-2003) et se vit confier aussi des intégrales Beethoven et Brahms en Europe.

Comme nous avons gardé le meilleur pour la fin _ nous y voici donc ! _, Sawallisch, grand chef d’opéra, était aussi pianiste accompagnateur _ et magnifique : c’est par là que j’ai personnellement commencé mon picorage d’écoute de ces vastes coffrets… Cinq CD et albums constituent une forme de nectar ici _ absolument ! _ : deux disques de Lieder de Strauss avec Fischer-Dieskau _ merveilleux de clarté et finesse _, les Liebeslieder-Walzer de Brahms référentiels (DG), Dichterliebe de Schumann avec Peter Schreier et deux enregistrements du baryton Hermann Prey, Winterreise de Schubert et un florilège des plus beaux Lieder de Richard Strauss.

Wolfgang Sawallisch

Complete Recordings on Philips & Deutsche Grammophon. Decca 43 CD 485 4364.

Quatre articles auxquels je rajoute, in fine, l’article plus ancien de onze ans _ puisque paru, lui, en 2013 _ de Pierre-Jean Tribot « Wolfgang Sawallisch, le chef allemand à la recherche de la clarté » publié sur le site de ResMusica le 26 août 2013, pour saluer, déjà avec un peu de retard, le chef _ magnifique mais humble et plutôt discret, en dépit de sa carrière et sa discographie musicales superbes _ qui venait de décéder le 22 février 2013, à l’âge de 89 ans ;

un article déjà très détaillé, et au titre lui aussi bien significatif:

Wolfgang Sawallisch, le chef allemand à la recherche de la clarté

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Le chef d’orchestre allemand est décédé, en février dernier, à l’âge de 89 ans. Retiré des podiums depuis 2004, il n’en restait pas moins un monstre sacré _ sic _, dernier représentant d’une certaine image du chef d’orchestre, maître de chapelle humble _ de sa personne _ et _ musicalement _ dévoué au compositeur _ voilà ! Alors que des hommages discographiques lui sont rendus par EMI, Universal et Supraphon, ResMusica revient _ utilement _ sur la vie et sur l’art de ce chef.

wolfgang-sawallisch2013 a

 

Une biographie

voit le jour, à Munich, le 26 Août 1923. Le petit Wolfgang se met rapidement au piano et, à l’âge de 10 ans, il est déjà décidé à devenir un pianiste concertiste. Ses parents lui payent des leçons privées en attendant une entrée au Conservatoire de Munich. Cependant, la Seconde guerre mondiale perturbe ses plans. Le jeune homme est mobilisé, incorporé dans la Wehrmacht, puis fait prisonnier en Italie.

En 1945, il reprend ses études à Munich, entre autre, auprès du compositeur Joseph Haas. Il clôt son cursus par un diplôme de chef d’orchestre à la Hochschule für Musik. Selon, les méthodes d’alors, il doit apprendre son métier dans un petit théâtre de province : ce sera celui d’Augsbourg, ville bavaroise historique. Il gravit peu à peu _ voilà _ les échelons ; entre 1947 et 1953, il passe du poste de premier répétiteur, chargé de superviser les répétitions du chœur à celui de Directeur musical. Il ne perd pas de vue le piano et il accompagne le violoniste Gerhard Seitz lors de sa victoire au Concours international de Genève en 1949.

En 1953, il passe une étape et monte à Aix-la-Chapelle comme directeur de l’orchestre et de l’opéra. La carrière du jeune homme va s’accélérer : en 1953, il fait ses débuts au Philharmonique de Berlin, avant de se produire à la tête du grand orchestre, en 1955, pour une série de concerts acclamés au festival d’Edinbourg. Ces succès lui ouvrent les portes des plus grands orchestres et des plus grandes salles de concert _ voilà. En 1957, il est au Festival de Bayreuth où il est alors le plus jeune chef jamais invité dans la fosse wagnérienne. Ses débuts dans Tristan et Isolde sont fracassants _ oui, musicalement _ et il est aussitôt réinvité, honorant le festival, chaque année, jusqu’en 1962 _ oui… Il est repéré par le producteur de disques Walter Legge qui le fait rentrer dans l’écurie EMI, il grave ses premiers disques symphoniques avec le Philharmonia à Londres. En 1960, après un bref passage à la tête de l’opéra de Wiesbaden, il est directeur de la musique à Cologne et professeur à l’université de musicologie.

En 1960, Sawallisch met le cap sur Vienne pour assurer la direction du Symphonique de la ville à la suite du départ d’Herbert von Karajan. Il avait fait ses débuts triomphaux, en 1957, au pupitre de cet orchestre et le choc avait été tel qu’il avait été rapidement désigné à la direction musicale. Des tournées internationales et des enregistrements témoignent du haut niveau de ce tandem, en particulier dans le répertoire germanique : Schubert-Brahms-Strauss et Bruckner. En 1967, il effectue ses premières prestations avec l’orchestre japonais de la NHK dont il sera proche jusqu’à la fin de sa carrière. Sawallisch n’oublie pas l’opéra et de 1961 à 1973, il cumule les fonctions de chef d’orchestre de l’opéra et de l’orchestre philharmonique de Hambourg. En 1970, en désaccord avec la direction du Symphonique de Vienne, il démissionne et il part occuper des fonctions équivalentes à l’ (il reste à Genève jusqu’en 1980). La phalange suisse est alors au creux de la vague et en pleine crise identitaire, suite au départ et à la mort de son fondateur Ernest Ansermet, et après le bref passage à sa tête du Polonais Paul Kletzki. Le chef travaille sans relâche pour un orchestre à qui il redonne envie de jouer et surtout une visibilité internationale et discographique. Les mélomanes suisses gardent des souvenirs émus des concerts consacrés à la Symphonie n°9 et la Missa Solemnis de Beethoven, au Requiem allemand de Brahms, ainsi qu’aux Scènes de Faust et au Paradis et la Péri, et surtout à ses interprétations de Richard Strauss dont une Elektra, en 1974, au Grand théâtre.

En 1971, il prend également la tête de l’orchestre d’Etat de Bavière à Munich. C’est à ce poste _ voilà _ qu’il va écrire une page de l’histoire de l’interprétation _ voilà, voilà. Il y mène des cycles Richard Strauss (à l’exception de Salomé) et Richard Wagner, enregistrés pour EMI ou Orfeo, qui marquent leur temps _ oui. En près de 20 ans de mandature, il assure près de 1200 représentations et dirige 32 cycles intégraux du Ring wagnérien.

Ayant quitté Munich, il s’installe à Philadelphie auprès d’un orchestre qu’il dirige régulièrement depuis 1966. Cependant, en raison de problèmes de santé, le chef quitte son poste en 2003. Outre son passage à Genève, Sawallisch était très apprécié dans l’espace francophone. En France, il a dirigé l’Orchestre National de France et l’Orchestre philharmonique de Nice mais le public et les critiques gardent une haute mémoire de ses concerts à la tête de l’ où il avait dirigé, entre autre, un cycle Beethoven. , chef d’orchestre et auteur d’un Dictionnaire des interprètes et de l’interprétation musicale depuis 1900, nous rappelle l’intérêt de cette collaboration : « sa rencontre beethovénienne avec l’ relevait d’une approche basée sur la maîtrise des classiques : c’était l’époque de Bychkov, l’orchestre s’était renouvelé et il fallait réapprendre ce répertoire. Ce qui ne fut pas facile, car la cohésion n’était pas alors la qualité première de l’orchestre et Sawallisch ne cultivait pas les individualismes. Rigueur et souplesse, importance des lignes, clarté des parties internes, et surtout un sens de la pulsation qui donnait vie _ voilà ! _ à tout ce qu’il dirigeait : il est tellement facile de perdre le fil dans le mouvement lent de la quatrième, ou de se laisser emballer dans le finale de la deuxième ! La grande idée avait consisté à l’étaler sur plusieurs saisons, ce qui a permis d’assimiler son apport année après année. »

Wolfgang Sawallisch affaibli par des problèmes de santé s’était retiré des podiums, en 2004. Il est l’auteur d’une autobiographie parue en 1993 et intitulée _ significativementIm Interesse der Deutlichkeit (Dans un souci de clarté) _ une qualité que j’apprécie aussi au plus haut point en musique.

Le style Sawallisch

Fuyant le star system, Sawallisch donnait l’image du maître de chapelle, entièrement dévolu au compositeur et rien qu’au compositeur _ voilà : ce qui doit bien sûr être ! Très rigoureux en répétition, mais jamais cassant, il avait été surnommé à La Scala de Milan « Lo Speziale » ou « le Pharmacien », à cause d’un visage qui inspirait la rigueur et le sérieux _ dénué d’esbroufe. Il est également resté actif, autant en concert qu’à l’opéra et ne négligeait pas _ non plus, voire surtout : tant il y est parfait ! _ l’accompagnement pianistique de chanteurs ou d’instrumentistes, selon un profil de carrière très ancré dans une culture allemande.

wolfgang-sawallisch2013 dLe travail orchestral de Sawallisch s’appuyait sur la pratique d’un répertoire classique qu’il considérait comme la base de la bonne santé _ musicale _ d’un orchestre. A Philadelphie, succédant à un Riccardo Muti plus attaché au répertoire flamboyant qu’à pratiquer les fondements de l’art symphonique, il avait, pour sa première saison, imposé, une Symphonie de Haydn, à chaque programme. En effet, le musicien considérait le compositeur autrichien comme le meilleur exercice possible _ par sa clarté _ pour un orchestre.

, nous éclaire sur le style du chef et sur sa place dans l’histoire de l’interprétation : « Après les chefs germaniques légendaires que furent Furtwängler, Knappertsbusch ou Karajan, Sawallisch a été l’un des premiers à mettre fin à des excès stylistiques qui avaient enfermé la direction d’orchestre allemande dans un excès de dramatisme et la recherche d’une pâte sonore parfois éloignés de la vérité des textes _ voilà. Avant lui, on peut en trouver les prémices chez Bruno Walter ou Fritz Busch, mais leur lecture passionnée n’avait pas encore cette rigueur _ sans froideur aucune _ qu’il a su concilier avec la tradition germanique. On lui a souvent reproché une certaine froideur, peut-être plus souvent au concert qu’à l’opéra. A mon sens, c’est confondre froideur et simplicité _ voilà ! A sa génération, il a été la seule figure marquante _ quel compliment ! _ de la direction d’orchestre allemande ».

En 1999, le grand pianiste français avait fait ses débuts avec l’ dans le Concerto n°2 de Brahms sous la baguette du chef : « je travaillais tranquillement dans ma loge et personne n’est venu me prévenir que c’était à moi. Je descends et croise le maestro passablement tendu qui me dit en préambule: Où étiez-vous? On vous attend ! Premier contact donc ! Or il faut rappeler que j’étais jeune et très impressionné car c’était mes débuts à Paris ; ça compte dans la carrière d’un jeune musicien ! Puis je m’installe et j’entends le cor débuter le merveilleux motif initial alors que je réglais le siège ; je ne me démonte pas et commence. Tout change alors, il devient affable, attentif, presque affectueux, un grand-père mais avec une terrible autorité. Un vrai bonheur ! Tant et si bien que la répétition de termine dans sa loge à quatre mains jouant la Symphonie n°3 de Brahms. Son rapport au soliste était à l’ancienne. Très directif et ne souffrant pas le commentaire. Mais je ne demandais qu’à boire ses paroles. Il n’était pas du genre à demander le tempo au soliste, surtout à un jeune comme moi. Mais, j’écoutais, j’observais et je me régalais ! Le tempo très ample du 1er mouvement me convenait parfaitement. Puis il m’a dit une chose importante pour la coda du finale, difficile à négocier musicalement : jouer cette coda en ayant conscience qu’elle termine non seulement le finale mais surtout cette œuvre monumentale. Autrement dit : détendez un peu le tempo pour qu’on perçoive l’ampleur de cette péroraison. J’avais l’impression de jouer avec un chef légendaire comme Furtwängler ou Celibidache ! ».

