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A propos de la genèse à retardement (de l’été 1914 à l’été 1917) du sublimissime « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel : quelques modestes amorces de réflexions sur la genèse d’un intensément touchant chef d’oeuvre…

27avr

Ainsi que le remarque Manuel Cornejo, à la page 794 de son admirable et indispensable _ pour tout mélomane s’intéressant à Ravel... _ « Intégrale » de la Correspondance de Maurice Ravel _ du moins la correspondance accessible jusqu’ici au public : une nouvelle édition devant intégrer de nouvelles lettres devenues accessibles depuis l’édition de 2018… _ (1895 – 1937) _ de Manuel Cornejo, lire ce riche entretien de janvier 2019, avec Nathalie Jungermann _,

« Il ne faut pas négliger (…) le fait que Ravel n’ait plus composé d’œuvres pour piano seul après 1917« ,

soit après l’achèvement, à Lyons-la-Forêt, chez ses amis Fernand Dreyfus (Sélestat, 24 août 1850 – Paris 17e, 17 novembre 1923) et son épouse Madame Fernand Dreyfus (née Marie Spies : Hasselt, 16 janvier 1871 – ?, 1958) _ qui fut la marraine de guerre de Maurice Ravel du 14 mars 1916 au 1er juin 1917,  jours de la mobilisation et de la démobilisation de celui-ci ; et qui était la mère de son ami et élève (et futur biographe) Roland-Manuel (Paris 8e, 22 mars 1891 – Paris 10e, 1er novembre 1966), né du premier mariage de celle-ci, Marie Spies, avec Salomon-Paul Lévy (décédé en 1905) ; Marie Spies, veuve Lévy, avait épousé Fernand Dreyfus le 24 novembre 1908, celui-ci ayant deux enfants de son premier mariage avec Isabel de Freitas Coutinho : René Dreyfus (né en 1887), et Jean Dreyfus (Sao Polo, 13 décembre 1896 – Rancourt, Somme, 14 octobre 1917), auquel Ravel a dédié le « Menuet«  de son « Tombeau de Couperin« … _, des six pièces pour piano à deux mains _ « Prélude« , « Fugue« , « Forlane« , « Rigaudon« , « Menuet » et « Toccata »  _ du « Tombeau de Couperin« … _ pour le piano, Ravel ne composera plus, mais bien plus tard seulement, que ses deux Concertos pour piano et orchestre, publiés tous les deux en 1931 ;

cf aussi mon article « «  du 23 avril dernier…

Une constatation rétrospective à mettre en perspective avec ce mot de Ravel, alors en convalescence à Megève, le 13 mars 1919, à Edgar Varèse (à la page 663 de l' »Intégrale« ) :

« Repos absolu, cure de soleil, de froid, etc… Je ne crois pas que je sois bien guéri _ entre autres maux de sa dépression… _, mais je ne vais pas tarder à rentrer. J’ai hâte de me remettre au turbin.

Songez que depuis plus de quatre ans, je n’ai absolument rien fait _ Le Tombeau de Couperin, terminé _ l’été 1917, à Lyons-la-Forêt, chez ses amis Dreyfus _ après ma réforme _ survenue le 1er juin 1917 ; et très vite après cette démobilisation, Ravel, toujours sous le choc de la perte cruelle de sa chère mère, décédée le 5 janvier 1917, s’est empressé de quitter la demeure familiale endeuillée du 4 Avenue Carnot, à Paris, pour accourir, dès le 20 juin, à Lyons-la-Forêt, au « Frêne« , la maison de campagne de ses amis Dreyfus, où il se remet immédiatement et très assidument au travail sur « Le Tombeau de Couperin« , laissé inachevé fin 1914 : Maurice Ravel avait alors quitté Saint-Jean-de-Luz et regagné le nid familial du 4 Avenue Carnot à la mi-novembre… _, l’était aux trois quarts _ voilà ! _ en 1914 » _ le titre « Le Tombeau de Couperin«  donné à l’ensemble de ces six pièces pour piano à deux mains, date donc bien, lui aussi, de 1914 : il faut le relever en cette incise importante…

En effet, une lettre de Ravel _ qui résidait alors à Saint-Jean-de-Luz, villa Ongi Ethori, 23 rue Sopite _ à son ami  Roland-Manuel _ c’est en 1911 qu’Erik Satie avait présenté le jeune Roland-Manuel à Maurice Ravel _, en date du 26 septembre 1914 (à la page 395 de cette « Intégrale« ), indiquait déjà très clairement :

« Je vais me mettre _ au présent proche, sinon immédiat, de cet automne 1914 _ à une suite de pièces pour piano« 

Et au même Roland-Manuel _ et depuis cette même adresse 23 rue Sopite à Saint-Jean-de-Luz _, cette très intéressante précision-ci, encore, cinq jours seulement plus tard, à la date du 1er octobre 1914 (à la page 396) _ et cette fois c’est au présent actif de l’indicatif que s’exprime Ravel ! _ :

« Je commence deux séries de morceaux de piano : 1° une suite française (…) et il y aura une forlane, une gigue… » _ qui se révélera en fait finalement …un rigaudon ; mais les deux danses (de cette merveilleuse musique française des Suites des Couperin et de Rameau), sont ici d’ores et déjà indiquées ; et d’ores et déjà l’œuvre à venir s’inscrit dans ce registre de la suite de danses française…

