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Un petit détour lumineux par trois « Royal Odes » de Henry Purcell par le Banquet céleste de Damien Guillon : un charme délicieux tout simplement ravissant…

24oct

Un vif désir de lumineuse élégance _ très simple et sans tapage : écoutez et regardez ceci _ m’a conduit au CD « Purcell Royal Odes » du Banquet Céleste de Damien Guillon, le CD Alpha 780, paru le 4 mars 2022, et que j’avais jusqu’ici sottement négligé

_ et cela alors que souvent je me plains du bien faible niveau de la plupart des interprétations purcelliennes depuis au moins vingt ans…

À l’appui,

cet article-ci, en date du 28 juin 2022, de Christophe Steyne sur l’excellent site Crescendo :

Panel d’odes royales de Purcell, par un angélique Banquet céleste

LE 28 JUIN 2022 par Christophe Steyne

Royal Odes. Henry Purcell (1659-1695) : From those serene and rapturous joys, Z. 326. Fly, bold rebellion, Z. 324. Why are all theses muses mute, Z. 343. Céline Scheen, Suzanne Jerosme, soprano. Damien Guillon, Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor. Nicholas Scott, Zachary Wilder, ténor. Benoît Arnould, Nicolas Brooymans, basse. Le Banquet céleste. Marie Rouquié, Paul Monteiro, violon. Deirdre Dowling, alto. Julien Barre, violoncelle. Thomas de Pierrefeu, contrebasse. André Heinrich, luth. Kevin Manent-Navratil, orgue. Brice Sailly, clavecin. Février 2021. Livret en français, anglais, allemand ; paroles en anglais traduit en français. TT 63’02. Alpha 780

Ces trois odes datent de 1683-1685, alors que Purcell venait d’être nommé organiste à la Chapelle royale, et avant qu’il ne brille dans le genre opératique. Les « chants de bienvenue » honoraient le retour de la famille régnante _ Stuart _ dans le Palais de Whitehall, après leur séjour estival à la campagne. From those serene and rapturous joys est une de ces welcome odes ; dans la symphonia introductive, l’abrupte transition de ré mineur à majeur évoque-t-elle le rétablissement de la monarchie après le Commonwealth ? Fly, bold rebellion Illustre un complot déjoué contre Charles II. D’un langage tout aussi ingénieux, Why are all theses muses mute fait aussi allusion à cette tentative de régicide, et s’inscrit dans le contexte de la disparition de Charles II, déploré par un arioso empreint d’affliction.

L’équipe du Banquet céleste, dont voici le premier album consacré à l’Orpheus Britannicus _ Henry Purcell (1659 – 1695) _, tourne actuellement en concert (Poitiers, Rennes…) avec ces royal odes. Il y a une trentaine d’années, Robert King et son consort avaient gravé les vingt-quatre dans une série sous étiquette Hyperion qui fit date en tant qu’intégrale, mais était minée par un dramatisme déficient et une rigueur routinière. Le retour du musicien anglais pour le label Vivat à l’automne 2020 manifeste peu de changement esthétique, et ces bijoux du jeune Henry restent _ désespérément… _ à l’affût d’interprètes capables d’en restituer l’éloquence et le génie formel. La principale vertu de l’ensemble rennais _ Le Banquet céleste, de Damien Guillon _ réside dans le raffinement _ oui _ vocal comme instrumental, fidèle à la vocation chambriste de ces pages qui, pour être dédiées au souverain, s’enchâssent néanmoins dans une expression intime _ tout à fait.

Des voix fraîches et finement dosées cisèlent _ sans nulle affectation _ toute l’émotion du texte, à l’instar de Paul-Antoine Bénos-Djian dans le Rivers from their channel turned. Les figuralismes ne sont pas trahis, ni par le style ni par la technique (Nicolas Brooymans dans la redoutable tessiture d’abysse du Acursed Rebellion). Quelle magnifique conclusion offerte au Z. 326 : un With trumpets and shouts, introduit par un exultant Nicholas Scott (les crescendos après 0’32 !) et rejoint par un chœur resplendissant. Certes l’accompagnement instrumental semble parfois lisse et timide, quelques numéros restent sur une gracile réserve. Mais un délicat esprit _ voilà : sans se pousser du col… _ règne sur l’ensemble de cette réalisation, au point que Purcell s’entend rarement servi avec pareille subtilité _ oui. Quelle souplesse dans le Come then, change your notes d’une exquise cambrure rythmique ! Quel tact dans le For majesty moves et But heaven has now dispelled those fears ! Quel frémissement dans Welcome to all those wishes fulfilled ! Tissée par un Banquet rien moins que céleste, effectivement, cette musique paraît moins commandée par l’apparat de cour qu’elle n’est dictée par la lyre des anges. Au sein de la discographie : un témoignage infiniment précieux, qui va droit à l’âme et aiguise notre appétence pour une suite _ oui, oui, oui.

Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

Quel charme délicieux et ravissant !!!

Ce mardi 24 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le charme extrêmement prenant de Benjamin Appl à nouveau opérant et superbe dans un programme à nouveau original et assez singulier : un bouquet de 19 Lieder de Franz Schubert en des adaptations orchestrales d’Anton Webern (5), Max Reger (7), Alexander Schmalcz (2) et 5 autres compositeurs-orchestrateurs, avec la complicité du chef, natif lui aussi de Ratisbonne, Oscar Jockel, et le Münchner Rundfunkorchester : un album infiniment séduisant de clarté et naturel, justesse et poésie…

10oct

Benjamin Appl à nouveau superbe dans la réalisation très réussie _ quel beau timbre de voix, et quel subtil et évident art du chant ! _ d’un nouveau projet très original et singulier :

un bouquet magnifiquement composé de 19 Lieder _ avec piano, à l’origine _ de Franz Schubert en des adaptations orchestrales _ assez peu courues et ainsi rassemblées… _ d’Anton Webern (5), Max Reger (7), etc.,

avec la complicité du chef _ natif de Ratisbonne (le 24 décembre 1995) comme Benjamin Appl (né le 26 juin 1982) _ Oscar Jockel, et le Münchner Rundfunkorchester :

soit un album BR Klassik 900346 _ enregistré à Munich du 28 au 30 septembre, le 30 novembre, et les 1er et 2 décembre 2022 (Benjamin Appl vient d’avoir 40 ans ; et Oscar Jockel a tout juste 26 ans), et en une prise de son de Christine Voitz, d’une stupéfiante clarté et un exemplaire naturel ! ; l’album est sorti le 6 octobre dernier, il y a à peine 4 jours… _ à nouveau très prenant et vraiment plein de charme…

De Benjamin Appl _ baryton bavarois, formé au très fécond Regensburger Domspatzen de Ratisbonne (et ultime élève de Dietrich Fischer-Dieskau), et désormais installé à Londres _, mais cette fois avec le seul piano de James Baillieu _ né, lui, en Afrique du Sud au mois de mars 1982 _,

m’avait si fortement impressionné le très original et éminemment singulier CD Alpha 912 « Forbidden fruit » _ enregistré à Lugano du 27 au 30 juillet 2020 _, que je lui avais consacré rien moins que 4 articles, les 29, 30, 31 juillet et 1er août derniers :

« « ,

« « ,

« « 

et « « …

De même,

je m’étais tout de suite procuré le « Winterreise » schubertien de Benjamin Appl et James Baillieu, au piano, le CD Alpha 854 _ enregistré à Kentish Town, en Angleterre, au mois de septembre 2021 _, très réussi lui aussi.