Le legs discographique Sawallisch

La discographie de Wolfgang Sawallisch est naturellement conséquente : elle couvre l’opéra, la musique chorale, le symphonique, la musique de chambre et l’accompagnement de chanteurs.

Du côté de l’opéra, les cycles Wagner et Strauss, restent des indémodables de la discographie. Ainsi, dans le cadre de ses représentations wagnériennes munichoises, le chef _ de sa propre curiosité musicale _ avait proposé au public les opéras de jeunesse mal-aimés que sont : Rienzi, Die Feen ou Das Liebesverbot ; éditées chez Orfeo, ces gravures n’ont jamais été surpassées _ rien moins… Il ne faut pas négliger les représentations captées sur le vif à Bayreuth : Der Fliegende Holländer, Tannhäuser ou Lohengrin (Philips-Decca).

De Richard Strauss, on retient surtout ses lectures d’Elektra et de Capriccio (EMI). Sawallisch était particulièrement proche de l’œuvre de _ son compatriote bavarois _ Richard Strauss auquel il a consacré de nombreux disques symphoniques (EMI et Orfeo), et il a même coordonné, du piano, une intégrale unique de sa musique de chambre avec des musiciens bavarois (Arts et Brilliant). On lui doit par ailleurs, l’accompagnement pianistique de plusieurs disques centrés sur les lieder de Strauss.

Du côté symphonique, le répertoire du chef tournait autour des grands classiques du répertoire allemand. On lui doit plusieurs intégrales des Symphonies de Brahms et Schumann. Sa première intégrale des Symphonies de Schumann gravée à Dresde, pour EMI, est toujours un incunable _ voilà _ de la discographie. Le chef était évidemment à son aise avec Bruckner dont il laisse de très belles lectures des Symphonies n°4 (EMI) et n°6 (Orfeo). Il ne faut pas non plus négliger ses lectures de Schubert (Messes chez EMI et Symphonies chez Universal) et ses interprétations de Mendelssohn (Symphonies et oratorio Elias chez Universal).

Si l’on recherche des pépites et des chemins de traverses, il faut se ruer sur son Macbeth de Verdi capté à Salzbourg, le chef y dirige une distribution de rêve : Grace Bumbry et Dietrich Fischer-Dieskau. Du côté des raretés, il faut signaler son Requiem de Hindemith et sa Symphonie n°3 de Furtwängler chez Orfeo, ainsi que le double album dédié à deux opéras de Carl Orff : Der Mond et Die Kluge (EMI).

L’orchestre de Philadelphie propose en téléchargement des concerts du chef documenté au pupitre de l’orchestre, on y trouve des Symphonies de Bruckner et une intégrale des Symphonies de Schumann.

En hommage au chef, ses maisons de disques remettent en coffret _ cette année 2013 de son décès _ plusieurs de ses enregistrements. Emi, dans sa série « Icon », propose ses intégrales tardives Brahms et Beethoven. Universal présente différents coffrets selon les marchés nationaux, avec les intégrales Mendelssohn et Schubert. L’initiative la plus intéressante est à créditer aux Tchèques de Supraphon qui documentent les concerts de Sawallisch à Prague avec, entre autres, un répertoire local du XXe siècle. On y découvre un Sawallisch plus incisif et buriné qu’en studio, entre autres dans une grandiose Messe de Leoš Janáček et dans des partitions de Bohuslav Martinů (Messe de Campagne et Symphonie n°4) _ tout cela est bien entendu passionnant.

Nous remercions chaleureusement et pour leurs témoignages.

Crédits photographiques : DR

Voilà, pour être presque exhaustif, et aider si peu que ce soit à tâcher de s’orienter avec un minimum de lucidité et justesse de goût en cette très riche discographie de Wolfgang Sawallisch, maître de la clarté, en la parfaite probité, honnêteté, humilité de sa direction d’orchestre et de chœur, ainsi que son lumineux jeu d’accompagnateur au piano, au seul service de la recherche probe et vivante de la beauté juste et vraie de la musique…

Ce dimanche 29 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un bref rappel rétrospectif : les tous premiers encouragements de Joël Petitjean à mon travail de recherche, absolument original, à propos de la descendance des trois neveux (Amédée, Gaston et Raymond) de Louis Ducos du Hauron, en date des 24 et 25 septembre 2021…

22juil

En matière de bref recul rétrospectif sur mon patient et suivi travail de recherche _ débuté très précisément le dimanche 6 décembre 2020, avec mon article « «  ; cf mon tout premier article consacré à ma découverte de Louis Ducos du Hauron (dont j’ignorais jusque là jusquà l’existence !!!), en date du jeudi 2 décembre 2020 : « «  _ sur la descendance des trois neveux, Amédée et Gaston Ducos du Hauron et Raymond de Bercegol, de Louis Ducos du Hauron,

voici,

en forme de témoignage de l’amorce de notre amicale et féconde correspondance,

ces deux courriels reçus de Joël Petitjean en date des 24 et 25 septembre 2021 :

_ d’abord, celui-ci, en date du 24 septembre 2021, à 19h 58 :

« Cher Monsieur,

 
Il y a quelques mois _ décembre 2020… _, Claude Lamarque, avec qui je suis en relation très amicale, m’avait demandé s’il pouvait vous donner mon adresse courriel afin que nous puissions échanger sur notre passion commune, ce que j’ai accepté bien volontiers !
 
J’ai donc attendu votre message, et je le reçois aujourd’hui avec joie.
 
Passionné et travaillant sur Ducos du Hauron depuis de longues années, j’ai fait l’effort de suivre au jour le jour, lire (et imprimer) votre formidable travail _ et je retiens, bien sûr, cette extraordinaire expression ! _ (qui mériterait grandement d’être organisé pour une publication) _ Wow !!! et c’est bien sûr moi qui mets cela en rouge _ ; je suis donc un de vos lecteurs assidus _ re-wow !
 
Vous m’avez beaucoup appris _ voilà qui grandement m’honore !
 
Pour ma part, j’ai réuni une importante documentation et j’aurais quelques précisions à vous apporter.
 
Je suis donc à votre disposition pour convenir, si vous le souhaitiez, d’un rendez vous téléphonique ces prochaines semaines. (Nous nous rencontrerons peut-être en marge du colloque du 27 novembre, mais il n’est pas sûr que nous puissions échanger longuement.)
 
Je vous adresse en pièce jointe, pour information, un de mes articles ainsi que mon CV (c’est le plus simple…) où sont décrits tous mes travaux et réalisations sur Ducos du Hauron.
 
Au plaisir de vous lire, bien cordialement.
 
Joël Petitjean« …

Avec ma réponse du lendemain, le 25 septembre, à 11h  02 :

« Cher Monsieur,

 
Quelle magnifique et heureuse surprise que votre courriel !
 
Vous sachant très occupé, et m’étant petit à petit écarté du propos initial de ma recherche concernant les 3 neveux de Louis Ducos du Hauron, 
pour porter mon attention sur leurs descendances, et bientôt les affiliations de ces descendants ;
et plus encore, très vite, sur les parcours en Algérie _ Alger, Orléansville, etc. _ d’Amédée Ducos du Hauron et des personnes qui lui étaient de près, puis de plus loin, apparentées,
je n’ai pas voulu vous ennuyer avec ces recherches qui s’éloignaient des activités de recherche et inventions de Louis Ducos du Hauron 
(ainsi que de ses 3 neveux, qui ont plus ou moins, et à divers moments, collaboré _ Amédée lui aussi ! pas seulement Gaston et Raymond ; et il faudra assurément revenir le creuser !.. _ à ses travaux)…
 
J’étais donc un peu loin de penser que le chercheur très sérieux que vous êtes, pouvait s’intéresser aux interrogations et étapes de ma curiosité à propos de la famille de Louis Ducos du Hauron…
 
C’est que j’ignorais que vous êtes aussi, et peut-être d’abord, un passionné de la curiosité…
 
Les articles de mon blog constituent, en effet, une sorte de journal, quasi au quotidien, de ma recherche tâtonnante, et avançant par « sauts »,
au gré des indices que je parvenais, peu à peu, à glaner, et à connecter un peu entre eux, afin de répondre aux diverses strates de mes interrogations…
 
Même si, de temps, j’éprouvais le besoin d’en tirer quelques maladroites synthèses _ me corrigeant au fur et à mesure.
 
J’ai pu entrer en contact avec divers membres de familles directement issues des 3 neveux de Louis Ducos du Hauron, ou apparentées, via des mariages _ tout particulièrement en Algérie, et notamment à Orléansville et sa région…
Je me suis pas mal appuyé sur des faire-part de mariage et de décès, voire des annonces de naissance _ glanées via le web… _, qu’il m’a fallu éclaircir, au fur et à mesure.
 
Mais j’en ai pris l’habitude, ayant travaillé d’abord sur le parcours _ en zone dite libre, sous l’Occupation _ de mon père (1914 – 2006) durant la guerre (entre mai 1942 et septembre 1944),
pour découvrir, à partir de menus indices, ce qu’il avait vécu : au camp de Gurs, où il a fait partie de Groupes de Travailleurs Étrangers (G. T. E.) ; puis à Toulouse et à Oloron, où il a eu quelques activités de Résistance…
 
J’ai travaillé aussi sur la généalogie (béarnaise) de la famille Bioy, d’Oloron
dont le plus célèbre membre est l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares (1914 – 1999) _ ma mère (1918 – 2008) est née Marie-France Bioy : elle était LA mémoire de la famille… 

Puis, sur la généalogie basquaise de la mère _ Marie Delouart (1840 – 1917) _ de Maurice Ravel (1875 – 1937) : 
j’ai ainsi appris à une luzienne _ Maylen Lenoir, née Gaudin _ le cousinage effectif _ ignoré et même nié jusque là !!! _ de sa grand-mère, née Magdeleine Hiriart (1875 – 1968), avec Maurice Ravel ;
Maurice Ravel dont la grand-tante, Gachucha Billac (1824 – 1902), sœur de sa grand-mère maternelle Sabine Delouart (1809 – 1874),
était la gouvernante des enfants Gaudin, à Saint-Jean-de-Luz, dont l’aîné, Charles Gaudin (1875 – 1910), était le mari de Magdeleine Hiriart…
Dans 2 lettres de 1910  et 1914, à l’occasion des décès de Charles Gaudin, puis de ses frères Pierre (1878 – 1914) et Pascal (1883 – 1914) Gaudin,
Maurice Ravel et Magdeleine Hiriart s’appellent « Mon cher cousin », « Ma chère cousine » : j’ai simplement cherché à comprendre pourquoi…
 
Je suis bien sûr en lien constant avec le Président des Amis de Maurice Ravel, Manuel Cornejo, l’éditeur de la Correspondance de Maurice Ravel,
de laquelle je suis parti pour mes recherches…
J’ai ainsi pu corriger de grossières erreurs de certains biographes prétendument sérieux, qui se contentent de reprendre tels quels, sans critique _ni recherche originale de leur part ! _, les travaux de chercheurs antérieurs…
Manuel Cornejo en tiendra compte lors de la réédition à venir de cette très précieuse Correspondance
Lui aussi est un chercheur passionné (et sérieux !).
 