Puis, et sans cette fois mention du lieu de rédaction _ mais Maurice réside alors au domicile familal des Ravel, à Paris, au n°4 de l’Avenue Carnot : il est rentré de Saint-Jean-de-Luz à Paris, chez lui, le 14 novembre 1914 _ en date du 2 janvier 1915, à l’occasion des vœux de nouvel an, ce mot à Theodor Szanto _ qui réside en Suisse, à Lausanne _ (à la page 406), qui comporte cette autre indication, décisive :

« Je suis très heureux d’avoir eu de vos nouvelles. Écrivez-moi de nouveau. Je vais sans doute partir bientôt _ pour le front : Ravel l’espère ardemment, et fait tout pour y parvenir… _, mais je ne pense pas qu’on m’envoie à Lausanne _ Ravel cherche très activement, en effet, à se faire mobiliser, et apprend même dare-dare à conduire, afin de pouvoir faire office de chauffeur (ce sera de camions) à l’armée... J’ai terminé mon Trio à Saint-Jean-de-Luz _ « Mon Trio est achevé« , Ravel a-t-il ainsi expressément confié à son ami Igor Stravinsky en un courrier en date du 26 septembre 1914 (page 395 de l’« Intégrale« ) : ce fut fait le 30 août… _ et voudrais achever Le Tombeau de Couperin _ voilà ! Le titre était donc alors bel et bien déjà choisi à la date de ce 2 janvier 1915 ! Et c’est ici, il faut le souligner, la toute première occurrence (du moins jusqu’ici connue) de ce titre de « Le Tombeau de Couperin«  donné à cette « suite française«  (annoncée, mais sans titre déterminé, à Roland-Manuel en un précédent courrier en date du 1er octobre 1914), présente dans la correspondance (accessible jusqu’ici) de Maurice Ravel… _ avant mon départ » _ pour l’armée, une fois que Maurice Ravel  aura été, sur son expresse et insistante demande, enfin reconnu mobilisable, puis effectivement mobilisé (ce qui sera le cas seulement le 14 mars 1916 : Ravel obtient alors un poste de conducteur de camions ; et il est envoyé dans la région de Verdun… ;

et une opportune note de bas de page de Manuel Cornejo vient indiquer très justement, en commentaire de ce vif désir d’achèvement du « Tombeau de Couperin« page 406 : « Maurice Ravel devra patienter jusqu’à sa démobilisation en 1917 _ le 1er juin _ pour achever _ l’été 1917, seulement _ la suite pour piano à Lyons-la Forêt« …

L’entrée de l’année 1917 est profondément marquée pour Maurice Ravel par le décès de sa mère, à Paris, le 5 janvier 1917 ; et il mettra beaucoup de temps à tenter de se remettre, difficilement, du chagrin terriblement violent pour lui, au quotidien des jours, de cette perte  _ et en novembre 1917, Maurice Ravel et son frère Edouard auront définitivement quitté le domicile familial des Ravel du 4 Avenue Carnot à Paris, pour déménager à Saint-Cloud, 7 Avenue Léonie _ ;

ce qui va aussi affecter durablement sa remise au travail musical, afin d’abord de lui permettre d’achever ce qui avait été aux trois-quart déjà réalisé en 1914 _ et à quoi il tient énormément ! _ pour cette suite pour piano à deux mains qu’est « Le Tombeau de Couperin« .

Mais, assez étrangement, sans que jamais cela apparaisse en les caractères de sa musique même…

À peine démobilisé le 1er juin 1917,

plusieurs courriers attestent de ce très difficile _ impossible ? _ retour de Maurice Ravel au domicile familial du 4 Avenue Carnot à Paris, puis de l’issue que très vite, immédiatement en quelque sorte, Ravel va trouver afin d’essayer de soigner cette dépression existentielle sienne, dans la reprise de son travail musical sur « Le Tombeau de Couperin » pour l’achèvement duquel il décide de partir se réfugier travailler au calme chez ses amis Dreyfus, à Lyons-la-Forêt, en Normandie.

Au Dr Raoul Blondel, de la Villa Le Frêne à Lyons-la-Forêt, à la date du 19 juin 1917, ainsi Ravel écrit-il ceci (page 582 de l' »Intégrale« ) :

« J’ai été réformé temporairement (…). J’ai quitté Paris quelques jours après _ pour Lyons-la-Forêt _ sans trouver un minute pour aller vous faire mes adieux, malgré mon désir. (…) Dès mon arrivée, je me suis rué au travail » _ sur « Le Tombeau de Couperin« , donc, laissé en souffrance, « terminé aux trois quarts« , en 1914.

Et à l’ami Lucien Garban (Nevers, 22 août 1877 – Paris 18e, 1§ janvier 1959), du Frêne, à Lyons-la-Forêt, à la date du 20 juin suivant, ceci (à la page 583) :

« À mon retour des Andelys, où j’avais passé 4 jours _ Maurice Delage en perme _, j’ai trouvé le piano et me suis remis au turbin. J’espère que ça va me faire supporter l’état de civil, troublé par le canon lointain _ vers la Somme _ qu’on entend toute la journée, et, la nuit, par tant d’autres choses !.. Ces réveils angoissants, où je la sens près de moi, me veillant…« …

Et surtout à Jacques Durand (Paris 6e, 22 février 1865 – Avon, 22 août 1928) _ son très fidèle éditeur de musique, et oncle de Jacques Charlot (Paris 17e, 13 septembre 1885 – Col de la Chapelotte, Meurthe-et-Moselle, 3 mars 1915), auteur de plusieurs réductions pour piano de pièces de Maurice Ravel, et à la mémoire duquel Ravel dédiera le « Prélude«  qui ouvre « Le Tombeau de Couperin«  _, de Lyons-la-Forêt, à la date du 7 juillet 1917, ceci  de très significatif  pour l’avancée du travail d’achèvement à réaliser du « Tombeau de Couperin » (à la page 584) :