Incontestablement,

ces 19 adaptations de Lieder avec piano seul de Franz Schubert (Lichtental, 31 janvier 1797 – Vienne, 19 novembre 1828) pour des interprétations avec accompagnement d’orchestre,

et par des compositeurs aussi différents qu’Anton Webern (Vienne, 1883 – Mittersill, 1945) pour 5 Lieder, Max Reger (Brand, 1873 – Leipzig, 1919), pour 7 Lieder,  ou le contemporain Alexander Schmalcz (né à Weimar en 1969), pour 2 Lieder,

mais aussi Johannes Brahms (Hambourg, 1833 – Vienne, 1897), Kurt Gillmann (Wannsee, 1889 – Hannovre, 1975), Felix Mottl (Unter Sankt Veit, 1856 – Munich, 1911), Benjamin Britten (Lowestoft, 1913 – Alderburgh, 1976), ou Jacques Offenbach (Cologne, 1819 – Paris, 1880), pour un Lied chacun,

surprend, étonne, charme et enrichit notre écoute…

En commençant ici par les 2′ 39 du très beau lied « Abendstern » de la première plage du CD, un lied de 1824 sur un poème de Johann-Baptist Mayrhofer, ici dans une orchestration d’Alexander Schmalcz,

on pourra écouter, en suivant, l’ensemble des 23 plages _ ainsi accessibles ici à l’écoute _ de ce très beau original CD…

De ce CD, je recommande tout spécialement la plage 5 (de 4′ 18) « Du Bist die Ruhe« , un lied de 1823 sur un poème de Friedrich Rückert, ici dans une orchestration d’Anton Webern,

et la plage 18 (de 3′ 44) « Nacht und Träume«  _ peut-être mon lied préféré de Franz Schubert : extatique !.. _, un lied de 1825 sur un poème de Matthäus von Collin, ici dans une orchestration de Max Reger…

À ces 19 Lieder chantés par le baryton éminemment charmeur _ quel naturel ! quelle clarté ! _ de Benjamin Appl,

le CD adjoint, aux plages 3, 7, 13 et 20,

10 « Deutsche Tänze (serie 1) » de Franz Schubert, adaptées pour l’orchestre par Johann von Herbeck (Vienne, 1831 – Vienne, 1877)…

Le très grand talent d’interprète de Benjamin Apple, aidé ici de celui d’Oscar Jockel, est de ne jamais tomber en une réalisation hyperbolique, opératique, de ces Lieder en ces versions avec accompagnement symphonique _ toujours tendre, précis, doux, délicat et infiniment léger _,

mais de savoir conserver et excellemment restituer l’intimité chaleureuse et tendre, complice, des humeurs des soirées de Liederabend, en un très attentif petit cercle d’amis proches, pour lesquels étaient donnés et créés ces Lieder avec un simple piano _ données du 26 janvier 1821, dans l’appartement de la famille von Schober, au 28 janvier 1828, chez Joseph von Spaun, pour ce qui concerne ces mémorables schubertiades auxquelles a participé Franz Schubert à Vienne… _,

tout en procurant à ces si touchants et très variés Lieder, d’une infinie délicatesse, sans le moindre surlignage de moindre mauvais goût, cette coloration symphonique qu’ils comportent aussi, en très fin subtil filigrane,

et que se sont amusés à leur apporter, à diverses époques de rayonnement de ces chefs d’œuvre intimes de Schubert _ très vite reconnus comme tels ! _, ces divers compositeurs ainsi orchestrateurs :

Jacques Offenbach (1819 – 1880),

Johannes Brahms (1833 – 1897),

Felix Mottl (1856 – 1911),

Max Reger (1873 – 1919),

Anton Webern (1883 – 1945),

Kurt Gilmann (1889 – 1975),

Benjamin Britten (1913 – 1976)

ainsi que notre contemporain et en activité _ en particulier pour le magnifique Matthias Goerne.. _ Alexander Schmalcz (né en 1969) _ ici, en ce programme, pour les Lieder « Abendstern » et « An Sylvia« , un lied de 1826 sur un texte de Shakespeare (extrait des « Deux gentilshommes de Vérone« ) adapté par Eduard von Bauernfeld…

Un CD tout simplement admirable : exceptionnel de justesse, clarté, naturel

…et poésie.

Benjamin Appl, décidément magnifique ; et plus que jamais à suivre…

Ce mardi 10 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un émouvantissime hommage à l’humanité si vraie de l’admirable « plus que vivant » Lars Vogt par les musiciens de l’Orchestre de Chambre de Paris…

07juil

Et en magnifique hommage _ par l’Orchestre de Chambre de Paris _  au « plus que vivant« , et à jamais, Lars Vogt (1970 – 2022),

lire ceci _ qui me tire des larmes des yeux ! _ :

Lars Vogt

1970 – 2022

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Une étoile brille au firmament

La disparition de Lars Vogt, notre directeur musical, le 5 septembre dernier _ 2022 _ nous a tous plongés, membres du Conseil d’administration, artistes musiciens, personnels administratifs et techniques de l’orchestre, dans une profonde tristesse, tant la relation que Lars avait su construire avec chacun et chacune était empreinte d’une profonde humanité _ et c’est bien là le fond, si rare, des choses !.. Si les mots continuent à nous manquer, nous voudrions lui rendre hommage par ces quelques lignes.

Lars était, chacun le sait _ et le mélomane passionné que je suis, aussi, dès ma première écoute ; je renvoie ici à mon article du 14 novembre 2009 : « «  _, un artiste d’exception _ oui ! _ : soliste international, chambriste recherché, chef d’orchestre…
Il y a bien sûr le pianiste qu’on ne présente plus depuis 1990 et sa révélation lors du concours de piano de Leeds. Déjà à cette époque, Sir Simon Rattle lui prédisait un futur vers la direction d’orchestre. Ce n’est pourtant que bien des années plus tard, en 2014, qu’il devient directeur musical
du Royal Northern Symphonia Newcastle. Et c’est en 2018 qu’il fait sa première rencontre avec les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris, au cours de laquelle il joue le Concerto pour piano de Schumann et dirige la Quatrième symphonie de ce même compositeur lors d’un concert mémorable.