Dernièrement, je me suis intéressé aussi à la famille d’un ancien collègue de travail, au tournant des années 80,
dont deux neveux, fils de sa sœur Bertille de Swarte, sont d’intéressants musiciens baroques : Sylvain Sartre et Théotime Langlois de Swarte…
Je me souvenais, en effet, que mon collègue, originaire de Dordogne, avait des liens de parenté avec la famille Sartre ;
et il se trouve que le père de Jean-Paul Sartre était originaire de Thiviers, en Dordogne.
Il suffisait d’opérer les connexions nécessaires…
 
Le monde n’est pas si grand que des chemins ne finissent pas par se croiser…
 
Et ma belle-mère est d’une vieille famille d’Agen, les Boué…
 
Voici mon numéro de téléphone : …
Et mon adresse : Francis Lippa …
 
Je suis aussi Vice-Président de la Société de Philosophie de Bordeaux…
 
Encore merci de ce merveilleux contact !
 
Francis« …

Suivi de la réponse immédiate de Joël Petitjean, en date de ce même 25 septembre 2021, à 12h 48,

qui a constitué pour moi un encouragement magnifique, ainsi que le début d’une amitié de chercheurs curieux, honnêtes et généreux dans le partage de leurs découvertes… :

« Cher Monsieur,

Je suis si heureux de recevoir votre réponse !
 
Votre message est passionnant et votre parcours tout à fait remarquable.
 
Il me semble que personne, avant vous-même, n’avait tenté une étude et une synthèse aussi complètes sur la généalogie de Louis Ducos du Hauron _ Wow !!!
 
J’ai lu et entendu bien des choses sur sa vie et son œuvre, mais je suis en effet très curieux d’en savoir davantage sur sa personnalité, ses relations avec ses proches, la manière dont il fut aimé et admiré par les siens, les souvenirs qu’il a laissés à sa famille… Tout cela est de nature à mieux faire comprendre son magnifique et étonnant parcours _ telle était en effet l’intuition originaire qui m’a animé dès le départ….
 
C’est pourquoi mes longues conversations téléphoniques avec Claude Lamarque, dans un climat d’extrême gentillesse et de passion partagée, m’ont comblé de bonheur… (Je n’ai pas de nouvelle récente de Claude ; en avez-vous ?) _ Claude Lamarque va bien, m’a répondu à Lectoure samedi dernier 15 juillet son neveu Louis Allard, auprès duquel je m’enquérais de nouvelles de son oncle Claude…
 
Je me réjouis de notre future conversation. Je vous proposerai une date dans quelque temps (je prépare en ce moment ma communication pour le colloque).
 
Avec mes sincères remerciements, bien à vous.
 
Joël
 
N.B. 1. Après m’être senti bien seul durant de longues années (depuis 1998, sinon depuis 1984…), presque personne n’étant venu au musée voir les archives que j’ai retrouvées, je suis ravi de voir, depuis 2015, toute une synergie se mettre en place _ voilà ce qui est nécessaire à de telles entreprises ! _ à Chalon-sur-Saône, Paris, Agen, Lectoure, Langon, afin d’étudier et faire connaître Ducos du Hauron. Le colloque d’Agen _ du 27 novembre 2021 _ en sera un vibrant témoignage.
 
N.B. 2. Grâce à Charles _ Sarion _ et aux Amis de Ducos du Hauron, j’ai rendu un long article à la Société académique d’Agen. Celui-ci sera bientôt publié, avec d’autres contributions, dans un numéro de la Revue de l’Agenais consacré à l’inventeur« …

Voilà.

Le fait d’une pareille reconnaissance, précoce, de mon travail de recherche absolument original, et publié sur mon blog « En cherchant bien » dès le 6 décembre 2020, à propos des trois neveux de Louis Ducos du Hauron, Amédée et Gaston Ducos du Hauron et leur cousin Raymond de Bercegol, ainsi que de la descendance de chacun d’eux trois, est on ne peut plus précieux pour moi, tout particulièrement de la part d’un chercheur aussi compétent et admirable que Joël Petitjean…

D’autant que Joël Petitjean m’a confirmé, samedi dernier, à Lectoure, qu’il continuait de suivre régulièrement la publication de mes articles sur mon blog…

À suivre…

Ce samedi 22 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Benjamin Alard « dans la lumière de Bach », ou l’art tout à fait humble de la très simple et pure spontanéité : un passionnant entretien d’un merveilleux interprète ouvert, intelligent et honnête…

29jan

En quelque sorte en complément à mon article enthousiaste du 21 janvier dernier «  » à propos de la réalisation enchanteresse en concert à Madrid (et à l’enregistrement live qui en a été fait en CD _ le CD Marchvivo MV 007 _),

le site ResMusica vient de publier, le 25 janvier dernier, un passionnant entretien de Cécile Glaenzer avec Benjamin Alard, très simplement intitulé « Rencontre avec Benjamin Alard : dans la lumière de Bach« , à propos, surtout, de son extraordinairement belle entreprise discographique en cours d’interprétation _ magistrale et hyper-vivante !!! _ de tout l’œuvre pour claviers _ au pluriel : clavecins, orgues, clavicordes, etc.  _ de Johann-Sebastian Bach…

Voici donc ce très bel entretien _ avec quelques farcissures miennes, en vert _ :

Rencontre avec Benjamin Alard, dans la lumière de Bach

Depuis 2019, l’organiste et claveciniste Benjamin Alard s’est lancé dans ce qui représente un véritable Graal pour beaucoup de musiciens : l’enregistrement de l’intégrale de l’œuvre pour clavier _ au pluriel, donc ! _ de Johann Sebastian Bach. Sept volumes _ chacun de plusieurs CDs ! _ d’une collection qui devrait en comprendre dix-sept sont déjà parus. La grande originalité de cette entreprise est qu’elle fait alterner les trois instruments à clavier pour lesquels Bach a écrit : l’orgue, le clavecin et le clavicorde.

ResMusica : Comment se construit un tel projet? Aviez-vous une idée de l’ensemble au départ, ou empruntez-vous des chemins de traverse ?

Benjamin Alard : Il y a d’abord eu un projet en 2010 avec le label Alpha, _ et Jean-Paul Combet _ qui a commencé avec l’enregistrement de la Clavier-Übung I et II, et qui devait être _ voilà ! _ une intégrale des œuvres pour clavier de Bach éditées à son époque. Mais ce projet n’est pas allé au-delà de ces deux premiers volumes. Après une période d’interruption, je me suis alors tourné vers un programme qui suivrait une trame chronologique autour des dates-clefs de la vie de Bach. Ce projet a peu à peu évolué, passant de quatorze volumes prévus à dix-sept volumes de trois ou quatre CD _ chacun, voilà. Ce qui a guidé mes choix, c’est à la fois la chronologie de la vie de Bach et les références _ aussi _ aux compositeurs antérieurs qui ont pu l’influencer. Il me semblait important de me laisser guider par les évènements marquants de sa biographie : perte des êtres chers, rencontres, naissances, éducation de son fils aîné … C’est ainsi que dans les premiers volumes, on entend des musiques de Buxtehude, Pachelbel, Grigny, Frescobaldi et beaucoup d’autres, pour comprendre ce qui fait le lit musical de ses jeunes années _ et c’est assurément important. Et plus il avance dans sa vie, plus il va développer un style qui lui est propre.

« Cela prend du temps de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses »

RM : La question du choix des instruments est particulièrement passionnante _ évidemment _ pour ce répertoire. Les chemins de traverse, cela peut être la rencontre avec un instrument auquel vous n’aviez pas pensé a priori. 

BA : Oui, c’est très juste. Par exemple, je n’avais pas imaginé enregistrer le clavierorganum (instrument qui réunit un orgue et un clavecin sur le même clavier). C’est une rencontre avec cet instrument si particulier à l’occasion d’un concert à la Cité de la Musique qui m’a fait découvrir la richesse de ce mélange de timbres pour la polyphonie, puisqu’on peut à la fois tenir les sons (orgue) et les rendre très clairs (clavecin). On ne sait pas si Bach a joué ce type d’instrument, mais ça m’est apparu très intéressant. Bien sûr, c’est un risque d’emprunter des chemins aussi inhabituels, mais c’est aussi ce qui fait la force d’une rencontre avec un instrument _ oui ! Et j’ai la chance que le label Harmonia Mundi me suive dans ces expérimentations. Il y a eu aussi le clavecin à pédalier et, dans le prochain volume, le clavicorde à pédalier, une autre véritable rencontre. Je voulais surtout éviter de faire une intégrale « encyclopédique » ; ce qui m’importe est d’apporter une écoute différente, et aussi de contextualiser les œuvres _ voilà. Il faut se rappeler qu’à l’époque de Bach, l’orgue n’était pas utilisé aussi souvent, il fallait la présence d’un souffleur, c’était un luxe exceptionnel. Donc, la fréquentation des instruments domestiques _ oui ! _ comme le clavecin ou le clavicorde munis de pédalier était primordiale. Rappelons nous aussi que ces œuvres n’étaient pas faites pour être entendues en concert _ oui. Le concert, c’est comme la fréquentation d’un musée, les œuvres y sont décontextualisées.

RM : Avez-vous une totale liberté dans le choix des instruments?

BA : Oui, je me sens très libre dans cette aventure. Le dialogue avec la maison de disques est très important pour la question des instruments. Harmonia Mundi me fait confiance _ c’est bien. Par exemple, pour l’enregistrement du Clavier bien tempéré, la rencontre avec l’extraordinaire clavecin Haas, qui est un peu comme un véritable orchestre, avec des possibilités de registrations si nombreuses, cela permet une nouvelle approche des Préludes et Fugues. Je dois beaucoup à la rencontre avec les instruments, les facteurs et aussi les lieux _ oui. C’est un gros risque, parce que parfois je n’avais pas prévu d’enregistrer une pièce de cette façon, et il me faut changer des choses en fonction de l’instrument.

RM : Vous aviez déjà enregistré plusieurs disques consacrés à JS Bach il y a plus de dix ans, en particulier les sonates en trio et la Clavier-Übung dont on a parlé. Avez-vous évolué dans votre approche ?

BA : Oui, bien sûr. En ce qui concerne les sonates en trio que j’avais enregistrées à l’orgue, je les ai jouées ici sur le clavecin à pédalier ou le clavicorde à pédalier, ça donne forcément autre chose. En ce qui concerne les registrations à l’orgue, on ne sait pas vraiment comment on registrait à l’époque _ voilà. Tout est basé sur le « bon goût » et le choix de l’interprète. Pour les Partitas et le Concerto italien, j’avais enregistré un clavecin d’Anthony Sidey dont je n’avais pas utilisé toutes les possibilités à l’époque, en particulier un jeu de nasal dont je n’avais pas osé me servir. Cela prend du temps _ certes ! _ de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses _ et pareille simplicité de franchise fait très plaisir à constater... Je pense qu’avec ce projet j’avance dans les découvertes, je mûris _ bien sûr ! Et c’est très bien !


RM : On vous imagine volontiers comme un musicien nomade, allant à la découverte d’instruments rares. Comment cette familiarité avec Bach oriente-t-elle le choix de vos programmes de concerts?