« Cher ami,

Excusez-moi : il y a longtemps que je voulais vous écrire. Le temps passe incroyablement vite, quand on est au travail. Le Tombeau de Couperin s’élève. Le Menuet et le Rigaudon sont achevés. Le reste se dessine » _ de quoi rassurer et faire un peu patienter son éditeur…

Et enfin

_ au passage, je remarque que le recueil de correspondances réuni par Manuel Cornejo en son « Intégrale » de la Correspondance de Maurice Ravel, ne comporte aucune lettre de Maurice Ravel entre les dates du 20 septembre 1917 (une carte de deuil autographe signée, à Madame Charles Koechlin, page 588) et 21 février 1918 (une lettre autographe signée, à Jean Marnold, page 592), soit sur une durée de 5 mois... _,

à Roland-Manuel, de Saint-Cloud _ 7 Avenue Léonie, nouvelle résidence de Maurice Ravel et son frère Edouard _, le 1er mai 1918, ceci (à la page 593) :

« Faudra-t-il vous envoyer Le Tombeau de Couperin, qui va paraître ?« 

L’œuvre _ si parfaite ! quel chef d’œuvre ! Je reviendrai plus tard sur quelques témoignages (indirects) de réception, en 1918 par Roger-Ducasse, en 1919 par Francis Poulenc, en 1920 par Pierre Lalo… _ sera créée par Marguerite Long _ veuve de Joseph de Marliave (Toulouse, 16 novembre 1873 – Senon (Meuse), 24 août 1914), à la mémoire duquel est dédiée la Toccata finale de ce « Tombeau de Couperin«  : Ravel tenait beaucoup que ce soit elle (Nîmes, 13 novembre 1874 – Paris, 13 février 1966) qui en soit la créatrice… _ le 11 avril 1919 à la S. M. I., la Société de Musique Indépendante, salle Gaveau, à Paris.

Au final de ces précisions et réflexions,

il s’avère que si la décision de se mettre à la composition d’une suite française de danses pour le piano suit immédiatement l’achèvement de son Trio, le 30 août 1914 _ l’ordre de mobilisatin générale a été proclamé le 2 août 1914, mais lors de son conseil de révision, en 1895, Maurice Ravel avait été déclaré exempté de service militaire en raison de sa faible constitution (1 m 61, 48 kg, une hernie) _, à Saint-Jean-de-Luz _ cf la lettre à son éditeur Jacques Durand du 29 août 1914 (à la page 388 de l’« Intégrale« ) : « Cher ami, je termine demain mon Trio. 3 ou 4 jours pour le copier. Est-il prudent _ et utile _ de l’envoyer ? où ? Dès la semaine prochaine, j’irai me présenter à Bayonne _ afin d’ obtenir d’être malgré tout mobilisé.Toutes les raisons que l’on m’a données pour me dissuader, je me les suis données moi-même, mais je ne puis me rendre à la raison. _ Si l’on me refuse, je n’aurai qu’à m’incliner« … _, le choix, lui, de ce titre « Le Tombeau de Couperin » pour cette suite de danses françaises, date du dernier trimestre de 1914.

La question se pose donc de savoir si existe ou pas un lien du choix de ce titre de « Tombeau de Couperin » avec les décès déjà advenus cet été et cet automne 1914, au front, de ses amis Joseph de Marliave, le 24 août, de Jean Cruppi, le 4 novembre, et de Pierre et Pascal Gaudin, le 12 novembre 1914 ?

Le choix de ce titre (« Tombeau« ) est-il, au moins en partie, sinon directement, lié à ces décès de proches de Maurice Ravel ?

Ou bien, ce choix de « Tombeau de Couperin » est-il strictement musical, signifiant la nostalgie de Ravel _ en cette situation de guerre en cours depuis le 2 août 1914 pour la France _ pour ce registre et ce style si intimes _ et si français _ des Suites de danses françaises des 17e et 18e siècles, et singulièrement des si touchants « Tombeaux » de musique _ à partir de 1652, à partir des sublimes (!) « Tombeaux«  de Monsieur de Blancrocher des mains de Froberger, Dufaut, Louis Couperin : à écouter ici en cliquant… _ ?

Ajouté aussi, et peut-être surtout, à un désir de Ravel de complaire tout spécialement aussi à un souhait de son éditeur pour obtenir de lui, à ce moment, des pièces de piano _ intimes _, tel que cela apparaît en cet extrait de lettre de Ravel à son éditeur et ami Jacques Durand en date du 2 août 1914 _ le jour même de la proclamation de mobilisation générale dans tout le pays ! _ (à la page 382 de l’« Intégrale« ) :

« Pourtant _ à quels arguments, ou à quelle situation, répond donc ce « pourtant » ? À la déclaration de la guerre ?.. _, je me sentais en une période féconde de production. Tout en m’acharnant au Trio, d’autres œuvres, pièces de piano _ envisagées en premier _, poèmes symphoniques, étaient en projet _ « La Cloche engloutie » et « Zazpiak Bat » demeureront ainsi à l’état d’ébauches ; et « Wien«  deviendra « La Valse » en 1919-1920 De nombreuses notes m’en sont témoin. (…) C’est du devoir de reconnaissance qui me lie étroitement à vous que je veux parler. Il est le seul qui m’ordonne de m’incliner devant votre décision, quelle qu’elle soit : vous n’avez qu’un mot à m’envoyer : j’abandonnerai tout aussitôt mon Trio _ encore en chantier, donc, à cette date du 2 août : il sera achevé le 30 août suivant _ et les autres choses, et vous confectionnerai tant de morceaux de piano que vous désiriez _ nous y voici donc ! Et « Le Tombeau de Couperin«  sera bien, en effet, une « suite pour piano deux mains« …  J’y mettrai assez de conscience, ou à défaut assez d’habitude, pour que mon éditeur et ami ne soit pas trop mécontent« .