Nommé à la direction musicale de l’Orchestre de chambre de Paris en juillet 2020, il a pu y développer encore ses talents artistiques indéniables, son appétence pour le joué-dirigé et pour la direction d’orchestre. Bien au-delà de ses qualités de directeur musical, nous avons découvert un véritable leader. Fidèle à l’homme qu’il était dans la vie, sa direction était remplie de bienveillance et d’humanité _ oui, oui, oui. Il savait établir avec chaque musicienne et musicien une relation particulière et individuelle pour faire en sorte que leur communauté d’artistes s’épanouisse dans une excellence partagée _ voilà. En à peine quelques mois, il était parvenu à gagner non seulement la confiance mais l’adhésion totale de ses musiciens.

Son mandat à la direction musicale de l’orchestre, malgré la pandémie, aura été un condensé de temps forts artistiques. Dès l’été 2020, il marque son arrivée avec un formidable concert capté du Concerto dit « Jeunehomme » de Mozart tourné dans les jardins de l’hôtel de Sully, Centre des monuments nationaux à Paris, et diffusé sur France télévisions. Plus tard encore, il illuminera de son talent une retransmission du Concerto pour piano en la mineur de Schumann dirigé depuis le piano à la Philharmonie de Paris. En janvier 2021, il retrouve les ténors Christoph et Julian Prégardien dans un concert « Père et Fils » chorégraphié par Thierry Thieû Niang. Lars Vogt avait conquis en très peu de temps les publics du théâtre des Champs-Élysées et de la Philharmonie de Paris, les deux principaux lieux de résidence de l’orchestre.

Son activité d’enregistrement fut elle aussi intense. Un premier enregistrement Mendelssohn est paru chez Ondine en mars 2022 avec un accueil unanime. Un enregistrement autour des concertos nos 9 et 24 de Mozart reste à paraitre. Cette même énergie _ si manifiquement contagieuse _ se retrouve dans le plaisir _ formidable _ qu’il prenait à jouer en formation chambriste avec les musiciens de son orchestre comme avec ses amis tels que Christian Tetzlaff ou Antje Weithaas.

Comme il aimait à le dire « En musique, beaucoup de choses sont une question d’alchimie ». Lui qui « voulait aller encore plus loin dans l’intensité de l’orchestre et décrocher la lune » nous manque cruellement. Il est aujourd’hui pour nous tous une étoile qui brille au firmament de l’orchestre, dont la lumière continuera à nous éclairer pour toujours.

À son épouse Anna _ Anna Reszniak _ qui l’a tant soutenu, à ses filles et à sa famille, nous adressons toutes nos pensées, toute notre affection et nos sincères condoléances.

Brigitte Lefèvre, présidente du Conseil d’administration

Nicolas Droin, directeur général

« Il voulait aller encore plus loin dans l’intensité de l’orchestre et décrocher la lune. »

Lars Vogt par Christian Merlin

Lars Vogt est né à Düren, dans la Ruhr, à côté de Cologne, le 8 septembre 1970. C’est sa première professeure de piano, à Aix-la-Chapelle, qui instille en lui l’idée que non seulement il est fait pour la musique, mais que celle-ci pourrait devenir son métier. Une pédagogue très artiste, qui développe énormément son imagination, mais pas assez sa solidité technique. Solidité technique qui lui sera donnée par son second maître, puisqu’il n’en aura jamais eu que deux : Karl-Heinz Kämmerling, légende de l’enseignement du piano en Allemagne. Professeur d’Igor Levit et d’Alice Sara Ott, pour n’en citer que deux parmi l’incroyable cohorte d’élèves à qui il a permis de se réaliser _ voilà _, il enseigne alors à Hanovre. Ayant école un samedi sur deux, le petit Lars prend, chaque samedi libre, le train pour Hanovre : quatre heures de trajet. Il reçoit ses deux heures de leçon et rentre en Rhénanie : à nouveau quatre heures de train. Kämmerling lui apprend qu’un pianiste doit creuser par deux côtés en même temps : le côté technique et le côté artistique, la technique n’étant qu’un moyen pour exprimer l’artistique. Plus tard, Kämmerling apprendra à l’une des filles de Lars, encore toute petite, que chaque note a sa vie propre. Patient, il ne le tance même pas lorsqu’il se met à imiter Horowitz : « C’est une phase, ça te passera. » Vogt lui succédera naturellement comme professeur à la Hochschule de Hanovre en 2012, année de la mort de Kämmerling.

Le jeune Vogt est un jeune soliste nerveux et traqueur. Cela se sent encore à son début de carrière au sommet. On a pu, à l’époque (on s’en veut rétrospectivement !), trouver son jeu abrupt par son aspect minéral, tout d’une pièce. Déjà un souci de sérieux et de rigueur, comme pour échapper à toute superficialité. Allemand ? Cela n’a pas empêché le jury du Concours de Leeds de lui attribuer en 1990 un deuxième prix, ni Simon Rattle de le prendre sous son aile dans l’écurie EMI en lui faisant enregistrer Beethoven, Schumann et Grieg avec lui et le City of Birmingham Symphony Orchestra.
Il avait perçu, derrière ce jeu encore brut, tout le potentiel d’un artiste qui se remet constamment en question et interroge les textes avec un sens de la profondeur et du tragique _ voilà _ qui explique son affinité élective avec Brahms _ et Schumann _ et son clair-obscur mélancolique. En se détendant (sans se relâcher !), son jeu gagne alors de plus en plus en souplesse et en arrière-plans, ajoutant à sa sonorité puissante et sans concession une science particulière des contrastes, quand un pianissimo d’une grande douceur succède soudain à la tempête.

Il ne va pas plus vite que la musique. À rebours de la mode des intégrales, il préfère laisser mûrir les œuvres et ne les jouer que quand il se sent prêt.
Il aura attendu la cinquantaine pour aborder la sonate Hammerklavier de Beethoven, dans laquelle beaucoup se lancent avec l’intrépidité de leurs vingt ans. Assez vite se dessine une constante dans son approche de la musique : le partage _ voilà. Chambriste naturel _ oui, oui, oui ! _, il semble n’aimer rien tant que jouer avec d’autres. C’est dans cet esprit qu’il fonde dès 1998 son propre _ admirable !!! _ festival _ Spannungen _ dans l’ancienne centrale hydroélectrique de Heimbach, dans l’Eifel, à quelques kilomètres de sa ville natale. Là, il invite ses meilleurs amis à faire de la musique de chambre : les violonistes Christian Tetzlaff et Isabelle Faust, le violoncelliste Boris Pergamenchtchikov en font partie. Un critique allemand a écrit qu’il n’était « jamais aussi bon que quand il vacillait » : autrement dit quand il oubliait l’assurance robuste de son jeu pour le faire vivre et réagir dans l’instant. L’interaction de la musique de chambre est pour cela le lieu idéal _ oui _, mais pas seulement : la direction d’orchestre aussi, où tant de choses se décident dans l’instant _ voilà.