BA : Souvent, on me demande de ne faire que ça. J’essaie toujours d’associer Bach à autre chose _ bravo ! _, de susciter des rapprochements. Bach fascine, mais il peut être complexe à écouter pour le public, et il peut être intéressant de faire entendre autre chose avant pour aider l’écoute _ oui _ et permettre de contextualiser _ voilà, voilà ! _ les œuvres de Bach et les rendre plus faciles à entendre. A ce propos, je voudrais évoquer la question de l’enregistrement. Aujourd’hui, beaucoup de concerts sont enregistrés, soit pour être archivés, soit pour se retrouver en ligne. C’est parfois difficile d’accepter ça. Il y a deux ans _ le 1er février 2020, à Madrid _, j’ai joué en concert un programme consacré à la famille Couperin, concert enregistré ; on m’a demandé par la suite d’éditer un disque avec cet enregistrement et, après l’avoir réécouté, j’ai accepté _ merci ! et l’enregistrement est mafnifique _ et ce disque va sortir prochainement _ il est sorti ; cf mon article du 21 janvier, cité plus haut. Le rapport à l’enregistrement a énormément changé aujourd’hui où tout le monde peut s’enregistrer facilement. Qu’on soit d’accord ou non, il y a un changement qui est maintenant bien établi. Ce projet m’a permis de complètement changer mon rapport à l’enregistrement.

« Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie, ça laisse une plus grande sincérité musicale »

RM : De quelle façon?

BA : Avant, à l’époque de mes premiers disques, il y avait le directeur artistique qui avait une empreinte forte sur l’enregistrement. Pour un disque, on disposait en gros d’une semaine d’enregistrement, c’était très confortable, il suffisait de faire confiance au directeur artistique. Peu à peu, pour des raisons principalement économiques _ de plus en plus pesantes et pressantes _, le directeur artistique et l’ingénieur du son sont devenus une seule et même personne, et la démarche est devenue plus analytique : on faisait une première prise, on écoutait, on discutait, on recommençait, on détaillait beaucoup. Aujourd’hui, lorsque je réentends mes disques d’il y a dix ans, comme la Clavier-Übung, je leur trouve ce côté analytique, moins spontané. J’ai laissé reposer tout ça, je n’ai plus enregistré que des disques en live _ voilà. Et quand il a été question de reprendre le projet d’intégrale, les conditions avaient beaucoup changé, je me suis retrouvé avec une semaine d’enregistrement pour trois ou quatre disques ! On a dû travailler vite, et j’ai expérimenté de nouvelles méthodes, comme d’enregistrer avec un casque sur les oreilles, ce qui m’a permis de me diviser en deux, d’avoir une oreille extérieure en même temps que le musicien s’exprime. On gagne beaucoup de temps. Cette manière de m’approprier ainsi le travail d’enregistrement _ voilà _, en parfait accord avec Alban Moraud (le preneur de son), permet de bien avancer. Cela demande un travail préparatoire colossal, mais on enregistre six disques en deux semaines _ mazette ! Et le résultat qui en ressort est plus vivant, plus spontané _ c’est très bien ! _, moins aseptisé. On corrige moins de détails, et l’ensemble gagne en patine. Plus on corrige, plus on risque de déstabiliser l’ensemble. Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie _ exactement ! _, ça laisse une plus grande sincérité musicale _ oui. C’est comme une photographie argentique où un petit défaut donne une âme à la photo alors que le numérique, avec sa définition trop parfaite, risque d’enlaidir parce qu’on découvre ce que l’œil ne voit pas _ excellente comparaison.

RM : Le dernier volume paru remet les chorals de l’Orgelbüchlein en situation : des préludes de choral qui introduisent la version chantée des textes luthériens. Comment avez-vous conçu ce programme original ?

BA: Ce travail a été initié avec Marine Fribourg il y a quelques années à Arques-la-Bataille, avec les chorals du Catéchisme. Pour l’Orgelbüchlein, il s’agit pour le compositeur de montrer ce qu’on peut faire à partir d’un choral, mais ça reste des préludes de chorals _ voilà _ destinés _ tout simplement, et très fonctionnellement… _ à introduire le chant d’assemblée. Il me paraissait donc important de connecter _ mais oui ! _ ces chorals avec la version chantée. Le chant du choral est au cœur _ mais oui _ de la foi luthérienne. J’ai choisi d’improviser l’accompagnement pour garder la spontanéité _ excellent ! _, et d’enchaîner le prélude et sa version chantée, comme au culte _ voilà. Après une première session avec l’ensemble Bergamasque, je me suis dit qu’il était indispensable de faire aussi appel à des voix d’enfants, comme c’était le cas à l’époque, et nous avons fait ce travail avec les enfants de la maîtrise de Notre-Dame. C’est très intéressant, parce que c’est l’orgue _ voilà _ qui donne l’impulsion _ c’est-à-dire l’élan de l’enthousiasme. Il y a eu un beau travail d’Alban Moraud pour reconstituer le son d’une assemblée, et c’est très réussi.

RM : Vous êtes pratiquement à la moitié du projet. Comment imaginez-vous la suite ?

BA : Avec le même appétit musical  _bravo ! _ que depuis le début ! Et en me laissant surprendre _ mais oui : accueillir ce qui vient et survient. Par exemple, je ne m’attendais pas à ce que le clavicorde apparaisse aussi tôt dans le déroulement de l’intégrale, c’est un peu la faute des mois de confinement _ forçant à la pratique la plus intime de la musique… Pour la suite, il y aura peut-être _ qui sait ? _ des instruments inattendus, utilisés de manière inattendue. Dans les prochains volumes, il y aura un chanteur pour une cantate en italien. Et puis la première version _ Wow ! _  du cinquième concerto brandebourgeois. J’espère pouvoir associer au projet des œuvres de musique de chambre _ mais oui _ et de petites cantates _ comme cela se pratiquait quasi au quotidien dans le cercle familial des Bach... _, pour montrer l’influence _ qui en résultait _ sur la musique de clavier. Avant tout, c’est l’écoute qui me guide. Je ne veux pas tout décider à l’avance _ bravissimo !!!

Crédit photographique : © Bernard Martinez

 

Un superbe entretien

avec un musicien magnifique, merveilleux, parfaitement honnête, ainsi que très intelligent…

Déjà accompli. Et c’est loin d’être fini…

Immense merci !

Ce dimanche 29 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La « libre inspiration d’après Diderot » du « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret _ ou l’éloge d’un sublime amour vrai : un apport cinématographique magnifique à l’oeuvre de Diderot…

16jan

L’assez étonnant hasard _ eu égard à la série de mes présentes réflexions suivies autour d’Emmanuel Mouret et Denis Diderot ; cf mes tout récents articles des 8, 9, 13 et 15 janvier derniers : « « , « « , «  » et « «   _ de la programmation par Arte, ce jour, lundi 16 janvier 2023, à 13h 35, du film « Mademoiselle de Joncquières« , que j’avais seulement jusqu’ici vu et revu, à ma guise, en DVD,

me donne une magnifique occasion de me pencher davantage, et mieux que je ne l’avais fait jusqu’ici, sur le personnage même de Mademoiselle de Joncquières, telle qu’Emmanuel Mouret nous amène _ avec les yeux, aussi, du marquis des Arcis ! et ce point de vue-là est bien sûr capital ! D’autant que c’est aussi et surtout celui d’Emmanuel Mouret lui-même ; en étant celui qu’il désire, in fine (mais aussi, et c’est capital !, dès les premiers dialogues, de badinage amoureux apparemment très innocent, à l’ouverture de son film, avec les très significatifs – mais on ne s’en rendra vraiment compte que bien plus tard – échanges dont Emmanuel Mouret nous rend témoins – mais y prêtons-nous à ce moment toute l’attention nécessaire, à l’égard de personnages que nous commençons à peine à découvrir alors ? Probablement pas vraiment ! Car ce n’est alors pour nous, en ce tout début de film, qu’un innocent badinage amoureux, en un sublime lumineux parc de château… – entre Madame de La Pommeray et le marquis des Arcis faisant sa cour, sur les responsabilités effectives de ce qui vient déclencher la séduction amoureuse ; soit le dilemme suivant : est-ce bien le marquis qui entreprend délibérément et sciemment d’habiles (et peu honnêtes) manœuvres de séduction à l’égard des nombreuses et successives « victimes«  de son libertinage ?, ainsi que l’en accuse en badinant Madame de La Pommeraye ; ou bien plutôt n’est-ce pas lui qui, tout à fait innocemment (et très honnêtement même), se trouve à son corps défendant, innocemment – il faut y insister – séduit de facto par leurs charmes à elles ?, comme se défend – déjà –très clairement ici le marquis des Arcis – qui ne tombera vraiment amoureux, pour la première, et peut-être unique, fois, que quand il apprendra à connaître vraiment cette Mademoiselle de Joncqières par laquelle Madame de La Pommeraye avait cru vilainement l’abuser… –, mais nous ne sommes pas encore alors, nous spectateurs qui découvrons l’intrigue qui commence tout juste à se mettre en place, vraiment prêts à y accorder toute l’attention nécessaire…), nous faire prendre, nous spectateurs de son film, au moins en considération, sinon absolument le partager ; et cela à la différence du malicieux (et jubilatoire) jeu d’auteur de Diderot, au final volontairement bien plus ambivalent, lui – car, lui, Diderot, auteur, veut insister sur la très effective infinie diversité des points de vue des monades sur le monde : à la Leibniz… ; avec cette conséquence tant éthique que métaphysique que c’est à chacun d’entre nous d’y orienter et faire jouer notre propre libre-arbitre de personne plus ou moins responsable… –, de son « Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis«  _ à la considérer tout du long de sa présence à l’écran,

dès le moment de son apparition, à elle, Mademoiselle de Joncquières, quand la marquise de La Pommeraye, qui l’a « recrutée« , lui fait passer l’épreuve de son « casting » pour le rôle de très jolie mais durablement inflexible « dévote » qu’elle lui destine _ à 32′ 04 du film _ celle qui n’est alors que la fille « d’Aisnon« , une catin de tripot, et jusqu’à son départ avec son époux, et pleinement devenue marquise des Arcis, pour rejoindre pour environ trois années la plus paisible campagne du marquis des Arcis, avant de regagner, rassérénés qu’ils pourront être alors, après ce raisonnable délai d’apaisement des bavardages mondains, leur maison de Paris _ à la minute 100′ de ce film de 105′.