Il reste difficile de savoir à quel moment précis de cet automne 1914 Maurice Ravel a-t-il décidé d’intituler « Tombeau« , et même « Tombeau de Couperin« , cette Suite de pièces de danses française pour piano ?

Et quelle part ont pris à cette décision d’intitulation « Tombeau« , les décès de ses amis Joseph de Marliave, Jean Cruppi, et Pierre et Pascal Gaudin, aux mois d’août et novembre 1914 ?..

L’écriture de ces six Pièces de piano est-elle née spécifiquement d’un immédiat désir d’hommage à ces amis disparus ?

Ou bien la décision de ces dédicaces est-elle postérieure à la composition, du moins première, de trois de ces Pièces, la « Toccata » (dédiée à Joseph de Marliave, tombé à Senon, Marne, le 24 août 1914), la « Fugue » (dédiée à Jean Cruppi (tombé à Messines, Belgique, le 4 novembre 1914), et le « Rigaudon » (dédié à Pierre et Pascal Gaudin, tombés ensemble à Oulches-Hurtebise, Aisne, le 12 novembre 1914), étant entendu que ce « Tombeau de Couperin » sera et était déjà « aux trois-quarts » réalisé à la date du 2 janvier 1915, comme l’indique la lettre de ce 2 janvier 1915 à Theodor Szanto (aux pages 405-406 de l’« Intégrale« ) que j’ai citée plus haut ?

Ce qui, bien sûr, ne préjuge en rien d’un travail de reprise et de finition en 1917…

Quant à la « Forlane« , qui sera dédiée au luzien Gabriel Deluc (tombé à Souain-Perthes-lès-Hurlus, Marne, le 15 septembre 1916), Ravel avait au moins une idée de forlane en tête à la date du 1er octobre 1914, comme en témoigne la mention de cette danse dans la lettre à Roland-Manuel en date du 1er octobre 1914 (à la page 396 de l’« Intégrale« ) : « et il y aura une forlane, une gigue« …

À suivre :

demain, je m’attacherai aux premières réactions d’étonnement, voire réprobation, à l’égard de ce lien _ jugé paradoxal, voire inapproprié, ou carrément cynique, par quelques uns… _ entre ces danses et ce titre « Tombeau de Couperin« , avec les dédicaces à ces amis tombés au front, de la part d’un Ravel jugé « froid« , excessivement détaché _ mais « The dead have sorrow enough« , selon la merveilleuse parole rapportée (de Ravel ?) par Michael Hopcroft, qui conclut mon article «  » du 23 avril dernier : la musique pouvant faire office de baume de joie régénérateur, pour de défunts amis aussi, qui y seront très sensibles, par-delà les vies passées, et les nuées des ciels…

En cette sublime (et ravelissime) musique.

Ce samedi 27 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Epatantissime « Frescobaldi’s Manuscripts » d’Adrien Pièce, en un superbe double album Claves… Un Frescobaldi vivant et incarné à la perfection, touché tant au clavecin qu’à l’orgue par ce jeune brillant et très juste claviériste vaudois !

30mai

Fort longtemps,

je me suis plaint de ne pas entendre le Frescobaldi (Ferrare, 13 septembre 1583 – Rome, 1er mars 1643) si réputé dans l’histoire de la musique _ maître, par exemple, du merveilleux magique Froberger (Stuttgart, 18 mai 1616 – Héricourt, 7 mai 1767), tellement admiré ; que dis-je, vénéré ! _, que j’espérais écouter enfin incarné comme il le fallait, au disque, par ses divers interprètes…

Cf par exemple mon article du 14 septembre 2021 « La délicatesse de l’interprétation du clavier de Girolamo Frescobaldi : quel interprète choisir ?« 

_ avec son renvoi à deux précédents articles témoignant de mes endémiques jusque là insatisfactions discographiques, celui du 28 avril 2019 : « «  ; et celui du 21 décembre 2019 : « « 

Or voici qu’un double album Claves 50 3074/75 « Frescobaldi’s Manuscripts« , à l’orgue et au clavecin, par le jeune claviériste vaudois, né à Bex en 1988, Adrien Pièce, vient ce jour enfin superbement combler mes espérances musicales…

Voici Girolamo Frescobaldi réincarné tout vivant sous ses doigts…

M’a fait connaître la parution toute récente de ce double album Claves,

un remarquable article du 21 mai dernier, sous la plume du toujours perspicace Frédéric Munoz, sur le site de ResMusica,

intitulé « Les manuscrits de Girolamo Frescobaldi sous les doigts inspirés d’Adrien Pièce, à l’orgue et au clavecin » :

, musicien _ très _ réputé _ un immense maître ! _ de la première moitié du XVIIᵉ siècle, a composé de nombreux recueils _ musicaux _ publiés, dont plusieurs _ une très bonne part _ sont consacrés au clavier. D’autres œuvres, non éditées, sont restées à l’état de manuscrits qu’ sort de l’ombre sur deux instruments à claviers.