« Lorsque je joue du piano, j’ai l’impression de diriger un orchestre, en quelque sorte », disait-il au micro de France Musique. « Je joue avec mes doigts, mais dans ma tête il y a un chef d’orchestre. J’aspire à obtenir le son d’un violon, d’une flûte, d’un hautbois, d’un basson, des couleurs qui ne sont pas uniquement les couleurs d’un piano », répondait-il à Jean-Baptiste Urbain sur la même antenne. Ce jeu orchestral allait le conduire à diriger les concertos du piano, tout en continuant à être l’un des solistes préférés de l’Orchestre Philharmonique de Berlin (dont il est artiste en résidence en 2003-2004), mais aussi de Mariss Jansons, Herbert Blomstedt, Christian Thielemann ou Paavo Järvi. Fort de cette nouvelle expérience, il est nommé en 2014 directeur musical du Royal Northern Sinfonia, un orchestre de formation Mozart basé au bord du fleuve Tyne, dans le nord de l’Angleterre. Et voici qu’il s’attaque à forte partie, enregistrant les deux concertos de Brahms qui, avec leur réputation de symphonies avec piano obligé, semblent exiger la double présence d’un soliste et d’un maestro. Non seulement ça marche, mais on y découvre des allégements et des couleurs insoupçonnées, sans perdre en substance. Il emmène l’orchestre en Asie et aux « Proms » de Londres.

Pendant ce temps, l’Orchestre de chambre de Paris est à la recherche d’un successeur à Douglas Boyd comme directeur musical. Pour une formation de cet effectif se pose la question du profil : un maestro symphonique risquerait d’y être disproportionné, un soliste sans expérience suffisante de la direction d’y être contre-productif. Vogt apparaît alors comme une solution possible. Le courant passe si bien avec les musiciens que l’option envisageable devient une évidence. Dans les concertos de Mozart, Beethoven ou Schumann, bien sûr, qu’il dirige du piano comme si cela allait de soi. Mais aussi, et ce n’était pas gagné d’avance, seul face à l’orchestre dans des symphonies. On se souvient en particulier de la Deuxième symphonie de Brahms qui couronnait son concert inaugural en septembre 2020 : si sa gestuelle n’avait pas le délié de maestros aguerris, le flux musical coulait de source _ oui _, avec une parfaite logique des enchaînements et maîtrise des équilibres, jouant le jeu chambriste sans édulcorer l’éloquence de l’orchestre brahmsien. Testamentaire _ oui _, leur enregistrement des concertos de Mendelssohn (Ondine) reste pour témoigner de cette trop brève _ hélas _ alchimie _ merveilleuse : la grâce même… On se souvient aussi de son engagement bienveillant dans ses fonctions, par exemple pour superviser le concours Play-Direct pour jeunes pianistes dirigeant du clavier, organisé par l’Orchestre de chambre de Paris.

En mars 2021 est diagnostiqué un cancer de l’œsophage ayant déjà métastasé au foie. Lorsque les médecins lui expliquent que le traitement auquel il sera soumis risque de lui faire perdre la sensibilité dans les doigts, il répond : « Je préfère être en vie plutôt que jouer du piano. » Quand certains préfèrent se terrer dans leur tanière, lui n’hésite pas à parler de la maladie, en interview et sur les réseaux sociaux. Le partage _ toujours formidablement généreux _  de la musique et de l’amitié _ les deux allant très évidemment de pair… _ semble décupler son énergie vitale _ puissante _, sans parler de l’apport de sa seconde femme, la violoniste d’origine polonaise Anna Reszniak, premier violon de l’Orchestre symphonique de Nuremberg où ils vivent, et de ses filles, dont la petite dernière a quatre ans et demi et à qui il voudrait encore laisser des souvenirs de père. Chacun de ses concerts semble gagné contre la maladie, il y fait passer des émotions décuplées _ oui, et sans jamais rien forcer… _, tantôt rageuses (Beethoven), tantôt tendres (Brahms), tantôt les deux à la fois (Mozart) : humaines, tout simplement _ voilà ! Lars Vogt, ou l’humanité la plus vraie… Il joue à son festival le 24 juin 2022, donnant en bis cet Intermezzo op. 117  n°1 de Brahms _ en regarder ici la vidéo (d’une durée de 5′ 42), titrée « Letzter Soloauftritt von Lars Vogt bei SPANNUNGEN«  _ qui est une invitation _ selon ses mots… _ à s’endormir paisiblement, et dirige encore du piano l’Orchestre de chambre de Paris à l’hôtel de Sully les 9 et 10 juillet. Son visage s’est creusé, mais reste ce menton volontaire qui pourrait être intimidant s’il n’était adouci par un regard lumineux et intense _ oui _ et un sourire désarmant _ voilà. Dans les premiers jours de septembre il envoie un message d’au revoir à ses amis, pour leur dire combien ils ont compté pour lui, et s’éteint le 5 septembre 2022 à la clinique d’Erlangen, trois jours avant son 52e anniversaire, laissant le monde musical désemparé mais nourri du souvenir de son rayonnement.

« Lorsque je joue du piano, j’ai l’impression de diriger un orchestre, en quelque sorte. »

Lars Vogt et l’Orchestre de chambre de Paris en 2021 à la Philharmonie de Paris

À Lars

Ta lumière, ta bienveillance, ton talent, ta capacité à mettre tous les sentiments humains _ oui _ dans ta musique, ton authenticité, ta générosité _ sans compter _, ton humour, ta liberté, ta souplesse, ton ouverture _ tout cela allant très simplement de pair _, ta tolérance, ton courage, ton désir d’amener tout le monde sur un terrain d’entente, ton talent pour réunir _ oui _, ton sourire chaleureux et communicatif, tes expressions tendres et uniques font de toi une des personnes, si rares _ oui ! _, capables en si peu de temps – en trop peu de temps ! – de nous guider et de changer nos vies.

La musique, entre tes mains, était comme la matière du sculpteur, chez toi, une matière infinie. À propos d’une phrase sublime d’un concerto, tu nous disais un jour que Mozart ouvrait une fenêtre sur le monde du divin : en fait, c’est toi qui ouvrais cette fenêtre, avec simplicité _ oui _, sur un monde immense. Toujours dans la joie _ voilà ! la plus rayonnante et pure joie… _, tu as partagé avec nous ton amour absolu pour la musique.