Car jusqu’à ce nouveau regard d’aujourd’hui sur cet extraordinaire film d’Emmanuel Mouret,

mon attention s’était portée en priorité sur les patientes péripéties, centrales il est vrai, de la vengeance de Madame de La Pommeraye à l’égard de son amant, le marquis des Arcis, qui l’avait vilainement bien déçue et profondément blessée en son amour propre _ les réputations des personnes étant assurément puissantes dans le monde – et c’est là aussi un cadre social et moral tout à fait décisif de la situation que nous présente ici en son merveilleux film Emmanuel Mouret : même éloignés de tout (et de presque tous : sauf, pour ce qui concerne Madame de La Pommeraye, de ce bien précieux personnage inventé ici par Emmanuel Mouret par rapport au récit de Diderot, qu’est cette amie-confidente go-between, qui vient de temps en temps lui rapporter, alors qu’elle-même prend bien soin de se tenir retirée en la thébaïde de sa belle campagne, ce qui se bruisse dans Paris, où l’on voit tout… et rapporte tout !) ; en conséquence de quoi les regards du « monde » (mondain !) des autres pèsent de leur non négligeable poids pressant sur la conscience et le choix des actes de la plupart des personnes (qui y cèdent ; y compris donc Madame de La Pommeraye qui fait de ce qu’en dira-t-on l’arme tranchante de sa vengeance ; à part quelques très rares un peu plus indifférents (et surtout finalement résistants au poids de ces normes mondaines-là), tels qu’ici, justement, et le marquis des Arcis, et Mademoiselle de Joncquières, qui se laissent, au final du moins (et là est le retournement décisif de l’intrigue !), moins impressionner pour le choix de leur conduite à tenir par les normes qui ont principalement cours dans le monde, ainsi qu’Emmanuel Mouret le fait très explicitement déclarer, voilà, au marquis des Arcis à sa récente épouse, pour, en un très rapide mot, lui justifier son pardon (pour s’être laissée instrumentaliser en l’infamie ourdie par Madame de La Pommeraye : « Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme ; mais ne croyez pas, monsieur que je sois méchante : je ne le suis pas« , venait-elle de lui signifier… Emmanuel Mouret faisant alors explicitement dire au marquis, à 95′ 47 du déroulé du film, ce que ne lui faisait pas dire Diderot, mais qu’impliquait cependant, bien sûr, l’acte même, fondamental, du pardon de celui-ci envers son épouse : « _ Je ne crois pas que vous soyez méchante. Vous vous êtes laissée entraîner par faiblesse et autorité à un acte infâme. N’est-ce pas par la contrainte que vous m’avez menti et avez consent à cette union ? _ Oui monsieur _ Eh bien, apprenez que ma raison et mes principes ne sont pas ceux de tous mes contemporains : ils répugnent à une union sans inclination » ; c’est-à-dire que lui, marquis des Arcis, savait donc oser ne pas se plier aux normes courantes des autres, et se mettre au-dessus de ces normes communes, en acceptant et assumant pleinement, en conscience lucide et entière liberté, d’avoir fait, en aveugle piégé qu’il était au départ, d’une ancienne catin son épouse : « Levez-vous, lui dit doucement le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…« … Oui, le marquis des Arcis, ainsi que sa désormais épouse, tous deux, savent, à ce sublime héroïque moment-ci, s’extraire, non seulement, bien sûr, de toute la gangue de leur passé, mais du bien lourd poids aussi des normes dominantes et des regards d’enfermement des autres… Ce qui est aussi, au final, ce que Diderot lui-même a voulu lestement et subtilement mettre en valeur en son magnifique récit à rebondissements qu’est ce « Jacques le fataliste et son maître » _ non publié cependant de son vivant, mais seulement laissé au jugement un peu plus distancié de la postérité…

Avec cette conséquence que les dames D’Aisnon, mère et fille

_ un peu trop confondues, au moins d’abord, en un quasi indissociable duo dans leur instrumentalisation terrible par la marquise ; la fille n’étant à son tour presque jusqu’à la fin qu’un docile instrument entre les mains de sa propre mère ; avant, au moment seulement de la décision de son mariage avec le marquis des Arcis, de commencer à regimber enfin, et à faire entendre une voix personnelle sienne ; elle jusqu’alors quasi en permanence muette, et presque toujours les yeux baissés ; la jeune fille ayant alors dû cette fois-là encore s’incliner malgré tout devant sa mère… Une parfaite libre parole sienne ne s’élevant enfin que lors de la confrontation frontale, face au marquis, quelques jours plus tard, celui-ci étant devenu son mari ; un mari qui, de colère et de honte (pour sa réputation ruinée), avait d’abord très précipitamment quitté Paris « sans qu’on sût ce qu’il était devenu« , puis, étant revenu « quinze jours«  plus tard (page 208) à leur domicile, en une sublime scène de vérité, auprès du feu ; et leur union charnelle n’ayant toujours pas été (dans le film, mais pas dans le récit rapporté par Diderot, et cela par profonde délicatesse de l’époux envers son épouse) consommée ; tous détails ayant leur poids sur le sens profond de l’affaire de ce bien « singulier mariage« 

Ainsi dans le récit de l’hôtesse donné par Diderot à la page 174 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître« , voici comment le récit ainsi rapporté nous présente l’idée (et l’identité) des instruments de la vengeance que commence à élaborer et mettre au point Madame de La Pommeraye :  »À force d’y réver, voici ce qui lui vint en idée : Mme de La Pommeraye avait autrefois connue une femme de province (sans précision supplémentaire) qu’un procès (pour quels motifs ? Cela est laissé dans le vague par l’hôtesse qui le rapporte, en absence de davantage de connaissance de tout cela de sa part…) avait appelée à Paris, avec sa fille, jeune, belle et bien élevée (bonne éducation dont les raisons ne sont pas davantage ici précisées ; mais qui auront leur poids dans la présentation que va nous en donner le film…). Elle avait appris que cette femme, ruinée par la perte de son procès (toujours sans précisions…), en avait été réduite à tenir tripot« , nous dirions un bordel…

Nous voyons donc là combien le film d’Emmanuel Mouret donne, par le détail admirable des précisions qu’il vient, et cela tout au long du film, apporter, infiniment plus de consistance, et à l’intrigue même, déjà, mais aussi et surtout au caractère de ce personnage-pivot – voilà ! – qu’est sa Mademoiselle de Joncquières, doublement de noble extraction ici (et par son père duc « de Grimaud« , et par les parents de sa mère : son grand-père baron « Bolinsky » et sa grand-mère « comtesse de Montois« ), que le récit bien plus elliptique, via le récit bousculé de l’hôtesse, de Diderot, n’aidait guère, en effet, à étayer la puissante déclaration finale, à celui qui vient, il y a quinze jours à peine, de devenir son époux, de la toute nouvelle marquise des Arcis, à la page 210 : « Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née (voilà !) digne de vous appartenir«  _,

avec cette implication cruciale qui faisait que les dames D’Aisnon, mère et fille, étaient principalement et surtout de simples instruments de la perfide vengeance de Madame de La Pommeraye d’où la malicieuse remarque que fait dire au maître de Jacques, à la page 212, Diderot, Brecht avant Brecht en quelque sorte :

« Notre hôtesse, vous narrez assez bien ; mais vous n’êtes pas encore profonde dans l’art dramatique. Si vous vouliez que cette jeune fille intéressât _ vos deux auditeurs que sont alors Jacques et son maître, et par suite les lecteurs du conte de l’hôtesse rapporté par Diderot _, il fallait lui donner de la franchise, et nous la montrer victime innocente et forcée de sa mère et de La Pommeraye, il fallait que les traitements les plus cruels l’entrainassent, malgré qu’elle en eût _ davantage forcée, donc _, à concourir à une suite de forfaits continus pendant une année ; il fallait _ vraiment _ préparer ainsi ( voilà ! rendre un peu plus vraisemblable, voire un peu prévisible – et c’est ce travail-là que réussit très finement et admirablement le film d’Emmanuel Mouret –) le raccommodement _ final _ de cette femme avec son mari. Quand on introduit un personnage sur la scène, il faut que son rôle soit un : or je vous demanderai, notre charmante hôtesse, si la fille qui complote avec deux scélératesses est bien la femme supposée que nous avons vue aux pieds de son mari ? Vous avez bien péché contre les règles _ ici celle d’unité d’action _ d’Aristote, d’Horace, de Vida et de Le Bossu.« 

Ce à quoi le délicieux Diderot, qui tire les diverses ficelles de son récit à multiples emboîtements et rebondissements (et c’est bien le réalisme du rendu de la vie, qui, lui, l’intéresse, en son propre art du récit), fait joliment rétorquer du tac au tac à son truculent personnage de l’Hôtesse, pages 212-213 :

« Je ne connais ni bossu, ni droit : je vous ai dit la chose comme elle s’est passée, sans en rien omettre, sans rien y ajouter. Et qui sait ce qui se passait au fond du cœur (voilà !) de cette fille, et si, dans les moments où elle nous paraissait agir le plus lestement, elle n’était pas secrètement dévorée (in pectore, voilà…) de chagrin ? »

Et c’est bien cela, ce « fond du cœur«  gardé « secret«  là, de la jeune fille, que son mutisme, si bien montré (et d’abord si superbement incarné par le jeu très fin des acteurs) tout au long par les images du film, et sublimé par l’ardente intensité du rebondissement final de la très sincère déclaration contrite à son époux de Mademoiselle de Joncquières devenue marquise des Arcis, ainsi que le très effectif et très beau pardon (envers elle) ainsi que le remords (envers lui-même) de son époux le marquis, si parfaitement évidents à l’image, nous rend in fine si cohérents – voilà ! – en la tension, formidablement incarnée ainsi à l’écran, de leur puissant très haut différenciel dramatique…

C’est en cela qu’Emmanuel Mouret rend merveilleusement bien à l’image l’esprit le plus profond de Diderot : le (un long moment) libertin Marquis des Arcis et la (un peu moins long moment, mais c’est qu’elle est plus jeune que lui) ci-devant catin d’Aisnon mademoiselle de Joncquières (« La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée« , fait déclarer à celle-ci Diderot, à la page 210), en la très pénible épreuve de plus d’une année qu’a imposée à chacun d’eux la très vindicative Madame de La Pommeraye, qui, en leur ayant donné l’incroyable occasion « singulière » de leur improbable rencontre, leur a en réalité offert les circonstances et les moyens paradoxaux (« En vérité, je crois que je ne me repends de rien ; et que cette Pommeraye, au lieu de se venger m’aura rendu un grand service« , fait dire Diderot au marquis des Arcis à la page 211) de se révéler – voilà ! – l’un à l’autre, ainsi qu’à eux-mêmes aussi – mais oui ! –, le plus profond et le plus vrai, jusqu’alors enfoui et pas encore découvert, de leur cœur…

Ayant d’abord consenti à l’acceptation de sa mère de bien vouloir aider, par un sournois jeu de rôles (de catins, extraites de leur tripot, et si bien déguisées plusieurs mois de suite en inflexibles dévotes), Madame de La Pommeraye à piéger le marquis des Arcis afin de lui faire payer cher ce que Madame de La Pommeraye leur présentait comme une inconséquence traîtresse du marquis des Arcis, celle que, de demoiselle Duquênoi chez Diderot, Emmanuel Mouret a transformée, en son film, en Mademoiselle de Jonquières _ dont la mère, aussi, est une fille (apprenons-nous à 86′ 20 du film, par ce qu’en révèle cette mère à Madame de La Pommeraye ; et ces précisons-là, le marquis des Arcis, lui, ne les détiendra pas encore, au moment de son sublime pardon à sa jeune épouse..). née de l’union adultérine, voilà, d’une comtesse (la comtesse de Montois) et d’un baron (le baron Bolinsky) ; elle-même étant, à son tour, fille naturelle d’un duc (le duc de Grimaud) ayant abusé de la naïveté de sa mère, traitreusement trompée d’avoir cru, bien à tort, bernée qu’elle a été, avoir véritablement épousé ce duc, père de son enfant !