Largement reconnu de son vivant _ absolument ! et bien au-delà de l’Italie seulement… _, Frescobaldi bénéficia d’un important réseau de mécénat qui permit la publication _ souvent fastueuse _ de nombreux Livres de musique, essentiellement dédiés au clavier. Ces derniers sont très populaires _ en effet _ et largement joués et enregistrés _ oui. Pour autant, on découvre avec cet album d’autres œuvres pour le clavier restées dans l’ombre, car n’ayant pas fait l’objet d’une édition _ voilà ! dispendieuse… _ du vivant de l’auteur. On a ainsi recensé en Italie une centaine de manuscrits de la première moitié du XVIIᵉ siècle, dont certains sont fortement attribuables à Frescobaldi. D’éminents musicologues et spécialistes dont Etienne Darbelay ou Luigi Ferdinando Tagliavini ont établi par de nombreuses recherches de quoi proposer une édition regroupant les manuscrits pour le clavier de Frescobaldi _ voilà…

Les sources de ces manuscrits sont nombreuses, réparties dans diverses bibliothèques en Italie, Allemagne et Angleterre _ oui. Les authenticités sont parfois difficiles à établir, mais le style général de ces œuvres se rapproche complètement de celui du grand maitre du clavier _ avec pas mal d’élèves formés par lui, ou auprès de lui, notamment à Rome… _ que fut Frescobaldi. Les formes musicales retrouvées sont du même ordre que celles déjà connues : Toccatas, Canzone, Chaconnes, Partitas, Danses… D’autres compositeurs, dont Louis Couperin _ (Chaumes-en-Brie, vers 2626 – Paris, 29 août 1661) ; après sa rencontre à Paris avec Johann Jakob Froberger _ ou Johann Jakob Froberger, ont interféré dans ces documents au point que l’on peut avancer le fait que parfois ils puissent être les auteurs de certaines pièces. Mais peu importe finalement _ en effet ! _, l’essentiel étant la musique _ oui ! _ et ce qu’elle apporte pour une connaissance plus large de celui qui fut l’organiste du pape à Rome. On peut d’ailleurs encore entendre l’orgue monumental dont il était le titulaire à la basilique Saint-Jean de Latran.

L’album propose deux CDs, tour à tour consacrés à l’orgue et au clavecin. C’est un choix très judicieux quand on sait combien la musique de Frescobaldi est inféodée à ces deux instruments. Le premier CD « orgue » a été enregistré à Lausanne en l’église Saint-François qui possède plusieurs instruments dont un d’esthétique italienne ancienne, construit en 1990 par Barthélémy Formentelli, spécialiste de ce type de facture. C’est un orgue de taille moyenne parfaitement adapté à ce répertoire. Il est à noter que l’orgue a été ré-harmonisé en 2020 par Jean-Marie Tricoteaux qui lui a donné un son quelque peu différent, plus proche d’un esprit italiano-germanique. Bien sûr certaines œuvres sont logiquement destinées à l’orgue, notamment les pièces pour la liturgie : Élévations, Hymnes ou Ricercari. L’interprète place aussi à l’orgue des Canzone et diverses Toccatas  _ par exemple celle-ci, la n°4, conservée à Rome, à la bibloteca vaticana, avec la cote « Chigi Q. IV.25 » : à écouter ici (la plage est d’une durée de 4′ 36″) _, de style assez variés.

Concernant le clavecin du second disque, il s’agit d’une très belle copie d’un instrument italien du XVIIᵉ siècle réalisée en 2014 par le facteur Matthias Griewisch. Ici sont regroupées d’autres œuvres à caractère plus profane. Outre quelques Danses, Balleti ou Passacailles, quelques Suites de variations sur des thèmes à la mode sont de la meilleure veine. On retrouve avec bonheur _ oui ! _ les airs de La Monica, Ruggieri et Romanesca _ notée n°26, conservée à la bibliothèque privée Cosimo Prontera, à Brindisi : à écouter ici (la plage est d’une durée de 2′ 42″). L’exubérance de la musique est totale _ absolument ! _ et servie avec clarté _ oui _ par les sonorités du clavecin.

Il faut louer ici le jeu à la fois brillant et profond _ tout à fait _  d’ qui, tant à l’orgue qu’au clavecin, au-delà d’une maitrise totale des ces deux instruments, apporte un discours nourri et inspiré _ oui ! Grâce à lui, un pan entier de musique nous est révélé _ voilà Et c’est un apport considérable à notre connaissance de l’œuvre de Frescobaldi… _ pour une meilleure connaissance et une compréhension approfondie d’un répertoire qui se hisse largement au niveau des œuvres déjà connues et éditées du vivant de Frescobaldi _ mais oui. La présentation de l’album est très soignée, tant par les textes instructifs que par les prises de son, de _ très _ grande qualité.

Girolamo Frescobaldi (1583-1643) :

Pièces manuscrites non-éditées.

Adrien Pièce à l’orgue italien Barthélémy Formentelli (1990) harmonisation Jean-Marie Tricoteaux (2020) de l’église Saint-François à Lausanne (Suisse), et au clavecin italien Matthias Griewisch (Bammental 2014).

2 CD Claves.

Enregistrés à Lausanne en juillet 2021 et à Haltingen (Allemagne) en août 2021.

Durée totale : 118:21

Un double CD magnifique et très important !