Tu laisses, en chacun de nos cœurs, une empreinte magnifique, et nous sommes tous conscients de la chance inouïe _ en effet _ d’avoir pu cheminer avec toi, d’apprendre de toi en musique comme dans la vie. Nous allons continuer de t’honorer et de grandir comme groupe, unis par la force tellurique _ oui _ que tu nous as transmise _ voilà _, sachant que tu aurais sans doute voulu que l’on te chante plutôt que l’on te pleure.

Que ton extraordinaire lumière nous inonde éternellement, cher Lars !

Les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris

Lars Vogt et l’Orchestre de chambre de Paris en quelques dates…

20 DÉCEMBRE 2018

Théâtre des Champs-Élysées

Premier concert de Lars Vogt avec l’orchestre autour d’une œuvre de Schumann qu’il affectionne particulièrement, le Concerto pour piano. Le chef et pianiste est rapidement séduit par le travail en profondeur de l’orchestre et ce premier contact avec les musiciens.

26 SEPTEMBRE 2019

Théâtre des Champs-Élysées

De nouveau invité par l’orchestre, Lars Vogt donne le Concerto pour piano no 1 de Mendelssohn, œuvre qui le suit dans les moments importants de sa vie musicale. Il indique à plusieurs reprises s’être toujours senti très proche de l’esprit du compositeur _ et c’est absolument évident.

 

24 JUIN 2020

Extrait du Concerto « Jeunehomme », Mozart

Confinés et isolés lors de la crise sanitaire, Lars Vogt et les musiciens et musiciennes de l’orchestre interprètent à distance un extrait du Concerto pour piano no 9 en mi bémol majeur de Mozart. Cette prouesse musicale et technique aboutit à une vidéo mise en ligne et contribue à rassembler virtuellement les artistes et le public.

11 ET 12 JUILLET 2020

Hôtel de Sully

Dans le cadre exceptionnel des jardins de l’hôtel de Sully – Centre des monuments nationaux à Paris, Lars Vogt donne en joué-dirigé le Concerto pour piano n° 9 en mi bémol majeur, dit « Jeunehomme », de Mozart. Ce concert est capté et diffusé par ARTE Concert.

 

30 SEPTEMBRE 2020

Théâtre des Champs-Élysées

Lars Vogt donne son premier concert en tant que directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, avec son ami violoniste Christian Tetzlaff.

« Ma relation avec Lars est intense, c’est ma plus profonde amitié musicale. Il est mon « artiste-héros » et aussi mon meilleur ami dans la vie. »
Christian Tetzlaff

 

5 OCTOBRE 2020

Philharmonie de Paris

Premier concert de Lars Vogt dans la Grande salle de la Philharmonie en tant que chef d’orchestre. Aux côtés d’un chef-d’œuvre de la musique classique, le Requiem de Mozart, il était heureux de présenter la création d’une jeune compositrice française, Clara Olivares.

6 JANVIER 2021

Philharmonie de Paris

A travers la production « Père et fils » mêlant danse, théâtre et musique avec les ténors Christoph et Julian Prégardien et le chorégraphe Thierry Thieu Niang sur de la musique de Beethoven et Schubert, Lars Vogt témoigne de son approche intimiste et personnelle de la musique. En raison de la situation sanitaire, ce concert fait l’objet d’une captation et d’une diffusion sur les sites ARTE Concert et Philharmonie Live.

1ER FÉVRIER 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt se sentait proche de Schumann et exprimait son bonheur de transmettre cette musique au public, ce jour-là sous forme
de captation diffusée sur Philharmonie Live. Une musique pleine de joie, d’amour et de poésie mais aussi de tristesse, qu’il aimait particulièrement.

AVRIL 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt et l’orchestre enregistrent le Concerto pour clarinette de Mozart avec le clarinettiste Raphaël Sévère, pour le label Mirare.

« J’ai beaucoup d’admiration pour Lars Vogt car il déborde d’une énergie foisonnante qui toujours se conjugue avec naturel vers les bonnes choses. Dans tout ce qu’il fait il est profondément sincère et il a cette flamme qui fait vivre la musique. Jouer avec lui est un bonheur. »

Raphaël Sévère

5 – 9 SEPTEMBRE 2021

Philharmonie de Paris / Paris Play-Direct Academy

Profondément investi dans les actions de transmission, Lars Vogt parraine cette 10ème édition de l’académie de joué-dirigé de l’orchestre consacrée au piano. Au cours de masterclasses, il accompagne et conseille les jeunes instrumentistes dans cette pratique.

16 OCTOBRE 2021

Théâtre des Champs-Élysées

Lors de ce concert, Lars Vogt réunit une nouvelle fois l’entente personnelle et artistique en invitant un ami de longue date, le violoncelliste Alban Gerhardt. Ce lien que Lars Vogt entretient avec les musiciens sur scène, toujours sincère et fort, offre au public des instants musicaux de grâce.

« Mon vieil ami, colocataire et partenaire de musique de chambre Lars Vogt est l’un des musiciens avec lesquels je préfère travailler. »
Alban Gerhardt

2-5 NOVEMBRE 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt enregistre avec l’Orchestre de chambre de Paris un premier disque qui aurait dû marquer le début du cycle Mendelssohn, paru au printemps 2022 chez Ondine.

17 DÉCEMBRE 2021

Philharmonie de Paris

Kurtàg était pour Lars Vogt le plus grand compositeur vivant de notre époque. Lors de cette soirée consacrée à Bach, le directeur musical met en relation ses courtes pièces avec celles du « dieu de la musique » comme il appelait alors Bach.

13 JANVIER 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Invité par l’orchestre pour ce concert consacré à Mahler, Strauss, Fauré et Britten, le ténor Ian Bostridge est frappé par la merveilleuse atmosphère de collaboration et d’amitié que Lars Vogt a réussi à créer avec les musiciens.

 

10 MARS 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Lars Vogt retrouve son complice Alban Gerhardt, violoncelliste, dans le Premier concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Avec l’orchestre, il interprète la Symphonie classique de Prokofiev et la Sérénade pour cordes de Tchaïkovski.

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12 MARS 2022

Salle Cortot

Lors de ce concert de retrouvailles avec les solistes de l’orchestre, Lars Vogt et les musiciens interprètent un mémorable quintette de Schumann et le premier quatuor avec piano de Mozart.

21 MARS 2022

Philharmonie de Paris

Intégralement dédié à Mendelssohn, ce concert accompagne la sortie du disque Mendelssohn consacré aux œuvres concertantes et annonce de futurs projets d’enregistrement du répertoire symphonique.