Ces divers noms étant absents du texte de Diderot, c’est-à-dire du truculent récit (indirect) de la plantureuse hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, qui n’entrait forcément pas en de  tels détails, n’ayant pas, et pour cause, reçu de témoignage direct de ces dames !.. : précisions bienvenues que permet et offre en revanche le film, en nous donnant, lui, directement accès, à nous spectateurs, à la parole de chacun des personnages de l’intrigue de ce « saugrenu«  et « singulier » (ces qualificatifs sont donnés par Diderot à la page 146, par l’hôtesse, puis par le maître de Jacques) mariage, dont s’enchante délicieusement à narrer les péripéties à rebondissements la truculente hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, que nous fait écouter, en nous tenant à son tour en haleine, nous ses lecteurs, Diderot ; récitante intermédiaireet indirecte que le film d’Emmanuel Mouret peut et doit, lui, se permettre d’effacer… _

Mademoiselle de Joncquières, donc, finit par proclamer _ d’abord auprès de sa mère, peu avant le mariage auquel elle se trouve acculée contre son gré et auquel elle accepte à contre-cœur, de consentir, se plier ; puis devant celui que la cérémonie qui vient d’avoir eu lieu a transformé en son mari (même si, et cela seulement dans le film, mais pas dans le récit de l’hôtesse et donc de Diderot, la délicatesse – en acte – du marquis des Arcis a repoussé le moment d’en faire, dans le lit désormais conjugal, charnellement sa femme), après ce qui devient dans le film d’Emmanuel Mouret, d’abord, une tentative de suicide (en s’étant jetée dans la Seine), puis une tentative de fuite (elle a été rattrapée) hors du domicile désormais conjugal : péripéties non présentes dans le récit de l’hôtesse chez Diderot (ni, a fortiori, à ce degré de tragique qui est celui du film..) ; actes tragiques qui viennent renforcer notre évidence de spectateurs de la profondeur des convictions de fond de Mademoiselle de Joncquières ; et que reconnaît alors, très vite, quasi immédiatement, dans le récit de l’hôtesse et de Diderot, comme dans le film d’Emmanuel Mouret, son mari le marquis des Arcis, touché au cœur quasi sur le champ, là, par ce que lui déclare là sa maintenant épouse, et qui, non seulement la désire plus que jamais, mais bien mieux encore l’aime profondément vraiment… _ sa profonde détestation du mensonge, et le très haut _ sublime ? _ souci de la dignité à reconquérir _ ou plutôt déjà reconquise, là, immédiatement aux yeux de son désormais époux, le marquis : sublimes, tous deux, ils se font, dés cet instant (proprement magique !), l’un à l’autre et mutuellemment, entière confiance ! _ de sa personne ;

que sait aussi lui reconnaître alors, donc, et pleinement, absolument, son maridéjà chez Diderot, mais très vite, et peut-être sans assez de détails, aux pages 210-211 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître » _ comme viennent encore le reconnaître implicitement les remarques adventices finales de Diderot _ – en auteur soucieux de répondre à d’éventuelles objections d’insuffisance de vraisemblance de son récit – à propos du caractère un peu trop rapide et elliptique de son propre récit, et se permettant d’intervenir, lui, aux pages 214 à 216, une fois achevé le récit rapporté par lui de l’hôtesse : « Et vous croyez lecteur que l’apologie de Mme de la Pommeraye est plus difficile à faire ? Permettez donc que je m’en occupe _ intervient-il alors, et à son tour, après avoir donné la parole – déjà critique à l’égard de la partialité du récit de l’hôtesse – au maître de Jacques juste auparavant, aux pages 212 à 213  _ un moment« , intervient en effet en son récit Diderot, à la page 214 ; pour conclure son plaidoyer envers le point de vue de Madame de La Pommeraye ainsi, à la page 216 : « Si le premier mouvement (de ressentiment et volonté de se venger) des autres est court, celui de Mme de La Pommeraye et des femmes de son caractère est long. Leur âme reste quelquefois toute leur vie comme au premier moment de l’injure ; et quel inconvénient, quelle injustice y a-t-il à cela ? Je n’y vois que des trahisons moins communes ; et j’approuverais fort une loi qui condamnerait aux courtisanes celui qui aurait séduit et abandonné une honnête femme : l’homme commun aux femmes communes.« _ ;

mais de tels détails _ peut-être pas assez précisés par Diderot au fur et à mesure de son écriture alerte et volontiers désinvolte, mais c’est par profond souci de réalisme auprès de ses lecteurs !, dans ce que lui, Diderot, vient rapporter du récit déjà bousculé de l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf à ses deux interlocuteurs que sont ses hôtes de passage Jacques et son maître _, les très belles images rouges _ et le jeu parfaitement sobre et retenu de ces parfaits acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer _ de cette sublime décisive séquence viennent fort heureusement les éclairer  :

 

« Levez-vous, lui dit doucement _ et tout est, en effet, éminemment doux dans ces images décisives du film… _ le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans _ soi-même _ le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse _ les deux étant absolument liés _, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…«  ;

le film montrant magnifiquement tout cela par le jeu retenu, sobre, mais sublimement clair des deux acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer ; Emmanuel Mouret pouvant se permettre, de sa toujours très délicate élégance, de shunter le geste conclusif (« Embrassez-moi« ) de cette fondamentale séquence de mutuelle reconnaissance de dignité, et amour vrai, des deux époux…

Et qu’on relise alors ici ce que Diderot fait dire _ toujours en rapportant, ne l’oublions jamais, le récit volontairement un peu bousculé et précipité de l’hôtesse à ses deux interlocuteurs à l’auberge où celle-ci les reçoit _ immédiatement auparavant, page 210, à la toute récente épousée du marquis des Arcis :

« Je ne suis pas encore digne _ au moment même où cette déclaration même vient révéler et fait immédiatement reconnaître aussi cette dignité-là, profonde et fondamentale, de sa personne ! _ que vous vous rapprochiez de moi ; attendez, laissez-moi seulement l’espoir du pardon _ et ce pardon est immédiat !.. Tenez-moi loin de vous _ ce ne sera pas pour longtemps : l’instant même de la réponse et du geste sublimes de son mari : « Embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous« , pages 210-211… _ ; vous verrez ma conduite ; vous la jugerez _ et l’accord profond entre eux est alors instantané _ : trop heureuse mille fois, trop heureuse si vous daignez quelquefois m’appeler ! Marquez-moi le recoin obscur de votre maison où vous permettez que j’habite ; j’y resterai sans murmure. Ah ! si je pouvais m’arracher le nom et le titre qu’on m’a fait usurper, et mourir après ; à l’instant vous seriez satisfait ! Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme _ voilà ! _ ; mais ne croyez pas, monsieur, que je sois méchante ; je ne le suis pas _ non, elle ne l’est en effet pas _, puisque je n’ai pas balancé à paraître devant vous quand vous m’avez appelée, et que j’ose à présent lever les yeux sur vous et vous parler. Ah ! si vous pouviez lire au fond de mon cœur _ et voilà qu’à l’instant même le marquis, son mari, lit on ne peut plus clairement en son cœur !.. _, et voir combien mes fautes passées sont loin de moi ; combien les mœurs de mes pareilles me sont étrangères ! La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée _ voilà ! La rédemption, par l’amour vrai du marquis qui admire son épouse, a eu lieu _ Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née digne de l’honneur _ voilà ! _ de vous appartenir. Ah ! s’il m’eût été libre de vous voir, il n’y avait qu’un mot à dire, et je crois que j’en aurais eu le courage. Monsieur, disposez de moi comme il vous plaira ; faites entrer vos gens : qu’ils me dépouillent, qu’ils me jettent la nuit dans la rue : je souscris à tout. Quel que soit le sort que vous me préparez, je m’y soumets : le fond d’une campagne, l’obscurité d’un cloître pour me dérober à jamais à vos yeux : parlez, et j’y vais. Votre bonheur n’est point perdu sans ressources, et vous pouvez m’oublier…« .

…surrise

C’est donc le parti de l’événement éminemment surprenant _ et bouleversant _ de la découverte de la très effective réalité bousculante, totalement imprévue et absolument impréparée _ une surprise ! _, d’un pur et tout à fait sincère amour _ honnête, digne et _ vrai, qui survient _ telle une mutuelle résilience réalisée réciproquement… _ d’une rencontre machiavéliquement machinée, au départ, contre eux deux,

que,

ici, pour cette ancienne catin forcée qu’avait été jusqu’alors Mademoiselle de Joncquières, « la ci-devant d’Aisnon« , et pour ce libertin avéré qu’avait été jusqu’alors le marquis des Arcis _ et de même, encore, qu’en chacun des autres films, au-delà des apparences délicieuses d’un virevoltant (ou parfois, aussi, maladroit) marivaudage, d’Emmanuel Mouret _,  prend ici on ne peut plus décidément parti Emmanuel Mouret.

Tel est donc, à mes yeux, le principal apport du film « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret, à l' »Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis« , extraite du « Jacques le fataliste et son maître » de Denis Diderot.

Bravo !

Le résultat de cette « libre adaptation » _ comme l’indique à la volée, sur une superbe musique pour cet instrument rare qu’est le pantaléon, de Johann-Georg Reutter (Vienne, 6 avril 1708 – Vienne, 11 mars 1772), le très beau générique (rouge) d’ouverture du film : un pizzicato à ré-écouter ici par le magique dulcimer de Margit Übellacker et l’ensemble La Gioia Armonica, dirigé par Jürgen Banholzer (en le CD Ramée 1302 : ce très beau CD fait partie de ma discothèque personnelle) : une musique merveilleusement appropriée à la sublime délicatesse du film _ du texte de Diderot par l’art du cinéma d’Emmanuel Mouret

est tout simplement magnifique.

Délectez-vous-en !

Ce lundi 16 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour répondre à la question « Qui, du marquis des Arcis et de la marquise de La Pommeraye, trompe (ou trompe le plus) l’autre ? »…

10jan

Voici quelques éléments de réponse à la question de mon article d’hier 8 janvier 2023 :

« « 

La question de la vérité, de l’honnêteté, de la sincérité, de la franchise _ et éventuellement de leurs divers degrés respectifs _ au sein des relations affectives, amoureuses _ et, au tout premier chef, matrimoniales, ou quasi, comme dans cette « histoire » un peu exceptionnelle-ci... _, court, en effet, tout au long du conte-récit de l’Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis, qui occupe le centre et le cœur même de ce roman inclassable de Diderot qu’est son « Jacques le fataliste et son maître » ;

avec leurs envers, forcément : le mensonge, l’hypocrisie, la tromperie, la duperie, la fourberie, la malhonnêteté, la méchanceté, la scélératesse, etc. _ du monde comme il est et comme il va… _ ;

constituant un élément central et fondamental de l’anthropologie _ non spécifiquement théorisée, mais donnée à ressentir en cette forme-ci, romanesque (mâtinée aussi de théâtral, eu égard au caractère conversationnel des échanges dialogués permanents entre les trois interlocuteurs que sont là l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf et ces deux de ses hôtes, que sont Jacques et son maître, sans compter les interventions aussi, à quelques reprises dans le récit, de l’auteur lui-même, Diderot, s’adressant à son lecteur !)… _ de Denis Diderot, à propos de l’affectivité (sentiments, émotions, passions, ainsi que pratiques érotiques et sexuelles, pour employer un vocabulaire qui n’était pas celui de l’époque…), concernant les liens _ dont celui, bien sûr, du mariage, mais aussi de ce que Diderot nomme le « libertinage«  ou encore « la galanterie pratiquée couramment, voire quasi universellement, elle aussi…  ; cf, par exemple, le très bref essai « Sur les femmes« , publié en ouverture (aux pages 7 à 22) du volume Folio n° 6556 de l’édtion d’Yvon Belaval de l’Histoire de Mme de La Pommeraye _ entre hommes et femmes :

questions intéressant au tout premier chef notre cher Diderot,

dont un des chefs d’œuvre marquant _ et même éblouissant _ est et demeure les admirables « Lettres à Sophie Volland » _ c’est d’ailleurs une sorte de scandale culturel présent que l’édition de poche, en Folio (n° 1547), de celles-ci, ne soit plus aujourd’hui disponible ! Pour ma part, de ces « Lettres à Sophie Volland«  (« Pour moi dans l’éloignement où je suis de vous, je ne sache rien qui vous rapproche de moi, comme de vous dire tout _ voilà ! _ et de vous rendre présente à mes actions par mon récit », écrivait Diderot..),  j’ai la chance de posséder l’édition Gallmard, en deux volumes, d’André Babelon, de 1938 ; et celle, au Club français du livre, d’Yves Florenne, de 1965. De même qu’un intéressant commentaire « Denis Diderot – Sophie Volland Un dialogue à une voix« , de Jacques Chouillet, chez Champion, en 1986.