Ce mardi 30 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter l’admirable chanson « Tu crois ô beau soleil », de Louis XIII (et Pierre de La Barre) : magique acmé du génial CD d’Arnaud De Pasquale « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII »…

20jan

Le magique _ et magistral ! _ CD « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII » (CD Château de Versailles Spectacles CVS 047) du claveciniste _ virtuose… _ Arnaud De Pasquale _ avec ici, un bref échantillon vidéo de 2′ _,

a probablement pour acmé la chanson _ merveilleuse ! _avec ses variations _ splendides : par Pierrre de La Barre, épinette et organiste du roi…_,  composée par le roi Louis XIII lui-même, « Tu crois ô beau soleil« ,

telle que rapportée et spécifiquement notée par Marin Mersenne en son « Harmonie universelle » (de 1636-37)…

De cette chanson composée par Louis XIII,  une seule version chantée m’a jusqu’ici été accessible sur le web :

celle réalisée, en 1967, sur le disque Pathé-Marconi DTX 329 _ cf ici les intéressantes précisions données au verso de ce disque… _ intitulé « Louis XIII Roi de France » _ un enregistrement comportant, outre cette chanson « Tu crois ô beau soleil«  (suivie de ses diminutions réalisées par Pierre Chabanceau de La Barre, « épinette et organiste du Roi et de la Reyne«  : des diminutions « que les mains les plus adroites et les plus vites peuvent exécuter« , comme l’indique Marin Mersenne, « afin que cet exemple serve d’idée à la perfection du beau toucher« …), le célèbre « Ballet de la Merlaison«  (de 1635), ainsi que les brefs Psaume CXXX et Psaume V _, par divers musiciens du Groupe des Instruments Anciens de Paris, dirigé par Roger Cotte :

les chanteurs Geneviève Roblot (soprano), Michel Fauchet, Jacques Husson (ténors) et Bernard Cottret (basse), avec, au luth, Jean-Pierre Cotte, et au clavecin, pour les diminutions, Marcelle Charbonnier.

Sur ce précieux podcast de 24′,

le « Ballet de la Merlaison » est donné du début jusqu’à 12’54 ;

et c’est à 12′ 55 que débute la chanson « Tu crois ô beau soleil« , interprétée par les 4 chanteurs ;

puis, de 15′ 02 à 21′ 24, la claveciniste Marcelle Charbonnier interprète les diminutions réalisées par Pierre de La Barre sur la chanson du roi… 

On peut comparer cette réalisation de 1967 avec celle de février 2005, instrumentale seulement, cette fois, et historiquement mieux informée _ et vraiment très belle, déjà… _ d’Olivier Schneebeli, avec les Symphonistes du Centre de Musique Baroque de Versailles, sur le très réussi CD Alpha 097 intitulé « Nicolas Formé _ Le Vœu de Louis XIII » :

le podcast de la chanson dure ici 2′ 24…

Pour revenir à l’interprétation, absolument, merveilleuse, au clavecin, d’Arnaud De Pasquale

en son admirable CD « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII » (CD Château de Versailles Spectacles CVS 047),

celle-ci se situe à la plage 20 de ce CD (d’une durée totale de 70′ 36),

et dure 9’46 :

elle constitue à coup sûr l’acmé de cet admirable travail d’interprétation d’Arnaud De Pasquale… 

Le 10 janvier dernier, sur l’excellent site ResMusica,

l’excellent organiste Frédéric Muñoz, a publié une excellente très éclairante chronique, très justement intitulée « Arnaud De Pasquale nous révèle le clavecin français sous Louis XIII« ,

que je m’empresse de donner ici,

avec mes farcissures :

Arnaud de Pasquale nous révèle le clavecin français sous Louis XIII

Le clavecin en France sous Louis XIII représente la période d’éclosion _ oui ! _ de cet instrument, appelé à s’imposer jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Arnaud de Pasquale nous propose de mieux connaitre ce monde fascinant, inspiré par la danse _ un art très français _ et par l’Italie.

Le règne de Louis XIII se déroule depuis la mort d’Henri IV en 1610 et ce durant 33 ans _ 14 mai 1610 – 14 mai 1643. Comme nous l’explique Arnaud de Pasquale, ce monde déjà lointain ne laisse que quelques traces _voilà _ presque tardives _ oui _ à l’exception de rares pièces dont l’une _ la chanson « Tu crois, ô beau soleil » composée par le roi Louis XIII, suivie de ses diminutions réalisées par l’épinettiste du roi, Pierre de La Barre _ dans le Traité de l’Harmonie universelle du Père Marin Mersenne, et d’autres de Jacques Champion de Charbonnières ou de Louis Couperin. Cette période connait sous l’impulsion même du roi, danseur _ oui _ et compositeur _ oui _, un élan sensible vers la musique de ballet _ oui _ où la danse occupe _ bien sûr _ une place centrale. Divers instruments _ oui _ servent ces musiques dont le luth, la viole ou le clavecin. L’improvisation y est très présente _ oui, ainsi que les diminutions _ ce qui permet d’adapter au mieux les situations. Le programme offre ainsi une quarantaine de pièces dont certaines sont originales _ au disque _ et constituent quelques points de repères utiles. Les autres sont des adaptations pour le clavier _ voilà _ par l’interprète. Tout un monde nouveau _ oui : à dimension de continent, même ! _s’offre alors à l’écoute au travers de musiques issues de ballets de cour ou un groupe assez vaste d’auteurs _ oui ; ainsi que quelques pièces demeurées anonymes, aussi _ intervient.