« Les mouvements lents des œuvres de Mendelssohn m’émeuvent aux larmes. »
Lars Vogt

21 AVRIL 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Antje Weithaas, artiste associée de la saison 2021/2022, joue sous la direction de Lars Vogt, le Concerto pour violon de Beethoven.

Antje Weithaas dit de Lars Vogt qu’il est probablement le meilleur musicien qu’elle connaisse pour interpréter la musique de Schumann.

« Les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris et moi sommes déjà parvenus à développer une authentique et forte relation musicale et humaine. » Lars Vogt

22 AVRIL 2022

Philharmonie de Paris / Académie de jeunes compositrices

Lors de la première lecture publique de l’Académie de jeunes compositrices de l’Orchestre de chambre de Paris, Lars Vogt dirige quatre œuvres nouvelles pour ensemble instrumental. Désireux de « trouver l’expression et la voix de la jeunesse de notre temps », il incite les jeunes compositrices à présenter leurs œuvres – voire à les diriger.

9-10 JUILLET 2022

Hôtel de Sully

Empreints d’une émotion palpable, ces concerts sont les derniers de Lars Vogt avec l’Orchestre de chambre de Paris. Il y dirige du piano l’ultime concerto pour piano de Mozart et a choisi pour bis l’Andante du deuxième concerto pour piano de Chostakovitch.

Sensible à la démarche citoyenne de l’orchestre à l’adresse des plus fragilisés, engagé dans le programme de transmission et fervent chambriste, Lars Vogt a entamé avec l’orchestre une riche aventure à la fois humaine et musicale.

Retrouvez les concerts de Lars Vogt en vidéo

ARTE rend hommage au pianiste et chef d’orchestre Lars Vogt et rediffuse trois concerts sur ARTE Concert.

Lars Vogt dans le Concerto « Jeunehomme » de Mozart.
Lors de ce concert enregistré en juillet 2020 dans les jardins de l’Hôtel de Sully, Lars Vogt, à la direction de l’Orchestre de chambre de Paris et au piano,
a également donné le Concerto pour piano n° 21 de Mozart.

Lars Vogt dirige Beethoven et Schubert

Les ténors Christoph et Julian Prégardien ont interprété avec l’Orchestre
de chambre de Paris des lieder de Beethoven et de Schubert en janvier 2021 à la Philharmonie de Paris.
Diffusé également sur Philharmonie Live.

Concerto pour piano n° 3 de Beethoven
Invité du HR-Sinfonieorchester en avril dernier à Francfort, Lars Vogt a interprété le Concerto pour piano n° 3 de Beethoven sous la direction de Karina Canellakis.

Retrouvez ces concerts pendant plusieurs mois sur ARTE Concert : arte.tv/larsvogt

Également disponible :

Lars Vogt dans Schumann

Une histoire particulière liait Lars Vogt au Concerto pour piano de Schumann, « l’une des œuvres les plus splendides du répertoire pour piano ». Lors de ce concert Lars Vogt a également dirigé l’Orchestre de chambre de Paris dans la Deuxième Symphonie.

Enregistré en avril 2021 à la Philharmonie de Paris par France Musique et diffusé sur Philharmonie Live : philharmoniedeparis.fr/fr/live

LARS VOGT VU PAR LA PRESSE

« Gestuelle élégante et souple, corps mobile et visage ouvert, capacité à être à la fois un soliste habité et un chef très présent. »
Sophie Bourdais, Télérama

« Un artiste authentique, simple et chaleureux. »
Emmanuelle Giuliani, La Croix

« Son jeu vigoureux et naturel ignore la tentation virtuose, déployant au contraire un sens raffiné des couleurs et des nuances. Que ce soit dans Bach, Mozart, Brahms ou Mendelssohn, le musicien déploie un toucher ductile, capable de passer de l’ombre à la lumière, de la poésie à l’humour, du tragique à la joie. » Marie-Aude Roux, Le Monde

« Si sa gestuelle de chef n’était pas la plus académique, le résultat sonore était passionnant, obtenant dans Mendelssohn, Schumann ou Brahms une richesse sonore, un sens de l’architecture et une pulsation naturelle qui promettaient énormément. Sans parler de son énergie communicative et de son attention aux autres. »
Christian Merlin, Le Figaro

orchestredechambredeparis.com

RETROUVEZ-NOUS SUR CRÉATION : HOULTONSMETS

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L’Orchestre de chambre de Paris utilise pour ses supports de communication des papiers recyclés (Papier FSC : gestion responsable des forêts) et de l’encre végétale.

De bien merveilleux témoignages  sur un musicien à jamais plus que vivant

en sa naturelle humanité généreuse vraie !

Ce vendredi 7 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le grand Michael Spyres dans les sublimes « Nuits d’été » d’Hector Berlioz et Théophile Gautier (version, avec orchestre, de 1856) : qu’en penser ?..

14avr

Les « Nuits d’été » d’Hector Berlioz sur des poèmes de Théophile Gautier, sont le plus sublime monument de la mélodie française ;

et Michael Spyres est un des plus merveilleux chanteurs en activité aujourd’hui.

Cependant, la prestation de celui-ci dans le CD « Les Nuits d’été Harold en Italie«  _ le CD Erato 5054197196850, paru le 18 novembre 2022 _, en un enregistrement à Strasbourg du 12 au 15 octobre 2021, sous la direction de l’excellent berliozien qu’est John Nelson, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg,

constitue une relative déception à mes oreilles et à mon goût :

pae ce que j’estime être un certain manque de naturel de l’interprète,

un peu trop opératique…

Voici l’opinion de Jean-Charles Hoffelé, en un article significativement intitulé « Timothy«  _ en l’honneur de l’altiste Timothy Ridout, en verve dans le « Harold en Italie » de ce CD Erato…en date du 7 janvier 2023, sur son site Discophilia :

TIMOTHY

…Passons à pieds joints _ rien que cela !!! _, sur le tour de force parfois pénible _ hélas, oui… _ des Nuits d’été selon Michael Spyres : si son « baryténor » lui permet d’offrir chaque mélodie dans sa tonalité originale, les dotant d’un français plus étudié que naturel _ hélas ! _, comment ne pas entendre que les notes lui résistent pourtant, plus que les sentiments d’ailleurs : Sur les lagunes est vraiment bien senti _ personnellement, je le trouve un peu trop théâtral, opératique… _, et évidemment John Nelson met à son orchestre une poésie, un art d’évoquer qui suffisent à rendre l’écoute attractive.

Pourtant, lorsque l’alto de Timothy Ridout murmure la première méditation de Byron de son archet diseur, soudain ce personnage qui manquait aux Nuits d’été parait. Il ne quittera plus l’auditeur au long de cet Harold en Italie débarrassé de toute grandiloquence jusque dans les tonnerres de l’orgie de brigands, voyage dans des paysages dont l’orchestre de peintre rêvé par Berlioz s’incarne enfin avec toutes ses subtilités : décidément les Strasbourgeois y sont étonnants, tout comme hier dans la Messe Glagolitique de Janáček. Mais c’est d’abord la sonorité ambrée du jeune altiste anglais qui vous cueillera.