La situation des liens affectifs et sentimentaux entre Mme de La Pommeray et le marquis des Arcis est dessinée, en son départ, aux pages 156 à 163 du récit de l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf à Jacques et son maître avec lesquels s’est engagée une conversation suivie, interrompue fréquemment qu’elle est, mais sans cesse reprise et continuée, jusqu’au bout, par les forcément impérieux offices de l’hôtesse en son établissement, dans l’édition Belaval (Folio classique n° 763) :

« Ces deux hommes _ indique l’hôtesse à ses deux interlocuteurs, page 156, afin de présenter celui (« cet homme qui est là-bas« ) de  ces deux hommes-là, hôtes eux aussi, comme Jacques et son maître, de l’auberge, qui a fait, lui, « un bien saugrenu » mariage (avait-on lu à la page 146), dont l’hôtesse va s’enchanter à narrer délicieusement, pour Jacques et son maître qui l’écoutent, comme pour nous qui allons lire le récit qu’entame ainsi ce conte de Diderot… _ sont bons gentilshommes ; ils viennent de Paris et s’en vont à la terre du plus âgé. (…) Le plus âgé des deux s’appelle le marquis des Arcis _ voilà ! Nous voici introduits à cette histoire-ci du « saugrenu mariage« …. C’était _ on remarque bien sûr l’emploi ici, pas tout à fait anodin, de l’imparfait, dans ce récit de l’hôtesse  _ un homme de plaisir _ un libertin, donc _, très aimable, croyant peu à la vertu des femmes _ et donc en profitant et probablement abusant : « Il avait raison« , se permet de commenter ici Jacques, page 156 : Jacques est en effet lui aussi, même si ce n’est pas tout à fait au même niveau social que le marquis, une sorte d’expert en libertinage… M. le marquis en trouva pourtant une _ de femme _ assez bizarre _ c’est-à-dire en quelque sorte peu banale et passablement inattendue, à la différence de la manière dont se comporte le plus souvent la plupart des autres femmes… _ pour lui tenir rigueur. C’était une veuve qui avait des mœurs, de la naissance, de la fortune et de la hauteur _ eu égard à son rang et surtout à sa haute estime de soi. M. des Arcis _ pour elle _ rompit avec toutes ses connaissances, s’attacha uniquement à Mme de La Pommeraye, lui fit sa cour avec la plus grande assiduité, tâcha par tous les sacrifices imaginables _ voilà, rien moins ; en une une forme d’exploit... _ de lui prouver qu’il l’aimait _ d’un amour bien réel, profond et véritable : mais était-ce bien finalement le cas ?.. _, lui proposa même de l’épouser ; mais cette femme qui avait été si malheureuse avec un premier mari qu’elle… (…) qu’elle aurait mieux aimé s’exposer à toutes sortes de malheurs qu’au danger _ rien moins ! _d’un second mariage.

(…)

Cette femme vivait très retirée. Le marquis était un ancien ami de son mari ; elle l’avait reçu et continuait de le recevoir. Si _ par exception acceptableon lui pardonnait son goût efféminé pour la galanterie, c’était ce qu’on appelle un homme d’honneur _ déjà pour sa propre estime de soi.

La poursuite constante _ infiniment patiente et exclusive _ du marquis, secondée de ses qualités personnelles, de sa jeunesse, de sa figure, des apparences _ au moins, sinon de la réalité authentique : un doute pourrait donc demeurer… _ de la passion la plus vraie, de la solitude, du penchant à la tendresse, en un mot _ et c’est toujours l’hôtesse qui parle _, de tout ce qui nous livre _ nous, femmes _ à la séduction des hommes (…) eut _ ainsi _ son effet,

et Mme de La Pommeraye, après avoir lutté _ tout de même _ plusieurs mois contre le marquis, contre elle-même, exigé selon l’usage _ et en dépit de son refus, à elle, du mariage que lui proposait pourtant le marquis… _ les serments les plus solennels,  rendit heureux le marquis _ c’est-à-dire céda à son désir et devint sa maîtresse _,

qui aurait joui du sort le plus doux, s’il avait pu _ mais à la longue il ne le put pas... _ conserver pour sa maîtresse les sentiments _ d’amour profond, vrai et durable _ qu’il avait juré _ avoir _ et qu’on avait _ Mme de La Pommeraye _ pour lui. Tenez, monsieur, il n’y a que les femmes qui sachent aimer ; les hommes n’y entendent rien _ se permet de commenter alors la belle hôtesse à destination de ses deux interlocuteurs masculins, page 157. 

Au bout de quelques années _ le temps faisant son œuvre d’usure des sentiments masculins _, le marquis commença _ comme inexorablement, sinon fatalement… _ à trouver la vie de Mme de La Pommeraye trop unie _ uniforme, monotone, pas assez variée.  

(…)

À mille infimes détails s’accumulant peu à peu _ Mme de La Pommeraye pressentit _ alors _ qu’elle n’était plus aimée ; il fallu s’en assurer, et voici _ rapporte alors l’hôtesse, à la page 158 _ comment elle s’y prit. (…) Un jour, après dîner, elle dit au marquis : (…)

_ Mon ami, il y a longtemps que je suis tentée de vous faire une confidence ; mais je crains de vous affliger.

_ Vous pourriez m’affliger, vous ?

_ Peut-être ; mais le ciel m’est témoin _ et là, la duplicité de la marquise abuse ! _ de mon innocence… (…) Cela s’est fait sans mon consentement, à mon insu, par une malédiction _ un déterminisme, dirions-nous aujourd’hui _, à laquelle toute l’espèce _ femmes et hommes compris, donc ; et sans nulle exception individuelle ! _ est apparemment assujettie, puisque moi-même _ qui m’estime supérieure… _, je n’y ai pas échappé.  

(…)

_ De quoi s’agit-il ? (…) Mon amie, parlez ; auriez-vous au fond de votre cœur un secret pour moi ? La première de nos conventions ne fut-elle pas que nos âmes s’ouvriraient l’une à l’autre sans réserve ?

_ Il est vrai, et voilà ce qui me pèse ; c’est un reproche qui met le comble à un _ reproche _ beaucoup plus important que je me fais. Est ce que vous ne vous apercevez pas que je n’ai plus la même gaieté ? J’ai perdu l’appétit ; je ne bois et je ne mange que par raison ; je ne saurais dormir. Nos sociétés les plus intimes _ bigre ! _ me déplaisent. La nuit, je m’interroge et je me dis : Est-ce qu’il est moins aimable ? Non. Auriez-vous à lui reprocher quelques liaisons suspectes ? Non. Est-ce que sa tendresse pour vous est diminuée ? Non. Pourquoi, votre ami étant le même, votre cœur est-il donc changé ? car il l’est _ voilà… _ : vous ne pouvez vous le cacher ; vous ne l’attendez plus avec la même impatience ; vous n’avez plus le même plaisir à le voir ; cette inquiétude quand il tardait à revenir ; cette douce émotion au bruit de sa voiture, quand on l’annonçait, quand il paraissait, vous ne l’éprouvez plus.

(…) 

_ Marquis, (…) oui, mon cher marquis, il est vrai… Oui, je suis… Mais n’est-ce pas un assez grand malheur que la chose _ d’un tel désamour, même si ce mot-là ne vient pas sous la plume de Diderot… _ soit arrivée, sans y ajouter encore la honte, le mépris _ de soi : et c’est bien là le plus grave _ d’être fausse, en vous le dissimulant ? Vous êtes le même, mais votre amie est changée ; votre amie vous révère, vous estime autant et plus que jamais ; mais… mais une femme accoutumée comme elle à examiner de près ce qui se passe _ réellement _ dans les replis les plus secrets de son âme et à ne s’en imposer sur rien, ne peut se cacher que l’amour _ lui, voilà ! _ en est sorti. La découverte est affreuse, mais elle n’en est pas moins réelle. La marquise de La Pommeraye, moi, moi, inconstante ! légère ! Marquis, entrez en fureur, cherchez les noms les plus odieux, je me les suis donnés d’avance ; donnez-les-moi, je suis prête à les accepter tous…, excepté celui de femme fausse, que vous m’épargnerez, je l’espère, car en vérité je ne le suis pas _ proclame-t-elle au moment même où elle amorce ainsi la construction de son piège à venir par la sournoise manœuvre perfide de cette fausse confidence, sous couvert de la plus grande sincérité réciproque ; quand elle vient ainsi prêcher auprès du marquis le faux aveu d’un désamour sien, afin de mettre à jour ainsi et obtenir de lui le vrai de son effectif désamour à lui… Qui trompe donc qui, ici ?.. Cela dit, Mme de La Pommeray _ joignant à peine théâtralement le geste à la parole _ se renversa sur son fauteuil et se mit à pleurer. Le marquis se précipita à ses genoux, et lui dit : « Vous êtes une femme charmante, une femme adorable, une femme comme il n’y en a point _ un trait bien sûr capital, tant pour le thème du rare « mariage saugrenu » (qui viendra) sur lequel entend broder l’hôtesse, que pour l’anthropologie de fond de Diderot lui-même quant à l’héroîsme de certains assez rares caractères supérieurs, que lui, Diderot, ne peut se cacher d’admirer… Votre franchise, votre honnêteté _ c’est un comble de duperie réussie de la part de la marquise, qui est en train de mentir ! _ me confond et devrait me faire mourir de honte. Ah! quelle supériorité _ et là le marquis, ainsi dupé, ne croit pas si bien dire… _ ce moment _ de fausse franchise de la marquise _ vous donne sur moi ! _ nous ne tarderons pas à en découvrir l’enchaînement presque parfait des suites (jusqu’à l’extraordinaire très inattendu retournement final de l’affaire dans le récit). Que je vous vois grande et que je me trouve petit ! _ mais c’est en fait dans l’art du perfide mensonge, et non pas dans la généreuse et ouverte franchise !, que la marquise est grande, et même diabolique… _ c’est vous qui avez parlé la première, et c’est moi qui fus coupable _ de désamour réel _ le premier. Mon amie, votre _ fausse _ sincérité _ affichée _ m’entraîne ; je serais un monstre _ et le marquis ne l’est pas du tout, en effet _ si elle ne m’entraînait pas _ ce qu’obtient à la perfection le subterfuge de la fausse sincérité ici de la marquise _, et je vous avouerai que l’histoire _ inventée de toutes pièces par la marquise de La Pommeraye, du désamour _ de votre cœur est mot à mot l’histoire _ du désamour _du mien. Tout ce que vous vous êtes dit, je me le suis dit : mais je me taisais, je souffrais, et je ne sais quand j’aurais eu le courage de parler.

_ Vrai, mon ami ?
_ Rien de plus vrai
_ l’aveu du marquis ainsi recherché par la marquise, est donc on ne peut plus clairement obtenu ici par ce stratagème de la fausse confidence de la marquise ; et c’est en toute innocence et naïveté que le marquis vient ici de se livrer et se perdre…  _ ; et il ne nous reste qu’à nous féliciter réciproquement selon un très efficace faux parallélisme _ d’avoir perdu en même temps le sentiment _ d’amour _ fragile et trompeur _ car illusionné donc… _ qui nous unissait _ jusque là.