Une ambiance de fête _ absolument ! _ traverse ce disque _ et il fallait bien çà pour ce roi au tempérament mélancolique… J’ai déjà dit ailleurs (cf mon livret du  CD « Un portrait musical de Jean de la Fontaine«  dont j’ai composé 90 % du programme…), que le chanteur (d’origine bayonnaise), Pierre de Nyert (1597 – 1682) était à disposition permanente, jour et nuit, du Roy, pour le distraire de ses accès de mélancolie… Les pièces sont judicieusement regroupées par tonalités en quatre suites en ut, ré, fa et sol, mais l’auditeur pourra s’amuser à les écouter également en lecture aléatoire comme le permettent la plupart des appareils. On découvrira même _ au moins _ deux pièces écrites par le roi Louis XIII lui même _ oui : il a probablement participé à quelques pièces de divers ballets de cour… Ces musiques s’inspirent encore du siècle passé _ oui _  où la danse était omniprésente en Europe _ et plus particulièrement encore en France ; mais les musiques, de même que les musiciens, d’ailleurs, aussi, circulaient beaucoup, beaucoup, de par l’Europe entière… _, comme l’atteste cette Courante de Michael Praetorius, réminiscence de la Renaissance.

Arnaud de Pasquale a choisi deux clavecins qui lui paraissent traduire au mieux la musique française de ce début du XVIIᵉ siècle. Aucun clavecin français de l’époque _ hélas _ ne subsiste, le premier _ conservé _ étant de 1658, construit par Jean Denis ; aussi le claveciniste s’est-il plutôt tourné vers des copies d’instruments qui circulaient à la cour à cette époque, notamment des modèles flamands et italiens. On entendra ici un instrument d’esprit italien construit en 2005 à Barbaste par Philippe Humeau _ oui _  et un autre, flamand, restauré par Emile Jobin en 1991, édifié par Ioannes Rückers, de 1612. Ces instruments sonnent assez différemment de ceux qui viendront par la suite _ oui _ et exaltent magnifiquement _ oui, oui _ ce répertoire _ plutôt jubilatoire (et éloigné de la musique anglaise, à la Dowland)… _ de danceries et de chansons…

Dans cette frénésie rythmique _ voilà ! que sert splendidement la virtuosité dépourvue de tout maniérisme d’Arnaud De Pasquale _ on retrouve les fastes de la Renaissance pas si éloignés encore _ certes… Et Louis XIII, très cultivé, avait aussi une mère italienne… Une montée en puissance s’opère par moments jusqu’à demander la complicité _ jubilante _ de François Guerrier au deuxième clavecin dans quelques mouvements endiablés _ voilà : mais sans hystérie… _ qui rendent les instruments envahissants enivrants _ oui. Arnaud de Pasquale transcende ces répertoires « retrouvés » par un jeu très vivant _ oui ! _ et puissant _ oui _, et par la portée _ éloquente _ qu’il procure au discours _ oui. Le clavecin ainsi représenté préfigure l’époque suivante qui verra l’apogée _ à partir de Frescobaldi, Froberger et Louis Couperin, pour commencer… _ de cet instrument sous les règnes de Louis XIV et Louis XV, et se prolongera jusqu’à la fin de la royauté avec l’arrivée du pianoforte _ en effet.

Œuvres d’Etienne Moulinié (1600-1669), Jacques Chambonnières (1601-1672), Charles Bocquet (1570-1615), Anthoine Boësset (1586-1643), Louis XIII (1601-1643), Louis Couperin (1626-1661), Guillaume Dumanoir (1615-1697), Michael Praetorius (1571-1621), Claude Le Jeune (1528-1600).

Quatre Suites en Ré, Ut, Fa et Sol d’après divers auteurs français du XVII° siècle, reconstituées et jouées par Arnaud de Pasquale :

clavecins Philippe Humeau et Emile Jobin d’après Joannes Ruckers et un modèle italien.

1 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistré au château de Montgeroult en septembre 2019.

Livret en français, anglais et allemand.

Durée : 70:36

Un CD absolument enthousiasmant !!!

Et donc indispensable !!!

Ce jeudi 20 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un voyage dans l’Allemagne baroque musicale, de Johann-Kaspar Fischer (1656 – 1746) à Johann-Balthasar Kehl (1725 – 1778)

30août

Ce soir, l’actualité discographique nous donne l’occasion d’un très intéressant voyage musical dans l’Allemagne baroque du XVIIIème siècle…

Avec un CD du label Encelade _ ECL 2002 _ intitulé « Ich schlief, da träumte mir« , par la claveciniste Anne-Marie Dragosits ;

que nous présente, sur son site Discophilia, un article de Jean-Charles Hoffelé, intitulé, lui, « Visages du sommeil« ,

 

autour d’œuvres de 7 compositeurs,

allant de Johann-Kaspar Fischer (1656 – 1746) à Johann-Balthasar Kehl (1725 – 1778),

en passant par Johann Kuhnau (1660 – 1722), Christoph Graupner (1683 – 1760),

et Johann-Sebastian Bach (1685 – 1750) et ses fils Carl-Philipp-Emanuel (1714 – 1788) et Wilhelm-Friedemann (1710 – 1784)

VISAGES DU SOMMEIL

Les rêves tendres, la mort, les voluptés du repos, les abîmes des songes noirs, Anne Marie Dragosits conduit les splendeurs de son grand Clavecin Zell dans le monde entre baroque et Aufklärung, où se pressent toutes les contradictions _ ou variétés _ du XVIIIe siècle.