Cet ambre des cordes, ce fluide de l’archet, quel altiste les aura possédés avant lui ? Lionel Tertis, et comme Tertis Timothy Ridout sait ce que chanter suppose, le phrasé, les mots imaginaires derrière les notes, les couleurs pour les émotions. Justement, il grave la transcription que Tertis réalisa à son usage du Concerto pour violoncelle d’Elgar, le compositeur l’ayant adoubée jusqu’à diriger la création de ce que l’altiste espérait comme un ajout majeur au répertoire de l’instrument.

Las, cette mouture singulière ne s’imposa pas, affaire de sonorité certainement, l’alto de Tertis était un mezzo haut et sa transcription tire à l’aigu, mais justement la sonorité claire de Timothy Ridout retrouve l’esprit de celle du transcripteur et dans l’orchestre savamment allégé par Martyn Brabbins donne à l’œuvre une couleur nostalgique émouvante.

Contraste total avec la Suite pour alto et orchestre aux couleurs extrêmes orientales que Bloch composa en 1919. C’est l’univers balinais qui ouvre le voyage (initialement Bloch avait intitulé le premier mouvement « Jungle »), le compositeur emportant son alto dans un orchestre hautement évocateur.

L’œuvre est demeurée rare, même au disque, elle culmine dans les lacis vénéneux d’un Nocturne ténébreux, moment magique où le jeune altiste déploie une incantation inquiète, phrasée pianissimo, d’une poésie fascinante, hypnose et sortilèges. Quelle œuvre !

LE DISQUE DU JOUR

Hector Berlioz (1803-1869)


Les nuits d’été, Op. 7, H. 81
Harold en Italie, Op. 16, H. 68

Timothy Ridout, alto
Michael Spyres, ténor
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
John Nelson, direction

Un album du label Erato 5054197196850

Sir Edward Elgar (1857-1934)


Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur, Op. 85 (arr. pour alto : Lionel Tertis)


Ernest Bloch (1880-1959)


Suite pour alto et orchestre, B. 41

Timothy Ridout, alto
BBC Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902618

Photo à la une : l’altiste Timothy Ridout – Photo : © Kaupo Kikkas…

Et lire aussi _ et surtout _ l’excellent article très détaillé, lui, de Laurent Bury, intitulé « Les Nuits d’été par Michael Spyres – et si en plus il était soprano ? » en date du 19 novembre 2022, sur le site de Première Loge :

Les Nuits d’été par Michael Spyres – Et si en plus, il était soprano ?

19 novembre 2022

Le label Erato poursuit son projet Berlioz dirigé par John Nelson, après notamment des Troyens très remarqués et un Benvenuto Cellini qui n’est pas non plus passé inaperçu. Le chef américain a trouvé ses interprètes de prédilection, que l’on retrouve donc d’un disque à l’autre (Joyce DiDonato, par exemple), mais pour graver Les Nuits d’été, il n’a pas choisi de respecter le souhait du compositeur, qui prévoyait _ en 1856 _ des chanteurs différents pour les six poèmes de Théophile Gautier. Ou du moins, il a préféré un seul interprète qui se targue d’avoir plusieurs voix. Ce n’est en effet plus un secret pour personne : après avoir longtemps été ténor, Rossini étant d’abord son terrain d’élection, Michael Spyres se présente désormais comme baryténor _ voilà ! cf par exemple mon article du 23 octobre 2021 : « «  _, alternant à volonté ces deux timbres, comme il le faisait récemment dans un disque portant exactement ce titre. C’est ce qui lui permet un exploit supplémentaire : respecter la tonalité d’origine pour chacune des pièces.

Heureusement, il ne prétend pas encore pouvoir être aussi soprano, mezzo, ou contre-ténor. Car, par-delà la performance physique, il n’est pas sûr que l’auditeur s’y retrouve vraiment _ aïe – aïe… D’une part, parce que l’on a plus d’une fois l’impression que Michael Spyres s’écoute chanter _ hélas… _ , tout content d’étaler des graves de baryton, voire de baryton-basse. C’est en particulier le cas dans « Le Spectre de la rose » _ ampoulé, en effet _ et dans « Sur les lagunes »  _ trop théâtral, opératique… _ : le chanteur se fait plaisir, s’enivre du beau son qu’il est capable de produire dans une tessiture où l’on ne l’attendait pas a priori, mais il en perd de vue l’émotion qui devrait affleurer _ avec bien plus de naturel… _ et qu’ont si bien su traduire d’autres artistes _ mais oui, à commencer par Régine Crespin ou Janet Baker, ainsi que pas mal d’autres… Il y a là un peu trop d’art et pas assez de naturel _ voilà, voilà ! C’est exactement ça ! De même, la Villanelle initiale manque _ voilà ! _ de fraîcheur : le tempo en est bien _ trop _ lent, et il manque surtout l’entrain _ voilà encore ! _ que l’on aimerait y entendre. De manière générale _ et c’est parfaitement juste _, c’est une approche très « opéra » qui a été adoptée ici  _ à tort !  en effet… _ , dont on peut penser qu’elle n’est pas forcément le meilleur choix pour cette partition qui, même orchestrée, n’est pas si éloignée de l’univers des salons _ mais oui _ auquel elle était au départ destinée.

La deuxième partie du recueil est en revanche beaucoup plus enthousiasmante _ et je partage complètement cet avis _, avec deux mélodies dans lesquelles on retrouve celui qui fut le plus somptueux des titulaires du Faust de La Damnation, qui savait nous tirer des larmes lorsqu’il invoquait la Nature immense. « Au cimetière » est une réussite totale _ oui, oui : sobre et juste, ai-je noté pour ma part… _, sur un texte qui convient à merveille au ténor – car c’est bien un ténor que l’on y entend, avec un chant qui relève bien plus de l’évidence _ oui ! et c’est cela qu’il faut pour entraîner la conviction… _ dès lors qu’il ne cherche plus à prouver quoi que ce soit. Michael Spyres y convainc pleinement _ oui _ et trouve _ enfin _ sans effort les accents les plus adéquats, avec cette diction stupéfiante du français qui est depuis longtemps sa caractéristique. « L’île inconnue » fonctionne aussi très bien _ c’est exactement ce que j’ai moi-même aussi noté ! _, prise à un tempo allant _ oui, oui _, et avec un bel effet de dialogue entre le nautonier et sa belle.