(…)

Jamais vous ne m’avez paru aussi aimable, aussi belle que dans ce moment _ de faux aveu et fausse contrition _ ; et si l’expérience du passé ne m’avait rendu aussi circonspect, je croirais vous aimer plus que jamais.« 

Et le marquis en lui parlant ainsi lui prenait les mains et les lui baisait.. _ commente l’hôtesse, page 162.

Mme de La Pommeraye renfermant en elle-même _ voilà donc comment se poursuit ici la dissimulation _ le dépit mortel _ rien moins ! _ dont elle était déchirée, reprit la parole _ poursuit son récit l’hôtesse (et l’auteur, Diderot, en marquant ainsi la césure), page 162 _ et dit au marquis : « Mais, marquis, qu’allons-nous devenir ?

_ Nous ne nous en sommes imposés _ n’étant pas entrés dans le lien du mariage _ ni l’un ni l’autre ; vous avez droit à toute mon estime ; je ne crois pas avoir entièrement perdu le droit _ et là le marquis se leurre complètement ; le piège de la marquise fonctionne ainsi à plein… _ que j’avais à la vôtre : nous continuerons de nous voir, nous nous livrerons à la confiance _ totalement perdue de la marquise, puisque désormais inversée en implacable haine vengeresse féroce ! _ de la plus tendre amitié. Nous nous serons épargnés _ que non ! l’illusion du malheureux marquis est totale… _ tous ces ennuis, toutes ces petites perfidies _ le marquis ignore ainsi la très grande perfidie du « singulier mariage » que va très bientôt lui mitonner très minutieusement et très patiemment l’infiniment « vindicative » marquise _, tous ces reproches, toute cette humeur, qui accompagnent communément _ mais la marquise n’a décidément rien de ce « commun« -là ; et le marquis se méprend du tout au tout sur la « singularité«  de caractère de la marquise…  _ les passions qui finissent ; nous serons uniques dans notre espèce » _ mais ce ne sera pas de cette espèce de tolérance, voire pardon, dont à ce moment le marquis des Arcis pense faire partie… ; et la rare « singularité«  finale qui sera in extremis la sienne, le marquis, lui, constamment si léger, n’en a, pour le moment, pas le moindre petit début de pressentiment, même s’il sait bien qu’il est, à ses yeux du moins, parfait « homme d’honneur«  Le génie de Diderot auteur de ce conte est là tout simplement magnifique. Vous recouvrerez toute votre liberté _ libidinale _, vous me rendrez la mienne que non ! et le marquis est loin de se douter si peu que ce soit du piège que la marquise entreprend dès maintenant de penser à échafauder, mettre au point, et qui va implacablement se refermer sur lui _ ; nous voyagerons dans le monde ; je serai le confident de vos conquêtes _ galantes _ ; je ne vous cèlerai rien des miennes, si j’en fais quelques unes, ce dont je doute fort, car vous m’avez rendu difficile _ mais c’est lui qui, in fine, sera en efft « conquis« , par l’incroyable rédemption sublime de la catin par laquelle la marquise va croire piéger le malheureux marquis et très cruellement le perdre aux yeux de tous (un point qui est décisif), ainsi que de lui-même. Cela sera délicieux ! _ oui, en effet ; mais pas du tout comme se le figuraient à cet instant et l’innocent marquis, et la vindicative marquise, entreprenant dès à présent, de penser à  comment se venger de cet amour sien si vilainement trahi par la déplorable inconstance du marquis... Vous m’aiderez de vos conseils _ mais ils seront incroyablement perfides ! _, je ne vous refuserai pas les miens _ assez experts en fait d’art de la galanterie et du libertinage _ dans les circonstances périlleuses où vous croirez en avoir besoin. Qui sait ce qui peut arriver ? _ et nous lecteurs de ce récit de l’hôtesse, et du conte de Diderot qui la fait délicieusement parler ici, n’allons, en effet, mais pas du tout comme se l’imagine ici le malheureux personnage du marquis, être au bout de nos, en effet, délicieuses et sublimes surprises…

(…)

Après cette conversation _ poursuit alors son récit, page 163, l’hôtesse _, ils se mirent à moraliser sur l’inconstance _ universelle, banalement « commune«  _ du cœur humain, sur la frivolité _ naïve, inconséquente _ des serments, sur les liens _ bien trop fragiles _ du mariage…« 

La suite, de la page 173 à la page 213 de « Jacques le fataliste et son maître« , va consister en ce récit à rebondissements, par l’hôtesse à Jacques et à son maître, du détail cruellement efficace et précis de la mise en place et réalisation méticuleuse du piège du « saugrenu« , ou « singulier« , mariage, que va tendre la très « vindicative » Mme de La Pommeraye au malheureux _ puis, in fine, heureux, car incroyablement chanceux ! :« il a été plus heureux que sage », commente joliment, page 213, au final du récit de l’hôtesse, le maître de Jacques _ marquis des Arcis, avec son incroyable sublimissime renversement amoureux final…

Soit le conte superbe d’une ingénieuse trompeuse finalement trompée en le renversement, du tout au tout, du sens du résultat tellement imprévisible et imprévu par elle, comme par le marquis, et par tous, de sa perfide vengeance :

« _ En vérité, je crois que je ne me repends de rien ; et que cette Pommeraye, au lieu de se venger, m’aura rendu un grand service. Ma femme, allez vous habiller, tandis qu’on s’occupera de faire vos malles. Nous partons pour ma terre, où nous resterons jusqu’à ce que nous puissions reparaître ici sans conséquence pour vous et pour moi « , dira le marquis à son épouse, à la page 211 ;

et « Ils passèrent presque trois ans de suite absents de la capitale« ajoute alors à son récit l’hôtesse.

Ce à quoi répond alors Jacques, à la page 212 : 

« _ Et je gagerais bien que ces trois ans s’écoulèrent comme un jour, et que le marquis des Arcis fut un des meilleurs maris et eut une des meilleures femmes qu’il y eût au monde« …

À la page 173 de Jacques le fataliste et son maître, Diderot fait reprendre à l’hôtesse le récit qui avait été interrompu à la page 163 (« Messieurs, il faut que je vous quitte. Ce soir, lorsque toutes mes affaires seront faites, je reviendrai et je vous achèverai cette aventure, si vous en êtes curieux… » _ et comment le sont-ils ! _) :

L’hôtesse : (…) Vous rappelez-vous où nous en étions ?

Le maître : Oui, à la conclusion de la plus perfide des _ fausses _ confidences _ de la marquise.

L’hôtesse : M. le marquis des Arcis et Mme de La Pommeraye s’embrassèrent, enchantés _ mais pas du tout pour les mêmes raisons _ l’un de l’autre _ elle, la dupeuse appâteuse, et lui, le dupé appâté _, et se séparèrent.

Plus la dame s’était contrainte _ à masquer au marquis ses véritables sentiments _ en sa présence, plus sa douleur fut violente quand il fut parti. Il n’est que trop vrai, s’écria-t-elle _ ainsi à part soi _, il ne m’aime plus !…

(…)

Je vous ai dit que cette femme avait de la fierté ; mais elle était bien autrement _ à un bien plus haut degré, donc, et très peu ordinaire _ vindicative _ voilà ! Lorsque les première fureurs furent calmées, et qu’elle jouit _ mais oui _ de toute la tranquillité _ indispensable _ de son indignation _ fait alors raconter à l’hôtesse le merveilleux Diderot, page 174 _, elle songea à se venger, mais à se venger d’une manière _ vraiment absolument _ cruelle, d’une manière à effrayer tous ceux qui _ en ayant eu connaissance _ seraient tentés à l’avenir de séduire et de tromper une honnête femme  _ comme le marquis des Arcis avait si vilainement procédé avec elle. Et cet enjeu social de réputation est en effet vital pour chacun des divers protagonistes de cette affaire. Elle s’est vengée _ annonce par anticipation dès ce moment de son récit l’hôtesse, à la page 174 _, elle s’est cruellement vengée ; sa vengeance a éclaté _ et de fait nous découvrirons le très précis détail de ce qui va suivre, jusqu’à la page 207, des modalités hyper-raffinées de ce comment de la vengeance de la marquise de La Pommeraye à l’égard du malheurux marquis des Arcis _ et n’a corrigé personne _ mais nous verrons aussi pour quelles surprenantes, imprévues et supérieures raisons _ ; nous n’en avons pas été depuis moins vilainement séduites et trompées _ indique malicieusement l’hôtesse à laquelle on ne saurait décidément la faire…

En ce qu’elle pense, mais bien à tort, être la conclusion définitive de sa vengeance contre le marquis des Arcis,

Madame de la Pommeray fait venir chez elle, le lendemain même _ et c’est bien sûr le moment décisif _ de la noce du marquis avec Melle Duquênoi (« c’était son nom de famille« , avons-nous appris à la page 197 ; cette « Melle Duquênoi, ci devant la d’Aisnon » _ D’Aisnon est son nom de catin, au tripot de l’hôtel de Hambourg, rue Traversière, avons-nous appris aussi à la page 207 _, est-il répété à la page 213), celui-ci, le marquis tout fraîchement marié, donc ;

et « on le reçut avec un visage où l’indignation se peignait dans toute sa force ; le discours qu’on lui tint ne fut pas long ; le voici :

« Marquis, lui dit-elle _ rapporte le récit de l’hôtesse, à la page 207 _, apprenez à me connaître _ le naïf marquis a décidément manqué de la plus élémentaire perspicacité.

Si les autres femmes s’estimaient assez _ ce qui n’est hélas pas le cas… _ pour éprouver _ toute la puissance de _ mon _ juste _ ressentiment, vos semblables _ masculins _ seraient moins communs.

Vous aviez acquis une honnête femme que vous n’avez pas su conserver ; cette femme, c’est moi ; elle s’est vengée en vous en faisant épouser une _ indigne _ digne de vous.

Sortez de chez-moi, allez rue Traversière à l’hôtel de Hambourg, où l’on vous apprendra le sale métier que votre femme et votre belle-mère ont exercé pendant dix ans, sous le nom d’Aisnon« .

La surprise et la consternation de ce pauvre marquis ne peuvent se rendre« , etc., etc.

_ et commencent alors, pour le marquis, quelques jours (« quinze jours, sans qu’on sut ce qu’il était devenu« , apprenons-nous du récit de l’hôtesse, à la page 208) de fuite (loin de chez lui, à Paris ; « cependant, avant de s’éloigner, il avait pourvu à tout ce qui était nécessaire à la mère et à la fille, avec ordre d’obéir à madame comme à lui-même« , lit-on pages 208-209) et de calvaire, notamment (mais pas seulement) social, pour sa réputation désormais bien ruinée.

Jusqu’à un extraordinaire renversement _ presque final ; car Diderot nous proposera encore, in extremis en ce récit, un autre regard, en quelque sorte alternatif à celui de l’hôtesse (selon le point de vue, cette fois, du maître de Jacques), sur toute cette affaire de « saugrenu mariage«  telle que vient de la narrer l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf ; et c’est nous, lecteurs, que Diderot-auteur, in fine, laisse libres de faire notre propre jugement sur les divers protagonistes, en toute dernière instance… _ des situations _ tant matrimoniales qu’affectives, galantes, amoureuses… _ des personnes,

dont s’enchante, bien plus encore que, déjà, son savoureux personnage de la malicieuse, délicieuse et plantureuse hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, qui aime tant raconter,

cet admirable conteur et profond philosophe de l’humain qu’est notre cher, magnifique et merveilleux, Denis Diderot : homme de subtile  profonde vérité.

Ce lundi 9 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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