L’idée même de sommeil renvoie à la tragédie lyrique  _ dont l’Atys de Lully... _ et à l’omniprésence du style français _ oui ! _ dévié de l’art des luthistes _ oui _ qui se prolonge dans les œuvres des clavecinistes allemands, Christoph Graupner en tête, dont l’abondante œuvre de clavecin mériterait _ assurément ! _ d’être plus courue, et qui fait entendre cette persistance dont son Sommeille de la Suite « Febrarius » ou dans celui de la Partita VII, alors que Johann Kuhnau, dans sa Sonata quarta compose un lamento qui pourrait être tiré d’une cantate italienne : cette Hiskia agonizante e risanato semble venir d’une autre planète, anticipant sur les sonates narratives qui feront la fortune de Dussek.

Entre deux mondes donc, cette claveciniste sensible et brillante dévoile les feux du grand clavecin signé par Zell en 1728 et restauré par Martin Skowroneck en 1973 – l’instrument est pieusement conservé au Musée de Hambourg -, éblouissant ce répertoire rare de ses couleurs si vives, faisant chanter les polyphonies dans ses registres contrastés, animant dans le foisonnement de sa richesse harmonique les libertés et les inventions _ en effet _ de tout un pan de l’histoire de la littérature du clavecin.

Si elle goûte tant la variété que lui autorisent ces disques aux programmes transversaux, oserait-elle revenir à un album monographique ? – après tout, elle l’a bien fait voici quelques lustres pour Froberger – et toujours sur ce Zell miraculeux, elle pourrait nous offrir tout un disque consacré à Johann Caspar Fischer ? La grande Passacaille de la Suite « Uranie », qu’on croirait tirée d’un opéra de Lully, le commande _ Johann-Kaspar Fischer étant un des tout premiers compositeurs allemands à diffuser en Allemagne le grand style des tragédies lyriques de Lully.

LE DISQUE DU JOUR

Ich schlief, da träumte mir

Carl Philipp Emanuel Bach(1714-1788)
La Stahl & La mémoire raisonnée (Nos. 25 & 30, extraites des « Petites Pieces per il cembalo solo, Wq. 117 »)
An den Schlaf, Wq. 202
Variations sur « Ich schlief, da träumte mir »


Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784)
Réveille, F. 27
Fantasia, F. 15


Christoph Graupner (1683-1760)
Sommeille (extrait de la Suite « Febrarius », GWV 110)
Sommeille (extrait de la Partita VII, GWV 107)


Johann Kaspar Fischer (1656-1746)
Musicalischer ParnassusSuite No. 9 « Uranie »
(3 extraits : I. Toccata, IV. Sarabande, XI. Passacaglia)


Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Praeludium (Harpeggiando) en ut majeur, BWV 921
Komm süßer Tod (extrait du „Musicalisches Gesang-Buch, de Schemelli, 1736)


Johann Kuhnau (1660-1722)
Suonata quarta, « Hiskia agonizzante e risanato »


Johann Balthasar Kehl (1725-1778)
Wie schön leuchtet der Morgenstern

Anne Marie Dragosits, clavecin…

Un album du label L’Encelade ECL2002

Photo à la une : la claveciniste Anne Marie Dragosits – Photo : © DR

Ce lundi 30 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un récapitulatif commode de mes 106 « Musiques de joie » pour situation de confinement : du dimanche 15 mars au dimanche 28 juin 2020

29juin

Sous forme de courriels à certains de mes amis

avec lesquels je me suis initié à la recherche (et découverte !) de circonstances extra-musicales méconnues de la création musicale,

voici un récapitulatif commode de liens à mes 106 articles de « Musiques de joie« ,

au départ du dimanche 15 mars, premier tour des Élections Municipales 2020,

au dimanche 28 juin, second tour ;

pour temps de confinement…

Chers vous,
 
cette collection de 106 « Musiques de joie »
_ d’un dimanche d’Élections à un autre dimanche d’Élections,
avec cette expérience rare de confinement prolongé, qui m’a permis de mettre mieux (ou enfin !) à profit le trésor désordonné des piles de CDs de ma discothèque personnelle _
constitue, bien sûr, et forcément, un choix partiel et subjectif,  que j’espère cependant pas trop arbitraire.
 
Une sorte de vagabondage heureux à travers l’histoire, assez hiératique et imprévue, non calculée en tout cas, de la formation assez variée de mes goûts de mélomane vraiment curieux,
à défaut d’être effectivement musicien ;
ou comment retourner (un peu) à son profit les insuffisances rédhibitoires de sa formation…
 
Ce qui m’a offert d’étonnantes et bien belles rencontres, totalement imprévues et improgrammées, que j’ai appris aussi à cultiver avec passion en même temps que recul, de cette place un peu étrange et atypique, me semble-t-il, de mélomane inlassablement curieux, ouvert et …passionné !
 
Voilà pourquoi je tenais à inclure en ce bouquet de « Musiques de joie » ce qui a aussi marqué ce parcours personnel _ et atypique _ de réelles découvertes,
à travers l’attention méthodique que j’ai pu porter par exemple à La Fontaine et Marc-Antoine Charpentier, ou à Lucien Durosoir…
 
Ce qui a enrichi considérablement ce que j’ai naguère nommé « l’aventure d’une oreille »…
Et qui est aussi le charme d’une vie (un peu philosophique) épanouie à sa façon…
 
Avec reconnaissance,
 
Francis
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
10) mardi 24 :  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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         73) mardi 26 :    

 
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Réjouissez-vous !

Ce lundi 29 juin 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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