Le programme est complété par Harold en Italie avec le jeune altiste britannique Timothy Ridout en soliste. Déjà protagoniste des deux intégrales d’opéra mentionnées plus haut, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg y livre également une fort belle prestation, John Nelson excellant à traduire les atmosphères évoquées par Berlioz, comme le montrait déjà « Au cimetière », décidément le sommet _ oui, avec L’île inconnue _ de ces Nuits d’été. Ah, si monsieur Spyres avait bien voulu partager avec ses camarades…

Voici aussi un choix de quelques liens _ au nombre de 5 _ à un florilège de précédents articles miens à propos de diverses belles interprétations de ces sublimes berlioziennes « Nuits d’été » que j’aime tant… :

_ le 24 octobre 2011 : « « 

_ le 19 janvier 2019 : « « 

_ le 12 février 2019 : « « 

_ le 22 février 2019 : « « 

_ le 23 mai 2020 : « « 


Voilà.

Ce vendredi 14 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La merveilleuse surprise d’un Jean Rondeau enfin justissime, et non hystérisé, en un magnifique programme « Gradus ad Parnassum », sur un superbe clavecin de Jonte Knif et Arno Pelto : de Palestrina à Debussy, en passant par Haydn, Mozart, Clementi et Beethoven, et bien sûr Fux, l’auteur du « Gradus ad Parnassum », en 1725 ; un miraculeux CD. Ou la révélation de ces oeuvres en leur absolu « naturel » par leur interprétation au clavecin…

02mar

C’est une magnifique _ divine… _ surprise que Jean Rondeau, enfin justissime et non hystérisé _ peut-être parce que le fond de l’affaire, cette fois-ci, est, au moins en son départ, et à sa base, l’assez exigeant contrepoint (de Fux : célèbre Kapellmeister de la cour de Vienne, organiste, compositeur, pédagogue estimé et auteur du Gradus ad Parnassum, en 1725, un traité de composition dont la force et le très durable succès résident dans sa consolidation des traditions contrapuntiques héritées des deux siècles précédents. Les interprétations qui s’ensuivent, en ce CD de Jean Rondeau, étant, elles, tout au contraire, et il faut bien le souligner, rayonnantes de « naturel« , d’élégance et même de tendresse ; sans la moindre once de rigide ni de forcé… _, vient nous offrir en un vraiment splendide, absolument maîtrisé, et d’une fluidité merveilleusement naturelle _ oui, oui, il me faut bien y insister _ et inventive, CD intitulé « Gradus ad Parnassum«  _ le CD Erato 5054197416170  _,

avec un merveilleux programme d’œuvres bâties autour et à partir de ce fameux Traité de contrepoint et composition musicale, de 1725, qu’est le « Gradus ad Parnassum« , du compositeur Johann-Joseph Fux (Hirtenfeld, 1660 – Vienne, 13 février 1741),

et cela sur un superbe clavecin de Jonte Knif & Arno Pelto (de 2006) _ et avec une superlative prise de son d’Aline Blondiau, en la fameuse salle de musique de La Chaux-de-Fonds, à l’acoustique parfaite ! où ce miraculeux enregistrement a eu lieu du 8 au 12 octobre 2021 _ :

un programme tout à la fois ingénieux, inventif _ et d’abord dans le choix, au départ audacieux, d’interpréter toutes ces œuvres, jusqu’à celle de Debussy, Doctor Gradus ad Parnassum, un pastiche de la série d’exercices pour le piano Gradus ad Parnassum, composée par Muzio Clementi, qui constitue la première pièce de « Children’s corner« , entre 1906 et 1908), sur clavecin ! Un choix qui n’a rien d’arbitraire et gratuit, et permet rien moins que leur lumineuse révélation !!!.. _ et absolument splendide,

qui va de Giovanni-Pierluigi da Palestrina (1525 – 1594) à Claude Debussy (1862 – 1918),

en passant par Joseph Haydn (1732 – 1809), Wolfgang-Amadeus Mozart (1756 – 1791), Muzio Clementi (1752 – 1832) et Ludwig van Beethoven (1770 – 1827),

et bien sûr Johann-Joseph Fux (1660 – 1741), l’auteur du célébrissime Traité de contrepoint intitulé « Gradus ad Parnassum« , en 1725…

Qu’on écoute, en particulier, les merveilles tout simplement admirables _ et quasi inouïes jusqu’ici à un tel degré de perfection en leur absolu « naturel«  ! _ qu’obtient ici, sur le clavecin, Jean Rondeau,

dans les 28′ de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn,

dans les 6′ 24 de la Fantaisie n°3 K. 397 et les 6’23 de l’Andante de la Sonate n°16 K. 545 de Mozart,

ou dans les 6’07 de l’Étude n°14 du Gradus ad Parnassum de Muzio Clementi…

C’est renversant de beauté de classicisme libre et lumineusement, tout en sourire, épanoui,

voilà ;

et qui, sans la moindre précipitation un peu trop virtuose, sait merveilleusement prendre tout le temps, serein, lumineux et joyeux, qu’il y faut, pour que ces pièces, en toute plénitude de leur « naturel« , viennent vraiment s’épanouir…

Ce à quoi il faut ajouter aussi que l’instrument qu’est ce clavecin magnifique _ de Jonte Knif et Arno Pelto (de 2006) _, et cette prise de son superlative _ d’Aline Blondiau _, aident aussi, afin de servir en toute perfection la gracilité toute simple splendidement épanouie, déjà, de ces pièces _ la majorité d’entre celles-ci (8/12) étant postérieures à l’invention (au mitan du XVIIIe siècle), et rapide triomphe, du piano-forte…

Ces Haydn et Mozart, servis donc ici au clavecin par Jean Rondeau, sont ainsi comme enfin révélés à eux-mêmes, voilà, mieux encore que par le pianoforte, ou le piano classique de concert :

j’en prendrai pour exemple une comparaison de cette si heureuse et radieuse interprétation-ci par Jean Rondeau (en 28′) de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn _ probablement l’acmé de ce si beau CD ! _avec l’interprétation _ qui m’avait pourtant bien plue : « épatamment jeune« , « pétulante« , disais-je…  _ du cher Christian Zacharias (en 17′ 39″ _ contre les 28′ de Jean Rondeau : une différence considérable… _) sur un Steinway Concert Grand Piano D. 1901, en son récent très réussi CD « Haydn Sonatas » MDG 940 2257-6cf mon article du 31 janvier dernier : « « 

Quelle interprétation de Jean Rondeau en tout ce CD « Gradus ad Parnassum » ! Quel jeu !!! quelles délices !

Un pur ravissement de musicalité… Et cela grâce au clavecin, mais oui !

Une fête qui nous comble !!!

Une absolue révélation musicale, donc, par ce très évident CD !

Ce jeudi 2 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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